EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA POPULICULTURE AU QUÉBEC

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EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA POPULICULTURE AU QUÉBEC
VINCENT MIVILLE

    EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA
             POPULICULTURE AU QUÉBEC
  Analyse financière et perception des professionnels forestiers

                                    Mémoire présenté
        à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l'Université Laval
              dans le cadre du programme de maîtrise en Sciences forestières
                 pour l'obtention du grade de maître es sciences (M. Se.)

         DEPARTEMENT DES SCIENCES DU BOIS ET DE LA FORET
      FACULTÉ DE FORESTERIE, DE GÉOGRAPHIE ET DE GÉOMATIQUE
                        UNIVERSITÉ LAVAL
                              QUÉBEC

                                           2013

© Vincent Miville, 2013
EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA POPULICULTURE AU QUÉBEC
Résumé
    Dans un premier temps, nous avons réalisé une analyse financière de la populiculture
spécifique au contexte québécois. Par la suite, nous avons évalué la perception des
professionnels du milieu forestier par rapport à cette sylviculture avant et après les avoir
renseignés sur les aspects financiers de la populiculture. L'évaluation financière de 18
scénarios sylvicoles en populiculture fût réalisée en se basant sur une échelle de coûts réels
fournie par des populiculteurs québécois. Une analyse de sensibilité des différents intrants
nous a permis d'établir une fenêtre optimale de rentabilité pour la populiculture. Il s'avère
que le prix du bois et les subventions accordées aux traitements sylvicoles sont les deux
facteurs prépondérants dans la rentabilité de cette culture. La discordance des opinions
quant à la populiculture nous a amené à étudier la perception qu'entretiennent les
professionnels forestiers face à ce type de sylviculture. Contrairement à l'hypothèse de
départ, la présentation de données financières n'a pas permis d'obtenir un consensus sur la
question de la populiculture, mais a plutôt contribué à polariser davantage les opinions. Les
partisans invoquant son rendement sylvicole et les détracteurs alléguant la faible valeur de
la fibre créée en contraste avec l'intensité de la sylviculture que la populiculture requiert.
EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA POPULICULTURE AU QUÉBEC
Abstract
    First, we realized a financial analysis of poplar farming specific to the province of
Quebec. Subsequently, we evaluated the perception of forest professionals in regards to this
type of silviculture before and after being informed of the financial aspect of these
plantations. The financial evaluation of 18 silvicultural scenarios in poplar culture was
performed based on a scale of actual costs provided by poplar growers from Quebec. A
sensitivity analysis of the various inputs allowed us to establish an optimal window of
profitability for this type of silviculture. It turns out that the price of wood and subsidies for
silvicultural treatments are the two most important factors in the profitability of this culture.
The discrepancy of opinions toward poplar culture has led us to investigate the perception
of forest professionals. Contrary to the hypothesis, the presentation of financial data has not
yielded a consensus on the issue of poplar, but rather contributed to further polarize
opinions. Supporters citing its yield and detractors claiming the low value of the fiber
created in contrast to the intensity of silviculture required by poplar culture.
EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA POPULICULTURE AU QUÉBEC
Avant-Propos
    Contrairement à mes espérances, mes études en aménagement et environnements
forestiers offert par la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l'Université
Laval ont évoqué en moi plus de questionnements que de réponses. C'est pourquoi j'ai
décidé de poursuivre mes études au 2 ème cycle en sciences forestières pour étancher cette
soif de connaissance. La réalisation de trois stages estivaux en lien avec la culture du
peuplier hybride m'a amené bon nombre de questionnements. Les nombreuses discussions
concernant la rentabilité financière de cette culture avec mes camarades de classe et
professionnels de la forêt de différents horizons se concluaient constamment sur la même
note. D'une part, les opinions étaient tranchées et divergentes et d'autre part les arguments
ne s'appuyaient jamais sur des preuves tangibles. C'est donc pourquoi je me suis lancé tête
première dans ce projet, armé de la démarche scientifique, afin de résoudre la
problématique de la rentabilité financière de la populiculture dans le Québec, un sujet
souvent débattu mais peu étudié.

    L'analyse financière de la populiculture fût un travail de longue haleine, toutefois je
n'avais toujours pas répondu à une partie de mon questionnement. Pourquoi la
populiculture est-elle un sujet si controversé parmi les professionnels forestiers du Québec.
C'est pourquoi nous avons décidé d'évaluer la perception du milieu forestier quant à la
populiculture. Une hypothèse étant que la présentation de résultats financiers pourrait
sûrement réduire la polarisation des opinions provoquées par ce sujet.

    La démarche m'a amené à produire deux projets d'articles scientifiques dont je suis
l'auteur principal. Le premier s'intitule Évaluation de la rentabilité de la populiculture
dans le contexte québécois. Cet article m'a permis de réaliser l'évaluation financière de 18
scénarios différents (3 scénarios sylvicoles X 2 intensités X 3 échelles de coût) sur une base
de coûts réels fournis par des populiculteurs québécois. Une analyse de sensibilité nous a
permis d'établir une fenêtre optimale de rentabilité pour la populiculture. Le deuxième
article, Évaluation de la perception de la populiculture au Québec, m'a permis de
caractériser l'opinion des professionnels forestiers par rapport à la populiculture, sa
rentabilité et son potentiel de développement.
EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA POPULICULTURE AU QUÉBEC
IV

    La production de ces articles n'aurait pas pu être possible sans la collaboration de mes
deux codirecteurs à la maîtrise. Nancy Gélinas est professeure agrégée à la Faculté de
foresterie et de géographie et de géomatique de l'Université Laval où elle enseigne
l'économie, la finance et le marketing associé à la foresterie et aux produits du bois. Marc-
André Côté est ingénieur forestier et titulaire d'un doctorat en sciences forestières. Il est le
directeur-général de la Fédération des producteurs forestiers du Québec et il possède une
expertise en forêt privée ainsi qu'en politique forestière. Mes deux codirecteurs m'ont
accompagné lors de mes différentes recherches et ont largement contribué à l'amélioration
des articles présentés.
EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA POPULICULTURE AU QUÉBEC
Remerciements
    Je tiens particulièrement à remercier mes codirecteurs de maîtrise, Nancy Gélinas et
Marc-André Côté, qui m'ont accompagné lors de mes études graduées. Leur présence,
généreux conseils et encouragements m'ont permis de compléter mon parcours aux études
graduées.

    Je tiens aussi à remercier le Réseau Ligniculture Québec et Domtar qui m'ont soutenu
financièrement, à travers les projets MITACS, et techniquement tout au long de ce projet de
maîtrise. Je tiens particulièrement à remercier Raymond Vanier, Brigitte Bigué et Pierre
Gagné pour leur support. Je me dois aussi de remercier tous ceux qui ont contribué de près
ou de loin à la réalisation de ce mémoire de maîtrise, qu'il s'agisse de personnes m'ayant
fourni de précieux conseils ou tous les répondants à mes sondages.

    Je me dois aussi de souligner le support que m'a offert ma famille tout au long du
processus hasardeux que peut constituer une maîtrise. Je leur en suis très reconnaissant.
EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA POPULICULTURE AU QUÉBEC
Table des matières
Résumé                                                                                        i
Abstract                                                                                     ii
Avant-Propos                                                                                iii
Remerciements                                                                                 v
Table des matières                                                                           vi
Liste des tableaux                                                                          vii
Liste des figures                                                                          viii
Introduction générale                                                                         1
Évaluation de la rentabilité de la populiculture dans le contexte québécois                   3
Résumé                                                                                        3
Abstract                                                                                      3
   1. Introduction                                                                            4
   2. Méthodologie                                                                            7
      2.1 Évaluation des coûts réels d'une plantation                                         7
      2.2 Définition des scénarios sylvicoles                                                 9
      2.3 Autres données et hypothèses de calcul                                            12
      2.4 Modèle d'analyse financière                                                       15
   3. Résultats                                                                             17
      3.1 Coûts sylvicoles réels                                                            17
      3.2 Analyse de rentabilité des différents scénarios                                   17
      3.3 Analyse de sensibilité                                                            19
   4. Discussion                                                                            23
      4.1 Limites méthodologiques                                                           25
   5. Conclusion                                                                            25
Évaluation de la perception de la populiculture au Québec                                   28
Résumé                                                                                      28
Abstract                                                                                    28
   1. Introduction                                                                          28
   2. Objectif                                                                              30
   3. Hypothèse                                                                             30
   4. Méthodologie                                                                          31
      4.1 Réalisation du sondage                                                            31
      4.2 Analyse statistique des résultats                                                 32
   5. Résultats                                                                             34
      5.1 Statistiques descriptives                                                         34
      5.2 Facteurs d'influence                                                              37
      5.3 Influence de la présentation des rendements financiers sur la perception de la
      populiculture                                                                         38
      5.4 Influence de l'expérience sur la perception de la populiculture                   39
   6. Discussion                                                                            41
      6.1 Limites méthodologiques                                                           43
   7. Conclusion                                                                            43
Conclusion générale                                                                         46
Bibliographie                                                                               48
EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA POPULICULTURE AU QUÉBEC
Liste des tableaux

Tableau 1: Coûts réels des traitements sylvicoles en populiculture au Québec ($/ha de
     2010)                                                                               9
Tableau 2 : Liste des différents scénarios sylvicoles                                   12
Tableau 3 : Évolution du prix du peuplier naturel en forêt privée ($/m3 ) (FPBQ 2007-2011)
                                                                                          13
Tableau 4 : Analyse de rentabilité des différents scénarios pour une plantation d'un hectare
                                                                                          18
Tableau 5 : Variation de la VAN ($/ha) en fonction du prix du bois et du taux de
     subvention des travaux sylvicoles pour le scénario 12                                 20
Tableau 6 : Analyse financière du scénario 12 en fonction de différentes hypothèses de
     rendement                                                                             21
Tableau 7 : Variation de la VAN ($/ha) du scénario 12 en fonction des coûts de récolte et
     de transport                                                                          21
Tableau 8 : Répartition du milieu de travail des différents répondants sondés              34
Tableau 9 : Perception de la populiculture avant et après la présentation de l'analyse
     financière en fonction de l'expérience en populiculture des professionnels forestiers 36
Tableau 10 : Pointage moyen accordé à chaque facteur favorisant la rentabilité de la
     populiculture (exprimée en points)                                                    37
Tableau 11 : Pointage moyen accordé à chaque facteur nuisant au développement de la
     populiculture (exprimée en points)                                                    38
EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA POPULICULTURE AU QUÉBEC
Liste des figures

Figure 1 : Évolution de la VAN ($/ha) du scénario 12 en fonction de la variation du taux de
rendement et du coût des traitements sylvicoles                                         22
Figure 2 : Analyse financière présentée aux répondants                                  31
EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA POPULICULTURE AU QUÉBEC
Introduction générale
    Au Québec, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) a commencé
à s'intéresser à la populiculture à partir de 1969 avec la mise sur pied d'un programme
d'amélioration génétique du peuplier dans les laboratoires gouvernementaux (Fortier et al
2011). L'intérêt pour cette essence s'expliquait par sa capacité reproductive permettant une
amélioration génétique rapide, ainsi que son potentiel de croissance élevé.

    Le peuplier hybride est un arbre amélioré puisque l'hybridation de peupliers permet de
produire des individus possédant les caractéristiques désirées par les sylviculteurs (Gagné
2010). Cela fait de cette espèce un arbre à croissance rapide, atteignant des rendements
moyens de 11,6 m3/ha/an (Ménétrier 2008) et pouvant même dépasser 20 m3/ha/an dans le
contexte québécois (Rainville et al. 2003). La recherche en génétique du peuplier n'est pas
unique au Québec puisqu'en 2006 une équipe internationale a réussi à compléter le
séquençage du génome du peuplier (Tuskan et al. 2006).

    Pourtant, malgré l'intérêt du monde scientifique pour la génétique du peuplier et le
potentiel de rendement de cette essence, l'enthousiasme pour la populiculture demeure
modéré chez les professionnels forestiers au Québec. Un enjeu couramment soulevé par
ceux-ci concerne la rentabilité de la populiculture. Alors que certains sont convaincus que
la culture du peuplier est profitable, d'autres estiment qu'il s'agit d'une sylviculture trop
complexe pour être rentable dans le contexte québécois.

    Malgré la polarisation du débat, il existe peu de littérature économique sur la culture du
peuplier hybride et celle-ci relève souvent d'hypothèses au niveau des coûts sylvicoles.
Compte tenu que la littérature économique sur le sujet du peuplier nous apparaissait
limitée, nous avons décidé d'évaluer la rentabilité de la populiculture dans le contexte
québécois. La première partie de ce mémoire cherchera ainsi à établir la rentabilité de la
populiculture en fonction de différents scénarios sylvicoles et à établir une fenêtre optimale
de rentabilité pour cette culture.

    Pour ce faire, nous avons réalisé un sondage auprès de sylviculteurs et populiculteurs
qui nous a permis de déterminer le coût réel de l'ensemble des traitements sylvicoles
propres à la populiculture. Ensuite, nous avons réalisé l'analyse financière de 18 scénarios
sylvicoles différents en nous fiant à des indicateurs financiers reconnus tels que la valeur
actuelle nette (VAN), le taux de rentabilité interne (TRI) et le ratio bénéfice/coût (B/C).
Une analyse de sensibilité conduite par la suite nous a finalement permis d'établir une
fenêtre de rentabilité pour la populiculture dans le contexte québécois. L'analyse financière
de la populiculture permet de combler une lacune dans la littérature scientifique de la
populiculture et permettre aux personnes intéressées par la populiculture d'investir dans des
projets rentables en considérant les paramètres financiers établis lors de cette analyse.

    Conséquemment, nous avons voulu caractériser la perception des professionnels
forestiers potentiellement engagés dans la sylviculture de plantations de peupliers hybride.
Nous avons ainsi procédé à un sondage auprès de ces professionnels afin d'évaluer la
perception de la rentabilité et du potentiel de développement de la populiculture au Québec.
Nous avons cherché à évaluer le changement de perception des professionnels forestiers
avant et après la présentation de données issues de l'analyse de rentabilité réalisée
précédemment.

    Pour ce faire, nous avons sondé des professionnels forestiers spécialisés en sylviculture
et avons caractérisé leur perception initiale de la populiculture. Puis, nous leur avons
présenté les résultats financiers de différents scénarios populicoles et nous avons recueilli
les changements dans leur perception face à la populiculture. L'analyse de perception
permet de déterminer le potentiel de développement de la populiculture et de déterminer si
la rentabilité potentielle de cette culture peut s'avérer un facteur favorisant l'opinion qu'ont
les gens de ce type de sylviculture intensive.

    Le travail suivant est divisé en deux chapitres rédigés sous forme d'articles qui nous
permettront de répondre aux deux objectifs fixés précédemment. Le premier chapitre traite
de l'analyse financière de la populiculture et se nomme Évaluation de la rentabilité de la
populiculture dans le contexte québécois. Le deuxième chapitre a pour objectif de
caractériser la perception de la populiculture auprès des professionnels forestiers au Québec
et se nomme Évaluation de la perception de la populiculture au Québec.
Evaluation de la rentabilité de la populiculture dans le
contexte québécois
                  Par Vincent Miville, Nancy Gélinas et Marc-André Côté
                         Revue ciblée : Forestry Chronicle (accepté)

Résumé
    L'intensification de l'aménagement forestier grâce au reboisement d'espèces à haut
rendement comme le peuplier hybride est une solution envisagée pour remettre sur pied
l'industrie forestière québécoise. Toutefois, le manque de données à caractère financier
semble limiter le développement de la populiculture. Cet article se veut une analyse
financière de la populiculture pour des propriétaires privés dans le contexte québécois en se
basant sur une échelle de coût réelle et six scénarios sylvicoles différents. Il s'avère que la
populiculture est rentable lorsque les traitements sylvicoles sont subventionnés à hauteur de
80 %. Sans subvention, la populiculture n'est pas rentable compte tenu du contexte actuel.
Une analyse de sensibilité nous a permis d'identifier les deux facteurs principaux
permettant de définir une fenêtre de rentabilité pour ce type de sylviculture intensive, soit le
prix du bois et les subventions gouvernementales. Trois autres facteurs secondaires se sont
avérés sensibles, soit le coût de transport, le coût de récolte et le rendement en matière
ligneuse de la plantation. La prise en compte de ces facteurs est déterminante dans
l'établissement de plantations de peupliers hybrides rentables pour l'investisseur.

Abstract
    The intensification of forest management through reforestation of high-yielding species
such as hybrid poplar is considered as a solution to revitalize Quebec's forest model.
However, the lack of data on financial characteristics appears to limit the development of
poplar. This paper is a financial analysis of poplar for private landowners in the Quebec
context, based on a scale of actual cost and six different silviculture scenarios. It turns out
that hybrid poplar is profitable when silvicultural treatments are subsidized at 80 %.
Without subsidy, the poplar is not profitable considering the actual context. A sensitivity
analysis allowed us to identify the main factors to define a window of profitability for this
type of intensive silviculture. The two main factors are the price of wood and government
grants. Three other secondary factors were considered sensitive, being the cost of
transportation, the cost of harvesting and timber yields. Consideration of these factors is
crucial in establishing profitable hybrid poplar plantations for the investor.

1. Introduction
    La baisse de la possibilité de récolte forestière, la hausse du coût d'approvisionnement
de matière ligneuse et la compétition internationale émergente ont contribué à mettre les
usines de transformation du bois au Québec sous une forte pression (Beauregard et al.
2004, Roy et al. 2010 et Beauregard 2011). Au total, 240 usines de transformation de bois
localisées au Québec ont dû mettre les clés sous la porte entre 2005 et 2010 (Parent et
Fortin 2007 et CIFQ 2012).
    Une solution envisagée pour améliorer la compétitivité de l'industrie forestière
consisterait à réorienter le mode d'exploitation extensif des forêts vers un mode
d'aménagement intensif de plantations forestières sur une partie du territoire (Anderson et
Luckert 2007). Les plantations forestières aménagées intensivement peuvent augmenter la
possibilité forestière en plus d'assurer un approvisionnement en matière ligneuse de qualité
à proximité des usines. Cette option n'échappe pas au contexte forestier québécois où le
reboisement constitue un outil d'aménagement forestier très commun puisqu'on a reboisé
ou regarni l'équivalent de 37 % des superficies récoltées au cours de l'année financière
2008, soit 74 100 ha. (MRNF 2010). Alors que le reboisement de résineux a été étudié
depuis plusieurs années, plusieurs lacunes demeurent dans le cas du reboisement des
essences feuillues au Québec, notamment pour ce qui est du peuplier hybride (MRNF
2003).   Plus particulièrement, le manque de données à caractère économique semble
ralentir le développement de la populiculture au Québec.
    La populiculture consiste en la sylviculture de peupliers hybrides en se basant sur des
techniques propres à l'agriculture afin de maximiser les rendements (Ménétrier 2008).
L'hybridation consiste à croiser deux espèces ou genres différents pour permettre la
formation de nouveaux individus possédant des caractéristiques à divers degrés des
géniteurs (Barsky et al. 2010). Le reboisement de peupliers est une technique sylvicole
mise au point en Europe au 18eme siècle où L'Art de cultiver les peupliers d'Italie fut publié
(St-Maurice 1767). Aujourd'hui, on estime à environ 250 000 ha la superficie qu'occupent
les plantations de peupliers hybrides en France seulement (Bigué et al. 2006). La réalité
canadienne et québécoise est cependant fort différente de ce qui prévaut sur le Vieux
continent.
    En 2011, le Conseil du peuplier du Canada estimait que la superficie occupée par les
plantations de peupliers hybrides était d'environ 27 600 ha au Canada (Derbowka et al.
2012). Au Québec, cette superficie se chiffre à environ 10 000 ha et la majorité des
plantations sont situées en milieu forestier (90%) (Derbowka et al. 2012). On reboise
annuellement 1 500 ha de peupliers hybrides en sol québécois (Périnet et al. 2007) avec 1,5
à 2,0 M de plants produits par les pépinières gouvernementales (Fortier et al. 2011). Le
peuplier hybride peut servir dans l'industrie du placage, du déroulage, du sciage, des
panneaux et des pâtes, papiers et cartons (Fortier 2007, Knudson et Wang 2002 et AMPCQ
2000). Il peut aussi servir à la production de biomasse, avenue plutôt marginale au Québec
en ce moment, mais envisagée par les acteurs du milieu forestier.
    La filière peuplier hybride en Amérique du Nord s'est développée autour de la
biomasse pendant les chocs pétroliers de 1973 et 1979. Par la suite, les papetières se sont
intéressées à cette essence afin de pallier aux soubresauts du marché des copeaux (Stanton
et al. 2002). Le peuplier hybride peut remplacer avantageusement le peuplier naturel
(Populus sp.) puisque ses propriétés mécaniques s'apparentent à celles du peuplier deltoïde
(Populus deltoïdes Marshall.), mais sont légèrement inférieures à celles du peuplier à
grandes-dents (Populus grandidentata Michaux.) et du peuplier faux-tremble {Populus
tremuloides Michaux.) (Hernandez et al. 1998).
    Entre 2006 et 2011, il s'est récolté en moyenne 2,5 M m3 de peuplier dans les forêts
privées et publiques du Québec alors que la possibilité forestière de peupliers était évaluée
à 5,21 M m3 en 2010 (Parent et Boulay 2012, FPBQ 2007-2011 et FPFQ 2012). Malgré un
taux de récolte inférieur à la possibilité forestière, il se développe une filière de production
de peuplier hybride puisque le volume de peuplier disponible est dispersé sur l'ensemble du
territoire et non pas à proximité des usines de transformation s'approvisionnant en cette
essence.
Le reboisement du peuplier hybride peut s'effectuer autant sur des friches agricoles
qu'en milieu forestier.   Contrairement au reboisement d'essences résineuses, le peuplier
hybride nécessite une bonne préparation de terrain et d'entretien afin de garantir son succès.
Il s'agit en effet d'une essence très sensible à l'égard de certains facteurs biotiques et
abiotiques. La végétation compétitrice, les aléas climatiques, les pathogènes et la faune
constituent des risques non négligeables dans le développement normal et la survie des
peupleraies artificielles (Volney et al. 2005). Le drainage, la structure du sol et les
nutriments présents dans ce dernier constituent aussi des facteurs déterminants dans
l'établissement d'une plantation de peupliers hybrides viable. Il est possible de reboiser du
peuplier hybride dans la sapinière à bouleau blanc ainsi que dans tous les domaines
bioclimatiques situés au sud de celle-ci. (Périnet et al. 2001).
    Le    peuplier   hybride    a   un   accroissement     moyen    d'environ   11,6   m3/ha/an
comparativement à 3,3 m3/ha/an pour des peuplements naturels de peuplier faux-tremble
(Populus tremuloides Michaux.) (Ménétrier 2008). Le rendement de cette essence
améliorée peut même atteindre plus de 20 m3/ha/an dans les stations riches des forêts
méridionales du Québec (Rainville et al. 2003).
    Paradoxalement, il existe peu d'information dans la littérature scientifique sur les
paramètres économiques des plantations de peupliers hybrides. Au Québec, des consultants
(Gaumond 2010, Desjardins et Côté 2007, Agence forestière de la Montérégie 2006) ont
effectué des analyses sommaires de la rentabilité du peuplier hybride. Ailleurs, Lothner et
al. (1986), Rose et al. (1981) et Anderson et Luckert (2007) ont démontré que la
populiculture peut s'avérer rentable. Bowersox et Ward (1976) ont plutôt estimé que la
populiculture en taillis en très courte rotation n'était pas rentable.
    Nous estimons néanmoins nécessaire d'approfondir le sujet afin d'évaluer les
conditions optimales de rentabilité de la populiculture afin de tenir compte des contextes
sylvicole et économique différents entre la populiculture québécoise et étrangère. Le
manque de données économiques semble expliquer la perception ambivalente des forestiers
à propos de ce sujet, où l'on retrouve deux positions distinctes, soit la populiculture n'est
pas une option rentable compte tenu des investissements massifs nécessaires, alors que
d'autres estiment que cette culture est rentable et qu'elle devrait être développée de manière
à mieux servir l'industrie forestière québécoise en difficulté.
La présente étude évalue financièrement divers scénarios de populiculture dans un
contexte québécois, scénarios qui varient en fonction du milieu (agricole ou forestier), de la
superficie des travaux (grande ou petite), de l'intensité du scénario sylvicole (intensif ou
extensif) et de trois niveaux de rendement forestier. Pour ce faire, nous avons établi une
structure de coûts et de bénéfices réels de différents scénarios populicoles et avons effectué
des analyses de rentabilité de chacun de ces scénarios.

2. Méthodologie
    Quatre grandes étapes furent suivies dans le cadre de cette étude : 1) l'évaluation des
coûts associés à l'établissement, l'entretien et la récolte des plantations à l'aide d'un
sondage, 2) la description de scénarios sylvicoles d'établissement de plantations de
peupliers hybrides à l'aide d'une revue de littérature et d'entrevues avec des populiculteurs
québécois, 3) l'analyse financière des divers scénarios grâce à des indicateurs financiers
reconnus et 4) l'évaluation de la sensibilité des variables. L'année de référence pour cette
étude étant 2010, toutes les valeurs obtenues ont été ramenées en dollars de 2010 à l'aide de
l'indice des prix à la consommation (IPC) du Canada (BC 2011).

     a*

2.1 Evaluation des coûts réels d'une plantation
    L'évaluation des coûts de la populiculture est une étape déterminante de ce projet
puisqu'une mauvaise évaluation de ces derniers influencera évidemment les résultats de
l'analyse de rentabilité que nous effectuerons (Gélinas et al. 2009 et Lothner et al. 1986).
C'est pourquoi nous avons utilisé des coûts réels fournis par des populiculteurs plutôt que
des coûts estimés.
    Un sondage fut développé pour connaître les coûts réels des traitements sylvicoles
assumés par les populiculteurs québécois entre 2005 et 2010. Une liste de répondants
potentiels (n = 50) fut constituée de chercheurs, d'ingénieurs forestiers œuvrant dans des
entreprises et des organismes de services sylvicoles, de fonctionnaires au Ministère des
Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) et de propriétaires forestiers œuvrant sur le
territoire québécois. Nous avons aussi contacté les populiculteurs québécois à l'aide de la
liste de la clientèle des pépinières produisant des plants de peupliers hybrides pour le
Québec. Au cours de nos recherches, nous avons rapidement constaté que plusieurs
populiculteurs ne connaissaient pas la structure de coûts, soit parce que la populiculture a
été délaissée dans les dernières années, soit parce que celle-ci était réalisée sur de trop
petites superficies ou réalisée dans un contexte de projet expérimental. De plus, un grand
nombre de répondants étaient visiblement hésitants à nous soumettre des données
financières privilégiées. Sur un potentiel de 50 répondants, 25 personnes réalisant des
plantations ou des travaux sylvicoles sur le peuplier hybride ont complété le questionnaire
que nous leur avions envoyé par courrier électronique.
    Une moyenne pondérée de chaque traitement sylvicole a été calculée en fonction de la
superficie des plantations réalisées par le répondant. Les données de coûts qui étaient deux
fois supérieurs à cette moyenne ont été éliminées puisqu'il s'agissait               de coûts
anormalement élevés. Afin d'évaluer les économies d'échelle, nous avons divisé les
données entre production sur de petites (n = 13) et grandes superficies (n = 12) en utilisant
comme facteur discriminant la taille moyenne d'un lot forestier privé au Québec, soit 40 ha.
La discrimination des coûts en fonction de la superficie de production nous a permis
d'effectuer des analyses financières en fonction de trois échelles de coûts différentes, soit à
petite échelle, à grande échelle et une moyenne globale pondérée en fonction de la
superficie.
    Les résultats de ce sondage sont présentés au tableau 1. Ces résultats incluent les coûts
associés au professionnel planifiant et suivant la réalisation des travaux, les frais liés à
l'exécution du traitement sylvicole, le risque et le profit de l'entreprise de services
sylvicoles. Lorsqu'une catégorie présentait un nombre restreint de données, la moyenne
était utilisée dans l'analyse financière. Pour ce qui est de l'éclaircie commerciale, aucun
répondant ne détenait d'information quant au coût de ce traitement sylvicole. Nous avons
donc effectué une moyenne pondérée par région des subventions pour l'éclaircie
commerciale de peuplements de feuillus intolérants. Ce tarif de 1 017 $ représente une
subvention estimée à 80 % des coûts totaux du traitement sylvicole, nous avons donc émis
comme hypothèse que ce traitement commercial coûte environ 1 271 $ avant le revenu
généré par la vente de bois.
Tableau 1: Coûts réels des traitements sylvicoles en
                           populiculture au Québec (S/ha de 2010)
                                                                        Coût ($/ha)
             Traitement sylvicole                           Grande        Petite
                                                                                      Moyenne
                                                           superficie   superficie
             Préparation de terrain
                Monticules/Sillons                           $603           *          $603
                Labourage / Hersage agr.                     $617         $526         $606
                Labourage forestier                          $995        $1420         $1058
             Mise en terre (1000 pits.)                      $492         $659         $500
             Entretien
                Dégagement mécanique                         $857           *          $866
                Hersage                                      $95          $199         $109
                Taille de formation                          $428         $481         $434
             Éclaircie commerciale (FI)                           -          -        $1271**
            •Données insuffisantes.
             "Donnée inconnue, hypothèse selon les subventions.

2.2 Définition des scénarios sylvicoles
    Il existe différents types de scénarios sylvicoles pour mener à terme une plantation de
peupliers hybrides. Le choix d'un scénario variera notamment en fonction de l'objectif de
production du sylviculteur, du milieu de reboisement et du type de machinerie utilisé
(Fortier et al. 2011a). Les scénarios sylvicoles se distinguent en fonction de quatre
éléments : la préparation de terrain, la maîtrise de la végétation concurrente, l'entretien de
la plantation en fonction de l'objectif de production désiré et la durée de rotation.

Préparation de terrain

    La préparation de terrain doit s'effectuer l'année précédant le reboisement afin de
permettre la réduction des agrégats d'argile (Fortier et al. 201 la). En milieu agricole, un
labourage est préconisé, suivi d'un hersage. Le labourage vise à mélanger les horizons
organiques et minéraux du sol et permet la création de microsites sur l'ensemble du terrain
(Lebel et al. 2009, AFOGÎM 2011) alors que le hersage permet de broyer et d'incorporer la
matière organique aux horizons de surface (Lebel et al. 2009).
    En milieu forestier, les populiculteurs québécois sondés préconisent deux types de
préparation de terrain. Le plus populaire est le labourage forestier qui est quelques fois
précédé d'un déblaiement afin de réduire l'impact des déchets de coupe sur la herse
forestière. Une autre technique de plus en plus prisée est la préparation par monticules à
10

l'aide d'une pelle mécanique. Cette technique a pour objectif d'élever le plant au-dessus de
la compétition herbacée et arbustive, et de contribuer à réchauffer et à ameublir le sol
(Sigouin 2008), ce qui accélère le développement racinaire des plants et par le fait même la
croissance et le taux de survie de ces derniers (Bilodeau-Gauthier et al. 2011). Le délai
d'établissement de la compétition à proximité du plant donnerait le temps aux peupliers
hybrides de refermer le couvert et ainsi de limiter cette dernière. Il n'est alors pas
nécessaire d'effectuer un contrôle de la compétition.

Contrôle de la compétition

    La végétation concurrente entrave la croissance des arbres et peut causer leur mortalité.
Le contrôle de la compétition augmente la croissance du plant protégé (Sigouin 2008,
Bowersox et al. 1992) et doit s'effectuer dans les plantations jusqu'à ce qu'il y ait une
fermeture de la canopée à la 3 eme ou 4 eme année dans les plantations denses (Buehler et al.
1997).
    En milieu agricole, les plantations labourées peuvent bénéficier de deux à trois
hersages annuellement lors des trois premières années afin de contrôler la végétation
herbacée particulièrement agressive envers le peuplier (Périnet et al. 2009). En milieu
forestier, un à deux traitements de dégagement mécanique sont requis pour éliminer la
compétition herbacée et arbustive (Périnet et al. 2009). La préparation de terrain par
monticules accélère le développement racinaire des plants en augmentant la température du
sol et ralentit le développement de la végétation concurrente (Desrochers et al. 2004). Ceci
limite le recours au contrôle de la végétation lors des premières années de développement,
d'autant plus que le dégagement mécanique des plantations établies sur monticules s'avère
dangereux pour les débroussailleurs compte tenu du relief accidenté donné au terrain
(Biguéetal. 2011).
    Il existe d'autres traitements alternatifs pour le contrôle de la compétition, comme les
phytocides, le paillis ou l'utilisation de plantes accompagnatrices (Gauthier 2008).
L'utilisation de phytocide est un moyen efficace et peu onéreux pour contrôler la végétation
compétitrice (Gauthier 2008). Toutefois, ce type de traitement n'est plus subventionné en
forêt privée depuis l'adoption de la Loi sur les pesticides en 1987. Compte tenu du manque
11

de données à caractère économique de ces traitements, ceux-ci ne furent pas évalués dans le
cadre de cette étude.

Entretien d'une plantation

     Nous avons retenu deux autres traitements sylvicoles dans l'élaboration de nos
scénarios sylvicoles intensifs, soit l'élagage ou la taille de formation, ainsi que l'éclaircie
commerciale. Les scénarios sylvicoles intensifs visent à produire une proportion plus
importante de bois d'œuvre que les scénarios sylvicoles extensifs.
     La taille de formation vise à redonner la rectitude et la solidité d'un arbre en éliminant
les défauts de formation tandis que l'élagage consiste à éliminer les branches inférieures
d'un arbre afin de produire une tige sans nœuds (Hubert et Courraud 1987). L'éclaircie
commerciale vise la récolte des tiges d'essences et de diamètres commercialisables dans un
peuplement équienne qui n'a pas encore atteint l'âge d'exploitabilité. Cette coupe accélère
l'accroissement en diamètre des tiges résiduelles et améliore la qualité du peuplement
(Julien      1994). Lors de l'élaboration   de nos scénarios sylvicoles intensifs, nous
préconiserons un taux de prélèvement équivalent à 30 % du volume marchand, et ce, entre
la 10enie et la 15eme année dépendamment du moment où les profits seront maximisés pour
le populiculteur. De plus, la récolte finale doit s'effectuer au moins trois ans après
l'éclaircie commerciale, c'est-à-dire lorsque les profits seront maximisés pour le producteur
forestier.
La combinaison des différents traitements sylvicoles nous a permis d'établir 18 scénarios
différents (6 scénarios sylvicoles X 3 échelles de coûts) présentés au tableau 2. Chaque
scénario sera l'objet d'une analyse financière avec et sans subventions.
12

                             Tableau 2: Liste des différents scénarios sylvicoles
                                                                                  Scénarios
   An              T r a i t e m e n t sylvicole       1Friche agricole                       Milieu forestier
                                                   1    2   3   4   5     6   7   8   9 10 11 12 13 14 15 16 17 18
   0     Labourage / hersage agricole              X    X   X   X   X     X
   0     Labourage / hersage forestier                                                                  X   X    X   X   X   X
   0     Monticules o u sillons                                               X   X   X   X     X   X
   1     Reboisement                               X    X   X   X   X     X   X   X   X   X     X   X   X   X    X   X   X   X
   1     Hersage (2 passages)                      X    X   X   X   X     X
   2     Hersage (3 passages)                      X    X   X   X   X     X
   3     Hersage (3 passages)                      X    X   X   X   X     X
   3     Dégagement mécanique                                                                           X   X    X   X   X   X
   6     Élagage                                                X   X     X               X     X   X                X   X   X
  Var. Éclaircie commerciale                                    X   X     X               X     X   X                X   X   X
  Var. Coupe finale                                X    X   X   X   X     X   X   X   X   X     X   X   X   X    X   X   X   X
         Petite superficie                         X            X             X           X             X            X
  Coût Grande superficie                                X           X             X             X           X            X
         Moyenne                                            X             X           X             X            X           X

2.3 Autres données et hypothèses de calcul

Prix net de la matière ligneuse

       Puisque le peuplier hybride agit principalement comme source de remplacement pour
le peuplier naturel, nous avons considéré le prix du peuplier (Populus sp.) sur le marché
québécois comme référence. Nous avons utilisé les données disponibles sur le marché de la
forêt privée afin d'évaluer un prix moyen pour le peuplier pondéré en fonction du volume
acheminé au type de transformateur. Nous avons analysé ces données entre les années 2006
et 2010 (Tableau 3) sur l'ensemble des transactions concernant la vente de matière ligneuse
de peuplier pour obtenir un prix moyen pondéré de 43,22 $/m3 livré à l'usine. Ce prix est
basé sur un large échantillon (85 %) des transactions effectuées sur le marché de la forêt
privée et est composé à 25 % de bois destiné au sciage et déroulage tandis que l'autre
portion du volume est destinée aux industries de pâtes et papiers, panneaux et autres. Ce
prix moyen a été appliqué sur l'ensemble des volumes de peupliers hybrides pour chacun
des scénarios extensifs. Le calcul d'un prix pondéré en fonction des différents produits tirés
de l'arbre permet d'absorber une partie de la variabilité issue de la qualité du bois du
peuplier en considérant la demande du marché plutôt que des hypothèses sylvicoles.
       Dans le cas des scénarios intensifs, soit ceux comprenant une éclaircie commerciale et
un élagage, nous avons considéré que la proportion du bois de peuplier hybride destiné au
13

marché du bois d'œuvre pourrait s'établir à 50 %. Nous pouvons donc établir que le prix
moyen du bois dans les scénarios intensifs est de 44,03 $/m3.

        Tableau 3: Évolution du prix du peuplier naturel en forêt privée ($/m 3)
                                 (FPBQ 2007-2011)
                                           Prix pondéré du peuplier ($/m3)
      Année                 Sciage et     Panneaux et     Pâtes et      Moyenne     Moyenne pondérée
                    IPC
                            déroulage        autres        papiers      pondérée      en$ de 2010
       2006        94,33     44,91 $        41,61$          39,48 $       41,90 $       44,41 $
       2007        96,39     43,99 $        43,00 $         40,71 $       42,73 $       44,33 $
       2008        98,54     44,96 $        40,68 $         41,48 $       42,12 $       42,75 $
       2009        98,62     40,26 $        40,40 $         41,21 $       40,55 $       41,11 $
       2010       100,00     43,75 $        40,87 $         41,60$        41,62 $       41,62 $
       Moyenne pondérée                     42,98 $         41,92$
                                                                      -   41,78 $        43,22 $
          en $ de2010           45,43 $            42,62$

    Le coût de la récolte du peuplier fut estimé à 15,81 $/m3 alors que le coût de transport
est de 12,63 $/m3 pour une distance moyenne de 100 km (Côté et Asselin 2010). Ces
estimations proviennent d'enquêtes réalisées auprès d'entrepreneurs forestiers pour le
compte du gouvernement. Le coût de transport est corroboré par la Fédération des
producteurs de bois du Québec qui l'a estimé à 12,59 $/m3 en forêt privée (FPBQ 2011 b).
À ces coûts, nous avons ajouté un prélèvement moyen de 1,50 $/m3 effectué par les
syndicats de producteurs de bois pour la mise en marché du bois issu de la forêt privée. Le
prix net obtenu pour la vente de bois issu de plantations de peupliers hybrides est donc
estimé à 13,28 $/m3 récolté dans le cas des scénarios extensifs et à 14,09 $/m3 récolté pour
les scénarios intensifs.

Subvention

    L'Etat québécois subventionne les travaux d'établissement et d'entretien                           des
plantations forestières par le biais de divers programmes. Sur les terres privées, ces
subventions atteignent généralement 80 % de la valeur réelle des travaux incluant les
profits et le risque pour l'entrepreneur. Nous avons retenu ce taux dans le cadre de l'analyse
financière.

Coût de la terre

    Le coût de la terre varie grandement en fonction de la localisation, de la morphologie,
de la qualité des sols, de la disponibilité régionale et de l'usage de la terre. En 2011, les
14

terres agricoles et les boisés se sont transiges de 264 $/ha à plus de 17 500 $/ha sur le
territoire québécois (AGECO 2012). Par conséquent, nous avons considéré une valeur de
référence pour le fonds de terre de 1000 $/ha, en deçà de la moyenne provinciale puisque le
reboisement du peuplier hybride s'effectue sur des terres agricoles marginales ou en forêt.
Par conséquent ces terres sont moins chères que des terres agricoles productives.
       Nous émettons l'hypothèse de l'existence d'un chemin sur la terre équivalent à 1 km
pour 40 ha. Compte tenu du coût d'entretien d'un chemin estimé à 500 $/km/an (Michel
Martin1, Comm. pers., 10 nov. 2011), nous pouvons conclure que le coût d'entretien annuel
est de 12,50 $/ha. Nous avons également ajouté les taxes municipales et scolaires d'environ
1,35 % de la valeur de la terre (Marc-André Côté', Comm. pers., 8 nov. 2011). Ces taxes
sont évolutives puisqu'elles s'appliquent autant sur la valeur du fond de terre que sur la
valeur marchande du bois sur pied.

Rendement forestier

       Il n'existe présentement aucune table de rendement pour le peuplier hybride au Québec
(Fortier et al. 2011 a). Nous avons donc utilisé les courbes de rendement potentielles
développées par le MRNF dans notre simulation financière. Notre scénario de base est de
15 m3/ha/an et vise ainsi une production de 300 m3 de bois à la 20eme année de croissance.
Cette courbe de rendement procure un rendement brut auquel nous avons soustrait certaines
pertes, soit 5 % pour les caries et volumes délaissés sur le parterre de coupe et nous avons
estimé que 90 % de la superficie en plantation survit jusqu'à la récolte finale.

Taux de rendement

       McKillop et Hutchinson (1990) suggère d'utiliser 4,77 % comme taux de rendement
pour les projets à caractère forestier. Lothner et al. (1986) et Anderson et Luckert (2007)
ont utilisé 4 % dans leur analyse financière de plantations de peupliers hybrides en Alberta.
En général, les investissements en foresterie ne nécessitent pas des taux de rendement
élevés compte tenu de la nature prudente de ces investissements (McKillop et Hutchinson
1990). Le National Timber Tax (2009), organisme partenaire du US Forest Service, estime
qu'il faut plutôt utiliser 6,17 % dans l'évaluation des projets forestiers dans les états du

1
    Technicien forestier, Consultant
    Directeur-général de la Fédération des Producteurs de bois du Québec
15

nord-est des États-Unis. Puisqu'il s'agit de la donnée la plus récente, nous avons retenu ce
dernier taux, mais nous l'avons arrondi à 6 % afin de simplifier la présentation des
résultats.

2.4 Modèle d'analyse financière
     L'identification de la Révolution économique optimale (RÉO) est primordiale dans la
réalisation d'une analyse financière d'une plantation puisque le temps y joue un rôle
prépondérant. Ainsi, le moment le plus judicieux pour récolter les fruits de l'investissement
ne correspond pas nécessairement au moment où la production de bois est maximisée.
Alors que la coupe finale s'effectue au moment où le rendement est maximisé dans le cas
d'une révolution optimale, la RÉO vise une récolte finale d'un peuplement lorsque les
profits sont maximisés (Gélinas et al. 2009).
    Pour déterminer la RÉO, il suffit d'identifier le moment où la valeur maximale du
consentement à payer (WPL) pour une terre reboisée en peupliers hybrides est atteinte
(Gélinas et al. 2009 et Klemperer 1996). Le WPL constitue la somme qu'est prête à
débourser une personne pour l'acquisition d'une terre. La valeur de la terre change dans le
temps puisqu'au fur et à mesure que la plantation croît, la valeur de cette dernière augmente
et s'ajoute à la valeur du fond de terre. L'analyse financière a été effectuée du point de vue
d'un propriétaire forestier dont l'intention est d'effectuer une seule révolution. Klemperer
(1996) suggère la formule suivante pour calculer le WPL pour une révolution :

                             WPL = VAN +
                                                  (i + ty
                         t                 t
             WPL                                     c„     Lt
                                     n                  n +
                       Z-, (l + i)
                       ;i = 0
                                         £-L
                                         71 = 0
                                                  (i + o (i + o*
         L t - Valeur de la terre à l'année t
         Rn - Revenus survenant à l'année n
         Cn = Coûts survenant à l'année n
         t = Nombre d'année de la révolution
16

Où les revenus et coûts se décortiquent ainsi:

                         Rn = Vn X Pnet      X S + 2^ An
                                                      n=0

         Vn - Volume de bois récolté à l'année n
         Pnet = P1™ n e t de la matière ligneuse
         s = Taux de survie de la plantation
         An = Aide financière à l'année n

                .v
                                                                     CS
           C„= £{[Ok*P«et*S               + It )xr]    + £}+   Y,     n
                   n=0                                         n=0

         Vn - Volume de bois récolté à l'année n
         Pnet = P " x n e t de la matière ligneuse
         s = Taux de survie de la plantation
         T - Taux de taxation
         E - Coût en entretien
         CSn = Coûts sylvicoles
         Lt = Valeur de la terre à l'année t
         t = Nombre d'années de la révolution

    Les calculs financiers furent exécutés avec les logiciels Excel de la suite Office et
Premium Solver Pro de Frontline Technologies. Nous avons ainsi pu optimiser les calculs
afin de trouver le maximum atteint par le WPL en fonction du moment choisi pour
effectuer les traitements commerciaux, soit l'éclaircie commerciale et la coupe finale.
Ainsi, une fois la RÉO de chacun des scénarios établis, nous avons pu réaliser l'analyse
financière de ceux-ci en calculant la Valeur actualisée nette (VAN), le Taux de rendement
interne (TRI) et le ratio bénéfices-coûts (B/C) (Gélinas et al. 2009). Ces deux derniers
critères utilisent les mêmes variables que ceux définies dans la formule de la VAN.
    Par la suite, nous avons effectué une analyse de sensibilité de l'ensemble des scénarios
étudiés et ce, avec et sans subvention. Les variables analysées sont les suivantes : le prix de
la matière ligneuse, le coût de récolte, le coût de transport, le rendement en matière
ligneuse, les coûts des différents traitements sylvicoles, le prix du fond de terre, le taux
d'actualisation,   l'intensité du prélèvement lors de l'éclaircie         commerciale et les
subventions. Nous avons fait varier chacune des variables de l'ordre de 10 %, à l'exception
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