EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA POPULICULTURE AU QUÉBEC
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VINCENT MIVILLE EVALUATION DE LA RENTABILITE DE LA POPULICULTURE AU QUÉBEC Analyse financière et perception des professionnels forestiers Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en Sciences forestières pour l'obtention du grade de maître es sciences (M. Se.) DEPARTEMENT DES SCIENCES DU BOIS ET DE LA FORET FACULTÉ DE FORESTERIE, DE GÉOGRAPHIE ET DE GÉOMATIQUE UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2013 © Vincent Miville, 2013
Résumé Dans un premier temps, nous avons réalisé une analyse financière de la populiculture spécifique au contexte québécois. Par la suite, nous avons évalué la perception des professionnels du milieu forestier par rapport à cette sylviculture avant et après les avoir renseignés sur les aspects financiers de la populiculture. L'évaluation financière de 18 scénarios sylvicoles en populiculture fût réalisée en se basant sur une échelle de coûts réels fournie par des populiculteurs québécois. Une analyse de sensibilité des différents intrants nous a permis d'établir une fenêtre optimale de rentabilité pour la populiculture. Il s'avère que le prix du bois et les subventions accordées aux traitements sylvicoles sont les deux facteurs prépondérants dans la rentabilité de cette culture. La discordance des opinions quant à la populiculture nous a amené à étudier la perception qu'entretiennent les professionnels forestiers face à ce type de sylviculture. Contrairement à l'hypothèse de départ, la présentation de données financières n'a pas permis d'obtenir un consensus sur la question de la populiculture, mais a plutôt contribué à polariser davantage les opinions. Les partisans invoquant son rendement sylvicole et les détracteurs alléguant la faible valeur de la fibre créée en contraste avec l'intensité de la sylviculture que la populiculture requiert.
Abstract First, we realized a financial analysis of poplar farming specific to the province of Quebec. Subsequently, we evaluated the perception of forest professionals in regards to this type of silviculture before and after being informed of the financial aspect of these plantations. The financial evaluation of 18 silvicultural scenarios in poplar culture was performed based on a scale of actual costs provided by poplar growers from Quebec. A sensitivity analysis of the various inputs allowed us to establish an optimal window of profitability for this type of silviculture. It turns out that the price of wood and subsidies for silvicultural treatments are the two most important factors in the profitability of this culture. The discrepancy of opinions toward poplar culture has led us to investigate the perception of forest professionals. Contrary to the hypothesis, the presentation of financial data has not yielded a consensus on the issue of poplar, but rather contributed to further polarize opinions. Supporters citing its yield and detractors claiming the low value of the fiber created in contrast to the intensity of silviculture required by poplar culture.
Avant-Propos Contrairement à mes espérances, mes études en aménagement et environnements forestiers offert par la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l'Université Laval ont évoqué en moi plus de questionnements que de réponses. C'est pourquoi j'ai décidé de poursuivre mes études au 2 ème cycle en sciences forestières pour étancher cette soif de connaissance. La réalisation de trois stages estivaux en lien avec la culture du peuplier hybride m'a amené bon nombre de questionnements. Les nombreuses discussions concernant la rentabilité financière de cette culture avec mes camarades de classe et professionnels de la forêt de différents horizons se concluaient constamment sur la même note. D'une part, les opinions étaient tranchées et divergentes et d'autre part les arguments ne s'appuyaient jamais sur des preuves tangibles. C'est donc pourquoi je me suis lancé tête première dans ce projet, armé de la démarche scientifique, afin de résoudre la problématique de la rentabilité financière de la populiculture dans le Québec, un sujet souvent débattu mais peu étudié. L'analyse financière de la populiculture fût un travail de longue haleine, toutefois je n'avais toujours pas répondu à une partie de mon questionnement. Pourquoi la populiculture est-elle un sujet si controversé parmi les professionnels forestiers du Québec. C'est pourquoi nous avons décidé d'évaluer la perception du milieu forestier quant à la populiculture. Une hypothèse étant que la présentation de résultats financiers pourrait sûrement réduire la polarisation des opinions provoquées par ce sujet. La démarche m'a amené à produire deux projets d'articles scientifiques dont je suis l'auteur principal. Le premier s'intitule Évaluation de la rentabilité de la populiculture dans le contexte québécois. Cet article m'a permis de réaliser l'évaluation financière de 18 scénarios différents (3 scénarios sylvicoles X 2 intensités X 3 échelles de coût) sur une base de coûts réels fournis par des populiculteurs québécois. Une analyse de sensibilité nous a permis d'établir une fenêtre optimale de rentabilité pour la populiculture. Le deuxième article, Évaluation de la perception de la populiculture au Québec, m'a permis de caractériser l'opinion des professionnels forestiers par rapport à la populiculture, sa rentabilité et son potentiel de développement.
IV La production de ces articles n'aurait pas pu être possible sans la collaboration de mes deux codirecteurs à la maîtrise. Nancy Gélinas est professeure agrégée à la Faculté de foresterie et de géographie et de géomatique de l'Université Laval où elle enseigne l'économie, la finance et le marketing associé à la foresterie et aux produits du bois. Marc- André Côté est ingénieur forestier et titulaire d'un doctorat en sciences forestières. Il est le directeur-général de la Fédération des producteurs forestiers du Québec et il possède une expertise en forêt privée ainsi qu'en politique forestière. Mes deux codirecteurs m'ont accompagné lors de mes différentes recherches et ont largement contribué à l'amélioration des articles présentés.
Remerciements Je tiens particulièrement à remercier mes codirecteurs de maîtrise, Nancy Gélinas et Marc-André Côté, qui m'ont accompagné lors de mes études graduées. Leur présence, généreux conseils et encouragements m'ont permis de compléter mon parcours aux études graduées. Je tiens aussi à remercier le Réseau Ligniculture Québec et Domtar qui m'ont soutenu financièrement, à travers les projets MITACS, et techniquement tout au long de ce projet de maîtrise. Je tiens particulièrement à remercier Raymond Vanier, Brigitte Bigué et Pierre Gagné pour leur support. Je me dois aussi de remercier tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire de maîtrise, qu'il s'agisse de personnes m'ayant fourni de précieux conseils ou tous les répondants à mes sondages. Je me dois aussi de souligner le support que m'a offert ma famille tout au long du processus hasardeux que peut constituer une maîtrise. Je leur en suis très reconnaissant.
Table des matières Résumé i Abstract ii Avant-Propos iii Remerciements v Table des matières vi Liste des tableaux vii Liste des figures viii Introduction générale 1 Évaluation de la rentabilité de la populiculture dans le contexte québécois 3 Résumé 3 Abstract 3 1. Introduction 4 2. Méthodologie 7 2.1 Évaluation des coûts réels d'une plantation 7 2.2 Définition des scénarios sylvicoles 9 2.3 Autres données et hypothèses de calcul 12 2.4 Modèle d'analyse financière 15 3. Résultats 17 3.1 Coûts sylvicoles réels 17 3.2 Analyse de rentabilité des différents scénarios 17 3.3 Analyse de sensibilité 19 4. Discussion 23 4.1 Limites méthodologiques 25 5. Conclusion 25 Évaluation de la perception de la populiculture au Québec 28 Résumé 28 Abstract 28 1. Introduction 28 2. Objectif 30 3. Hypothèse 30 4. Méthodologie 31 4.1 Réalisation du sondage 31 4.2 Analyse statistique des résultats 32 5. Résultats 34 5.1 Statistiques descriptives 34 5.2 Facteurs d'influence 37 5.3 Influence de la présentation des rendements financiers sur la perception de la populiculture 38 5.4 Influence de l'expérience sur la perception de la populiculture 39 6. Discussion 41 6.1 Limites méthodologiques 43 7. Conclusion 43 Conclusion générale 46 Bibliographie 48
Liste des tableaux Tableau 1: Coûts réels des traitements sylvicoles en populiculture au Québec ($/ha de 2010) 9 Tableau 2 : Liste des différents scénarios sylvicoles 12 Tableau 3 : Évolution du prix du peuplier naturel en forêt privée ($/m3 ) (FPBQ 2007-2011) 13 Tableau 4 : Analyse de rentabilité des différents scénarios pour une plantation d'un hectare 18 Tableau 5 : Variation de la VAN ($/ha) en fonction du prix du bois et du taux de subvention des travaux sylvicoles pour le scénario 12 20 Tableau 6 : Analyse financière du scénario 12 en fonction de différentes hypothèses de rendement 21 Tableau 7 : Variation de la VAN ($/ha) du scénario 12 en fonction des coûts de récolte et de transport 21 Tableau 8 : Répartition du milieu de travail des différents répondants sondés 34 Tableau 9 : Perception de la populiculture avant et après la présentation de l'analyse financière en fonction de l'expérience en populiculture des professionnels forestiers 36 Tableau 10 : Pointage moyen accordé à chaque facteur favorisant la rentabilité de la populiculture (exprimée en points) 37 Tableau 11 : Pointage moyen accordé à chaque facteur nuisant au développement de la populiculture (exprimée en points) 38
Liste des figures Figure 1 : Évolution de la VAN ($/ha) du scénario 12 en fonction de la variation du taux de rendement et du coût des traitements sylvicoles 22 Figure 2 : Analyse financière présentée aux répondants 31
Introduction générale Au Québec, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) a commencé à s'intéresser à la populiculture à partir de 1969 avec la mise sur pied d'un programme d'amélioration génétique du peuplier dans les laboratoires gouvernementaux (Fortier et al 2011). L'intérêt pour cette essence s'expliquait par sa capacité reproductive permettant une amélioration génétique rapide, ainsi que son potentiel de croissance élevé. Le peuplier hybride est un arbre amélioré puisque l'hybridation de peupliers permet de produire des individus possédant les caractéristiques désirées par les sylviculteurs (Gagné 2010). Cela fait de cette espèce un arbre à croissance rapide, atteignant des rendements moyens de 11,6 m3/ha/an (Ménétrier 2008) et pouvant même dépasser 20 m3/ha/an dans le contexte québécois (Rainville et al. 2003). La recherche en génétique du peuplier n'est pas unique au Québec puisqu'en 2006 une équipe internationale a réussi à compléter le séquençage du génome du peuplier (Tuskan et al. 2006). Pourtant, malgré l'intérêt du monde scientifique pour la génétique du peuplier et le potentiel de rendement de cette essence, l'enthousiasme pour la populiculture demeure modéré chez les professionnels forestiers au Québec. Un enjeu couramment soulevé par ceux-ci concerne la rentabilité de la populiculture. Alors que certains sont convaincus que la culture du peuplier est profitable, d'autres estiment qu'il s'agit d'une sylviculture trop complexe pour être rentable dans le contexte québécois. Malgré la polarisation du débat, il existe peu de littérature économique sur la culture du peuplier hybride et celle-ci relève souvent d'hypothèses au niveau des coûts sylvicoles. Compte tenu que la littérature économique sur le sujet du peuplier nous apparaissait limitée, nous avons décidé d'évaluer la rentabilité de la populiculture dans le contexte québécois. La première partie de ce mémoire cherchera ainsi à établir la rentabilité de la populiculture en fonction de différents scénarios sylvicoles et à établir une fenêtre optimale de rentabilité pour cette culture. Pour ce faire, nous avons réalisé un sondage auprès de sylviculteurs et populiculteurs qui nous a permis de déterminer le coût réel de l'ensemble des traitements sylvicoles
propres à la populiculture. Ensuite, nous avons réalisé l'analyse financière de 18 scénarios sylvicoles différents en nous fiant à des indicateurs financiers reconnus tels que la valeur actuelle nette (VAN), le taux de rentabilité interne (TRI) et le ratio bénéfice/coût (B/C). Une analyse de sensibilité conduite par la suite nous a finalement permis d'établir une fenêtre de rentabilité pour la populiculture dans le contexte québécois. L'analyse financière de la populiculture permet de combler une lacune dans la littérature scientifique de la populiculture et permettre aux personnes intéressées par la populiculture d'investir dans des projets rentables en considérant les paramètres financiers établis lors de cette analyse. Conséquemment, nous avons voulu caractériser la perception des professionnels forestiers potentiellement engagés dans la sylviculture de plantations de peupliers hybride. Nous avons ainsi procédé à un sondage auprès de ces professionnels afin d'évaluer la perception de la rentabilité et du potentiel de développement de la populiculture au Québec. Nous avons cherché à évaluer le changement de perception des professionnels forestiers avant et après la présentation de données issues de l'analyse de rentabilité réalisée précédemment. Pour ce faire, nous avons sondé des professionnels forestiers spécialisés en sylviculture et avons caractérisé leur perception initiale de la populiculture. Puis, nous leur avons présenté les résultats financiers de différents scénarios populicoles et nous avons recueilli les changements dans leur perception face à la populiculture. L'analyse de perception permet de déterminer le potentiel de développement de la populiculture et de déterminer si la rentabilité potentielle de cette culture peut s'avérer un facteur favorisant l'opinion qu'ont les gens de ce type de sylviculture intensive. Le travail suivant est divisé en deux chapitres rédigés sous forme d'articles qui nous permettront de répondre aux deux objectifs fixés précédemment. Le premier chapitre traite de l'analyse financière de la populiculture et se nomme Évaluation de la rentabilité de la populiculture dans le contexte québécois. Le deuxième chapitre a pour objectif de caractériser la perception de la populiculture auprès des professionnels forestiers au Québec et se nomme Évaluation de la perception de la populiculture au Québec.
Evaluation de la rentabilité de la populiculture dans le contexte québécois Par Vincent Miville, Nancy Gélinas et Marc-André Côté Revue ciblée : Forestry Chronicle (accepté) Résumé L'intensification de l'aménagement forestier grâce au reboisement d'espèces à haut rendement comme le peuplier hybride est une solution envisagée pour remettre sur pied l'industrie forestière québécoise. Toutefois, le manque de données à caractère financier semble limiter le développement de la populiculture. Cet article se veut une analyse financière de la populiculture pour des propriétaires privés dans le contexte québécois en se basant sur une échelle de coût réelle et six scénarios sylvicoles différents. Il s'avère que la populiculture est rentable lorsque les traitements sylvicoles sont subventionnés à hauteur de 80 %. Sans subvention, la populiculture n'est pas rentable compte tenu du contexte actuel. Une analyse de sensibilité nous a permis d'identifier les deux facteurs principaux permettant de définir une fenêtre de rentabilité pour ce type de sylviculture intensive, soit le prix du bois et les subventions gouvernementales. Trois autres facteurs secondaires se sont avérés sensibles, soit le coût de transport, le coût de récolte et le rendement en matière ligneuse de la plantation. La prise en compte de ces facteurs est déterminante dans l'établissement de plantations de peupliers hybrides rentables pour l'investisseur. Abstract The intensification of forest management through reforestation of high-yielding species such as hybrid poplar is considered as a solution to revitalize Quebec's forest model. However, the lack of data on financial characteristics appears to limit the development of poplar. This paper is a financial analysis of poplar for private landowners in the Quebec context, based on a scale of actual cost and six different silviculture scenarios. It turns out that hybrid poplar is profitable when silvicultural treatments are subsidized at 80 %. Without subsidy, the poplar is not profitable considering the actual context. A sensitivity
analysis allowed us to identify the main factors to define a window of profitability for this type of intensive silviculture. The two main factors are the price of wood and government grants. Three other secondary factors were considered sensitive, being the cost of transportation, the cost of harvesting and timber yields. Consideration of these factors is crucial in establishing profitable hybrid poplar plantations for the investor. 1. Introduction La baisse de la possibilité de récolte forestière, la hausse du coût d'approvisionnement de matière ligneuse et la compétition internationale émergente ont contribué à mettre les usines de transformation du bois au Québec sous une forte pression (Beauregard et al. 2004, Roy et al. 2010 et Beauregard 2011). Au total, 240 usines de transformation de bois localisées au Québec ont dû mettre les clés sous la porte entre 2005 et 2010 (Parent et Fortin 2007 et CIFQ 2012). Une solution envisagée pour améliorer la compétitivité de l'industrie forestière consisterait à réorienter le mode d'exploitation extensif des forêts vers un mode d'aménagement intensif de plantations forestières sur une partie du territoire (Anderson et Luckert 2007). Les plantations forestières aménagées intensivement peuvent augmenter la possibilité forestière en plus d'assurer un approvisionnement en matière ligneuse de qualité à proximité des usines. Cette option n'échappe pas au contexte forestier québécois où le reboisement constitue un outil d'aménagement forestier très commun puisqu'on a reboisé ou regarni l'équivalent de 37 % des superficies récoltées au cours de l'année financière 2008, soit 74 100 ha. (MRNF 2010). Alors que le reboisement de résineux a été étudié depuis plusieurs années, plusieurs lacunes demeurent dans le cas du reboisement des essences feuillues au Québec, notamment pour ce qui est du peuplier hybride (MRNF 2003). Plus particulièrement, le manque de données à caractère économique semble ralentir le développement de la populiculture au Québec. La populiculture consiste en la sylviculture de peupliers hybrides en se basant sur des techniques propres à l'agriculture afin de maximiser les rendements (Ménétrier 2008). L'hybridation consiste à croiser deux espèces ou genres différents pour permettre la formation de nouveaux individus possédant des caractéristiques à divers degrés des géniteurs (Barsky et al. 2010). Le reboisement de peupliers est une technique sylvicole
mise au point en Europe au 18eme siècle où L'Art de cultiver les peupliers d'Italie fut publié (St-Maurice 1767). Aujourd'hui, on estime à environ 250 000 ha la superficie qu'occupent les plantations de peupliers hybrides en France seulement (Bigué et al. 2006). La réalité canadienne et québécoise est cependant fort différente de ce qui prévaut sur le Vieux continent. En 2011, le Conseil du peuplier du Canada estimait que la superficie occupée par les plantations de peupliers hybrides était d'environ 27 600 ha au Canada (Derbowka et al. 2012). Au Québec, cette superficie se chiffre à environ 10 000 ha et la majorité des plantations sont situées en milieu forestier (90%) (Derbowka et al. 2012). On reboise annuellement 1 500 ha de peupliers hybrides en sol québécois (Périnet et al. 2007) avec 1,5 à 2,0 M de plants produits par les pépinières gouvernementales (Fortier et al. 2011). Le peuplier hybride peut servir dans l'industrie du placage, du déroulage, du sciage, des panneaux et des pâtes, papiers et cartons (Fortier 2007, Knudson et Wang 2002 et AMPCQ 2000). Il peut aussi servir à la production de biomasse, avenue plutôt marginale au Québec en ce moment, mais envisagée par les acteurs du milieu forestier. La filière peuplier hybride en Amérique du Nord s'est développée autour de la biomasse pendant les chocs pétroliers de 1973 et 1979. Par la suite, les papetières se sont intéressées à cette essence afin de pallier aux soubresauts du marché des copeaux (Stanton et al. 2002). Le peuplier hybride peut remplacer avantageusement le peuplier naturel (Populus sp.) puisque ses propriétés mécaniques s'apparentent à celles du peuplier deltoïde (Populus deltoïdes Marshall.), mais sont légèrement inférieures à celles du peuplier à grandes-dents (Populus grandidentata Michaux.) et du peuplier faux-tremble {Populus tremuloides Michaux.) (Hernandez et al. 1998). Entre 2006 et 2011, il s'est récolté en moyenne 2,5 M m3 de peuplier dans les forêts privées et publiques du Québec alors que la possibilité forestière de peupliers était évaluée à 5,21 M m3 en 2010 (Parent et Boulay 2012, FPBQ 2007-2011 et FPFQ 2012). Malgré un taux de récolte inférieur à la possibilité forestière, il se développe une filière de production de peuplier hybride puisque le volume de peuplier disponible est dispersé sur l'ensemble du territoire et non pas à proximité des usines de transformation s'approvisionnant en cette essence.
Le reboisement du peuplier hybride peut s'effectuer autant sur des friches agricoles qu'en milieu forestier. Contrairement au reboisement d'essences résineuses, le peuplier hybride nécessite une bonne préparation de terrain et d'entretien afin de garantir son succès. Il s'agit en effet d'une essence très sensible à l'égard de certains facteurs biotiques et abiotiques. La végétation compétitrice, les aléas climatiques, les pathogènes et la faune constituent des risques non négligeables dans le développement normal et la survie des peupleraies artificielles (Volney et al. 2005). Le drainage, la structure du sol et les nutriments présents dans ce dernier constituent aussi des facteurs déterminants dans l'établissement d'une plantation de peupliers hybrides viable. Il est possible de reboiser du peuplier hybride dans la sapinière à bouleau blanc ainsi que dans tous les domaines bioclimatiques situés au sud de celle-ci. (Périnet et al. 2001). Le peuplier hybride a un accroissement moyen d'environ 11,6 m3/ha/an comparativement à 3,3 m3/ha/an pour des peuplements naturels de peuplier faux-tremble (Populus tremuloides Michaux.) (Ménétrier 2008). Le rendement de cette essence améliorée peut même atteindre plus de 20 m3/ha/an dans les stations riches des forêts méridionales du Québec (Rainville et al. 2003). Paradoxalement, il existe peu d'information dans la littérature scientifique sur les paramètres économiques des plantations de peupliers hybrides. Au Québec, des consultants (Gaumond 2010, Desjardins et Côté 2007, Agence forestière de la Montérégie 2006) ont effectué des analyses sommaires de la rentabilité du peuplier hybride. Ailleurs, Lothner et al. (1986), Rose et al. (1981) et Anderson et Luckert (2007) ont démontré que la populiculture peut s'avérer rentable. Bowersox et Ward (1976) ont plutôt estimé que la populiculture en taillis en très courte rotation n'était pas rentable. Nous estimons néanmoins nécessaire d'approfondir le sujet afin d'évaluer les conditions optimales de rentabilité de la populiculture afin de tenir compte des contextes sylvicole et économique différents entre la populiculture québécoise et étrangère. Le manque de données économiques semble expliquer la perception ambivalente des forestiers à propos de ce sujet, où l'on retrouve deux positions distinctes, soit la populiculture n'est pas une option rentable compte tenu des investissements massifs nécessaires, alors que d'autres estiment que cette culture est rentable et qu'elle devrait être développée de manière à mieux servir l'industrie forestière québécoise en difficulté.
La présente étude évalue financièrement divers scénarios de populiculture dans un contexte québécois, scénarios qui varient en fonction du milieu (agricole ou forestier), de la superficie des travaux (grande ou petite), de l'intensité du scénario sylvicole (intensif ou extensif) et de trois niveaux de rendement forestier. Pour ce faire, nous avons établi une structure de coûts et de bénéfices réels de différents scénarios populicoles et avons effectué des analyses de rentabilité de chacun de ces scénarios. 2. Méthodologie Quatre grandes étapes furent suivies dans le cadre de cette étude : 1) l'évaluation des coûts associés à l'établissement, l'entretien et la récolte des plantations à l'aide d'un sondage, 2) la description de scénarios sylvicoles d'établissement de plantations de peupliers hybrides à l'aide d'une revue de littérature et d'entrevues avec des populiculteurs québécois, 3) l'analyse financière des divers scénarios grâce à des indicateurs financiers reconnus et 4) l'évaluation de la sensibilité des variables. L'année de référence pour cette étude étant 2010, toutes les valeurs obtenues ont été ramenées en dollars de 2010 à l'aide de l'indice des prix à la consommation (IPC) du Canada (BC 2011). a* 2.1 Evaluation des coûts réels d'une plantation L'évaluation des coûts de la populiculture est une étape déterminante de ce projet puisqu'une mauvaise évaluation de ces derniers influencera évidemment les résultats de l'analyse de rentabilité que nous effectuerons (Gélinas et al. 2009 et Lothner et al. 1986). C'est pourquoi nous avons utilisé des coûts réels fournis par des populiculteurs plutôt que des coûts estimés. Un sondage fut développé pour connaître les coûts réels des traitements sylvicoles assumés par les populiculteurs québécois entre 2005 et 2010. Une liste de répondants potentiels (n = 50) fut constituée de chercheurs, d'ingénieurs forestiers œuvrant dans des entreprises et des organismes de services sylvicoles, de fonctionnaires au Ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) et de propriétaires forestiers œuvrant sur le territoire québécois. Nous avons aussi contacté les populiculteurs québécois à l'aide de la liste de la clientèle des pépinières produisant des plants de peupliers hybrides pour le Québec. Au cours de nos recherches, nous avons rapidement constaté que plusieurs
populiculteurs ne connaissaient pas la structure de coûts, soit parce que la populiculture a été délaissée dans les dernières années, soit parce que celle-ci était réalisée sur de trop petites superficies ou réalisée dans un contexte de projet expérimental. De plus, un grand nombre de répondants étaient visiblement hésitants à nous soumettre des données financières privilégiées. Sur un potentiel de 50 répondants, 25 personnes réalisant des plantations ou des travaux sylvicoles sur le peuplier hybride ont complété le questionnaire que nous leur avions envoyé par courrier électronique. Une moyenne pondérée de chaque traitement sylvicole a été calculée en fonction de la superficie des plantations réalisées par le répondant. Les données de coûts qui étaient deux fois supérieurs à cette moyenne ont été éliminées puisqu'il s'agissait de coûts anormalement élevés. Afin d'évaluer les économies d'échelle, nous avons divisé les données entre production sur de petites (n = 13) et grandes superficies (n = 12) en utilisant comme facteur discriminant la taille moyenne d'un lot forestier privé au Québec, soit 40 ha. La discrimination des coûts en fonction de la superficie de production nous a permis d'effectuer des analyses financières en fonction de trois échelles de coûts différentes, soit à petite échelle, à grande échelle et une moyenne globale pondérée en fonction de la superficie. Les résultats de ce sondage sont présentés au tableau 1. Ces résultats incluent les coûts associés au professionnel planifiant et suivant la réalisation des travaux, les frais liés à l'exécution du traitement sylvicole, le risque et le profit de l'entreprise de services sylvicoles. Lorsqu'une catégorie présentait un nombre restreint de données, la moyenne était utilisée dans l'analyse financière. Pour ce qui est de l'éclaircie commerciale, aucun répondant ne détenait d'information quant au coût de ce traitement sylvicole. Nous avons donc effectué une moyenne pondérée par région des subventions pour l'éclaircie commerciale de peuplements de feuillus intolérants. Ce tarif de 1 017 $ représente une subvention estimée à 80 % des coûts totaux du traitement sylvicole, nous avons donc émis comme hypothèse que ce traitement commercial coûte environ 1 271 $ avant le revenu généré par la vente de bois.
Tableau 1: Coûts réels des traitements sylvicoles en populiculture au Québec (S/ha de 2010) Coût ($/ha) Traitement sylvicole Grande Petite Moyenne superficie superficie Préparation de terrain Monticules/Sillons $603 * $603 Labourage / Hersage agr. $617 $526 $606 Labourage forestier $995 $1420 $1058 Mise en terre (1000 pits.) $492 $659 $500 Entretien Dégagement mécanique $857 * $866 Hersage $95 $199 $109 Taille de formation $428 $481 $434 Éclaircie commerciale (FI) - - $1271** •Données insuffisantes. "Donnée inconnue, hypothèse selon les subventions. 2.2 Définition des scénarios sylvicoles Il existe différents types de scénarios sylvicoles pour mener à terme une plantation de peupliers hybrides. Le choix d'un scénario variera notamment en fonction de l'objectif de production du sylviculteur, du milieu de reboisement et du type de machinerie utilisé (Fortier et al. 2011a). Les scénarios sylvicoles se distinguent en fonction de quatre éléments : la préparation de terrain, la maîtrise de la végétation concurrente, l'entretien de la plantation en fonction de l'objectif de production désiré et la durée de rotation. Préparation de terrain La préparation de terrain doit s'effectuer l'année précédant le reboisement afin de permettre la réduction des agrégats d'argile (Fortier et al. 201 la). En milieu agricole, un labourage est préconisé, suivi d'un hersage. Le labourage vise à mélanger les horizons organiques et minéraux du sol et permet la création de microsites sur l'ensemble du terrain (Lebel et al. 2009, AFOGÎM 2011) alors que le hersage permet de broyer et d'incorporer la matière organique aux horizons de surface (Lebel et al. 2009). En milieu forestier, les populiculteurs québécois sondés préconisent deux types de préparation de terrain. Le plus populaire est le labourage forestier qui est quelques fois précédé d'un déblaiement afin de réduire l'impact des déchets de coupe sur la herse forestière. Une autre technique de plus en plus prisée est la préparation par monticules à
10 l'aide d'une pelle mécanique. Cette technique a pour objectif d'élever le plant au-dessus de la compétition herbacée et arbustive, et de contribuer à réchauffer et à ameublir le sol (Sigouin 2008), ce qui accélère le développement racinaire des plants et par le fait même la croissance et le taux de survie de ces derniers (Bilodeau-Gauthier et al. 2011). Le délai d'établissement de la compétition à proximité du plant donnerait le temps aux peupliers hybrides de refermer le couvert et ainsi de limiter cette dernière. Il n'est alors pas nécessaire d'effectuer un contrôle de la compétition. Contrôle de la compétition La végétation concurrente entrave la croissance des arbres et peut causer leur mortalité. Le contrôle de la compétition augmente la croissance du plant protégé (Sigouin 2008, Bowersox et al. 1992) et doit s'effectuer dans les plantations jusqu'à ce qu'il y ait une fermeture de la canopée à la 3 eme ou 4 eme année dans les plantations denses (Buehler et al. 1997). En milieu agricole, les plantations labourées peuvent bénéficier de deux à trois hersages annuellement lors des trois premières années afin de contrôler la végétation herbacée particulièrement agressive envers le peuplier (Périnet et al. 2009). En milieu forestier, un à deux traitements de dégagement mécanique sont requis pour éliminer la compétition herbacée et arbustive (Périnet et al. 2009). La préparation de terrain par monticules accélère le développement racinaire des plants en augmentant la température du sol et ralentit le développement de la végétation concurrente (Desrochers et al. 2004). Ceci limite le recours au contrôle de la végétation lors des premières années de développement, d'autant plus que le dégagement mécanique des plantations établies sur monticules s'avère dangereux pour les débroussailleurs compte tenu du relief accidenté donné au terrain (Biguéetal. 2011). Il existe d'autres traitements alternatifs pour le contrôle de la compétition, comme les phytocides, le paillis ou l'utilisation de plantes accompagnatrices (Gauthier 2008). L'utilisation de phytocide est un moyen efficace et peu onéreux pour contrôler la végétation compétitrice (Gauthier 2008). Toutefois, ce type de traitement n'est plus subventionné en forêt privée depuis l'adoption de la Loi sur les pesticides en 1987. Compte tenu du manque
11 de données à caractère économique de ces traitements, ceux-ci ne furent pas évalués dans le cadre de cette étude. Entretien d'une plantation Nous avons retenu deux autres traitements sylvicoles dans l'élaboration de nos scénarios sylvicoles intensifs, soit l'élagage ou la taille de formation, ainsi que l'éclaircie commerciale. Les scénarios sylvicoles intensifs visent à produire une proportion plus importante de bois d'œuvre que les scénarios sylvicoles extensifs. La taille de formation vise à redonner la rectitude et la solidité d'un arbre en éliminant les défauts de formation tandis que l'élagage consiste à éliminer les branches inférieures d'un arbre afin de produire une tige sans nœuds (Hubert et Courraud 1987). L'éclaircie commerciale vise la récolte des tiges d'essences et de diamètres commercialisables dans un peuplement équienne qui n'a pas encore atteint l'âge d'exploitabilité. Cette coupe accélère l'accroissement en diamètre des tiges résiduelles et améliore la qualité du peuplement (Julien 1994). Lors de l'élaboration de nos scénarios sylvicoles intensifs, nous préconiserons un taux de prélèvement équivalent à 30 % du volume marchand, et ce, entre la 10enie et la 15eme année dépendamment du moment où les profits seront maximisés pour le populiculteur. De plus, la récolte finale doit s'effectuer au moins trois ans après l'éclaircie commerciale, c'est-à-dire lorsque les profits seront maximisés pour le producteur forestier. La combinaison des différents traitements sylvicoles nous a permis d'établir 18 scénarios différents (6 scénarios sylvicoles X 3 échelles de coûts) présentés au tableau 2. Chaque scénario sera l'objet d'une analyse financière avec et sans subventions.
12 Tableau 2: Liste des différents scénarios sylvicoles Scénarios An T r a i t e m e n t sylvicole 1Friche agricole Milieu forestier 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 0 Labourage / hersage agricole X X X X X X 0 Labourage / hersage forestier X X X X X X 0 Monticules o u sillons X X X X X X 1 Reboisement X X X X X X X X X X X X X X X X X X 1 Hersage (2 passages) X X X X X X 2 Hersage (3 passages) X X X X X X 3 Hersage (3 passages) X X X X X X 3 Dégagement mécanique X X X X X X 6 Élagage X X X X X X X X X Var. Éclaircie commerciale X X X X X X X X X Var. Coupe finale X X X X X X X X X X X X X X X X X X Petite superficie X X X X X X Coût Grande superficie X X X X X X Moyenne X X X X X X 2.3 Autres données et hypothèses de calcul Prix net de la matière ligneuse Puisque le peuplier hybride agit principalement comme source de remplacement pour le peuplier naturel, nous avons considéré le prix du peuplier (Populus sp.) sur le marché québécois comme référence. Nous avons utilisé les données disponibles sur le marché de la forêt privée afin d'évaluer un prix moyen pour le peuplier pondéré en fonction du volume acheminé au type de transformateur. Nous avons analysé ces données entre les années 2006 et 2010 (Tableau 3) sur l'ensemble des transactions concernant la vente de matière ligneuse de peuplier pour obtenir un prix moyen pondéré de 43,22 $/m3 livré à l'usine. Ce prix est basé sur un large échantillon (85 %) des transactions effectuées sur le marché de la forêt privée et est composé à 25 % de bois destiné au sciage et déroulage tandis que l'autre portion du volume est destinée aux industries de pâtes et papiers, panneaux et autres. Ce prix moyen a été appliqué sur l'ensemble des volumes de peupliers hybrides pour chacun des scénarios extensifs. Le calcul d'un prix pondéré en fonction des différents produits tirés de l'arbre permet d'absorber une partie de la variabilité issue de la qualité du bois du peuplier en considérant la demande du marché plutôt que des hypothèses sylvicoles. Dans le cas des scénarios intensifs, soit ceux comprenant une éclaircie commerciale et un élagage, nous avons considéré que la proportion du bois de peuplier hybride destiné au
13 marché du bois d'œuvre pourrait s'établir à 50 %. Nous pouvons donc établir que le prix moyen du bois dans les scénarios intensifs est de 44,03 $/m3. Tableau 3: Évolution du prix du peuplier naturel en forêt privée ($/m 3) (FPBQ 2007-2011) Prix pondéré du peuplier ($/m3) Année Sciage et Panneaux et Pâtes et Moyenne Moyenne pondérée IPC déroulage autres papiers pondérée en$ de 2010 2006 94,33 44,91 $ 41,61$ 39,48 $ 41,90 $ 44,41 $ 2007 96,39 43,99 $ 43,00 $ 40,71 $ 42,73 $ 44,33 $ 2008 98,54 44,96 $ 40,68 $ 41,48 $ 42,12 $ 42,75 $ 2009 98,62 40,26 $ 40,40 $ 41,21 $ 40,55 $ 41,11 $ 2010 100,00 43,75 $ 40,87 $ 41,60$ 41,62 $ 41,62 $ Moyenne pondérée 42,98 $ 41,92$ - 41,78 $ 43,22 $ en $ de2010 45,43 $ 42,62$ Le coût de la récolte du peuplier fut estimé à 15,81 $/m3 alors que le coût de transport est de 12,63 $/m3 pour une distance moyenne de 100 km (Côté et Asselin 2010). Ces estimations proviennent d'enquêtes réalisées auprès d'entrepreneurs forestiers pour le compte du gouvernement. Le coût de transport est corroboré par la Fédération des producteurs de bois du Québec qui l'a estimé à 12,59 $/m3 en forêt privée (FPBQ 2011 b). À ces coûts, nous avons ajouté un prélèvement moyen de 1,50 $/m3 effectué par les syndicats de producteurs de bois pour la mise en marché du bois issu de la forêt privée. Le prix net obtenu pour la vente de bois issu de plantations de peupliers hybrides est donc estimé à 13,28 $/m3 récolté dans le cas des scénarios extensifs et à 14,09 $/m3 récolté pour les scénarios intensifs. Subvention L'Etat québécois subventionne les travaux d'établissement et d'entretien des plantations forestières par le biais de divers programmes. Sur les terres privées, ces subventions atteignent généralement 80 % de la valeur réelle des travaux incluant les profits et le risque pour l'entrepreneur. Nous avons retenu ce taux dans le cadre de l'analyse financière. Coût de la terre Le coût de la terre varie grandement en fonction de la localisation, de la morphologie, de la qualité des sols, de la disponibilité régionale et de l'usage de la terre. En 2011, les
14 terres agricoles et les boisés se sont transiges de 264 $/ha à plus de 17 500 $/ha sur le territoire québécois (AGECO 2012). Par conséquent, nous avons considéré une valeur de référence pour le fonds de terre de 1000 $/ha, en deçà de la moyenne provinciale puisque le reboisement du peuplier hybride s'effectue sur des terres agricoles marginales ou en forêt. Par conséquent ces terres sont moins chères que des terres agricoles productives. Nous émettons l'hypothèse de l'existence d'un chemin sur la terre équivalent à 1 km pour 40 ha. Compte tenu du coût d'entretien d'un chemin estimé à 500 $/km/an (Michel Martin1, Comm. pers., 10 nov. 2011), nous pouvons conclure que le coût d'entretien annuel est de 12,50 $/ha. Nous avons également ajouté les taxes municipales et scolaires d'environ 1,35 % de la valeur de la terre (Marc-André Côté', Comm. pers., 8 nov. 2011). Ces taxes sont évolutives puisqu'elles s'appliquent autant sur la valeur du fond de terre que sur la valeur marchande du bois sur pied. Rendement forestier Il n'existe présentement aucune table de rendement pour le peuplier hybride au Québec (Fortier et al. 2011 a). Nous avons donc utilisé les courbes de rendement potentielles développées par le MRNF dans notre simulation financière. Notre scénario de base est de 15 m3/ha/an et vise ainsi une production de 300 m3 de bois à la 20eme année de croissance. Cette courbe de rendement procure un rendement brut auquel nous avons soustrait certaines pertes, soit 5 % pour les caries et volumes délaissés sur le parterre de coupe et nous avons estimé que 90 % de la superficie en plantation survit jusqu'à la récolte finale. Taux de rendement McKillop et Hutchinson (1990) suggère d'utiliser 4,77 % comme taux de rendement pour les projets à caractère forestier. Lothner et al. (1986) et Anderson et Luckert (2007) ont utilisé 4 % dans leur analyse financière de plantations de peupliers hybrides en Alberta. En général, les investissements en foresterie ne nécessitent pas des taux de rendement élevés compte tenu de la nature prudente de ces investissements (McKillop et Hutchinson 1990). Le National Timber Tax (2009), organisme partenaire du US Forest Service, estime qu'il faut plutôt utiliser 6,17 % dans l'évaluation des projets forestiers dans les états du 1 Technicien forestier, Consultant Directeur-général de la Fédération des Producteurs de bois du Québec
15 nord-est des États-Unis. Puisqu'il s'agit de la donnée la plus récente, nous avons retenu ce dernier taux, mais nous l'avons arrondi à 6 % afin de simplifier la présentation des résultats. 2.4 Modèle d'analyse financière L'identification de la Révolution économique optimale (RÉO) est primordiale dans la réalisation d'une analyse financière d'une plantation puisque le temps y joue un rôle prépondérant. Ainsi, le moment le plus judicieux pour récolter les fruits de l'investissement ne correspond pas nécessairement au moment où la production de bois est maximisée. Alors que la coupe finale s'effectue au moment où le rendement est maximisé dans le cas d'une révolution optimale, la RÉO vise une récolte finale d'un peuplement lorsque les profits sont maximisés (Gélinas et al. 2009). Pour déterminer la RÉO, il suffit d'identifier le moment où la valeur maximale du consentement à payer (WPL) pour une terre reboisée en peupliers hybrides est atteinte (Gélinas et al. 2009 et Klemperer 1996). Le WPL constitue la somme qu'est prête à débourser une personne pour l'acquisition d'une terre. La valeur de la terre change dans le temps puisqu'au fur et à mesure que la plantation croît, la valeur de cette dernière augmente et s'ajoute à la valeur du fond de terre. L'analyse financière a été effectuée du point de vue d'un propriétaire forestier dont l'intention est d'effectuer une seule révolution. Klemperer (1996) suggère la formule suivante pour calculer le WPL pour une révolution : WPL = VAN + (i + ty t t WPL c„ Lt n n + Z-, (l + i) ;i = 0 £-L 71 = 0 (i + o (i + o* L t - Valeur de la terre à l'année t Rn - Revenus survenant à l'année n Cn = Coûts survenant à l'année n t = Nombre d'année de la révolution
16 Où les revenus et coûts se décortiquent ainsi: Rn = Vn X Pnet X S + 2^ An n=0 Vn - Volume de bois récolté à l'année n Pnet = P1™ n e t de la matière ligneuse s = Taux de survie de la plantation An = Aide financière à l'année n .v CS C„= £{[Ok*P«et*S + It )xr] + £}+ Y, n n=0 n=0 Vn - Volume de bois récolté à l'année n Pnet = P " x n e t de la matière ligneuse s = Taux de survie de la plantation T - Taux de taxation E - Coût en entretien CSn = Coûts sylvicoles Lt = Valeur de la terre à l'année t t = Nombre d'années de la révolution Les calculs financiers furent exécutés avec les logiciels Excel de la suite Office et Premium Solver Pro de Frontline Technologies. Nous avons ainsi pu optimiser les calculs afin de trouver le maximum atteint par le WPL en fonction du moment choisi pour effectuer les traitements commerciaux, soit l'éclaircie commerciale et la coupe finale. Ainsi, une fois la RÉO de chacun des scénarios établis, nous avons pu réaliser l'analyse financière de ceux-ci en calculant la Valeur actualisée nette (VAN), le Taux de rendement interne (TRI) et le ratio bénéfices-coûts (B/C) (Gélinas et al. 2009). Ces deux derniers critères utilisent les mêmes variables que ceux définies dans la formule de la VAN. Par la suite, nous avons effectué une analyse de sensibilité de l'ensemble des scénarios étudiés et ce, avec et sans subvention. Les variables analysées sont les suivantes : le prix de la matière ligneuse, le coût de récolte, le coût de transport, le rendement en matière ligneuse, les coûts des différents traitements sylvicoles, le prix du fond de terre, le taux d'actualisation, l'intensité du prélèvement lors de l'éclaircie commerciale et les subventions. Nous avons fait varier chacune des variables de l'ordre de 10 %, à l'exception
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