15-12 UTILISATION ET COÛT DE L'HÉBERGEMENT AVEC SOINS DE LONGUE DURÉE AU QUÉBEC, 2010 À 2050
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15-12 UTILISATION ET COÛT DE L’HÉBERGEMENT AVEC SOINS DE LONGUE DURÉE AU QUÉBEC, 2010 À 2050 CAHIER DE RECHERCHE WORKING PAPER François Laliberté-Auger, Aurélie Côté-Sergent, Yann Décarie, Jean-Yves Duclos et Pierre-Carl Michaud Juin / June 2015
La Chaire de recherche Industrielle Alliance sur les enjeux économiques des changements démographiques est une chaire bi-institutionnelle qui s’appuie sur un partenariat avec les organisations suivantes : - Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) - Industrielle Alliance, Assurance et services financiers inc. - Régie des rentes du Québec Les opinions et analyses contenues dans les cahiers de recherche de la Chaire ne peuvent en aucun cas être attribuées aux partenaires ni à la Chaire elle-même et elles n’engagent que leurs auteurs. Opinions and analyses contained in the Chair’s working papers cannot be attributed to the Chair or its partners and are the sole responsibility of the authors. © 2015 François Laliberté-Auger, Aurélie Côté-Sergent, Yann Décarie, Jean-Yves Duclos et Pierre-Carl Michaud. Tous droits réservés. All rights reserved. Reproduction partielle permise avec citation du document source, incluant la notice ©. Short sections may be quoted without explicit permission, if full credit, including © notice, is given to the source. Dépôt légal : Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada, 2015. ISSN 2368-7207
Utilisation et coût de l’hébergement avec soins de longue durée au Québec, 2010 à 2050 ∗ François Laliberté-Auger† Aurélie Côté-Sergent† Yann Décarie† Jean-Yves Duclos‡ Pierre-Carl Michaud§ 13 juillet 2015 Résumé Dans cette étude, nous projetons, à l’aide d’un modèle qui simule la santé des Québé- cois, les besoins futurs d’hébergement avec soins de longue durée au Québec d’ici 2050. Nous estimons le nombre de place et les coûts associés à ces places. De plus, nous éva- luons un nombre de scénarios qui pourraient soit augmenter ou diminuer les besoins futurs. Si rien ne change, nous projetons que les besoins de places en établissement de soins de longue durée augmenteront de 75 100 en 2010 à 196 900 en 2050, avec des coûts passant de 3,2 à 8,4 milliards en dollars constants, ce qui apparaît insoutenable. Ces besoins accrus sont en bonne partie tributaires d’une amélioration soutenue de l’espérance de vie. Mots clés : Soins de longue durée, projections, vieillissement, dépenses de santé, Québec Codes JEL : H51, I10, I18, J11 1 Contexte sonnes en perte d’autonomie ou présentant des contraintes sévères, nous nous concen- trerons dans cette étude sur ce type de soins. Le Québec, comme la plupart des socié- tés industrialisées, doit composer avec une En 2011, 138 000 personnes étaient dans population vieillissante. L’espérance de vie des établissements de soins de santé et dans étant en hausse, les personnes âgées de des établissements connexes (Statistique Ca- demain vivront plus longtemps que celles nada, 2011b). De ce nombre 77 000 étaient d’aujourd’hui. Cependant, une proportion im- hébergées dans des établissements de soins portante de ces années risque d’être vécue infirmiers et de soins de longue durée, et en situation d’invalidité. Dans ce contexte, 59 000 étaient en résidence pour personnes les besoins en soins de longue durée (SLD) âgées. Le gouvernement québécois avait à seront appelés à croître. Puisque la majo- sa charge environ 40 000 places en centres rité des dépenses en soins de longue du- d’hébergement et de soins de longue du- rée sont dédiées à l’hébergement des per- rée (CHSLD) publics et privés conventionnés (Commission de la santé et des services so- ∗. Nous remercions David Boisclair pour son assis- tance éditoriale et pour ses suggestions, lesquelles ont ciaux, 2013), ainsi que 5000 places en res- grandement amélioré cet article. sources intermédiaires (Vérificateur général †. ESG UQAM du Québec, 2012). ‡. Université Laval, CIRANO §. ESG UQAM, CIRANO (michaud.pierre_carl@uqam.ca) On note une croissance importante de 1
l’utilisation de services d’hébergement. Se- férentes projections concernant le nombre lon Statistique Canada (2001, 2011b), entre d’individus en institution. Les résultats sont 2001 et 2011, le nombre de personnes en obtenus à l’aide d’un modèle de microsimu- établissements de SLD a augmenté de 35%. lation qui nous permet de montrer la variabi- Une étude de l’Institut national de santé lité des projections en fonction de différents publique du Québec (2010) projette que le scénarios qui affectent la mortalité et la pro- nombre d’aînés qui auront besoin de ce type gression de certaines maladies. de soins devrait doubler entre 2006 et 2031. La prochaine section décrit brièvement le L’utilisation actuelle se traduit en des dé- modèle de microsimulation et les sources de penses totales de 5,9 milliards de dollars en données qu’il utilise. La section 3 présente 2011 1 , ce qui constitue une augmentation les scénarios, la section 4 explique les résul- importante par rapport à 2005, où les dé- tats et la section 5 conclut. penses se chiffraient à 4,4 milliards de dollars (Institut canadien d’information sur la santé, 2014). De ce total, 2,9 milliards étaient dé- pensés par le gouvernement québécois pour 2 Méthodologie les CHSLD et les places en ressources inter- médiaires en 2011 (Vérificateur général du 2.1 COMPAS, un modèle de microsi- Québec, 2012). Les individus qui sont dans mulation de la santé au Québec des institutions privées non-conventionnées paient eux-mêmes leurs soins. Ils sont cepen- dant aidés par le gouvernement québécois Dans cette étude, nous utilisons COMPAS, qui met en place divers crédits d’impôt visant un modèle de microsimulation dynamique à alléger le fardeau de ces dépenses. Selon qui projette l’état de santé de la popula- l’Institut C.D. Howe, la tendance à la hausse tion québécoise et l’utilisation de ressources des dépenses se poursuivra entre 2014 et entre 2010 et 2050. Il permet de fournir 2050 au Canada, ce qui indique qu’il y aura des projections détaillées de la prévalence sans doute une tendance similaire au Québec des principaux problèmes de santé (diabète, (Blomqvist et Busby, 2014). démences, maladies cardiaques, etc.) et de l’utilisation de ressources (consultations au- Les études de Blomqvist et Busby (2014) près de médecins, nuits d’hospitalisations, et de l’Institut national de santé publique soins de longue durée). COMPAS simule la po- du Québec (2010) donnent donc une bonne pulation québécoise de 30 ans et plus. Étant idée de la direction que prendra le besoin donné que les problèmes de santé considérés en hébergement avec soins de longue du- dans le modèle sont peu courants chez les rée. Néanmoins, elles ne permettent pas jeunes, l’exclusion des personnes de moins de prendre en considération divers change- de 30 ans de la simulation a peu d’effets sur ments concernant les avancées médicales et les projections de santé globale de la popula- l’évolution de la santé de la population, chan- tion du Québec. gements suceptibles d’avoir un impact im- portant sur les besoins en hébergement avec SLD. Dans cette étude, nous présentons dif- 1. Voir à l’annexe A la définition des établissements selon l’Institut canadien d’information sur la santé (2014). 2
La simulation s’effectue en quatre étapes 2 : 4. En dernier lieu, le module de renouvel- lement ajoute une cohorte 3 d’individus 1. Tout d’abord, le module d’initialisation âgés de 30 ans et 31 ans à la population crée la population initiale du modèle. afin que celle-ci demeure représentative Cette population est représentative des de la population québécoise de 30 ans et Québécois âgés de 30 ans et plus en 2010, plus. Les individus de la nouvelle cohorte lesquels possèdent plusieurs caractéris- possèdent, tout comme les individus de la tiques : population initiale, différentes caractéris- tiques. — Caractéristiques sociales démogra- phiques : âge, sexe, statut d’immigra- Les étapes 2, 3 et 4 sont répétées jus- tion, niveau de scolarité qu’en 2050, date d’ajout de la dernière co- — Maladies : diabète, hypertension, mala- horte. Après 2050, seules les troisième et dies cardiaques, accidents vasculaires quatrième étapes sont répétées chaque an- cérébraux (AVC), cancer, maladies pul- née. Les individus simulés peuvent donc monaires, démences continuer de vieillir et de changer d’état de — Facteurs de risque : tabagisme, obésité santé jusqu’en 2130, l’âge maximal permis — Invalidité : limitations d’activités, pro- dans le modèle étant de 110 ans. Pour cette blèmes cognitifs, institutionnalisation étude, 100 répétitions de l’estimation du mo- (établissements de soins de longue du- dèle sont effectuées afin d’avoir des résultats rée), soins à domicile stables. 2. En deuxième lieu, le module d’utilisation Nous pouvons par la suite caculer diffé- calcule l’utilisation et les coûts de diffé- rentes statistiques pour chaque année. Parmi rents soins et services de santé dont le celles-ci, on note la prévalence, dans la po- nombre de nuits d’hopitalisation, les soins pulation, de chaque maladie et des différents à domicile et l’institutionnalisation. facteurs de risque ; le nombre d’individus de 3. Le module de transition fait ensuite vieillir chaque groupe d’âge au sein de la popula- les individus de deux années, en calculant tion ; ainsi que le taux de mortalité et l’espé- et en appliquant les probabilités de tran- rance de vie. sition vers différents états. Ainsi, chaque individu peut développer une maladie ou une invalidité, commencer à avoir besoin 2.2 Sources des données de soins à domicile, entrer en établisse- ment avec soins de longue durée, perdre La création d’un modèle comme COMPAS ou gagner du poids, commencer à ou ces- nécessite l’utilisation de plusieurs sources ser de fumer ou encore mourir. La pro- de données. Les deux enquêtes principales babilité de changer d’états de santé est proviennent de Statistique Canada, soit l’En- différente pour chaque individu et dépend quête nationale sur la santé de la population de ses caractérisques. Suite à cette transi- (ENSP) et l’Enquête sur la santé dans les col- tion, les individus décédés sont retirés de lectivités canadiennes (ESCC) 4 . L’ENSP est la population. 3. Le terme cohorte désigne ici un groupe d’agents 2. Cette description est une mise à jour de celle dis- nés les mêmes années et qui entrent dans le modèle ponible dans Côté-Sergent et al. (2014). Davantage au même moment. d’information au sujet de COMPAS est disponible au 4. Certaines des analyses rapportées dans ce texte www.cedia.ca. ont été réalisées au Centre interuniversitaire québé- 3
une enquête longitudinale qui a été effec- 2.3 Nombre de personnes en insti- tuée auprès d’un échantillon de la population tution canadienne (Statistique Canada, 2012). Un questionnaire à été soumis au même échan- Il importe maintenant de présenter la va- tillon de répondants tous les deux ans, à riable qui capte le besoin en soins de longue partir de 1994-1995, de sorte qu’il existe durée. Dans le cadre du modèle, un individu neuf cycles à cette enquête, le dernier datant peut être dans un état parmi trois possibles : de 2010-2011. C’est l’aspect longitudinal de il ne reçoit pas de soins de longue durée, il l’ENSP qui nous permet de calculer les proba- reçoit des soins/services à domicile ou il est bilités de changer d’états de santé utilisées dans un établissement de soins de longue du- dans le module de transition. rée. Nous entendons par soins/services à do- L’ENSP ne peut pas être utilisée pour créer micile tout type d’aide apportée à une per- la population initiale du modèle puisqu’elle sonne dépendante, que ce soit pour faire est conçue pour être représentative de la po- les courses ou l’entretien ménager, adminis- pulation de 1994 et qu’il y a peu d’observa- trer des médicaments ou aider la personne tions au Québec. Ainsi, il est préférable d’uti- à s’habiller et à se nourrir. L’institutionnalisa- liser à cette fin l’ESCC de 2010. Non seule- tion, quant à elle, fait référence à l’héberge- ment l’ESCC est-elle représentative de la po- ment dans les établissements de soins infir- pulation en 2010, mais elle compte plus de miers et de soins de longue durée 5 . 11 000 observations pour le Québec seule- Tel que mentionné précédement, les be- ment (Statistique Canada, 2010), ce qui per- soins en soins de longue durée sont déter- met de cibler uniquement les observations minés dans le module de transition. Ainsi, à québécoises de l’enquête et de dresser un chaque année de la simulation, nous calcu- portrait plus précis de la santé de la popula- lons la probabilité individuelle d’avoir besoin tion. Le désavantage de l’ESCC par rapport à de soins à domicile ou d’être institutionna- l’ENSP est qu’elle ne contient pas de dimen- lisé. Ces probabilités dépendent des carac- sion longitudinale, mais cela n’est pas néces- téristiques socio-démographiques, des mala- saire pour la création d’une population ini- dies, des facteurs de risque et de l’invalidité. tiale. cois de statistiques sociales (CIQSS), membre du Ré- seau canadien des centres de données de recherche (RCCDR). Les activités du CIQSS sont rendues possibles 2.4 Estimation des coûts grâce à l’appui financier du Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH), des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), de la Fondation cana- L’estimation des coûts est obtenue en dienne pour l’innovation (FCI), de Statistique Canada, croisant plusieurs sources de données. Dans du Fonds de recherche du Québec - Société et culture un premier temps, nous utilisons les dé- (FRQSC) ainsi que de l’ensemble des universités qué- bécoises qui participent à leur financement. Les idées penses totales (publiques et privées) pour exprimées dans ce texte sont celles des auteurs et non les établissements d’hébergement, dépenses celles des partenaires financiers. calculées par l’Institut canadien d’informa- tion sur la santé (2014) 6 . Les dépenses dans cette catégorie s’élevaient à 5,9 milliards de 5. Ceci correspond à 77 000 personnes au Québec en 2011, tel qu’expliqué dans la section 1. 6. Voir l’annexe A pour une définition des établisse- ments considérés. 4
dollars pour l’année 2011. Dans un deuxième 3 Scénarios de la simulation temps, pour obtenir un coût par place, nous divisons le coût total (5,9 milliards) par le nombre de personnes ayant déclaré vivre 3.1 Scénario de référence dans un établissement de soins de santé ou dans un établissement connexe dans le Un des intérêts majeurs d’un modèle de recensement de 2011 (Statistique Canada, microsimulation comme COMPAS est la faci- 2011b). Nous obtenons, pour les 138 760 per- lité avec laquelle nous pouvons faire varier sonnes qui vivent dans un de ces établisse- les hypothèses qui concernent l’évolution de ments, un coût unitaire de 42 784$. la santé des Québécois. Ceci nous permet de présenter 4 scénarios différents, et ainsi de Ce chiffre doit toutefois être considéré donner un éventail de projections concernant avec prudence pour deux raisons. Première- les besoins en hébergement avec soins de ment, les définitions des types d’établisse- longue durée. ments diffèrent entre l’Institut canadien d’in- formation sur la santé (2014) et le recense- Le premier scénario de simulation ment (Statistique Canada, 2011b) 7 . Deuxiè- construit à l’aide de COMPAS est un scénario mement, COMPAS est calibré sur un en- dit de référence. L’objectif de ce scénario semble plus restreint d’établissements qui est de représenter la situation telle qu’elle exclut les résidences pour personnes âgées. serait entre 2010 et 2050 en l’absence de Le coût des résidences pour personnes âgées changements dans l’effet des déterminants étant inférieur à celui des établissements de des transitions vers différents états de santé. soins infirmiers et de soins de longue durée, Il sert également de base comparative aux le coût retenu est inférieur au coût réel des scénarios subséquents. Par ailleurs, nous po- places estimées par le modèle. Au final, ce sons des hypothèses sur les caractéristiques chiffre est néanmoins la meilleure approxi- initiales des cohortes entrantes afin de tenir mation possible avec les données à notre dis- compte dans le futur de certaines tendances position. observées au Québec entre 2000 et 2012. Il serait en effet incorrect de supposer que les Il est à noter que nous n’appliquons pas Québécois âgés de 30 ans en 2030 seront de tendance à la hausse en ce qui concerne identiques à ceux qui avaient 30 ans en les coûts de l’hébergement (entre 2010 et 2010. 2050), afin que les changements de coûts re- flètent seulement la variation de la demande Nous supposons d’abord que la préva- pour ce type de soins. Il s’agit donc d’une ap- lence de l’obésité à 30 ans augmente au sein proximation conservatrice des coûts. de chaque nouvelle cohorte. Ainsi, à son ar- 7. Voir l’annexe A pour les définitions respectives. rivée dans le modèle, la cohorte de 2022 est plus touchée par l’obésité que celle de 2020, qui est elle-même plus touchée que celle de 2018. Toutefois, le risque de devenir obèse au sein de la population de plus de 30 ans, soit la probabilité de transition vers l’obésité, est le même pour chaque cohorte une fois que celle-ci est entrée dans le modèle. La deuxième hypothèse concernant les 5
caractéristiques des cohortes entrantes vise scénarios faibles et moyens de l’Institut de l’éducation. Étant donnée l’augmentation la statistique du Québec (2014) et de Statis- entre 2000 et 2012 de la proportion d’indivi- tique Canada (2015). La figure 1 nous permet dus ayant obtenu un diplôme d’études post- également de voir que la population québé- secondaires, le scénario de référence postule coise vieillit : le nombre de personnes âgées une augmentation annuelle, entre 2010 et de plus de 75 ans passera de 547 000 per- 2050, de la proportion de Québécois qui, à sonnes à plus de 1,4 million entre 2010 et 30 ans, ont un diplôme universitaire. 2050. En 2050, 14,9% de la population qué- bécoise aura plus de 75 ans, ce qui repré- Une dernière hypothèse permettant sente une hausse de près de 8 points de pour- la construction du scénario de référence centage par rapport à 2010. consiste à supposer une amélioration exo- gène de la mortalité au cours de la période .4 de simulation. Ainsi, dans le scénario de réfé- rence, il est supposé que le taux de mortalité Prévalence (30 ans +) .3 diminue au cours de la période de simulation au-delà de ce qui s’explique par la variation .2 dans la prévalence des facteurs de risque et des maladies considérés. Cette amélioration .1 est basée sur les taux de mortalité projetés par Statistique Canada entre 2010 et 2050. 0 2010 2020 2030 2040 2050 La combinaison de ces hypothèses nous Année permet de simuler l’évolution de la popula- Diabète Maladies cardiaques Hypertension Démences tion québécoise. La figure 1 présente la dis- tribution de la population du Québec, par Figure 2 – Prévalence des maladies de 2010 à 2050. groupe d’âge, entre 2010 et 2050. Source : Calcul des auteurs à partir de COMPAS. La figure 2 présente, entre 2010 et 2050, 10 9 les résultats du scénario de référence en 3 4 5 6 7 8 termes de prévalence de certaines maladies Population (en millions) au sein de la population âgée de 30 ans et plus. D’abord, on observe une augmentation de la prévalence de l’ensemble des maladies au cours de la période étudiée. La prévalence 2 de l’hypertension augmente de 15,3 points 1 de pourcentage entre 2010 et 2050, pour at- 0 2010 2020 2030 Année 2040 2050 teindre 43% de la population en 2050. Ceci Plus de 75 ans 60 à 75 ans est légèrement plus élevé que la croissance 30 à 60 ans Moins de 30 ans de la prévalence des maladies cardiaques au cours de la période (14 points de pour- Figure 1 – Population par groupe d’âge de 2010 à 2050. centage). La prévalence des maladies car- Source : Calcul des auteurs à partir de COMPAS. diaques augmentera ainsi de 8,2% à 22,2% entre 2010 et 2050. Le diabète touchera da- Elle montre que la population totale du vantage de Québécois, la prévalence aug- Québec augmentera à 9,39 millions en 2050. mentant de 6 points de pourcentage au cours Il s’agit d’une projection qui se situe entre les 6
de la période de simulation. La prévalence jections à une avancée majeure dans la pré- des démences triplera, passant de 1,6% à vention des démences. 4,5% de la population de 30 ans et plus entre 2010 et 2050. Le quatrième scénario augmente de 50% la probabilité de déveloper les maladies liées à l’obésité, soit le diabète, les maladies car- diaques et l’hypertension. Similairement au 3.2 Scénarios alternatifs scénario précédent, les autres hypothèses du scénario de référence restent les mêmes. Les résultats du scénario de référence donnent un aperçu de l’état de santé et de À l’aide de ces scénarios, nous pouvons la taille de la population au Québec entre évaluer si les projections concernant l’aug- 2010 et 2050 en l’absence de changements mentation des besoins en hébergement avec majeurs dans les tendances et dans l’effet SLD se maintiennent malgré des hypothèses des déterminants observés au cours des der- différentes. nières années. Afin de capter l’effet de chan- gements éventuels dans la santé de la po- pulation sur le besoin en hébergement avec SLD, il importe toutefois de considérer diffé- 4 Projections du nombre de rents scénarios alternatifs. Ils sont présentés personnes en institution en détails dans cette section. Le deuxième scénario élimine l’améliora- Nous commençons par présenter les pro- tion exogène de la mortalité. Il permet donc jections du scénario de référence pour les be- de voir quel est l’effet des changements dé- soins en hébergement avec SLD. En guise mographiques si l’espérance de vie est déter- de rappel, les places captées par COMPAS minée uniquement par l’évolution de la santé sont les places dans des établissements de des individus (prévalence de certaines mala- soins infirmiers et de soins de longue durée dies, de facteurs de risque et d’invalidité) sur en 2011, tel qu’expliqué dans la section 1. La le nombre de personnes ayant besoin d’être figure 3 montre le besoin de places en éta- hébergées dans un établissement de soins blissement de soins de longue durée (en mil- de longue durée. À l’exception de ce change- liers) en 2010, en 2030 et en 2050, pour les ment, ce deuxième scénario pose les mêmes hommes et les femmes séparément. On note hypothèses que le scénario de référence. tout d’abord qu’il y aura une augmentation importante du nombre d’individus en institu- Les troisième et quatrième scénarios, tion. Alors qu’il y avait 75 100 personnes en quant à eux, modifient l’évolution de mala- institution en 2010, ce nombre devrait aug- dies susceptibles d’avoir un efet sur la pro- menter à 134 900 en 2030 et à 196 900 en babilité d’avoir besoin d’être hébergé dans 2050. On remarque également qu’il y a da- un établissement de SLD. À cet effet, le troi- vantage de femmes que d’hommes héber- sième scénario réduit la probabilité de dé- gées dans ces établissements. Enfin, on note velopper une démence de 50% par rapport que l’écart entre les hommes et les femmes au scénario de référence, tout en laissant les augmente entre 2010 et 2030, passant de autres hypothèses du scénario de référence 31% à 36%, mais diminue en 2050, terminant inchangées. Ce scénario, bien que peu réa- à 26%. liste, permet d’estimer la sensibilité des pro- 7
Panel A 150 Espérance de vie Années Nombre d’individus (en milliers) invalide 100 Homme 22,8 4,79 Femme 25,6 8,54 Tous 24,3 6,82 50 Panel B Probabilité d’être Années en institution en institution* 0 2010 2030 2050 Homme Femme Homme 16,0% 4,93 Femme 26,3% 5,81 Figure 3 – Nombre d’individus (en milliers) en institution en Tous 21,5% 5,51 2010, 2030 et 2050, hommes et femmes séparément. Source : Calcul des auteurs à partir de COMPAS. Tableau 1 – Espérance de vie et nombre d’années en situa- tion d’invalidité (Panel A) ; Probabilité d’être en institution et nombre d’années passées en institution (Panel B). Hommes et Cet écart s’explique par la différence ob- femmes ayant 60 ans en 2010. * Nombre moyen d’années pour les individus qui entrent un servée entre les hommes et les femmes jour en institution au cours de leur vie. quant à l’espérance de vie et au nombre Source : Calcul des auteurs à partir de COMPAS. d’années en situation d’invalidité. Le panel A du tableau 1 montre ces deux variables les hommes. Conditionnellement au fait d’y pour les hommes et les femmes ayant 60 ans entrer, une femme ayant 60 ans en 2010 pas- en 2010. On voit que les femmes vivront, en sera en moyenne 6 ans en institution. moyenne, environ 3 années de plus que les hommes. Cependant, elles souffriront d’inva- Les résulats du scénario de référence lidité pendant plus de 8 ans, soit environ 2 concernant le nombre d’adultes hébergés fois plus longtemps que les hommes. Étant donnent une idée de l’augmentation de la de- donné que l’invalidité est un prédicteur im- mande future. Cependant, nous savons que portant de l’institutionnalisation, cette diffé- de telles projections sont difficiles à établir rence peut, du moins partiellement, expli- avec précision. C’est pour cette raison qu’il quer pourquoi il y aura davantage de femmes est plus utile de comparer les résultats du que d’hommes en institution. scénario de référence avec ceux des scéna- rios alternatifs présentés à la section 3.2. Puisque les femmes vivent plus long- temps en situtation d’invalidité, leur probabi- L’axe de gauche de la figure 4 montre lité d’être en institution ainsi que leur nombre le nombre d’individus (en milliers) en insti- moyen d’années passées en établissement tution, dans les 4 scénarios, entre 2010 et sont plus élevés que pour les hommes. Le 2050. On remarque que le scénario de réfé- panel B du tableau 1 montre ces deux va- rence est celui qui prédit l’augmentation la riables pour les hommes et les femmes ayant plus importante du nombre d’individus ins- 60 ans en 2010. On voit que la probabilité titutionnalisés. Le nombre passe de 75 100 d’entrer dans un établissement de SLD est en 2010 à 196 900 en 2050, ce qui repré- 1,6 fois plus élevée pour les femmes que sente une augmentation annuelle moyenne pour les hommes. Les femmes passent éga- de 2,4%. L’axe de droite de la figure 4 pré- lement 17% plus de temps en institution que 8
sente les coûts (en milliards de dollars de teur » 8 , il annonce tout de même une aug- 2011) liés à l’institutionnalisation. Entre 2010 mentation de 61 900 personnes en institu- et 2050, ils devraient augmenter de 3,2 à tion, ce qui serait suffisant pour aggraver 8,4 milliards. Le montant pour 2010 est dif- la pénurie de places dans un contexte où férent des 6,4 milliards mentionnés à la sec- plusieurs individus sont déjà sur des listes tion 1, puisqu’il s’applique seulement aux in- d’attente pour une place en CHSLD et où le dividus hébergés dans des établissements de nombre de places disponibles est légèrement soins infirmiers et de soins de longue durée en baisse (Commission de la santé et des ser- et non à l’ensemble des personnes dans les vices sociaux, 2013). Or, tous les autres scé- établissements de soins de santé et dans les narios examinés projettent une croissance établissements connexes. encore plus importante. Les deux derniers scénarios, ceux qui mo- 8.51 200 difient l’incidence des démences et des ma- Coûts (en milliards de $ de 2011) Nombre d’individus (en milliers) ladies associées à l’obésité, présentent des 6.39 résultats semblables. Dans les deux cas, le 150 nombre d’individus en institution augmente de 75 100 personnes en 2010 à environ 184 500 en 2050. Il n’est pas étonnant 4.26 100 de constater que la diminution de l’inci- dence des démences affecte négativement le 2.14 nombre d’individus en institution par rapport 50 2010 2020 2030 Année 2040 2050 au scénario de référence. En effet, les per- Référence Sans amélioration de la mortalité sonnes atteintes de ces maladies sont sou- Diminution des démences Hausse maladies associées à l’obésité vent en perte d’autonomie majeure et ont be- soin d’être institutionnalisées. Le dernier scé- Figure 4 – Nombre d’individus en institution (en milliers, axe nario, bien qu’il suppose une augmentation de gauche) et coût total (en milliards de dollars de 2011, axe des trois maladies les plus souvent associées de droite) de l’institutionnalisation. Les résultats sont présen- tés pour les 4 scénarios. à l’obésité, a également un effet négatif sur Source : Calcul des auteurs à partir de COMPAS. le nombre de personnes en établissements de SLD par rapport au scénario de référence. Le deuxième scénario, celui qui élimine Ceci s’explique par la relation entre la morta- l’amélioration exogène de la mortalité, prédit lité et la morbidité (nombre de maladies dont la plus faible augmentation du nombre d’in- souffrent les individus). Ainsi, bien que dans dividus qui auront besoin d’être institution- ce scénario les individus soient davantage nalisés. De 75 100 en 2010, ce nombre aug- malades que dans le scénario de référence, mente à 137 000 en 2050. Ce scénario im- ce qui pourrait augmenter leurs chances de plique une augmentation des coûts à près de se retrouver en institution, ils meurent éga- 5,8 milliards de dollars, soit 45% de moins lement plus rapidement, ce qui réduit leurs que dans le scénario de référence. Ainsi, chances d’être institutionnalisés. C’est ce se- même si les bébé-boumeurs ne vivaient pas cond effet, celui concernant la mortalité, qui plus longtemps que leurs prédécesseurs, la domine et qui, par le fait même, diminue le taille de leur cohorte serait suffisante pour nombre de personnes institutionnalisées par hausser de façon importante les besoins en rapport au scénario de référence. Ces deux hébergement avec soins de longue durée. 8. En termes de demande de places en héberge- Bien que ce scénario soit le plus « conserva- ment avec SLD. 9
scénarios montrent que des effets opposés Cela aura pour effet l’encombrement des lits sur des maladies différentes peuvent avoir d’hôpitaux et des autres ressources du mil- des impacts semblables sur l’institutionnali- lieu de la santé. Une troisième solution pour- sation. rait être de substituer l’hébergement en éta- blissements de SLD par des soins/services à domicile. Cependant, pour des personnes en perte d’autonomie sévère, le coût mensuel 5 Conclusion de recevoir 4 heures de soins par jour serait de 1400$ à 3920$, selon le type de soins re- çus (Association canadienne des compagnies Cette étude présente quelques scénarios d’assurances de personnes, 2012). concernant l’évolution du nombre de Québé- cois qui auront besoin d’être hébergés dans des établissements de soins de longue du- rée entre 2010 et 2050. Les résultats, obte- nus à l’aide d’un modèle de microsimulation nommé COMPAS, montrent que même le plus conservateur des scénarios projette une aug- mentation de 61 900 individus qui auront be- soin de ce type de soins d’ici 2050. Le scé- nario de référence, quant à lui, prédit plu- tôt qu’il y aura 196 900 individus en institu- tion en 2050, ce qui devrait coûter près de 8,4 milliards de dollars – soit une augmenta- tion de 163% en dollars de 2011. Il importe de rappeler que ces projections sont des es- timations conservatrices quant au coût asso- cié à l’institutionnalisation en raison du coût par place utilisé et de l’absence d’augmenta- tion structurelle des coûts. Au Québec, le nombre de place financées en CHSLD stagne depuis de nombreuses an- nées (Commission de la santé et des ser- vices sociaux, 2013). La croissance attendue des besoins en hébergement accentuera la pression sur le réseau de la santé et sur les dépenses des personnes en perte d’autono- mie. Si la pénurie de places s’accroît, les per- sonnes ayant besoin d’être instutionnalisées devront soit se tourner vers le privé, où le prix d’une place variait de 850$ à plus de 6000$ par mois en 2012 (Association cana- dienne des compagnies d’assurances de per- sonnes, 2012), soit être hospitalisées, si elles sont incapables de couvrir les frais du privé. 10
ANNEXES Les résidents ne sont pas autonomes pour la plupart des activités de la vie quotidienne. — Hôpitaux généraux et spécialisés A Les différentes définitions — Foyers collectifs ou établissements pour d’établissements handicapés physiques et centres de trai- tement Statistique Canada et l’Institut canadien — Foyers collectifs pour enfants et adoles- d’information sur la santé définissent les éta- cents blissements de SLD de différentes manières. — Foyers collectifs ou institutions pour per- Ils n’existe malheureusement pas de concen- sonnes ayant une déficience psychia- sus sur la définiton de ce que nous appelons trique ou développementale un établissement de soins de santé. Nous présentons donc ici les différentes définitions — Résidences pour personnes âgées : selon les sources de données utilisées. Établissements qui offrent des services de soutien (comme la préparation Statistique Canada - recensement des repas, le ménage, la gestion des médicaments, l’aide au bain) et de Statistique Canada classe les établisse- supervision aux personnes âgées ca- ments de SLD dans les catégories suivantes pables d’accomplir seules la plupart des (Statistique Canada, 2011a) : activités quotidiennes. » (Statistique — « Hôpitaux pour personnes souffrant Canada, 2011a, pp.58-59) de maladies chroniques et hôpitaux de soins de longue durée : établissements Les 138 000 personnes en établissement qui offrent des soins médicaux, infir- de soins de santé et établissement connexe miers et spécialisés continus pour des regroupent toutes ces catégories alors que patients obtenant des soins de longue la définition d’institutionnalisation dans COM- durée qui ne peuvent accomplir seuls PAS exclut les résidences pour personnes les activités de la vie quotidienne [(soins âgées. d’hygiène personnelle, déplacement à l’intérieur de la maison, etc.). Les hô- Institut canadien d’information sur la pitaux de réadaptation font partie de santé (ICIS) cette catégorie]. Il s’agit d’hôpitaux as- surant un traitement continu aux pa- Du côté de l’Institut canadien d’informa- tients dont l’état devrait s’améliorer tion sur la santé, les établissements de soins grâce à des services de réadaptation. de longue durée sont regroupés dans la ca- — Établissements de soins infirmiers : [...] tégorie « autres établissements ». Ces éta- établissements de soins de longue du- blissements incluent « les établissements de rée où des personnes âgées reçoivent soins en hébergement (pour les patients at- des services de soins de santé allant teints de maladies chroniques ou les handi- de l’aide périodique à des soins in- capés qui résident à l’établissement de fa- firmiers réguliers. Ces établissements çon plus ou moins permanente) et qui sont offrent une surveillance permanente de approuvés, financés ou agréés par les mi- l’état de santé et l’accès à des soins in- nistères provinciaux ou territoriaux de la firmiers [à chaque heure de la journée]. Santé et/ou des Services sociaux. Les éta- 11
blissements de soins en hébergement com- prennent les foyers pour les personnes âgées (y compris les centres de soins infirmiers), les établissements pour les personnes ayant des déficiences physiques, des retards de déve- loppement, des déficiences psychiatriques, des problèmes liés à l’alcool et aux drogues et les établissements pour les enfants pré- sentant des troubles affectifs. » (Institut ca- nadien d’information sur la santé, 2014, p.104) Au-delà des termes employés, il n’est pas possible de comparer directement les défi- nitions de l’ICIS et de Statistique Canada. L’ICIS ne fournit par ailleurs pas de nombre de places (occupées ou vacantes) dans les différents types d’établissements, de sorte que cette statistique ne peut pas non plus être utilisée pour tenter d’établir une corres- pondance entre les définitions des deux or- ganismes. 12
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