Carnet de route - Arbitre aux Special Olympics Belgium 2012
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Carnet de route – Arbitre aux Special Olympics Belgium 2012 Tout a commencé alors que je surfais sur le site de la Ligue Francophone Belge de Badminton pour m’inscrire à un tournoi. En bas de page, une annonce attire mon attention : Arbitre bénévole recherché pour les Special Olympics Belgium à Liège les 17, 18 et 19 mai 2012. Arbitre ? Jamais testé. Special Olympics? Aucune idée de ce que c’est. Deux bons arguments pour plonger la tête la première dans ce microcosme assez particulier. Par Leslie Doumerc / Photos : Stefan Agten et Leslie Doumerc Special Olympics est une des seules organisations habilitée à emprunter le nom et la flamme des Jeux Olympiques mais pas le logo Special Olympics : kézako ? À part le nom et la cérémonie de la flamme, les Special Olympics n’ont pas grand chose à voir avec les Jeux olympiques. L’initiative vient d’Eunice Kennedy Shriver, dont l’un des frères n’est autre que l’ancien président des États-Unis John Fitzgerald Kennedy, et dont l’une des sœurs, Rose Mary Kennedy souffre d’une déficience intellectuelle. Côtoyant cette dernière au quotidien, Eunice se rend très vite compte du pouvoir du sport dans l’épanouissement des handicapés mentaux et décide de créer une structure spéciale pour les aider. C’était en 1968, depuis le mouvement a fait boule de neige et les Special Olympics International regroupent aujourd’hui plus de 3,1 millions d’athlètes dans 175 pays qui concourent dans 30 disciplines olympiques. Les compétitions sont locales, nationales ou internationales mais se distinguent des Jeux paralympiques réservés aux sportifs ayant un handicap physique. En Belgique, le système est bien rodé puisque les jeux nationaux existent depuis maintenant deux décennies. Si l’organisation et les participants sont majoritairement néerlandophones, les trois régions du pays (Wallonie- Bruxelles-Flandre) accueillent tour à tour l’événement. Cette année à Liège, 6 pôles sportifs avaient été réquisitionnés pour accueillir 3270 athlètes et 1500 bénévoles. Autant dire que malgré la bonne volonté de tous, la file pour aller chercher sa « lunchbox » à midi était longue !
Le hall de badminton du Bois de L'Abbaye à Seraing, en banlieue de Liège Rires, accolades et câlins Après une courte nuit à l’auberge de jeunesse George Simenon (le romancier, père du commissaire Maigret est originaire de Liège), j’entre dans ce qui sera mon home sweet home pour les trois prochains jours : le hall de badminton et ses neuf terrains. Walter Joren, responsable de l’organisation pour Badminton Vlaanderen, est aux petits soins avec les nouveaux venus. Il répond à mes nombreuses questions dans un français impeccable et m’explique quelques modifications par rapport à un arbitrage classique (pas de prolongation, le premier à 21 remporte le match, être plus souple dans les temps d’arrêt, etc). En fait, le briefing des bénévoles est presque une formalité : la majorité sont des habitués qui se donnent rendez-vous chaque année durant le week-end de l’ascension pour apporter leur pierre à l’édifice. « Si je ne peux pas consacrer trois jours par an pour aider ces gens, alors où va le monde ?! », me dit Luc Taelman qui est responsable de la programmation des matchs depuis les premiers jeux, il y a 20 ans. Deux athlètes entourées de leurs coachs/accompagnateurs Chez les joueurs aussi il y a une ambiance de retrouvailles. Rires, accolades, câlins et bisous remplacent l’échauffement strict et silencieux qu’on retrouve dans les tournois standards. Une parfaite démonstration d’un principe cher à la fondatrice des Special Olympics : l’événement est social avant d’être sportif car rien ne vaut la convivialité pour renforcer la confiance en soi.
Tout est dans le regard "Si tu perds le contact visuel avec les joueurs, tu perds le contrôle du match" 9 heures, début des matchs. Mon nom est annoncé sur le terrain 5 où deux joueuses lourdement handicapées et néerlandophones m’attendent. Un baptême de feu pour mon premier arbitrage à vie ! Heureusement, j’ai un très bon professeur à mes côtés. Philippe De Simon, arbitre belge accrédité européen me divulgue une foule de bons conseils, anecdotes et petites astuces. « Tout est dans le regard. Si tu perds le contact visuel avec les joueurs, tu perds le contrôle du match », m’explique-t-il. Une consigne que j’applique à la lettre, en plus de m’aider du scoreur pour compenser mon accent bizarre en flamand. Je découvre que la majorité des joueurs ont du mal à se positionner dans la zone appropriée au moment de servir. Il faut à chaque point leur indiquer du bras le bon emplacement avec un petit sourire. Ce « problème » n’en est en fait pas un, puisqu’il crée une réelle complicité entre le joueur et l’arbitre. Ma crainte d’avoir à gérer des débordements n’aura pas lieu. Les explosions de joie comme les gros chagrins sont amplifiés mais bien canalisés par les coachs/accompagnateurs des joueurs qui les encouragent sur le bord du terrain. J’admire la façon dont ils s’y prennent pour leur communiquer de se surpasser, mais surtout d’avoir du plaisir. Je remarque que les stratégies diffèrent selon le profil de l’athlète : le très compétitif qui s’énerve, le joyeux luron pas
très concentré, et celui qui est vraiment perdu sur le terrain. Entre deux matchs un accompagnateur me parle de la petite frustration qu’il ressent quand un joueur régresse au même rythme que sa maladie évolue. « Dans le monde sportif en général, un athlète progresse d’année en année, aux Special Olympics, c’est souvent l’inverse, et il faut l’accepter. » « Donnez-moi la chance de concourir avec courage » En moyenne, les badistes s’entrainent deux à trois heures par semaine. Le niveau de jeu est assez faible mais diffère beaucoup selon le handicap des joueurs. Ces derniers sont regroupés en 3 catégories (faible, intermédiaire, fort) auxquelles s’ajoute un classement par point de 1 à 5 suivant leurs aptitudes sur le court (réussir un service dix fois de suite, rattraper un smash, etc), défini par le coach. À en croire les organisateurs c’est un vrai casse-tête de faire en sorte que tous les matchs soient équilibrés ! Quoi qu’il en soit, l’accent est mis sur la participation plutôt que sur l’exploit sportif comme le rappelle la devise des Special Olympics fidèle à l’esprit de Coubertin, « Donnez-moi l’occasion de gagner. Mais si je n’y arrive pas, donnez-moi la chance de concourir avec courage». D’ailleurs, tous les matchs sont joués en poule, sans élimination. Pour les matchs de double, il existe une catégorie « unified » où un athlète joue avec son coach. Ce dernier a pour consigne de toujours relever le volant, l’idée étant de faire jouer au maximum les athlètes handicapés. En tant qu’arbitre, il faut donc parfois rappeler à l’ordre certains coachs qui se laissent griser par l’envie de terminer le point par un joli smash !
Lors de la remise des prix, chaque participant repart avec une médaille. Peu importe la couleur de celle-ci, pour ces athlètes spéciaux, la contre-performance n’existe pas, le fait d’être applaudis et célébrés à juste titre vaut toutes les victoires. Après une trentaine de matchs arbitrés et trois jours passés en compagnie de personnes aussi attachantes, il est un peu dur de plier bagage pour revenir à sa routine quotidienne. On se dit que c’est cliché à dire mais qu’en tant que bénévole, on a autant donné que reçu. Que ferez-vous durant le week-end de l’ascension l’an prochain ? Moi je serai sans hésiter à Gand pour apporter mon soutien à l’édition 2013 des Special Olympics. 365 jours, ça vous laisse amplement le temps d’apprendre à compter jusqu’à 21 en néerlandais. Één, twee, drie, vier, vijf…. —— Le site des Special Olympics Belgium Pour plus d’informations ou s’engager comme bénévole : walter.joren@telenet.be Le site des Special Olympics International
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