Les migrants haïtiens renvoyés vers un pays plongé dans le chaos

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Les migrants haïtiens renvoyés vers un pays plongé dans le chaos
24 MARS 2022

Les migrants haïtiens renvoyés vers un pays plongé dans
le chaos
Expulsions dangereuses face à la crise humanitaire et sécuritaire
Publié dans

(Washington) – Les États-Unis et tous
les autres pays devraient mettre fin aux
expulsions et aux rapatriements forcés
vers Haïti, où les personnes expulsées
sont exposées à un risque élevé de
violence et n’ont pas de réel accès à des
mesures de protection ou judiciaires, a
déclaré Human Rights Watch
aujourd’hui. En Haïti, les nombres
d’homicides et d’enlèvements commis
par les gangs contrôlant les zones                   Un Haïtien renvoyé au pays par les États-Unis en
                                                     décembre 2021 a noté sur un pullover tous les pays qu’il a
stratégiques du pays atteignent des
                                                     dû traverser pour arriver jusqu’aux États-Unis, en
niveaux alarmants, et la situation est               commençant par la République dominicaine. L’inscription à
encore aggravée par l’impunité                       droite dit en créole : « Notre secours est dans le nom de
                                                     l'Éternel, Qui a fait les cieux et la terre. »
persistante dont bénéficient les auteurs
                                                     © 2021 IOM
de violations de droits humains et de
crimes, le tout sur fond de crise
humanitaire.

« Il est inadmissible pour tout gouvernement d’envoyer des personnes en Haïti alors que le pays connaît
une telle détérioration de la sécurité et un risque si élevé d’atteinte à la vie et à l’intégrité physique des
personnes », a déclaré César Muñoz, chercheur senior auprès de la division Amériques de Human Rights
Watch. « Aucun gouvernement ne devrait renvoyer des personnes vers Haïti. Et les États-Unis,
responsables de la grande majorité des renvois, devraient cesser d’invoquer sans raison et de manière
illégitime une ordonnance de santé publique pour procéder à des expulsions abusives de personnes
haïtiennes. »

Lors d’une visite en Haïti en décembre 2021, Human Rights Watch a interrogé 49 personnes, dont
9 Haïtiens expulsés par les États-Unis et la République dominicaine, des représentants d’agences
Les migrants haïtiens renvoyés vers un pays plongé dans le chaos
onusiennes, des membres de la société civile et des responsables des pouvoirs judiciaire et exécutif
d’Haïti. Ces responsables comprenaient le Premier ministre Ariel Henry, le ministre de la Justice
Berto Dorcé, le ministre de l’Intérieur Liszt Quitel, le médiateur Renan Hédouville et l’inspecteur général
de la police Fritz Saint-Fort. Human Rights Watch a interrogé 16 autres personnes à distance, avant et
après la visite, et a examiné des données et des rapports provenant des Nations Unies, de la société civile
et des médias.

Actuellement, les renvois vers Haïti mettent la vie des personnes expulsées en danger et cela restera le cas
tant que les conditions de sécurité ne se seront pas améliorées, a déclaré Human Rights Watch. Haïti est en
proie à une situation sécuritaire désastreuse, caractérisée notamment par la perte du contrôle des zones
stratégiques par le gouvernement au profit de dangereux gangs armés, qui, selon une opinion largement
répandue, seraient financés par des politiciens et compteraient des policiers parmi leurs rangs. Les
violences ont aggravé une crise humanitaire déjà aiguë.

En outre, une crise politique et constitutionnelle profonde frappe le pays. Le Premier ministre Ariel Henry,
chef supposé du gouvernement, n’a pas été élu, mais simplement nommé par l’ancien président
Jovenel Moïse, deux jours avant l’assassinat de ce dernier le 7 juillet 2021. Le Premier ministre gouverne
par décrets, sans mandat constitutionnel. Le Parlement a cessé de fonctionner et le système judiciaire peine
à se maintenir dans ce contexte de crise sécuritaire et institutionnelle.

L’impunité est la norme dans les affaires criminelles. « À Haïti, deux options s’offrent aux juges sous la
menace : quitter le pays ou poursuivre leur enquête et risquer d’être tués », a déclaré à Human Rights
Watch un membre du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, organisme en charge du système judiciaire.

Compte tenu des conditions de sécurité en Haïti, les groupes de la société civile et les organisations venant
en aide aux migrants de retour ont dit craindre que les personnes expulsées ou rapatriées de force en Haïti
courent le risque d’être enlevées et de subir du chantage par les gangs criminels, car ces derniers
pourraient croire que les personnes revenues au pays ont de l’argent pour voyager ou des proches à
l’étranger prêts à payer des rançons. Cependant, il n’existe actuellement aucun système pour suivre et
assister les migrants de retour.

D’après les données recueillies par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), du
1er janvier 2021 au 26 février 2022, 25 765 personnes ont été expulsées ou rapatriées de force en Haïti,
dont 79 %, soit 20 309 personnes, par les États-Unis, le reste d’entre elles ayant été renvoyées par les
Bahamas, Cuba, les îles Turques et Caïques, le Mexique et d’autres pays.

Du 19 septembre 2021 (date du début de la collecte de données détaillées par l’OIM) au 14 février 2022,
les États-Unis ont renvoyé environ 2 300 enfants nés à l’étranger de parents haïtiens, pour la plupart vers
le Chili.

La majorité des personnes renvoyées par les États-Unis avaient quitté Haïti depuis des années, fuyant une
situation sécuritaire et économique déjà compliquée, et avaient vécu au Chili ou au Brésil avant de se
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rendre aux États-Unis. Certains ont subi des violences, notamment des abus sexuels, lors de leur périple
vers les États-Unis.

Les États-Unis devraient cesser immédiatement d’appliquer à tort le Titre 42 (« Title 42 »), une disposition
de la loi américaine sur la santé, afin de procéder à des expulsions vers Haïti et d’autres pays, a déclaré
Human Rights Watch. D’après les données de l’OIM, entre le 19 septembre 2021 et fin février 2022, 6 %
des personnes renvoyées par les États-Unis vers Haïti ont été rapatriées de force. Les autres ont été
expulsées sous couvert du Titre 42, dont l’administration de l’ancien président Donald Trump a fait usage
pendant la pandémie de Covid-19 pour refuser aux familles, aux enfants et aux adultes arrivant à la
frontière sud le droit de demander asile aux États-Unis, et que l’administration du président Joe Biden
continue d’utiliser. Le 11 mars, le centre américain de contrôle et de prévention des maladies (Centers for
Disease Control and Prevention, CDC) a mis fin à l’autorisation d’expulsion donnée par le Titre 42
lorsqu’il s’agit d’enfants non accompagnés.

Comme on pouvait s’y attendre, les États-Unis n’ont pas laissé aux personnes renvoyées en Haïti en vertu
du Titre 42 la possibilité d’exprimer leurs craintes de persécution ou de violence, ni de demander asile, en
violation du droit international.

Le 4 mars, la cour d’appel des États-Unis pour le circuit du District de Columbia a conclu que « du point
de vue de la santé publique, d’après les rapports limités dont nous disposons, il est loin d’être clair que
l’ordonnance du CDC ait une quelconque utilité », en référence à l’ordonnance émise par le CDC en
mars 2020 demandant d’appliquer le Titre 42.

Dans une décision susceptible d’entrer en vigueur en avril, la cour a ordonné à l’administration Biden de
cesser de recourir au Titre 42 pour expulser sommairement les familles avec enfants vers des pays où elles
risqueraient d’être persécutées ou torturées.

À l’aéroport, des agences de l’ONU et l’Office national haïtien de la migration (ONM, Biwo Nasyonal
Migrasyon en créole) offrent une assistance aux personnes revenues en Haïti, en leur donnant notamment
de l’argent, de la nourriture et des produits d’hygiène, mais ils n’assurent pas de suivi une fois qu’elles ont
été déposées à l’arrêt de bus ou à l’hôtel, ont expliqué des responsables onusiens et les autorités haïtiennes
à Human Rights Watch.

Une enquête menée par des membres du personnel de l’OIM auprès de 383 personnes rapatriées ayant pu
être contactées par téléphone en janvier et en février a démontré que 69 % d’entre elles ne se sentaient pas
en sécurité à Haïti. De plus, 84 % des personnes interrogées souhaitaient quitter à nouveau le pays en
raison de la crise économique et sécuritaire.

Non seulement les gouvernements étrangers devraient mettre fin aux rapatriements, mais ils devraient
également collaborer avec les autorités haïtiennes, les agences de l’ONU et les donateurs pour créer un
programme complet de réintégration pour les personnes déjà revenues au pays, a déclaré Human Rights
Watch. Ce programme devrait répondre aux besoins spécifiques des rapatrié·e·s, notamment en termes de
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travail, de sécurité, de regroupement familial et de services aux survivant·e·s de violence sexiste (par
exemple, l’accès à une contraception d’urgence), et proposer une prise en charge des enfants sur la base
d’évaluations de l’intérêt supérieur. Le 3 mars, un représentant de l’OIM a annoncé à Human Rights
Watch que l’organisation avait conçu un programme de réintégration et qu’elle cherchait à lever des fonds
pour pouvoir le mettre en œuvre.

« Les Haïtiens et leurs enfants, souvent nés à l’étranger, sont renvoyés dans un pays plongé dans le
chaos », a déclaré César Muñoz. « Les gouvernements étrangers devraient cesser tout rapatriement et
contribuer à la mise en place d’un programme de réintégration, en collaboration avec les autorités
haïtiennes, pour assurer le suivi des personnes déjà revenues, les aider à accéder à des services de base,
offrir une aide à leurs enfants et être prêts à intervenir si leurs vies étaient en danger. »

Pour davantage de détails sur les cas documentés par Human Rights Watch, veuillez lire ci-dessous.

Synthèse des informations recueillies
par Human Rights Watch

Les pays de la région, plus
particulièrement les États-Unis,
continuent de renvoyer des milliers de
personnes vers Haïti, y compris des
enfants nés à l’étranger, en dépit de la
situation critique dans le pays. Les
sections suivantes comportent des
données sur les expulsions et les
rapatriements forcés vers Haïti, ainsi que
des descriptions des conditions de
détention dans les centres aux frontières
des États-Unis. Human Rights Watch a
également exposé en détail les crises
profondes et aggravées en raison
desquelles il est inadmissible de                     Des personnes haïtiennes expulsées par les États-Unis
renvoyer des personnes dans ce pays                   s’attroupent autour d'une tente de l’Organisation
manifestement dangereux. Des gangs                    internationale pour les migrations (OIM) à l’aéroport de
                                                      Port-au-Prince, en décembre 2021.
violents contrôlent et terrorisent des
                                                      © 2021 Nathalye Cotrino/Human Rights Watch.
quartiers tout entiers, surtout autour de
Port-au-Prince ; les institutions
démocratiques se sont effondrées ; le système judiciaire n’est pas en mesure de faire régner la justice ; et
l’impunité est monnaie courante. Les crises sécuritaire, politique et judiciaire ont aggravé une situation
humanitaire déjà dramatique.
Les migrants haïtiens renvoyés vers un pays plongé dans le chaos
Détention et expulsion ou rapatriement forcé vers Haïti

Du 1er janvier 2021 au 26 février 2022, 25 765 personnes, dont 4 674 enfants, ont été renvoyées à Haïti
par avion ou par bateau, d’après l’OIM. Au total, 18 % des personnes revenues au pays étaient des enfants,
mais cette proportion a augmenté entre 2021 et début 2022, passant de 16 % à 25 % au cours du premier
trimestre 20222.

D’après les données de l’OIM, il apparaît également qu’entre janvier 2021 et fin février 2022,
1 142 personnes ont été renvoyées par voie maritime : le service des garde-côtes des États-Unis a
intercepté 794 personnes en mer et les ont refoulées, et Cuba a renvoyé par bateau 348 Haïtien·ne·s qui
venaient d’atteindre l’île sur des embarcations.

La grande majorité des renvois se sont
produits depuis septembre 2021, lorsque
les États-Unis ont commencé les
rapatriements vers Haïti depuis Del Rio,
au Texas.

Les États-Unis ont renvoyé
20 309 personnes, ce qui représente
79 % de la totalité des rapatriements,
dont 5 004 enfants. Les États-Unis n’ont
pas mis d’enfants non accompagnés à
bord des vols de rapatriement vers Haïti,
mais au moins deux enfants ont été
interceptés sur des bateaux et refoulés
par les garde-côtes américains, a déclaré
l’OIM. Au moins 10 autres enfants non
accompagnés ont été renvoyés par Cuba
et les Bahamas.

Entre le 19 septembre 2021 et le
14 février 2022, les États-Unis ont renvoyé en Haïti quelque 2 300 enfants nés à l’étranger de parents
haïtiens, a précisé l’OIM. Parmi ce groupe, environ 1 600 sont nés au Chili, 580 au Brésil et 140 dans
d’autres pays, notamment aux Bahamas, en Argentine, au Mexique et au Venezuela.

D’après l’OIM et les personnes revenues au pays interrogées par Human Rights Watch, la majorité des
personnes haïtiennes renvoyées par les États-Unis avaient quitté leur terre natale depuis des années, fuyant
les violences, le manque de perspectives économiques ou les effets du séisme cataclysmique de 2010.
Elles ont vécu, pour la plupart, au Chili ou au Brésil. Elles ont expliqué avoir quitté ces pays en raison de
Les migrants haïtiens renvoyés vers un pays plongé dans le chaos
la discrimination, du ralentissement économique lié à la pandémie et de la difficulté, au Chili, d’obtenir
des papiers. D’après ce qui a été rapporté à l’OIM et à Human Rights Watch, elles ont décidé – au vu de la
crise sécuritaire et économique en Haïti – de se rendre aux États-Unis, traversant pour cela la moitié du
globe en bus et à pied.

Les personnes haïtiennes détenues dans les prisons à la frontière des États-Unis — expulsées par la suite
sous couvert du Titre 42 — ont fait état de conditions de détention éprouvantes : manque de nourriture,
aucun accès à des douches ou à des produits d’hygiène pendant des semaines et absence de soins de santé,
même pour les enfants gravement affaiblis par le périple à travers l’hémisphère, ont déclaré les agences de
l’ONU et les personnes interrogées à Human Rights Watch. Les membres du personnel de l’OIM à Port-
au-Prince ont indiqué à Human Rights Watch qu’ils avaient dû traiter certains enfants rapatriés pour
déshydratation.

Parmi les personnes revenues, certaines ont signalé que les agents frontaliers des États-Unis avaient saisi
leurs habits, leurs téléphones, leur argent et tous leurs papiers, mais seule une partie de ces effets
personnels leur a été rendue au moment de leur retour vers Haïti. Une famille a raconté à Human Rights
Watch qu’un garde américain avait déchiré devant eux leurs documents personnels, y compris les
certificats de naissance chiliens de leurs enfants.

L’OIM et Human Rights Watch ont reçu des témoignages selon lesquels des couples avaient été séparés et
chaque membre avait été placé dans un centre de détention différent aux frontières des États-Unis, sans
que l’un ne soit tenu au courant de la situation de l’autre. Les personnes expulsées depuis le Texas (mais
pas dans les autres États) ont été enchaînées dans les avions qui les ont rapatriées, d’après ce qui a été
rapporté à Human Rights Watch par les personnes rapatriées et des représentants de l’OIM. Les autorités
haïtiennes ont enlevé les chaînes des personnes rapatriées à leur arrivée.

Violations du droit international et du droit national par les États-Unis

En vertu du droit des États-Unis et du droit international relatif aux réfugiés et aux droits humains, les
autorités ont pour obligation de filtrer individuellement chaque demandeur d’asile afin de s’assurer de ne
pas renvoyer des individus dans des endroits où ils risqueraient d’être torturés ou persécutés, ou où leur
vie ou leur liberté serait menacée. Human Rights Watch a interrogé neuf personnes rapatriées, dès leur
arrivée à l’aéroport de Port-au-Prince, toutes ayant été expulsées sous couvert du Titre 42. Elles ont toutes
affirmé n’avoir fait l’objet d’aucun filtrage de ce type.

Parmi elles, un homme a dit à un gardien du centre de détention américain où il était détenu qu’il voulait
demander asile, et le gardien lui a répondu : « Ici, tu n’as aucun droit. » L’OIM a recueilli des
témoignages similaires, indiquant que les autorités des États-Unis ne laissaient pas les personnes
haïtiennes en détention demander asile, ni même appeler un avocat ou le consulat d’Haïti, d’après une
synthèse examinée par Human Rights Watch.
Les migrants haïtiens renvoyés vers un pays plongé dans le chaos
Certaines personnes rapatriées ont déclaré au personnel de l’OIM et à Human Rights Watch qu’elles
avaient été embarquées à bord d’avions par les autorités américaines sans avoir été informées de leur
destination. À aucun moment, on ne les a prévenues qu’elles allaient en Haïti.

L’administration Biden sait qu’elle envoie les Haïtien·ne·s dans un pays dangereux. En mai 2021, le
Département de la sécurité intérieure des États-Unis a annoncé une nouvelle désignation accordant à Haïti
le statut de protection temporaire (Temporary Protected Status, TPS) « en raison de conditions
extraordinaires et temporaires en Haïti qui empêchent les ressortissants de rentrer chez eux en toute
sécurité ». Bien que, selon la loi, le TPS ne s’applique qu’aux personnes haïtiennes qui résidaient déjà aux
États-Unis au moment de la désignation, le raisonnement et la logique ayant mené à cette décision se
résument au fait que les conditions dans le pays ne permettent pas aux ressortissants haïtiens de rentrer
chez eux sans danger pendant la durée du statut temporaire. Si la situation en Haïti est trop dangereuse
pour renvoyer les Haïtien·ne·s résidant aux États-Unis au moment de la désignation du TPS, elle l’est tout
autant pour les Haïtien·ne·s arrivant sur le sol américain après la désignation.

Un avis de voyage de niveau 4 émis par l’ambassade des États-Unis, soit le niveau le plus élevé, est en
vigueur pour Haïti depuis août 2021. Cet avis stipule : « Ne voyagez pas en Haïti en raison d’enlèvements,
de crimes, de troubles civils et du Covid-19 ».

Plusieurs représentants et agences des États-Unis ont formulé de vives préoccupations face à la politique
de la Maison-Blanche concernant les renvois vers Haïti.

En août 2021, le service des droits humains du Département de la sécurité intérieure a fait savoir qu’il y
avait un « grand risque » que le renvoi de personnes en Haïti viole les obligations des États-Unis en
matière de droits humains en vertu du droit national et du droit international, compte tenu du danger qui
les attend là-bas. En septembre 2021, Daniel Foote, envoyé spécial des États-Unis en Haïti, a démissionné,
dénonçant la « décision inhumaine et contre-productive d’expulser des milliers de réfugiés et
d’immigrants clandestins haïtiens vers Haïti ».

En quittant ses fonctions en octobre 2021, Harold Koh, qui conseillait le bureau juridique du Département
d'État américain, a qualifié le recours au Titre 42 d’« inhumain » et d’« illégal » — il s’agit d’une
violation de l’obligation légale de « ne pas expulser ou renvoyer ("refouler") des individus qui ont peur
d’être persécutés, tués ou torturés, en particulier les migrants fuyant Haïti ».

Les agences de l’ONU ont également tiré la sonnette d’alarme.

En septembre 2021, l’OIM, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), le Fonds des
Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de
l’homme (HCDH) ont déclaré que les pays devraient s’abstenir d’expulser les Haïtien·ne·s sans avoir
correctement évalué leurs besoins de protection individuels, faire respecter leurs droits fondamentaux et
offrir des mécanismes de protection ou d’autres dispositions légales pour un accès aux voies de migration
régulière. Le mois suivant, des experts des droits humains de l’ONU ont averti que l’« expulsion collective
systématique » de personnes haïtiennes vers Haïti par les États-Unis constitue non seulement une violation
du droit international, mais perpétue aussi « une histoire d’exclusion racialisée des migrants et réfugiés
haïtiens noirs aux points d’entrée américains ».

Violence endémique des gangs

En Haïti, la situation sur le plan de la
sécurité s’est considérablement
détériorée au cours des dernières années,
alors que des gangs violents continuent
d’accroître leur emprise sur le pays. Ces
gangs contrôlent les zones stratégiques
de la région métropolitaine de Port-au-
Prince, plus connues en Haïti sous le
nom de « zones rouges » ou « zones de                Une rue de Port-au-Prince, en décembre 2021.
non-droit », et encerclent ainsi en partie
                                                     © 2021 César Muñoz Acebes/Human Rights Watch.
la capitale. En contrôlant les zones
côtières de Port-au-Prince, les gangs
peuvent recevoir des armes par voie maritime, ont expliqué des représentants de la société civile.

Les gangs ont gravement perturbé l’activité économique dans tout le pays entre mi-octobre et mi-
novembre en bloquant l’approvisionnement en carburant dans le port de la capitale, ce qui a eu des
répercussions sur les hôpitaux, la distribution d’eau, les communications, l’élimination des déchets et
l’aide humanitaire, ont déclaré à Human Rights Watch des professionnels de santé et des représentants de
l’ONU. Les gangs restent en mesure de « bloquer à volonté les principales voies d’approvisionnement et
les terminaux de carburant du pays », ont averti les agences de l’ONU en février.

Les gangs contrôlent les deux routes reliant la capitale à la République dominicaine d’une part (vers l’est)
et à la péninsule sud d’Haïti d’autre part (vers l’ouest), qui a été secouée par un tremblement de terre
catastrophique en août 2021. Ils ont ainsi « séparé » les quatre provinces du sud du reste du pays, a déclaré
le ministre de la Justice Berto Dorcé à Human Rights Watch en décembre.

Environ 1,1 million d’habitant·e·s vivent à la merci des gangs dans les « zones de non-droit ». Dans le
cadre de conflits entre gangs cherchant à obtenir le contrôle de certains quartiers, des hommes armés ont
attaqué des bus et des tireurs d’élite ont tiré aveuglément sur des personnes civiles, ont signalé des agences
de l’ONU. Dans certaines « zones de non-droit », le gouvernement n’est même plus présent, ont déclaré à
Human Rights Watch des agences de l’ONU, des groupes non gouvernementaux et des professionnels de
santé : il n’y a ni école, ni police, ni services de santé, ni même de soins d’urgence.

Quelque 19 000 habitant·e·s ont fui les violences dans ces quartiers, a indiqué l’OIM à Human Rights
Watch, et une partie de cette population survit dans des campements improvisés partout ailleurs dans la
ville. Certains de ces campements se trouvent dans des zones dangereuses, où les agences de l’ONU ne
sont pas en mesure de porter assistance, ont précisé des représentants de l’OIM.

La police a signalé 1 615 homicides et 655 enlèvements dans le pays en 2021, mais des représentants de la
société civile et de l’ONU ont déclaré qu’un grand nombre de crimes restait sous-déclaré.

La Commission épiscopale nationale Justice et Paix, organisation non gouvernementale (ONG), a indiqué
avoir recensé 659 homicides en 2021, rien que dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Cela
n’inclut pas ce qui s’est passé dans les zones de non-droit, car elle ne peut pas y accéder pour dénombrer
les morts.

Le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH), une autre ONG haïtienne, a
répertorié 949 enlèvements dans le pays en 2021, rien qu’en comptant les affaires signalées dans les
médias ou directement à l’organisation. Les enlèvements avec demande de rançon ne visent pas
uniquement les plus riches, mais pratiquement tout le monde. Selon des sources au sein de l’ONU et du
milieu médical, les femmes enlevées sont systématiquement violées.

Les gangs auraient recours à la violence sexuelle pour terroriser les habitants et affirmer leur contrôle sur
les quartiers, et font subir des sévices sexuels aux jeunes hommes comme rituel d’initiation, ont déclaré
des agences de l’ONU. Plus de 20 % des filles et des garçons du pays ont été victimes de violences
sexuelles, a signalé le HCDH.

Les survivantes et survivants ont souvent peur de signaler les crimes aux autorités, en raison des soupçons
de liens entre les gangs et la police. L’inspecteur général de la police haïtienne Fritz Saint-Fort, qui
supervise les enquêtes disciplinaires, a déclaré à Human Rights Watch que certains policiers agissent
comme intermédiaires entre les trafiquants d’armes et les gangs, et d’autres servent d’informateurs aux
gangs. « Ils sont très dangereux. Ils transmettent aux gangs des informations sur les opérations
policières », a-t-il expliqué.

Plusieurs responsables ont fait état de liens entre les gangs et les politiciens. Renan Hédouville, directeur
de l’Office de la protection du citoyen, nous a dit : « Les gangs sont libres de faire ce qu’ils veulent, car ils
sont protégés. » Robert Sanders, conseiller politique auprès de l’ambassade des États-Unis à Port-au-
Prince, a déclaré : « Les gangs sont financés par des politiciens à des fins économiques et politiques ». Le
HCDH a déclaré que le gouvernement haïtien devait s’attaquer au « clientélisme politique dont bénéficient
les bandes armées ».

Effondrement des institutions démocratiques

Un effondrement progressif des institutions démocratiques a laissé Haïti sans dirigeant élu. Le pays ne
possède pas de parlement fonctionnel, car l’ancien président Jovenel Moïse avait refusé d’organiser des
élections législatives en 2020, quand le mandat de deux tiers des 30 sénateurs est arrivé à terme. Les
10 sénateurs toujours en fonction sont les seuls représentants occupant des postes nationaux élus en Haïti.
Le 6 février 2021, le Conseil supérieur
du pouvoir judiciaire d’Haïti a décidé
que le mandat de l’ancien président
Moïse prenait fin ce jour-là, ayant conclu
que le quinquennat du président avait
commencé en février 2016, après les
élections qu’il avait remportées en
octobre 2015. Or, Jovenel Moïse a
contesté cette décision. Il a affirmé que,
puisque les allégations de fraude
                                                    Une rue de Port-au-Prince, en décembre 2021.
électorale avaient conduit à la tenue
                                                    © 2021 César Muñoz Acebes/Human Rights Watch.
d’une nouvelle élection nationale en
novembre 2016, qu’il avait également
gagnée, son mandat n’avait démarré qu’en février 2017, et se terminerait donc le 7 février 2022.

Le président Moïse a été assassiné le 7 juillet 2021. Quelques jours avant sa mort, il avait nommé
Ariel Henry Premier ministre.

Cette nomination n’a pas été ratifiée par le Parlement, comme le requiert la Constitution avant toute prise
de fonctions. « Nous sommes en dehors de la Constitution », a déclaré Ariel Henry à Human Rights Watch
en décembre.

En septembre, le Commissaire du gouvernement Bedford Claude a argué que, quelques heures après la
mort de l’ancien président Moïse, le Premier ministre avait eu des contacts téléphoniques avec l’un des
principaux suspects accusés d’avoir orchestré l’assassinat. Bedford Claude a demandé à un juge d’inculper
le Premier ministre Ariel Henry pour ses liens avec l’assassinat.

Ariel Henry, qui réfute cette allégation, a démis le Commissaire de ses fonctions. Selon une enquête du
New York Times, le suspect aurait rencontré le Premier ministre chez ce dernier à deux reprises après
l’assassinat du président Moïse, alors que le suspect était recherché par la police. Aucune décision
judiciaire n’a été prise vis-à-vis de la demande de Bedford Claude d’approuver l’inculpation
d’Ariel Henry.

Alors que la date de fin de mandat annoncée par l’ancien président Moïse est maintenant dépassée,
Ariel Henry, qui a simplement été nommé par Jovenel Moïse, et non élu, continuer de diriger le
gouvernement. Aucune date n’a encore été fixée pour les élections présidentielles. Aucun consensus n’a
pu être établi concernant les personnes qui devraient faire partie du Conseil électoral provisoire, l’instance
chargée d’organiser les élections. De plus, la situation sécuritaire dangereuse dans tout le pays rend la
tenue d’un scrutin extrêmement compliquée. Actuellement, dans la majorité du pays, il serait dangereux
pour des candidats de faire campagne et pour la population d’aller voter. Même les hauts responsables du
gouvernement sont pris pour cible. En janvier 2022, des hommes armés ont ouvert le feu sur le Premier
ministre Ariel Henry et son entourage alors qu’ils sortaient de la cathédrale des Gonaïves. Une personne a
été tuée, deux autres blessées.

Absence de justice

Le système judiciaire d’Haïti est à peine fonctionnel. En février 2021, le président Moïse a révoqué
arbitrairement trois juges de la Cour de cassation et a nommé trois autres juges à leur place sans suivre les
procédures inscrites dans la Constitution. Seuls 5 juges sur 12 étaient encore en fonctions en janvier 2022,
mais dans l’impossibilité de siéger, car il faut au moins 7 juges pour traiter une affaire. Le mandat de 2 des
5 juges restants a pris fin en février.

En Haïti, le président doit renouveler le mandat des juges d’instruction, c’est-à-dire ceux qui dirigent les
enquêtes judiciaires, mais l’ancien président Moïse a failli à cette tâche. Le mandat de deux tiers de ces
juges est désormais arrivé à terme, selon un membre du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Ils
continuent à être payés, mais ne peuvent prendre aucune mesure officielle.

La crise sécuritaire a encore aggravé tous ces problèmes. D’après plusieurs sources au sein de l’appareil
judiciaire, certains juges ne se sont pas rendus au travail depuis six mois par crainte d’enlèvements et de
balles perdues. « Ils ont littéralement abandonné leur poste, parce que les tribunaux se trouvent dans des
zones rouges et qu’il n’y a aucun moyen d’assurer leur protection », a déclaré une autorité judiciaire. La
route menant au Palais de Justice, principal complexe judiciaire d’Haïti abritant plusieurs tribunaux, est
contrôlée par des gangs. Il est donc impossible d’y tenir des audiences, a expliqué un représentant de
l’Association nationale des magistrats haïtiens à Human Rights Watch.

Ce représentant a indiqué que des voleurs pénètrent régulièrement dans les tribunaux pénaux de Port-au-
Prince pour mettre la main sur des dossiers. Ces fichiers ne sont généralement qu’au format papier, sans
sauvegarde numérique, a-t-il précisé. Ainsi, le 27 octobre 2021, des cambrioleurs sont entrés dans le Palais
de Justice et ont volé le dossier de l’enquête sur l’assassinat de Monferrier Dorval, bâtonnier de l’Ordre
des avocats de Port-au-Prince, qui a eu lieu en août 2020. Ils ont également volé les déclarations de
patrimoine d’un grand nombre de hauts fonctionnaires du gouvernement. Toutes les copies du dossier de
l’enquête et des déclarations de patrimoine étaient conservées dans le même coffre-fort, ont expliqué des
fonctionnaires de justice.

D’après ce qui a été rapporté par des représentants de l’ONU, mais aussi des avocats et des magistrats,
plusieurs juges, magistrats et avocats ont reçu des menaces. Un membre du Conseil supérieur du pouvoir
judiciaire a déclaré que les puissants intérêts économiques qui emploient et financent les bandes armées
leur donnent l’ordre de menacer des fonctionnaires de justice afin de bloquer des enquêtes.

Parmi les personnes menacées, deux juges et deux magistrats enquêtaient sur le meurtre de l’ancien
président Moïse. Ils ont reçu des appels leur demandant d’impliquer certaines personnes dans l’assassinat
s’ils ne voulaient pas être tués, a déclaré un fonctionnaire de justice. Aucune de ces personnes n’a été
placée sous la protection de la police, ont dit des fonctionnaires de justice à Human Rights Watch. Au
moins une personne menacée sur quatre a signalé les menaces par écrit au commissaire du gouvernement
et à la police, en juillet 2021, mais des fonctionnaires de justice connaissant le dossier ont déclaré, en
décembre, qu’ils n’étaient au courant d’aucune mesure prise par la police. L’un des juges a quitté le pays.

En octobre 2021, une voiture appartenant au juge alors en charge de l’enquête sur l’assassinat de
Jovenel Moïse a été la cible de tirs. Les assaillants sont entrés par effraction dans le bureau du juge et ont
essayé, sans succès, d’ouvrir le coffre où il rangeait les documents sensibles.

La crise politique et institutionnelle a aggravé l’impunité déjà omniprésente.

Depuis 2018, les organisations de la société civile haïtiennes ont recensé des centaines de meurtres dans au
moins 18 massacres, qui auraient été perpétrés par des gangs, dans la région métropolitaine de Port-au-
Prince. Le gouvernement des États-Unis a émis des sanctions contre un ancien policier devenu chef de
gang et contre deux anciens représentants du gouvernement pour leurs liens avec le massacre de
71 personnes dans le quartier de la Saline en 2018. Personne n’a été inculpé dans cette affaire ni dans
aucun des 17 autres massacres.

Entre octobre 2020 et septembre 2021, ce qui correspond à l’année judiciaire 2020-2021, on a compté
seulement 226 audiences criminelles pour un pays de 11 millions d’habitants, a déclaré le Réseau national
de défense des droits humains (RNDDH), une ONG haïtienne. Dans certaines juridictions, les tribunaux
n’ont pas tenu d’audience pour des affaires criminelles depuis trois ans, a signalé le HCDH.

Pourtant, 81 % des plus de 11 000 personnes détenues sont en attente de jugement. Certaines sont en
détention depuis des années. La population des prisons et des centres de détention est plus de trois fois
supérieure à leur capacité d’accueil. Dans un rapport de l’ONU de juin 2021, il est indiqué que les détenus
étaient incarcérés dans des conditions « inhumaines » et faisaient l’objet de mauvais traitements et d’actes
de torture.

La corruption continue d’entacher le système judiciaire, ont déclaré des fonctionnaires de justice. En 2017,
l’ancien président Moïse a obtenu l’autorisation légale de nommer la personne à la tête de l’Unité centrale
de renseignements financiers (UCREF), qui est l’institution chargée de lutter contre la corruption dans le
système judiciaire et ailleurs. Des représentants du RNDDH et de Nou Pap Dòmi, une autre ONG, ont
déclaré que le manque d’indépendance de l’UCREF vis-à-vis de l’exécutif rend cette institution inefficace.
La stratégie nationale de lutte contre la corruption s’est terminée en 2019, et Haïti n’en a toujours pas
adopté de nouvelle.

Situation humanitaire tendue

La crise sécuritaire et politique continue d’aggraver la situation humanitaire critique.
Le 14 août 2021, un séisme de
magnitude 7,2 a dévasté la péninsule
sud-ouest d’Haïti, causant plus de
2 200 morts et touchant plus de
800 000 personnes. Les dommages et les
pertes occasionnés représentent 11 % du
PIB d’Haïti. On compte notamment
59 établissements de soins de santé et
plus de 137 000 maisons endommagés
ou détruits, tandis que                               Des déchets s’amoncellent en décembre 2021 dans une rue
308 établissements scolaires ont été                  de Port-au-Prince, en Haïti, où les services de collecte des
fortement sinistrés ou détruits, ce qui a             déchets et de voirie sont inefficaces.

affecté 100 000 enfants et enseignants.               © 2021 César Muñoz Acebes/Human Rights Watch.

Depuis le séisme, plus de
30 000 personnes originaires de la péninsule sud sont toujours déplacées.

Les gangs viennent couronner le tout. La pénurie de carburant qu’ils ont orchestrée aux mois d’octobre et
de novembre a interrompu l’approvisionnement de l’aide, et pendant près de deux mois, leur emprise sur
la seule route conduisant à Port-au-Prince a empêché les agences de l’ONU d’envoyer de l’aide à la
péninsule par voie terrestre, a expliqué le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires
humanitaires (OCHA). Début décembre, les agences ont pu reprendre l’envoi d’aide sous escorte militaire.

Dans l’ensemble du pays, presque 24 % de la population vivent en dessous du seuil d’extrême pauvreté,
qui est de 1,23 USD par jour, a indiqué le HCDH. Environ 4,4 millions de personnes, soit près de 46 % de
la population, sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë. Quelque 217 000 enfants souffrent de
malnutrition modérée à sévère.

« Le gouvernement n’assure pas de services fondamentaux », a déclaré le Premier ministre Ariel Henry.
En vertu du droit international, les pays sont tenus de réaliser et d'assurer progressivement des niveaux
minimaux essentiels de droits économiques et sociaux, pour ce qui est notamment de l’accès aux soins de
santé et à la nourriture, ainsi qu’à l’eau et aux services sanitaires.

Le gouvernement haïtien a estimé avoir besoin de 2 milliards USD pour réparer les dégâts causés par le
tremblement de terre. Lors d’une conférence en février, des donateurs se sont engagés à fournir
600 millions USD.

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     Réfugiés et migrants

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pays-plonge-dans-le-chaos
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