Marion Corbic De le XIXème siècle jusqu'à notre ère technologique - Diploma Camondo
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De la place du bois et de l’argile depuis le
XIXème siècle jusqu’à notre ère technologique.
Ecole Camondo méditerrannée.
Sous la direction
de Madame Laure Fernandez.
Marion Corbic
2021
À Madame Fernandez,
pour m’avoir prodigué
structure et conseils avisés.
Remerciements
Dans un monde où la matière a pris place bien
avant l’homme, je me suis toujours questionnée sur
l’apparition de celle-ci. Future architecte d’intérieur
designer, pour moi la matière a une place
prépondérante dans une société qui recherche la
nouveauté et la simplicité. L’art ne s’arrête pas à
la beauté d’un objet ou d’un intérieur, mais bien
à une réflexion, une matérialité ou encore un
processus menant à bien une pièce finalisée ou
un intérieur concrétisé.
« Pour que l’art se répande, que la nation prospère
et que l’ouvrier vive, il faut des prototypes parfaits,
aptes à être répétés en série, impeccablement,
avec la certitude que garantit à l’industrie la
science toujours mieux disciplinée et toujours plus
flexible »
Prologue
Roger Marx, L’Art social, Paris, 1913Introduction. 6-7
L’argile et le bois, des
1 matériaux ancestraux. 8-11
L’argile, un matériau qui
A perdure. 12-15
Table des matières
Le bois, un matériau qui
B perdure. 16-19
Synthèse. 20La curiosité des designers
2 quant aux matériaux
ancestraux. 22-25
A Le retour aux matériaux
nobles. 26-29
L’évolution des matériaux
B nobles à l’ère de la
Table des matières
technologie. 30-33
Synthèse. 34
Conclusion. 36-376
Pour mon mémoire, j’ai souhaité travailler sur le
thème de l’artisanat. Fille d’ébéniste, je me revois
au milieu de tout ce bois empilé. Je m’amuse à
le manipuler, le colorer, ou encore à le couper.
Beaucoup de questions se bousculent, dans ma
tête. On m’a toujours expliqué que le bois était un
matériau vivant. Est-ce pour cette raison qu’il est
considéré comme « noble » ? J’arrive à emboîter
des bouts de bois, mais si je cherche à construire
un meuble, comment puis-je les assembler ? De ce
fait, j’ai souhaité comprendre toute la complexité
autour de ce matériau et comment le designer s’en
est emparé, c’est pourquoi mon premier travail va
se tourner autour du bois. En grandissant, mes
mains n’ont jamais cessé de chercher le contact
de tout ce qui m’entourait : lisse, granuleux, doux,
pâteux…Mes nombreux voyages aux quatre coins
du monde, n’ont fait qu’accentuer cette curiosité
Introduction
de la matière et de sa perception. Lors d’une visite
dans les montagnes balinaises, je me retrouve au
milieu d’une usine de caoutchouc. L’odeur est
forte, désagréable, âcre et cette matière déteint
sur ma peau. Au Brésil, on m’ouvre une coco :
comment est-il possible que la coque soit si
douce, avec un intérieur si rêche ? À Athènes, dans
le quartier de Keramikos, les potiers déambulent
et m’invitent dans leurs ateliers.7 Avec un peu de patience, je manie la terre comme j’en ai envie.De cette expérience très personnelle, j’ai également choisi de travailler sur l’argile. Cette matière, elle aussi ancestrale qui perdure.Dès que je touche une matière, mon esprit l’associe à un nouvel objet, un nouveau design, une nouvelle façon de répondre à nos besoins.Je me demande d’où viennent toutes ces matières et comment se fait-il que nous utilisions des matériaux qui étaient probablement sur terre bien avant nous. Et surtout, comment se fait-il que nous apportions autant d’importance à ces matériaux ? L’histoire industrielle permet de mettre un terme sur ces nouveaux créateurs, les designers. À travers les différents courants de style, beaucoup d’entre eux ont ouvert nos esprits dans le domaine artistique et ont su répondre à des attentes à la demande des consommateurs. Les siècles passent et le monde change. De nouvelles priorités naissent. Par exemple, l’impact de la pollution venant de certains matériaux commence à poser problème. S’ensuivra l’ère technologique, un nouveau design, une nouvelle façon de penser ou encore une nouvelle façon de vivre. Comment l’argile et le bois malgré leurs différentes utilisations ont - ils tous deux une importance pour le designer?
8
On pourrait penser que comme le bois et
l’argile, le design a toujours existé. Le design fait
son apparition en France au XIXe siècle, dans
le contexte de l’histoire industrielle. L’histoire
industrielle naît par l’innovation technique,
comme la machine à vapeur, et les manufactures
qui seront ensuite remplacées par des usines
grâce à la mécanisation. Toutes ces innovations
vont engendrer des bouleversements sociaux et
artistiques, notamment pour les paysans qui pour
certains deviendront des ouvriers1 et les créateurs
L’argile et le bois des matériaux ancestraux
qui souhaitent plus de considération. Si le design
a évolué en même temps que les innovations
techniques humaines, l’argile et le bois ont
toujours été présents sur Terre. C’est l’ébéniste
Michael Thonet, avec sa chaise n°14, qui introduit
réellement la notion de design et le métier de
designer. Il réalise une prouesse technique : cintrer
du bois. Cette technique consiste « à donner une
forme courbe à des pièces de bois [...] ».2 Grâce
à de la vapeur d’eau, il réussit à courber du bois
et s’inscrit comme le premier designer dans la
production industrielle. Cette commande est
réalisée à la demande d’Anna Daum, restauratrice
qui souhaite repenser l’esprit de son café,
notamment avec des « chaises pratiques et peu
encombrantes »
1- « https://www.economie.gouv.fr/facileco/revolution-
industrielle »
2- « https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/
cintrage/16104»9 Chaise N°14 de Michael Thonet.
10
Michael Thonet est également le premier à réaliser
un design “en kit”, sa chaise étant composée de six
pièces de bois et huit vis.3
Cette nouvelle ère lui permettait de produire en
série, et donc en grande quantité, soit 50 millions
d’exemplaires de la chaise n°14 vendus entre 1859
et 1930.4
En Allemagne, en 1910 les premiers pas du
design global font leur apparition : « Le design
global permet d’envisager parallèlement le
L’argile et le bois des matériaux ancestraux
produit, son design, son lieu de production, son
packaging, sa communication graphique et son
lieu de vente (architecture d’intérieur).»5 il naît de
la collaboration entre l’architecte Peter Behrens
et l’entreprise d’électroménager AEG. Behrens
conçoit de nouveaux produits et logos, affiches
publicitaires et va jusqu’à réaliser de nouveaux
bâtiments pour l’entreprise AEG, qui sera mise à
profit pour les ouvriers.
3 - « https://artdesigntendance.com/bien-avant-
ikea-la-chaise-n14-bistrot-thonet/?cookie-state-
change=1605693092291 »
4 - « https://eduscol.education.fr/sti/sites/eduscol.educa-
tion.fr.sti/files/ressources/techniques/5460/5460-breve-
histoire-du-design.pdf »
5 - « https://fr.wikipedia.org/wiki/Design_global »11 Chaise N°14 de Michael Thonet, en kit.
12
La création de l’argile résulte d’un procédé
géologique. D’après les scientifiques, certaines
roches magmatiques se seraient désintégrées
pour s’échouer dans les lacs, sous forme de Limon.
Ces dépôts se seraient sédimentés pour former
une roche argileuse.1 À l’époque, les objets étaient
2
travaillés en colombin : « Il s’agit de façonner
une pièce simplement à la main. On modèle
des colombins qu’on enroule et superpose pour
donner forme à l’objet. Pour assembler solidement
les colombins, il faut les strier et enduire la base de
barbotine, une colle composée d’argile et d’eau.»
Sinon avec un tour : « il faut longuement malaxer
la terre et la centrer sur le tour. Puis les différentes
L’argile, un matériau qui perdure
étapes s’enchaînent de manière naturelle, dans les
mains de potiers expérimentés. Perçage, affinage,
façonnage, tournage transforment la boule initiale
en bol, vase ou assiette.»2 Ces techniques dataient
de l’époque antique (environ 3000 av JC). La
cuisson est déterminante et permet d’affiner ou
encore de colorer cette matière.3 La technique du
moulage de l’argile serait apparue environ 4000
ans avant JC, en Grèce, permettant ainsi d’obtenir
des pièces bien plus légères, lisses4 et en plus
grande quantité. Le moule en plâtre ou en terre
cuite absorbe l’eau, ce qui permet à l’argile de
prendre forme.5
1 - « http://www.lapipedargile.com/argile/geologie.htm »
2 - « https://www.artisanart.com/fr/blog/potier-cera-
miste-techniques-differences »
3- « https://archeologie.pasdecalais.fr/Archeologie/Ex-
plorer/Fabrication-et-echanges-commerciaux-de-cera-
mique-durant-l-Antiquite »
4- « https://ceramica.fandom.com/wiki/Poterie#Moulage_
ou_coulage »13 L’utilisation d’un moule permet une plus grande production de pièces similaires, ce qui va démocratiser l’usage de l’argile comme par exemple, pour l’art de la table, des objets contemporains, etc. Au XIXème siècle, l’argile s’insère dans la révolution industrielle, grâce aux progrès techniques. Friedrich Hoffmann, médecin, chimiste et pédiatre réalise un four à fusion continue, permettant une production en plus grande quantité.6 La révolution industrielle, amène à de nouveaux mouvements artistiques. Les artistes veulent une place plus importante, c’est le cas de Michael Thonet par exemple. Lors de cette nouvelle ère plusieurs artistes potiers designer émergent comme: Ernest Bussière, Joseph Mougins ou Arthur Craco. En même temps que le premier salon des artistes décorateurs (SAD). Un événement contemporain, qui s’impose avec le style art déco, permettant aux nouveaux designers, artistes, peintres, architectes ... de se rencontrer et de se découvrir.7 « En 1878, l’entreprise Muller expose au Champ de Mars, des briques et tuiles ornementées, mais aussi chéneaux, faîtages, garnitures de rives de pignons et autres motifs en terre cuite.»6 6 - « https://patrimoine.seinesaintdenis.fr/Materiauthe- que#La-terre-cuite-architecturale-un-materiau-ancien-rein- vente-par-la-nbsp » 7- « https://fr.wikipedia.org/wiki/Salon_des_artistes_déco- rateurs »
14
La révolution industrielle permet aux potiers de
maintenir leurs places de designers, tout en leur
permettant d’approfondir leur art : la faïence et
la brique émaillée font forte impression dans
les cafés et station de métro encouragé par l’art
nouveau.6 Cet art qui se veut diversifié, mélange les
tendances décoratives qui se superposent autant
qu’elles se contredisent. La beauté de l’objet
devient primordiale alors qu’elle a été négligée
pendant longtemps, au profit de la fonction et de
l’utilité de l’objet.
En Belgique, un esprit plus sobre et architectural
se développe avec: Victor Horta, Henry Van de
L’argile, un matériau qui perdure
Velde et Gustave Serrurier-Bovy qui privilégie la
transparence du verre ou les reflets de la céramique.
Comme par exemple pour des offices buildings
américains, un bâtiment de l’Administration
occupé par le président des États-Unis.
6 - « https://patrimoine.seinesaintdenis.fr/Materiauthe-
que#La-terre-cuite-architecturale-un-materiau-ancien-rein-
vente-par-la-nbsp »15 Vase Keramis - Vase en émaux et faïence craquelée d’époque Art Déco vers 1930 signé sous la base Keramis à décor référencé D.943 créé de tradition par Charles Catteau.
16
La distinction entre le menuisier et le charpentier
remonte à 1280 par un arrêt royal.1 À l’époque,
chaque domaine de compétence porte un nom :
les huchiers, qui travaillent les meubles, les huissiers
spécialisés dans les portes fenêtres ou encore les
tourneurs pour isoler les parties intérieures des
bâtiments. Mais la distinction est mince. En 1268,
Étienne Boileau écrit un livre à ce sujet, Le livre des
métiers du prévôt de Paris, constitue la première
mise à l’écrit des réglementations des métiers
parisiens. À l’époque, ce livre comprenait cent- une
réglementations, poursuivies par ses successeurs.2
Au XVIeme siècle, les incendies se font nombreux
Le bois, un matériau qui perdure
comme par exemple en 1680 à Nantes, la rue
de Casserie brûle.3 Le bois va perdre de son
importance et sera remplacé par la pierre.4 Le
XIXème siècle, avec la révolution industrielle et
ses innombrables nouvelles techniques, prônera
l’acier pour des nouvelles constructions (habitation,
design...).4 Le bois avec un assemblage plus simple
se verra utilisé par des ouvriers peut qualifier, son
image se verra dégradée et n’est pas perçue
comme un matériau moderne.
1- «http://www.charronerie.com»
2- «http://passerelles.bnf.fr/dossier/menuisier_01.php»
3- «La nicolliere-teijeiro (S. de) Nantes – Incendies et sau-
veteurs – Essai historique d’après les documents inédits
des Archives Municipales (IXe siècle à 1800).»
4 - «https://issuu.com/leajoseph/docs/memoireissuu»17 La menuiserie de la couverture du Cristal palace de Londres (1851), qui se voit moderne par sa structure en fonte n’engendrera aucune réaction.4 La création des écoles d’ingénieurs, tels que Polytechnique et Central, entre 1793 et 1828, privilégieront les études mathématiques, qui s’adaptent parfaitement au béton ou à l’acier. En effet, ces matériaux industriels une fois utilisés, ne continueront pas à vivre et donc ne changeront pas de forme. Le bois sera délaissé car il est plus difficile à utiliser en raison entre autres du fait que c’est un matériau combustible. C’est pourquoi le bois, sera mis à profit pour l’architecture intérieure ou le design d’objet plutôt que des architectures. En Angleterre, le mouvement voit le jour « Arts and Crafts », dans les années 1850/1860 représentants un mouvement de rébellion, dédié à la décoration et à l’ameublement intérieurs.5 William Morris, artiste écrivains et éditeur, en est l’initiateur avec une double démarche: esthétique et sociale. En France, le mouvement prend forme vers 1890. C’est le groupe « L’art dans tout », créé par « Les cinq »: Alexandre Charepentier, Felix Albert Anthyme Aubert, Henry Nocq, Charles Plumet et Francois - Rupert Carabin, qui réunit des créateurs pour s’investir dans l’aménagement intérieur, le mobilier ou en encore des objets de la vie courante. 4 - « https://issuu.com/leajoseph/docs/memoireissuu» 5- « https://histoire-image.org/fr/etudes/reforme-arts-and- crafts »
18
À la différence de l’Angleterre « L’art dans tout »
tire profit des nouvelles techniques, en produisant
leurs pièces grâce aux machines et à l’industrie.
Dans le contexte industriel à taille humaine, les
créateurs se battent pour retrouver une expression
originale, voire rassurante face à ce béton ou cet
acier si dur et sombre. Aalvaro Aalto, architecte,
dessinateur, urbaniste et designer finlandais,
représente le style scandinave (année 1940 à 1970)
un style décrit comme original, intemporel, naturel
et élégant. Former à Helsinki sous l’influence de
Gunner Erik Asplund, architecte Suédois. Le bois
reprend de son souffle grâce à ce style, clair,
abouti et apportant de la simplicité. Aalvaro Aalto,
Le bois, un matériau qui perdure
est pionnier dans le vaste vocabulaire des bois
laminés: compose généralement de plusieurs
morceaux de bois mince collés entre eux par de
la résine. Le sens du fil est inversé une couche sur
deux afin de renforcer la solidité.6
6 - «https://www.bax-shop.fr/blog/guitare/bois-lamines-
table-massive-ou-entierement-massive-quelle-est-la-diffe-
rence/»19 Le Fauteuil 41 ou Fauteuil Paimio, l’une des premières créations d’Alvar Aalto.
20
La révolution industrielle, avec tous ses progrès
techniques, permet aux créateurs d’être reconnus
et de se faire connaître. Comme Michael
Thonet, par exemple, reconnu comme l’un des
premiers créatifs qui a répondu à une demande
d’esthétique pour la brasserie d’Anna Daum. Les
premiers salons feront leur apparition, permettant
aux publics de les rencontrer, de les considérer,
de les questionner, sur ce nouveau domaine. De
nouveaux styles font leur apparition et portent
le design, notamment, à cette époque, le style
art déco qui mettra en avant la beauté de l’objet
plutôt que son utilité. Auparavant peu reconnue,
l’argile convainc rapidement, qu’elle soit brute,
émaillée ou façonnée. Tandis que le bois se fait
un peu oublier pour mieux s’intégrer, on le met
de côté pour l’architecture mais il trouvera une
nouvelle place non négligeable dans l’architecture
d’intérieur. Le design, les designers prennent
Synthèse
place dans une société en constante évolution.
Désormais, ce sont eux qui ont le pouvoir de
proposer le changement avec tous ces nouveaux
mouvements artistiques.22
Le designer a pour vocation de traiter et apporter
des solutions aux problématiques quotidiennes.
De ce fait, il se doit d’être innovant, de par le
principe d’utilisation, les formes, les couleurs ou
encore les matériaux utilisés. Étonnement, on peut
constater que les matériaux utilisés sont souvent
les mêmes, mais traités de manière différente.
La curiosité des designers quant aux matériaux ancestraux.
Effectivement, beaucoup de designer se sont
spécialisés dans le design en bois ou en argile. Ils
ont réussi à s’emparer de ces matériaux tout en
continuant de découvrir leurs richesses. L’atelier
Arca, (ARCA : Atelier de recherche et création en
ameublement Un atelier aux multiples facettes
: créations, prototypages, micro séries, séries
limitées et agencement sur mesure.)1 par exemple,
a mis au point un nouveau matériau qui découle
du bois. Le bois thermoformage, qui permet de
cintrer plus facilement et bien moins coûteux.
En alliant feuille de plastique et feuille de bois,
ce qui permet un matériau plus malléable sous
l’effet de la chaleur.2 Le projet Copal, un luminaire
en bois thermoformage, démontre parfaitement
cette nouvelle technique. Alors que Michael
Thonet utilisait la vapeur d’eau pour cintrer le bois,
aujourd’hui un nouveau matériau est né. Le bois
thermoformage, permettant sans moule de cintrer
3
le bois a notre convenance.
1 - «http://www.arca-ebenisterie.fr/a-propos/»
2- «http://www.arca-ebenisterie.fr/portfolio/experimenta-
tions-bois-thermoformable/»23 Innovations C°-Wood
24
L’argile ne s’est pas renouvelé par de nouvelles
techniques, mais par une nouvelle perception.
Cette matière l’argile a été utilisée à un usage
beaucoup plus esthétique et créatif. Par exemple,
Juana Maillot travaille l’argile à mains nues ce qui a
son sens permet une proximité avec cette matière
et laisse à sa production une dimension antique
La curiosité des designers quant aux matériaux ancestraux
et sensible, « par des lignes volontairement
épurées, la lumière vient souligner les courbes
et les textures de ses pièces. Chaque finition sur
la terre crue et chaque cuisson permet de faire
varier les nuances».4 Ou encore, Joséphine Viot
qui considère que l’attachement que l’on éprouve
pour un objet n’est pas forcément dû l’utilité de
celui-ci. Son envie est donc de développer une
esthétique indépendamment d’une fonction.
Son projet d’étude sera porté par cette envie,
en présentant quatre familles d’objets utilitaires
ayant chacun leur identité.5 Intitulé les dodus, il
s’agit d’une famille d’arts de la table, travaillés
de la même façon qu’une famille humaine.
En décomposant les usages, Joséphine Viot a
assimilé chaque caractère, principe à une famille.
Les Brutus sont fidèles à eux-mêmes, robustes,
calmes et renfermés. Elle compare les Piccolos à
un rôle de théâtre de boulevard, retranscrits par
des formes généreuses, élégantes et gracieuse.6
4 - « https://www.galeriedescuriosites.com/juana-maillot »
5 - « http://mmaq.com/tag/ceramique/»
6 - « http://www.arts-ceramiques.org/josephine-viot-pro-
motion-2015.html »25 La famille des Gauches est inspirée de tous nos complexes corporels. Nos oreilles décollées, nos dents du bonheur... qui montrent qui nous sommes vraiment. Pour finir, les Classions sont tels que la société leur demande d’être, propres sur eux, droits…6 6 - « http://www.arts-ceramiques.org/josephine-viot-pro- motion-2015.html »
26
La révolution industrielle a eu un impact
considérable comme vu précédemment, d’un
point de vue créatif et technologique. Mais
maintenant, j’aimerais mettre en avant, le point
de vue écologique. Le documentaire « Nouvelle
époque géologique: l’Homme à manger la terre
» de Jean Robert témoigne « que nous avons
basculé dans une nouvelle ère géologique :
« l’anthropocène ». Ce documentaire compare
l’époque anthropocène (« Période actuelle des
temps géologiques, où les activités humaines ont
de fortes répercussions sur les écosystèmes de la
planète (biosphère) et les transforment à tous les
niveaux. ») à l’époque industrielle, en mettant en
Le retour aux matériaux noble
avant l’arrivée du charbon en Angleterre jusqu’à
celle du pétrole en Amérique.Le design d’objet
en plastique remonte au début du XXème siècle.
À l’époque, en 1870, les frères Hyatt mettent
1
au point le premier plastique : le Celluloïd. Les
plastiques sont principalement constitués de
polymères. L’évolution du plastique a été permise
grâce à la révolution industrielle, le chimiste belge
Leo Baekeland découvre la bakélite, une « résine
synthétique isolant, résistant à la chaleur; en part.,
matière plastique, utilisée comme isolant, pour
la fabrication d’enduits, l’imitation de l’ambre, du
corail...», qui sera également la première matière à
être produite industriellement.
1 - «https://dl.ummto.dz/bitstream/handle/ummto/5709/
memoire%20final%20pdf%20..pdf?sequence=1»27
Jean Heiberg concevra en 1930 la forme du
premier téléphone, en bakélite, à la demande de
la société suédoise Ericsson, afin que cet objet
réservé à une clientèle fortunée soit commercialisé
à grande échelle et pour tous. À la fin des
années 1930, la consommation est à l’arrêt, on la
2
surnomme « la période de la grande dépression».
Raymond Loewy écrira que « la laideur se vend mal
», en proposant de donner une valeur esthétique
aux designs industriels.3 La consommation de
plastique repartira de plus belle.4 Les années
POP (1096/1970) mettent en avant les plastiques
moulés par injection : « Le moulage par injection
est un procédé de fabrication qui consiste à
ramollir la matière plastique en la chauffant puis à
l’injecter dans un moule. Une fois dans le moule, la
matière refroidit et se solidifie, puis un mécanisme
éjecte la pièce hors du moule »,5 comme la Tam
Tam en polypropylène par Henri Massart. Verner
Panton, quant à lui, propose la première chaise
monobloc en plastique moulé. Il affirmera : « grâce
aux progrès techniques et aux nouveaux matériaux
plastiques, les designers peuvent désormais
réaliser des objets qui, jusqu’alors, ne pouvaient
avoir d’existence que dans leur rêve.» En 1980, la
crise économique entache la consommation, qui
commence à se vouloir plus responsable avec des
matériaux plus naturels, étant perçue comme plus
rassurante et noble.
3 - « https://www.sculpteo.com/fr/glossaire/definition-in-
jection-plastique/ »
4 - « https://plastic-lemag.com/Plastiques-et-de-
sign-une-histoire-intimement-liee »
5 - « https://www.sculpteo.com/fr/glossaire/definition-in-
jection-plastique/ »28
Shiro Kuramata et Philippe Starck relèvent les défis
notamment avec du PMMA. Frank Lloyd Wright,
profitera de cette ère plus responsable pour mettre
en avant l’architecture organique vers la fin du XIX
même siècle, aux Etats- Unis. Celle-ci tend à rétablir
le lien entre l’homme et la nature, entre le bâtiment
et le site, à partir d’une démarche essentiellement
sensible. »6 Sa première pensée est d’abandonner
la symétrie ainsi que de revenir à des matériaux
traditionnels tels que le bois, la brique ou la
pierre. L’architecture organique consiste à être
en harmonie avec la nature ou l’emplacement
sur lequel elle va prendre forme. Construite dans
les années 1930, la maison de la cascade située
Le retour aux matériaux noble
en Pennsylvanie, reprend entièrement ces codes.7
Bruce Goff naît, trente sept ans plus tard que
Frank Lloyd Wright, mais leurs parcours seront
très similaires avec une ligne directive semblable.
La différence de Bruce Goff se voit dans ses
connaissances d’expérimentation et l’évolution
des autres. Lorsqu’il deviendra professeur, il sera
le premier à éduquer les étudiants sur les textures,
les matériaux, les couleurs... Un principe qu’il met
en avant pour ses projets, comme par exemple
pour la maison d’Eugène Bavinger.8
6 - « http://www.architecture-organique.com/architec-
ture-organique/ »
7 - « https://www.maison.com/architecture/histoire/mai-
son-iconique-fallingwater-house-manifeste-arch-8061/ »
8 - «https://regardssurlaville.files.wordpress.com/2014/02/
lhistoire-de-larchitecture-organique-numc3a9ro-le-carr-
c3a9-bleu-2013.pdf»29 Verner Panton, chaise monobloc en plastique moulé.
30
Alors que l’argile et le bois ont su faire face aux
différentes révolutions (industriel, production
de masse, production automatisée etc.) et
aux nouveaux matériaux, tels que l’apparition
du plastique, plus rentable d’un point de vue
économique, qu’en est-il de leur futur, dans une
ère où la technique prend place de manière à
faire partie intégrante de notre environnement?
L’évolution des matériaux nobles a l’air de la technologie
Bertrand Gilles classe deux grandes révolutions
techniques : la renaissance, basée sur l’innovation
du système, et la révolution industrielle, basé
sur la vapeur et le métal.1 Alan Turing propose
une machine capable d’interpréter un code, qui
correspond à la création d’un algorithme. En
1971, le microprocesseur promet les premiers
ordinateurs portables bien plus petits. L’arrivée
d’internet ou d’objets connectés permet au
design de continuer d’évoluer et laisse place à
plus d’imagination et de dématérialisation.1 Quand
Pierre Chareau imagine la maison de verre, 1931, il
est en totale rupture avec ce qui se crée à l’époque,
mais devient précurseur d’un nouveau genre en
alliant porte coulissante modulable et des pavés
de verre pour la lumière. Le design commence à
être envisagé sous différentes formes.2
1 - « https://issuu.com/laetitiaboiteau/docs/memoire_dn-
sep_design_graphique_mult »
2 - « https://www.objetconnecte.net/de-
sign-connecte-technologie-2303/ »31 Les nouvelles techniques et la révolution numérique connaissent un renouveau important dans notre société. Stéphane Vial, dans son ouvrage : « L’être et l’écran », parle de « révolution numérique ». De son point de vue, il s’agit d’un changement philosophique du fait que notre perception du réel est modifiée.3 Le design continue de s’imposer de manière importante, mais avec de nouveaux aspects. Auparavant perçus comme un art créatif, une nouvelle façon de l’appréhender prend place. Le design n’est plus perçu comme un simple objet décoratif mais plutôt une démarche. Désormais il sera plutôt mis en avant comme un processus de recherche au sein des entreprises. La création d’interface technologique ou le service sera mis à profit par l’usager,4 notamment comme la domotique, dans l’optique d’apporter une nouvelle autogestion de l’habitat de manière qui instauré plus de confort et de sécurité. Ce concept émerge dans les années 1980, grâce à la miniaturisation des systèmes électroniques et informatiques. Le début de la domotique n’est pas fructueux, le consommateur n’a pas confiance.5 Erick Curvelier estime que « le design ne vient pas en remplacement, c’est une compétence et un métier supplémentaires. »6 3 - « Raymond Loewy, la laideur se vend mal » 4 - « https://www.maisonapart.com/edito/construire-reno- ver/maison-intelligente/bienvenue-dans-l-ere-du-design- numerique-5663.php » 5 - « https://sites.google.com/site/domotiquec2i/-his- toire-domotique-et-evolution » 6-«
32
Dans une société où le virtuel nous entoure, de
façon à être omniprésente et un format de plus
en plus petit, la volonté des designers est de
nous séduire avec une forme et ou une matière
glamour qui pourrait s’adapter à notre intérieur
et non pas un processus imposant. Comme par
exemple Konstantin Grcic, designer allemand
qui met en œuvre une collection de montres
L’évolution des matériaux nobles a l’air de la technologie
en céramique. Minimaliste et sensuel, le projet
s’insère complètement dans cette nouvelle ère
technologique, s’inspirant des chronomètres des
pilotes. Grcic propose une montre réalisée en
céramique moulée par injection.7 Citons le groupe
d’artisans orée artisans, spécialisés dans les outils
technologiques durables, tels que le clavier orée
deux bluetooth en érable ou en noyer. « Orée
est née d’une aspiration pour des outils utiles au
quotidien, élégants et durables. »8
Dans un premier temps l’ère technologique
apparaît dans le but de démontrer l’évolution
des systèmes informatiques. Une révolution
importante, un progrès inattendu, qui va venir
bouleverser notre façon de penser ou même notre
façon de vivre.
7 - « https://intramuros.fr/design/news/konstantin-gr-
cic-revisite-la-ceramica-de-rado/ »
8 - « https://blog-espritdesign.com/high-tech/gadget/cla-
vier-oree-bluetooth-par-oree-artisans-46273 »33
L’ère technologique ne consiste pas seulement à
innover des processus informatiques ; plus tard,
elle englobe également les nouvelles inventions
avec une nouvelle approche pour le bien-être
de l’utilisateur, de manière technologique et
poétique. Mathieu Lehanneur excelle dans cet
art. Diplômé de l’École nationale supérieure de
création industrielle à Paris, son projet de diplôme
Objets thérapeutique ne passe pas inaperçu. Son
constat : l’industrie pharmaceutique ne s’intéresse
guère à l’apparence de l’objet, alors que nous
devons vivre avec les médicaments. Il abordera
donc son projet « par le côté comportemental et
relationnel, pour faire un travail prospectif médical
dépassant le packaging ». Son projet Escale
9
numérique pour JC Decaux, mêle technologie
et urbanisme de manière à ce que l’utilisateur soit
entouré de poésies tout en pouvant s’informer
où se renseigner par ce qui l’entoure. Ce mobilier
urbain caractérisait comme un « abri » introduit
la technologie, par son écran tactile, ainsi que
poésie, avec un toit végétalisé accompagné d’un
piétement en rondin, faisant allusion à une forêt,
comme si nous faisions toujours partie de la nature.10
« L’idée forte doit rester celle de l’harmonie. Il
faut donc oublier ce fantasme d’un futur où les
machines prendraient le pouvoir, car l’homme
aura toujours le pouvoir d’appuyer sur la touche
on/off. » Mathieu Lehanneur.11
9 - « http://go2prod.com/quand-le-design-sinte-
resse-aux-objets-therapeutiques-interview-de-mathieu-le-
hanneur/ »
10 - « https://www.designboom.com/architecture/ma-
thieu-lehanneur-escale-numerique-for-jcdecaux/ »
11 - « http://www.mathieulehanneur.fr/presse-
bank/55081a3583d34.pdf?PHPSESSID=3542aca-
b8e06aa0f57503328ea922ea4 »34
L’arrivée du plastique a dans un premier temps
fasciné les designers,et les consommateurs. Cette
matière peu coûteuse, qui prend forme simplement
permet de réaliser des projets plus extravagants
qu’auparavant. À l’époque, on ne pouvait pas
rêver mieux. Mais, en plus de la crise économique
qui entache nettement la consommation, l’ère
écologique démontre petit à petit à quel point ce
matériau est néfaste pour la santé et la planète.
Quelques années plus tard, le design prendra une
nouvelle place dans la société. Auparavant, seule
la beauté de l’objet importait pour le créateur ou
même le consommateur. Dans une société où tout
change, le design se veut utile. L’ère technologique
a complètement bousculé nos vies, de l’esthétique
de nos intérieurs jusqu’à notre façon de vivre. Nous
avons appris à vivre avec, ce qui nous a poussés à
donner un esthétisme à toutes les utilités de ces
processus. Dorénavant, les matériaux s’associeront
Synthèse
à de nouvelles technologies, les rendant plus
esthétiques et plus fins.36
L’argile découle d’un procédé géologique,
rendant cette matière unique et noble. Le
designer se saisira de cette matière de manière à
la travailler sous différentes formes et en utilisant
différentes techniques. Beaucoup datent du
siècle passé. L’évolution de l’argile se traduira à
travers son utilité pour l’utilisateur, comme vu,
notamment, avec Joséphine Viot. Le bois n’a pas
toujours convaincu, ce matériau combustible a
fait peur, pendant un temps. Néanmoins, certains
architectes qui prônent le retour aux matériaux
naturels seront remis au goût du jour. C’est le cas
de Frank Lloyd Wright. Comme l’argile à des fins
utilitaires. L’ère de l’écologie signature dans notre
société, c’est pourquoi les designers ne cessent
de se préoccuper et d’appréhender ces matériaux
ancestraux et cent pour cents naturels. Grâce à
la révolution industrielle, le créateur prendra une
place importante dans notre société. Renommé
Conclusion
Désigner, ces créateurs commenceront à obtenir
une reconnaissance autre que de fabriquer des
objets considérés comme beaux. Michael Thonet
est reconnu comme l’instigateur de ce grand pas,
vers une ouverture d’esprit qui était auparavant
insoupçonnée. Le métier fascine, porte à
questionnement, démontre que l’artisanat impose
une réflexion, une connaissance.37 Les différents styles leur permettront d’innover leurs créations, de marquer l’histoire ou encore de réinventer nos façons de vivre. Le style Art déco renforcera l’idée que l’objet ne doit pas simplement combler un esthétisme, mais également une utilité. Cette notion, accepter du grand public le designer se veut plus innovante, le style scandinave, représenté par Aalto Alvar se verra comme original et intemporel. De nouveaux matériaux comme le plastique ou le caoutchouc, leur permettront de lier utilité et innovations. Rapidement rattrapé par une prise de conscience écologique, le designer mêlera l’utilité d’un design à un retour aux matériaux responsables, l’architecture organique. L’ère écologique et technologique, met, une fois de plus, le designer sur le devant de la scène. Comme quelques années auparavant notre société change et il se doit de s’adapter et continuer d’être innovant. Mais cette fois, le designer se doit d’être innovant en alliant utilité et beauté, car le design est rentré dans nos habitats de manière à faire partie intégrante de nos vies.
38
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SitographieFille d’ébéniste, je me revois au milieu de tout ce bois empilé. Je m’amuse à le manipuler, le colorer, ou encore à le couper. Beaucoup de questions se bousculent. Mes nombreux voyages aux quatre coins du monde n’ont fait qu’accentuer cette curiosité. D’une visite dans les montagnes balinaises où le caoutchouc règne puis entourée de potier à Athènes, il m’est paru comme évident de traiter l’argile et du bois, afin de mettre a profit mes expériences personnelles. Les siècles passent et le monde change. De nouvelles priorités naissent. Parmi elles, l’impact de la pollution venant de certains matériaux commence à poser problème. S’ensuivra l’ère technologique, un nouveau design, une nouvelle façon de penser ou encore une nouvelle façon de vivre.
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