Mémoire - Femmes autochtones du Québec

 
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Mémoire - Femmes autochtones du Québec
Mémoire
    PROJET DE LOI C-3 : LOI FAVORISANT L’ÉQUITÉ ENTRE LES SEXES
RELATIVEMENT À L’INSCRIPTION AU REGISTRE DES INDIENS EN DONNANT
SUITE À LA DÉCISION DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE
                  DANS L’AFFAIRE MCIVOR C. CANADA

                                   Présenté au :
   Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord
                              Chambre des communes

                            Kahnawake, 20 avril 2010
Notre organisation
Femmes Autochtones du Québec/Quebec Native Women Inc.

Femmes Autochtones du Québec (FAQ) est une organisation bilingue, sans but lucratif,
qui est née d’une initiative communautaire en 1974. Nos membres sont des femmes
provenant de 10 des 11 nations autochtones du Québec, telles que les Abénakis, les
Algonquins, les Attikameks, les Hurons-Wendats, les Innus, les Eeyous, les Malécites, les
Mig’maqs, les Maliseets, les Mohawks et les Naskapis, ainsi que divers groupes
autochtones du reste du Canada vivant en milieu urbain dans la région.

La mission de FAQ est de militer en faveur des droits humains des femmes autochtones
et de leur famille, à la fois collectivement et individuellement, afin de faire valoir les
besoins et les priorités de ses membres auprès de tous les niveaux de gouvernement, de la
société civile et des décideurs, et ce, dans tous les secteurs d’activités liés aux droits des
peuples autochtones.

Sur le plan politique, FAQ travaille pour les femmes autochtones de tout le pays, et
également à l’échelon international, afin que le droit de ces femmes à l’égalité soit
reconnu tant sur le plan législatif que constitutionnel. FAQ soutient également le droit des
peuples autochtones à l’autodétermination et encourage la pleine participation des
femmes autochtones au processus menant à l’atteinte de cet objectif.

Sur le plan socio-économique, FAQ promeut et crée de nouvelles initiatives de formation
afin d’aider ses membres à améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs familles,
créant par le fait même de nouvelles occasions de participation des femmes autochtones à
leurs communautés et notamment aux processus décisionnels.

FAQ soutient et encourage les initiatives communautaires qui cherchent à améliorer les
conditions de vie des femmes autochtones et de leurs familles. Dans ce contexte, FAQ est
un organisme voué à la sensibilisation, à l’éducation et à la recherche.

FAQ a connu une croissance sans précédent au cours des dernières années, comme le
reflètent la quantité et la qualité toujours croissantes de son travail et les résultats
tangibles obtenus. Soutenu par une structure organisationnelle solide et une vaste
expérience de 35 ans, FAQ est bien connu aujourd'hui pour sa participation active à tous
les domaines touchant la vie des peuples autochtones.

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Introduction

FAQ a pour mission de lutter au nom des femmes autochtones et de leurs familles partout
au pays afin d’obtenir la reconnaissance de leur droit à l’égalité, tant sur le plan législatif
que constitutionnel1. Dans cette optique, FAQ expose ses profondes préoccupations quant
à la proposition du gouvernement canadien (projet de loi C-3) de modifier les dispositions
de la Loi sur les Indiens2 portant sur l’inscription (article 6 : statut d’Indien), afin de se
conformer à la décision McIvor de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique.

FAQ apprécie cette occasion unique qui lui est offerte de remédier à la discrimination
historique vécue non seulement par les femmes autochtones, mais aussi par leurs
descendants masculins et féminins en vertu de la Loi sur les Indiens, une injustice qui n'a
pas été corrigée par l'adoption du projet de loi C-31 en 1985. Toutefois, FAQ déplore la
vision restrictive proposée par le gouvernement fédéral qui ne mettra pas réellement fin à
cette discrimination et l'absence de toute mesure ou mécanisme effectif et significatif de
consultation avec les peuples autochtones.

Mise en contexte
L’affaire Sharon McIvor

À la suite du jugement de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique (CACB) le 6 avril
2009 dans l’affaire McIvor, le gouvernement canadien a décidé d’entamer le processus
législatif afin de modifier les dispositions de la Loi sur les Indiens portant sur
l’inscription (article 6 : statut d’Indien). Dans l’affaire McIvor c. Canada, la Cour d'appel
a effectivement déterminé que les alinéas 6(1)a) et 6(1)c) de la Loi sur les Indiens portant
sur l'inscription étaient inconstitutionnels, puisqu’ils violaient l’article 15 (droit à
l’égalité) de la Charte canadienne des droits et libertés, une infraction qui n'était pas
justifiée par l'article 1 de la Charte3. La Cour a toutefois suspendu sa déclaration
d'invalidité pour une période de 12 mois afin de donner au Parlement le temps de
modifier la Loi sur les Indiens4.

1
  FAQ, http://www.faq-qnw.org/about.html.
2
  Loi sur les Indiens, L.R.C., 1985, c. I-5, art. 6.
3
  Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 15, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant
l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c.11.
4
  McIvor v. Canada (Registrar of Indian and Northern Affairs), 2009 BCCA 153 [McIvor, BCCA 2009].
Selon la Cour d'appel, il revient au Parlement de décider de la façon de remédier à la discrimination subie
par les femmes autochtones et leurs descendants dans le cadre du régime d'inscription (art. 6) de la Loi sur
les Indiens. La Cour précise qu'il n'est pas approprié pour un tribunal d'imposer une solution par l'ouverture
du statut d’Indien à un plus large groupe de personnes.
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Le CACB a donc statué en faveur de Sharon McIvor et de son fils Jacob Grismer,
concluant que le régime d'inscription (article 6) de la Loi sur les Indiens était encore
aujourd’hui discriminatoire envers les femmes autochtones et leurs descendants
masculins et féminins en les empêchant de transmettre leur statut. La Cour a cependant
évoqué des motifs beaucoup plus restreints que ceux exprimés par la Cour suprême de la
Colombie-Britannique (CSCB) en 2007. En effet, la CSCB avait ordonné de vastes
recours accordant des droits d’inscription égaux, y compris la capacité de transmettre leur
statut, à toutes les femmes inscrites en vertu de l'alinéa 6(1)c) et à tous leurs descendants
(nés avant le 17 avril 1985) de filiation matrilinéaire, tel que la Loi sur les Indiens
(modifiée par le projet de loi C-31 en 1985) l’accorde aux hommes autochtones et à leurs
descendants admissibles à l'inscription en vertu de l’alinéa 6(1)a)5. En revanche, la
CACB a conclu que la seule forme de discrimination sexuelle injustifiée en ce qui
concerne le statut d'Indien provient de la manière dont le projet de loi C-31 traite de la
transition des règles d’inscription antérieures (1951 : introduction de la règle «mère
grand-mère»6) vers un régime non discriminatoire (1985 : projet de loi C-31)7. La CACB
a en effet conclu que le juge de première instance de la CSCB était allé trop loin en
décrivant que la discrimination était fondée sur le traitement préférentiel « de la filiation

5
  McIvor v. The Registrar, Indian and Northern Affairs Canada, 2007 BCSC 827, Justice Ross; McIvor v.
The Registrar, Indian and Northern Affairs Canada, 2007 BCSC 1732, para. 9 [McIvor, BCSC 2007] où la
CSBC déclare que : « b) l'article 6 de la Loi de 1985 est inopérant dans la mesure, et seulement dans la
mesure, où il prévoit le traitement préférentiel des hommes indiens par rapport aux femmes indiennes nées
avant le 17 avril 1985, et le traitement préférentiel des descendants patrilinéaires par rapport aux
descendants matrilinéaires nés avant le 17 avril 1985, en ce qui concerne le droit d'être inscrit comme
Indien; c) l'alinéa 6 (1)a) de la Loi de 1985 doit être interprété de façon à permettre aux personnes qui
n’avaient auparavant pas le droit d'être inscrites en vertu de l’alinéa 6 (1)a) uniquement en raison du
traitement préférentiel accordé aux hommes indiens par rapport aux femmes indiennes nées avant le
17 avril 1985 et à leurs descendants patrilinéaires par rapport à leurs descendants matrilinéaires nés avant le
17 avril 1985, d'être inscrits en vertu de l'alinéa 6(1)a)» [Traduction].
6
  Le sous-alinéa 12 (1)a)(iv) de la Loi sur les Indiens de 1951, connu sous le nom de règle « mère grand-
mère », prévoit qu'une personne dont les parents se sont mariés le ou après le 4 septembre 1951 et dont la
mère et la grand-mère paternelles n'avaient pas été reconnues comme des Indiennes avant leur mariage,
peut être inscrite à la naissance, mais qu’elle perd son statut d’Indien et son appartenance à une bande lors
de son 21e anniversaire. La Loi sur les Indiens, telle que modifiée par le projet de loi C-31 en 1985, accorde
un statut selon l’article 6(1)c) aux personnes ayant perdu leur statut en vertu de la règle «mère grand-mère».
7
  McIvor, BCCA 2009, supra note 4, para. 118. La CACB a jugé que la perpétuation de la discrimination à
l'égard du statut d'Indien est justifiée, à une exception près : le statut renforcé que la Loi sur les Indiens,
telle que modifiée par le projet de loi C-31 en 1985, accorde aux enfants visés par la règle «mère grand-
mère» avant 1985. Comme indiqué ci-dessus, le projet de loi C-31 a octroyé un statut complet au titre du
paragraphe 6 (1) à ces descendants patrilinéaires, même si auparavant en vertu de la règle «mère grand-
mère» ils ou elles auraient perdu leur statut à 21 ans. La CACB a constaté que seulement cet aspect
discriminatoire était injustifié, car il n'avait pas pour but de simplement préserver les droits existants et
acquis en vertu de l’ancien régime discriminatoire, mais allait plus loin en octroyant un statut renforcé à ces
individus. Selon la CACB, si le Parlement avait conservé la règle «mère grand-mère» lorsque le projet de
loi C-31 a été introduit, le régime législatif aurait été sauvegardé par l’article premier de la Charte et il n’y
aurait donc pas eu de violation de cette dernière.
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patrilinéaire, par opposition à la filiation matrilinéaire »8. Selon le CACB,
l'inconstitutionnalité ne concerne pas les descendants de toutes les femmes qui ont perdu
leur statut en épousant un non-Indien à tout moment depuis 1876. La Cour d'appel a
plutôt jugé que la violation de la Charte se limitait au traitement préférentiel des
personnes de descendance patrilinéaire auparavant soumises à des dispositions
transitoires relatives à la règle «mère grand-mère» introduite en 1951.

La demande d'appel de Sharon McIvor de la décision de la CACB a récemment été
rejetée par la Cour suprême du Canada9. La décision de la CACB est donc finale. Elle
accorde un an au gouvernement du Canada pour modifier le régime d'inscription (article
6) de la Loi sur les Indiens. Sur ce point, Sharon McIvor a présenté le 6 octobre dernier
au Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada (MAINC) ses commentaires
quant à la proposition de modification de la Loi sur les Indiens. Selon elle, les
modifications proposées sont erronées, ce qui démontre que la décision de la Cour d'appel
ne constitue pas une base solide pour la réforme législative. Si ces modifications étaient
appliquées, elles n’élimineraient pas la discrimination sexuelle des dispositions de la Loi
sur les Indiens relatives à l'inscription10.

Plus récemment le 1 avril 2010, la date limite du 6 avril approchant à grand pas, la CACB
a accordé le report de trois mois de la déclaration d'invalidité découlant de la décision
rendue dans l'affaire McIvor c. Canada. Le gouvernement du Canada a maintenant
jusqu'au 5 juillet 2010 pour modifier les dispositions relatives à l'inscription (section 6)
de la Loi sur les Indiens qui ont été jugées discriminatoires11.
8
  CNGPN, Memorandum: Summary of the McIvor Decisions, Ratcliff & Company, juin 2009, p. 5. Selon la
CACB, la discrimination sexuelle ne s'appliquait qu'aux individus se trouvant en période transitoire entre
les régimes d’inscription de 1951 et de 1985.
9
  Sharon Donna McIvor et al. v. Registrar, Indian and Northern Affairs Canada et al. (C.B.) demande
d’appel à la C.S.C. refusée, 33201, (5 novembre 2009).
10
   McIVOR, Sharon. Sharon McIvor’s Response to The August 2009 Proposal of Indian and Northern
Affairs Canada to Amend the 1985 Indian Act, 6 octobre 2009, p. 8-10 [Sharon McIvor]. Sharon McIvor
fournit dans ce document quelques exemples précis démontrant le fait que les modifications proposées
perpétueront la discrimination sexuelle au sein de la Loi sur les Indiens : « 1. Les modifications proposées
se limitent aux petits-enfants des femmes qui ont perdu leur statut en épousant un non-Indien […]; 2. En
vertu des modifications proposées, les petits-enfants visés doivent être nés après le 4 septembre 1951 […];
3. Les modifications proposées contiennent une autre inadmissibilité problématique sur le plan
générationnel. Elles ne s’appliquent uniquement qu’aux petits-enfants […]; 4. Les modifications proposées
n'accorderont qu’un statut en vertu du paragraphe 6 (2) et jamais en vertu du paragraphe 6 (1) pour les
nouveaux inscrits » [Traduction].
11
   MAINC, Le Canada obtient un report de trois mois pour la mise en œuvre de la décision rendue dans
l’affaire McIvor et il s’efforce de faire adopter rapidement le projet de loi C-3, Ref. #2-3333, 1er avril
2010, http://www.ainc-inac.gc.ca/ai/mr/nr/j-a2010/23333-fra.asp

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Projet de loi C-3 : la proposition de modification de la Loi sur les Indiens du
gouvernement fédéral

Le gouvernement a déposé le 11 mars 2010 à la Chambre des communes le projet de loi
C-3, Loi sur l'équité entre les sexes relativement à l'inscription au registre des Indiens,
visant à corriger des dispositions que la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a
jugées discriminatoires dans la Loi sur les Indiens, mais uniquement dans le but de régler
le problème de discrimination précis mis en lumière dans le cas de Sharon McIvor et de
sa famille. Pour l'instant, le gouvernement estime que la meilleure solution consiste à
limiter les modifications législatives aux règles d'inscription qui sont directement liées à
la décision récente de la Cour d'appel. Plus précisément :

     la Loi sur les Indiens sera modifiée de manière à accorder le droit d'inscription en vertu du paragraphe
     6(2) de cette Loi à tout petit fils ou petite fille d'une Indienne : a) qui a perdu son statut en épousant un
     non-Indien ; b) dont l'enfant né de ce mariage a eu un enfant avec une personne non indienne après le
     4 septembre 1951 (au moment où la disposition « mère grand mère » a été ajoutée à la Loi sur les
     Indiens); ainsi qu'au frère et à la sœur de ce petit-fils ou de cette petite-fille né(e) avant le 4 septembre
     1951. À cette fin, à la Loi sur les Indiens sera ajouté l'alinéa 6(1)c)(1) accordant le droit d'inscription à
     toute personne : 1) dont la mère a perdu le statut d'Indien en épousant un non-Indien; 2) dont le père
     est un non-Indien; 3) qui est née après que sa mère a perdu son statut d'Indienne mais avant le 17 avril
     1985, à moins que les parents de l'intéressé ne se soient mariés avant cette date; 4) qui a eu un enfant
     avec une personne non indienne le 4 septembre 1951 ou après cette date12.

Avec ce type de modification, les nouveaux inscrits seront ajoutés à la liste de bande par
le registraire des Indiens pour les Conseils de bande qui conformément à l’article 11 de la
Loi sur les Indiens n'enregistrent pas eux-mêmes leurs effectifs. Pour les bandes qui
gèrent leurs effectifs en vertu de l'article 10 de la Loi sur les Indiens, le statut de membre
sera déterminé selon les règles et les critères d'appartenance fixés par la bande13

Répercussions probables sur la population inscrite et sur les bandes indiennes

Dans l'ensemble, le MAINC est d’avis que le nombre total de personnes nouvellement
admissibles à l'inscription en vertu de la Loi sur les Indiens découlant des modifications
proposées avec le projet de loi C-3 pourrait atteindre 45 000, ce qui équivaut à une
augmentation d'environ 6 % de la population inscrite14 Cette estimation dépasse le chiffre
de 20 000 à 40 000 avancé dans le «Document de discussion» publié par le MAINC en
août 2009. Il convient également de noter qu'en 1985, au moment du projet de loi C-31,
le MAINC avait sérieusement sous-estimé le nombre de personnes susceptibles de

12
   MAINC, Document explicatif : Modifications proposées aux dispositions de la Loi sur les Indiens
concernant l’inscription : McIvor c. Canada, Ottawa 2010, aux pp.2-3.
13
   Ibid., p. 4.
14
   Ibid., pp. 4-5.
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demander leur réinscription15. Ainsi, de nouvelles recherches sont entreprises et
finalement terminées à l'automne 2009 par Stewart Clatworthy16, sur lesquelles de
nouvelles estimations devraient être fondées dans le but d’évaluer plus précisément
l'augmentation réelle de la population inscrite, puisque cette augmentation aura des
conséquences directes sur les communautés autochtones, notamment en ce qui concerne
l’offre de services aux membres de la communauté par les bandes.

À cet égard, le MAINC a déclaré que la question du financement supplémentaire à
accorder aux communautés autochtones afin qu’elles offrent des programmes et des
services aux nouveaux Indiens inscrits ne sera pas abordée à cette étape du processus
législatif17. Une décision qui aura certainement une incidence directe sur le financement
déjà restreint des collectivités autochtones. Comme ce fut le cas avec le projet de loi C-
31, le gouvernement fédéral estime que la grande majorité des éventuels nouveaux
inscrits vivront fort probablement à l'extérieur des réserves et des terres publiques. Donc
pour le gouvernement, l'impact direct sur les collectivités autochtones serait limité dans
des domaines tels que la demande en logement et en services dans les réserves. Le
gouvernement devrait toutefois être conscient que de nombreux inscrits au titre du projet
de loi C-31 vivant à l’extérieur des réserves ne le font pas par choix, leurs droits de
résidence dans les réserves sont en réalité limités en raison de plusieurs facteurs : manque
de financement, insuffisance de terres et de ressources dans les réserves et imposition par
les bandes de codes d’appartenances discriminatoires avalisés par le MAINC18.

Quant à l’appartenance à une bande, les conséquences sur les communautés risquent de
créer de nouveaux problèmes sociaux dans la mesure où plus de 230 bandes contrôlent et
déterminent leurs propres règles d’appartenance, lesquelles sont assez variées. En effet,
certaines bandes ont des politiques très ouvertes tandis que d’autres, réticentes à accepter
de nouveaux membres, ont adopté des codes restrictifs19. Dans le cas des communautés

15
   Rapport de la Commission Royale sur les peoples autochtones, Vol.4 chap. 2 s. 3.1, Ottawa, 1996,
[CRPA]
16
   MAINC, Estimations des répercussions démographiques découlant de la modification à l’inscription des
Indiens - McIvor c. Canada, Ottawa, Mars 2010.
17
   MAINC, Foire aux questions : Processus de participation Modification des dispositions de la Loi sur les
Indiens relatives à l’inscription, conformément à la décision McIvor de la Cour d’appel de la Colombie-
Britannique, Ottawa, 2009, p. 3.
18
   CRPA, supra note 15, s.3.1
19
   À l’examen des 236 codes adoptés par les Premières nations entre juin 1985 et mai 1992, on a identifié
quatre principaux types de codes : 1) la règle du parent unique, en vertu de laquelle une personne est
admissible à l'appartenance si l'un de ses parents est un membre de la bande ; 2) la règle des deux parents,
qui prévoient que pour qu’une personne soit admissible, ses deux parents doivent être membres d’une
bande; 3) la règle du degré de consanguinité, qui fondent l’admissibilité sur la quantité de sang indien
d’une personne; et 4) les règles prévues dans la Loi sur les Indiens, qui fondent l’appartenance sur les
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autochtones qui ne contrôlent pas leurs propres règles d’appartenance, les nouveaux
inscrits seront ajoutés à la liste de la bande par le registraire.

En dépit du fait que le gouvernement fédéral a connaissance de l’existence d’enjeux plus
vastes liés à l’inscription et à l’appartenance aux bandes, les modifications proposées à la
Loi sur les Indiens sous le projet de loi C-3 n’abordent pas ces questions. Elles ne traitent
pas non plus d'autres politiques administratives discriminatoires (par exemple : paternité
non déclarée ; biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves) ou de la de pénurie de
logement et de ressources dans les réserves.

Au lieu de cela le gouvernement du Canada s’appuie sur un processus distinct par lequel
le MAINC collaborera avec les organisations autochtones nationales afin
d'entreprendre un processus exploratoire qui amènera les Premières nations et d'autres
groupes et organisations autochtones à cerner ces questions plus générales concernant
l'inscription des Indiens, l'appartenance aux bandes et la citoyenneté des Premières
nations.

Bien que nous accueillions favorablement cette occasion de discuter de ces questions plus
générales, nous déplorons l’intention du gouvernement fédérale de mener ces discussions
de façon restreinte. En effet, le fait que cela sera fait dans un processus séparé plus
informel limité principalement à des organismes autochtones nationaux (OAN) est
préoccupant, car un tel processus évacue la notion de démocratie au sein de ces
discussions et ignore l’obligation constitutionnelle du Canada de mener des consultations
appropriées sur les questions touchant les droits des peuples autochtones. Il est important
de souligner que même s’il semble plus commode et efficace pour le gouvernement de
consulter les OAN, ces organisations sont considérés comme des «groupes d'intérêts
spéciaux» et ont donc besoin d'être accompagné par des organisations régionales et / ou
des groupes communautaires entièrement composés de peuples autochtones.

De plus, les «discussions» parallèles envisagées par le gouvernement excluent de la
procédure législative en cours le droit des peuples autochtones à l'autodétermination en
édictant une fois de plus qui est «Indien» sans tenir compte de l'identité autochtone, des
questions d’'appartenance et de citoyenneté. Ainsi, le projet de loi C-3 demeure une
vision restrictive et colonisée adoptée par le gouvernement du Canada qui se concentre
uniquement sur un recours législatif disparate dans l'intérêt d'éviter un vide juridique en
Colombie-Britannique. Par conséquent, cette approche soulève plusieurs problèmes et

paragraphes 6(1) et 6(2) de la Loi sur les Indiens. Voir CLATWORTHY, Stewart et Anthony H. Smith.
Population Implications of the 1985 Amendments to the Indian Act, Research Study prepared for the
Assembly of First Nations, Ottawa, 1992 [Clatworthy et Smith].
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préoccupations qui auront un impact important sur les droits collectifs et individuels des
peuples autochtones

Sujets de préoccupations

Obligations de la Couronne de consulter les peuples autochtones et de trouver des
accommodements en réponse à leurs préoccupations
Premièrement, FAQ n'accepte pas le fait qu’il y ait actuellement absence de consultation
des peuples autochtones – consultation qui permettrait d’obtenir les avis et commentaires
des Autochtones, et ce, en accord avec les devoirs constitutionnels de l'administration
publique fédérale. Dans l'affaire McIvor, « une suspension permettrait la poursuite du
processus d’inscription, tout en accordant au Parlement le temps requis pour consulter les
groupes autochtones relativement au développement de ce processus et à la mise en
œuvre d'un mécanisme conforme aux décisions des tribunaux20». Il ne faudrait pas
confondre la mise en place par le gouvernement du Canada d’un «processus de
participation» visant à informer les peuples autochtones des modifications proposées aux
dispositions relatives à l’inscription (article 6 : statut d’Indien) de la Loi sur les Indiens
avec l'organisation de vraies réunions de consultation.

Pour respecter la décision rendue en 2009 par la CABC dans l'affaire Sharon McIvor, il
importe de mettre en place un processus de collaboration. La CACB a indiqué : « Nous
ne possédons ni fondement de preuve, ni argument pondéré nous permettant de
déterminer jusqu'à quel point le statut d’Indien devrait être considéré comme un droit
autochtone plutôt que comme une disposition législative. En résumé, cette affaire n'a pas
été présentée de manière à plaider adéquatement divers points en application de l'article
35 de la Loi constitutionnelle de 198221. » Même si l’affaire McIvor n'offre ni preuve, ni
argument à savoir si « le statut d’Indien devrait être considéré comme un droit
autochtone », nous croyons que le gouvernement du Canada doit consulter les peuples
autochtones, car les droits autochtones ou les droits issus de traités pourraient tout de
même être visés par le « développement et la mise en œuvre d’un mécanisme » visant à
contrer la discrimination produite par l'article 6 de la Loi sur les Indiens.

En effet, en se voyant éventuellement refuser le statut d’Indien en vertu d'une
modification proposée à la Loi sur les Indiens, une personne autochtone pourrait perdre
des droits tels que ceux liés aux terres et à l'exploitation forestière. Voici ce qu’en a
décidé la Cour suprême dans l'arrêt Première nation Tlingit de Taku River c.
Colombie-Britannique :

20
     McIvor, BCSC 2007, supra note 5, para. 345 [Traduction].
21
     McIvor, BCCA 2009, supra note 4, para. 66 [Traduction].
                                                                                            9
L’obligation de consulter naît lorsqu’un représentant de la Couronne a connaissance, concrètement
        ou par imputation, de l’existence potentielle d’un titre ou de droits ancestraux et envisage des
        mesures susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur ces droits ou ce titre. Cette obligation
        pourrait également obliger le gouvernement à modifier ses plans ou politiques afin de trouver des
        accommodements aux préoccupations des Autochtones. La volonté de répondre aux
        préoccupations est un élément clé tant à l’étape de la consultation qu’à celle de
        l’accommodement22.

Comme le souligne la Cour suprême, le gouvernement du Canada a le devoir de consulter
les peuples autochtones avant de prendre des décisions qui pourraient être préjudiciables
à leurs droits, afin de trouver des accommodements en réponse à leurs préoccupations.
Voilà ce que mentionne l'arrêt Nation haïda c. Colombie-Britannique :

        L’obligation du gouvernement de consulter les peuples autochtones et de prendre en compte leurs
        intérêts découle du principe de l’honneur de la Couronne. L’honneur de la Couronne est toujours
        en jeu lorsque cette dernière transige avec les peuples autochtones […]. Les origines historiques du
        principe de l’honneur de la Couronne tendent à indiquer que ce dernier doit recevoir une
        interprétation généreuse afin de refléter les réalités sous-jacentes dont il découle. Dans tous ses
        rapports avec les peuples autochtones, qu’il s’agisse de l’affirmation de sa souveraineté, du
        règlement de revendications ou de la mise en œuvre de traités, la Couronne doit agir
        honorablement. Il s’agit là du minimum requis […]23.

FAQ condamne donc le« processus de participation » mené par le MAINC du mois
d’août au mois de novembre 2009 qui ne visait pas à consulter, mais seulement à
informer les communautés autochtones du processus législatif mis de l'avant par le
gouvernement canadien. Pourtant, la consultation et les accommodements sont des
corollaires essentiels du processus de réconciliation honorable qu’exige l'article 35 de la
Loi constitutionnelle de 1982.

Pour favoriser le processus de réconciliation que dicte l'article 35 de la Loi
constitutionnelle de 1982, FAQ demande donc que des consultations commencent
immédiatement dans le cadre d'un processus empreint d’honnêteté et de réconciliation.

Nature historique de la discrimination subie par les femmes autochtones et leurs
descendants

FAQ est aussi préoccupé par l'absence de reconnaissance de la nature historique et
institutionnalisée de la discrimination subie par les femmes autochtones et leurs
descendants masculins et féminins, discrimination permise en vertu de la Loi sur les

22
   Première nation Tlingit de Taku River c. Colombie-Britannique (Directeur d’évaluation de projet),
[2004] 3 R.C.S. 550, 2004 CSC 74, para. 25.
23
   Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), [2004] 3 R.C.S. 511, 2004 CSC 73, para.
16-17.
                                                                                                         10
indiens depuis son imposition en 1876. En effet, les amendements proposés sous le projet
de loi C-3, qui sont fondés sur une décision restreinte de la CABC, ne concernent que les
petits-enfants des femmes qui ont perdu leur statut après avoir marié un non-Indien nés
après le 4 septembre 1951. FAQ considère que cette proposition est erronée, car elle a
pour prémisse la perpétuation de la discrimination.

Premièrement, la limite proposée fondée sur une date de naissance postérieure au
4 septembre 1951, qui présume que le schéma d’inscription devrait uniquement traiter de
la discrimination sexuelle en ce qui concerne la règle « mère grand-mère » qui remonte à
1951, est erronée. Le gouvernement du Canada doit reconnaître que depuis plus de cent
ans la Loi sur les Indiens, enracinée dans des concepts victoriens de race et de patriarcat,
a favorisé les descendants autochtones d’une filiation patrilinéaire. Cette discrimination
fondée sur le sexe, de laquelle sont victimes les femmes autochtones, remonte en
réalité à 1876 (et non pas à 1951). À cette époque, l'identité autochtone d'une femme, au
titre des règles d’inscription imposées aux peuples autochtones par la Loi sur les Indiens,
en est venue à dépendre du statut de son mari (par exemple : une femme non autochtone
mariée à un homme autochtone acquérait le statut d'Indien alors qu’une femme
autochtone mariée à un homme non autochtone perdait son statut d'Indien conformément
à la règle de l’« exclusion par le mariage »)24.

À cet égard, un récent sondage mené auprès de nos membres révèle que plus de 70 % des
répondants sont d'accord avec une antériorité aussi lointaine que 1876, en ce qui concerne
la question du statut25. Certains d'entre elles ont même indiqué que cette question n'aurait
jamais dû voir le jour et qu'une date ne devrait pas déterminer leur sentiment
d'appartenance à une communauté autochtone.

Reflétant l'opinion de ses membres, FAQ recommande que le gouvernement du Canada
n’impose pas la date artificielle du 4 septembre 1951 comme date butoir au droit
d'inscription. En effet, l'utilisation d'une date limite fixée à 1951 dans le cas des
descendants de femmes autochtones et non dans le cas des descendants d'hommes
autochtones engendrera de nouvelles inégalités fondées sur une date de naissance, étant
donné que les petits-enfants qui retracent leur descendance autochtone par filiation
matrilinéaire se verront encore refuser le statut d’Indien s'ils sont nés avant le 4

24
   CRPA, supra note 15, article 3.1. L’alinéa 12(1)b) de la Loi sur les Indiens antérieure à 1985 prévoyait
qu'une femme qui se mariait à un non-Indien n'avait pas le droit à l'inscription. Par contre, l'alinéa 11(1)f)
indiquait que la femme ou la veuve non autochtone d’un Indien inscrit avait droit au statut d’Indien.
25
   FAQ sondage, Statut d’Indien et l’affaire McIvor, octobre 2009. Ce sondage a été mené au cours de la
36e Assemblée générale annuelle (17 et 18 octobre 2009) de FAQ auprès de 37 membres délégués
représentant leur conseil de femmes autochtones.
                                                                                                             11
septembre 1951, à moins qu’ils n’aient un frère ou une sœur né(e) avant le 4 septembre
1951 26.

Par ailleurs, les modifications proposées sous le projet de loi C-3 ne s'appliqueraient
qu'aux petits-enfants et non aux autres descendants matrilinéaires. Voilà une autre façon
par laquelle les modifications proposées ne placent pas les descendants autochtones
matrilinéaires sur un pied d’égalité avec les descendants autochtones patrilinéaires.
Conformément à l'alinéa 6(1)a) de la Loi sur les Indiens, qui peut être transmis par un
seul parent Indien, les descendants d’hommes autochtones ne sont pas limité qu’à la
génération de leur grand-père pour établir leur descendance autochtone (dans le cas des
personnes inscrites en vertu de l'article 6(1)a), les conséquences de l’inadmissibilité au
statut imposée à la deuxième génération sont reportées27). Par contre, une personne
possédant le statut d’Indien en vertu du paragraphe 6(2) ne peut transmettre ce statut qu’à
condition qu'elle conçoive cet enfant avec une personne possédant le statut d’Indien (dans
le cas de ce groupe, «l’inadmissibilité de la deuxième génération» entre immédiatement
en vigueur28).
      Même si tous les enfants nés après le 17 avril 1985 sont sujets à l’«inadmissibilité de la seconde
      génération», la modification proposée maintient une hiérarchie de statut fondée sur le sexe dans le
      cas des personnes nées avant le 17 avril 1985, selon laquelle les descendants patrilinéaires nés avant
      le 17 avril 1985 sont inscrits en vertu du paragraphe 6(1), alors que les descendants matrilinéaires nés
      avant le 17 avril 1985 ne seront pas nécessairement inscrits en vertu du paragraphe 6(1). Cela signifie
      que l’«inadmissibilité de la seconde génération» continuera d’entrer en vigueur une génération plus
      tôt dans le cas de certains descendants matrilinéaires29.

Ainsi, les modifications proposées qui mettent exclusivement l'accent sur les petits-
enfants des femmes ayant perdu leur statut en raison d’un mariage avec un non-Indien
nés après le 4 septembre 1951 ne résoudront pas la discrimination permanente fondée sur
le sexe qui dépend du fait d'être une femme autochtone ou un descendant matrilinéaire.

En terminant, d'autres politiques administratives gouvernementales (par exemple : la
politique de la paternité non déclarée30et la politique sur les biens immobiliers

26
   MAINC, Estimations des répercussions démographiques, supra note 16 à la p. 3.
27
   Ibidem, p. 10. Un enfant dont un seul parent possède le statut d'Indien en vertu du paragraphe 6(2) n'a pas
droit au statut d'Indien. Cet élément, introduit par le projet de loi C-31 est connu sous le nom de
l’« inadmissibilité de la seconde génération », car la seconde génération d'enfants n'ayant qu’un seul parent
possédant le statut d'Indien perd tout droit au statut.
28
   Ibidem, p. 10.
29
   Ibidem, p. 10 [Traduction].
30
   MANN, Michelle M. Inscription des Indiennes et des Indiens : la question de la paternité non reconnue
ou non déclarée, Recherche en matière de politiques, Condition féminine Canada, Ottawa, 2005 (« [L]a
non-déclaration ou la non-reconnaissance par le Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada
(MAINC) d’un père indien aboutit à la perte des privilèges et des droits de son enfant et de ses petits-
                                                                                                           12
matrimoniaux dans les réserves) continuent de provoquer une importante discrimination à
l'égard des femmes autochtones à titre de mères, et à l'égard des descendants qui retracent
leur origine autochtone par leurs aïeux féminins ou, en d'autres mots, des descendants qui
sont incapables de démonter une paternité indienne.

À ce sujet, 85 % de nos répondants croient que des pratiques administratives
discriminatoires telles que celles qui ont trait à la paternité non déclarée (la présomption
que le père de l'enfant n'est pas autochtone si la mère ne révèle pas son identité) devraient
être réglées par les amendements proposés31. Pour bien refléter l'opinion de ses membres,
FAQ demande donc au gouvernement du Canada de mettre fin à toute forme de
discrimination à l'égard des femmes et de leurs descendants en retirant l'élément de
caractérisation associé au statut d’Indien, c'est à dire les paragraphes 6(1) et 6(2). Nous
demandons aussi que la politique administrative qui exige la reconnaissance ou
l'admission de paternité du père d'un enfant né d'une femme autochtone non mariée soit
immédiatement modifiée pour permettre à la mère de l'enfant de signer un affidavit ou
une déclaration statutaire relativement au statut du père de cet enfant.

Pénurie de logements et de ressources

Lorsqu'il s'agit de corriger les aspects inconstitutionnels et discriminatoires de l'article 6
de la Loi sur les Indiens, la responsabilité financière de ce geste repose carrément sur le
gouvernement du Canada. Si l'on tient compte du fait que les modifications proposées
provoqueront fort probablement une augmentation de 6% de la population inscrite et que
de nombreuses communautés autochtones font face à une pénurie de logements, de terres
et de ressources, un plan transitoire doit être élaboré et soutenu financièrement afin de
faciliter l'arrivée de nouveaux Indiens statués32. En effet, le gouvernement du Canada doit
fournir des garanties à l'effet que des sommes, des ressources et des services

enfants s’il y a succession d’unions entre des personnes inscrites et non inscrites. La paternité n’est pas
reconnue dès lors que la mère nomme le père sans respecter les normes du bureau de l’état civil ou la
politique du MAINC en la matière. Dans ces cas, la paternité est réputée non déclarée. La moitié environ
des cas de paternité non déclarée sont réputés involontaires, l’autre moitié étant le fait d’un geste
intentionnel de la mère. Parmi les causes de cette situation, certaines sont d’ordre administratif, d’autres ont
plutôt trait au « fond » – par exemple, dans le cas d’une mère qui décide de son propre chef ne pas
identifier le père»).
31
   FAQ, supra note 25.
32
   La surpopulation et l’absence de logements adéquats suscitent des préoccupations particulières dans les
réserves au sein desquelles il existe actuellement une pénurie de 20 000 à 35 000 logements qui, selon les
estimations, augmente d’environ 2 200 logements par année. En 2001, près de 24 % des ménages à
l’extérieur des réserves composés de membres des Premières Nations, de Métis ou d’Inuits avaient des
besoins impérieux en matière de logement (des logements qui ne répondent pas à une ou plusieurs des
normes en matière de conformité, de pertinence ou de viabilité financière), comparativement à 13,5 % dans
le cas des ménages non autochtones. Voir MAINC, Logement des autochtones, 2006.
                                                                                                             13
supplémentaires seront accordés aux communautés autochtones advenant le cas où il y
aurait augmentation de la population.

À ce sujet, 80 % de nos répondants sont conscients que les modifications proposées
n'auront pas que des conséquences positives sur leur vie et celle de la communauté.
Plusieurs émettent des commentaires sur le manque de fonds destinés à l'éducation et au
logement au sein de leur communauté33. Par ailleurs, 78 % des répondants (75 % des
répondants vivant dans leurs communautés sur une réserve ou sur des terres publiques)
croient que leur communauté a besoin de plus de terres et de ressources pour
accommoder de nouveaux membres. FAQ propose donc que le coût des logements requis
pour les nouveaux inscrits soit subventionné par le gouvernement canadien et qu'une
augmentation ou une adéquation des terres disponibles sur réserve soit octroyée aux
bandes dans le cas de membres réadmis au sein de leur communauté. Autrement, ces
modifications législatives au régime d’inscription (article 6) ne serviront qu'à perpétuer
les difficultés et les défis que doivent surmonter de nombreuses communautés
autochtones et plus spécialement les femmes autochtones qui sont particulièrement
vulnérables lorsqu'il s'agit de pauvreté34. Tout comme ce fut le cas lors de l’adoption du
projet de loi C-31, si des fonds additionnels ne sont pas garantis à ces fins, de nombreuses
bandes résisteront à l’arrivée de nouveaux membres et à l’augmentation de la population
inscrite occasionnées par ces modifications législatives.

Appartenance à une bande : questions ayant trait aux codes d’appartenance
discriminatoires et aux codes d'élection coutumiers

Alors que le projet de loi C-31 tentait de protéger les droits acquis des nouveaux inscrits
en ce qui concerne l'appartenance à une bande, les modifications actuelles proposées sous
le projet de loi C-3 au régime d’inscription de la Loi sur les Indiens ne traitent pas de
cette importante question. En effet, dans le cas des Conseils de bande qui réglementent
eux-mêmes l’appartenance à leurs bandes au titre de l'article 10 de la Loi sur les Indiens,
l'admissibilité à une bande et les privilèges qui y sont associés (accès à des logements
subventionnés dans les réserves ainsi qu'à des programmes et services essentiels
administrés par la bande; droit de vote et droit de se porter candidat aux élections des
Conseils de bande) devront satisfaire aux règles et critères du Conseil de bande. Ainsi, en
vertu des nouvelles modifications, les personnes qui acquerront ou regagneront le statut

33
  FAQ, supra note 25.
34
  En effet, 18 % des femmes autochtones sont monoparentales, ce qui représente 27 % des familles
autochtones. De ce nombre, 72 % résident dans des villes et ont des besoins impérieux de matière de
logement. CERA. Les femmes et le logement au Canada : Entraves à l’égalité, mars 2002.
                                                                                                      14
d'Indien n'appartiendront pas automatiquement à la bande et ne bénéficieront donc pas
automatiquement des privilèges qui y sont associés.

En 1985, avec l'adoption du projet de loi C-31, plusieurs bandes ont régulièrement défié
les modifications apportées à la Loi sur les Indiens en refusant d'accorder le statut de
membre aux personnes nouvellement inscrites en vertu du projet de loi C-31
(majoritairement des femmes) ou en décrétant de manière illégale des codes
d’appartenance ainsi que des codes d'élection coutumiers discriminatoires ciblant tout
particulièrement les femmes ayant regagné leur statut en 1985 et leurs descendants35. Le
gouvernement fédéral n'a donc pas réussi à faire appliquer adéquatement en 1985 les
amendements apportés par le projet de loi C-31 au sein des communautés autochtones,
amendements pourtant conçus pour rectifier la discrimination historique fondée sur le
sexe dont sont toujours victimes les femmes autochtones. Cette situation a alors entraîné
d'importantes violations des droits fondamentaux des femmes autochtones dont le statut a
été rétabli par la loi C-31 ainsi que de leurs enfants, car ils sont incapables de vivre dans
les réserves, de participer au processus électoral et se voient refuser l'accès aux
programmes et services essentiels administrés par le Conseil de bande et habituellement
offerts aux membres de la communauté.

Sur ce point, la moitié des 21 % de nos répondants vivant au sein d'une communauté
ayant adopté son propre code d'appartenance croit que de nombreux codes d'appartenance
sont encore aujourd’hui discriminatoires envers les femmes qui ont regagné leur statut à
la suite de l'adoption du projet de loi C-3136. De plus, 81 % des répondants croient que
l'appartenance à une communauté devrait être automatique lorsqu’une personne obtient le
statut d’Indien37. Pour bien refléter l'opinion de ses membres, FAQ demande au
gouvernement fédéral d’octroyer l’appartenance à une bande aux nouveaux inscrits et de
mettre en place un mécanisme d'appel, par exemple un tribunal d'appel impartial et
distinct, pour analyser tout code révisé d’appartenance discriminatoire et tout code
d'élection coutumier afin que règnent l'équité et que les droits acquis soient protégés.

35
   Les femmes autochtones ont eu du mal à faire valoir leurs droits en tant qu’«Indiennes» réadmises au
sein de la bande ou à recevoir des services et des avantages de leurs bandes au mépris des amendements de
la Loi sur les Indiens. Plusieurs plaintes de discrimination ont effectivement été portées contre les Conseils
de bande. Voir Courtois c. Canada (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1991] 1
C.N.L.R. 40 qui fait ressortir certains des problèmes relatifs aux inscrits en vertu du projet de loi C-31 et à
leur accès aux services fournis par la bande. Voir aussi Bande indienne de Sawridge c. Canada, [1995] 4
C.N.L.R. 121 (C.F. Section de première instance); inf. par Bande indienne de Sawridge c. Canada, (1997),
3 Admin. L.R. (3d) 69; 215 N.R. 133 (C.A.) portant sur les droits des femmes ayant retrouvé leur statut et
les droits des Conseils de bande de décider des effectifs de la bande.
36
   FAQ, supra note 25.
37
   Ibidem
                                                                                                             15
Le gouvernement fédéral devra voir à ce que les Conseils de bande mettent pleinement en
place et appliquent de manière non discriminatoire toute réforme apportée à la Loi sur les
Indiens. Le gouvernement du Canada est de ce fait responsable devant la suprématie du
droit. Il doit aussi être tenu responsable de l’adoption et de l’application de codes
d’appartenance et de codes d’élection discriminatoires surtout à l’égard des femmes
autochtones ayant regagné leur statut à la suite de l'adoption du projet de loi C-31. Les
critères de ces codes sont établis et sanctionnés par le MAINC, associant la culpabilité du
gouvernement fédéral à des mécanismes multicouches qui perpétuent la discrimination
faite à l'égard des femmes autochtones et de leurs descendants. De tels codes vont à
l'encontre de l'esprit du projet de loi C-31 et de sa mise en œuvre et engendrent
l'application illégale de ces codes adoptés par les bandes, créant par le fait même des
Conseils de bande «voyous» élus d'une manière qui ne reflète pas des principes de saine
gouvernance38.

Catégorisation du statut d’Indien et déclin de la population inscrite

La Loi sur les Indiens a engendré plusieurs catégories au niveau du statut d’Indien :
«Indien à part entière » et « demi-Indien » en vertu des paragraphes 6(1) et 6(2). Ces
catégories ont peu de liens avec la culture, l'identité ou la citoyenneté autochtones. Elles
n'existent qu'aux fins d'administration, de bureaucratie et d’une politique fédérale
d'assimilation qui persiste encore à ce jour. En effet, étant donné le taux de mariage
mixte, ces catégories établies en vertu de la Loi sur les Indiens entraîneront une
diminution importante de la population indienne inscrite si les règles ne sont pas
changées. « Ces règles entraînerons à long terme l'extinction des Premières Nations39 ».
Cette réduction de la taille des bandes et du nombre d’Indiens inscrits à travers
l’application de la Loi sur les Indiens est extrêmement préoccupante pour la vitalité et la
longévité des communautés autochtones. Le programme d'assimilation et d'intégration
complète des peuples autochtones à la société canadienne mis en place par le
gouvernement du Canada en 1876 par l'adoption de la Loi sur les Indiens sera parachevé
si cette tendance à la baisse se poursuit.

38
   NATIONS UNIES. Global Issues: Governance,  « Une
saine gouvernance favorise l'égalité, la participation, le pluralisme, la transparence, la responsabilisation et
la primauté du droit, et ce, de manière efficace, efficiente et durable» [Traduction].
39
   Une étude sur les incidences démographiques du projet de loi C-31 de 1985 menée par Stewart
Clatworthy et Anthony H. Smith suggère qu'en général en raison des taux actuels de mariage mixte, les
populations des Premières Nations (à l'intérieur et à l'extérieur des réserves) subiront des transformations
importantes. En effet, au cours des prochaines générations (d'ici environ 50 ans ) un nombre croissant
d'individus ne seront plus éligibles à l’inscription en tant qu’«Indiens» sous l’article 6 de la Loi sur les
Indiens ni à l'appartenance à une bande. Dans certaines communautés la population des «Indiens inscrits»
déclinera de façon dramatique. Voir Clatworthy et Smith, supra note 19, p. ii, iii [Traduction].
                                                                                                             16
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