Changer le regard sur l'autisme grâce à l'école - Reforme.net
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Par Véronique Hunsinger Changer le regard sur l’autisme grâce à l’école La France tente de combler son retard dans la scolarisation des enfants autistes, car l’école est l’une des clés pour leur insertion dans la société. Sans conteste, la jeune militante écologiste suédoise Greta Thunberg, dont la force inspire des millions de jeunes dans le monde, porte un regard singulier et aiguisé sur l’état de la planète. C’est aussi sur sa maladie, le syndrome d’Asperger, une forme particulière d’autisme, qu’elle a permis de faire un peu évoluer la perception de la société sur cette pathologie. Face au tombereau de critiques qu’elle a reçu, la jeune suédoise a répondu à ses détracteurs dans un tweet: “Lorsque ceux qui vous détestent vous jugent selon votre apparence et vos différences, cela veut dire qu’ils ne savent pas où aller. Et vous savez que vous avez gagné. Je suis atteinte d’Asperger et cela signifie que je suis parfois un peu différente de la norme. Mais – dans les bonnes circonstances – être différent est un super pouvoir.” Hors normes est justement le titre du film d’Éric Toledano et Olivier Nakache, actuellement sur les écrans. Le long-métrage aborde l’autisme en s’inspirant de la réalité d’une association qui prend en charge, depuis vingt-cinq ans, des enfants
et des adolescents atteints de troubles très sévères et n’ayant aucune autre solution, notamment de scolarisation. “On espère que ce film changera le regard sur l’autisme sévère”, a glissé son producteur Nicolas Duval Adassovsky. Stratégie nationale Du côté des institutions, le gouvernement avait lancé, en avril 2018, une stratégie nationale comprenant cinq engagements, dont celui de rattraper le retard français en matière de scolarisation des jeunes autistes. “Les enfants pourront suivre un parcours scolaire personnalisé, le plus possible adapté à leurs besoins, de l’école élémentaire au lycée, via un renforcement des différents dispositifs d’inclusion scolaire, soulignait le Premier ministre Édouard Philippe. Nous devons rattraper un retard qui pénalise durablement l’inclusion sociale et professionnelle des personnes autistes.” Greta Thunberg a décidé, à 16 ans, de son propre chef et avec l’accord de ses parents, de quitter l’école pour parcourir le monde pendant un an. En France, la réalité pour la majorité de ces enfants reste que l’école est, certes incontournable, mais encore largement inadaptée à leurs besoins. Seulement un tiers d’entre eux est intégré en maternelle deux jours – maximum – par semaine. Or pour les pédiatres, tout se joue pour ces petits avant leur sixième année. Quelque 68 % des enfants autistes vont à l’école élémentaire, mais ils ne sont plus que 8 % à entrer au lycée. De facto, à peine 0,5 % des adultes autistes travaillent dans un milieu professionnel ordinaire et 12 % ont un logement personnel. “Essayer de rendre l’école plus inclusive doit permettre de rendre également l’ensemble de la société plus inclusive en favorisant la compréhension des besoins particuliers des personnes autistes et en favorisant ainsi l’entraide”, explique Claire Compagnon, déléguée interministérielle à la Stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement. Des unités d’enseignements spécifiques, qui suivent chacune sept enfants, vont être créées dans toute la France pour faciliter la scolarisation en maternelle. Appelés désormais Accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), les anciens auxiliaires de vie scolaire (AVS) qui assistent les enfants pendant les cours seront mieux formés et bénéficieront d’un statut professionnel sécurisé. Ils pourront accompagner les enfants durant toute leur scolarisation. Les associations de familles d’enfants autistes s’en réjouissent, tout en soulignant que
d’autres avancées restent à accomplir. “Plus personne ne conteste aujourd’hui l’idée que l’école et la société doivent être inclusives même si on est encore loin du compte”, souligne Danièle Langloys, professeure de lettres classiques et présidente d’Autisme France. Depuis une trentaine d’années, cette association milite pour que la prise en charge des enfants autistes soit fondée sur des interventions éducatives et non plus psychanalytiques, à l’instar de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons. Selon sa représentante, “on peut dire que nous avons gagné, d’une certaine manière, la bataille des idées. Mais aujourd’hui, les enfants autistes sont très insuffisamment scolarisés et rarement à temps plein. Une grande partie d’entre eux sont suivis dans des établissements médico-sociaux où la scolarisation se résume à quelques heures par semaine, autrement dit, elle est complètement symbolique.” Pour ceux d’entre eux qui peuvent aller à l’école accompagnés par un AESH, le dispositif reste toutefois perfectible. “Les AESH n’ont pas de formation spécifique à l’autisme, regrette Danièle Langloys. Ils apprennent sur le tas, certains d’entre eux sont exceptionnels avec les enfants, mais ce n’est pas satisfaisant.” Faiblesse de la formation En effet, encore aujourd’hui, les AESH accompagnent en classe des enfants présentant des handicaps mentaux ou physiques et, jusqu’à présent, sans que la sécurité de leur emploi soit garantie, car ils sont privés de statut. Olivia Cattan, présidente de l’association SOS Autisme, a quitté son métier de journaliste pour devenir l’auxiliaire de vie scolaire de son petit garçon lorsqu’il était en maternelle et au CP. “On est très loin d’avoir suffisamment de postes pour accompagner tous les enfants, dénonce-t-elle. Certaines familles, comme la mienne, sont obligées d’embaucher des auxiliaires à leur frais pour accompagner leurs enfants en classe. Cela nous coûte 3 000 euros par mois.” SOS Autisme travaille également pour favoriser le dialogue entre les familles et les enseignants. Un échange parfois difficile. “Certains sont très ouverts, mais d’autres rejettent nos enfants en disant que les auxiliaires de vie scolaire ne sont pas assez bien formés, raconte Olivia Cattan. Pour l’avoir vu de l’intérieur, je sais que ce n’est pas toujours simple pour eux quand les troubles des enfants ne sont pas bien gérés et qu’ils ne sont eux-mêmes pas assez préparés pour cela.”
Il reste que l’école n’est pas forcément adaptée à tous les enfants, notamment à ceux qui ne parlent pas ou quasiment pas. La Fondation Autisme – Agir et vivre, créée en 2009 sous l’égide de la Fondation de France, soutient la recherche et l’introduction en France des approches comportementales et développementales pour accompagner les enfants, conformément aux recommandations de la Haute autorité de santé (HAS). Elle gère aussi un réseau d’établissements prenant en charge des enfants atteints de troubles autistiques. “Nous avons participé à la stratégie pour l’autisme et nous sommes très contents du virage fort, pris en direction de l’inclusion scolaire”, précise Bertrand Jacques. Les dix établissements expérimentaux de la fondation fonctionnent en externat. “Ils ont pour mission de prouver qu’une prise en charge pluridisciplinaire et intensive des enfants fonctionne, poursuit le président de l’institution. Nous disposons de budgets allant de 50 000 à 100 000 euros par an et par place. Ce qui nous permet de faire intervenir des professionnels comme des orthophonistes ou des psychomotriciens. Ces derniers forment également nos éducateurs. Notre prise en charge est compatible avec une scolarisation à temps partiel accompagnée par nos éducateurs. Mais nous pensons qu’il faut scolariser les enfants seulement quand ils sont prêts à l’être car l’éducation nationale n’est pas un milieu particulièrement accueillant pour les enfants différents.” En résumé, si l’inclusion des enfants autistes dans la société passe sans aucun doute par l’école, les chemins pour y parvenir sont multiples. À chaque enfant de pouvoir accéder au sien. Un défi qui n’est pas encore gagné. Véronique Hunsinger Quelles sont les causes de ces troubles ? En 2018, la Haute autorité de santé (HAS) a publié de nouvelles recommandations de prise en charge, excluant les interventions fondées sur la psychanalyse. Les premiers signes manifestes de l’autisme apparaissent le plus souvent entre 18 et 36 mois : enfant anormalement calme ou excité, indifférent aux sons, qui ne répond pas à son prénom, qui réagit peu aux séparations ou aux retrouvailles, qui ne regarde pas dans les yeux ou encore qui ne pointe pas du doigt.
Selon l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), ces troubles ont une origine multifactorielle et largement génétique. Les garçons sont quatre fois plus touchés que les filles. Et les risques augmentent en cas d’antécédents familiaux. L’autisme et les autres troubles du spectre de l’autisme (TSA) semblent liés à des anomalies très précoces – voire dès la grossesse – du développement neuronal. Des études récentes ont commencé à explorer la piste du lien entre des infections et l’apparition de troubles. En revanche, la causalité prétendument établie entre la vaccination ROR (rougeole-oreillons-rubéole) et l’autisme a été démentie par toutes les études, dont la dernière menée au Danemark sur 650 000 enfants en 2018. Par ailleurs, il a été prouvé que l’étude du chirurgien britannique qui avait fait croire à ce lien, en 1998, était une manipulation. Par Véronique Hunsinger Autisme : “Il faut un repérage et un diagnostic précoces” Questions à Claire Compagnon, déléguée interministérielle à la Stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement.
En quoi consiste votre rôle ? La délégation a été créée en avril 2018 avec la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour l’autisme 2018-2022. J’avais été chargée de l’élaboration de cette stratégie ainsi que de mener une concertation. Il était apparu que la politique de l’autisme depuis le début des années 2000 manquait de pilotage national et surtout d’approche interministérielle. En effet, le sujet concerne aussi bien la santé, la recherche, le handicap, l’éducation nationale, la justice, le sport, l’emploi, la culture… Qu’y a-t-il de nouveau dans cette stratégie par rapport aux trois plans précédents ? Le premier engagement est de remettre la science au cœur de la politique de l’autisme. Nous ne disposons pas encore de toute la connaissance pour expliquer ce trouble, mais il y a un solide faisceau d’éléments qui montre toute l’importance d’un repérage et d’un diagnostic précoces pour rectifier au mieux le développement des enfants. Nous redisons également que la prise en charge doit suivre les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), c’est-à-dire faire appel aux interventions comportementales et développementales et non plus psychanalytiques. Au regard des études scientifiques, on peut dire aujourd’hui que la psychanalyse n’est pas la bonne thérapeutique de l’autisme même si elle a longtemps fait partie de l’histoire de son accompagnement en France. Globalement, ces recommandations sont prises en considération, mais il existe encore quelques résistances chez certains professionnels. Comment la stratégie permet-elle d’améliorer l’accès au diagnostic ? Dès la suspicion des troubles et encore plus dès le diagnostic, il est très important, de pouvoir accompagner les familles en les aidant à comprendre la maladie et en leur donnant des clés pour prolonger l’action des professionnels auprès de leur enfant. C’est ce qu’on appelle la “guidance parentale”. La stratégie englobe l’ensemble des troubles du neurodéveloppement y compris l’hyperactivité, la dyslexie ou la dyspraxie. En effet, quand un tout petit enfant ne se développe pas comme les autres, on ne sait pas de suite le trouble qui l’atteint.
Ainsi, l’une des mesures importantes est de permettre d’établir précocement un diagnostic. Or, le repérage fait intervenir des professionnels qui ne sont pas tous remboursés par l’Assurance maladie comme les psychologues, les ergothérapeutes ou les psychomotriciens. C’est pourquoi nous avons créé un nouveau forfait « de diagnostic précoce » pour rembourser les frais jusqu’à 4 500 euros. Nous avons aussi élaboré des outils pour les médecins généralistes, dont un livret comprenant un questionnaire qui doit les aider à repérer les écarts de développement. Que prévoit la stratégie pour faciliter la scolarisation des enfants autistes ? L’évaluation du précédent plan avait montré que les enfants autistes étaient scolarisés, mais sur des temps insuffisants. Notre idée est de proposer des dispositifs gradués selon l’âge des enfants et la sévérité de leurs troubles. Dans les écoles, nous avons mis en place des Unités d’enseignement en maternelle autisme (Uema). Ce sont des petits groupes de sept enfants qui sont accompagnés par un instituteur, une psychomotricienne, des éducateurs et des psychologues. Il en existe 148 pour l’instant, mais l’objectif est d’en avoir 300 en 2020. Il y a aussi des classes en école élémentaire. L’idée de “l’école inclusive” est de permettre à ces petits de se familiariser avec le monde scolaire en étant accompagnés, et ensuite de rejoindre une classe ordinaire chaque fois que c’est possible. Certains auront besoin d’être aidés dans leur classe par un accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH), d’autres pas forcément. Cette approche prépare tous les enfants de la République à devenir des adultes qui comprendront mieux les besoins des personnes handicapées. C’est ainsi que l’on peut changer le regard de la société. Propos recueillis par Véronique Hunsinger
Par Rédaction Réforme Des idées de cadeaux de Noël : des vêtements éthiques Vous voulez acheter des vêtements pour Noël, voilà quelques recommandations! Vous en avez marre de la Fast Fashion ? Ce phénomène consiste, pour une partie de l’industrie textile, à renouveler ses collections très régulièrement, en imposant une production intensive et massive de vêtements. Vous avez envie d’acheter moins, mais de meilleure qualité, en respectant la planète et les humains qui fabriquent ces vêtements ? De nombreuses entreprises et plateformes proposent désormais des vêtements « éthiques » sans renoncer à l’esthétique. Des vêtements en coton bio Pour les bébés et les enfants, un coup de cœur pour Miculibio. Cette petite entreprise installée en Corrèze propose des vêtements en coton bio, en chanvre ou en lyocell (fibre synthétique fabriquée à partir de la cellulose naturelle d’arbres comme l’eucalyptus). Pour les jeans, la marque 1 083 tente de se faire une place au soleil. Les célèbres denims sont fabriqués à partir de coton bio ou recyclé à moins de 1 083 km de chez vous. Le délavage, si polémique car dangereux et très polluant, est réalisé au
laser, avec de l’électricité « éthique ». Le pantalon coûte plus cher que dans d’autres boutiques, mais vous saurez pourquoi ! Basée à Montpellier, la marque MaeSue propose des vêtements équitables en coton, chanvre, lin, lyocell… Les baskets Ubac, confectionnées en France à partir de laine recyclée, sont très recherchées par les jeunes. Les couleurs sont vraiment réussies. Pour les bonnets, chaussettes, gants dont on risque d’avoir besoin, pensez à la marque Les chaussettes orphelines. Je lui avais consacré mon premier coup de chapeau et depuis la petite association s’est bien développée et offre de très jolis produits, toujours aussi éthiques. • N. L. et L. S. Par Isabelle WagnerLouis Fraysse, Nathalie Leenhardt, Laure Salamon, Des idées de cadeaux pour… enfants et ados Quelques suggestions de jeux et de lectures pour des enfants ou des ados. Jouer en famille, voilà une activité formidable. Bioviva sort un jeu de plateau avec des énigmes à résoudre et des pions à lancer pour gagner des points ! Les joueurs font travailler leur tête et leur adresse. Les réponses sont à trouver grâce aux indices révélés au fur et à mesure que l’on soulève la carte de son étui. Ce qui
permet aux plus jeunes de trouver aussi les réponses. Énigmes – Le grand jeu, (bioviva.com, 29,99 €). Réforme avait déjà parlé de la boîte pour les couples. Cette fois, il s’agit d’entraîner toute la famille, que l’on soit en voiture ou autour d’une table… En deux minutes, chacun répond et partage une information. Par exemple, raconter un lieu, une parole, une émission ou un livre qui te touche. 2 minutes… ensemble ! (Jeux2minutes.com, 14,99 €). Combien de parties enflammées de Code Names (18 €) nous avons faites cet été en famille et avec des amis. C’est un jeu d’association d’idées et de déductions. Une belle façon de renouveler l’invitation à passer une soirée ludique.
Sauverez-vous l’humanité ? C’est le défi que propose Pandémie/Pandémic (Z- Man Games, 34,95 €, 2 à 4 joueurs). Alors que la planète est confrontée à quatre épidémies mortelles, vous incarnez l’un des sept personnages disponibles. Dans ce jeu collaboratif, les joueurs jouent ensemble et non les uns contre les autres. Et c’est moins facile que cela en a l’air !• N. L., L. S. et L. F.
Quelques idées de lectures pour faire plaisir Taupe et Mulot, Henri Meunier et Benjamin Chaud, Helium, 64 p., 12,90 €. Taupe est créatif et surprenant, Mulot attentif et doux. Inséparables, les deux amis sont toujours partants pour de nouvelles aventures au cœur de la nature. Les deux premiers albums de cette série séduisent par leurs images vives et tendres et l’écriture toute en délicatesse. Une ode à l’amitié perlée d’humour. (Dès 5 ans). I. W. Akita et les Grizzlys, C. Solé et G. Wisniewski, École des Loisirs, 8 €. La petite Akita entraîne ses parents et ses lecteurs dans une balade entre neige et sapin du Grand Nord, pour faire taire ses démons intérieurs. Des dessins magnifiques de Gaya Wisniewski, avec des textes de Caroline Solé, le tout récompensé par une Pépite, au Salon de l’édition et de la presse jeunesse de Montreuil. (Dès 6 ans). L. S.
Des idées cadeaux pour les… ados Mes copains, mon grand-père et moi, Alyssa Hollingsworth, PKJ, 310 p., 17,90 €. Lorsqu’ils ont fui l’Afghanistan, Sami et son grand-père n’ont emporté qu’un seul objet, le rubab, un instrument de musique qui fait vibrer les cœurs. À la suite de son vol dans le métro, Sami décide de le récupérer coûte que coûte. Le garçon va compter sur ses amis et une étonnante chaîne de troc solidaire. Un roman émouvant sur la vie d’un jeune réfugié. (Dès 12 ans). I. W.
Sexpérience, Isabelle Filliozat et Margot Fried-Filliozat, Robert Laffont, 217 p., 18 €. Avec la même approche bienveillante qui la caractérise, Isabelle Filliozat, explique le sexe aux ados, avec l’aide de sa fille sexologue. C’est une mine d’informations pour les ados : schémas et dessins d’organes, conseils et exercices. Le but est d’aider les jeunes à prendre confiance en eux et à vivre une sexualité épanouie. Un cadeau bien utile. (Dès 13 ans). L. S. Par Nathalie Leenhardt
Mukwege, ce géant – L’édito de Nathalie Leenhardt En écoutant Denis Mukwege parler d’une voix forte, parfois teintée des larmes de ces femmes qu’il répare, je me suis dit que ce chirurgien congolais était assis sur les épaules de Martin Luther King S’il est des silences assourdissants, comme celui qui entoure la guerre au Nord- Kivu (RDC), il en est d’autres qui parlent. Ainsi celui que l’on percevait, ce samedi 30 novembre, dans la salle d’apparat de la mairie de Paris. Un silence dense, face à Denis Mukwege, invité de la Fédération protestante de France. Seule la très longue salve d’applaudissements qui a salué son discours a permis de relâcher cette si forte émotion que nous avons tous ressentie, émotion nourrie d’effroi, de culpabilité et… d’espérance. Denis Mukwege est un géant. En l’écoutant parler d’une voix forte, parfois teintée des larmes de ces femmes, de ces enfants qu’il répare, d’une voix qui cherche à faire tomber les montagnes de l’indifférence, je me suis dit que ce chirurgien congolais était assis sur les épaules de Martin Luther King, un autre de ces humains qui ont changé le monde, un autre prix Nobel de la paix, un autre protestant évangélique. Denis Mukwege dénonce inlassablement les ravages du viol, utilisé comme arme de guerre. Il évoque ce bébé de 18 mois, au corps martyrisé. Il dit la responsabilité collective de l’Occident dans ce conflit. Le sous-sol du Nord-Kivu regorge de minerais précieux, dont le coltan, indispensable à la fabrication de nos portables. Le territoire est l’objet de toutes les cupidités. Pour faire fuir les populations locales, quoi de plus efficace que de terrifier à jamais les femmes et leurs enfants, d’humilier, de déshumaniser ? Denis Mukwege raconte les débuts de la guerre, en 1996, et son équipe exterminée, son incapacité à poursuivre son travail pendant deux ans. Il évoque les menaces qu’il subit. Il dénonce l’insouciance des consommateurs. Il dit la misogynie de certains chrétiens, le mépris qui conduit aux violences sexuelles et aux féminicides. Sous les ors de la République, il enjoint les Églises à devenir prophétiques et les chrétiens à sortir de leurs temples…
Par Sophie Esposito Cinéma: “Made in Bangladesh” ou l’éthique de l’étiquette Made in Bangladesh, le film de Rubaiyat Hossain met en lumière le quotidien d’ouvrières du textile qui conquièrent leur liberté en s’émancipant de la tutelle masculine. Avec plus de quatre millions d’employés, dont 85 % de femmes, le Bangladesh est le deuxième exportateur mondial de textile. Dès l’ouverture de son film saisissant, la cinéaste Rubaiyat Hossain nous immerge dans la chaleur étouffante d’une petite usine à Dacca. On entend le bruit infernal des moteurs de machines, on voit l’imbroglio des câbles électriques. Soudain, c’est l’alerte incendie, la panique, l’évacuation. Une employée meurt dans l’accident. Une semaine plus tard, quand les ouvrières reviennent travailler, les contremaîtres rechignent à les payer. Cette introduction nous ouvre les yeux sur les dessous révoltants de la Fast Fashion: système d’exploitation entre bas coûts et coûts bas.
Une vision de l’idéal féminin Le combat de ce film plein d’humanité est de donner un visage, un corps et une histoire à Shimu, 23 ans, et à ses collègues qui travaillent pour survivre. De les faire rencontrer une activiste qui milite pour les droits des femmes. Pour résister au capitalisme esclavagiste, l’éducation est nécessaire. Il existe un Code du travail censé protéger des abus à condition de monter un syndicat. Depuis les réunions d’information secrètes jusqu’aux relances du ministère pour obtenir la signature du dossier, reprendre du pouvoir aux hommes donne du fil à retordre. La conquête progressive des droits de ces héroïnes met en crise la virilité traditionnelle. Le film interroge aussi l’idéal féminin entre son érotisation dans les médias et l’extrême pudeur que prône la religion. Made in Bangladesh révèle la force des parcours identitaires de ces travailleuses. Oui, l’oppression découle d’un système global socio-économique et politique. Mais travailler permet aussi de s’émanciper de la tutelle masculine, de conquérir sa liberté. Ces jeunes femmes, unies et persévérantes, ne sont jamais présentées comme des victimes. Au contraire, dans ce film engagé et joyeux, ces ouvrières filmées hors du foyer sont les moteurs d’un changement sociétal déjà à l’œuvre. À voir: Made in Bangladesh (1 h 35) de Rubaiyat Hossain. En salles.
Par Claire Bernole Islam politique et islamisme sont- ils synonymes ? La notion d’islam politique en France recouvre des réalités diverses. L’Institut européen des sciences humaines (IESH) de Saint-Denis (Seine-Saint- Denis), qui dispense des cours de langue arabe et de théologie et assure la formation des imams, vient d’être temporairement fermé. L’arrêté préfectoral est motivé par des raisons de sécurité. Dans un article paru le 29 novembre, le journal Le Parisien rappelle cependant que l’établissement, situé dans la mouvance des Frères musulmans, est suivi de près par les services du ministère de l’Intérieur. L’incident pose, une nouvelle fois, la question de l’islam politique en France. Selon Hakim El Karoui, auteur des rapports Un islam français est possible (2016) et La Fabrique de l’islamisme (2018), trois formes d’islamismes se sont succédé depuis les années 1970, se superposant sans jamais vraiment s’effacer. Les Frères musulmans, dont la voie a été préparée par le mouvement Tabligh, s’implantent en France dans les années 1990. Le principal organe du “frérisme”, l’Union des organisations islamiques de France (devenue Musulmans de France en 2017), regroupe de nombreuses associations locales et mosquées. “Les dirigeants des associations ont pour objectif de se constituer comme représentants de la communauté musulmane d’une ville ou d’un quartier auprès des municipalités”, écrit le spécialiste dans son second rapport. Les Frères musulmans sont actifs et structurés, mais le salafisme est aujourd’hui en situation de monopole. Ce courant, qui n’a pas pour but d’organiser la vie profane, régit de façon rigoriste tous les domaines de la vie du croyant par une
pratique de l’islam qui ne souffre pas de compromis. Pour autant, “ce n’est pas parce qu’on n’intervient pas dans l’organisation de la société qu’on est apolitique ou qu’on n’a pas d’impact politique, estime Hakim El Karoui. Le salafisme est fondamentalement politique par sa perception de la vie dans la cité. C’est la politique au sens étymologique du terme.” Parmi les associations musulmanes en France : Union des organisations islamiques en Europe (1989) Frères musulmans (années 1990) Forum of European Muslim Youth and Student Organisations (1995) L.E.S. Musulmans (2018) Union des imams (2019) Conseil européen des imams (Paris, novembre 2019) Par Frederick Casadesus
Jacques Chirac: Antoine Rufenacht se souvient Antoine Rufenacht, ancien maire du Havre, analyse la personnalité de Jacques Chirac L’ancien maire du Havre, protestant, fut le directeur de campagne de Jacques Chirac en 2002. Une personnalité hors du commun Jacques Chirac était animé d’une énergie qui lui donnait toutes les audaces. “Il a multiplié les coups d’éclat, souligne Antoine Rufenacht. Il a soutenu Valéry Giscard d’Estaing contre le candidat de son propre parti. En 1976, il a démissionné pour fonder le RPR. Élu marie de Paris en 1977, il a contesté le président. Récemment, certains ont critiqué Laurent Wauquiez pour des propos parfois brutaux. Mais ils oubliaient la violence de “L’appel de Cochin”, dans lequel Jacques Chirac désignait Valéry Giscard d’Estaing comme l’agent du “parti de l’étranger”. Ne perdons pas de vue, qu’en 1981, le président du RPR a fait voter, en sous-main, pour François Mitterrand.” Ce parcours a pu rendre cet homme difficile à suivre. Et pourtant… Quelques convictions fortes Contre l’avis d’une partie de sa famille politique, Jacques Chirac a su faire preuve de courage politique. “Il a très vigoureusement soutenu Simone Veil au cours du débat sur l’interruption volontaire de grossesse, rappelle encore Antoine Rufenacht. De même a-t-il appelé à voter pour l’abolition de la peine de mort. Il ne se situait pas dans l’air du temps.” Toutefois, l’ancien maire du Havre estime que la déclaration portant sur la rafle du Vel’ d’Hiv était une erreur: “La reconnaissance de la responsabilité de l’État Français dans la politique de collaboration est porté à son crédit, mais je pense que c’est une erreur et , en tout cas, ce n’est pas du tout gaulliste.“Le passage au quinquennat, lui non plus, ne s’inscrivait pas dans la lignée tracée par le Général.
Un paroissien de circonstance Peut-on évaluer la place d’un président de la République en fonction de son engagement spirituel? “Je ne le pense pas, nous déclare Antoine Rufenacht. En revanche, je me souviens que, Premier ministre, Jacques Chirac avait fait la génuflexion devant le nonce apostolique puis embrassé son anneau lors d’une cérémonie à Rouen. Même le prince de l’Église en avait été stupéfait.” Capable de gestes traditionnels, voire traditionalistes, l’ancien président était peut-être sensible à l’influence de sa très catholique épouse. Mais autour de lui se trouvaient des personnalités d’obédiences philosophiques ou spirituelles très variées. “Je crois qu’il n’était pas réductible à quelque chapelle que ce soit“, conclut Antoine Rufenacht. Un constat qui vaut pour les grandes personnages de notre vie publique. Frédérick Casadesus Par Louis Fraysse
Les mormons sont-ils polygames ? Parmi les stéréotypes les plus partagés au sujet des mormons figure leur acceptation de la polygamie. Qu’en est-il ? Il n’y a rien à faire, l’image leur colle à la peau. L’Église mormone (officiellement l’Église de Jésus-Christ des Saints des derniers jours ou Église LDS ) a beau avoir publiquement renoncé à la polygamie en 1890, le terme revient sans cesse pour décrire ses fidèles. Lorsque Joseph Smith fonde le mormonisme, en 1830 dans l’État de New York, les États-Unis sont parcourus par le second “grand réveil”. L’objectif principal de Smith, dans la ferveur religieuse d’alors, est de “restaurer” l’Église chrétienne primitive. “Dotation” et “mariage céleste” Rapidement, cependant, les enseignements du premier “prophète” de l’Église mormone l’éloignent des autres dénominations chrétiennes. Parmi les particularismes théologiques de l’Église LDS apparaissent au cours des années 1830 le baptême des morts, la “dotation” (une cérémonie d’initiation inspirée de la franc-maçonnerie), le mariage “céleste” (un mariage pour l’éternité)… et la polygamie. Joseph Smith justifie cette dernière en se référant à la Bible. Il prend notamment pour modèle les prophètes de l’Ancien Testament, comme Abraham. Pour Smith, le fait pour un homme d’avoir une famille nombreuse multipliera sa gloire dans l’au-delà. Grâce au mariage céleste, ajoute-t-il, un homme droit peut aider de nombreux enfants et femmes à gagner le paradis. La polygamie, une pratique officielle Dès 1843, la polygamie est consacrée doctrine de l’Église LDS. En 1852, le mariage pluriel devient une pratique officielle chez les mormons. Le successeur de Joseph Smith, Brigham Young, instigateur de l’exil des mormons vers l’Utah, eut ainsi pas moins de 55 femmes.
Dès la fin des années 1830, cependant, des rumeurs faisant état de la polygamie de plusieurs cadres de l’Église LDS entraînent des émeutes contre des implantations mormones dans l’Illinois et le Missouri. La polygamie, une “offense contre la société” Au lendemain de la guerre de Sécession (1861-1865), la société américaine dans son ensemble se dresse contre la polygamie des mormons. En 1878, dans l’arrêt Reynolds v. the United States, la Cour suprême qualifie cette pratique d’“odieuse” et d’“offense contre la société”. Neuf ans plus tard, en 1887, le Congrès américain adopte la loi Edmunds-Tucker. Elle autorise la saisie des biens et liquidités de l’Église LDS et fait de la polygamie un délit fédéral. Dans le pays, les mormons sont alors accusés de “dépravation sexuelle”. Dans les années 1880, des missionnaires sont même pris pour cible dans le sud des États-Unis. Une menace existentielle pour l’Église mormone La pression croissante exercée par le gouvernement fédéral sur l’Église LDS menace son existence même. Le quatrième “président prophète” mormon, Wilford Woodruff, lui-même polygame, commence à se distancier de cette pratique. Une nouvelle révélation divine l’enjoint alors à mettre fin aux mariages pluriels. En 1890, il publie un manifeste annonçant que l’Église LDS cessera d’enseigner la polygamie, et demande aux fidèles d’y renoncer totalement. Dans les années qui suivent, la grande majorité des mormons abandonnent les mariages pluriels. Certains, toutefois, s’y refusent. On estime aujourd’hui à quelque 40.000 les mormons fondamentalistes, qui perpétuent entre autres la polygamie. Vivant selon les commandements de Joseph Smith, ils peuplent des enclaves reculées dans l’Ouest des États-Unis, au Canada ou même au Mexique. Aussi minoritaires qu’ils soient, ces mormons fondamentalistes et polygames constituent une réelle épine dans le pied de l’Église mormone, obnubilée par sa quête de respectabilité dans la société américaine.
Louis Fraysse Sources : Explaining polygamy and its history in the Mormon Church Joanna Brooks, The Conversation, 18 août 2017. La Communauté du Christ : la protestantisation d’un mormonisme particulier Chrystal Vanel Cahiers de l’Institut Religioscope Novembre 2009. Devenir mormon Sophie-Hélène Trigeaud Presses universitaires de Rennes, 2013. L’irrésistible ascension des mormons américains Anne-Lorraine Bujon Ifri, juillet 2012. À lire également : Qui sont les mormons ? Les mormons sont-ils chrétiens ? Les mormons, une nouvelle religion ?
Par Laure Salamon Attaque meurtrière contre une église protestante au Burkina-Faso Dimanche, un tout nouveau lieu de culte a été visé par des terroristes islamistes au Burkina-Faso. Bilan: 14 fidèles tués, dont plusieurs enfants. Le Burkina-Faso est encore en deuil après une nouvelle attaque dans un lieu de culte chrétien. C’est l’Église protestante de Hantoukouri, non loin de la frontière avec le Niger qui a été visée cette fois par les terroristes, dimanche 1er décembre. Lundi, Christophe Dabiré, Premier ministre burkinabé, s’est rendu au siège de la Fédération des Églises et missions évangéliques (FEME) pour présenter ses condoléances. Le pasteur Henri Yé, président de la Fédération, a raconté à RFI que l’église de Hantoukoura venait juste d’ouvrir ses portes, avec une vingtaine de fidèles. Les chrétiens sont victimes de nombreuses agressions depuis le début de l’année. Le 1er octobre, un appel de la Fédération des Églises et missions évangéliques du Burkina Faso alertait sur la situation. Il avait été relayé par l’ONG chrétienne Portes Ouvertes lors d’une conférence de presse, organisée à Paris.
La Fédération dénonçait la recrudescence des attaques de groupes islamistes et répertoriait au moins cinq attaques depuis le début de l’année contre des églises protestante et catholique. Les groupes islamistes visaient auparavant des cibles étatiques, comme les militaires ou policiers, le personnel des administrations. Plus récemment, ils menaçaient aussi des enseignants dans les écoles. Ils leur reprochaient d’enseigner en français et non en arabe, témoignait Illia Djadi, ancien journaliste à la BBC, aujourd’hui consultant pour l’ONG chrétienne Portes Ouvertes en Afrique de l’Ouest. De ce fait plus de 2000 écoles ont dû être fermées dans le nord du pays. Le Burkina-Faso, un pays de paix Les actions terroristes contre les lieux de culte chrétiens montrent que la menace islamiste monte encore d’un cran. “Ils cherchent à diviser le pays, les communautés, pour installer un chaos et faire tomber le gouvernement”, analysait Illia Djadi, début octobre. Pourtant l’expert rappelait que le pays est un pays de paix et de respect de la liberté religieuse. Chacun peut choisir sa religion et sa croyance. Selon les estimations de Portes Ouvertes, près de 289 000 personnes ont été déplacées dans les régions du Centre-Nord, de l’Est, du Nord et du Sahel. Dans son communiqué, la Fédération des églises et missions évangéliques appelait “la communauté internationale à soutenir l’action des pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Tchad, Niger) pour leur permettre de coordonner les politiques de développement, de lutte contre le terrorisme et pour la sécurité de leurs frontières.” Le gouvernement français a d’ailleurs interdit à ses ressortissants de se rendre au Burkina-Faso.
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