Coups de feu dans la sierra (analyse) - Guy Robillard - Érudit

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Coups de feu dans la sierra (analyse) - Guy Robillard - Érudit
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Séquences
La revue de cinéma

Coups de feu dans la sierra (analyse)
Guy Robillard

Le cinéma imaginaire I
Number 54, October 1968

URI: https://id.erudit.org/iderudit/51641ac

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Publisher(s)
La revue Séquences Inc.

ISSN
0037-2412 (print)
1923-5100 (digital)

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Robillard, G. (1968). Coups de feu dans la sierra (analyse). Séquences, (54),
27–31.

Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 1968                            This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit
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Coups de feu dans la sierra (analyse) - Guy Robillard - Érudit
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COUPS DE FEU
DANS LA SIERRA
          (RIDE THE HIGH COUNTRY)

OCTOBRE   1968                       27
Coups de feu dans la sierra (analyse) - Guy Robillard - Érudit
^ . 2b,o c u m e n tatL
                                             talion

 1. Générique                               n'ont jamais abouti à cause de démêlés
                                             avec les producteurs. Il fut à l'origine
   États-Unis 1962 — Prod. M-G-M. —          de Cincinnati Kid mais fut congédié
Réal. : Sam Peckinpah — Scén. : N.B.
Stone Jr. — Phot. : Lucien Ballard —
                                             après huit jours et remplacé par Nor-
Mus. : Georges     Bassman. Int. : Joel     man Jewison. Auparavant, on avait
McCrea (Steve J u d d ) , Randolph Scott    coupé quarante minutes à Major Dun-
 (Gil Westrum), Ron Starr (Heck Long-       dee. Killer on a Horse, un projet de
tree), Mariette Hartley (Eisa Knudsen),     film avec Alain Delon, qui avait lui-
R. G. Armstrong (le père d'Eisa), James     même insisté pour jouer sous ses or-
Drury (Billy Hammond), L. Q. Jones,         dres, a aussi échoué, de même qu'un
John Anderson, John Davis Chandler er       autre projet avec Toshiro Mifune.
Warren Oates (les frères Hammond), Jeny
Jackson (Kate), Edgar Buchanan (le
                                            Quant aux trois films qu'il a réussi à
juge) — Durée: 95 min. — Dist.:             tourner, il a fallu attendre la sortie en
M-G-M. ( D                                  France de Coups de feu dans la sierra
                                            pour qu'on s'intéresse à eux. Il tourne
2. L'auteur                                 actuellement un nouveau western :
    Auteur de trois films, tous des         The Wild Bunch.
westerns, The Deadly Companions             3. Le scénario
 ( 1 9 6 1 ) , Ride the High     Country
 (1962) et Major Dundee ( 1 9 6 4 ) ,         Steve Judd arrive dans une petite ville
Peckinpah a aussi tourné de nom-            de l'Ouest pour aller chercher un char-
breuses séries de télévision entre          gement d'or qu'il doit transporter à la
autres Jeff et The Losers et fut scéna-     banque. Il s'adjoint un vieil ami re-
riste du Rifleman, également des            trouvé sur les lieux ainsi qu'un jeune
westerns. Son goût pour le genre s'ex-      homme, associé de ce dernier.
plique facilement quand on sait qu'il          En route vers la mine d'or, le trio
est né en Californie au pied d'une mon-     loge chez un veuf puritain qui porte
tagne qui porte son nom et qui fut dé-      une attention très sévère à sa fille.
frichée par son grand-père. Il serait mê-   Celle-ci s'enfuit avec les trois hommes
me de descendance indienne.                 pour épouser son fiancé qui travaille à
    Cependant il désire toucher d'autres    la mine. Mais le jour du mariage, la
genres. Mais depuis 1964, ses projets       jeune fille s'aperçoit que son nouveau
                                            mari et ses frères ne forment pas une
( 1 ) // existe au Canada quatre copies     familles des plus civilisées et décide de
     différentes de ce western. Tout        revenir à la ferme paternelle avec les
      d'abord les deux versions anglaise    trois cow-boys. Cependant son nouveau
      et française en 35 mm scope cou-      mari et ses frères les poursuivent jus-
      leur. Fuis la version anglaise 16     qu'à la lutte finale. Et pendant tout
      mm en couleur seulement (écran        ce temps, Heck, le jeune associé, se
     régulier} et finalement la version     sera épris de la jeune fille et Judd aura
     française en 16 mm scope noir el       réussi à démasquer les intentions mal-
     blanc. Comprenez quelque chose f       honnêtes de ses deux compagnons.

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Coups de feu dans la sierra (analyse) - Guy Robillard - Érudit
d5.       C*tude

1. Composition et rythme                      2. Les personnages

   Malgré ce que pourrait laisser croire          Pour une très rare fois, nous voyons
le résumé qui précède, l'intérêt du film      un thème à la mode, le conflit des
ne réside pas dans les nombreuses pé-         générations, traité dans un western. Le
ripéties du voyage mais plutôt dans les       fait est assez significatif ; le con-
rapports entre les personnages princi-        flit sera traité avec humour, certes,
paux.                                         mais aussi avec beaucoup de sensibilité.
                                              Cette double composante, on la retrou-
   En effet, Peckinpah semble prendre         ve dans nombre de westerns contem-
goût à briser la ligne originale de ses       porains. Les auteurs commencent à
récits. Ainsi le point de départ de           sentir le besoin de prendre leurs dis-
Major Dundee, une expédition punitive         tances face à l'aspect légendaire d'une
contre un Indien, est rapidement oublié.      époque franchement révolue — d'où
Dans Coups de feu dans la sierra,             l'humour — et partent à la découverte
le point de départ est le tranoport           du véritable pionnier de l'Ouest, l'hom-
de l'or par un homme que ses deux             me et non pas le héros. Les personna-
amis ont l'intention de voler. Mais           ges participent de ces deux aspects.
l'arrêt dans une ferme disperse l'intérêt.       Steve Judd, c'est le "bon", le re-
Le point central devient le salut de la       dresseur de torts, personnage essentiel
jeune fille. Cependant l'art de Peckin-       de tout western digne de porter ce
pah consiste à continuellement nous           nom. Mais ce n'est pas le héros sans
rappeler l'antagonisme des deux héros         peur et sans reproches. Son passé, sou-
de sorte que ces deux points d'intérêt        vent évoqué, demeure trouble. Il n'est
vont toujours de pair et sont unis avec       pas le tireur hors-pair qui fait tou-
tellement de naturel qu'on ne peut re-        jours mouche. Il rate certains tirs, en
procher au film de manquer d'unité.           réussit d'autres. Il est un homme nor-
La construction reste toujours linéaire.      mal.
                                                 C'est aussi un "loser". "Vous sem-
    Ainsi Coups de feu dans la sierra         blez tenir à ce mot, déclare Robert
s'insère dans la nouvelle vague du            Benayoun à Peckinpah. Pourquoi vos
western dit psychologique. L'étude des        héros, de votre propre aveu, sont-ils
caractères tient plus de place que les fu-    toujours des "perdeurs" ? — Parce
sillades et les poursuites. Le film est       qu'ils sont perdus d'avance, ce qui est
rempli d'épisodes savoureux et de mo-         l'un des éléments primordiaux de la
ments où l'action semble s'arrêter pour       vraie tragédie. Ils ont pris longtemps
permettre aux personnages de se ra-           des accommodements avec la mort et
conter. Le rythme assez lent présente         la défaite, alors il ne leur reste plus
une heureuse alternance de temps forts        rien à perdre. Ils n'ont aucune façade,
et de périodes plus calmes qui donne          il ne leur reste plus une illusion, aussi
au film une respiration très personnelle.     représentent-ils l'aventure désintéressée,

OCTOBRE    1968                                                                      29
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celle dont on ne tire aucun profit, si-         Cette dernière, c'est la jeune fille
non la pure satisfaction de vivre en-        telle qu'on peut facilement l'imaginer
core"
sobriété et de justesse. Peckinpah pos-      adaptés au sujet. Quelquefois cepen-
sède un don indiscutable pour le trait       dant, à intervalles assez réguliers, un
bref et significatif, juste et savoureux ;   plan d'ensemble nous fait suivre le
on l'a vu à propos des personnages. Le       groupe de cow-boys chevauchant dans
comique de certaines scènes n'est ja-        la montagne. Ces brèves scènes servent
mais gros, mais manifeste beaucoup           de description et de transition à la fois
d'esprit et une grande tendresse pour        et allègent le rythme.
les personnages.
   Les images sont toujours très sobres.
                                             5. L'interprétation
En aucun moment elles ne viennent               Elle est de grande classe, du pre-
nous éloigner du centre d'intérêt que        mier rôle jusqu'au dernier figurant.
sont les personnages et leurs conflits.      Nous devons applaudir à la direction
Elles remplissent à merveille le rôle        d'acteurs. En faisant appel à Joel
du langage qui est de communiquer des        McCrea et Randolph Scott, Peckinpah
idées. Peckinpah, c'est notoire, affec-      a choisi deux acteurs à la fin d'une
tionne le plan américain. La caméra se       belle et longue carrière. L'identité en-
tient à distance raisonnable des person-     tre leur propre personnalité et le rôle
nages laissant aux spectateurs le soin       qu'ils ont à jouer présentent une analo-
de les scruter, de les approcher. De         gie intéressante. Quant à Mariette Hart-
plus cette distance prise par le réalisa-    ley c'est la découverte du film et il est
teur permet le ton dégagé du récit.          regrettable que nous ne l'ayons plus
   Une composition d'image revient           vue depuis, du moins dans des rôles
fréquemment dans le film : celle quî         importants. Car sans être particulière-
consiste à montrer Judd et Westrum           ment jolie, elle sait se rendre fort at-
à chacune des extrémités de l'écran.         tachante. Sa simplicité est désarmante
Tout le domaine spatial leur appar-          et elle ne peut qu'attirer la sympa-
tient. Magnifique traduction de l'amitié     thie . . . et l'amour.
qui les unit aussi bien que du con-
flit qui les oppose.                                        *   *     *
    Peckinpah préfère encore les plans
de demi-ensemble, plans sobres par               Il faut bien saisir, au-delà des ap-
excellence, tout indiqués pour une nar-      parences, l'originalité profonde      de
ration objective et dégagée des faits.       Coups de feu dans la sierra. Car c'est
Les personnages sont ainsi situés dans       à l'intérieur même des formes les plus
un contexte modérément restreint et          conventionnelles du western que Pec-
l'action est menée à la frontière du         kinpah parvient à en dénouer les fi-
drame psychologique et du film d'aven-       celles et à renouveler un genre appa-
tures. Très souvent, le plan préféré de      remment à bout de souffle. C'est ce"
Peckinpah, celui qui consiste à présen-      qui en fait un film assez curieux, une
ter les deux vieux cow-boys à chaque         oeuvre très personnelle, beaucoup moins
extrémité de l'image, est photographié*      simple que peut le laisser croire une
avec un arrière-plan de montagne. Il         vision superficielle. La magnifique ima-
est assez rare qu'un personnage soit         ge finale où Judd, mourant, se retourne
seul sur l'écran. Le drame se joue au        vers la montagne — vers l'Ouest —
moins à deux, habituellement les deux        souligne, de façon grandiose et lyrique
vieux, quelquefois aussi Heck et Eisa,       à la fois, la fin d'une époque glorieu-
souvent les quatre à la fois. Les plans      se.
de demi-ensemble sont donc les mieux                                Guy Robillard
OCTOBRE    1968                                                                     31
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