Coups de feu dans la sierra (analyse) - Guy Robillard - Érudit
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Document generated on 11/17/2021 9:22 p.m. Séquences La revue de cinéma Coups de feu dans la sierra (analyse) Guy Robillard Le cinéma imaginaire I Number 54, October 1968 URI: https://id.erudit.org/iderudit/51641ac See table of contents Publisher(s) La revue Séquences Inc. ISSN 0037-2412 (print) 1923-5100 (digital) Explore this journal Cite this article Robillard, G. (1968). Coups de feu dans la sierra (analyse). Séquences, (54), 27–31. Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 1968 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
^ . 2b,o c u m e n tatL talion 1. Générique n'ont jamais abouti à cause de démêlés avec les producteurs. Il fut à l'origine États-Unis 1962 — Prod. M-G-M. — de Cincinnati Kid mais fut congédié Réal. : Sam Peckinpah — Scén. : N.B. Stone Jr. — Phot. : Lucien Ballard — après huit jours et remplacé par Nor- Mus. : Georges Bassman. Int. : Joel man Jewison. Auparavant, on avait McCrea (Steve J u d d ) , Randolph Scott coupé quarante minutes à Major Dun- (Gil Westrum), Ron Starr (Heck Long- dee. Killer on a Horse, un projet de tree), Mariette Hartley (Eisa Knudsen), film avec Alain Delon, qui avait lui- R. G. Armstrong (le père d'Eisa), James même insisté pour jouer sous ses or- Drury (Billy Hammond), L. Q. Jones, dres, a aussi échoué, de même qu'un John Anderson, John Davis Chandler er autre projet avec Toshiro Mifune. Warren Oates (les frères Hammond), Jeny Jackson (Kate), Edgar Buchanan (le Quant aux trois films qu'il a réussi à juge) — Durée: 95 min. — Dist.: tourner, il a fallu attendre la sortie en M-G-M. ( D France de Coups de feu dans la sierra pour qu'on s'intéresse à eux. Il tourne 2. L'auteur actuellement un nouveau western : Auteur de trois films, tous des The Wild Bunch. westerns, The Deadly Companions 3. Le scénario ( 1 9 6 1 ) , Ride the High Country (1962) et Major Dundee ( 1 9 6 4 ) , Steve Judd arrive dans une petite ville Peckinpah a aussi tourné de nom- de l'Ouest pour aller chercher un char- breuses séries de télévision entre gement d'or qu'il doit transporter à la autres Jeff et The Losers et fut scéna- banque. Il s'adjoint un vieil ami re- riste du Rifleman, également des trouvé sur les lieux ainsi qu'un jeune westerns. Son goût pour le genre s'ex- homme, associé de ce dernier. plique facilement quand on sait qu'il En route vers la mine d'or, le trio est né en Californie au pied d'une mon- loge chez un veuf puritain qui porte tagne qui porte son nom et qui fut dé- une attention très sévère à sa fille. frichée par son grand-père. Il serait mê- Celle-ci s'enfuit avec les trois hommes me de descendance indienne. pour épouser son fiancé qui travaille à Cependant il désire toucher d'autres la mine. Mais le jour du mariage, la genres. Mais depuis 1964, ses projets jeune fille s'aperçoit que son nouveau mari et ses frères ne forment pas une ( 1 ) // existe au Canada quatre copies familles des plus civilisées et décide de différentes de ce western. Tout revenir à la ferme paternelle avec les d'abord les deux versions anglaise trois cow-boys. Cependant son nouveau et française en 35 mm scope cou- mari et ses frères les poursuivent jus- leur. Fuis la version anglaise 16 qu'à la lutte finale. Et pendant tout mm en couleur seulement (écran ce temps, Heck, le jeune associé, se régulier} et finalement la version sera épris de la jeune fille et Judd aura française en 16 mm scope noir el réussi à démasquer les intentions mal- blanc. Comprenez quelque chose f honnêtes de ses deux compagnons. 28 SÉQUENCES 54
d5. C*tude 1. Composition et rythme 2. Les personnages Malgré ce que pourrait laisser croire Pour une très rare fois, nous voyons le résumé qui précède, l'intérêt du film un thème à la mode, le conflit des ne réside pas dans les nombreuses pé- générations, traité dans un western. Le ripéties du voyage mais plutôt dans les fait est assez significatif ; le con- rapports entre les personnages princi- flit sera traité avec humour, certes, paux. mais aussi avec beaucoup de sensibilité. Cette double composante, on la retrou- En effet, Peckinpah semble prendre ve dans nombre de westerns contem- goût à briser la ligne originale de ses porains. Les auteurs commencent à récits. Ainsi le point de départ de sentir le besoin de prendre leurs dis- Major Dundee, une expédition punitive tances face à l'aspect légendaire d'une contre un Indien, est rapidement oublié. époque franchement révolue — d'où Dans Coups de feu dans la sierra, l'humour — et partent à la découverte le point de départ est le tranoport du véritable pionnier de l'Ouest, l'hom- de l'or par un homme que ses deux me et non pas le héros. Les personna- amis ont l'intention de voler. Mais ges participent de ces deux aspects. l'arrêt dans une ferme disperse l'intérêt. Steve Judd, c'est le "bon", le re- Le point central devient le salut de la dresseur de torts, personnage essentiel jeune fille. Cependant l'art de Peckin- de tout western digne de porter ce pah consiste à continuellement nous nom. Mais ce n'est pas le héros sans rappeler l'antagonisme des deux héros peur et sans reproches. Son passé, sou- de sorte que ces deux points d'intérêt vent évoqué, demeure trouble. Il n'est vont toujours de pair et sont unis avec pas le tireur hors-pair qui fait tou- tellement de naturel qu'on ne peut re- jours mouche. Il rate certains tirs, en procher au film de manquer d'unité. réussit d'autres. Il est un homme nor- La construction reste toujours linéaire. mal. C'est aussi un "loser". "Vous sem- Ainsi Coups de feu dans la sierra blez tenir à ce mot, déclare Robert s'insère dans la nouvelle vague du Benayoun à Peckinpah. Pourquoi vos western dit psychologique. L'étude des héros, de votre propre aveu, sont-ils caractères tient plus de place que les fu- toujours des "perdeurs" ? — Parce sillades et les poursuites. Le film est qu'ils sont perdus d'avance, ce qui est rempli d'épisodes savoureux et de mo- l'un des éléments primordiaux de la ments où l'action semble s'arrêter pour vraie tragédie. Ils ont pris longtemps permettre aux personnages de se ra- des accommodements avec la mort et conter. Le rythme assez lent présente la défaite, alors il ne leur reste plus une heureuse alternance de temps forts rien à perdre. Ils n'ont aucune façade, et de périodes plus calmes qui donne il ne leur reste plus une illusion, aussi au film une respiration très personnelle. représentent-ils l'aventure désintéressée, OCTOBRE 1968 29
celle dont on ne tire aucun profit, si- Cette dernière, c'est la jeune fille non la pure satisfaction de vivre en- telle qu'on peut facilement l'imaginer core"
sobriété et de justesse. Peckinpah pos- adaptés au sujet. Quelquefois cepen- sède un don indiscutable pour le trait dant, à intervalles assez réguliers, un bref et significatif, juste et savoureux ; plan d'ensemble nous fait suivre le on l'a vu à propos des personnages. Le groupe de cow-boys chevauchant dans comique de certaines scènes n'est ja- la montagne. Ces brèves scènes servent mais gros, mais manifeste beaucoup de description et de transition à la fois d'esprit et une grande tendresse pour et allègent le rythme. les personnages. Les images sont toujours très sobres. 5. L'interprétation En aucun moment elles ne viennent Elle est de grande classe, du pre- nous éloigner du centre d'intérêt que mier rôle jusqu'au dernier figurant. sont les personnages et leurs conflits. Nous devons applaudir à la direction Elles remplissent à merveille le rôle d'acteurs. En faisant appel à Joel du langage qui est de communiquer des McCrea et Randolph Scott, Peckinpah idées. Peckinpah, c'est notoire, affec- a choisi deux acteurs à la fin d'une tionne le plan américain. La caméra se belle et longue carrière. L'identité en- tient à distance raisonnable des person- tre leur propre personnalité et le rôle nages laissant aux spectateurs le soin qu'ils ont à jouer présentent une analo- de les scruter, de les approcher. De gie intéressante. Quant à Mariette Hart- plus cette distance prise par le réalisa- ley c'est la découverte du film et il est teur permet le ton dégagé du récit. regrettable que nous ne l'ayons plus Une composition d'image revient vue depuis, du moins dans des rôles fréquemment dans le film : celle quî importants. Car sans être particulière- consiste à montrer Judd et Westrum ment jolie, elle sait se rendre fort at- à chacune des extrémités de l'écran. tachante. Sa simplicité est désarmante Tout le domaine spatial leur appar- et elle ne peut qu'attirer la sympa- tient. Magnifique traduction de l'amitié thie . . . et l'amour. qui les unit aussi bien que du con- flit qui les oppose. * * * Peckinpah préfère encore les plans de demi-ensemble, plans sobres par Il faut bien saisir, au-delà des ap- excellence, tout indiqués pour une nar- parences, l'originalité profonde de ration objective et dégagée des faits. Coups de feu dans la sierra. Car c'est Les personnages sont ainsi situés dans à l'intérieur même des formes les plus un contexte modérément restreint et conventionnelles du western que Pec- l'action est menée à la frontière du kinpah parvient à en dénouer les fi- drame psychologique et du film d'aven- celles et à renouveler un genre appa- tures. Très souvent, le plan préféré de remment à bout de souffle. C'est ce" Peckinpah, celui qui consiste à présen- qui en fait un film assez curieux, une ter les deux vieux cow-boys à chaque oeuvre très personnelle, beaucoup moins extrémité de l'image, est photographié* simple que peut le laisser croire une avec un arrière-plan de montagne. Il vision superficielle. La magnifique ima- est assez rare qu'un personnage soit ge finale où Judd, mourant, se retourne seul sur l'écran. Le drame se joue au vers la montagne — vers l'Ouest — moins à deux, habituellement les deux souligne, de façon grandiose et lyrique vieux, quelquefois aussi Heck et Eisa, à la fois, la fin d'une époque glorieu- souvent les quatre à la fois. Les plans se. de demi-ensemble sont donc les mieux Guy Robillard OCTOBRE 1968 31
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