D'aRchéologie Société Royale de BRuxelleS - un ilot un quartier

 
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Société Royale
d’Archéologie
   de Bruxelles

      BULLETIN
   D’INFORMATION
    N°80 - JANVIER 2018
Obligation de la Ville de Bruxelles représentant l'Hôtel de Ville, 1925.
Une patinoire méconnue de la Belle
        Époque à Bruxelles (vers 1907-1910)

Le Royal Rinking d’Ixelles                       et en un garage Ford qui connut
menacé de démolition.                            différents propriétaires jusqu’à une
                                                 nouvelle transformation destinée à
Ixelles peut s’enorgueillir de                   accueillir un supermarché en 1983.
posséder un patrimoine bâti riche,               Les actuels projets de démolition
dense et plutôt bien préservé.                   de cet ensemble bâti au cœur d’un
Parmi les bâtiments de fêtes des                 intérieur d’îlot risquent de provo-
années 1900-1910 qui subsistent                  quer la destruction irrémédiable de
dans la Région de Bruxelles-                     la structure en fer d’origine de l’an-
Capitale, on compte le Royal Rinking             cienne patinoire (piliers et char-
du 567 chaussée de Waterloo, pati-               pente) qui est toujours présente
noire à roulettes dont le dessin de              aujourd’hui, même si elle est peu
la façade principale date de 1907                visible. L’ensemble des habitations
(fig. 1). Cette patinoire a accueilli            voisines s’est structuré autour de
des événements sportifs et cultu-                cette patinoire.
rels importants, comme des courses
de patinage à roulettes, des matchs              D’influence anglo-saxonne, la salle
de boxe ou encore des expositions                patinoire, salle de fête aux multiples
d’art. Elle fut convertie dès 1924 en            fonctions, était très en vogue au xixe
un espace d’exposition automobile                siècle et encore dans les premières

Fig.1 - Vue aérienne de la patinoire, ©Google Maps.

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années du xxe siècle. Il s’agit ici                  Waterloo et la rue Léon Jouret.
d’une des dernières salles qui a su                  Par sa date précoce de 1907, cette
prolonger cette tendance jusqu’en                    patinoire s’inscrit directement
1921 au moins. Cette patinoire est                   dans les premiers aménagements
le témoin ultime d’un engouement                     urbanistiques du quartier, peu
social pour le patinage à roulettes,                 de temps après la création de
qui se développa particulièrement à                  rues adjacentes à la chaussée de
Bruxelles mais aussi dans d’autres                   Waterloo. Espace de détente, de
villes belges comme Anvers, Liège                    sport et de rencontre, cette ancienne
ou Charleroi, et ailleurs en Europe                  patinoire présente une architecture
et en Amérique. Son architecture                     de type industriel, dans laquelle
métallique aboutie fut spéciale-                     l’éclairage naturel était assuré par
ment conçue pour couvrir un large                    de grandes baies latérales le long
espace de divertissement, de fête et                 de la nef centrale couvrant la piste.
de spectacles. Les activités furent                  Les plans et les coupes du bâtiment
dirigées par un Anglais bien connu                   effectués en prévision des aména-
dans le domaine du patinage à                        gements de 1983 sont conservés
roulettes.                                           aux Archives de l’Urbanisme à
                                                     Ixelles ; ils montrent que les piliers
La patinoire occupe, de bout en                      métalliques ont été enrobés dans
bout, la partie centrale de l’îlot                   des coffrages en briques brun foncé
compris entre la chaussée de                         formant le décor du supermarché.

Fig.2 - Le Royal Rinking, vue de l'intérieure de la patinoire, carte postale, vers 1910.

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D’après ces plans, la plupart des            en 1980-1982 par les Archives
piliers anciens – voire la tota-             d’Architecture Moderne (aam). Une
lité de ceux-ci – sont aujourd’hui           mise en perspective des données
préservés à l’intérieur de ces               historiques recueillies ces dernières
murets.                                      semaines atteste du grand intérêt de
                                             ce bâti, unique par son envergure,
Les différentes transformations              son histoire, ses matériaux. Une
de la patinoire ixelloise ont eu             autre patinoire à roulettes bruxel-
pour résultat d’altérer la lisibilité        loise a bénéficié d'une protection
de la façade, mais aussi celle du            en 1995 : celle du Royal Skating,
grand volume de la nef principale            datée de 1877. Située rue Veydt à
de la patinoire qui fut depuis lors          Saint-Gilles, elle abrite depuis 2015
divisée en trois niveaux d'élévation         une galerie d'art.
(magasin, bureaux et parking auto-
mobile). On a conservé plusieurs             Au lieu de la démolition irréver­
cartes postales anciennes, datables          sible envisagée pour la patinoire
des années 1910-1915, qui montrent           ixelloise, une mise en valeur et une
la décoration intérieure et les              nouvelle affectation permettraient
patineurs en habits (fig. 2).                un nouveau regard sur ces espaces
                                             depuis trop longtemps dissimulés
Si l'invention des premiers patins           au public, tout en préservant la
à roulettes peut être attribuée à un         qualité de vie du quartier dans son
Hutois au xviiie siècle, ce sont les         ensemble. Un lieu de sociabilité,
pays anglo-saxons qui en dévelop-            de rencontres et de détente serait
pèrent la pratique, le sport étant           un atout pour ce quartier ixel-
apprécié tant comme une occasion             lois enserré par quatre communes
de danse en couple que pour les              bruxelloises (Uccle, Forest, Saint-
courses de vitesse ou les compé-             Gilles et Bruxelles-ville).
titions de patinage artistique. Ce
sport est toujours populaire comme
en atteste le nombre de clubs affi-
liés à l’adeps qui en font encore                     Pierre Anagnostopoulos
la promotion ; ce qui plaide pour
la préservation de ce rare témoin
des patinoires couvertes de la Belle
Époque à Bruxelles, et en Europe
occi­dentale.

Cette patinoire, sans doute une
des plus grandes de son genre,
est mentionnée dans l’inven-
taire du patrimoine industriel
de la commune d’Ixelles dressé

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