JIRD DERMATO-VÉNÉROLOGIE - Comptes rendus des 12es JIRD
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û Mensuel # 256 • Novembre 2016 Cahier 1 thérapeutiques en DERMATO-VÉNÉROLOGIE JIRD Comptes rendus des 12es JIRD 22 et 23 septembre 2016 Palais des Congrès de Versailles
réalités thérapeutiques en dermato-vénérologie û Mensuel # 256 • Novembre 2016 Cahier 1 thérapeutiques en DERMATO-VÉNÉROLOGIE Comité Scientifique JIRD Comptes rendus des 12es JIRD Pr S. Aractingi, Pr H. Bachelez, 22 et 23 septembre 2016 Palais des Congrès de Versailles Dr R. Baran, Pr N. Basset-Seguin, Dr P. Beaulieu, Pr C. Bedane, Pr P. Berbis, Pr C. Bodemer, #256 Dr P. Bouhanna, Pr F. Cambazard, Pr E. Caumes, Pr A. Claudy, Pr B. Cribier, Pr Y. De Prost, Novembre 2016 Pr V. Descamps, Pr L. Dubertret, Pr N. Dupin, Dr S. Fraitag, Cahier 1 Pr C. Francès, Pr J.J. Grob, Pr J.P. Lacour, Pr C. Lebbé, Jeudi 22 septembre 2016 Pr D. Lipsker, Pr J.P. Marty, Pr J. Meynadier, Pr M. Mokni, Dr S. Mordon, Pr J.P. Ortonne, Pr P. Morel, Dr G. Rousselet, Dr M.D. Vignon-Pennamen Peau et œil Comité de Lecture/Rédaction 13 La rosacée oculaire Dr G. Abirached, Dr S. Barbarot, û Mise au point G. Gabison Dr O. Bayrou, Dr E. Bourrat, interactive Dr S. Dahan, Pr O. Dereure, 14 GVH oculaire : juste une sécheresse ? Dr A. Dupuy, Dr D. Kerob, Dr I. Lazareth, Dr J.M. Mazer, 9 Blépharites et pathologies cutanées A. Rousseau S. Doan Dr I. Moraillon, Dr N. Schartz 15 L’eczéma des paupières : l’a-peu près n’est pas une solution Rédacteur en Chef D. Tennstedt, M. Baeck Dr M. Rybojad û Questions flash 16 Paupières infiltrées : quel arbre Directeur de la Publication 12 Les conjonctivites fibrosantes : décisionnel ? P.-V. Jacomet le point de vue du dermatologue Dr R. Niddam M. Alexandre Secrétariat de Rédaction M. Meissel, A. Le Fur, J. Laurain Jeudi 22 septembre 2016 Rédacteur graphiste Peau et système nerveux M. Perazzi 27 • Glossodynies : pièges diagnostiques Maquette, PAO û Mises au point • Signes cutanés indispensables à J. Delorme interactives connaître devant faire évoquer une atteinte neurologique chez l’enfant Publicité 20 Prurit sine materia et sujet âgé : une C. Girard maladie des petites fibres ? D. Chargy L. Misery 29 • Érythermalgie : quand y penser ? • Érythermalgie : un exemple Réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie 22 Taches café au lait chez l’enfant de canalopathie aux cibles M. Rybojad thérapeutiques nouvelles est édité par Performances Médicales L. Misery 91, avenue de la République 75540 Paris Cedex 11 û Questions flash 30 Quoi de neuf dans la prise en charge Tél. : 01 47 00 67 14 d’une hyperhidrose ? Fax : 01 47 00 69 99 25 • Devant quel signe cutané doit-on H. Maillard E-mail : info@performances-medicales.com évoquer une dysraphie spinale et quels examens pratiquer ? 31 Le Parkinson, une maladie à Imprimerie • Quels sont les hémangiomes à expression dermatologique risque pouvant faire évoquer une Ph. Humbert Imprimerie Trulli – Vence atteinte du système nerveux ? Commission Paritaire : 0117 T 81119 • Connaissez-vous le “red scrotum ISSN : 1155-2492 syndrome” ? ➟ Dépôt légal : 4e trimestre 2016 D. Bessis
Vendredi 23 septembre 2016 De l’immunité aux maladies inflammatoires 53 • Quel bilan et quel suivi pour le û Mises au point purpura rhumatoïde en 2016 ? interactives • Quels signes dermatologiques doivent faire évoquer une maladie 36 Reste-t-il des voies à moduler auto-inflammatoire ? dans le psoriasis ? M. Piram Concepts actuels et futures voies J.-D. Bouaziz 55 Contraception et lupus N. Costedoat-Chalumeau 38 Microbiome cutané et maladies 56 Quand le dermatologue doit-il cutanées inflammatoires : un dialogue évoquer un déficit immunitaire permanent ? primitif ? O. Dereure D. Nouar 43 Pelade, vitiligo : se dirige-t-on enfin 57 • Quand faut-il penser à une urticaire vers des traitements efficaces ? systémique ? T. Passeron • Les syndromes sclérodermiformes : ne pas se tromper ! 48 Physiopathologie de la dermatite M. Jachiet atopique et perspectives 58 L’urticaire chronique en 10 questions thérapeutiques systémiques A. Du-Thanh S. Barbarot 60 Quels sont les examens complémentaires de débrouillage et leur pertinence en cas de suspicion de maladie auto-immune non spécifique û Questions flash d’organe ? C. Francès 51 • Quand penser à des aphtes 62 • Le mastocyte dans tous ses états syndromiques ? • Algorithme décisionnel et • Conduite à tenir devant un espoirs thérapeutiques dans les syndrome de Sweet mastocytoses S. Georgin-Lavialle S. Barete Un cahier 2 : “RESOPSO – Soirée d’automne” est routé avec ce numéro. Un bulletin d’abonnement est en page 37.
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie # 256_Novembre 2016_Cahier 1 Mise au point interactive Blépharites et pathologies cutanées rosacée, l’atteinte oculaire peut être iso- lée ou précéder l’atteinte cutanée dans 20 % des cas, ce qui rend plus difficile le diagnostic. 1. Mécanismes Il existe constamment une atteinte des glandes de Meibomius palpébrales dont le produit de sécrétion a pour rôle de limiter l’évaporation des larmes. Le mei- bum est trop visqueux et stagne dans les Fig. 1 : Blépharite dans une rosacée. glandes, ce qui a plusieurs conséquences : – une sécheresse oculaire qualitative par télangiectasies et de bouchons obstruant hyperévaporation ; les méats des glandes de Meibomius, et ➞ S. DOAN – un enkystement des glandes de de croûtes à la base des cils (fig. 1). Les Ophtalmologiste, Hôpital Bichat et Fondation A. de Rothschild, PARIS. Meibomius, avec parfois inflammation conjonctives bulbaire (blanc de l’œil) et aiguë sous forme de chalazion ; palpébrale sont hyperhémiques. L’ – une dénaturation physico-chimique du meibum par prolifération bactérienne, 4. Complications origine embryologique com- source d’inflammation du bord libre ; mune entre la peau et la sur- – une prolifération bactérienne aboutissant Elles sont nombreuses : face oculaire (conjonctive, elle-même à des réactions infectieuses (orge- – au niveau de la paupière : chalazions, cornée, paupières) explique que de nom let), toxiniques (hyperhémie) ou immuno- orgelets ; breuses pathologies cutanées ont aussi logiques (conjonctivite phlycténulaire, – au niveau de la conjonctive : conjoncti- une expression oculaire, en particulier kératite catarrhale, sclérite) au niveau de la vite immunologique dite phlycténulaire, conjonctivale. Nous détaillerons avant conjonctive et de la cornée; conjonctivite fibrosante (diagnostic tout les atteintes de la rosacée et de la – la prolifération de Demodex folliculu- différentiel d’une pemphigoïde des dermite séborrhéique, puis de la derma- rum et/ou brevis dont la pathogénicité muqueuses), sclérite ; tite atopique. oculaire est controversée – au niveau cornéen : kératites inflam- matoires (fig. 2) pouvant entraîner une 2. Signes fonctionnels [ osacée, dermite R séborrhéique et œil Ce sont avant tout ceux de la sécheresse oculaire : sensations oculaires de corps La rosacée cutanée et la dermite sébor- étranger, de brûlure, de picotements et rhéique s’accompagnent très souvent parfois larmoiement paradoxal. Un pru- d’une atteinte oculaire. Ces deux maladies rit ou des sensations de brûlure du bord sont très fréquentes et représentent, sur le libre palpébral sont fréquents. Une rou- plan ophtalmologique, une grande partie geur oculaire (fig. 1) ou palpébrale est des irritations oculaires chroniques. souvent rapportée par les patients. Si les tableaux cutanés sont différents, 3. Signes cliniques l’atteinte oculaire est très similaire, se résumant le plus souvent à une blépha- Le bord libre palpébral est souvent Fig. 2 : Rosacée oculaire. Conjonctivite et kératite rite et à un inconfort oculaire. En cas de inflammatoire, hyperhémique, siège de immunologiques. 9
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie # 256_Novembre 2016_Cahier 1 Mise au point interactive perforation cornéenne ou aboutir à (1 goutte matin et soir) répété 1 à 3 fois des cicatrices opaques néovasculaires par mois est également efficace, mais pas sources d'une baisse de vision. toujours bien toléré. La rosacée oculaire de l’enfant ou de Seules les formes avec inflammation cor- l’adulte jeune, appelée également néenne sévère nécessiteront l’usage des kératoconjonctivite phlycténulaire, est corticoïdes en collyre oculaire, voire de particulière en raison de son évolution la ciclosporine en collyre en cas de cor- et de sa gravité potentielle. Elle débute ticodépendance. par des chalazions récurrents, puis des épisodes d’yeux rouges avec photo phobie qui traduisent la présence d’une kératoconjonctivite chronique. Une [ Dermatite atopique et œil Fig. 3 : Blépharite d’une dermatite atopique. atteinte cutanée est souvent présente Dans 25 à 40 % des cas de dermatite ato- (fig. 3). L’examen de la cornée montre mais discrète, à type d’érythrocoupe- pique, une atteinte oculaire ou périocu- souvent une kératite ponctuée ainsi rose ou d’éruption papuleuse fugace. laire peut survenir. Elle se limite le plus qu’une néovascularisation. Un avis ophtalmologique est essentiel souvent à un eczéma des paupières et à pour mettre en route le traitement adapté une conjonctivite peu sévère, mais peut 3. Complications qui évitera la survenue de complications parfois être beaucoup plus sévère, avec potentiellement cécitantes. atteinte cornéenne et menace visuelle, Des ulcères cornéens peuvent survenir, dans le cadre d’une kératoconjonctivite se compliquant de surinfection, cicatrice 5. Traitements atopique. opaque et baisse de vision. Les surinfec- tions staphylococciques, herpétiques ou Le traitement de base vise à réguler la Contrairement à l’atteinte cutanée, la fungiques sont fréquentes. Une déforma- sécrétion meibomienne et à pallier la maladie oculaire ne survient en géné- tion cornéenne peut survenir progressi- sécheresse oculaire. Il est basé sur les ral que chez l’adulte à partir de 30 ans. vement (kératocône). soins des paupières et les larmes artifi- L’évolution se fait par poussées sur un cielles. fond chronique d’intensité variable. Les Une fibrose conjonctivale avec brides mécanismes expliquant la maladie sont un palpébro-oculaires peut être pré- Les soins des paupières doivent être mélange d’hypersensibilité immédiate et sente et évoquer une pemphigoïde des quotidiens et consistent en un réchauffe- d’hypersensibilité à médiation cellulaire. muqueuses. ment palpébral doux pendant 5 minutes, suivi d’un massage appuyé des pau- 1. Signes fonctionnels La maladie nécessitant souvent une cor- pières pour exprimer les sécrétions mei- ticothérapie locale au long cours, des bomiennes. Une toilette du bord libre Les signes fonctionnels au cours des crises complications iatrogènes, telles que la avec des lingettes ou des produits émol- sont souvent très invalidants : prurit très cataracte ou le glaucome cortisonique, lients peut compléter le traitement en important, sensation de corps étranger, sont fréquentes et représentent des cas de croûtes importantes. Les larmes de brûlure oculaire, larmoiement et sécré- causes majeures de baisse de vision. artificielles sans conservateur seront uti- tions. La photophobie doit faire redouter L’atopie s’associe par ailleurs classique- lisées systématiquement. la présence d’une kératite. ment à une cataracte et au décollement de la rétine. Dans les formes rebelles à ce traitement 2. Signes cliniques de base, une antibiothérapie prolongée 4. Traitements par cyclines ou azithromycine sera le Les signes cliniques sont ceux d’une plus souvent efficace. L’azithromycine conjonctivite chronique importante : >>> Traitements topiques oculaires est particulièrement intéressante car, hyperhémie conjonctivale, œdème du fait de sa demi-vie longue, elle per- conjonctival, larmoiement, sécrétions. Le traitement de base fait appel aux col- met une administration discontinue. Par lyres antiallergiques (antidégranulants voie orale, on peut proposer le schéma Il existe presque toujours un eczéma chro- mastocytaires, antihistaminiques), aux suivant : 250 mg matin et soir 3 jours de nique des paupières avec des squames antihistaminiques oraux et aux rinçages suite, 1 à 3 fois par mois. Par voie locale géantes, une peau cartonnée et une perte oculaires avec du sérum physiologique en collyre, un traitement de 3 jours des cils caractéristiques de la maladie non conservé. 10
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie # 256_Novembre 2016_Cahier 1 Les poussées inflammatoires nécessitent met non seulement un meilleur contrôle des traitements nécessitent une collabo- fréquemment le recours aux corticoïdes de l’eczéma, mais il a aussi souvent un ration étroite entre les deux spécialités en collyre. En cas de corticodépendance, effet bénéfique sur l’atteinte oculaire concernées. la ciclosporine en collyre peut être ten- même. Il permet fréquemment de dimi- tée, mais elle est mal tolérée. nuer l’utilisation de collyre anti-inflam- matoire. >>> Traitements cutanés Pour en savoir plus Dans les formes très sévères cécitantes, • Doan S. La sécheresse oculaire : de la clinique Comme dans tout eczéma, on utilise des un traitement immunosuppresseur sys- au traitement. Med’com, 2009, Paris, 192 pp. produits hydratants et des dermocorti- témique (ciclosporine, tacrolimus, myco- • Doan S, Mortemousque B, Pisella PJ. L'allergie coïdes de faible puissance. Une surveil- phénolate mofétil) peut être indiqué. oculaire : du diagnostic au traitement. Med’com, 2011, Paris, 256 pp. lance initiale de la tension oculaire doit être demandée en cas d’utilisation quo- Enfin, une chirurgie cornéenne recons- tidienne afin de dépister une hypertonie tructrice à type de greffe peut être néces- oculaire cortico-induite. Cette complica- saire, mais elle a souvent un pronostic tion est une éventualité rare, survenant médiocre. en général dès le début du traitement, mais qui peut évoluer vers un glaucome cortisonique si elle n’est pas dépistée. [ Conclusion Le tacrolimus en pommade cutanée à Les blépharites avec atteinte cutanée L’auteur a déclaré être consultant pour les basse concentration appliqué sur les sont fréquentes et variées. La spécificité laboratoires Alcon, Allergan, Bausch & Lomb, paupières est extrêmement utile. Il per- des tableaux oculaires ainsi que celle Horus, Santen, Thea. 11
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie # 256_Novembre 2016_Cahier 1 Questions flash à éliminer par un examen attentif de Les conjonctivites la peau et de toutes les muqueuses, en connaissant la possibilité de lésions tota- fibrosantes : le point de lement asymptomatiques (notamment vue du dermatologue génito-anales et laryngées). L’examen clinique recherchera des lésions actives de PM (bulles et érosions) et des lésions M. ALEXANDRE cicatricielles (atrophie, lésions pseudo- Centre de référence des maladies bulleuses auto- lichéniennes, synéchies), ainsi que des immunes-IDF, Hôpital Avicenne, BOBIGNY. lésions blanches évocatrices de lichen. L Fig. 1 : Conjonctivite fibrosante au cours d’une pemphigoïde cicatricielle : inflammation, comble- es conjonctivites fibrosantes ne sont ment du cul-de-sac conjonctival et symblépharon On pratiquera, bien sûr, des biopsies pas uniquement l’affaire de l’oph- (stade IIC IIIA) (photo du Dr Serge Doan). pour histologie et immunofluorescence talmologiste et, bien souvent, leur prise directe (IFD) et, si possible, immuno- en charge nécessite une collaboration microscopie électronique (IME) en pré- étroite entre ophtalmologistes et derma- férant la peau puis la bouche, puis les tologues. organes génitaux externes et l’anus, le but étant d’essayer d’éviter autant que Schématiquement, on distingue deux possible d’avoir à biopsier la conjonctive situations : car on sait que ce geste peut aggraver la – celle au cours de laquelle l’ophtalmo- maladie. Néanmoins, on peut être amené logiste sollicite le dermatologue ; à le faire chez des patients ayant une – celle au cours de laquelle, à l’inverse, atteinte oculaire isolée. Par expérience, le dermatologue a besoin de l’expertise les biopsies ORL et œsophagiennes rap- de l’ophtalmologiste. portent de minuscules fragments et ne sont presque jamais contributives. Les >>> L’expertise du dermatologue au ser- Fig. 2 : Conjonctivite fibrosante au cours d’une examens sérologiques – IFI (immuno- vice de l’ophtalmologiste au cours d’une pemphigoïde cicatricielle : ankyloblépharon fluorescence indirecte), IFI peau cli- (stade IV) (photo du Dr Serge Doan). conjonctivite fibrosante vée, ELISA et Western Blot – sont rare- ment contributifs, l’immense majorité Il s’agit le plus souvent du bilan étio- notamment la pemphigoïde cicatricielle des patients atteints de PM n’ayant pas logique d’une conjonctivite fibrosante, (PC), qui constitue la principale cause d’anticorps (AC) circulants. avec de nombreux diagnostics possibles. de conjonctivite fibrosante (fig. 1 et 2). Certaines situations ne requièrent pas >>> L’expertise de l’ophtalmologiste au d’avis dermatologique soit parce qu’il Ces diagnostics engagent le pronostic service du dermatologue au cours d’une s’agit d’un diagnostic évident (antécé- visuel en l’absence de traitement. conjonctivite fibrosante dent de nécrolyse épidermique toxique, de brûlure…), soit parce qu’il s’agit d’un Le dermatologue pourra également être Les situations sont ici plus variées. diagnostic purement ophtalmologique utile dans le diagnostic d’une rosacée, (séquelle de conjonctivite infectieuse, d’une atopie ou d’un syndrome de Sjögren l Le 1er cas de figure est celui d’un trachome ou conjonctivite fibrosante pourvoyeurs de conjonctivites fibro- patient suivi pour une PM et pour induite par des collyres). Tandis que santes, en gardant à l’esprit à la fois que la lequel le dermatologue demandera d’autres sont des diagnostics dermato- rosacée oculaire et la kératoconjonctivite à l’ophtalmologiste de dépister une logiques où l’examen cutanéo-muqueux atopique peuvent évoluer sans signe atteinte oculaire non évidente. En effet, du dermatologue, éventuellement asso- cutané associé et qu’il faut rester prudent si les fibroses évoluées (grade 3 ou 4) cié à des examens complémentaires, avec ces diagnostics car, s’agissant de sont faciles à dépister pour le dermato- va pouvoir orienter l’ophtalmologiste. pathologies fréquentes, on peut les poser logue, cela peut être plus difficile pour Parmi ces causes dermatologiques, deux par “facilité” et méconnaître un lichen ou les grades 2 et quasi impossible pour diagnostics sont au premier plan : une PM en réalité associés. les grades 1. Par ailleurs, l’ophtalmolo- – les lichens : lichen plan (LP) ou lichen giste va permettre de scorer précisément plan pemphigoïde (LPP) ; Ce sont donc ces diagnostics de lichen l’inflammation et la fibrose. Il est ainsi – les pemphigoïdes des muqueuses (PM), et PM qu’il faut s’acharner à poser ou capital de statuer d’emblée sur la pré- 12
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie # 256_Novembre 2016_Cahier 1 sence d’une atteinte ophtalmologique et l Une collaboration étroite ophtalmolo- – forme érythémateuse : flush, télan- sur sa sévérité, car cela conditionne les giste/dermatologue est indispensable à giectasies (“couperose”) : c’est déjà de choix thérapeutiques, les formes ocu- une bonne prise en charge des malades. la rosacée ; laires graves étant une indication aux – forme papulo-pustuleuse ; immunosuppresseurs en 1re intention L’auteure a déclaré ne pas avoir de conflits – rhinophyma (qui peut toucher d’autres d’intérêts concernant les données publiées dans alors que les moins sévères peuvent être cet article. zones du visage : menton, front, joue, traitées par dapsone. oreilles…) ; – forme oculaire. l Le 2e cas de figure est celui de la sur- veillance d’une PM avec atteinte ocu- Il existe une variante : la forme granulo- laire sous traitement pour laquelle La rosacée oculaire mateuse non inflammatoire, caractéri- l’ophtalmologiste va s’assurer que les sée par un œdème dur, typiquement du objectifs thérapeutiques (disparition front, mais c’est un diagnostic à évoquer de l’inflammation et des sécrétions) G. GABISON devant une modification fixe d’une autre sans progression de la fibrose sont Praticien attaché à l'APHP, partie du visage. bien atteints. Par ailleurs, en cas de Cabinet de Dermatologie, SAINT-MAURICE. L rougeur oculaire, l’ophtalmologiste Il convient d’interroger nos patients à la pourra dépister les causes de rougeur a rosacée est une pathologie fréquente recherche de signes ophtalmologiques non liées à l’activité de la PM (kératite, en dermatologie, avec une nette pré- souvent non signalés. Ceux-ci sont non trichiasis…). dominance féminine (2/3 des cas) ; elle est spécifiques : plus fréquente à partir de 30 ans. – sensation de corps étranger ; l Le 3e cas de figure est celui dans lequel – sécheresse oculaire objectivable ; l’ophtalmologiste va pouvoir prendre en En ophtalmologie, il existe une parité – picotement, prurit, brûlures ; charge ce qui est spécifiquement chirur- sexuelle ainsi qu’une forme spécifique – blépharite ; gical, notamment la correction d’un tri- de l’enfant. – rougeur du bord libre des paupières ; chiasis, en gardant à l’esprit que cela – croûtelles à la base des cils ; ne peut se faire qu’une fois la maladie Les atteintes ophtalmologiques sont – orgelet, perte des cils ; parfaitement stable et contrôlée par sous-estimées, pouvant être discrètes, – chalazion, granulome lipidique : le traitement médical et sous couvert avec une dissociation anatomoclinique mébium visqueux ; d’un renforcement de celui-ci au risque inverse à celle retrouvée en dermatolo- – hyperhémie conjonctivale ; d’aggraver la maladie. gie. Ainsi, en dermatologie, les patientes – inflexion des cils vers l’intérieur de se plaignent de sensations de brûlure et l’œil : trichiasis, d’où un frottement pro- En résumé : de peau irritable alors qu’il n’y a pas de voquant une irritation cornéenne ; lésion visible. En revanche, en ophtal- – vision floue transitoire fluctuante du l Les conjonctivites fibrosantes ont des mologie, l’atteinte peut être sévère avec fait d’une mauvaise qualité des larmes ; causes multiples et, dans de nombreux très peu de signes cliniques. Ces derniers – la dernière complication, et la plus cas, le dermatologue peut aider au dia- sont à rechercher en raison de leur gra- sévère, est l’atteinte cornéenne avec dou- gnostic étiologique. vité potentielle. leur, photophobie et baisse de l’acuité visuelle pouvant aller jusqu’à la cécité. l Tout doit être mis en œuvre pour ne pas Si nous considérons l’ensemble des méconnaître les diagnostics de lichen atteintes ophtalmologiques : En dehors du chalazion et de l’atteinte plan, lichen plan pemphigoïde et pem- – 20 % sont isolées ; cornéenne, ces signes sont communs à phigoïde des muqueuses. – dans 30 % des cas, les atteintes der- la rosacée et à la dermite séborrhéique. matologiques et ophtalmologiques ont Dans le cas de la dermite séborrhéique, l La biopsie conjonctivale ne s’envisage commencé en même temps ; le mébium est irritant. qu’en dernier recours. – 50 % débutent par une rosacée cuta- [ Pplurifactorielle née, l'atteinte ophtalmologique étant l Le traitement est avant tout médical. secondaire sans que l’on puisse parler hysiopathologie de complication. l La prise en charge chirurgicale ne doit jamais être envisagée si la maladie n’est On compte quatre formes cliniques de Avant tout, il existe un terrain favorisant, pas contrôlée. rosacée : aussi appelé “malédiction des Celtes” 13
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie # 256_Novembre 2016_Cahier 1 Questions flash (blonds aux yeux clairs) et des facteurs tif. La maladie du greffon contre l’hôte nitaire, en partie liée à une involution déclenchants ou aggravants : exposi- ou GVH (Graft versus host) constitue thymique secondaire aux dégâts du tion aux intempéries, aux UV, alcool, la première cause de morbi-mortalité conditionnement de l’allogreffe et de la le Demodex et ses bactéries associées… après allogreffe de moelle osseuse. Le GVH aiguë. Le thymus est alors inca- principal facteur de risque de survenue pable d’éliminer les lymphocytes auto- Le traitement repose sur une bonne de la GVH est le degré d’incompatibilité réactifs. S’ensuivent des tableaux évo- hygiène palpébrale à vie : HLA entre le receveur et le donneur. cateurs de maladie auto-immune. Sur – applications de gants de toilette tièdes ; Dans les allogreffes géno-identiques le plan cutané, l’atteinte est lichénoïde – massages ; (donneur et receveur issus de la même et sclérodermiforme, plus ou moins dif- – larmes artificielles. fratrie, avec antigènes HLA communs), fuse, avec des lésions volontiers hyper le risque de GVH se situe entre 10 et et hypopigmentées. Des atteintes diges- Les traitements médicamenteux sont : 50 %, tandis qu’il atteint 75 % en cas de tives, pulmonaires ou hématologiques – les cyclines per os pendant plusieurs greffe phéno-identique (donneur non peuvent être associées. mois ; apparenté au receveur). – l’azithromycine 500 mg per os, à raison L’atteinte oculaire est très fréquente : en de 3 j/semaine pendant 4 semaines ; On distingue deux grandes formes cli- cas de GVH systémique, elle concerne – un collyre à l’azithromycine en niques de GVH : aiguë et chronique. 50 à 90 % des malades. Les facteurs de cure, à raison de 3 j/semaine pendant risque identifiés d’atteinte oculaire sont 4 semaines ; 1. La GVH aiguë l’existence d’une atteinte cutanéomu- – le traitement des chalazions repose sur queuse, les antécédents de GVH aiguë, une corticothérapie locale qui diminue Elle survient classiquement dans les l’existence d’un tableau systémique aussi la néoangiogenèse. 100 jours suivant l’allogreffe et fait suite à sévère, ainsi qu’une sérologie positive une activation des cellules présentatrices pour le virus d’Epstein-Barr (EBV) chez Ces traitements doivent être réévalués d’antigène (CPA) de l’hôte secondaire le donneur. régulièrement afin d’adapter la fré- aux dégâts causés par le “conditionne- quence des cures. Nos confrères oph- ment” de l’allogreffe (chimiothérapie Le tableau oculaire est la conséquence talmologistes utilisent des collyres à la intensive et parfois irradiation corpo- d’une destruction des glandes lacrymales ciclosporine pour l’épargne corticoïde. relle totale). Les CPA activent à leur tour et meibomiennes par le GVH, respon- les lymphocytes du greffon, condui- sable d’une sécheresse oculaire et d’une Enfin, malgré un traitement bien sant à un relargage massif de cytokines. inflammation de la surface oculaire qui conduit, les rechutes sont fréquentes, L’atteinte systémique peut être extrême- prend certains aspects du syndrome justifiant la collaboration entre le der- ment sévère, impliquant la peau (rash de Goujerot. Les patients se plaignent matologue et l’ophtalmologiste. morbilliforme allant jusqu’à l’épidermo- de brûlures oculaires, de photophobie lyse bulleuse), le foie et le tractus gastro- et de blépharospasme. L’hyperhémie L’auteure a déclaré ne pas avoir de conflits intestinal. Sur le plan oculaire, la GVH conjonctivale est fréquente. La séche- d’intérêts concernant les données publiées dans cet article. aiguë se caractérise par une conjonctivite resse se traduit par une kératite ponc- de sévérité variable, allant de la simple tuée superficielle, volontiers dense, hyperhémie à la formation de pseudo- parfois filamenteuse. Des lésions de membranes conjonctivales. Le traite- fibrose conjonctivale, témoignant du ment comporte des agents lubrifiants, passé de GVH aiguë, complètent sou- GVH oculaire : juste une des collyres aux corticoïdes et antisep- vent le tableau. Dans les cas les plus tiques en cas de surinfection, ainsi que sévères, des ulcères de cornée, voire des sécheresse ? le débridement mécanique des fausses perforations cornéennes, peuvent sur- membranes conjonctivales, sans lequel venir. D’autres manifestations oculaires peuvent se développer des lésions de inflammatoires, telles que des sclérites A. ROUSSEAU fibrose conjonctivale (symblépharons). et des uvéites, sont plus rares. Service d’Ophtalmologie, Hôpital Bicêtre, LE KREMLIN-BICÊTRE. L’ 2. La GVH chronique Le retentissement sur la qualité de vie allogreffe de moelle osseuse reste des patients est souvent majeur. Le trai- un excellent moyen de guérir de Elle apparaît théoriquement 3 mois tement vise à diminuer l’inflammation nombreuses hémopathies malignes, après l’allogreffe et correspond à une de la surface oculaire : cures courtes dont elle représente le traitement élec- guérison aberrante du système immu- de collyres aux corticoïdes pour éviter 14
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie # 256_Novembre 2016_Cahier 1 les effets secondaires oculaires et, sur- l Examen cutané complet à la recherche de signes à distance (dermatite atopique, urticaire…). tout, collyre à la ciclosporine au long cours. Il convient également de pallier l Paramètres vitaux et température (infections aiguës, atteinte thyroïdienne…) l’hyposécrétion lacrymale (substituts l namnèse médicamenteuse détaillée (inhibiteurs calciques, somnifères et antidépres- A lacrymaux et bouchons méatiques). seurs en particulier). Dans les cas les plus sévères de kéra- l Bilan allergologique : tests épicutanés (batterie standard européenne et batteries cosmé- tite, le collyre au sérum autologue (pré- tique ou professionnelle selon l’anamnèse), pricks tests. paré à partir d’un prélèvement sanguin l Biologie sanguine : NFS, plaquettes, CRP, fonction hépatique, rénale, thyroïdienne, du patient) ou les lentilles sclérales enzymes musculaires, ANA, anticorps anti-ADN, ECA, calcémie (C1Inh, C1q)… peuvent soulager les patients. l Avis ophtalmologique si douleurs oculaires, conjonctivite, baisse de l’acuité visuelle… l Scanner (cellulite, recherche paranéoplasique). Bien plus qu’une simple sécheresse oculaire, la GVH oculaire est une l Autres : radiographie du thorax, ECG, échographie cardiaque. authentique maladie inflammatoire – responsable d’altérations majeures de Tableau I : Bilan à réaliser en cas d’œdème des paupières en fonction des éventuels signes cliniques la qualité de vie des patients et dont les associés. complications sont potentiellement céci- tantes – qui doit le plus souvent bénéfi- derme et de la disposition anatomique ribavirine). Il existe un important œdème cier d’une prise en charge spécialisée. qui ne permet pas la dispersion des (vaguement érythémateux) des pau- fluides. L’œdème est dû à l’accumula- pières apparu depuis 2 mois à l’interrup- L’auteur a déclaré ne pas avoir de conflits tion de liquide dans les espaces inters- tion du traitement par télaprévir (fig. 1). d’intérêts concernant les données publiées dans cet article. titiels du derme des régions orbitaires Le patient est bricoleur et aide fréquem- et/ou palpébrales. Il résulte soit d’une ment son fils qui est peintre en bâtiment. diminution du drainage interstitiel, soit Diverses hypothèses diagnostiques d’une augmentation du flux liquidien avaient déjà été envisagées (et élimi- des vaisseaux vers l’interstitium. nées) : origine thyroïdienne, décompen- L’eczéma des paupières : sation cardiaque, dermatopolymyosite, Plusieurs étiologies peuvent être compression de la veine cave, origine l’a-peu près n’est pas envisagées face un œdème palpébral médicamenteuse, glomérulonéphrite… une solution (tableau I). Le dermatologue doit mettre L’application locale de crèmes corti- en évidence, en un premier temps, tous coïdes est sans effet ! La prise d’anti- les signes associés à celui-ci, qu’ils soient histaminique n’améliore pas la symp- D. TENNSTEDT, M. BAECK locaux ou généraux. Cependant, dans tomatologie. Cliniques Universitaires Saint-Luc, BRUXELLES. tous les cas, une dermatite de contact L doit systématiquement être recherchée Une mise au point par tests épicutanés a pathologie palpébrale est très fré- et la plupart du temps investiguée. permet de mettre en évidence une nette quente en consultation dermato- sensibilisation à la méthylisothiazoli- logique. Le dermatologue est souvent L’atteinte des paupières est souvent none. À l’anamnèse rétrospective, le confronté à un réel challenge diagnos- érythémato-vésiculeuse en cas de der- patient nous explique qu’il utilise volon- tique face aux œdèmes palpébraux en matite allergique de contact aiguë ou raison des étiologies diverses et com- érythémato-squameuse en cas de derma- plexes. Ceux-ci représentent parfois le tite de contact chronique. Dans certains signe unique ou inaugural d’une affec- cas, la clinique de l’eczéma de contact tion locale ou systémique. Il convient est déroutante aux paupières et s’observe donc de faire un bilan complémentaire sous forme purement œdémateuse ou lorsque cela s’avère nécessaire afin de ne érythémato-œdémateuse. pas méconnaître des pathologies devant être rapidement prises en charge. Le cas clinique présenté correspond à un homme âgé de 77 ans envoyé en Les paupières sont facilement le siège urgence par son gastro-entérologue qui d’œdèmes en raison de leur finesse, de le soigne pour une hépatite C (traitement la laxité de la peau, de l’absence d’hypo- par télaprévir, peg-interféron alpha-2a, Fig. 1. 15
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie # 256_Novembre 2016_Cahier 1 Questions flash existe plusieurs diagnostics cliniques piège diagnostique fréquent qui lui vaut le faciles à poser, cependant il ne faut pas nom de masquerade syndrome des Anglo- oublier des pathologies plus complexes, Saxons. Le pronostic de cette tumeur est pour lesquelles un bilan complémen- sombre (mortalité de 20 à 30 % à 5 ans) en taire complet (avec, en particulier, une raison d’un envahissement locorégional, série de tests épicutanés) doit être réalisé de métastases dues souvent à un diagnos- ainsi qu’une collaboration avec d’autres tic tardif. Le traitement associe la chirur- médecins spécialistes pour une prise en gie et la radiothérapie adjuvante. charge optimale. Fig. 2. Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts concernant les données publiées dans cet article. tiers des produits à usage cosmétique sur le visage. Deux d’entre eux contenaient de la méthylisothiazolinone. Leur évic- tion a entraîné une résorption de la réac- tion œdémateuse (fig. 2). Il est toutefois Paupières infiltrées : possible que l’exposition aux peintures (contenant de la méthylisothiazolinone) quel arbre décisionnel ? Fig. 2. lors de son travail avec son fils ait joué un rôle quant au déclenchement de sa der- Ainsi, devant toute infiltration palpé- P.-V. JACOMET matose (eczéma de contact aéroporté). brale remaniée, on évoquera en priorité Oculoplasticien, Fondation Rothschild, PARIS. Centre Ophtalmologique, NEUILLY-SUR-SEINE. les diagnostics suivants : La plupart des eczémas de contact des paupières s’observent chez les sujets >>> Carcinome basocellulaire féminins. Dans le cas d’une suspicion d’allergie de contact, il convient de réali- [ Cas clinique Tumeur maligne palpébrale la plus fré- ser une anamnèse précise. Les différentes Patiente de 65 ans présentant une lésion quente (plus de 90 %) (fig. 3), sa loca- origines de ces eczémas de contact sont remaniée, inflammatoire, évoluant lisation est typiquement en paupière diverses : par contact direct (topiques depuis plusieurs mois, traitée initiale- inférieure. sur les paupières, collyres ophtalmolo- ment pour un chalazion (fig. 1). giques associés à une conjonctivite…), par contact ectopique manuporté (ver- nis à ongles ou ongles artificiels…) ou par contact via les cheveux (colorations capillaires ou shampooings…) et, fina- lement, par contact aéroporté (parfums, pesticides, médicaments, peintures…). Il est, dès lors, indispensable de réaliser des tests épicutanés à l’aide d’une batte- Fig. 3. rie standard et cosmétique, et de tester les différents produits personnels utili- Fig. 1. Les facteurs de risque sont l’âge, un sés par les patients. Il ne faut cependant phototype clair et l’exposition solaire. pas négliger une éventuelle origine pro- Que proposez vous ? Différents types histologiques sont fessionnelle ou liée à l’environnement. décrits. La forme nodulaire ou perlée est Il fallait répondre à cette question soit une la plus fréquente. La forme pigmentée biopsie, soit une biopsie exérèse chirur- est trompeuse, car elle peut souvent être [ Conclusion gicale, car nous sommes dans le cadre d’une lésion suspecte à type de carcinome confondue avec un nævus chez le sujet de phototype brun. La forme scléroder- Le dermatologue se retrouve souvent sébacé. Il atteint principalement la pau- miforme, au niveau du canthus interne, au premier plan lors du diagnostic étio- pière supérieure, mimant un chalazion est de mauvais pronostic en raison d’un logique d’un œdème des paupières. Il enkysté ou inflammatoire (fig. 2), d’où le fort risque d’extension orbitaire. 16
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie # 256_Novembre 2016_Cahier 1 Questions flash Le traitement est essentiellement chirur- Les facteurs de risque sont une lésion La plupart des mélanomes palpébraux gical, impliquant le respect de berges précancéreuse préexistante, l’âge, le sexe sont pigmentés, mais on retrouve une saines de sécurité (2 mm) avec contrôle masculin, un phototype clair, l’exposi- part non négligeable de mélanomes histologique extemporané. Une radio- tion solaire, mais aussi une prédisposi- achromes (fig. 7). thérapie complémentaire est parfois tion génétique (Xeroderma pigmento- indiquée, notamment dans les types sum, albinisme). L’atteinte est spécifique sclérodermiformes. en paupière supérieure, bien que plus fréquente en paupière inférieure. La >>> Carcinome épidermoïde confusion avec un chalazion est égale- ment fréquente. Le carcinome épidermoïde (fig. 4 et 5) est beaucoup plus rare que le carcinome Le traitement est chirurgical avec basocellulaire et plus agressif du fait contrôle extemporané, suivi d’une radio- d’un potentiel métastatique. chimiothérapie adjuvante. >>> Mélanome cutané Bien que rare, la fréquence du mélanome Fig. 7. cutané (fig. 6) est en progression du fait des expositions solaires répétées. Les Le diagnostic est réalisé au moyen d’une autres facteurs de risque sont les anté- biopsie exérèse qui permet en plus cédents familiaux, le phototype clair, d’avoir un facteur pronostique par l’in- un nævus dysplasique préexistant. C’est dice de Breslow. Un bilan d’extension et actuellement la principale tumeur cuta- une biopsie des aires ganglionnaires sont née d’issue fatale. actuellement réalisés. Ainsi, devant la grande diversité d’infil- trations palpébrales, on n’hésitera pas, au moindre doute, à réaliser une biopsie pour analyse histologique afin d’adapter le traitement en fonction du diagnostic. L’auteur a déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts concernant les données publiées dans Fig. 4 et 5. Fig. 6. cet article. 18
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie # 256_Novembre 2016_Cahier 1 Mises au point interactives Prurit sine materia et sujet âgé : une maladie des petites fibres ? breuses régions cérébrales. Ces neurones médicaments pris beaucoup plus nom- peuvent également être activés par des breux. Rechercher des prises de médi- substances actives produites au cours de caments potentiellement pruritogènes nombreuses maladies. chez une personne âgée doit d’ailleurs être le premier réflexe. Il existe ainsi un grand nombre de pru- rits non dermatologiques susceptibles Mais ce prurit sine materia chez la per- d’avoir différentes causes : sonne âgée peut aussi être lié à une désaf- – une insuffisance rénale chronique ; férentation sensorielle périphérique et – une cholestase hépatique ; centrale permettant ainsi la survenue – des hémopathies, en particulier les de sensations “parasites” qui n’auraient lymphomes et les syndromes myélo- pas été perçues autrement. Une activité prolifératifs ; réduite peut également diminuer le seuil – des troubles endocriniens et métabo- de perception de sensations anormales. liques, tels que le diabète, la grossesse, Enfin, le rôle d’une peau sèche est dis- ➞ L. MISERY une carence en fer ou des dysthyroïdies ; cuté, mais il est bien possible. Service de Dermatologie, CHU de BREST. – des prurits neuropathiques ; – des prurits psychogènes ; Les prurits sine materia peuvent effecti- – un prurit sénile ; vement être annonciateurs d’une pem- – d’autres causes, telles que les causes phigoïde dans un certain nombre de L médicamenteuses, les prurits paranéo- cas et il faut donc systématiquement plasiques ou un syndrome paraviral réaliser une biopsie cutanée avec e prurit sine materia se défi- (VIH-VHC). immunofluorescence directe chez les nit comme étant un prurit sans personnes âgées. Il a, en effet, été mon- lésion dermatologique pouvant L’interrogatoire et l’examen clinique tré que la recherche de dépôts d’auto- l'expliquer. Il peut toutefois exister des permettent généralement d’avoir une anticorps dans la peau pouvait s’avérer lésions de grattage et cela est même fré- orientation étiologique. Parfois, ils ne positive et était alors souvent annoncia- quent, l’ensemble des lésions consti- sont pas informatifs et un bilan paracli- trice d’une évolution vers une pemphi- tuant le prurigo. Le prurit sine materia nique peut être nécessaire, incluant une goïde bulleuse. reste idiopathique dans 30 % des cas, numération formule, une mesure de la mais il convient de rechercher active- vitesse de sédimentation, une créatini- Existe-t-il un prurit sénile autonome, ment une cause. némie, un bilan hépatique, une glycémie c’est-à-dire un prurit de la personne âgée à jeun et une hémoglobine glyquée, un ayant un déterminisme propre ? Cela Il faut bien comprendre que le prurit dosage du fer sérique, un dosage de la apparaît possible et peut être expliqué ne naît pas forcément dans la peau. En TSH, une électrophorèse des protéines, de plusieurs manières : effet, avoir conscience du prurit signi- des sérologies virales et parasitaires, une – la xérose : cette hypothèse est générale- fie qu’auparavant il y a eu activation radiographie thoracique et une échogra- ment évoquée mais probablement avec successive des terminaisons nerveuses phie abdominale. La biopsie de peau excès, même si la peau est effectivement dans la peau, mais aussi activation des avec immunofluorescence n’a d’intérêt plus sèche en cas de prurit sénile ; neurones depuis la peau jusqu’aux gan- que chez la personne âgée. – le rôle de l’histamine a été évoqué, glions rachidiens, puis à la moelle épi- mais il semble peu probable devant l’ab- nière. Ensuite, il y a eu activation d’un Le prurit sine materia est plus fréquent sence d’efficacité des antihistaminiques ; deuxième neurone de la moelle épinière chez la personne âgée car ses patholo- – une désafférentation par diminution au cerveau et, enfin, activation de nom- gies sont d’emblée plus fréquentes et les du nombre de terminaisons nerveuses 20
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie # 256_Novembre 2016_Cahier 1 paraît le plus probablement expliquer le paresthésies (picotements, brûlures, dermatologue peut jouer un rôle parti- prurit sénile, qui est alors l’équivalent du fourmillements, tiraillements), voire à culier car le diagnostic est souvent réa- membre fantôme. des sensations douloureuses. Il convient lisé devant des biopsies cutanées éta- aussi de l’évoquer lorsqu’il est associé gées. Celles-ci doivent être effectuées Une hypothèse n’exclut pas l’autre car à un déficit sensoriel. L’allokinésie est 10 cm au-dessus de la malléole externe il a été montré que le fait d’hydrater la souvent observée : il s’agit du déclenche- et 30 cm en dessous de l’épine iliaque peau augmentait la qualité des percep- ment d’un prurit par le toucher léger. antéro-supérieure, puis immédiate- tions sensorielles cutanées et pouvait Il en est de même de l’hyperkinésie, ment fixées dans du paraformaldéhyde donc assez logiquement permettre de prurit excessif déclenché par un stimu- à 4 % et, enfin, être analysées dans des diminuer l’intensité du prurit sénile. lus prurigineux. Le signe du glaçon est centres entraînés. également évocateur de prurit : l’appli- Le traitement du prurit, chez une per- cation d’un glaçon sur la peau permet Devant un prurit neuropathique, le trai- sonne âgée ou non, doit avant tout une sédation rapide. tement étiologique reste bien entendu être étiologique. De petits moyens tels la meilleure solution lorsqu’il est pos- qu’avoir les ongles coupés courts ou évi- Les causes de prurit neuropathique sible. De même, il ne faut pas négliger ter tout ce qui peut favoriser l’apparition sont multiples. Il s’agit rarement d’une les mesures thérapeutiques habituelles de prurit ou l’exacerbation peuvent égale- atteinte du système nerveux central : en cas de prurit ainsi que le soutien psy- ment être utiles. Les émollients semblent tumeur, abcès, anévrisme, syringomyé- chologique. Si le prurit est localisé, on donc intéressants, mais il faut privilégier lie ou sclérose en plaques. Il s’agit plus peut envisager l’application d’anesthé- les antiprurigineux locaux afin de casser fréquemment d’une atteinte du système siques locaux ou de capsaïcine, ou même le cercle vicieux prurit-grattage-prurit et nerveux périphérique avec les neuro- de tacrolimus (hors AMM). Si le prurit d’apporter un soulagement souvent tem- pathies périphériques, les gangliono- est généralisé, il faut plutôt envisager un poraire mais appréciable. Parmi ceux-ci, pathies, le zona et les algies post-zosté- traitement par gabapentine ou prégaba- on peut citer Sensinol, AtopiControl ou riennes qui sont en réalité très souvent line, d’autres traitements relevant d’une XeraCalm. prurigineuses. Il faut penser à quelques prise en charge plus spécialisée. neuropathies de compression localisées : Tout traitement systémique doit être le prurit brachioradial, la notalgie pares- En conclusion, il faut rechercher active- utilisé avec prudence chez la per- thésique et quelques autres localisations. ment une ou plusieurs causes devant un sonne âgée. Les corticoïdes topiques Il faut enfin penser aux neuropathies des prurit sine materia, y compris (et même sont déconseillés en cas de prurit sine petites fibres. peut-être surtout) chez la personne âgée. materia car ils paraissent l’entretenir et Parmi ces causes, il faut penser aux neu- l’aggraver. Les corticoïdes oraux n’ont Les neuropathies des petites fibres ropathies des petites fibres. Le prurit aucun intérêt. Les antihistaminiques constituent un groupe de maladies iden- sénile n’est pas univoque. Il peut être peuvent parfois sembler efficaces, mais tifiées depuis une quinzaine d’années, la conséquence du vieillissement, mais il faut se souvenir que l’effet placebo est liées à une atteinte des terminaisons probablement plus du vieillissement du extrêmement fréquent en cas de prurit. nerveuses, essentiellement cutanées. système nerveux que du vieillissement L’hydroxyzine, par son effet antihista- Classiquement, les signes sensitifs com- cutané, par une diminution du nombre minique, anti-cholinergique et anxioly- mencent aux mains et aux pieds, puis de fibres nerveuses intra-épidermiques tique, peut être intéressante, mais il faut s’étendent, mais en réalité, les neuro- et donc une désafférentation. garder à l’esprit qu’elle est contre-indi- pathies des petites fibres peuvent com- quée en cas de glaucome et de rétention mencer en n’importe quelle zone du urinaire. Les antidépresseurs peuvent tégument. Il faut rechercher une cause être utilisés, eux aussi avec prudence. bien que les neuropathies des petites fibres restent en général idiopathiques. L’auteur a déclaré ne pas avoir de conflits Le prurit neuropathique doit être évo- Naturellement, il n’y a aucune anoma- d’intérêts concernant les données publiées dans qué devant un prurit associé à des lie observée à l’électromyogramme. Le cet article. 21
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