Eviter les revues et éditeurs prédateurs : définition et indices en 4 points

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Editeurs prédateurs                                                               https://coop-ist.cirad.fr
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              Eviter les revues et éditeurs prédateurs :
                         définition et indices
                             en 4 points

1. Qu’est-ce qu’une revue prédatrice ou un éditeur prédateur ?
2. En quoi est-ce dommageable d’y publier ?
3. Indices d’alerte sur un fonctionnement douteux
4. Autres éditeurs douteux : ouvrages, thèses, articles de promotion
Liens utiles

     1. Qu’est-ce qu’une revue prédatrice ou un éditeur prédateur ?

Sur internet, les revues (journals) scientifiques et les éditeurs (publishers) dits prédateurs — ou
douteux, parasites, illégitimes, peu scrupuleux, pirates (predatory, deceptive, illegitimate) — profitent
pour la plupart du modèle auteur-payeur de la publication en libre accès (Open Access, voir les fiches
CoopIST : Comprendre les modèles économiques des revues scientifiques et Publier dans une revue
en libre accès).
Leur but est mercantile, sans chercher à promouvoir ni à pérenniser les résultats de la recherche. Ils
se soucient peu de qualité ou d’intégrité scientifique. Leur fonctionnement éditorial, ou financier, ou
scientifique, est opaque. Les articles sont publiés dans un court délai. Le contrôle du contenu
scientifique (peer review) et des pratiques d’auteurs est superficiel. Ils ne répondent pas, ou qu’en
partie, aux recommandations éthiques et professionnelles de la publication scientifique —
notamment : Committee on Publication Ethics (COPE), International Committee of Medical Journal
Editors (ICMJE), Directory of Open Access Journals (DOAJ).

Une définition récente des éditeurs douteux semble faire consensus, montrant la complexité de ce
mouvement et sa pénétration dans le monde légitime de la publication (Grudniewicz A et al., 2019.
Predatory journals: no definition, no defence. Nature 576: 210-212) : « Les revues et les éditeurs
prédateurs sont des entités qui privilégient l'intérêt personnel au détriment de l'érudition et se
caractérisent par des informations fausses ou trompeuses, un écart par rapport aux bonnes pratiques
rédactionnelles et de publication, un manque de transparence et/ou le recours à des pratiques de
sollicitation agressives et sans discernement » (traduction Hervé Maisonneuve, blog Revues &
intégrité, billet du 16/12/2019).

Plus de 14 000 revues prédatrices en 2021 ? Fin 2016, plus de 10 000 revues potentiellement
prédatrices étaient sur les listes établies de 2012 à décembre 2016 par Jeffrey Beall (documentaliste
spécialiste des pratiques douteuses en publication, Université de Colorado Denver, voir la fiche
CoopIST : Outils pour aider à détecter les revues et éditeurs prédateurs). Le 15-07-2020, la société
américaine Cabells International comptait dans ses Predatory Reports 13 500 revues potentiellement
prédatrices (Cabells’ top 7 palpable points about predatory publishing practices) et avançait le 17-02-
2021 plus de 14 000 entrées (indication dans Predatory journals vs. preprints: What’s the difference?).

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Vérifiez toujours la qualité d’une revue avant de soumettre ou de relire un article, d’intégrer le comité
éditorial, ou de coordonner un numéro spécial.
• Vérifiez si l’éditeur (publisher) ou la revue (journal) est indiqué dans les listes, actualisées ou non,
    établies à partir des anciennes listes de J. Beall (exemples : sites Beall’s List, Stop Predatory
    Journals, voir Fiche CoopIST : Outils pour aider à détecter les revues et éditeurs prédateurs).
• Si la revue ou l’éditeur n’est pas listé, ou si des doutes subsistent, vous pouvez mener votre
    enquête à partir des indices du point 3, à partir d’outils en ligne (Compass to Publish ; Think Check
    Submit, etc.) ou de blogs attentifs à ce sujet (Revues & intégrité ; Flaky Academic Journals, etc.),
    voir Fiche CoopIST : Outils pour aider à détecter les revues et éditeurs prédateurs.
• Vous pouvez contacter le comité éditorial de la revue avec des questions précises sur le
    fonctionnement, le processus de révision, les droits d’auteur.
• Vous pouvez aussi contacter les documentalistes de votre institution, qui étudieront la revue.

     2. En quoi est-ce dommageable d’y publier ?

Le Code de conduite européen pour l’intégrité de la recherche (European Code of Conduct for Research
Integrity, 24-03-2017, traduit en plusieurs langues) classe comme « pratique inacceptable » le fait de
« Créer ou soutenir des revues qui sapent le contrôle de la qualité de la recherche («revues
prédatrices») ».
En France, ce type de formulation est rare. Notons par exemple la Charte Ethique et Déontologie des
facultés de médecine et d’odontologie (Conférences nationales des Doyens de facultés de médecine et
des Doyens de facultés d’odontologie, novembre 2017), qui stipule, p. 7 : « La publication de travaux
scientifiques dans des revues dites «prédatrices» est prohibée ainsi que l’exercice d’activité éditoriale
pour ces revues ».

Publier dans ces revues douteuses nuit autant à votre réputation qu’à celle de la communauté
scientifique, de votre institution, de votre équipe et de vos partenaires cosignataires :
• en étant associé, au travers de la revue, à des mauvaises conduites ;
• en publiant un article de mauvaise qualité ou mal vérifié par les pairs ;
• en cherchant à publier le plus possible d’articles, dans le but d’étoffer un CV, d’obtenir un soutien
    financier pour un projet, etc.
Cela peut aussi cacher une mauvaise conduite en recherche (manquement, inconduite, research
misconduct, ou Questionnable research practices, QRP), voire la fabrication et la falsification de
résultats, le plagiat et l’auto-plagiat (fabrication, falsification, plagiarism, FFP).

Outre le coût en réputation, publier dans ces revues coûte aussi de l’argent, du temps, de
l’infrastructure aux institutions scientifiques publiques — rédaction, révision, relecture, frais de
publication, consultation bibliographique, archivage documentaire, etc. De l’argent public ne devrait
pas être utilisé pour promouvoir des revues prédatrices.
Les évaluations éthiques deviennent une règle pour les institutions, les agences de financement et
certaines revues scientifiques. Publier dans une revue prédatrice sera à terme négativement pris en
compte.
Des sites spécialisés (Revues & intégrité, For Better Science, Retraction Watch, PubPeer, etc.) débattent
de ces revues et rendent visibles les comportements individuels. Comme pour le plagiat, la révélation
publique de certaines pratiques peut arriver longtemps après la publication (jusqu’à plus de 30 ans).

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     3. Indices d’alerte sur un fonctionnement douteux

C’est un ensemble d’observations conjointes ou indépendantes qui, comme autant d’indices, vous
alertera sur un fonctionnement douteux.
Ici, nous donnons un aperçu d’indices les plus courants, voir la fiche CoopIST : Outils pour aider à
détecter les revues et éditeurs prédateurs pour des ressources avec davantage d’éléments.
Attention : certains indices peuvent être le fait de revues scientifiques jeunes, ou ayant peu de moyens
ou manquant d’expérience.

Etat d’esprit tourné vers l’égo des auteurs
Dans leurs sollicitations emails comme dans leurs pages web, ces éditeurs ont un discours tourné vers
l’autosatisfaction des auteurs en tant qu’individus, corroboré par un service rapide de mise en ligne à
un coût faible à acceptable. Ce discours les assure implicitement d’un article publié sans contrainte,
faisant miroiter aussi les meilleurs canaux de diffusion et indicateurs de notoriété.

Mode de communication majoritaire : emails
• Vantant la réputation et la diffusion mondiales ou internationales de la revue
• Vous flattant, flattant le haut niveau de vos publications, dont une en particulier qui sert
  d’accroche (et pour laquelle il peut être proposé une « republication », ce qui est une fraude)
• Vous incitant, par ce discours, à être auteur, relecteur (Referee, Reviewer), membre du comité
  éditorial (Editorial Board Member), rédacteur (Guest Editor, Topic Editor…) d’un numéro spécial
  (special issue…)
• Vous demandant de recommander des pairs, de proposer à des collègues de rejoindre la revue
• … Et tout ceci même si la revue n’est pas de votre domaine.

Site web
• Navigation web non fonctionnelle, pages inaccessibles, ou navigation complexe et sophistiquée
• Textes avec des erreurs, ou peu soignés, ou copiés d’autres revues
• Textes vantards, déclarant le haut niveau de la revue, l’application de normes, se disant adhérent
    au DOAJ, COPE, ICMJE, à l’Open Access Scholarly Publishers Association (OASPA), etc.
• Proposant des conférences, souvent douteuses, qui aboutiraient à des numéros spéciaux ou des
    livres (voir fiche CoopIST : Eviter les conférences prédatrices)
• Pas de mode d’archivage pérenne : ces sites web disparaissent avec leurs articles, rendant le texte
    intégral introuvable malgré un éventuel référencement dans des bases bibliographiques
• Informations sur l’enregistrement du nom de domaine (registrant, email, adresse postale, IP, etc.)
    opaques ou apportant des indices de doute.

Titres et panel de revues
• Editeur ayant un large panel de revues, dont certaines avec peu ou pas d’articles
• Titre de revue ronflant, ou imprécis, ou identique ou proche de revues sérieuses, ou mentionnant
    un lieu trompeur (American, Canadian, European, British, Australian…)
• Editeur ayant plusieurs revues sur le même thème avec des titres proches
• Revue éditant chaque année de nombreux numéros spéciaux coordonnés par des scientifiques
    sollicités : ce type d’édition rend plus difficile le refus des articles.

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Comité éditorial (Editorial Office, Editorial Board, Advisors, Associated, Academic, Review Editors…)
• Inexistant, ou très petit (quelques personnes), ou au contraire pléthorique
• Taille du comité inadaptée au nombre d’articles publiés
• Membres non experts du thème, ou non publiant, ou publiant dans des revues douteuses
• Affiliations institutionnelles non indiquées, ou imprécises, ou non mises à jour ; pas d’adresses
   email ; emails en gmail, yahoo…
• Comité non contactable par email, pas même le rédacteur en chef (Editor-in-Chief) ; contact
   générique propre à la revue ou à l’ensemble des revues de l’éditeur
• Membres d’un seul pays alors que la revue se dit internationale
• Pas de rédacteur en chef
• Même comité (tout ou partie) ou même rédacteur en chef pour plusieurs revues de l’éditeur
• Cooptation continue entre membres, reviewers, auteurs
• Photos d’identité déformées des membres.

Contacts, domiciliation, nom de la maison d’édition (éditeur, publisher)
• Informations d’adresse de siège et de contact inexistantes, insuffisantes ou invérifiables
• Fausse domiciliation (boîte postale, adresses d’entreprises de location de bureau, lieu dédié à une
   autre société, etc.) par exemple aux Etats-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Europe
• Domiciliation non adaptée (maison ou appartement privé, petit magasin, etc.)
• Téléphone invérifiable, ou changeant dans le temps, ou en inadéquation avec la domiciliation, etc.
• Adresse email invalide
• Nom trompeur (Center, Institute, Association, Network), faisant croire à des missions alors
   qu’aucune activité n’est visible.

Frais de publication (fees, article publication charges, article processing charges, APC)
• Peu ou pas d’information sur les frais de publication
• Souvent très bas, mais parfois élevés, pouvant dépendre du thème
• Paiement en ligne opaque, ou au contraire modes de paiement en apparence très détaillés
• Fidélisation par rabais, bons d’achat et prix divers (discount, voucher, award) pour les auteurs,
    reviewers, membres du comité.

Notoriété et indexation de la revue (abstracting, indexing)
• Fausse déclaration d’indexation dans des bases de données reconnues ou via des outils
   inappropriés ou factices
• Facteurs de notoriété factices (misleading metrics) créés par des sociétés web douteuses
• Attention : des revues douteuses ont le facteur d’impact de Clarivate Analytics (voir la fiche
   CoopIST : Le facteur d’impact et ses indicateurs associés).

Fonctionnement éditorial et scientifique de la revue
• Révision par les pairs (peer review) inexistante, ou superficielle (exemple de délai donné aux
   relecteurs : 5 à 14 jours)
• Délai soumis-accepté des articles irréaliste ou très court, de 1 à 14 jours jusqu’à 1, 2 ou 3 mois
• Acceptation de la majorité des articles soumis

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•   Information absente, ou peu développée, ou non explicite, ou contradictoire, sur : processus
    éditorial, relecture, conseils aux auteurs, rétractation ou correction d’articles, politique des droits
    d’auteurs, politique de partage et de réutilisation des contenus, politique d’archivage, etc.
•   Pas de politique de contrôle permettant d’éviter une mauvaise conduite d’auteurs, ou fausse
    déclaration d’usage d’outils connus pour détecter des similarités par exemple.

     4. Autres éditeurs douteux : ouvrages, thèses, articles de promotion

Ouvrages, thèses, e-books - Des éditeurs (Print-on-demand publishers, Self-publishing ou Vanity
presses, Subsidy publishers) contactent scientifiques ou doctorants par email pour éditer leurs travaux
sous forme de livres (papier, e-book, vendu à l’unité à prix plus ou moins élevé). Le contrat d’auteur
est imprécis, confisque souvent certains droits aux auteurs, a des points inacceptables.
Articles de promotion - Des pseudo-journaux de prestige contactent les scientifiques par email ou par
téléphone pour un article très illustré, promettant la visibilité internationale à leurs recherches déjà
publiées ou à leurs projets européens. Les frais de publication sont élevés, parfois non indiqués. Ces
sites sont peu fonctionnels, difficiles à trouver, et les articles ne sont pas focément en libre accès.
Dans les deux cas, les indices du point 3 sont applicables, ainsi que la fiche CoopIST : Outils pour aider
à détecter les revues et éditeurs prédateurs.

Liens utiles
Boukacem-Zeghmouri C., RakotoaryS., Bador P., 2020. La prédation dans le champ de la publication
scientifique : un objet de recherche révélateur des mutations de la communication scientifique
ouverte. 20 p. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02941731 (rattaché à l’étude PAPERS, voir plus bas)
CIDMEF, AUF, SPEPS, CAMES (09-10-2020). Reconnaître les revues prédatrices. Poster et dépliant
téléchargeables sur le blog Revues & intégrité à https://www.redactionmedicale.fr/2020/10/revues-
predatrices-un-poster-et-un-depliant-en-francais-a-diffuser-dans-votre-environnement (les 2 fichiers
.pdf sont également dans notre rubrique Voir aussi).
Grudniewicz A et al., 2019. Predatory journals: no definition, no defence. Nature 576: 210-212.
https://doi.org/10.1038/d41586-019-03759-y
INRAE, blog Service Question/Réponse en IST (20-09-2017). Les éditeurs prédateurs : le côté obscur de
l’Open Access. https://ist.blogs.inrae.fr/questionreponses/focus-sur/les-editeurs-predateurs-le-cote-
obscur-de-lopen-access/
INRAE, blog Service Question/Réponse en IST (27-05-2020). Publier ou ne pas publier dans les éditeurs
« de          la        zone         grise »        comme          MDPI          ou        Frontiers ?
https://ist.blogs.inrae.fr/questionreponses/2020/05/27/publier-ou-ne-pas-publier-dans-les-editeurs-
de-la-zone-grise-comme-mdpi-ou-frontiers/
Maisonneuve H, 2020. Les revues prédatrices. Science & pseudosciences 332. https://www.pseudo-
sciences.org/Les-revues-predatrices
Ministère français de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, 2020. Passeport
pour la science ouverte, un guide pratique à l’usage des doctorants, 40 p.
https://www.ouvrirlascience.fr/passeport-pour-la-science-ouverte-guide-pratique-a-lusage-des-
doctorants/
PAPERS (PredAtory PublishErs ReSearch), 2020. Carnet de recherche dédié aux mutations de
l’information et de la communication scientifique. https://papers.hypotheses.org/

Cécile Fovet-Rabot
Délégation à l’information scientifique et technique, Cirad
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Mise à jour 09 avril 2021
(fiche créée le 05 juin 2015, mises à jour : janvier, août, décembre 2017, juin 2018)

Comment citer ce document :
Fovet-Rabot, C., 2021. Eviter les revues et éditeurs prédateurs : définition et indices, en 4 points. Montpellier (FRA) : CIRAD, 6 p.
https://doi.org/10.18167/coopist/0036.
Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons : Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage
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arranger, et adapter cette œuvre à des fins non commerciales tant que vous créditez l’auteur en citant son nom et que les nouvelles œuvres
sont diffusées selon les mêmes conditions.

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