L'accès privilégié des PME à la commande publique au travers des dispositions de la loi ASAP - Fiducial Legal By Lamy
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L’accès privilégié des PME à la commande publique au travers des dispositions de la loi ASAP Depuis plusieurs années l’Union européenne et les États membres tentent avec plus ou moins de succès de privilégier Loi ASAP : quels impacts sur la commande publique ? l’accès des PME à la commande publique. La Loi ASAP va dans ce sens étant donné qu’elle réserve une fraction mini- mum des marchés globaux aux PME et assouplit les conditions dans lesquelles des entreprises en redressement judi- ciaire peuvent se porter candidate à l’attribution d’un marché public. En outre, cette loi bouleverse le droit « acquis » des acheteurs à résilier de plein droit leurs marchés dans certaines hypothèses. L a place des TPE/PME dans le système juridique complexe de la commande publique ressemble à un serpent de mer. Gouvernement après gouvernement, directives européennes après directives européennes, l’espoir d’un Small business Act européen est régulière- ment évoqué, discuté, timidement amorcé… mais jamais réellement assumé, tant les divergences entre les pays libéraux de l’Union européenne et certains pays comme la France, semblent irréconciliables. Pourtant, les TPE/PME sont au cœur de l’économie européenne et de la commande publique. Suivant les chiffres de l’INSEE (Tableaux de l’économie française, Édition 2020), en 2017 sur les 3,9 millions d’entreprises qui composent le système productif marchand, hors secteurs agricole et financier, la France compte 3,8 mil- lions de petites et moyennes entreprises marchandes, y compris microentreprises (MIC). 148 000 PME hors microentreprises emploient 3,9 millions de salariés et réalisent 23 % de la valeur ajoutée. Au total, les PME emploient ainsi 6,3 millions de salariés (ETP) et réa- lisent 43 % de la valeur ajoutée. Pourtant, en 2017 tou- jours, sur les 163 000 contrats recensés (pour un mon- tant global de plus de 89 milliards d’euros), la part des PME titulaires s’établissait autour de 30 % du montant total des marchés, ce qui apparaît très insuffisant. C’est pourquoi de nombreuses voix s’élèvent régulière- ment pour tenter de faire adopter à l’échelle de l’Union européenne un cadre contraignant permettant de réser- ver une fraction des marchés publics à cette catégorie Auteur essentielle d’entreprises pour notre tissu économique. Si la Commission européenne a pu édicter dès 2008 une « Communication « Think Small First » : priorité aux Ludovic Midol-Monnet Avocat associé PME — Un « Small Business Act » pour l’Europe », cette FIDUCIAL LEGAL BY LAMY volonté n’a pas conduit à l’adoption d’un cadre juridique Contrats Publics – 217 - Février 2021 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ 43 CPC217_.indb 43 08/02/2021 13:49
Dossier L’accès privilégié des PME à la commande publique au travers des dispositions de la loi ASAP similaire à celui que connaissent notamment les États- nelle(3) exigées par l’acheteur. Le dimensionnement des Unis(1) lots prend ici tout son sens, puisqu’il permet de condi- tionner « le montant des garanties bancaires (garantie C’est donc indirectement, au moyen des dispositions ap- à première demande), des assurances et le volume de plicables aux marchés publics, que l’Union européenne chiffre d’affaires qui seront exigés, d’une part par les et les États membres tentent avec plus ou moins de banques, d’autre part par les acheteurs au stade des succès, de privilégier l’accès des PME à la commande candidatures »(4). publique. Les efforts du législateur pour rendre l’allotissement La loi ASAP en constitue la dernière illustration. Envi- incontournable n’empêche toutefois pas les acheteurs sagée à la suite du mouvement des « gilets jaunes » de recourir à des marchés globaux, qui représentent dans un contexte social tendu, cette loi, qui ne devait pas souvent les plus gros marchés : marchés de conception- concerner initialement la commande publique, contient réalisation, marché public global de performance, mar- plusieurs dispositions adoptées dans le contexte de chés de partenariat, desquels les PME sont assez large- pandémie de Covid-19, qui traitent spécifiquement des ment exclues en tant que titulaires et donc contraintes marchés publics et des concessions. Certaines de ces au statut quasi-systématique de sous-traitant (on souli- mesures intéressent au premier chef les PME. Toutefois, gnera toutefois l’obligation de réserver 10 % du montant celles-ci ne sont qu’un ajout supplémentaire, certes in- du marché de partenariat aux PME dans les conditions téressant, mais sans doute pas totalement déterminant, précisées à l’article R. 2213-5 du CCP, voir ci-après). aux apports successifs des réformes de la commande publique qu’il convient de rappeler succinctement. Le régime des avances Quelle place pour les PME au sein Le régime des avances pouvant être versées aux titu- laires de marchés publics a fait l’objet de très nom- de la commande publique à l’issue breuses modifications ces deux dernières années. de l’entrée en vigueur du CCP en Relevant des articles R. 2191-3 et suivants du CCP, les 2019 ? avances ont notamment pour objet de soulager la tré- sorerie des entreprises s’engageant à exécuter un mar- Si la loi ASAP a utilement élargi ou complété des dispo- ché public. En l’état actuel de la réglementation(5), les sitions d’ores et déjà en vigueur pour accroître la part avances sont obligatoires pour les marchés supérieurs des PME dans la commande publique ou favoriser leur à 50 000 euros HT et dont la durée d’exécution est supé- accès à ces contrats, il convient de revenir rapidement rieure à deux mois, les acheteurs ayant la faculté d’en sur les dispositifs existant à l’issue de l’adoption du Code octroyer de manière facultative quand ces conditions de la commande publique et des modifications dont il a ne sont pas réunies(6). Comme l’indique la DAJ : « L’oc- fait l’objet durant l’année 2020, marqué par la crise du troi de cette avance permet, en particulier, de susciter Covid-19. Sans prétendre à l’exhaustivité, on rappellera une concurrence plus large grâce aux candidatures de que le code contient effectivement des mécanismes dont petites entreprises hésitant à soumissionner, eu égard l’objectif premier ou principal est bien de renforcer la au besoin de trésorerie que pourrait entraîner le com- place des PME au sein des contrats soumis à son empire. mencement d’exécution du marché public »(7). Le code fixe un seuil minimal pour les avances de 20 % lorsque le titulaire du marché est une PME dans le cadre des L’allotissement marchés publics passés par l’État et de 10 % pour les marchés publics passés par les établissements publics Prévu par l’article L. 2113-10 du code, l’allotissement est administratifs de l’État (autres que les établissements l’obligation faite à l’acheteur de conclure des marchés publics de santé) et les collectivités territoriales, leurs en lots séparés « sauf si leur objet ne permet pas l’iden- établissements publics et leurs groupements (sous tification de prestations distinctes ». Présenté comme l’une des mesures phares en faveur des PME(2), l’allo- tissement a des effets directs sur les conditions d’accès des PME aux grosses opérations (travaux, génie civil, etc.). (3) CCP, art. L. 2142-1. En effet, plus une opération de travaux est importante, (4) DAJ, Guide pratique « faciliter l’accès des TPE/PME à la com- plus les PME peuvent être confrontées à des difficultés mande publique ». (5) Voir notamment le décret n° 2020-1261 du 15 octobre 2020 pour se positionner, notamment au regard des exigences relatif aux avances dans les marchés publics ayant pérennisé les de garanties financière, technique ou encore profession- mesures introduites par l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 ; G. Clamour, « Exécution - Avances des marchés publics, recul des contraintes », Contras et Marchés publics n° 11, novembre 2020, comm. 282. (6) CCP, art. R. 2191-4. (1) Le « Small business Act » est une loi du Congrès voté le 30 juil- (7) Fiche technique relative aux avances, mise à jour du 1er janvier let 1953 visant à favoriser les PME qui leur réserve un certain 2020, https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/ nombre de marchés publics. daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-techniques/execu- (2) Rép. min. n° 17945, JOAN 23 avril 2019, p. 3878. tion-marches/avances-2020.pdf. 44 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ Contrats Publics – 217 - Février 2021 CPC217_.indb 44 08/02/2021 13:49
Dossier L’accès privilégié des PME à la commande publique au travers des dispositions de la loi ASAP condition(8)). Le code autorise par ailleurs les collecti- Les apports de la loi ASAP vités territoriales et leurs groupements à imposer une garantie à première demande aux titulaires de marchés en faveur des PME sollicitant l’octroi d’une avance lorsque cette dernière Si la réglementation applicable contenait donc, avant est inférieure à 30 % du montant initial du marché ; cette l’adoption de la loi ASAP, des mécanismes ayant pour faculté étant ouverte à tous les acheteurs au-delà de ce objet ou pour effet de favoriser l’accès des PME à la seuil. commande publique, la loi sous analyse a clairement Enfin, on notera que le code ne contient plus de règle de prévu, dans un contexte économique très délicat pour plafonnement des avances à 60 % du montant du marché les TPE/PME, de réserver une fraction minimum des qui, en l’état antérieur de la réglementation, limitait la marchés globaux aux PME et d’assouplir très large- possibilité de verser des avances au titulaire d’un mar- ment les conditions dans lesquelles des entreprises en ché public ; ce déplafonnement devant conduire à inci- redressement judiciaire peuvent se porter candidate à ter les PME à répondre à des marchés dont la valeur est l’attribution d’un marché public. La loi bouleverse par Loi ASAP : quels impacts sur la commande publique ? plus conséquente. ailleurs le droit « acquis » des acheteurs à résilier de plein droit leurs marchés dans certaines hypothèses. L’achat innovant L’extension des marchés « réservés » Le décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant di- verses mesures relatives aux contrats de la commande aux PME au sein des contrats globaux publique a créé pour trois ans une expérimentation per- L’article L. 2171-1 du CCP rappelle que sont des marchés mettant aux acheteurs de passer des marchés négo- globaux « passés en dérogation au principe d’allotis- ciés sans publicité ni mise en concurrence préalable sement » : les marchés de conception-réalisation, les pour leurs achats innovants d’un montant inférieur à marchés globaux de performance et les marchés glo- 100 000 euros hors taxes(9), dont bénéficient pleinement baux sectoriels. Cette dérogation à l’obligation d’allotir les PME positionnées sur les marchés ou secteurs de constitue un frein conséquent à la participation des PME l’innovation (au premier rang desquels figurent les start- à la passation et à l’exécution de ces contrats. En effet, up). les marchés globaux portent sur des opérations com- plexes, de grande envergure, qui par leurs contraintes techniques, financières et opérationnelles, rendent très Le small business act réservé aux Outre-mers compliquée voire impossible la participation des PME. L’article 73 de la loi du 28 février 2017 relative à l’éga- Alors qu’une brèche avait d’ores et déjà été ouverte en lité outre-mer et son décret d’application n° 2018-57 du matière de marchés de partenariat(11), et que l’ordon- 31 janvier 2018 ont autorisé les acheteurs des collec- nance n° 2020-738 du 17 juin 2020 portant diverses tivités ultramarines à réserver un tiers de leurs mar- mesures en matière de commande publique avait elle- chés aux PME, sous réserve que l’intervention de ces même introduit des dispositions similaires mais transi- dernières ne dépasse pas 15 % du montant des mar- toires en faveur des PME, l’article 131, V de la loi ASAP chés passés dans le secteur en cause au cours des cinq rend désormais pérenne l’obligation faite aux titulaires dernières années(10). Le décret a également prévu à titre d’un marché global de réserver une part minimale de expérimental pour une durée de cinq ans que l’ensemble l’exécution du contrat aux PME ou à des artisans. Cette des soumissionnaires devront désormais obligatoire- part minimale sera définie par décret mais ne devrait ment produire dans leurs offres un « plan de sous-trai- pas être inférieure à la part de 10 % fixée par l’ordon- tance » aux PME locales (applicable uniquement aux nance n° 2020-738 qui est également celle applicable marchés d’une valeur supérieure à 500 000 euros HT). aux marchés de partenariat afin d’avoir une incidence L’absence de recours aux PME locales sous-traitantes réelle sur la participation des PME à ces marchés. Il doit être expressément justifiée au sein du plan de sous- n’est d’ailleurs pas inintéressant de rappeler que le traitance. Cette mesure aura certainement, après ana- rapport au Président de la République relatif à l’ordon- lyse, vocation à être pérennisée, tant la situation des nance n° 2020-738 justifiait la mesure en ces termes : PME en outre-mer, notamment dans le domaine des tra- « L’article 2 étend à tous les contrats globaux du Code de vaux publics, est fragile. la commande publique le dispositif en faveur des PME prévu pour les marchés de partenariat par l’article L. 2222-4 du CCP. Il impose qu’au moins 10 % de l’exécution du marché soient confiés à des PME ou des artisans et que la part que l’entreprise s’engage à confier à des PME ou à des artisans constitue un critère obligatoire d’attri- (8) Voir CCP, art. R. 2191-7. (9) A. Maurel, « Smart city et commande publique : entre obliga- tion et opportunité », Fiche pratique, Contrats et Marchés publics (11) CCP, art. L. 2213-14 qui prévoyait que les titulaires de marchés n° 6, juin 2020. de partenariat doivent réserver une part minimale de l’exécution (10) G. Clamour, « Very Small business act outre-mer », Contrats et du contrat aux PME et aux artisans (part fixée à 10 % par l’article Marchés publics n° 3, mars 2018, comm. 55. R. 2213-14 du CCP). Contrats Publics – 217 - Février 2021 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ 45 CPC217_.indb 45 08/02/2021 13:49
Dossier L’accès privilégié des PME à la commande publique au travers des dispositions de la loi ASAP bution du contrat. La période de relance de l’économie cadre des procédures d’appel d’offres restreint, de mar- après l’épidémie de covid-19 pourrait s’accompagner ché négocié et de dialogue compétitif, à fixer un nombre d’un fort recours à des marchés de ce type. Étendre ce minimal de petites et moyennes entreprises admises critère à l’ensemble des contrats globaux du CCP per- à présenter une offre, les dispositions des articles 60, mettrait de soutenir les PME fragilisées par cette crise 65 et 67 du code des marchés publics, applicables res- en leur facilitant l’accès à ce type de contrat ». Espérons, pectivement aux trois procédures précitées, conduisent en effet, que si les acheteurs publics, dont on sait qu’ils nécessairement à faire de la taille des entreprises un représentent des acteurs incontournables de la relance critère de sélection des candidatures ; qu’un tel cri- économique dans cette période de crise, recourrons à tère qui n’est pas toujours lié à l’objet du marché revêt ces contrats globaux pour faire exécuter des opérations un caractère discriminatoire et méconnaît le principe d’ampleur, les PME et les artisans auront toute leur d’égal accès à la commande publique ; que, par suite, place dans cette dynamique, et non pas que les miettes le Syndicat entreprises générales de France-Bâtiment laissées par les grands groupes… travaux publics… sont fondés à demander l’annulation du troisième alinéa du paragraphe I de l’article 60, du Pendant à cette obligation, les acheteurs devront éga- quatrième alinéa du paragraphe I de l’article 65 et du lement, aux termes de l’article L. 2152-9 du CCP, tenir quatrième alinéa du paragraphe I de l’article 67 du code compte de la part d’exécution du marché que le soumis- des marchés publics annexé au décret du 1er août 2006 ». sionnaire s’engage à confier à des PME ou à des artisans parmi les critères d’attribution des marchés globaux. Cette disposition existait pour les marchés de partena- riat(12). Elle a évidemment pour objet de renforcer la part Plus de souplesse pour les entreprises des prestations réservées aux PME dans les marchés réputées « en difficulté » globaux, puisque l’acheteur pourra assez facilement Le régime des interdictions de soumissionner avait été (bien qu’il faille nécessairement que ce critère soit lié assez fortement marqué par les évolutions apportées à l’objet du marché global comme l’impose le Code de par la réforme du droit de la commande publique(16). On le la commande publique(13) et la jurisprudence(14)) définir sait, le droit interne avait finalement transposé les inter- un critère d’attribution lié à la part du marché global dictions de soumissionner obligatoires et facultatives(17). confiée aux PME. Il est toutefois probable que l’acheteur Parmi les interdictions obligatoires, figure l’interdiction ne pourra se départir d’une analyse assez fine du mar- de soumissionner liée à la situation de l’entreprise vis- ché économique dans lequel interviendra le contrat glo- à-vis de sa situation juridique et financière, en lien avec bal afin de déterminer le pourcentage réservé aux PME les procédures de sauvegarde prévues par le Code de et artisans à titre de critère d’attribution. commerce(18). Jusqu’à l’intervention de l’ordonnance En effet, selon le marché concerné, fixer une fraction n° 2020-738 du 17 juin 2020, le Code de la commande élevée du contrat réservé aux PME (l’intention serait publique(19) imposait l’exclusion des soumissionnaires évidemment louable) pourrait être considéré par le juge soumis à la procédure de liquidation judiciaire prévue comme n’étant pas correctement lié à l’objet du marché à l’article L. 640-1 précité du Code de commerce, ainsi ou à son exécution ; voire rendre cette exécution délicate notamment que les opérateurs admis à la procédure de ou trop complexe. Comme souvent lorsque les ache- redressement judiciaire instituée par l’article L. 631-1 teurs disposent de liberté en matière de commande pu- du Code de commerce ne justifiant pas avoir été habili- blique, l’analyse risque/avantage conduira assez certai- tés à poursuivre leurs activités pendant la durée prévi- nement à ce que le pourcentage minimal qui sera prévu sible d’exécution du marché. L’ordonnance n° 2020-738 par décret ne soit guère dépassé s’agissant des critères du 17 juin 2020 avait ouvert une véritable brèche dans le d’attribution du contrat global. Rappelons d’ailleurs que régime des interdictions de soumissionner relevant de le Conseil d’État avait censuré très directement les dis- l’article L. 2141-3 précité puisqu’elle admettait, à titre positions du décret du 1er août 2006 portant Code des temporaire, qu’une entreprise admise à la procédure marchés publics qui permettaient de fixer un nombre de redressement judiciaire mais bénéficiant d’un plan minimal de PME à présenter une offre dans le cadre de redressement ne puisse plus être exclue de la pro- de certaines procédures au vu du risque que la taille cédure de passation d’un marché ou d’une concession. de l’entreprise ne devienne un critère de sélection des La loi sous commentaire sanctuarise cette mesure de candidatures non lié à l’objet du marché(15) : « Considé- souplesse. Désormais le droit commun applicable aux rant qu’en autorisant les pouvoirs adjudicateurs, dans le contrats relevant du Code de la commande publique interdit définitivement d’exclure les entreprises au seul (12) CCP, art. L. 2222-4. (13) CCP, art. L. 2152-7. (16) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du (14) Voir récemment CE 25 mai 2018, Nantes Métropole, req. 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant n° 417580 en matière de critères RSE du soumissionnaire ; la directive 2004/18/CE. CE 9 novembre 2018, Société Savoie, req. n° 413533, Contrats- (17) C. David, L. Midol-Monnet, « La transposition des "interdictions Marchés publ. 2019, comm. 6, obs. M. Ubaud-Bergeron s’agissant de soumissionner", entre continuité et rupture », Contrats publics – d’un sous-critère lié au montant des pénalités de retard proposées Le Moniteur 2015, n° 158, p. 63. par les soumissionnaires. (18) Code de commerce, art. L. 640-1 notamment. (15) CE 9 juillet 2007, req. n° 297711, Rec. CE. (19) CCP, art. L. 2141-3. 46 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ Contrats Publics – 217 - Février 2021 CPC217_.indb 46 08/02/2021 13:49
Dossier L’accès privilégié des PME à la commande publique au travers des dispositions de la loi ASAP motif qu’elles seraient en procédure de redressement teurs peuvent conclure un marché de travaux sans pu- judiciaire dès lors que ces dernières justifieront d’un blicité ni mise en concurrence préalables. Alors même plan de redressement (sans qu’il soit d’ailleurs néces- que ce seuil avait déjà été relevé à 40 000 euros par le saire pour l’acheteur de vérifier que le plan de redresse- décret n° 2019-1344 du 12 décembre 2019 modifiant cer- ment couvre la durée prévisible d’exécution du marché). taines dispositions du Code de la commande publique relatives aux seuils et aux avances (mesure présen- Corollaire à cette interdiction (qui avait fait l’objet d’un tée par Bercy comme pleinement en faveur de l’accès amorçage pour les marchés de l’État et ses établis- des PME à la commande publique), la loi ASAP prévoit, sements publics dans les conditions prévues par l’ar- jusqu’au 31 décembre 2022 un relèvement du seuil à ticle 38 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à 100 000 euros hors taxes. Cette mesure est, là encore, diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres un moyen très fort de cibler les TPE/PME et d’utiliser mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de la commande publique comme un levier économique l’Union européenne), l’article L. 2195-4 du CCP interdit en leur faveur. Dans sa décision n° 020-807 DC du 3 dé- également aux acheteurs de résilier le contrat conclu Loi ASAP : quels impacts sur la commande publique ? cembre 2020, le Conseil constitutionnel a balayé le grief avec un opérateur qui se trouverait, en cours d’exécu- tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant tion du marché, en redressement judiciaire (excepté les la commande publique des dispositions y afférentes de hypothèses de résiliation de plein droit prévues au III de la loi ASAP aux motifs pris que : « 56. En premier lieu, l’article L. 622-13 du Code de commerce), en omettant il ressort des travaux parlementaires qu’en instaurant étonnamment de réserver cette hypothèse aux seules ce seuil de dispense, le législateur a entendu faciliter la entreprises bénéficiant d’un plan de redressement. En passation des seuls marchés publics de travaux, en al- période de turbulences économiques comme celle que légeant le formalisme des procédures applicables, afin nous vivons actuellement, cette souplesse vis-à-vis des de contribuer à la reprise de l’activité dans le secteur entreprises temporairement placées sous le régime de des chantiers publics, touché par la crise économique la procédure de redressement judiciaire fait figure de consécutive à la crise sanitaire causée par l’épidémie de bon sens. Il est certain que pour l’acheteur, il existe un covid-19. En fixant au 31 décembre 2022 la fin de cette risque non négligeable que le titulaire placé en redres- dispense, le législateur en a limité la durée à la période sement judiciaire ne puisse pas exécuter jusqu’à son qu’il a estimée nécessaire à cette reprise d’activité. 57. terme et dans les conditions prévues par le contrat, le En second lieu, cette dispense n’exonère pas les ache- marché ou la concession. Toutefois, il relève également teurs publics du respect des exigences constitution- de « l’intérêt général économique » que les entreprises, nelles d’égalité devant la commande publique et de bon et tout particulièrement les PME, soient soutenues usage des deniers publics rappelées à l’article L. 3 du de la meilleure manière possible, a fortiori lorsque la Code de la commande publique ». conjoncture est susceptible de les fragiliser financière- ment. Or, admettre une résiliation de plein droit au profit Dans le paysage bien sombre que le Covid-19 dessine de- de l’acheteur au seul motif que le titulaire du contrat est puis de nombreux mois, on ne peut que saluer les efforts en redressement judiciaire conduit à réduire encore un du gouvernement en matière de soutien aux entreprises. peu plus les chances de rebond de cet opérateur. C’est Les efforts déployés en faveur des PME sont plus que donc une contribution des acheteurs relevant du Code bienvenus, mais ne suffiront pas, à terme, à accroître de de la commande publique, certes contrainte, mais qui a manière pérenne leur place et leur importance au sein le mérite d’exister, d’accompagner du mieux possible les des contrats de la commande publique. Il semble donc entreprises en difficulté au moyen des marchés et des toujours plus nécessaire qu’une grande coordination eu- concessions. ropéenne puisse enfin aboutir pour consacrer un cadre Cette contribution passe également et très directement juridique contraignant en faveur des PME sur le modèle par le relèvement du seuil en dessous duquel les ache- américain. Contrats Publics – 217 - Février 2021 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ 47 CPC217_.indb 47 08/02/2021 13:49
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