L'éveil d'une conscience - Anne Vallières and Anne-Marie Dufour - Érudit
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Document generated on 09/07/2021 11:56 a.m. Continuité L’éveil d’une conscience Anne Vallières and Anne-Marie Dufour Le patrimoine au fil du siècle Number 83, Winter 1999–2000 URI: https://id.erudit.org/iderudit/16830ac See table of contents Publisher(s) Éditions Continuité ISSN 0714-9476 (print) 1923-2543 (digital) Explore this journal Cite this document Vallières, A. & Dufour, A.-M. (1999). L’éveil d’une conscience. Continuité, (83), 65–70. Tous droits réservés © Éditions Continuité, 1999 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
Avis et prises de position| Le Conseil des monu- L'ÉVEIL D'UNE CONSCIENCE ments et sites du Québec jette un regard sur 25 ans d'action « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. » Cette pour la sauvegarde du patrimoine. maxime de La Fontaine pourrait être celle des organismes de défense du patrimoine. Au fil du temps, ils ont avec détermination affirmé sur la place publique la nécessité de renouveler notre rapport aux témoins de notre histoire. Un bilan de quelques décennies d'action patrimoniale. p a r Anne Vallières et Anne-Marie Dufour D a n s une métaphore de la mémoire, Freud affirme que «le moine bâti émerge vigoureusement dans tout le monde occiden- développement le plus paisible de toute ville implique des tal à partir des années 1960. démolitions et des reconstructions de bâtisses». Si, jusqu'à l'ère Au Québec, de grands pas ont été accomplis dans ce domaine, industrielle, le processus de la démolition équilibrait celui de la mais trop souvent, encore, des pans significatifs de notre construction, le XXe siècle est marqué par une approche urbanis- mémoire collective disparaissent ou sont dénaturés de manière tique qui préconise la démolition de façon radicale. Désormais, irréversible. Des bâtiments institutionnels, industriels ou rési- pour construire la ville, on n'hésite pas à faire place nette. C'est dentiels dont la valeur patrimoniale est reconnue collectivement ainsi que, par réaction, un mouvement de préservation du patri- sont ainsi perdus à tout jamais. 1. IN MEMORIAM L e couvent de Montmagny, ont été démolies à la hâte en pourtant classé monument his- 1992. À Montréal, la maison torique en 1982, est acquis et Van Horne, démolie en 1973, démoli par la municipalité suscite une prise de conscience -1IW Esifl •M'-MB?*" '""i quatre ans plus tard. Celui de de la fragilité du patrimoine la Malbaie, érigé en 1876, dis- paraît en 1997, bien qu'il soit inscrit dans une zone d'intérêt patrimonial identifiée dans le schéma d'aménagement de la devant le projet des promo- teurs: dans le sillage de cette démolition est né Sauvons Montréal. Même les sites archéologiques ne sont pas 1 uJtuu-H MRC. En 1987, l'usine épargnés. Celui de la première Wabasso de Trois-Rivières église de Saint-Joachim à (construite en 1908) est rasée, Châteauguay, un site à fort - — contre la volonté de plusieurs potentiel archéologique, a été organismes et citoyens, pour détruit en 1992 lors de l'agran- faire place à un bâtiment com- dissement du collège Héritage. niale soit incontestable. Le A proximité de l'Hôpital Sainte- mercial tout à fait commun. À Parfois, c'est leur abandon pro- Montreal Hunt Club, construit Justine, le Montreal Hunt Club Hull, la maison Hammond, longé qui a raison de bâtiments en 1897, est aujourd'hui sur le en 1989. Dix ans plus tard, construite entre 1860 et 1870 très anciens. C'est le sort qui point de s'effondrer à cause du il est à l'agonie. et l'une des plus anciennes de menace la maison Gauvreau laxisme de son propriétaire Photo: Continuité la ville, n'existe plus. A Saint- de Rimouski qui, en attente (l'Hôpital Sainte-Justine). Constant, les maisons Bail- d'être restaurée, subit les Plus subtilement, mais de patrimoniaux est parfois lié à largeon et Camyré, toutes deux affres du temps, bien que sa manière tout aussi irrémédiable, leur dénaturation. Qu'on pense témoins de la rébellion de 1837, valeur symbolique et patrimo- le dépouillement des bâtiments au déplacement des édifices m numéro quatre-vingt-trois c
|Avis et prises de position de leur emplacement d'ori- en Gaspésie, illustre bien banque présente sur le site En demeurant bien vivant, le gine. C'est alors toute la rela- toute l'absurdité de cette prati- devait être intégrée au nou- souvenir de ces pertes et tion entre le bâtiment et son que... Il existe aussi certains veau bâtiment. Cependant, ce d'innombrables autres devrait environnement qui est effacée. subterfuges qui deviennent que l'on aperçoit aujourd'hui à tout le moins nous permettre Le cas du phare de Pointe- extrêmement trompeurs. Par n'est que la reconstitution des de tirer des leçons pour à-la-Renommée, transporté de exemple, lors de la récente façades de l'édifice qui devait l'avenir. son lieu d'origine à Québec, construction du complexe de être conservé mais qui n'existe puis heureusement retourné l'ENAP, à Québec, l'ancienne plus... 2. LE VIEUX-PORT DE QUÉBEC En 1989, des tubulures publique. Le rapport de ce métalliques installées sur la ter- comité est déposé en 1990 et rasse en b o r d u r e du fleuve plusieurs recommandations cachent complètement la vue vont dans le sens des demandes vers la vieille ville. exprimées par le CMSQ. Il pré- Photo: Pierre Larochelle conise notamment de respecter trois réalités fondamentales qui A u m ê m e endroit, après le caractérisent le site: il s'agit réaménagement effectué au d'un port de mer actif, d'un d é b u t des années 1990, le pas- lieu historique remarquable et sant p e u t admirer la ville d'un d'un lieu de détente que fré- seul coup d'œil. En 1999, un quente la population. nouveau p r o j e t menace encore Plusieurs revendications de la de soustraire la ville aux Coalition sont considérées à regards. partir de 1991 : les structures Photo : Anne Vallières aériennes et l'édifice du Havre sont démolis et le risque qu'un elles viennent créer une bar- cinéma IMAX s'implante en rière physique entre le quartier bordure du bassin Louise est 1} i p t m m historique et le fleuve. En 1988, l'imminence de la cession des terrains et bâti- écarté. Par contre, le hangar du Vieux-Marché est toujours en place et, en 1994, l'école ments de la Pointe-à-Carcy navale militaire s'installe le à un promoteur immobilier long des quais. Le projet — •- '* incite une soixantaine d'orga- annoncé récemment d'aména- /iSSSSS'' „„",." Ml MM! ' nismes à former la Coalition ger un terminal pour les navires : : ~ 1 • l m m m pour la sauvegarde du Vieux- de croisière, avec l'érection de passerelles aériennes, ravive les n '. Port. L'année précédente, les —'- j projets soumis lors d'un appel plus grandes inquiétudes... d'offres lancé par les autorités Le Vieux-Port est un lieu pu- 1 fédérales prévoyaient sur le blic que deux millions de L a fin des années 1980 et tés marquant le 450'' anniver- site la construction d'au moins personnes fréquentent annuel- le début des années 1990 saire du voyage de Jacques une tour de plusieurs étages, lement. Il constitue une fenêtre auront été marqués par la lutte Cartier en Nouvelle-France. d'unités résidentielles et de exceptionnelle sur le paysage populaire épique engagée pour De nouveaux bâtiments sont commerces. régional. Aucune vocation ne la sauvegarde du Vieux-Port érigés sur la Pointe-à-Carcy, de En 1989, la Coalition remporte devrait réduire son accessibi- de Québec, lutte dans laquelle même que des structures t i t u - une victoire importante alors lité, hypothéquer les perspec- le CMSQ a été un acteur laires tridimensionnelles, des que le gouvernement fédéral tives visuelles remarquables, important. passerelles aériennes, une tour décrète un moratoire sur tout ni s'opposer à sa nature Les premières interventions de d'observation et une scène projet de d é v e l o p p e m e n t . profonde d'installation por- réaménagement du site débu- extérieure. Ces interventions Ottawa annonce la formation tuaire et maritime. tent de manière hâtive au début sont c o m p l è t e m e n t décon- du Comité consultatif sur des années 1980 et s'inscrivent nectées du tissu dans lequel l'avenir de la Pointe-à-Carcy dans la préparation des festivi- elles s'insèrent et, pire encore, chargé de tenir une consultation PS 0 numéro quatre-vingt-trois
Avis et prises de position! 3. PLACE-ROYALE D e p u i s la fondation du pement à privilégier. Pourtant, CMSQ en 197.5, le dossier de lorsque de nouvelles proposi- Place-Royale revient régulière- tions de restauration sont dévoi- ment à l'ordre du jour. Ce lées en 1995, elles semblent chantier de restauration, que le faire fi de tout le cheminement gouvernement provincial a pris accompli en prônant la muséi- en charge dès le début des fication de l ' e n s e m b l e . Le années 1960 et jusqu'à la fin plan-image présenté alors des années 70, traduit les pre- réserve un maigre 17% de la miers efforts de protection du superficie totale à l'habitation. patrimoine à Québec. Au-delà L'augmentation de ce pour- de la question de l'approche centage dans la version finale qui a largement été contestée du programme proposé en depuis, le plus grand problème 1999 s'est faite au détriment du secteur est que les rési- des qualités du tissu urbain. dants qui l'ont quitté n'ont En effet, la densification jamais été remplacés. à outrance des parcelles com- Le d é b u t des années 1980 promet définitivement leur marque un changement dans potentiel pour des typologies la gestion de Place-Royale. résidentielles adaptées au lieu. Le gouvernement du Québec Ce projet constituait une occa- devient un partenaire de sion u n i q u e d'élaborer un question d'aménagement ur- Près de 40 ans d'intervention et la Ville de Québec et de nou- véritable plan d'aménagement bain. Le CMSQ espère que les de controverse à Place-Royale. velles préoccupations relatives de Place-Royale, en tenant autorités qui ont adhéré à cette Photo: Pierre Lahoud à la qualité de vie et à la revita- compte des préoccupations convention sauront s'y confor- lisation économique commen- des citoyens. Le statut de ville mer lorsque des interventions cent à être prises en compte. du patrimoine mondial est seront envisagées à Place- De nombreuses études sont certes prestigieux, mais il com- Royale ou ailleurs dans le menées pour tenter de répon- porte aussi des responsabilités, Vieux-Québec. dre aux intérêts de la popula- dont celle de tenir un véritable tion vis-à-vis des orientations débat public, selon les critères de sauvegarde et de dévelop- de l'UNESCO, lorsqu'il est 4. LES DOMAINES CATARAQUI ET JOLY-DE LOTBINIÈRE L e s énergies que le CMSQ a cette époque, la menace domaine sera restauré pour vale, mais des travaux majeurs déployées pendant de nom- d'amputation du domaine avait accueillir différentes fonctions. de restauration des bâtiments breuses années auront contri- entraîné la coalition d'une Quant au Domaine Joly-De doivent être entrepris rapi- bué à mettre en valeur deux vingtaine d'organismes régio- Lotbinière, il est exproprié par d e m e n t . La Fondation du joyaux de notre patrimoine naux (dont le CMSQ) œuvrant le gouvernement du Québec Domaine Joly-De Lotbinière bâti: le domaine Cataraqui, à dans les domaines de la cul- en 1967. Jusqu'en 1992, le site est mise sur pied afin d'orienter Sillery, et le Domaine Joly- ture, de l'histoire et de l'écolo- n'a pas de vocation précise et ces interventions et de projeter De Lotbinière, sur la pointe gie. De 1983 à 1994, les projets sa protection est assurée grâce l'avenir du site. L'engagement Platon, à Sainte-Croix. de mise en valeur se succèdent au bénévolat et au dévoue- de très nombreux partenaires Bien qu'il ait été classé et mais aucun ne reçoit l'aval du ment d'organismes du patri- permet de mener à bien toute acquis par le gouvernement gouvernement. Le CMSQ moine et à l'initiative de la l'opération de sauvetage. En québécois en 1975 et avant maintient une surveillance Société linnéenne, en collabo- 1999, le Domaine est classé même que sa vocation d'en- étroite et réitère ses exigences ration avec le ministère des par le ministère de la Culture semble ne soit définie, le aussi souvent qu'il le faut: Loisirs, de la Chasse et de la et des Communications qui domaine Cataraqui a été mor- l'intégrité du domaine doit Pêche. En 1992, le CMSQ est reconnaît ainsi l'un des sites celé au début des années 1980 être préservée et son accessibi- désigné comme gérant du site. patrimoniaux les plus excep- afin de permettre l'érection de lité publique, maintenue. En L'accessibilité des lieux est tionnels du Québec. la maison Michel-Sarrazin. À 1994, on annonce enfin que le assurée durant la période esti- [67j numéro quatre-vingt-trois o
[Avis et prises de position 5. LA CÔTE D'ABRAHAM 6. LE PATRIMOINE NATUREL E n septembre 1986, la Ville de Québec signe un protocole L a création des premiers parcs nationaux s'est inscrite dans une d'entente avec la compagnie Citicom de Toronto, lui accordant vision unidimensionnelle de la conservation du patrimoine natu- l'exclusivité de 400 000 pieds carrés de terrains vacants au cœur rel. À l'époque, les politiques d'aménagement éliminaient des du quartier Saint-Roch. En retour, la compagnie doit y dévelop- lieux toute trace d'occupation humaine. Exemple éloquent, la per un projet immobilier de grande envergure. C'est le projet de création du parc Forillon, en Gaspésie, a été l'occasion de l'une la «Grande Place». En vertu de cet accord, le promoteur obtient des plus importantes expropriations de l'histoire du Québec: le droit de démolir une vingtaine de bâtiments très mal en point, 2000 propriétés ont été touchées, dont 350 comportaient des bâti- situés côte d'Abraham, dans un îlot faisant partie de l'arrondisse- ments, plus de 200 familles ont ment historique du Vieux-Québec. Cette menace sérieuse à été déplacées et 4 bourgs sont l'intégrité du patrimoine bâti disparus. Le bourg de Grande- entraîne la formation du Grève, partiellement épargné Comité pour la sauvegarde de et restauré à la fin des années la côte d'Abraham, objectif 1980, témoigne aujourd'hui de que le CMSQ appuie. Les cet épisode malheureux. positions du comité pèsent Bien que la population soit certainement très lourd dans le d e v e n u e plus sensible à la débat public sur le mégapro- protection du patrimoine natu- jet, qui devient le principal rel, la conciliation entre le enjeu électoral du scrutin développement touristique municipal de 1989. ou industriel et les objectifs de Heureusement, les bâtiments conservation se fait encore de la côte d'Abraham ont été difficilement. Les cas récents épargnés. En 1992, ils étaient de l ' a m é n a g e m e n t du site restaurés pour accueillir le (pourtant classé) de la chute complexe Méduse, regroupant Montmorency ou de la cons- divers organismes artistiques truction d'une centrale hydro- et culturels. Cette restauration électrique aux chutes de la marque la relance d'un déve- Chaudière en sont l'illustra- loppement plus respectueux tion. Si la conservation du des caractéristiques du quar- Le déplacement de la population patrimoine naturel constitue tier. Le plan de revitalisation entraîné par la création du parc une préoccupation croissante prévoit plusieurs étapes dans Forillon a suscité de nombreuses depuis 25 ans, les mandataires La côte d'Abraham à Québec une vision à moyen et à long réflexions sur la façon d'inter- de cette responsabilité se défi- vers 1900. terme, la seule acceptable venir pour protéger la nature et lent encore trop souvent... Photo : A V Q lorsqu'il est question d'aména- les paysages québécois. gement urbain. Photo: Parcs Canada 7. LE RÉSEAU ROUTIER L un des aspects les plus caractéristiques de l'aménagement de Un autre type de problème survient lorsque la route, particulière- nos milieux de vie au cours du dernier siècle est sans contredit la ment bien intégrée à un paysage, devient panoramique. Les sites mise en place du réseau routier. À partir des années 1950 et pen- qui la bordent sont alors très convoités. La volonté de contrer dant des décennies, la construction des routes est déterminée en cette pression peut empêcher un développement anarchique fonction du seul critère de l'efficacité de la circulation automobile. comme ce fut le cas dans la côte de la Miche, à Saint-Joachim. C'est ainsi que des démolitions massives sont entreprises Par contre, l'absence de critères de développement urbain bien et que le tissu des villes est déchiré. A Québec et à Montréal, des définis risque peu à peu d'entraîner la banalisation du paysage, quartiers entiers sont rasés pour accueillir les autoroutes au cœur comme le long du boulevard de Comporté, à la Malbaie. de la ville, tandis qu'à Trois-Rivières, l'autoroute tranche la ville La route est une construction quasi permanente, c'est une com- en deux. Bien que les projets de construction d'autoroutes urbaines posante majeure du milieu bâti. L'intégrité même de notre cadre soient aujourd'hui abandonnés, une certaine approche fonctionna- de vie est menacée si on continue d'ignorer l'impact du dévelop- liste préside encore trop souvent aux décisions d'aménagement pement du réseau routier sur les paysages humanisés. routier. Le triste cas de la réfection de la côte des Eboulements le démontre clairement. numéro quatre-vingt-trois
Avis et prises de position] 8. LE MONT ROYAL Principal point de repère spatial et symbolique de Montréal, le Symbole d'une ville, le mont Royal n'a mont Royal constitue assurément l'un des plus importants élé- ments identitaires de la ville: il lui a donné son nom et en a façon- jamais connu de répit quant à son avenir. né le développement. Le parc du Mont-Royal, conçu par Photo: Photos Pro Multi + inc. Frederick Law Olmsted (1876), et les cimetières Mount-Royal (1852) et Notre-Dame-des-Neiges (1854) ajoutent à sa valeur. Cependant, ce vaste espace libre en plein centre-ville a toujours été convoité par les promoteurs, plus particulièrement ces 20 der- nières années. Durant les années 1980, des projets de tout acabit ont menacé la montagne, notamment un centre de ski, un funicu- laire, un stationnement étage et un centre sportif. En 1985, l'oppo- sition à un ambitieux projet de construction d'une tour observatoire conduit à la création des Amis de la montagne. En 1987, la Ville de Montréal crée enfin un site du patrimoine dont le périmètre déborde largement le parc lui-même. Malgré ce statut juridique de protection, le projet de lotissement du site de l'ancienne Ferme sous les Noyers, actuellement en voie de réalisation, rappelle à quel point l'intégrité du mont Royal reste fragile. Les menaces sont nombreuses, particulièrement en ce qui a trait à la restructuration du système de santé étant donné que de gran- des institutions occupent une importante frange en bordure du parc. La création récente d'une table de concertation interminis- térielle ayant pour mandat de développer une vision globale de l'aménagement du mont Royal témoigne d'un problème de conservation complexe et dont l'issue est incertaine. Pourtant, il faudra tôt ou tard reconnaître que le mont Royal a une valeur patrimoniale qui dépasse largement les intérêts des propriétaires et des municipalités qui se le partagent. 9. LE COUVENT SAINT-ISIDORE 10. BIENS ARCHÉOLOGIQUES, U n dangereux précédent est survenu en 1995-1996 avec la BIENS PATRIMONIAUX démolition du couvent Saint-Isidore, à la suite de la décision de la Ville de Montréal de retirer au bâtiment le statut de bien cité L e CMSQ s'est prononcé à Bien qu'on ne puisse réclamer qu'elle lui avait octroyé en 1990 en vertu de la Loi sur les biens quelques reprises sur l'urgence la mise en valeur de la totalité culturels. L'édifice de 1852 était le dernier témoin significatif d'adopter une politique des vestiges archéologiques de l'ancien village de Longue-Pointe, dans l'Est de l'île de en matière d'archéologie. La québécois, ce cas soulève tout Montréal, secteur presque complètement démoli pour la cons- menace qui pesait sur les vesti- de même la question de la res- truction du tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine et l'extension ges archéologiques découverts ponsabilité de conserver ces du port. La décision de la Ville a alors soulevé un tollé chez en 1994 sur le site de Fau- vestiges. La collectivité est en les organismes de défense du patrimoine. Mais rien n'y fit. Le bourg Québec, au centre-ville droit de souhaiter q u ' u n e 6 juin 1996, l'édifice tombait sous le pic des démolisseurs. de Montréal, a même conduit administration municipale et le On est en droit de s'interroger sur la portée de la Loi sur les à la création du comité Avis et ministère de la Culture et des biens culturels si des enjeux politiques et économiques peuvent prises de position, région Communications imposent aux mener au renversement d'une décision prise en vertu de cette Ouest. L'empressement du promoteurs l'obligation de loi. En transférant ses responsabilités aux autorités municipales promoteur à réaliser son projet considérer la mise en valeur et régionales, le ministère de la Culture et des Communications résidentiel compromettait la des vestiges lorsque le poten- placerait-il le patrimoine dans une situation dangereuse? Les sauvegarde et la mise en valeur tiel archéologique du site où réflexions sur une éventuelle politique du patrimoine amorcées des vestiges d'un bastion ils entendent développer leurs cette année devront considérer le précédent créé par la démoli- des anciennes fortifications projets le justifie. tion du couvent Saint-Isidore et réévaluer la pertinence de de Montréal. L'importance du conférer aux villes le pouvoir de citer des biens patrimoniaux site étant supérieure aux atten- si ce pouvoir n'est pas assorti d'une obligation de responsabilité tes, il convenait de réévaluer en regard de ces biens. une partie du concept original. L6?JÉ numéro quatre-vingt-trois Q
|Avis et prises de position 11. LA FRAGILITÉ DES CENTRES-VILLES 12. LE PATRIMOINE RELIGIEUX La destruction de l'hôtel Queen - A la fois m o n u m e n t s du Dans cette perspective, le à Montréal ainsi que celle de culte et centres autour des- CMSQ a récemment participé nombreux autres bâtiments, quels les villes se sont structu- à l'exercice du Synode de dans un contexte de rées, les bâtiments religieux Montréal afin de nourrir la développement urbain sont porteurs de la mémoire réflexion sur des possibilités échevelé, marquent la ville de des communautés qui les ont d'utilisation du patrimoine façon indélébile. édifiés. Depuis quelques religieux. Il a n o t a m m e n t Photo: Héritage Montréal décennies, le Québec est proposé des critères généraux confronté à la désaffection mas- qui p e r m e t t e n t d'assurer sive de l'ensemble des lieux l'intégrité d'un bâtiment et de don dans la trame urbaine, liés à la pratique religieuse. son site. Dans un deuxième véritables plaies dans la ville, Paroisses et congrégations temps, la nécessité de réaliser indiquent comment les lois du se retrouvent avec des églises, un inventaire en vue d'une marché peuvent avoir des des couvents, des pensionnats, hiérarchisation des églises conséquences néfastes sur des chapelles de procession, à conserver est notamment - A u cours des 25 dernières l'aménagement urbain. Le pro- des cimetières dont elles ne ressortie du synode. années, plusieurs dossiers dans jet Overdale (1987) a ainsi lais- savent que faire. La déclaration conjointe du le centre-ville de Montréal ont sé de vastes terrains vacants L'église Saint-Julien à Lachute, ministère de la Culture et des mis en lumière la fragilité du là où se trouvait autrefois un inoccupée depuis 1996, est Communications, du diocèse contexte urbain et la nécessité quadrilatère résidentiel im- aujourd'hui en attente d'une de Québec et de la Ville de d'une planification cohérente. planté au tournant du siècle. nouvelle utilisation; l'église Québec sur la sauvegarde et la Les projets des promoteurs D'autre part, des infrastruc- Saint-Jacques-le-Majeur, à mise en valeur des églises vont souvent à l'encontre des tures urbaines comme la gare Clarenceville, a quant à elle été situées sur le territoire de la impératifs de conservation des Windsor, dont la localisation démolie en 1997. De tels exem- capitale ouvre la voie à de nou- milieux anciens. Toute inter- dans la ville est porteuse de ples sont révélateurs d'un velles solutions. De plus, le vention, particulièrement en significations, perdent leur phénomène plus large qui ministère de la Culture et des milieu dense, doit être le fruit valeur structurante quand se mènera nécessairement à des Communications prépare d'une réflexion sérieuse sur les concrétisent tout autour des choix difficiles. Une vision à actuellement un programme impacts qu'elle risque d'avoir d é v e l o p p e m e n t s à la pièce la pièce ne peut être ici que pour les églises désaffectées. sur la qualité de vie et le pay- sans égard pour les bâtiments stérile. sage urbain. La fragilité du en place. La ville doit être vue milieu impose une vision plani- comme un organisme com- fiée à long terme qui s'appuie plexe qui répond à ses propres notamment sur une connais- règles d'évolution. Sans vouloir sance approfondie du contexte tout figer, le développement d'intervention. doit s'opérer selon certains Des projets irréfléchis peuvent critères d'aménagement qui créer de dangereux précé- considèrent l'urbanisme et dents. Par exemple, de larges l'architecture. Anne Vallières et Anne-Marie Dufour sont agentes de liaison des comités portions de territoire à l'aban- Avis et prises de position au Conseil des monuments et sites du Québec. Comité Avis e t prises d e position d u Conseil des monuments e t sites d u Québec MEMBRES OUEST DU QUÉBEC POUR INFORMATION Jean Bélisle, historien de l'art; Yves Bellefleur, citoyen; Denise Caron, Anne-Marie Dufour, agente de liaison Comité APP, historienne; Claudine Déom, historienne de l'architecture; Anne-Marie région de l'Ouest du Québec. Dufour, maîtrise en architecture; Cristina lamandi, architecte; Nathalie Tél.: (514) 890-1318 Sénécal, historienne de l'art. Téléc.: (514) 890-1320 Anne Vallières, agente de liaison Comité APP, MEMBRES EST DU QUÉBEC région de l'Est du Québec. Daniel Arsenault, archéologue; Daniel Bouchard, avocat; Clermont 82, Grande Allée Ouest, Québec (Québec) G1R 2G6 Bourget, urbaniste; Bernard S. Gagné, architecte; Louis Gagnon, histo- Tél.: (418) 647-4347 ou 1 800 494-4347 rien de l'art; France Gagnon Pratte, historienne de l'architecture; Pierre Téléc.: (418) 647-6483 Larochelle, professeur en architecture; Michel Lessard, historien; Anne cmsq@megaquebec.net Vallières, architecte. îm z O numéro quatre-vingt-trois
Vous pouvez aussi lire