L'hybridation, nouveau business model pour les entreprises africaines de demain ? - BearingPoint
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Sommaire
Renouer avec la croissance grâce aux nouveaux modèles économiques . . 4
Quatre modèles économiques identifiés par l’étude BearingPoint . . . . . . . . . . . . . . 5
Les performances incontestables des nouveaux modèles économiques . . . . . . . . 6
Le modèle économique de demain sera hybride. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Repenser le portefeuille d’activités pour intégrer les nouveaux modèles
économiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
En Afrique, le mono business model domine, en forte corrélation
avec la maturité digitale des entreprises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Les grandes entreprises africaines sont essentiellement des fournisseurs
de services et des productrices et détentrices d’actifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
Créateurs de technologie en Afrique : des possibilités qui se multiplient mais
un potentiel insuffisamment exploité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Opérateurs de plateforme en Afrique : Jumia trace le sillon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
L’économie des plateformes, vecteur d’hybridation des modèles
économiques en Afrique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Le paiement mobile, un écosystème d’acteurs et un modèle hybride
par essence. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Les banques africaines évolueront progressivement vers un modèle
économique hybride, tiré par l’économie des plateformes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Agriculture : les secteurs traditionnels en Afrique s’ouvrent également
à l’hybridation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
Les start-ups africaines sont aujourd’hui le meilleur porte-étendard
des modèles économiques hybrides en Afrique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Thumbzup, des solutions de paiement tout-en-un. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
SunCulture, un modèle économique innovant au service des agriculteurs
africains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Mobisol, l’énergie solaire prépayée pour électrifier l’Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3Renouer avec
la croissance
grâce aux
nouveaux modèles
économiques
BearingPoint a conduit une étude analysant l’impact de l’adoption de
nouveaux modèles économiques par les 3 500 premières capitalisations
boursières en Europe et aux Etats-Unis sur la période 2010 – 2017,
démontrant comment ces dernières peuvent accélérer leur croissance
en adoptant et combinant des modèles économiques innovants, peu
capitalistiques et créateurs de valeur, et ainsi créer un avantage concurrentiel
important.
4Quatre modèles économiques identifiés
par l’étude BearingPoint
Pour comprendre la nature des modèles économiques d’aujourd’hui, nous avons travaillé avec OpenMatters,
société d’Intelligence Artificielle qui a étudié pendant les 5 dernières années la relation entre modèle économique
et performance économique, en partenariat avec le Centre d’études avancées en management (SEI) de la
Wharton School et la Harvard Business Review Press. L’étude a porté sur les données des 3 500 premières
Mono-Business
capitalisations boursières Model
en Europe Portefeuille
et aux Etats-Unis sur la période 2010 – 2017.de Business Models
L’analyse a identifié quatre modèles économiques distincts, montrant comment les entreprises répondent aux
Quatre business
besoins de leurs clients et interagissent models
avec eux, afin de principaux
créer de la valeur :
Producteurs et Fournisseurs de Créateurs de technologie Opérateurs de
détenteurs d’actifs services Développent et protègent plateforme
Extraient, fabriquent, Recrutent et forment un capital intellectuel, Créent et gèrent des
distribuent ou vendent des employés souvent des biens réseaux de personnes,
des biens physiques qualifiés et vendent immatériels aux coûts d’objets et
leurs services marginaux faibles, tels d’informations, facilitant
que les logiciels les interactions et les
transactions
Source : données d’OpenMatters et analyse de BearingPoint HyperCube®
Figure
Source 1 – Quatre
: données modèles
d’OpenMatters et économiques distinctsHyperCube®
analyse de BearingPoint identifiés par notre étude
L’exploitation de ces 4 modèles économiques par les entreprises étudiées se répartit comme suit :Les performances incontestables des
nouveaux modèles économiques
Alors que les entreprises traditionnelles sont des • Marges opérationnelles moyennes de 32 %
producteurs/détenteurs d’actifs ou des fournisseurs
de service, l’ère du digital a fait émerger les nouveaux Les créateurs de technologie et les opérateurs de
modèles tels que les créateurs de technologie et les plateforme ont placé au cœur de leur approche une
opérateurs de plateforme. Ces derniers semblent offrir plateforme digitale qui sert de place de marché à
un retour sur investissement nettement supérieur aux la fois pour leurs services mais aussi pour ceux de
modèles traditionnels. leurs partenaires. Ils ont abandonné la chaîne de
valeur traditionnelle, fixe et linéaire de la distribution
A titre d’exemple, les opérateurs de plateforme « tout de « produits » au profit d’une chaîne de valeur
en ligne » (Priceline, Facebook, Alphabet aux États- multidimensionnelle et multisectorielle orientée client.
Unis ou encore Just Eat au Royaume-Uni) ont été très Ils jouent quatre rôles principaux, interchangeables
performants : très rapidement : producteur, propriétaire, fournisseur
et consommateur.
• Taux de croissance annuel moyen sur 5 ans
d’environ 20 % (en Europe et aux États-Unis)
Les fortes économies ...une croissance axée …améliorent …ce qu’apprécient
d’échelles combinées avec... sur le réseau... la rentabilité… les investisseurs
Rendement moyen des actifs Taux de croissance annuel Marge opérationnelle moyenne C/CA moyen
moyen du CA sur 5 ans
Producteur/
détenteur d’actifs
Fournisseur
de services
Créateur
de technologie
Opérateur
de plateforme
10 20 30 10 20 30 10 20 30 2 4 6 8 10
C/CA : capitalisation boursière par rapport au chiffre d’affaires
Source : données d’OpenMatters et analyse de BearingPoint HyperCube®
Figure 3 – le modèle des opérateurs de plateforme est plus performant que les autres types de modèles économiques
6Ainsi, le modèle d’opérateurs de plateforme génère
un volume qui permet de réaliser des économies
“Les opérateurs de
d’échelle considérables, tandis que les données des plateforme ont abandonné
clients sont une source d’informations pour créer de
nouveaux services connexes innovants et de revenus la chaîne de valeur
publicitaires. L’apport de nouveaux clients est porté
par le réseau pour le compte de l’entreprise, ce qui traditionnelle, fixe et
réduit considérablement les coûts de promotion, de
marketing ou encore de vente. Ce modèle renforce linéaire de la distribution
également les leviers de compétitivité des entreprises,
qui sont plus résilients que les modèles économiques
de « produits » au profit
traditionnels.
d’une chaîne de valeur
multidimensionnelle et
multisectorielle orientée
client. ”
Business modelBusiness
traditionnel
model traditionnel Opérateurs de plateforme
Opérateurs de plateforme
Les entreprises d’aujourd’hui
Les entreprises
: linéaires
d’aujourd’hui
et en silos
: linéaires et en silos Les gagnants de demain
Les gagnants de demain
Les clients et marchés
Les clients
des tiers
et marchés des tiers
Vos clients Vos clients
et marchés et marchés
Vos clients Vos clients Utilisateurs Utilisateurs
et marchés et marchés finaux finaux
Digital Digital
Votre business Votre business Platform Platform
Vos produits, Vos produits, Innovations Innovations
services et donnéesservices et données de développeurs de développeurs
Vos produits Vos produits
et services et services
Les produits, services
Lesetproduits,
donnéesservices
des tiers
et données des tiers
3% Taux de croissance annuel moyen 2011-2016 18%
Figure 4 – Les opérateurs de plateforme ont une croissance plus rapide
7Le modèle Les entreprises les mieux valorisées au monde ont
réussi à diversifier leur portefeuille de modèles
économiques. Toutes les entreprises du top 5 mondial
économique de (Apple, Alphabet, Microsoft, Amazon, Facebook),
qu’elles soient natives du digital ou non, opèrent
demain sera hybride aujourd’hui un modèle économique hybride.
La combinaison de différents modèles économiques
Même si de nombreuses entreprises historiques permet aux entreprises traditionnelles d’accélérer leur
n’exploitent qu’un seul business model, certaines croissance et la création de valeur. Les producteurs
autres combinent d’ores et déjà les modèles et détenteurs d’actifs (modèle économique le plus
économiques, comme les entreprises pharmaceutiques répandu) qui ont réussi à diversifier leur portefeuille de
Diversifier le portefeuille de business models
qui développent de nouveaux médicaments (créateur modèle économique ont multiplié presque par 2 leur
de technologie) et fabriquent ces médicaments croissance et leur valorisation.
La combinaison de différents business models permet aux entreprises
(producteur/détenteur d’actifs).
traditionnelles d’accélérer leur croissance et la création de valeur. Les producteurs
et détenteurs d’actifs (business model le plus répandu) qui ont réussi à diversifier
leur portefeuille de business models ont multiplié presque par 2 leur croissance et
leur valorisation.
Légende Capitalisation boursière par rapport au chiffre d’affaires 2016 8%
Taux de croissance annuel moyen de 2011 à 2016
4%
x2
2.5x
1.8x
Mono-Business Model Portefeuille de Business Models
Source : données d’OpenMatters et analyse de BearingPoint HyperCube®
Quatre
Figure 5 – L’impact de la diversification business
des modèles models
économiques principaux
sur la croissance et la capitalisation boursière des
entreprises
Producteurs et Fournisseurs de Créateurs de technologie Opérateurs de
détenteurs d’actifs services Développent et protègent plateforme
8
Extraient, fabriquent, Recrutent et forment un capital intellectuel, Créent et gèrent des
distribuent ou vendent des employés souvent des biens réseaux de personnes,
des biens physiques qualifiés et vendent immatériels aux coûts d’objets et
leurs services marginaux faibles, tels d’informations, facilitantA titre d’exemple, Amazon est à la fois un gestionnaire
d’actifs avec sa vente à distance, un fournisseur de
services avec son cloud (première source de marge)
et un formidable orchestrateur d’écosystème avec sa
plateforme qui permet d’étendre l’offre de produits.
En 6 ans, la valorisation boursière d’Amazon a été
multipliée par 4. Ce que le marché valorise, c’est autant
la vision et la volonté d’investir dans des modèles à
très gros potentiel que la cohérence de l’expérience
client. Il ne s’agit donc pas d’effet de « bulle » dans
la valorisation des entreprises traditionnelles qui
investissent dans de nouveaux modèles économiques,
mais une appréciation légitime de leur potentiel.
2001 2010 2016
25%
13%
1% 1%
15%
5 mrds 80 mrds $ 350 mrds $ 50%
$
72%
98%
25%
Producteurs/ Fournisseurs Créateurs Opérateurs
détenteurs d’actifs de services de technologie de plateforme
Source : données d’OpenMatters et analyse de BearingPoint HyperCube®
Figure 6 – : une corrélation directe entre l’évolution du business model et la capitalisation
9Repenser le portefeuille d’activités
pour intégrer les nouveaux modèles
économiques
Le changement de modèle économique ne nécessite ressources de façon à permettre l’émergence
pas forcement une transformation radicale. Il est de nouveaux modèles économiques au sein de
possible d’opter pour une trajectoire évolutive et l’entreprise. Avoir de l’ambition et passer d’une
incrémentale, particulièrement pour les produits et logique d’expérimentations à petite échelle à
services existants. L’enjeu est de tracer ce sillon en une réelle volonté stratégique de développer de
maitrisant les technologies digitales, mais cela ne se nouveaux modèles économiques.
fera pas du jour au lendemain. • Mettre en place une gouvernance et une
organisation appropriées permettant de
Sur le plan opérationnel, parmi les barrières à maximiser l’effet synergétique entre les
l’évolution vers l’économie de plateforme, figurent nouvelles activités et les activités historiques.
l’inadéquation de la proposition de valeur aux besoins Piloter les nouveaux modèles économiques avec
des clients, la difficulté à monétiser les services un tableau de bord et les indicateurs adaptés
externes à l’entreprise, un manque d’ouverture du aux activités digitales.
système d’information, un manque de compétences et
une gouvernance pas toujours adaptée.
• Faire grandir rapidement son écosystème :
éviter le syndrome de « la poule et l’œuf » et
développer un écosystème de partenaires au
Six actions clés pour réussir avec un modèle
même rythme que l’acquisition client.
économique de plateforme et booster la croissance
ont été identifiées : • Développer une proposition de valeur
différenciante pour toutes les parties prenantes :
• Acculturer et mobiliser l’équipe dirigeante : les clients mais également les partenaires, qui
faire évoluer les mentalités en démontrant les sont d’une certaine façon aussi « clients » de la
opportunités offertes par la digitalisation, les plateforme. Adopter le design thinking et la co-
réseaux, les données et l’intelligence artificielle. création pour développer une offre pertinente et
Cerner comment intégrer de nouveaux modèles différenciante.
économiques dans le modèle existant pour
• Rendre son système d’information plus ouvert
booster la croissance et ce que cela implique et flexible et s’assurer que les solutions pour
pour les dirigeants et les actionnaires, tant en intégrer sa plateforme sont adaptées à la
termes de risques que d’avantages financiers. maturité technologique de ses partenaires,
• Diversifier le portefeuille de modèles prendre en charge les coûts d’intégration le cas
économiques : réallouer les capitaux et les échéant (API).
10Hardware OEM’s:
e.g. Foxconn
Other
Skateholders
ly
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Sponsoring/Discounts
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Ap her rien
c
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pric rgin
e Retail/Certified
e p s via
Apple rem
ium
Partners: e.g. Gravis Supplying and
Communities Enabling Network
Software Official
Developers: Accessory
e.g. Adobe Manufacturers:
e.g. Belkin
Googlé & Services Apple Store
Money & Credits Inofficial Logistics Partners:
Information Accessory e.g. TNT, UPS
Intangible Value Manufacturers
Source : BearingPoint, 2018
Figure 7 – Illustration du modèle de plateforme chez Apple
“Les entreprises les mieux valorisées
au monde ont réussi à diversifier leur
portefeuille de modèles économiques.
Toutes les entreprises du top 5 mondial
(Apple, Alphabet, Microsoft, Amazon,
Facebook), qu’elles soient natives du
digital ou non, opèrent aujourd’hui un
modèle économique hybride”
11En Afrique, le mono business model domine, en forte corrélation avec la maturité digitale des entreprises Si les plus grandes multinationales européennes et l’amélioration de leur efficacité opérationnelle et américaines se font le porte-étendard de nouveaux l’optimisation de leurs coûts, aux fins d’une meilleure modèles économiques, sous-tendus par le vecteur performance économique. digital, et exploités à travers une hybridation graduelle de leurs modèles actuels (pour les plus Plus frappant encore, les créateurs de technologie performantes d’entre elles), nous observons un et les opérateurs de plateforme sont quasi absents tout autre phénomène en Afrique, où les grandes lorsqu’il s’agit d’opérer un classement en termes entreprises dites « historiques » continuent d’opérer de chiffre d’affaires ou de capitalisation boursière selon les modèles classiques de détenteurs d’actifs des entreprises africaines. Cela ne veut pas dire ou de fournisseurs de services pour la plupart. pour autant que ces dernières ne créent pas de Ces entreprises, malmenées par une conjoncture technologie, ou sont incapables d’orchestrer des économique complexe du fait de la dévaluation écosystèmes d’acteurs à travers des plateformes des devises du continent et de la chute des prix des digitales, bien au contraire, les écosystèmes matières premières à partir de 2014, se concentrent d’innovation fleurissent à l’aune de la transformation aujourd’hui sur leur capacité de résilience à travers digitale tant attendue du continent. 12
Il convient cependant de souligner le cas particulier les entreprises, celle-ci reste néanmoins cantonnée
des grands opérateurs téléphoniques tels que MTN ou pour la plupart à des objectifs d’optimisation de la
Safaricom qui se sont distingués par la mise en place performance opérationnelle, de réduction des coûts et/
de plateformes de paiement mobile, dont l’émergence ou d’amélioration de la connaissance client.
a été imposée par les spécificités économiques du
continent et l’explosion de l’usage mobile.
Producteurs et détenteurs
Les grandes d’actifs
entreprises Du fait de la structure économique du continent,
l’exploitation et la valorisation des ressources
africaines sont
naturelles constituent un pan non négligeable de
l’économie africaine, et reste aujourd’hui l’apanage
de grandes sociétés pour la plupart étatiques, qui
essentiellement concentrent la majorité des activités de production
d’actifs en termes de chiffre d’affaires :
des fournisseurs
de services et des Sonatrach
Avec un chiffre d’affaires de 58,7 milliards de dollars
producteurs et en 2017, Sonatrach est la clé de voûte de l’économie
algérienne. Le groupe pétrolier et gazier intervient
détenteurs d’actifs dans l’exploration, la production, le transport par
canalisation, la transformation et la commercialisation
des hydrocarbures et de leurs dérivés. Il opère dans
La transformation digitale en Afrique s’impose plusieurs régions du monde, notamment en Afrique,
aujourd’hui dans la majorité des débats économiques en Europe, en Amérique latine et aux États-Unis.
et technologiques du continent. A juste titre, celle-ci
fait aujourd’hui figure de priorité dans bon nombre Pour relever les nombreux défis qui se présentent à
de plans stratégiques des entreprises. Nouveau lui dans une conjoncture marquée par des marchés
paradigme dans la création de valeur par et pour léthargiques, à cause des prix qui ne cessent de baisser,
13le groupe a lancé une stratégie de développement à national1. Le Groupe couvre une multitude de
l’horizon 2030, identifiant la transformation digitale domaines d’activités : extraction, transformation et
de tous les métiers de sa chaine de valeur comme exportation d’engrais phosphatés (cœur de métier),
catalyseur de ce développement. Selon les projections mais aussi le consulting, l’ingénierie, l’éducation, etc.
de la direction de l’entreprise, cette nouvelle stratégie
de développement permettra à Sonatrach de réaliser Le mastodonte marocain a placé la transformation
60 milliards de dollars de revenus supplémentaires digitale au cœur de sa stratégie de développement,
en 2030, et la digitalisation des activités pétrolières en mettant en place un ensemble d’initiatives qui
et gazières y occupe une place de choix. En effet, marquent clairement l’adoption d’une roadmap
selon l’Agence internationale de l’énergie, l’utilisation digitale d’envergure couvrant l’ensemble de sa chaîne
des technologies digitales existantes et émergentes de valeur ainsi que ses fonctions transverses. Il y a
pourrait augmenter les réserves mondiales tout d’abord la création d’une Joint-Venture avec IBM
techniquement récupérables de 3% pour le pétrole et (Teal Technology Services), qui soutiendra initialement
de 15% pour le gaz non conventionnel. OCP pour accélérer sa transformation digitale et
améliorer l’efficacité de ses opérations (prestations
Sonatrach est la seule compagnie pétrolière africaine à de conceptualisation et design, d’implémentation,
développer des activités depuis l’exploration pétrolière d’opérationnalisation et de maintenance). TEAL
jusqu’à la pompe à essence, lui conférant de facto un Technology Services mettra en œuvre des technologies
avantage compétitif certain tant sur les segments de pointe telles que l’analytique, l’informatique
B2B que B2C, du fait de sa couverture de l’ensemble cognitive et les objets connectés, et développera
de la chaîne de valeur. Néanmoins, l’ambition affichée des services innovants en s’appuyant sur l’expertise
de l’entreprise sur le volet digital se cantonne à date des équipes d’OCP et d’IBM pour ensuite fournir un
aux bénéfices productifs qu’elle peut en tirer, pour plus ensemble de services numériques aux entreprises
d’efficience et de rentabilité. En effet, aux dires même marocaines et africaines de tous secteurs d’activité.
du PDG de l’entreprise, la transformation digitale est Mais au-delà des aspects technologiques, OCP investit
destinée essentiellement à réduire structurellement également sur un nouveau mindset et de nouvelles
et durablement les coûts de développement et manières d’opérer, tout en valorisant ses compétences
d’exploitation qui sont élevés. Il souligne que « la et en mettant en œuvre des structures pour booster
maturité technologique et organisationnelle de sa transformation digitale : digital factory, digital lab,
Sonatrach amène à lancer une transformation digitale etc. Enfin, le groupe s’active également sur le volet de
graduelle ». En effet, les différents projets lancés dans la formation, qu’il considère, à juste titre, comme un
le domaine digital par l’entreprise visent l’amélioration levier structurant de cette transformation : la proximité
de la productivité économique, le renforcement de avec l’université Mohammed VI Polytechnique
l’économie de la production, ainsi que la gestion de (financée par OCP) et la création d’écoles de
plus d’opérations à distance. L’évolution du modèle programmation (école 1337 à Khouribga – sur le
économique de l’entreprise n’est donc pas à l’ordre du modèle de l’école 42 à Paris, YouCode à Youssoufia)
jour. témoignent de cette volonté de développement des
compétences digitales.
OCP Là encore, cette locomotive de l’économie marocaine
se concentre principalement sur la conception et le
1er exportateur mondial de Phosphates en 2017, déploiement de nouvelles capacités digitales dédiées
avec un chiffre d’affaires d’environ 5 milliards de à maximiser la valeur de ses différentes activités
dollars, 20 500 collaborateurs et 25% de parts de intrinsèques, sans pour autant se porter sur une
marché mondiales sur les produits phosphatés, le diversification de son modèle économique. L’OCP
groupe contribue à hauteur de 18% aux exportations reste en effet un producteur et détenteur d’actifs
nationales du Maroc et représente 4,2% du PIB couvrant l’intégralité de la chaîne de valeur du
1 Source: OCP Group, 2018
14phosphate. Les opportunités de « plateformisation » des pharmacies ou des magasins de spiritueux. Une
de son métier sont pourtant multiples, du fait de entreprise de billetterie est aussi gérée par le groupe.
l’écosystème d’acteurs intrinsèque à son cœur de Là encore, le modèle est basé sur la possession de
métier, notamment dans le domaine agricole. Ces points de ventes physiques à travers des magasins ou
opportunités restent néanmoins peu exploitées à date. via des entités autonomes, et ce malgré une bonne
pénétration du e-commerce sur le continent, qui a
généré 16,5 milliards de dollars en 20172. A date,
Shoprite le modèle de Shoprite se base exclusivement sur la
détention d’actifs et sa stratégie vise à développer le
Shoprite s’impose comme le plus grand détaillant volume de ces actifs.
du continent africain, en particulier sur les produits
alimentaires. En effet, cette entreprise sud-africaine, Malgré une réflexion lancée sur la stratégie digitale
qui a réalisé un chiffre d’affaires d’approximativement du Groupe, ce dernier reste pour le moment axé sur
9 milliards de dollars en 2017, peut compter sur une approche « magasins en propres », et tend à
plus de 2 800 points de vente en Afrique du Sud et démontrer que la détention d’actifs dans le secteur
en Afrique Subsaharienne. Elle emploie 150 000 du commerce, malgré une forte propension à la
personnes dont plus de 23 000 se trouvent en dehors digitalisation, reste aujourd’hui le modèle prééminent
de l’Afrique du Sud. dans un continent ou le commerce électronique doit
s’adapter aux spécificités locales (confiance, culture du
Les activités du groupe sont axées sur la possession cash, manque d’infrastructures, etc.).
de magasins en propre : des supermarchés mais aussi
2 Rapport de la firme de recherche Statista, 2018
Zoom : le m-commerce en Afrique, un exemple d’innovation frugale1 tirée par des modèles
économiques innovants
La digitalisation du commerce de détail est pourtant promise à un bel avenir en Afrique Sub-
Saharienne. Avec une classe moyenne fragile mais en croissance, de nombreux défis liés à
l’infrastructure, et une faible densité de magasins physiques, notamment dans les zones rurales et
enclavées, les pays sub-sahariens ont fait preuve de créativité en faisant un « saut numérique » du
commerce traditionnel au m-commerce2 et au commerce social. Les défis liés aux infrastructures, tel
que l’insuffisance des moyens de transport, les infrastructures bancaires et les services logistiques
inadéquats, ont inspiré les commerçants sub-sahariens pour développer des approches alternatives
grâce à l’économie des plateformes, en tirant parti des communautés de consommateurs pour
exercer certaines fonctions relatives au commerce de détail. La start-up africaine WeShopUp
constitue à ce titre un bel exemple. Il s’agit d’une marketplace e-business où les clients achètent en
masse pour obtenir des produits de qualité au meilleur prix. Un modèle économique qui combine le
concept de financement participatif, le commerce électronique et le paiement mobile en tant que
moyen innovant permettant aux personnes ayant différents niveaux de revenus de se procurer des
produits de qualité au meilleur prix.
1 L’innovation frugale correspond au cas où il existe un marché pour les populations à faible revenu pourvu que les entreprises sachent leur adresser des
produits correspondant à leurs moyens
2 En raison du faible développement des réseaux fixes, l’accès à Internet en Afrique se fait principalement par le biais du mobile et s’est développé
considérablement au cours des années précédentes. Cela a eu pour résultat le développement du m-commerce en premier lieu sur le continent
(comparativement au « e-commerce »)
15Fournisseurs de services Millions de dollars US en 2017. En parallèle, la banque
s’est diversifiée en proposant des solutions de crédit-
bail, de transfert de fonds ou d’assurance.
Le constat reste identique pour les grandes entreprises
africaines dédiées aux services, à la nuance près
Aujourd’hui, si la banque continue de voir ses
que le cœur de métier de ces dernières les a incitées
résultats progresser, elle fait face au bouleversement
à entamer « plus tôt » leur transformation digitale,
du marché bancaire africain notamment depuis
notamment au regard des retombées importantes en
la révolution numérique, l’explosion du paiement
termes de connaissance du parcours client, sans pour
mobile et l’émergence de FinTech continentales.
autant changer leurs modèles économiques.
En effet, ses marchés bancaires traditionnels sont
attaqués depuis de nombreuses années par des
« pure players » et des opérateurs télécoms proposant
Attijariwafa Bank
des offres de « Mobile Money » dont raffolent les
marchés d’Afrique subsaharienne. Pour y faire face, la
Attijariwafa Bank fait figure d’établissement bancaire
banque a lancé en 2016 la stratégie « Energie 2020 »
marocain historique. La banque est classée au 4ème
ayant notamment pour objectif de digitaliser ses
rang des banques africaines avec plus de 9 millions
processus et un ensemble de ses services, avec une
de clients et une présence dans plus de 25 pays du
orientation principalement autour de l’expérience
Maghreb, de l’Afrique Centrale et de l’Afrique de
client. Comme pour la plupart des détenteurs d’actifs
l’Ouest. Banque traditionnelle, elle opère un réseau
du haut du Top 500 africain, AttijariWafabank se
de 4300 agences en dur qui servent ses activités de
concentre exclusivement sur la digitalisation interne
banque de détail et de banque d’investissement.
et l’optimisation du parcours et de l’interaction client.
Des initiatives récentes laissent songer que la banque
La banque se place quasi exclusivement en fournisseur
s’orienterait vers un modèle d’opérateur de plateforme,
de services bancaires aux particuliers, professionnels
avec notamment le lancement du réseau « Attijari
et résidents étrangers. Elle propose également des
Business Link » destiné à mettre en relation des
solutions de financement pour les entreprises de
porteurs de projets, des investisseurs et des partenaires
grande taille et de plus en plus pour les TPE et PME.
potentiels. Cependant, la banque reste aujourd’hui
La gestion d’actifs ou le conseil en fusion acquisition
ancrée dans un modèle traditionnel de fournisseur de
viennent compléter sa gamme proposée qui lui a
services.
permis d’atteindre un résultat net consolidé de 730
16“À l’instar des géants informatiques tels que Google
et Facebook qui ont démarré comme start-ups et
qui génèrent aujourd’hui des milliards de dollars
de profits, l’Afrique veut voir émerger ses propres
entreprises en hypercroissance et surfer sur la vague
numérique, en proposant des modèles économiques
spécifiques au contexte du continent.”
Sanlam
Groupe Sud-Africain de services financiers diversifié
crée en 1918, SANLAM réalise en 2017, 87,6 Milliards
de dollars US de chiffre d’affaires, soit environ 25%
du PIB de l’Afrique du Sud. Il compte environ 21
000 employés présents dans plus de 25 pays et est
actuellement la plus grande institution (non bancaire)
de services financiers sur le continent Africain.
Le groupe est spécialisé dans les activités classiques
d’assurance vie (décès, invalidité, Epargne retraite)
et d’assurance non vie (biens matériels, accidents,
pertes de revenu commercial, cultures agricoles, etc.).
Il propose également en accord avec sa politique de
diversification, des services bancaires du type Gestion
des investissements (Gestion d’actifs entreprise,
gestion d’épargne particuliers), Crédits et structuration
(crédits personnels, gestion actif-passif, produits
dérivés, etc.) ou encore Administration (planification
successorale, trusts, testaments, etc.).
Malgré cette diversification vers les services bancaires,
Sanlam reste un opérateur exploitant le modèle
économique traditionnel de fournisseur de services,
qui s’efforce d’explorer les opportunités offertes par le
digital afin de proposer services innovants à ses clients
et partenaires.
17Créateurs de technologie en Afrique :
des possibilités qui se multiplient mais
un potentiel insuffisamment exploité
Alors qu’ils se hissent en haut du classement en termes proposant des modèles économiques spécifiques au
de capitalisation boursière en Europe et aux Etats- contexte du continent.
Unis, les créateurs de technologie en Afrique tendent
à se démarquer de plus en plus dans un continent Avec la généralisation de la téléphonie mobile
où l’économie est structurellement orientée vers et l’amélioration de la connectivité internet, les
l’agriculture, les matières premières et les services. possibilités qui s’offrent aux pays en développement
de participer à la conception et à la production de
La percée de ces entreprises est corrélée à l’émergence logiciels se multiplient.
d’un nouvel écosystème d’innovation africain. À
l’instar des géants informatiques tels que Google et En plus de contribuer à la transformation structurelle
Facebook qui ont démarré comme start-ups et qui des économies des pays, les débouchés sont de plus
génèrent aujourd’hui des milliards de dollars de profits, en plus nombreux pour les créateurs de technologie
l’Afrique veut voir émerger ses propres entreprises en dans les pays africains. Les marchés publics liés à
hypercroissance et surfer sur la vague numérique, en l’administration en ligne sont une source importante
Afrisofts, des logiciels faits en Afrique pour l’Afrique
Nouvelle dénomination sociale de l’entreprise ivoirienne SVPI créée en 1979, suite à l’acquisition
entre 1991 et 1999 de trois autres entreprises de la place, Afrisofts est un éditeur de logiciels et
prestataire de services informatiques.
Assez rare pour être souligné, l’entreprise Afrisofts met à la disposition des entreprises ivoiriennes
et des sociétés sous-régionales des logiciels développés localement et adaptés à leurs spécificités
en matière de gestion financière et commerciale. « Des logiciels écrits en Afrique, pour l’Afrique ». À
date, l’entreprise possède à son actif dix logiciels adaptés à différentes problématiques de gestion
spécifiquement africaines (paie, comptabilité, gestion des ressources humaines, gestion commerciale,
…) et couvre 10 pays d’Afrique Subsaharienne.
L’atout majeur de l’entreprise réside dans le service après-vente dont la proximité géographique et
culturelle est la clé de voûte. « Des logiciels écrits en Afrique, pour l’Afrique », slogan qui représente
la démarche de l’entreprise, s’est révélé être un atout mais aussi un handicap. Selon son fondateur,
paradoxalement, les Africains sont les plus réticents quant au label « conçu en Afrique ». La clientèle
reste cependant équitablement partagée entre les entreprises locales et les multinationales.
Anglogold, Coton Tchad, Electricité du Mali, Alcatel, Accor, Metalivoire, Telecel, le port autonome de
Lomé et bien d’autres comptent parmi les clients de la firme ivoirienne.
18de demande intérieure. Le marché des applications
mobiles destinées à améliorer l’accès aux médias
Opérateurs de
et aux divertissements locaux, aux services publics,
aux soins de santé, aux services d’information plateforme en
commerciale et aux transferts d’argent par téléphonie
mobile, s’étend. De plus, modernisation oblige, les
dépenses en logiciels et services informatiques sont
Afrique : Jumia
en recrudescence sur le continent, créant ainsi une
opportunité d’internaliser ces dépenses en créant des
trace le sillon
logiciels « made in Africa », dotés d’une orientation
commerciale spécifique aux contextes locaux. Cinq avancées digitales permettent à l’Afrique de
sauter des étapes de son développement et d’être
Il est cependant encore rare d’identifier des créateurs en passe de devancer les autres continents. Ces
de technologie « made in Africa », malgré quelques cinq sauts numériques, aussi appelés leapfrogs
exemples qui se démarquent timidement. (« dépassements »), touchent tous les pans de
l’économie africaine : les télécoms, les services
La quasi-absence d’héritage technologique laisse le financiers mobiles, l’e-commerce, l’e-gouvernement
champ libre aux pays du continent de tirer directement et l’économie des plateformes collaboratives.
profit des dernières technologies pour inventer et créer « Véritable laboratoire digital, l’Afrique est en
des modèles qui lui seront propres et ne ressembleront avance en matière d’économie numérique avec des
ni de près ni de loin aux modèles déjà expérimentés modèles qui consolident son développement et sa
sur d’autres marchés. transformation »3 .
3 Huet, Jean-Michel, Africa and the digital leaprog, Pearson, 170 pages, 2018
19A ce titre, Jumia constitue un très bon exemple. Cet finaux.
opérateur de plateforme, qui se rêve en « Amazon
africain », démontre que l’Afrique est un terreau plus Sur certains marchés, Jumia n’est cependant pas seul,
que fertile aux modèles économiques innovants, comme au Nigéria où il fait face à Konga ou en Côte
et que l’évolution et/ou la création d’une activité d’Ivoire où est présent Africashop.
d’opérateur de plateforme n’est pas l’apanage des
grandes sociétés historiques, et encore moins des Si Jumia fait figure de précurseur en Afrique en ce qui
entreprises européennes et américaines. concerne l’économie des plateformes, les écosystèmes
d’innovation du continent sont en pleine effervescence
Numéro 1 du commerce africain en ligne, Jumia est et font émerger de nouvelles entreprises qui ont pris le
présent dans 23 pays du continent et représente la pari d’opter dès le départ pour la plateformisation de
1ère licorne africaine4 avec une valorisation dépassant leur modèle économique.
le milliard de dollars. Élevé chez l’incubateur allemand
de start-up Rocket Internet, Jumia compte aujourd’hui
parmi ses actionnaires la multinationale sud-africaine
MTN Group, le groupe de téléphonie mobile suédois
Millicom, la banque d’affaires américaine Goldman
Sachs, l’opérateur français de télécommunications
Orange ou encore l’assureur français AXA.
Si au départ Jumia ambitionnait seulement de faire du
commerce en ligne en Afrique, le groupe a peu à peu
diversifié son offre en proposant de nouveaux services : “La quasi-absence
petites annonces, livraison de repas, réservation
d’hôtel, etc. Près de cinq ans après sa création, Jumia d’héritage technologique
est présent physiquement dans 23 pays africains,
qui représentent environ 80% de la population
laisse le champ libre aux
africaine et 90% du PIB du continent. Une croissance
pays du continent de tirer
phénoménale et très coûteuse qui a posé la question
de la durabilité de son modèle. La firme opte pourtant directement profit des
pour un schéma de type Amazon, qui crée le marché,
en devient le leader incontesté et le monétise ensuite. dernières technologies
Avec une stratégie de croissance à tout prix, la dernière
phase de développement de l’entreprise a consisté pour inventer et créer
à regrouper tous les sites du groupe (Market, Travel,
Food, Jobs, Deals, etc.) sous une marque unique, une des modèles qui lui
stratégie qui permet d’alléger certains coûts.
seront propres et ne
Souvent comparé à Amazon, Jumia est en réalité plus
proche du géant chinois du e-commerce Alibaba.
ressembleront ni de près
Tout d’abord parce que Jumia, tout comme Alibaba, ni de loin aux modèles
s’est lancé dans des pays émergents. Ensuite parce
que Jumia évolue vers un modèle économique déjà expérimentés sur
de marketplace, où la plateforme joue le rôle
d’intermédiaire entre vendeurs et consommateurs d’autres marchés”
4 En avril 2019, Jumia devient la première entreprise technologique africaine à
réussir une introduction au New York Stock Exchange à Wall Street
20Représentant la majeure partie des entreprises du top 500 africain en raison de leur poids
économique, les détenteurs et producteurs d’actifs ainsi que les fournisseurs de service du continent
ont adopté la transformation digitale de leurs activités comme axe stratégique et véritable levier de
développement.
Une étude récente conduite par le Gartner CIO Agenda Survey (2019) auprès de grandes entreprises
africaines indique que la moitié des organisations en Afrique ont changé ou sont en cours de
changement de modèle économique pour intégrer l’impact du digital.
Néanmoins, cette volonté de transformation reste aujourd’hui adossée à des « mono business
models » pour les grandes entreprises africaines, axée sur leur cœur de métier historique.
L’identification de modèles économiques innovants constituera probablement l’étape ultime
de cette vague de digitalisation, qui concerne en premier lieu l’amélioration des performances
opérationnelles, avant d’ouvrir la voie à des modèles économiques diversifiés en tant que leviers de
croissance et de création de valeur pour les clients.
La parallélisation de ces deux aspects n’étant pas antinomique, il reste fort à penser néanmoins
que l’hybridation des modèles économiques, des grands groupes aux start-up (chacune dans leur
catégorie) restera fortement tributaire de leur niveau de maturité digitale.
21L’économie des
plateformes, vecteur
d’hybridation
des modèles
économiques en
Afrique
L’étude des nouveaux modèles économiques tend à démontrer que l’élément
le plus disruptif dans l’hybridation provient de l’émergence des plateformes
digitales qui, en plus de contribuer à la diversification des modèles exploités, a
le mérite d’agréger des opérateurs tiers, porteurs eux-mêmes de leurs modèles
économiques respectifs. Il convient dès lors de se pencher plus en détail sur
cette « plateformisation » des modèles économiques en Afrique qui intervient,
contrairement aux schémas européen et américain, à une maille plus globale
pour couvrir et intégrer différents maillons de chaînes de valeurs des verticales
métier.
22Le paiement mobile, un écosystème
d’acteurs et un modèle hybride par
essence
Le paiement mobile est une tendance majeure et mobile, les opérateurs télécoms ainsi que les
disruptive concernant les modèles économiques en organisations tierces, facilitant ainsi les transactions
Afrique. La région témoigne en effet du plus grand sur un ensemble de verticales industrielles.
niveau de pénétration de « mobile money » dans
le monde, et plus de la moitié des opérateurs de Des pays comme le Nigeria et le Kenya sont devenus
téléphonie africains propose désormais des services des exemples puissants des réponses qu’apporte le
de paiement mobile. En plus des avantages certains paiement mobile aux besoins des populations non
au bénéfice de clients n’ayant pas accès aux services bancarisées, bouleversant profondément les modèles
bancaires traditionnels, le « mobile money » promeut traditionnels des banques de détail classiques, qui sont
un écosystème pour les opérateurs de paiement dès lors invitées à repenser leurs propres modèles.
Les agrégateurs de paiement : un modèle économique hybride par essence
Les agrégateurs de paiement constituent un exemple intéressant de modèle économique hybride en
Afrique. Par définition, les agrégateurs sont des fournisseurs de services financiers et technologiques
permettant de faire transiter et de gérer des flux d’argent entre différentes institutions bancaires,
opérateurs de paiement mobile et les utilisateurs finaux qu’ils soient donneurs ou receveurs de
fonds. Ils sont des opérateurs de plateforme entre une multitude de clients finaux. Ils s’adressent
aussi bien à des TPME, à des grandes et moyennes entreprises, qu’à des institutions publiques, à des
fournisseurs de services sociaux et bien entendu au consommateur final.
“La « plateformisation » des modèles économiques
en Afrique intervient, contrairement aux schémas
européen et américain, à une maille plus globale pour
couvrir et intégrer différents maillons de chaînes de
valeurs des verticales métier.”
23Parfois invisibles pour le client final, lorsqu’ils
fournissent des prestations aux organisations, le client
Les banques
rencontre généralement les agrégateurs au travers de
son interface client via son mobile ou son PC. Il arrive africaines
même qu’il soit confronté à des actifs tangibles de ces
derniers notamment à travers des cashpoints ou des
terminaux de paiement. Tantôt détenteurs d’actifs,
évolueront
tantôt fournisseurs de services et parfois même
créateurs de technologies quand ils proposent des
progressivement
solutions BI ou de pilotage d’activités, les agrégateurs
se répandent rapidement en Afrique. On en recense vers un modèle
déjà plus de 10 au Sénégal ou au Cameroun et une
quinzaine en Ouganda. économique
La société Cellulant met en lumière cette diversification
de modèles économiques opérée par les agrégateurs.
hybride, tiré par
l’économie des
Fondée en 2002, elle proposait des solutions digitales.
En 2007, elle lance sa première solution de « mobile
banking ». Elle s’est ensuite diversifiée et aujourd’hui,
elle propose aussi bien des services financiers, des plateformes
passerelles de paiement, des solutions de sécurité,
des outils de pilotage d’activité et de marketing ainsi
que des logiciels Bi et de reporting. A l’inverse de Si l’économie de plateforme est déjà bien développée
certains de ses concurrents, elle n’a pas investi dans dans plusieurs secteurs de l’économie comme par
des points de ventes ou des terminaux de paiement. exemple le e-commerce, pour les banques, la “Digital
Néanmoins, cela ne l’a pas empêché d’être nommée Banking Platform” permettra de reprendre la main
« Meilleure Fintech de paiement et de transfert en vis-à-vis de la concurrence notamment des nouveaux
Afrique » par Fintech 100 et d’être présente dans entrants. En offrant une expérience client de qualité
plus de 30 pays. Aujourd’hui, les agrégateurs se quel que soit le canal, quelle que soit la demande
diversifient, concurrencent mais aussi offrent des client et en élargissant la palette de leurs services, les
solutions intégrées à des grandes entreprises africaines banques seront à même de trouver un positionnement
(banques, opérateurs télécoms en particulier) à travers différenciant leur permettant de générer des
des modèles économiques hybrides. revenus conséquents à moindre coût. L’approche
par les plateformes offre, via la mise en place d’un
écosystème large, des services étendus et en même
temps hyper-personnalisés.
“Devenir une plateforme permet à la banque de
prendre la forme d’une communauté, d’un réseau
ou même d’une marketplace de produits financiers
développés par d’autres acteurs, et notamment des
fintechs”
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