Suivi des progrès vers la Couverture sanitaire universelle en Côte d'Ivoire - Analyse situationnelle de base

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Suivi des progrès vers la Couverture sanitaire universelle en Côte d'Ivoire - Analyse situationnelle de base
Bureau de la Représentation en Côte d’Ivoire

Suivi des progrès vers la Couverture
sanitaire universelle en Côte d’Ivoire

   Analyse situationnelle de base
SUIVI DES PROGRÈS VERS LA
COUVERTURE SANITAIRE UNIVERSELLE
EN CÔTE D’IVOIRE
Analyse situationnelle de base

Tania Bissouma-Ledjou¹, Allarangar Yokouidé ¹, Juliana Gnamon², et Laurent Musango³

Bureau de la Représentation en Côte d’Ivoire

Novembre 2015

¹
    Organisation mondiale de la Santé, Bureau de la Représentation en Côte d’Ivoire, Abidjan
²
    Université Félix Houphouët Boigny – Abidjan, Cocody, Côte d’Ivoire
³
    Organisation mondiale de la Santé, Bureau régional de l’Afrique, Brazzaville, Congo
Catalogage à la source Bibliothèque OMS/AFRO

Suivi des progrès vers la Couverture sanitaire universelle en Côte d’Ivoire : analyse situationnelle de base
1. Couverture maladie universelle – organisation et administration
2. Assurance maladie – organisation et administration
3. Accessibilité des services de santé – organisation et administration
4. Sécurité sociale
5. Pauvreté – prévention et contrôle
6. Analyse des systèmes
7. Côte d’Ivoire
I. Organisation mondiale de la Santé. Bureau de la Représentation en Côte d’Ivoire II. Tania Bissouma-Ledjou et al. III. Titre
ISBN: 978-929031218-5                (NLM Classification: W 84.6 HC7)

© BUREAU RÉGIONAL DE L’OMS POUR L’AFRIQUE, 2015

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SOMMAIRE

SIGLES, ACRONYMES & ABRÉVIATIONS .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 1

SOMMAIRE .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 3

INTRODUCTION .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 5

1. OBJECTIFS, MÉTHODOLOGIE ET LIMITES DE L’ÉTUDE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
      1.1 Objectifs .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 6
      1.2 Méthodologie .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 6
      1.3 Limites de l’étude .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 7
2. CONTEXTE GÉNÉRAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
     2.1 Infrastructures, ressources humaines pour la santé, paquet minimum d’activité et
         offre pharmaceutique .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 8
     2.2 Politiques et mesures de gratuité dans les services publics de santé  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 10
     2.3 Mécanismes de prépaiement .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 11
3. RÉSULTATS DE L’ÉTUDE  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
     3.1 La protection contre le risque financier .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 14
              3.1.1 Paiements directs en santé et dépenses totales de santé en Côte d’Ivoire .  .  .  . 14
              3.1.2 Paiements directs et capacité contributive  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 15
              3.1.3 Population couverte par un mécanisme de prépaiement .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 16
              3.1.4 Ampleur des dépenses catastrophiques et appauvrissement .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 18
     3.2 Couverture en services préventifs et curatifs .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 20
              3.2.1 Couverture en service préventifs  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 20
              3.2.2 Couverture en services curatifs  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 28
     3.3 Analyse de l’équité dans l’accès aux services de santé et dans l’état de santé des
         populations .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 31
              3.3.1 Equité dans l’accès aux soins .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 31
              3.3.2 Équité dans l’état de santé de la population .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 35

                                                                                                                                                                                       Sommaire iii
4. SYNTHÈSE DES INDICATEURS DE SUIVI DES PROGRÈS VERS LA CSU EN
       CÔTE D’IVOIRE  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 42

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 44

LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
Figure I : Evolution de la part des paiements directs dans les DTS de 2007 à 2013 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 15
Figure II : Déciles de consommation et capacité contributive des ménages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Figure III : Couverture en assurance maladie par genre et par milieu de résidence .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 17
Figure IV : Niveau d’appauvrissement des ménages par quintile et par milieu de résidence .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 19
Figure V : Variations régionales de la prévalence de la contraception en 2013  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 22
Figure VI : Couverture des CPN4 par région sanitaire en 2013 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 23
Figure VII : Couverture vaccinale de quatre antigènes par milieu de résidence en 2011-2012 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 24
Figure VIII : Couvertures vaccinales de quatre antigènes par niveau de richesse en 2011-2012 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 24
Figure IX : Distribution de l’incidence de l’insuffisance pondérale en 2013 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 26
Figure X : Distribution de l’utilisation des MILDA pour l’ensemble de la population en 2011-2012 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 27
Figure XI : Evolution de la file active nationale entre 2011 et 2013  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 30
Figure XII : Accessibilité géographique aux centres de santé en 2013 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 32
Figure XIII : Evolution des ratios RHS/population au niveau national entre 1998 et 2013 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 33
Figure XIV : Ratios RHS/population suivant les régions sanitaires en 2013 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 34
Figure XV : Evolution des mortalités des moins de 5 ans et infantile entre 1994 et 2012 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 35
Figure XVI : Quotient de mortalité dans les pôles régionaux en 2012 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 36
Figure XVII : Evolution de la mortalité maternelle entre 1994 et 2012 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 37
Figure XVIII : Modélisation du cube de la CSU (situation de base) en Côte d’Ivoire  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 41

LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Répartition de la population couverte par un mécanisme assurantiel en 2012  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 18
Tableau 2 : Récapitulatif des niveaux de couverture des services préventifs en 2012 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 28
Tableau 3 : Utilisation de services curatifs par niveau de richesse et milieu de résidence  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 31
Tableau 4: Récapitulatif des niveaux de couverture des indicateurs de la CSU .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 39

iv       Sommaire
SIGLES, ACRONYMES & ABRÉVIATIONS

ACPCI        Association des Cliniques privées    MICS      Enquête en grappes à indicateurs
             de Côte d’Ivoire                               multiples
ARV          Antirétroviraux                      MILDA     Moustiquaire imprégnée à longue
                                                            Durée d’Action
BCG          Bacille de Calmette et Guérin
                                                  MSLS      Ministère de la Santé et de la Lutte
CGRAE        Caisse générale de Retraite des
                                                            contre le SIDA
             Fonctionnaires et Agents de l’Etat
                                                  MUGEFCI   Mutuelle générale des Fonction-
CMU          Couverture Maladie universelle
                                                            naires et Agents de l’Etat de Côte
CNPS         Caisse nationale de Prévoyance                 d’Ivoire
             Sociale
                                                  OMD       Objectif du Millénaire pour le
CNS          Comptes nationaux de la Santé                  Développement
CSU          Couverture sanitaire universelle     OMS       Organisation mondiale de la Santé
DIEM         Direction des Infrastructures, des   PEV       Programme élargi de Vaccination
             Equipements et de la Maintenance
                                                  PMA       Paquet minimum d’Activités
DIPE         Direction de l’Information, de la
                                                  RHS       Ressources humaines pour la
             Planification et de l’Evaluation
                                                            Santé
ENV          Enquête sur le niveau de vie des
                                                  S&E       Suivi et évaluation
             ménages
                                                  SIDA      Syndrome d’immunodéficience
FPM          Fonds de Prévoyance militaire
                                                            acquise
FPPN         Fonds de Prévoyance de la Police
                                                  VAA       Vaccin anti-amaril
             nationale
                                                  VAR       Vaccin anti rougeoleux
GARP         Global Aids Response Progress
                                                  VPO3      Vaccin polio oral 3ème dose
INS          Institut national des Statistiques
                                                  VIH       Virus de l’immunodéficience
IPS          Institut de Prévoyance sociale
                                                            humaine
MEF          Ministère de l’Economie et des
                                                  USD       Dollar des Etats-Unis
             Finances
MEMEASFP Ministère d’Etat, Ministère de
         l’Emploi, des Affaires sociales et de
         la Formation professionnelle

                                                                Sigles, acronymes & abréviations   1
SOMMAIRE

DEPUIS LES ANNÉES 2000 et dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, la Côte
d’Ivoire renforce peu à peu le socle de protection sociale pour permettre un meilleur
accès aux services de santé, notamment pour les populations vulnérables. Après un épi-
sode de gratuité universelle entre 2011 et 2012, le Gouvernement ivoirien a opté depuis
2012 pour la gratuité ciblée, puis pour un mécanisme d’assurance maladie obligatoire à
l’échelle nationale, dénommé Couverture Maladie universelle (CMU). La présente étude
constitue une analyse descriptive, de type quantitatif et rétrospectif, de l’évolution des
différents indicateurs de suivi des progrès vers la Couverture sanitaire universelle (CSU)
sur la période de référence, soit de 1994 à 2013. Son objectif est de décrire la situation
de base en Côte d’Ivoire et le niveau des indicateurs sélectionnés, avant le démarrage
effectif de la CMU qui devrait permettre de progresser vers la CSU.

De façon générale, l’offre de soins s’améliore quantitativement, mais elle reste encore
inaccessible géographiquement et financièrement pour une large frange de la popula-
tion. Les populations vivant en zone rurale, les populations appartenant aux quintiles
des plus pauvres et celles des régions de l’Ouest et du Nord sont en général défavori-
sées dans la couverture des services de santé, par rapport à celles des zones urbaines,
des régions du Sud et celles appartenant aux quintiles les plus riches, pour lesquelles
les taux de couverture des services, d’accessibilité géographique aux établissements
sanitaires et de disponibilité des ressources humaines pour la santé sont plus élevés.

S’agissant de la protection financière, une trop grande part de la population (plus de
90 %) ne bénéficie d’aucune couverture du risque financier lié à la maladie, si bien que
les paiements directs (51,08 % des dépenses totales de santé en 2013) sont importants
et constituent des sources d’appauvrissement pour les populations.

                                                                               Sommaire 3
Ces constats expliquent en partie le faible taux d’utilisation des services de santé (moins
de 30 % au niveau national) ainsi que l’état de santé des populations qui est caractérisé
par des niveaux élevés de mortalités infanto-juvénile et maternelle.

La mise en place effective de la CMU devrait permettre de corriger ces inégalités, à
travers la mise en œuvre de stratégies efficaces visant l’amélioration de la protection
financière et de l’accessibilité aux services, au bénéfice des populations défavorisées.

Par ailleurs, la disponibilité de données de routine de qualité, ventilées par caractéris-
tiques sociodémographiques et économiques, permettrait de renforcer l’analyse des
indicateurs de suivi des progrès vers la CSU, en ses aspects d’équité et de couverture
du risque maladie des populations.

4   Sommaire
INTRODUCTION

LA COUVERTURE SANITAIRE UNIVERSELLE (CSU) est un concept qui, depuis le
Rapport sur la Santé Mondiale de 20101, a gagné l’assentiment et le soutien de nom-
breuses autres organisations et conférences internationales. La CSU consiste « à veiller
à ce que l’ensemble de la population ait accès aux services préventifs, curatifs, palliatifs, de réadapta-
tion et de promotion de la santé dont elle a besoin, et à ce que ces services soient de qualité suffisante
pour être efficaces, sans que leur coût n’entraîne des difficultés financières pour les usagers » (OMS,
2015).Un certain nombre de pays, particulièrement les pays en développement, se sont
engagés dans des réformes qui visent à atteindre les objectifs de la CSU, c’est à dire
étendre l’accès aux services de santé, résoudre les problèmes d’équité et créer des méca-
nismes de protection contre le risque financier lié à la maladie.

La Côte d’Ivoire n’est pas en marge de cette dynamique. En effet, le Gouvernement
ivoirien s’est engagé depuis 2000 dans la lutte contre la pauvreté, avec notamment
l’instauration d’un système d’assurance maladie obligatoire, dénommé Couverture
Maladie universelle (CMU) et institué par la Loi N°2014-131 du 24 mars 2014. Cette
CMU vient compléter le paysage de la couverture du risque-maladie en Côte d’Ivoire
où divers mécanismes de type volontaire et obligatoire existent déjà. En outre, plusieurs
politiques et mesures de gratuité ciblée sur des pathologies ou des franges de la popu-
lation ont été définies par le Gouvernement et sont en vigueur dans le secteur public.
Par ailleurs, une stratégie nationale de financement de la santé pour tendre vers la CSU
a été élaborée et est en cours de mise en œuvre.

Tous ces mécanismes pouvant contribuer aux progrès vers la CSU, il convient donc de
déterminer, avant la mise en place effective de la CMU, les niveaux de base de la CSU
en Côte d’Ivoire, pour mieux apprécier les efforts visant à garantir l’accessibilité aux
soins et la protection financière des populations, c’est-à-dire les progrès vers la CSU.
1
    OMS (2010)

                                                                                           Introduction   5
1. OBJECTIFS, MÉTHODOLOGIE ET
LIMITES DE L’ÉTUDE

1.1 Objectifs
L’objectif général de la présente étude est d’analyser les niveaux de base des trois dimen-
sions de la Couverture sanitaire universelle en Côte d’Ivoire, à travers quatre objectifs
spécifiques : 1) répertorier les mécanismes de protection du risque-maladie en Côte
d’Ivoire et identifier les populations couvertes ; 2) identifier et analyser le niveau de
couverture des services essentiels ; 3) identifier et analyser le niveau de protection du
risque financier ; et 4) préciser le niveau actuel des indicateurs de suivi des progrès vers
la Couverture sanitaire universelle.

1.2 Méthodologie
La présente étude constitue une analyse descriptive, de type quantitatif et rétrospectif,
de l’évolution des différentes variables recherchées lorsqu’elles sont disponibles sur la
période de référence de 1994 à 2013. Elle utilise donc des données secondaires dont la
collecte a été faite à partir d’une revue documentaire et de l’exploitation de différents
rapports d’activités de structures des Ministères de la Santé et des Affaires sociales, ainsi
que d’organismes assurant la couverture du risque-maladie en Côte d’Ivoire.

La revue documentaire a concerné l’ensemble des documents de référence nationaux,
les différents rapports d’analyse et les outils de suivi existant dans le système de santé,
les différentes études conduites au niveau national, ainsi que tous autres documents
utiles ayant fourni des informations sur les données recherchées.

Il s’agit notamment des documents suivants :

• Plan national de Développement sanitaire 2012-2015

6   1. Objectifs, méthodologie et limites de l’étude
• Politique nationale de la Santé 2011
  • Comptes nationaux de la Santé (CNS) 2007-2008, 2009-2010, 2013
  • Stratégie nationale de financement de la santé pour tendre vers la CSU
  • Stratégie nationale de protection sociale
  • Enquête de niveau de vie des ménages 2008
  • Enquêtes sur les indicateurs du Sida 2005
  • Enquêtes démographiques et de Santé 2011-2012
  • Rapport annuel sur la Situation sanitaire 2010-2012, 2013
  • Annuaires des Statistiques sanitaires
  • Tout autre document utile

  1.3 Limites de l’étude
  L’étude a été limitée par l’absence de données ou leur caractère incomplet, particuliè-
  rement pour ce qui est des données relatives aux mécanismes de prépaiement existant
  en Côte d’Ivoire. En effet, l’on a relevé des faiblesses dans la centralisation et la régu-
  larité de la collecte des données sur ces mécanismes. Ces données sont collectées de
  façon ponctuelle et sont quelquefois très désuètes ou partielles (ou ne sont pas rensei-
  gnées pour tous les organismes de type assurantiel). Par ailleurs, il existe quelquefois
  une multiplicité de sources pour la même donnée recherchée, le contenu ne concor-
  dant même pas dans quelques cas.

  Du reste, lorsque les données sont disponibles, elles ne sont pas toujours ventilées
  selon certaines caractéristiques sociodémographiques et économiques, ce qui restreint
  l’analyse de l’équité en santé. Seules les enquêtes auprès des ménages, les enquêtes
  démographiques et de santé et les enquêtes sur niveau de vie intègrent la collecte des
  données selon différentes caractéristiques pour faciliter ce type d’analyse.

                                                      1. Objectifs, méthodologie et limites de l’étude   7
2. CONTEXTE GÉNÉRAL

Le contexte ivoirien de la CSU est présenté dans ce cadre, à travers l’offre de soins et les
mécanismes de couverture du risque-maladie. Cette section présente donc un aperçu
de l’offre de soins en Côte d’Ivoire, dans ses composantes infrastructures sanitaires, res-
sources humaines pour la santé et offre pharmaceutique d’une part, en plus de décrire
les politiques et les mesures de gratuité dans les services de santé publics ainsi que les
mécanismes de prépaiement, d’autre part.

2.1 Infrastructures, ressources humaines pour la santé, paquet
minimum d’activité et offre pharmaceutique
L’offre de soins en Côte d’Ivoire est très diversifiée, à travers un secteur public pré-
pondérant et un secteur privé en pleine expansion qui n’est cependant pas totalement
intégré. Elle est organisée selon une pyramide sanitaire à trois niveaux : le niveau pri-
maire, le niveau secondaire et le niveau tertiaire. Pour chaque niveau de la pyramide,
un Paquet minimum d’Activités (PMA) a été défini.

Pour ce qui est des infrastructures sanitaires, en 2014, le niveau primaire comptait
1930 Etablissements sanitaires de Premier Contact (ESPC) et 66 Hôpitaux généraux
(HG). Quant au niveau secondaire, il comptait 17 Centres hospitaliers régionaux (CHR),
tandis que le niveau tertiaire comptait 13 centres et instituts spécialisés de soins, dont
4 Centres hospitaliers universitaires (CHU), 1 Institut de Cardiologie, 1 SAMU, 5 uni-
tés d’hémodialyse, 1 CNTS avec ses 5 antennes à Abidjan et 19 à l’intérieur du pays2.

Au niveau du secteur privé, la Direction des Etablissements et des Professions sanitaires
(DEPS) du Ministère de la Santé et de la Lutte contre le SIDA (MSLS) a enregistré 2273

2
    Direction des Infrastructures, de l’Equipement et de la Maintenance, MSLS, 2014.

8   2. Contexte général
établissements sanitaires privés (contre 1909 en 2012) ayant des documents d’agrément.
Il s’agit en majorité (55,87 %) d’établissements paramédicaux. Toutefois, il convient de
noter que toutes les structures recensées et en activité ne disposent pas d’autorisation
légale. L’Association des Cliniques privées de Côte d’Ivoire (ACPCI) précise que ces éta-
blissements privés recensés en 2012 offrent, en plus des consultations, de nombreuses
autres prestations. Parmi ces structures, 53,12 % sont des établissements de référence
d’envergure nationale et 9,32 % sont d’envergure internationale. En 2012, le secteur
privé constituait 40 % de l’offre totale de soins (ACPCI, 2012).

Concernant l’offre en ressources humaines pour la santé (RHS), le secteur
public, en 2012, comptait 19 840 personnels de santé, dont 3 694 médecins, 337
chirurgiens-­dentistes, 664 pharmaciens, 1 771 techniciens supérieurs de la santé, 3 333
sages-femmes, 8 747 infirmiers diplômés d’Etat (IDE) et 1 284 aides-soignantes. Une
proportion de 15 % de cet effectif total représentait le personnel administratif et social
qui est en appui à l’offre de soins3. Les données du secteur privé disponibles concernent
l’année 2007 (DIPE 2014), année où l’on dénombrait 3 107 personnels de santé, dont
1 173 IDE, 790 médecins et 718 pharmaciens.

Les prestations sanitaires sont assurées selon un paquet d’activités et de tâches défi-
nies par échelon de la pyramide sanitaire. Ainsi, au niveau périphérique, le PMA pour
le volet soins est constitué : i) de soins curatifs (accouchement, consultation postnatale,
consultation générale et gestion des médicaments) ; ii) de soins préventifs (consultation
prénatale, vaccination, suivi de la croissance de l’enfant, planning familial) ; et iii) d’acti­
vités promotionnelles et de soins palliatifs (suivi des malades chroniques tuberculeux,
lépreux, hypertendus, diabétiques, séropositifs VIH, visite à domicile, etc.).

En ce qui concerne l’offre pharmaceutique, la chaîne d’approvisionnement et de dis-
tribution est assurée en Côte d’Ivoire par la Nouvelle Pharmacie de la Santé publique
(NPSP), qui est la centrale d’achat unique pour le secteur sanitaire public, et quatre (4)
grossistes-répartiteurs (COPHARMED, DPCI, ­LABOREX-CI et TEDDIS PHARMA
CI) qui se partagent le marché des officines privées avec 80 % à 90 % de l’offre en

3
    Plan intérimaire de Développement des Ressources humaines de la Santé 2014-2015, MSLS.

                                                                                             2. Contexte général   9
médicaments4. En 2014, au total 1 100 pharmacies privées ont été recensées (DPML,
2015). Par ailleurs, huit industries pharmaceutiques (MSLS, 2014) procèdent au niveau
local à la fabrication, sous licence, de certains médicaments génériques.

2.2 Politiques et mesures de gratuité dans les services publics
de santé
L’analyse des différentes politiques socio-sanitaires élaborées en Côte d’Ivoire démontre
qu’un socle de protection sociale pour progresser vers la CSU a été construit au fil
des années.

En effet, pendant la période 1960-1980, le Gouvernement ivoirien faisait preuve d’une
forte volonté politique d’assurer l’accès aux soins de santé pour tous. Le système de
santé public offrait ainsi gratuitement les soins et les médicaments aux populations,
l’Etat prenant tout en charge. L’abandon de la gratuité des services sanitaires, à la suite de
la crise économique des années 80, a eu de graves conséquences sur l’accès des popu-
lations aux soins. Le recouvrement des coûts, introduit après l’adoption de l’Initiative
de Bamako, s’est généralisé en 1994 dans tous les établissements publics de santé et
est resté en vigueur. Une mesure exceptionnelle d’exemption totale des frais médicaux,
dite «gratuité totale», dans les services sanitaires publics a été annoncée en avril 2011,
afin de soulager les populations des conditions de vie difficiles du moment, notam-
ment la paupérisation. Elle s’est plus tard muée en gratuité dite sélective5 ou ciblée, à
partir de février 2012, en ciblant notamment les femmes enceintes (pour les accouche-
ments et ses complications, la césarienne, la consultation prénatale et le bilan prénatal),
les enfants de 0 à 5 ans (prise en charge des affections courantes), la prise en charge
du paludisme diagnostiqué (au sien de la population générale), et les urgences médi-
co-chirurgicales sous 48 heures.

Parallèlement au recouvrement des coûts, certains actes de santé sont gratuits (ou
subventionnés). Il s’agit par exemple de la vaccination dans le cadre du Programme
élargi de Vaccination, des antirétroviraux (ARV), du traitement antituberculeux, des

4
     Avant-projet PPN, 2015.
5
     Arrêté ministériel N°0047 MSLS/MEF/CAB du 21 mars 2012.

10    2. Contexte général
combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) pour le traitement du palu-
disme, des accouchements en milieu rural, et de la prise en charge de la lèpre. En outre,
il existe des mesures d’exemption de frais médicaux pour les indigents ou les cas sociaux
dans les établissements sanitaires (Oxford Policy Management, 2012). Ces mesures sont
toutefois méconnues des usagers et peu utilisées par les formations sanitaires qui sont
confrontées à des problèmes d’identification des bénéficiaires et à des restrictions bud-
gétaires (Oxford Policy Management, 2012).

2.3 Mécanismes de prépaiement
En Côte d’Ivoire, les mécanismes de prépaiement existent sous la forme de systèmes
assurantiels de type obligatoire ou volontaire, aussi bien dans le secteur public que dans
le secteur privé.

Les régimes obligatoires

Dans le secteur public, les Instituts de Prévoyance sociale (IPS) assurent l’administra-
tion des régimes de protection sociale. Il s’agit de la Caisse nationale de Prévoyance
sociale (CNPS) et de la Caisse générale de Retraite des Fonctionnaires et Agents de
l’Etat (CGRAE). Il existe aussi des mutuelles des Employées du public qui assurent le
risque-maladie.

L’IPS-CNPS gère un régime général de protection sociale des travailleurs des entreprises
privées déclarés à la CNPS et assimilés. Les prestations relatives à la maladie concernent
les accidents de travail et les maladies professionnelles, ainsi que les périodes d’invalidité.
L’IPS-CNPS accorde en plus des indemnités d’accouchement. À la fin du premier tri-
mestre 2014, cet IPS couvrait 594 361 travailleurs, 39 309 conjoints et 173 562 enfants6.

La CGRAE est la caisse de retraite qui assure le régime des pensions publiques de
retraite. Elle recouvre les cotisations des retraités et les achemine vers la Mutuelle géné-
rale des Fonctionnaires et Agents de l’Etat de Côte d’Ivoire (MUGEFCI). Celle-ci est
un système d’assurance-maladie offrant un régime de base obligatoire qui couvre un
certain nombre de prestations limitées à la prise en charge des frais pharmaceutiques,

6
    CNPS (2014).

                                                                           2. Contexte général   11
des soins et prothèses dentaires et d’optique. Il existe également un régime complé-
mentaire et volontaire qui prend en charge un panier de soins plus élaboré. Au 31
décembre 2013, la MUGEFCI couvrait environ 276 622 adhérents (fonctionnaires et
agents de l’Etat) et au total environ 700 000 bénéficiaires7. Il existe d’autres mutuelles
des agents du secteur public (Mutuelle des Agents du Trésor, Mutuelle des Agents de
la Direction générale des Impôts, Fonds de Prévoyance de la Police nationale, Fonds
de Prévoyance militaire, etc.). De façon générale, ces mutuelles sont financées par les
cotisations des assurés (définies comme une part de leur salaire ou pension), et les pres-
tations s’étendent à leurs ayant-droits.

Au total, les régimes obligatoires couvrent essentiellement les salariés du secteur for-
mel et les personnes à leur charge.

Les régimes volontaires

Il existe des compagnies d’assurance privées et des mutuelles de santé aussi bien du
secteur formel que du secteur informel, dont l’adhésion se fait sur une base volontaire,
avec une couverture élargie aux membres de la famille de l’adhérent. L’assurance pri-
vée peut être contractée individuellement ou en groupe. Elle est financée par une prime
d’assurance qui est généralement très élevée, ce qui en exclut une importante frange
de la population.

Les mutuelles de santé sont peu nombreuses au niveau national. En 2011, pour l’en-
semble des 30 mutuelles de santé recensées, le MEMEASFP estimait le nombre des
bénéficiaires à 326 699, dont 48 647 cotisants8, soit environ 1,44 % de la population
totale du pays en 20119.

7
     MUGEFCI (2014).
8
     MEMEASFP (2011) : De nombreuses mutuelles répertoriées n’ont pas fourni de statistiques sur leurs bénéficiaires et
     adhérents. Certaines n’ont mis à disposition que le nombre de cotisants. En outre, par «bénéficiaires», l’on entend les
     cotisants et leurs ayant-droits. Enfin, cette estimation ne concerne que les mutuelles dont les adhérents n’exercent pas
     dans le secteur public.
9
     Estimation de la population totale, selon le MSLS dans le RASS 2012.

12    2. Contexte général
Perspectives concernant la Couverture Maladie universelle

A cet éventail de mécanismes s’ajoute désormais la Couverture Maladie universelle
qui est un système national de couverture du risque-maladie obligatoire dont l’objec-
tif est de garantir l’accès à des soins de santé de qualité à l’ensemble de la population
résidant en Côte d’Ivoire, dans des conditions financières soutenables. Instauré en mars
2014, par la Loi N°2014-131 du 24 mars 2014 portant institution de la CMU, elle com-
prend deux régimes. Il s’agit, d’une part, d’un régime contributif dénommé Régime
général de Base (RGB) qui est financé par les cotisations des assurés (1 000 FCFA par
mois par personne à partir de 5 ans) et vise l’ensemble de la population résidant en
Côte d’Ivoire et, d’autre part, d’un régime non contributif, dénommé Régime d’Assis-
tance médicale qui vise les indigents, les enfants de 0 à 5 ans et les femmes enceintes,
au titre duquel l’Etat se substitue aux assurés pour le paiement des cotisations, à tra-
vers une subvention annuelle.

Selon le plan d’extension de couverture de la CMU, il est prévu en 2015 de couvrir
4 072 688 assurés, soit 16,67 % de la population et 0 % des indigents. Cependant, la
CMU n’a pas effectivement démarré et le processus de mise en place se trouve au stade
de l’enrôlement/affiliation de quatre catégories de personnes : les fonctionnaires et les
agents de l’Etat, les travailleurs du secteur privé affiliés à la CNPS, les retraités du sec-
teur public et du secteur privé affiliés respectivement à la CGRAE et la CNPS, ainsi que
les planteurs de certaines filières agricoles (hévéa et palmier à huile).

                                                                            2. Contexte général   13
3. RÉSULTATS DE L’ÉTUDE

Les résultats de l’étude sont présentés en quatre rubriques: la protection contre le risque
financier, la couverture des services de santé, l’analyse de l’équité et la synthèse des indi-
cateurs de suivi des progrès vers la CSU en Côte d’Ivoire.

3.1 La protection contre le risque financier
La protection contre le risque financier peut se mesurer à travers le poids des paiements
directs dans les dépenses totales de santé et la capacité contributive des ménages, la
proportion de la population couverte par le prépaiement, l’ampleur des dépenses catas-
trophiques de santé et l’incidence de l’appauvrissement dû aux paiements directs.

3.1.1 Paiements directs en santé et dépenses totales de santé en Côte d’Ivoire

Le financement de la santé en Côte d’Ivoire est assuré majoritairement par les ménages,
à travers des dépenses privées incluant les paiements directs. Les Comptes de la santé
retracent depuis 2007 la part des versements directs des ménages ou paiements directs
dans les dépenses totales de santé (DTS). Entre 2007 et 2013, les paiements directs
sont en baisse, mais ils restent élevés et représentent en moyenne 60,25 % des dépenses
totales de santé (voir Figure I ci-dessous).

Il est possible d’en conclure qu’une part des ménages est exposée aux dépenses catas-
trophiques, puisque l’OMS admet que celles-ci apparaissent lorsque les paiements
directs représentent plus de 20 % des DTS10.

10
     OMS (2010).

14    3. Résultats de l’étude
Figure I : Evolution de la part des paiements directs dans les DTS de 2007 à 2013

     80
     70
     60
     50
     40
                70.00                     66.30
     30                                                             57.43                         56.48             51.08
     20
     10
      0
                2007                      2008                       2009                         2010               2013
                                    Proportion des paiements directs dans les DTS (%)
                                    Seuil d'apparition des dépenses catastrophiques (Norme OMS)

Source : Auteurs, sur la base des Comptes de Santé 2007-2008, 2010 et 2013.

3.1.2 Paiements directs et capacité contributive

A partir des données de l’ENV 2008 conduite par l’INS, une étude a été réalisée afin
d’évaluer le niveau des dépenses de santé catastrophiques des ménages en Côte d’Ivoire.
Cette étude a révélé que les ménages interrogés ont consacré en moyenne 9 633 francs
CFA11 (soit 19,27 USD) aux paiements directs en santé, soit 5,5 % de leurs dépenses
totales de consommation et 7,8 % de leur capacité contributive. En moyenne, les paie-
ments directs s’élevaient à 10 926 francs CFA (soit 21,85 USD) en milieu urbain, contre
8 656 francs CFA (17,31 USD) en milieu rural. Cela représente 4,5 % des dépenses
totales du ménage et 9 % de sa capacité contributive en milieu urbain, contre respec-
tivement 6,2 % et 6,1 % en milieu rural.

Les ménages les plus aisés (10ème décile) ont des paiements directs en santé en moyenne
22 fois plus élevés que ceux des ménages les plus défavorisés du 1er décile (voir Figure II
ci-aprés). La part des paiements directs dans capacité contributive est une fonction
décroissante du niveau de vie des ménages (à partir du deuxième décile), alors que la
part des paiements directs dans les dépenses totales est relativement stable.
11
     Dans tout le corps du texte, l’on retiendra que 1USD équivaut à 500 FCFA.

                                                                                                          3. Résultats de l’étude   15
Figure II : Déciles de consommation et capacité contributive des ménages

                                      35,000                                                      10.0%

                                                                                                  9.0%
                                      30,000
Valeur (FCFA) des paiements directs

                                                                                                  8.0%

                                                                                                          Part des paiements directs
                                      25,000                                                      7.0%

                                                                                                  6.0%
                                      20,000
                                                                                                                                       Paiement direct (FCFA)
                                                                                                  5.0%
                                                                                                                                       Proportion des paiements
                                      15,000                                                                                           directs dans les DTS (%)
                                                                                                  4.0%
                                                                                                                                       Proportion des paiements
                                                                                                                                       directs en rapport avec la
                                      10,000                                                      3.0%                                 capacité à payer (%)

                                                                                                  2.0%
                                       5,000
                                                                                                  1.0%

                                           0                                                      0.0%
                                                1      2        3   4   5   6   7   8   9    10
                                                 Décile des dépenses par unité de consommation
Source : Kouamé et Assé (2012).

3.1.3 Population couverte par un mécanisme de prépaiement

Selon l’EDS-CI III, 94 % des femmes, 97 % des hommes et 96,6 % des enfants n’avaient
aucune assurance médicale en 2012. Le type d’assurance auquel les femmes et les
hommes ont le plus recours est la mutuelle de santé, avec des taux d’adhésion d’en-
viron 2 % pour les femmes et de 3 % pour les hommes. Par ailleurs, seulement 1 %
des femmes et 2 % des hommes bénéficient d’une couverture du risque-maladie au
niveau de leurs employeurs. La sécurité sociale (avec des taux de couverture respectifs
de 0,2 % pour les hommes et de 0,3 % pour les femmes) et les autres assurances indi-
viduelles (0,4 % des femmes couvertes) sont marginales.

Parmi les enfants de moins de 18 ans vivant en milieu urbain, une proportion de 6,9 %
était couverte par une assurance médicale12, contre 1 % en milieu rural. La couverture
des enfants par une assurance maladie augmente avec le quintile de bien-être, passant

12
                           Le type d’assurance n’est pas précisé.

16                                    3. Résultats de l’étude
de moins de 1 % pour le quintile le plus pauvre à 12,9 % pour le quintile le plus riche.
Au total, ce sont en moyenne 3 % des enfants de moins de 18 ans qui, en 2012, béné-
ficiaient d’une assurance-maladie.

Par rapport au milieu de résidence et au sexe, 6 % des femmes vivant en zone urbaine
bénéficient d’une assurance médicale, contre 1 % en milieu rural, tout comme 10 %
des hommes en zone urbaine, contre 2 % en milieu rural (voir ­Figure III ci-dessous).

Selon le niveau de bien-être économique, environ 18 % des hommes appartenant au
quintile le plus riche bénéficient d’une assurance-maladie, contre moins de 1 % des
hommes du quintile le plus pauvre. Aucune femme appartenant au 1er quintile n’est
couverte par une assurance maladie. Cependant, environ 10 % des femmes apparte-
nant au quintile le plus riche bénéficient d’une assurance maladie. Les inégalités sont
plus fréquentes lorsqu’il s’agit du milieu de résidence et du revenu économique.

Selon les statistiques sanitaires mondiales, en 2011 et 2012, respectivement 3,5 % et
4 % des dépenses privées des ménages en Côte d’Ivoire étaient prépayées à travers les
assurances privées13.

Figure III : Couverture en assurance maladie par genre et par milieu de résidence

                           0.5%         1.7%              2.7%              0.60%            94.5%

         Milieu urbain
Hommes

                           0.20%        3.2%              5.2%              2.30%             89.7%

          Milieu rural

                           0%           0.8%              0.9%              0.30%            98.1%

         Milieu urbain
Femmes

                           0%           0.6%              0.3%              0.10%            99.0%

          Milieu rural

                     0%           10%      20%        30%            40%         50%      60%          70%             80%      90%        100%
              Sécurité sociale      Assurance employeur          Mutuelle de santé     Assurance privée individuelle         Aucune assurance

Source : Réalisé par les auteurs sur la base des données de l’EDSCI III

13
     WHO (2014), WHO (2015).

                                                                                                                 3. Résultats de l’étude        17
Il est également possible d’approximer
                                                               Tableau 1 : Répartition de la population couverte par
la part de la population couverte par un                       un mécanisme assurantiel en 2012
mécanisme d’assurance dans les catégo-
                                                                                                   Total,            Population
ries socioprofessionnelles, en croisant les                     Système                         bénéficiaires        Totale (%)

données venant des différents systèmes en                       CNPS                               510 888              2,20

place. Les chiffres présentés concernent                        CGRAE                              170 000              0,73

l’année 2012, sauf ceux de l’assurance pri-                     MUGEFCI                            400 861              1,72

vée (2004), de la CGRAE (2011) et des                           MADGI                               12 000              0,05
                                                                FPM                                160 000              0,69
mutuelles de santé (2011). La part de la
                                                                FPPN                               100 000              0,43
population est calculée en rapportant le
                                                                Autres mutuelles                    82 699              0,36
nombre total de bénéficiaires à la popu-
                                                                Assurances privées                 210 000              0,90
lation totale de 2012, estimée par les
                                                                Total général                    1 646 448              7,08
projections de la Division des popula-
                                                               Source: Compilé par les auteurs, à partir de plusieurs sources14.
tions des Nations Unies (United Nations,
DESA, PD, 2013).

Au total et selon les données disponibles, une proportion d’environ 7,08 % de la popu-
lation ivoirienne est couverte par une assurance maladie, avec seulement 0,36 % dans
le secteur informel, y compris les personnes à charge (voir Tableau 1 ci-dessus).

Ce faible niveau de mutualisation du risque maladie explique la prépondérance des
paiements directs dans les dépenses de santé en Côte d’Ivoire.

3.1.4 Ampleur des dépenses catastrophiques et appauvrissement

Selon la Banque mondiale (2012), les dépenses catastrophiques en 200315, au seuil de
40 %, concernaient 12,2 % de la population quand la consommation totale est prise
en compte et 34,5 % quand les dépenses non alimentaires sont utilisées. Les indices
de concentration, dans les deux cas, sont négatifs et significatifs, ce qui veut dire que
le phénomène concerne plus les pauvres. La même année, les dépenses de santé ont

14
     Il s’agit des sources suivantes : PNUD (2013), Fonds de Prévoyance militaire (2014), MUGEFCI (2014), Caisse natio-
     nale de Prévoyance sociale (2014), MEMASFP (2011) pour les autres mutuelles de santé, Mutuelle Des Agents de la
     Direction générale des Impôts (2015), Oxford Policy Management (2012) pour la CGRAE, DIPE (2013) pour les don-
     nées sur la population, et PNUD (2013a) pour les assurances privées.
15
     Les estimations sont faites en se basant sur les données de la World Health Survey 2003.

18    3. Résultats de l’étude
rendu pauvres 10,4 % de la population (en considérant le seuil de pauvreté de 1,25 USD
par jour).

Selon Kouamé et Assé (2012), sur la base de l’ENV 2008, les dépenses catastrophiques
de santé (DCS) touchent 4 % des ménages et 8 % des ménages deviennent vulnérables
à ce type de dépenses, car ils consacrent 20 % à 39 % de leur capacité contributive à la
santé. Par ailleurs, certains facteurs exposent davantage les ménages aux DCS. Il s’agit
du milieu de résidence en zone rurale, de l’absence d’une assurance comme couver-
ture du risque maladie, du niveau d’instruction, de la taille des ménages, ainsi que de
la morbidité d’un membre du ménage. Environ un ménage sur sept vit en dessous du
seuil de pauvreté, avec des disparités selon le milieu de résidence. En effet, la pauvreté
est cinq fois plus ressentie en zone rurale qu’en zone urbaine (voir F
                                                                     ­ igure IV ci-dessous).

Kouamé et Assé ajoutent que l’appauvrissement des ménages, dû aux paiements directs,
s’établit à 2,3 % au niveau national. Il est plus accentué en zone rurale (3,7 %) qu’en
milieu urbain (0,6 %). C’est aussi un phénomène dont l’ampleur diminue considérable-
ment avec le niveau de richesse. En milieu urbain, par exemple, l’appauvrissement touche
7,2 % des ménages du premier quintile et seulement 0,2 % de ceux du dernier quintile.

Figure IV : Niveau d’appauvrissement des ménages par quintile et par milieu de résidence

                         8         7.3
                         7

                         6
   Appauvrissement (%)

                             4.7                                                                           Milieu Urbain
                         5                     4.8                                                         Milieu Rural

                         4
                                           2
                         3

                         2

                         1                                      0.7             0.6
                                                          0.2                                0.2
                                                                            0            0
                         0
                             Quintile 1   Quintile 2     Quintile 3        Quintile 4   Quintile 5

Source : Auteurs, en se basant sur les données de Kouamé et Assé (2012).

                                                                                              3. Résultats de l’étude      19
Ainsi, les dépenses de santé sont difficiles à supporter pour les ménages dans un sys-
tème de paiements directs prédominants et en l’absence de mécanisme de couverture du
risque-maladie. Ils contraignent bien souvent un nombre non négligeable de ménages
à la pauvreté. Les ménages supportant des dépenses catastrophiques et concourant à
la pauvreté peuvent se retrouver dans un cercle vicieux de morbidité, sans la possibi-
lité de recourir à des services de santé modernes. Ceci pourrait expliquer, en partie, le
faible taux d’utilisation des services de santé constaté depuis quelques années, notam-
ment dans le secteur public (voir sous-section 3.3).

3.2 Couverture en services préventifs et curatifs
Entre 2008 et 2013, le taux d’utilisation des services publics est passé de 18 %16 à
27,50 %17. Il oscille entre 11 % et 20 % dans certaines régions sanitaires telles que le
Kabadougou-Bafing-Folon, le Loh Djiboua, le Haut-Sassandra et le Worodougou-Béré
(DIPE, 2014). Le taux d’utilisation des services de santé du secteur public en Côte
d’Ivoire est donc faible, particulièrement dans certaines régions sanitaires et, ce, malgré
les politiques et mesures de gratuité en vigueur. Dans le secteur privé, les taux d’utili-
sation signalés par l’ACPCI en 2012 étaient respectivement de 3,6 %, 4,3 % et 5,3 %
pour 2008, 2009 et 2010 (ACPCI, 2012).

Une analyse plus approfondie des indicateurs de couverture des services préventifs et
curatifs est nécessaire pour mieux connaître les tendances dans l’utilisation des ser-
vices de santé.

3.2.1 Couverture en service préventifs

La couverture en services préventifs, y compris la promotion de la santé, est analysée à
travers les indicateurs relatifs à la planification familiale, aux soins anténatals, à la couver-
ture vaccinale, à la prévalence de l’insuffisance pondérale des enfants de moins de cinq
ans et à l’utilisation des moustiquaires imprégnées à longue durée d’action (MILDA).

16
     Cellule de Prospective et des Stratégies, MSHP (2008).
17
     RASS 2013.

20    3. Résultats de l’étude
La couverture en planification familiale

La planification familiale est une intervention à haut impact faisant partie des paquets
mis à la disposition des populations ivoiriennes en vue de maîtriser la croissance démo-
graphique, tout en réduisant de manière significative les risques de grossesses non
désirées et les décès maternels. C’est également l’une des interventions retenues en Côte
d’Ivoire pour l’atteinte de l’OMD5. La couverture en planification familiale est appré-
ciée à partir de deux indicateurs : les besoins de planification familiale satisfaits par
des méthodes modernes et la prévalence contraceptive moderne.

En 2012, selon l’EDSCI III, la prévalence contraceptive moderne est faible (14 %) et il
existe quelques différences, en fonction de l’âge. Elle est plus élevée chez les jeunes de
20 à 29 ans, avec un taux de 23 %, par rapport aux femmes de la tranche d’âge de 45
à 49 ans, où elle s’établit à 9 %. Il existe des différences liées au milieu de résidence, le
milieu urbain affichant un meilleur taux (16 % contre 10 % en milieu rural). La préva-
lence contraceptive moderne augmente aussi avec le niveau de bien–être économique
des ménages : 7 % chez les femmes des ménages les plus pauvres, contre 20 % chez
celles des ménages les plus nantis.

En 2013, la prévalence contraceptive moderne a très légèrement augmenté pour
atteindre 15,6 %18. Toutefois, les niveaux les plus élevés concernent les grands pôles
urbains tels que la région d’Abidjan (capitale économique), avec 22 %, la région du Sud
Comoé (23 %) et la région du Bélier qui couvre la capitale politique (24 %).

Certaines régions affichent des taux extrêmement faibles. C’est le cas du Nord-Ouest,
avec des niveaux de 2 % dans les régions du Tonkpi, Cavally Guémon et Poro-Tcho-
logo-Bagoué (voir Figure V ci-aprés).

Selon l’EDSCI-III, le taux de couverture des besoins de planification familiale satisfaits
par des méthodes modernes en 2012 était de 33 %19 en Côte d’Ivoire. La demande satis-
faite est plus élevée en milieu urbain (40,3 %) qu’en milieu rural (25,2 %). Le taux de
couverture est au moins deux fois plus important pour les femmes appartenant au quin-
tile le plus riche (45,7 %), par rapport aux femmes du quintile le plus pauvre (19,6 %).
18
     RASS 2013.
19
     MSLS, INS et ICF International (2013).

                                                                       3. Résultats de l’étude   21
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