La polarimétrie radar à Météo-France

La page est créée Alexandre Dupre
 
CONTINUER À LIRE
La polarimétrie radar à Météo-France
Observation
La Météorologie - n° 83 - novembre 2013                                                                                                          59

                                              La polarimétrie radar
                                              à Météo-France
                                              Pierre Tabary, Béatrice Fradon, Abdel-Amin Boumahmoud
                                              Centre de météorologie radar, Direction des systèmes d’observation,
                                              Météo-France, 42 avenue Coriolis, 31057 Toulouse

                                              Introduction                                              en 1976 (voir Sauvageot, 2000), on peut
                                                                                                        dire que la polarimétrie est devenue le
                                                                                                        nouveau standard pour les réseaux de
                                              L’investissement de Météo-France dans                     radars opérationnels. La France, au tra-
                                              la polarimétrie remonte à 2004, année                     vers notamment du Centre d’étude des
                                              de l’installation du premier radar polari-                environnements terrestres et planétaires
                                              métrique bande C (émission et récep-                      (CETP), a été très active sur la recherche
                                              tion simultanée en voie horizontale et                    en polarimétrie (voir Testud et al., 2000).
                                              verticale), dans le cadre du projet                       La figure 1 montre l’installation, en
                                              Panthere. Une phase très intense de                       2004, à Trappes, du premier radar pola-
                                              recherche et développement a suivi                        rimétrique de Météo-France.
                                              l’installation de ce premier radar, afin de
                                              démontrer les bénéfices en termes de
                                              viabilité et de produits opérationnels.                   Le travail de recherche-développement
                                              Les conclusions de cette évaluation,                      sur la polarimétrie à Météo-France a
Résumé                                        positives, ont été présentées à la direc-                 bénéficié de la contribution de très
                                              tion générale de Météo-France en 2006                     nombreux étudiants et chercheurs et de
Cet article dresse un bilan de l’expé-        et ont marqué le début de la généralisa-                  non moins nombreuses collaborations
rience acquise à Météo-France sur             tion de la technologie à l’ensemble du                    internationales. On peut dire que
l’exploitation de la polarimétrie en          réseau. On vise aujourd’hui un réseau                     Météo-France a joué un rôle de pionnier
bande S, C et, plus récemment, X.             français complètement polarimétrique                      dans l’introduction opérationnelle de la
Après près de huit années d’expé-             à l’horizon 2020. Les autres pays euro-                   diversité de polarisation, l’année 2012
rience à Météo-France, il apparaît            péens (Allemagne, Royaume-Uni,                            marquant l’aboutissement de ce long
que la polarimétrie permet claire-            Suisse…) prennent actuellement la                         travail (fin du déploiement d’une pre-
ment d’améliorer la qualité des pro-          même direction, mais avec des chemins                     mière version de chaîne polarimétrique
duits radars, au travers notamment            différents et, après des années de recher-                incluant une correction d’atténuation,
d’une meilleure identification des            che initiées par l’article de Seliga et al.               l’identification des échos non météoro-
échos non météorologiques (ciel                                                                         logiques et le suivi de la qualité des
clair), d’une capacité à corriger de                                                                    variables), huit ans après l’installation
l’atténuation, à mieux estimer le taux                                                                  du radar de Trappes. Cet article dresse
de précipitations, notamment sur les                                                                    une synthèse des travaux effectués,
pluies fortes, et à identifier le type                                                                  ainsi que des perspectives pour l’avenir.
d’hydrométéores. Pour tirer pleine-
ment bénéfice de la polarimétrie, il
est indispensable de mettre en place
des procédures rigoureuses de suivi
temporel de l’étalonnage des varia-
                                                                                                        Principe et intérêts
bles, de détection et de correction des                                                                 de la polarimétrie
biais éventuels. Une chaîne de traite-
ment polarimétrique a été rendue                                                                        Avec les radars dits conventionnels
opérationnelle sur tous les radars                                                                      (émission d’une onde sur une seule pola-
polarimétriques (à l’exception des                                                                      risation, horizontale ou verticale), un cer-
radars en bande X, encore en cours                                                                      tain nombre d’erreurs affectant les
de qualif ication) en 2012. Cette                                                                       mesures ne peuvent être quantifiées ni, a
chaîne de traitement, applicable aux                                                                    fortiori, corrigées. On peut notamment
trois longueurs d’onde (S, C et X),                                                                     citer l’atténuation induite par les précipi-
sera régulièrement améliorée au                                                                         tations, la détermination en temps réel de
cours des prochaines années.                  Figure 1. Installation du nouveau radar polarimétrique,
                                                                                                        la loi de conversion, dite loi Z-R, de la
                                              « père » de tous les radars polarimétriques du réseau     mesure primaire des radars (réflectivité)
                                          …   Aramis au printemps 2004.                                 en taux de pluie et la discrimination du
La polarimétrie radar à Météo-France
60                                                                                                                                      La Météorologie - n° 83 - novembre 2013

                                         …/…                 type d’hydrométéores. Sur les radars
                                                             conventionnels, l’onde émise est polari-
                                                                                                                         zontale et verticale. Elle donne une
                                                                                                                         information sur le taux de rétrodiffu-
                                                             sée selon une unique direction, en général                  sion, donc sur les « dimensions appa-
                                                             horizontale. Le récepteur analyse en                        rentes » des gouttes selon les deux
Abstract                                                     amplitude et en phase l’onde réfléchie
                                                             par les cibles et reçue par le radar selon
                                                                                                                         directions, c’est-à-dire sur la forme des
                                                                                                                         gouttes. Or, les gouttes sont d’autant
                                                             cette même polarisation horizontale. On                     plus aplaties qu’elles sont grosses
The experience of Météo-France                               dispose donc d’une seule variable, la                       (Sauvageot, 2000). La réflectivité diffé-
with polarized radar                                         réflectivité horizontale, notée ZH, expri-                  rentielle ZDR informe donc au premier
This paper presents a summary of the                         mée en décibels (dBZ). L’exploitation de                    ordre sur la taille des gouttes de pluie.
experience gained at Météo-France on                         la phase permet également d’accéder à la                    ZDR est nulle pour des gouttes de petite
the use of polarization in the S, C and,                     vitesse radiale et à la largeur spectrale                   taille (pluies faibles) et peut typique-
more recently, X-band. After eight                           (i.e. son écart type). Des variables supplé-                ment atteindre 2 ou 3 dB voire plus
years of experience at Météo-France,                         mentaires, extraites du signal brut reçu en                 pour des pluies fortes ;
it appears that polarization clearly                         voie H, peuvent aussi être générées                         – le coefficient de corrélation ρHV, qui
helps to improve the quality of all                          (variabilité tir à tir de la réflectivité,                  correspond à la corrélation entre les
radar products, through a better iden-                       valeur moyenne de la phase sur une série                    signaux reçus sur les voies horizontale et
tification of non-meteorological echoes                      de mesures…) et utilisées, par exemple,                     verticale. Il est proche de 1 si la réponse
(in clear air), the ability to correct for                   pour identifier les échos fixes.                            du milieu est comparable dans les deux
attenuation, which allows to better                                                                                      directions de polarisation, donc si le
estimate the rain rate, especially at                        Avec les radars polarimétriques, il y a                     milieu est homogène. On observe des
high rain rates, and identify the type                       émission de deux ondes, l’une en polari-                    coefficients de corrélation très proches de
of hydrometeor. In order to exploit                          sation horizontale, l’autre en polarisation                 1 pour la pluie, légèrement plus faibles
fully polarization, it is absolutely                         verticale. L’onde rétrodiffusée est égale-                  (0,95–0,98) pour la neige sèche ou la
necessary to implement rigorous pro-                         ment analysée selon les deux directions                     glace. Dans la bande brillante en revan-
cedures to monitor the calibration of                        de polarisation. Dans le réseau opération-                  che, où les hydrométéores sont mélangés
polarizing variables and detect and                          nel français, les ondes polarisées horizon-                 (pluie, neige sèche, neige mouillée…), le
correct for potential biases. A polari-                      talement et verticalement sont émises                       coefficient de corrélation baisse pour
zation processing chain has been                             simultanément (fonctionnement dit                           atteindre des valeurs de l’ordre de 0,9 à
introduced into operations on all pola-                      STAR pour Simultaneous Transmission                         0,93. Pour la grêle, le coefficient de cor-
rized radars (except the X-band which                        And Reception). Ce principe de mesure                       rélation chute également. Ce paramètre
are still being tested) in 2012. This pro-                   permet d’accéder aux mesures supplé-                        est donc utile pour identifier le type d’hy-
cessing chain, applicable to the three                       mentaires suivantes par rapport à un radar                  drométéore ;
wavelengths (S, C and X) will undergo                        conventionnel :                                             – la phase différentielle ΦDP, qui cor-
regular upgrades in the coming years.                        – la réflectivité différentielle ZDR, qui est               respond à la différence de rotation de
                                                             le rapport (exprimé en logarithme) entre                    phase entre les voies horizontale et verti-
                                                             les réflectivités en polarisations hori-                    cale sur la totalité du trajet aller-retour
                                                                                                                         effectué par l’onde. La rotation de phase
                                                                                                                         de chacune des ondes est liée à la quantité
                                                                                                                         de matière traversée. Lorsque l’onde
                                                                                                                         polarisée horizontalement « tourne » plus
                                                                                                                         que celle polarisée verticalement, c’est
                                                                                                                         qu’elle a traversé davantage de matière.
                                                                                                                         Plus la différence de phase est élevée,
                                                                                                                         plus la quantité de matière traversée est
                                                                                                                         grande et plus l’onde est atténuée. En
                                                                                                                         pratique, au moins pour la pluie, l’atté-
                                                                                                                         nuation intégrée de l’onde par les précipi-
                                                                                                                         tations est directement proportionnelle à
                                                                                                                         la phase différentielle. La connaissance
                                                                                                                         de la phase différentielle (mesurée) va
                                                                                                                         donc permettre d’estimer et de corriger
                                                                                                                         l’atténuation intégrée entre le radar et la
                                                                                                                         cible. De plus, la phase différentielle est
                                                                                                                         insensible aux masques et à l‘étalonnage
                                                                                                                         du radar, ce qui augmente encore son
                                                                                                                         intérêt.

                                                                                                                         La figure 2 illustre chacun des quatre
                                                                                                                         observables polarimétriques dans une
                                                                                                                         situation observée par un radar en bande
                                                                                                                         C (Toulouse) où l’atténuation était parti-
                                                                                                                         culièrement importante (rotation de
Figure 2. Exemple d’observables polarimétriques. Radar de Toulouse, le 24 mai 2008 à 19h25 UTC, élévation 1,5°.          phase différentielle ΦDP de 150° environ
En haut à gauche : réflectivité horizontale ZH (en dBZ) ; en haut à droite : réflectivité différentielle ZDR (en dB) ;
en bas à gauche : corrélation ρHV (sans unité) ; en bas à droite : phase différentielle ΦDP (en °). Le cercle blanc      avec un cône bien visible d’extinction
correspond à une distance de 100 km du radar. Le cône d’atténuation (avec de l’extinction totale du signal au-delà       complète du signal en aval de la cellule
de 100 km) est bien visible au nord-ouest du radar.                                                                      de fortes précipitations).
La polarimétrie radar à Météo-France
La Météorologie - n° 83 - novembre 2013                                                                                                          61

La chaîne                                       Description de la chaîne                                matrice polaire, centrée sur le radar, de
                                                                                                        résolution typique 0,5° × 240 m, d’envi-
de traitement                                   de traitement polarimétrique                            ron 250 km d’extension radiale, conte-
                                                Les radars météorologiques décrivent en                 nant les valeurs intégrées par pixel des
polarimétrique                                  permanence des tours d’horizons. Un                     différents paramètres mesurés par le
actuelle                                        tour d’horizon est réalisé typiquement en
                                                quelques dizaines de secondes. L’angle
                                                                                                        radar (réflectivité, Doppler, réflectivité
                                                                                                        différentielle…). Cette matrice cor-
de Météo-France                                 de site (angle entre la direction de l’an-              respond aux mesures intégrées réalisées
                                                tenne et le plan horizontal au niveau du                par le radar lors d’une rotation complète
L’article inaugural de Gourley et al.           radar) est fixe lors d’un tour d’horizon.               de l’antenne en azimut, à un angle de site
(2006) passe en revue de manière systé-         On réalise ainsi toutes les 5 minutes plu-              donné.
matique la qualité des données polarimé-        sieurs tours d’horizon en faisant varier
triques brutes du radar bande C de              l’angle de site de manière à couvrir                    La chaîne de traitement des données
Trappes, premier de la série des radars         l’espace tridimensionnel autour du radar.               polarimétriques traite chaque tour d’an-
polarimétriques bande C à Météo-France.         On appelle « tour d’antenne » une                       tenne de manière quasi indépendante.
                                                                                                        Une fois les tours d’antenne traités, ils
Globalement, les analyses ont montré que                                                                sont pris en compte comme des tours
les données de ce radar étaient de bonne                                                                d’antenne standard dans les algorithmes
qualité. L’article met toutefois pour la pre-                                                           opérationnels de fabrication des produits
mière fois en évidence l’impact des joints                                                              usuels, réflectivité composite et lame
entre les six panneaux du radôme sur les                                                                d’eau (carte d’estimation quantitative des
biais en ZDR et ΦDP. Figueras et al. (2012)                                                             cumuls de précipitations au sol) en parti-
ont plus récemment confirmé ces analy-                                                                  culier. La polarimétrie bénéficie ainsi à
ses en examinant en détail sur une année                                                                l’ensemble des produits. Les différents
les paramètres polarimétriques de quatre                                                                traitements appliqués à chaque tour d’an-
radars représentatifs de l’ensemble des                                                                 tenne sont détaillés ci-dessous, ainsi que
radars polarimétriques du réseau français                                                               le couplage entre les résultats des traite-
(figure 3). On estime actuellement que le                                                               ments polarimétriques et la fabrication
ZDR des radars du réseau Aramis a une sta-                                                              des produits.
bilité de ±0,4 dB, soit une valeur proche,
mais encore au-delà, de l’exigence de sta-
bilité à ±0,2 dB requise pour les applica-                                                              Traitements appliqués
tions quantitatives (15 % sur le taux de
pluie, voir Tabary et al., 2011).
                                                                                                        aux tours d’antenne
La mise en place opérationnelle d’une                                                                   Étalonnage des variables
première version de la chaîne polarimé-                                                                 Dans les pluies stratiformes (à rapport
trique (incluant correction d’atténua-                                                                  signal sur bruit significatif), on attend
tion, identif ication des échos non                                                                     climatologiquement une valeur de ZDR
météorologiques et suivi de la qualité                                                                  de 0,2 dB pour des réflectivités hori-
des variables polarimétriques) en 2012                                                                  zontales (ZH) entre 20 et 22 dBZ. Cela a
s’est accompagnée d’une réflexion très                                                                  été établi par analyse de longues séries
approfondie sur la gestion des dysfonc-                                                                 de mesures issues de disdromètres
tionnements, sur les procédures de dés-                                                                 (Illingworth, communication person-
activation de l’utilisation des variables                                                               nelle). On utilise ce point de référence
polarimétriques (mode dégradé) et sur                                                                   pour établir une courbe, fonction de
la mise à jour des courbes de biais (de                                                                 l’azimut, de correction de ZDR (Gourley
ZDR essentiellement). S’agissant de la                                                                  et al., 2006). Cette courbe, établie sur
surveillance de l’instrument (monito-                                                                   un épisode, est ensuite utilisée pour cor-
ring), cinq paramètres sont contrôlés à                                                                 riger en temps réel la réflectivité diffé-
la fin de chaque journée :                                                                              rentielle brute sur les épisodes suivants.
– le biais de ΦDP en fonction de l’azimut ;                                                             Un processus glissant de mise à jour
– le biais de ZDR en fonction de l’azimut ;                                                             permet de suivre les éventuelles évolu-
– le ρHV « moyen » dans la pluie ;                                                                      tions dans le temps de cette courbe. À
– la moyenne (moyenne des médianes)                                                                     noter que le ZDR est aussi contrôlé régu-
du ZDR pour les tours d’antenne effec-                                                                  lièrement par l’exploitation des mesures
tués en visée verticale (ZDR90) ;                                                                       effectuées en routine, toutes les
– la moyenne du ZDR brut pour les 10                                                                    15 minutes, à 90° (antenne pointant au
premières couronnes de 1 km d’épais-                                                                    zénith). Dans cette configuration, on
seur centrées sur le radar.                     Figure 3. Courbes ZDR en fonction de l’azimut pour ZH   attend un ZDR rigoureusement nul dans
                                                entre 20 et 22 dBZ (0,2 dB attendu) sur une année
                                                pour quatre radars représentatifs de l’ensemble des     la pluie. En effet, les gouttes de pluie, si
Dès lors qu’une valeur anormale (soit           comportements dans le réseau. Chaque courbe cor-        elles sont aplaties « comme des ham-
en absolu, soit par comparaison avec la         respond à une journée pluvieuse de la période octobre   burgers », apparaissent parfaitement
dernière valeur calculée) est détectée,         2009–septembre 2010. On voit très bien sur certains     circulaires vues d’en dessous. Tout écart
                                                radars (Avesnes notamment) les oscillations induites
une alarme est déclenchée et l’exploita-        par les six joints du radôme. Fort heureusement, ces
                                                                                                        par rapport à 0 dB peut donc être inter-
tion des variables polarimétriques est          oscillations sont stationnaires et peuvent donc être    prété comme un biais différentiel de la
désactivée.                                     corrigées empiriquement.                                chaîne émission-réception.
La polarimétrie radar à Météo-France
62                                                                                                                                              La Météorologie - n° 83 - novembre 2013

La réflectivité horizontale est calibrée et                   réflectivité différentielle et la corréla-                    Identification
contrôlée selon la méthode habituelle uti-                    tion ρHV (Gourley et al., 2007b). Les dis-                    de la bande brillante
lisée dans le réseau Aramis (comparai-                        tributions statistiques de ces paramètres                     Le but est d’identifier la position de la
sons de long terme avec les pluviomètres,                     ont été établies empiriquement, en iso-                       bande brillante, zone de fusion des pré-
étalonnage électronique, comparaisons                         lant « manuellement » des situations où                       cipitations solides. Le haut de la bande
radar-radar, suivi du niveau des échos                        un seul type d’écho était présent de                          brillante correspond à l’isotherme 0 °C,
fixes proches). Une technique d’étalon-                       façon certaine (voir figure 4). On dis-                       le bas de la bande brillante se trouve en
nage interne (consistency relationship) de                    pose donc d’une valeur de probabilité                         général 300 à 1000 m plus bas. Au-des-
la réflectivité horizontale, exploitant la                    associée à la valeur de chaque paramè-                        sus de cette zone, on observe de la
redondance, dans la pluie, des variables                      tre pour chaque type d’écho. Pour un                          neige ou de la glace. En dessous, les
ZDR, ZH et ΦDP (la connaissance de deux                       pixel donné, on définit la probabilité                        précipitations se trouvent sous forme de
variables permet de prédire la troisième)                     d’un type d’écho comme la somme                               pluie. Dans la bande brillante, il y a
a été testée avec succès sur les radars                       pondérée des valeurs des trois probabi-                       cohabitation des différents hydrométéo-
Aramis (Gourley et al., 2009). Au pre-                        lités associées aux valeurs des trois                         res et présence de neige mouillée.
mier ordre, la redondance entre les trois                     paramètres Σ, texture de ZDR et ρHV pour                      Celle-ci renvoyant des échos radar anor-
variables polarimétriques peut s’expli-                       ce type d’écho. On conserve comme                             malement élevés, il est nécessaire de
quer par le fait que la pluie peut être rai-                  type d’écho du pixel le type qui a la plus                    situer la bande brillante pour corriger
sonnablement bien décrite au moyen de                         forte probabilité.                                            cet effet. Par ailleurs, certains algorith-
seulement deux paramètres : diamètre                                                                                        mes ne sont applicables que dans la
médian et concentration des gouttes.                          Le paramètre Σ, disponible pour les                           pluie, il est donc là encore nécessaire de
Cette technique a vocation à être prochai-                    radars non polarimétriques, étant déjà                        bien situer le bas de la bande brillante
nement intégrée de façon opérationnelle                       très discriminant pour isoler les échos                       pour limiter l’application de ces algo-
dans le suivi de l’étalonnage de la réflec-                   fixes, le principal bénéfice de la polari-                    rithmes à la zone où les précipitations
tivité des radars du réseau de Météo-                         métrie est une meilleure identification                       sont liquides.
France.                                                       des échos de ciel clair, ce qui permet
                                                              dans la suite des traitements de « net-                       L’identification de la bande brillante
                                                              toyer » les images. Cependant, les échos                      repose sur le paramètre ρHV, car il est
Identification des types d’échos                              de ciel clair sont en général de faible                       très élevé dans la pluie (proche de 1),
Une fois les variables étalonnées, il est                     intensité et sont donc associés à des rap-                    élevé dans la neige sèche (0,95–0,98),
nécessaire d’identifier les différents                        ports signal sur bruit faibles. Dans cette                    mais un peu plus faible dans la neige
types d’échos. Les principaux types à                         première version de la chaîne polarimé-                       mouillée (de 0,9 à 0,93). La figure 5
distinguer sont les précipitations (tous                      trique, on s’interdit par sécurité d’utili-                   illustre le potentiel de la variable ρHV
hydrométéores confondus), les échos                           ser les variables polarimétriques lorsque                     pour identifier, y compris à site bas, la
fixes, les échos de ciel clair (insectes et                   le rapport signal sur bruit est inférieur à                   position de la bande brillante.
oiseaux), et les échos de mer. La classi-                     15 dB, car il a été établi (Gourley et al.,
fication est effectuée en utilisant un                        2006 ; Friedrich et al., 2009) que les                        Pour le tour d’antenne considéré, on
algorithme de logique floue basé sur                          variables polarimétriques sont très sen-                      détermine un profil moyen réel de ρHV
trois paramètres : la fluctuation tir à tir                   sibles à toute source de bruit (échos                         tous azimuts confondus en fonction de
de la réflectivité Σ, la texture de la                        fixes résiduels ou bruit atmosphérique).                      la distance au radar. Par ailleurs, pour

Figure 4. Distributions statistique de ρHV, de Σ et de la texture de ZDR pour les trois types d’échos (précipitations, ciel clair et échos fixes). On voit très bien le potentiel dis-
criminant de ρHV pour le ciel clair. Le paramètre Σ est lui très discriminant pour les échos de sol.
La polarimétrie radar à Météo-France
La Météorologie - n° 83 - novembre 2013                                                                                                      63

différentes valeurs possibles de l’altitude
de l’isotherme 0 °C fournie par le                                                                      Figure 5. Illustration du potentiel de la
modèle de prévision (Arpege actuelle-                                                                   variable ρ HV, comparativement à la
ment) et différentes valeurs possibles                                                                  variable conventionnelle ZH, pour iden-
                                                                                                        tifier la bande brillante. Tours d’an-
pour l’épaisseur de la bande brillante (de                                                              tenne à 9° (en haut) et à 2,5° (en bas)
200 à 1500 m par pas de 100 m), on                                                                      mesurés le 14 mai 2005 à 05h00 TU
détermine des profils moyens théoriques                                                                 par le radar polarimétrique bande C de
de ρ HV en fonction de la distance au                                                                   Trappes. Le grand cercle extérieur cor-
                                                                                                        respond à une distance radiale de
radar. Les profils obtenus sont ensuite                                                                 100 km. À site élevé, la zone de fusion
comparés au profil réel et on conserve                                                                  apparaît très nettement sur les tours
les altitudes d’isotherme 0 °C et d’épais-                                                              d’antenne de ρHV (couronne de valeurs
seur de bande brillante qui permettent                                                                  plus faibles que dans la pluie et dans la
d’obtenir le profil théorique « le plus                                                                 neige, de part et d’autre). À site bas
                                                                                                        (2,5°), la limite pluie-neige mouillée
proche » du profil réel. Pour éviter des                                                                est toujours bien visible en ρHV, alors
fluctuations importantes de la position                                                                 que sur la variable Z H elle est bien
de la bande brillante d’un tour d’antenne                                                               moins évidente.
à l’autre, un filtrage temporel est appli-
qué. Il s’agit du seul couplage entre les
traitements polarimétriques appliqués         Filtrage de la phase différentielle           pas été classés en précipitations). Pour
aux différents tours d’antenne.               et estimation de la phase                     ces derniers, on se contente de prolon-
                                              différentielle spécifique                     ger la correction d’atténuation déter-
                                                                                            minée pour les derniers pixels de
Normalisation                                 Un paramètre supplémentaire habituel-
                                                                                            précipitations rencontrés le long de la
de la phase différentielle                    lement calculé en polarimétrie est la
                                                                                            radiale.
                                              phase différentielle spécifique KDP, qui
La phase différentielle Φ DP présente
                                              est la dérivée de la phase différentielle
l’inconvénient d’avoir une valeur à                                                         La correction à appliquer est déterminée
                                              Φ DP. La phase différentielle étant en
l’origine en général non nulle (c’est-à-                                                    très simplement en fonction de la phase
                                              général bruitée, il est indispensable de
dire qu’elle ne vaut pas 0 au niveau du                                                     différentielle ΦDP, celle-ci étant directe-
                                              lui appliquer un filtrage avant de pou-
radar). Ceci est dû au fait que les ondes                                                   ment proportionnelle à l’atténuation dans
                                              voir calculer une dérivée. Ce filtrage est
polarisées horizontalement et verticale-                                                    l’hypothèse où la phase différentielle spé-
                                              effectué radiale par radiale. Il s’agit
ment n’empruntent pas les mêmes tra-                                                        cifique (KDP) et l’atténuation spécifique
                                              d’un filtrage médian sur des segments
jets de guide d’onde entre le point de                                                      (AH, en dB km–1) sont considérées comme
                                              de 6 km de long environ. Une fois ce
séparation des deux ondes (après l’é-                                                       proportionnelles avec un coefficient de
                                              filtrage appliqué, la phase différentielle
metteur) et le point d’émission au                                                          proportionnalité constant le long du seg-
                                              spécifique KDP est estimée en réalisant
niveau de l’antenne. Or, le principal                                                       ment d’intégration radiale.
                                              un ajustement linéaire de ΦDP en fonc-
intérêt de la phase différentielle est d’ê-
                                              tion de la distance, toujours sur un inter-
tre, au premier ordre, directement pro-                                                     Pour un pixel donné, la correction à ap-
                                              valle de 6 km autour du pixel considéré.
portionnelle à l’atténuation de l’onde                                                      pliquer à la réflectivité est PIA = γH ΦDP
                                              Cette méthode d’estimation de la phase
radar par les précipitations, sous réserve                                                  et la correction à appliquer à ZDR est
                                              différentielle spécifique présente l’inté-
que cette phase soit nulle au niveau du                                                     PIDA = γDP ΦDP, PIA et PIDA représen-
                                              rêt d’être simple et très robuste, deux
radar : c’est ainsi que la correction d’at-                                                 tant respectivement l’atténuation inté-
                                              propriétés importantes pour un logiciel
ténuation va être déterminée. Il est donc                                                   grée aller-retour (Path Integrated
                                              opérationnel. Cependant, la largeur
absolument nécessaire de normaliser la                                                      Attenuation, en dB) et l’atténuation dif-
                                              importante du filtre appliqué conduit à
phase différentielle, c’est-à-dire de lui                                                   férentielle intégrée aller-retour (Path
                                              sous-estimer les valeurs de KDP dans les
soustraire la valeur à l’origine.                                                           Integrated Differential Attenuation, en
                                              zones les plus intenses (centre des cel-
                                                                                            dB) entre le radar et la porte en distance
                                              lules convectives) et à surestimer les
La normalisation de la phase différen-                                                      analysée. Les constantes γH et γDP sont
                                              valeurs de KDP en bordures des zones les
tielle est effectuée de façon dynamique                                                     différentes selon la bande de fréquence.
                                              plus intenses (bordures de cellules
(c’est-à-dire à partir du tour d’antenne                                                    – pour la bande S,
                                              convectives). De nombreuses tech-
en cours de traitement uniquement, sans                                                     γH = 0,04 dBZ/° et γDP = 0,004 dB/° ;
                                              niques de filtrage (par exemple Wang et
utiliser de référence extérieure). Pour                                                     – pour la bande C,
                                              Chandrasekar, 2009) ont été proposées
chaque radiale, on recherche la zone de                                                     γH = 0,08 dBZ/° et γDP = 0,03 dB/° ;
                                              dans la littérature pour résoudre au
précipitations la plus proche du radar                                                      – pour la bande X,
                                              mieux le dilemme entre préserver la
mesurant au moins 2,4 km le long de la                                                      γH = 0,28 dBZ/° et γDP = 0,04 dB/°.
                                              résolution spatiale et filtrer le bruit sur
direction de visée. La valeur médiane
                                              les radiales de ΦDP.
de la phase différentielle sur ce segment                                                   De nombreux travaux ont été menés
est considérée comme la valeur à l’ori-                                                     (Gourley et al., 2007a ; Vulpiani et al.,
gine de Φ DP sur cette radiale. Un            Correction d’atténuation                      2008 ; Tabary et al., 2009) pour établir
contrôle de cohérence est ensuite effec-      Ce module permet de corriger la réflec-       empiriquement (ou par simulation) les
tué pour vérifier que les différentes esti-   tivité et la réflectivité différentielle de   valeurs moyennes et la variabilité (en
mations de la valeur à l’origine de ΦDP       l’atténuation due aux précipitations.         fonction de la température ou du type
déterminées pour l’ensemble des radia-        Cette correction d’atténuation est déter-     de précipitations) des coefficients γH et
les varient dans un intervalle raisonna-      minée pour tous les pixels de précipita-      γDP. La figure 6 illustre ainsi, en bande
ble. La normalisation est simplement          tions. Elle est appliquée à l’ensemble        C, la proportionnalité entre atténuation
effectuée en soustrayant la valeur à l’ori-   des pixels de précipitations ainsi qu’aux     (PIA) et atténuation différentielle
gine à l’ensemble des valeurs de la           pixels associés à un rapport signal sur       (PIDA) et phase différentielle (Φ DP)
phase le long de la radiale.                  bruit entre 10 et 15 dB (qui n’ont donc       pour différents épisodes.
La polarimétrie radar à Météo-France
64                                                                                                                           La Météorologie - n° 83 - novembre 2013

Couplage
entre chaîne polarimétrique
et fabrication des produits
Une fois le tour d’antenne traité par la
chaîne polarimétrique, les produits opé-
rationnels peuvent être fabriqués nor-
malement par le calculateur radar.
Cependant, les traitements polarimé-
triques sont effectués en coordonnées
polaires, alors que le reste des traite-
ments est effectué en coordonnées car-
tésiennes par le calculateur. L’option
retenue a été de simplifier le couplage
entre la chaîne polarimétrique et le reste
des traitements préexistants dans le cal-
culateur radar. En sortie de la chaîne
polarimétrique, on interpole sur la grille
cartésienne du radar deux paramètres
essentiels : l’atténuation due aux préci-
pitations et le type d’échos. Le couplage
se réduit alors à deux opérations sim-
ples : si le type d’écho diagnostiqué est
de ciel clair, on met la réflectivité ZH à
0, ce qui va permettre de « nettoyer »
                                             Figure 6. Relations empiriques obtenues à Trappes entre l’atténuation intégrée (PIA) et ΦDP (en haut) et l’atténua-
l’image, sinon on ajoute la correction       tion différentielle intégrée (PIDA) et ΦDP (en bas). Chaque courbe correspond à un épisode particulier. Les valeurs
d’atténuation à la réflectivité brute car-   de PIA et PIDA sont estimées par une méthode indépendante et originale décrite dans Gourley et al. (2007a).
tésienne mesurée par le calculateur, ce
qui va permettre de corriger de l’atté-
nuation. Les produits opérationnels          est la cause d’environ 50 % de la sous-                     essentielles : un estimateur de taux de
(réflectivité composite, lame d’eau, pro-    estimation constatée des lames d’eau                        pluie polarimétrique, en particulier pour
duit pour l’assimilation…) sont ensuite      radar sur les cumuls significatif (supé-                    les pluies fortes, et l’identification des
fabriqués normalement et bénéficient         rieurs à 10 mm en une heure).                               types d’hydrométéores.
des traitements issus de la polarimétrie.

                                                                                                         Estimation polarimétrique
Validation                                   Nouvelle génération                                         du taux de pluie
Les produits dits « polarimétriques »,       de chaîne                                                   Un certain nombre de travaux ont été
c’est-à-dire ayant bénéficié en amont
des traitements polarimétriques, ont fait
                                             polarimétrique                                              menés pour mettre au point un algo-
                                                                                                         rithme d’estimation du taux de pluie
l’objet d’une évaluation rigoureuse          Par rapport à la première version (V1)                      polarimétrique dans la pluie adapté aux
sur la durée. L’étude de validation a        de la chaîne polarimétrique, la deuxième                    radars opérationnels français (Tabary
consisté à réaliser des comparaisons         version (V2) inclut deux modifications                      et al., 2011 ; Figueras i Ventura et al.,
statistiques sous forme de nuages de
points entre les pluviomètres et les dif-
férentes lames d’eau (avec et sans utili-
sation de la polarimétrie).

Les scores classiques (coefficient de
corrélation, biais normalisé…) ont été
calculés. Comme illustré sur la figure 7,
la correction polarimétrique d’atténua-
tion réduit simultanément les sous-esti-
mations sur les pluies fortes (cumul
horaire pluviométrique supérieur à
10 mm) d’un facteur deux (passage de
–16 % à –9 % du biais normalisé) et
– comme une conséquence paradoxale
de l’ajustement temps réel par les plu-      Figure 7. Évaluation des lames d’eau conventionnelles (a) et des lames d’eau polarimétriques (b) sur 11 épisodes
viomètres – les surestimations sur les       pluvieux (entre l’été et l’hiver 2010). Les résultats sont présentés sous forme de diagrammes de dispersion avec
pluies faibles (cumul horaire entre          en abscisse le cumul horaire pluviomètre et en ordonnée le cumul horaire de la lame d’eau. L’algorithme lame
0,2 et 2 mm) également d’un facteur          d’eau est l’algorithme opérationnel de Météo-France, incluant le module d’ajustement temps réel par les pluvio-
                                             mètres (voir l’article de Tabary et al. dans ce numéro). Les scores de biais normalisé (NB) et de coefficient de cor-
deux (passage de +41 % à +18 %). On          rélation (Corr) sont fournis sur chaque graphe pour différentes gammes de cumuls horaires de précipitation
comprend ainsi, grâce à la polarimétrie,     mesurés par les pluviomètres. NB = 0,5 (resp. –0,5) signifie que le radar surestime de 50 % (resp. sous-estime
que l’atténuation par les précipitations     de 50 %) par rapport aux pluviomètres.
La polarimétrie radar à Météo-France
La Météorologie - n° 83 - novembre 2013                                                                                                                                  65

2012). Les études menées avec les dif-                     corrélation. Cet algorithme mixte est                      quatre épisodes observés par le radar de
férents algorithmes ont rapidement mis                     donc très satisfaisant et il a été décidé                  Nîmes, en bande C à 26 épisodes obser-
en évidence le fait que les précipita-                     de l’utiliser pour la version V2 de la                     vés par quatre radars et en bande X à
tions faibles sont assez bien restituées                   chaîne polarimétrique.                                     quatre épisodes observés par le radar du
en utilisant la loi Z-R de Marshall-                                                                                  mont Maurel. Il ne faut pas non plus
Palmer (ou en tout cas qu’aucun autre                      De nombreuses évaluations de la lame                       oublier que le radar en bande X utilisé
algorithme ne fait mieux), mais que les                    d’eau (figure 8) obtenue en temps différé                  (mont Maurel) est situé en région mon-
pluies fortes, en revanche, sont beau-                     avec l’estimateur hybride Z-KDP ont été                    tagneuse, à une altitude élevée, ce qui
coup mieux restituées en utilisant l’al-                   effectuées aux trois longueurs d’onde (S,                  n’est pas le cas des radars en bande C et
gorithme R-KDP de Beard et Chuang                          C et X) présentes dans le réseau Aramis.                   S utilisés dans cet exercice de valida-
(1987). On a donc naturellement envie                      Ces comparaisons sont présentées et                        tion. Pour autant, quelques grandes ten-
de « recoller » les deux, en utilisant le                  commentées dans Figueras i Ventura et                      dances se dégagent sur l’apport de la
premier pour les précipitations faibles                    al. (2013).                                                correction d’atténuation (V1) et sur l’u-
et le second pour les précipitations                                                                                  tilisation de l’estimateur hybride Z-KDP
fortes.                                                    Il ne faut pas perdre de vue que les éva-                  (V2) en fonction de la longueur d’onde.
                                                           luations des lames d’eau en bande X, C                     Les lames d’eau conventionnelles en
Un test a donc été effectué en utilisant                   et S présentées dans la figure 8 ne se                     bande X sont de piètre qualité, malgré
la relation R-KDP de Beard et Chuang                       font pas sur les mêmes événements, ni                      l’ajustement par les pluviomètres.
lorsque KDP est supérieur à un certain                     sur la même zone géographique. En                          L’ensemble des scores est considérable-
seuil (1°/km en bande S et C, 0,5 °/km                     bande S, les résultats correspondent à                     ment amélioré lorsque la correction
en bande X) et lorsque l’on est certain
d’être dans la pluie, les lois R-KDP n’é-
tant valables que dans la pluie (et non la                 Tableau 1. Paramétrage de la chaîne polarimétrique aux trois longueurs d’onde X, C et S.
neige ou la glace) et en utilisant la loi de
                                                            Longueur      γH, en dB/°      γDP en dB/°        Loi Z-R           Loi R-KDP               Seuil en KDP
Marshall-Palmer dans les autres cas. On
                                                             d’onde                                                                                de passage de ZH à KDP
nomme cette restitution hybride « Z-
KDP ». Les résultats obtenus sont présen-                        X            0,28             0,04         Z = 200R1,6       R = 23 KDP0,79               0,5 °/km
tés dans le tableau 1 et la figure 8. Pour                       C            0,08             0,03         Z = 200R   1,6
                                                                                                                             R = 29,7 K     0,85
                                                                                                                                                            1 °/km
                                                                                                                                          DP
toutes les gammes de taux de pluie, on
obtient un biais faible et une bonne                             S            0,04            0,004         Z = 200R1,6      R = 53,4 KDP0,85               1 °/km

Figure 8. Évaluation des lames d’eau conventionnelles (à gauche), polarimétriques V1 (colonne du milieu) et polarimétriques V2 (à droite) en bande X (en haut), C (au milieu)
et S (en bas). Les comparaisons sont réalisées par rapport aux pluviomètres situés à moins de 60 km, au pas de temps horaire. Les lames d’eau radar de l’heure H sont cor-
rigées d’un facteur calculé à partir des rapports radar-pluviomètres des heures antérieures (H – 1, H – 2…). Voir l’article de Tabary et al. dans ce numéro. Les scores stan-
dard (biais normalisé NB, coefficient de corrélation corr, erreur quadratique moyenne RMS, coefficient de Nash) pour différentes gammes de cumuls de précipitation horaire
mesurés par les pluviomètres (≥ 0,2 mm, ≥ 1 mm et ≥ 5 mm en une heure) figurent sur chaque graphe.
La polarimétrie radar à Météo-France
66                                                                                                                         La Météorologie - n° 83 - novembre 2013

d’atténuation polarimétrique est activée      SNR le rapport signal sur bruit et SCR                    Un exemple de résultat de l’identifica-
(V1) et plus encore lorsque l’estimateur      le rapport signal sur niveau d’échos                      tion des hydrométéores sur un tour
hybride Z H-K DP est utilisé (V2). La         fixes sous-jacent. La probabilité de                      d’antenne est fourni dans la figure 9.
même tendance s’observe en bande C et         chaque hydrométéore est donc calculée                     Al-Sakka et al. (2013) ont réalisé une
en bande S, certes de manière atténuée.       et on retient pour ce pixel l’hydromé-                    évaluation semi-objective des classifi-
Au final (V2), les lames d’eau en bande       téore associé à la probabilité la plus éle-               cations de types d’hydrométéores.
X restent de moins bonne qualité qu’en        vée. Les fonctions F(ZH), F(T) et F(alti,
bande C ou S, mais cela est toutefois à       BB), multiplicatives, servent à éviter les
relativiser étant donnée la position par-     diagnostics « aberrants » : il n’est pas
ticulière du radar en bande X (zone de        réaliste de diagnostiquer de la grêle                     Conclusions
montagne, altitude élevée).                   pour une réflectivité de 20 dBZ, de la
                                              neige pour une réflectivité de 60 dBZ,                    La polarimétrie constitue le nouveau
                                              de la pluie pour une température de                       standard des radars opérationnels, en
                                              –20 °C ou très haut au-dessus de la                       France comme à l’étranger. Les renou-
Les hydrométéores                             bande brillante, etc. Les fonctions de                    vellements ou compléments de radars
On trouve dans la littérature différents      ZH, ZDR, KDP et ρHV, additives, sont la base              se font désormais à Météo-France sys-
algorithmes permettant une discrimina-        de l’algorithme de logique floue. Ces                     tématiquement avec des radars polari-
tion entre les types d’hydrométéores.         trois fonctions sont nommées fonctions                    métriques, quelle que soit la longueur
De nombreux algorithmes sont de type          d’appartenance. Elles ont été détermi-                    d’onde.
logique floue, avec des formulations          nées de façon empirique afin d’être les
variables (parfois additives, parfois         plus adaptées possible aux radars du                      Après près de huit années d’expérience
multiplicatives, parfois mixtes, avec ou      réseau (Al-Sakka et al., 2013). De plus,                  à Météo-France, il apparaît que la pola-
sans poids, etc.). Les variables utilisées    par le biais de la phase ΦDP, du rapport                  rimétrie permet clairement d’améliorer
sont en général ZH, ZDR, KDP, ρHV, la tem-    signal sur bruit SNR et du rapport                        la qualité des produits radars, au travers
pérature et la position du pixel par rap-     signal sur niveau d’échos fixes SCR,                      notamment d’une meilleure identifica-
port à la bande brillante (en dessous, à      ces fonctions d’appartenance prennent                     tion des échos non météorologiques
l’intérieur ou au-dessus). On trouve          en compte les conditions de mesure.                       (ciel clair), d’une capacité à corriger de
essentiellement des algorithmes vala-         Comme pour les densités de probabilité                    l’atténuation, à mieux estimer le taux de
bles en bande S, les algorithmes vala-        servant à distinguer échos de sol, échos                  précipitations, notamment sur les pluies
bles en bande C et surtout en bande X         de ciel clair et échos de précipitations,                 fortes, et à identifier le type d’hydromé-
étant nettement plus rares.                   les fonctions d’appartenance ont été                      téores. Une chaîne de traitement polari-
                                              réalisées « manuellement » en isolant                     métrique a été rendue opérationnelle sur
Dans la chaîne polarimétrique V2, le          sur des images des zones où le type                       tous les radars polarimétriques (à l’ex-
choix a été fait d’utiliser un algorithme     d’hydrométéore pouvait être identifié                     ception des radars en bande X, encore
de logique floue pour la détermination        de façon certaine et en calculant la dis-                 en cours de qualification) en 2012.
du type d’hydrométéore. On a souhaité         tribution statistique des couples de                      Cette chaîne de traitement sera réguliè-
avoir une formulation relativement sim-       variables dans ces zones.                                 rement améliorée.
ple et logique, et qui soit identique
quelle que soit la bande de fréquence
(S, C ou X). Par ailleurs, on s’est volon-
tairement limité à un nombre restreint
d’hydrométéores : pluie, neige mouil-
lée, neige sèche, glace et grêle. À terme,
la classe « grêle » devrait être divisée en
trois classes correspondant à la petite
grêle (moins de 5 mm), la moyenne
grêle (de 5 à 20 mm) et la grosse grêle
(plus de 2 cm de diamètre).

Pour un pixel donné, identifié comme
étant des précipitations, la probabilité
de chacun des types d’hydrométéores
est donnée par la fonction :

P = F(ZH) × F(T) × F(alti, BB)
× [F(ZH, ZDR, ΦDP, SNR, SCR)
+ F(ZH, KDP, ΦDP, SNR, SCR)
+ F(ZH, ρHV, ΦDP, SNR, SCR)]

où ZH est la réflectivité horizontale, T la
température, alti l’altitude du centre du
faisceau pour le pixel considéré, BB la
position de la bande brillante (altitude
du bas et du haut de la bande brillante),     Figure 9. Exemple de types d’hydrométéores identifiés par la méthode de logique floue. Radar de Collobrières, le
                                              20 mars 2013 à 12h05, angle de site 0,4°. Les cercles sont espacés de 50 km. L’observation se faisant sur un
ZDR la réflectivité différentielle, KDP la    cône, à mesure que la distance au radar augmente, l’altitude de mesure augmente également et le faisceau radar
phase différentielle spécifique, ρHV la       traverse successivement, avec bien sûr des modulations, la pluie, puis la neige mouillée, puis la neige sèche et
corrélation, ΦDP la phase différentielle,     enfin la glace.
La Météorologie - n° 83 - novembre 2013                                                                                                                        67

Parmi les sujets à examiner ces prochai-
nes années, on peut citer la consolida-                             Bibliographie
tion des estimations polarimétriques du      Al-Sakka H., A.-A. Boumahmoud, B. Fradon, S. Frasier et P. Tabary, 2013 : A new fuzzy logic hydrometeor classifi-
taux de pluie aux trois longueurs d’onde     cation scheme for the French X, C and S-band polarimetric radar. J. Appl. Meteorol. Climatol., in press.
et à tous les taux de pluie (de faible à     Beard K.V. et C. Chuang, 1987 : A new model for the equilibrium shape of raindrops. J. Atmos. Sci. 44, 1509-1524.
fort), l’estimation polarimétrique des       Brandes E.A., G. Zhang et J. Vivekanandan, 2002 : Experiments in rainfall estimation with a polarimetric radar in a
incertitudes sur la restitution du taux de   subtropical environment. J. Appl. Meteorol., 41, 674–685.
pluie et l’introduction de règles de         Figueras i Ventura J, A.-A. Boumahmoud, B. Fradon, P. Dupuy et P. Tabary, 2012 : Long-term monitoring of French
« mosaïquage » intelligentes entre           polarimetric radar data quality and evaluation of several polarimetric quantitative precipitation estimators in ideal
radars (éventuellement de longueurs          conditions for operational implementation at C-band. Quart. J. Royal Meteorol. Soc., 138, 2212-2228.
d’onde différentes), l’estimation des        Figueras i Ventura J. et P. Tabary, 2013 : The new French operational polarimetric radar rainfall rate product. J.
taux de précipitation dans la neige, et      Appl. Meteor. Climatol. in press.
l’estimation quantitative de la grêle. On    Friedrich K., U. Germann et P. Tabary, 2009 : Influence of ground clutter contamination on polarimetric radar para-
peut également citer le développement        meters. J. Atmos. Oceanic Technol., 26, 251-269.
de simulateur de données radar polari-       Gourley J.J., P. Tabary et J. Parent du Châtelet, 2006 : Data quality of the Météo France C-band polarimetric radar.
métrique, couplé à des modèles de pré-       J. Atmos. Oceanic Technol., 23, 1340-1356.
vision numérique à maille f ine et           Gourley J.J., P. Tabary et J. Parent du Châtelet, 2007a : Empirical estimation of attenuation from differential propa-
microphysique riche, préparant l’assimi-     gation phase measurements at C-band. J. Appl. Meteor., 46, 306-317.
lation future des observables polarimé-      Gourley J.J., P. Tabary et J. Parent du Châtelet, 2007b : A fuzzy logic algorithm for the separation of precipitating
triques (voir l’article de Mahfouf et al.    from non-precipitating echoes using polarimetric radar. J. Atmos. Oceanic Technol., 24, 1439-1451.
dans ce numéro).                             Gourley J.J., A.J. Illingworth et P. Tabary, 2009 : Absolute calibration of radar reflectivity using redundancy of the
                                             polarization observations and implied constraints on drop shapes. J. Atmos. Oceanic Technol., 26, 689-703.
                                             Krajewski W.F., G. Vilarini et J.A. Smith, 2010 : Radar-rainfall uncertainties. Bull. Amer. Meteor. Soc., 91, 87-94.
                                             Seliga T.A. et V.N. Bringi, 1976 : Potential use of radar differential reflectivity measurements at orthogonal polari-
                                             zations for measuring precipitation. J. Appl. Meteorol., 15 , 69-76.
                                             Sauvageot H., 2000 : Le radar polarimétrique, une nouvelle approche pour l’observation des champs de précipita-
                                             tions, La Météorologie, 31, 25-41.
                                             Tabary P., G. Vulpiani, J.J. Gourley, A.J. Illingworth, R.J. Thompson et O. Bousquet, 2009 : Unusually high differen-
                                             tial attenuation at C-band : results from a two-year analysis of the French Trappes polarimetric radar data. J. Appl.
                                             Meteorol. Climatol., 48, 2037-2053.
                                             Tabary P., A.-A. Boumahmoud, H. Andrieu, R.J. Thompson, A.J. Illingworth, E. Le Bouar et J. Testud, 2011 :
                                             Comparison of two algorithms for quantitative precipitation estimations from operational polarimetric radars for
                                             hydrological applications. J. Hydrol., 405, 248-260.
                                             Testud J., E. Le Bouar, E. Obligis et M. Ali-Mehenni, 2000 : The rain profiling algorithm applied to polarimetric wea-
                                             ther radar. J. Atmos. Oceanic Technol., 17, 332-356.
                                             Vulpiani G., P. Tabary, J. Parent du Châtelet et F.S. Marzano, 2008 : Comparison of advanced radar polarimetric
                                             techniques for operational attenuation correction at C-band. J. Atmos. Oceanic Technol., 25, 1118-1135.
                                             Wang, Y. et V. Chandrasekar, 2009 : Algorithm for estimation of the specific differential phase. J. Atmos. Oceanic
                                             Technol., 26, 2565-2578.
                                             Zawadzki I., 1984 : Factors affecting the precision of radar measurements of rain. Preprints, 22d Int. Conf. on
                                             Radar Meteorology, Zurich, Switzerland. Amer. Meteor. Soc., 251-256.
Vous pouvez aussi lire