La pratique du mandat d'intégration de l'aide sociale
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Synthèse de létude de la CSIAS: La pratique du mandat d’intégration de l’aide sociale Une prise de position de la CSIAS basée sur l’enquête menée auprès de 20 services sociaux Ces deux dernières décennies, la mission d’intégration de l’aide sociale a changé. L’évolution structurelle du marché du travail et les changements des modes de vie ont engendré une augmentation exponentielle du nombre de personnes recourant à l’aide sociale. De plus en plus de personnes touchées par la pauvreté doivent faire appel à ses prestations, pour des périodes de plus en plus longues. Conséquence de cette évolution : une (ré)insertion sur le premier marché du travail s’avère de plus en plus souvent irréaliste. Et, parce qu’ils sont absents du marché du travail, parfois pendant des années, les ayants droit de longue durée courent le risque de la marginalisation. La pensée politique également opère une mutation dans sa conception de l’aide sociale. Désormais, le critère du besoin n’est plus le seul pris en compte pour la prise en charge des personnes touchées par la pauvreté. Le montant de l’aide dépend de plus en plus de leur capacité à fournir une contre-prestation et de leur aptitude à coopérer. On pense ainsi renforcer le potentiel d’intégration des ayants droit. Cette nouvelle orientation se reflète très bien dans la révision de 2005 des normes de la CSIAS. Celles-ci prévoient désormais, dans le calcul de l’aide, un système de suppléments qui récompense les efforts de réinsertion des personnes concernées. Elles prévoient également tout un panel de sanctions visant à renforcer la coopération des ayants droit dans leur effort de réinsertion sociale. Pour la CSIAS, la question est donc de savoir où l’aide sociale se situe dans la mise en œuvre de la mission d’insertion/intégration et comment le système de supplément peut s’appliquer dans la pratique. Le rapport intitulé « La pratique du mandat d’intégration de l’aide sociale » cherche à clarifier la position de la CSIAS sur ces questions. Une fois cette base posée, il devient en effet possible d’identifier les mesures éventuellement nécessaires. À quel niveau faudrait-il adapter le concept du système de suppléments ? Comment les services sociaux peuvent-ils être mieux soutenus dans leur tâche de réinsertion ? Et quelles sont les implications politiques ? Théorie et pratique du système de suppléments Pour répondre à la demande des cantons, qui souhaitent bénéficier d’une marge de manœuvre dans l’application des normes, la révision définit volontairement les suppléments (franchise sur le revenu et suppléments d’intégration pour les personnes sans activité lucrative) de façon relativement ouverte. C’est grâce à cette marge de manœuvre que 22 cantons mettent en pratique le système de suppléments. Les cantons d’Argovie, d’Appenzell Rhodes-Intérieures, du Tessin et du canton de Vaud se basent sur les versions antérieures (1998 et 2002) des normes de la CSIAS. Ces cantons n’appliquent pas le système de suppléments ou ils utilisent seulement certains suppléments et ce, sous une forme adaptée à leur usage. Les 22 cantons qui se réfèrent au système de suppléments des normes de la CSIAS prévoient une franchise sur le revenu pour les ayants droit exerçant une activité lucrative et un supplément d’intégration pour ceux qui fournissent d’autres prestations d’intégration. Cependant – et les normes de la CSIAS l’ont prévu ainsi – l’importance des montants diffère d’un canton à l’autre. Les franchises sur le revenu maximum varient entre 400 et 600 francs ; les suppléments d’intégration maximum varient entre 100 et 300 francs. Les normes de la CSIAS recommandent d’appliquer deux types de suppléments d’intégration : le supplément d’intégration pour les personnes sans activité lucrative et le supplément minimal d’intégration. Le premier est appliqué par les 22 cantons qui se réfèrent au système de suppléments; le second en revanche n’est appliqué que par 16 de ces cantons. 1
Il s’avère que l’existence théorique de ces deux types de suppléments ne donne pas vraiment d’indication sur leur application effective. Les critères déterminant le versement d’un supplément diffèrent beaucoup d’un canton à l’autre. Certes, les normes de la CSIAS prévoient une marge de manœuvre, mais en pratique, cette marge confère un caractère non contraignant à la mise en œuvre des suppléments. Dans les services sociaux interviewés, l’observation de la répartition des suppléments montre qu’il existe d’énormes différences dans le nombre de suppléments versés ainsi qu’un certain écart entre la définition des critères et le nombre de suppléments effectivement versés. Dans tous les services sociaux interrogés, il est malaisé de percevoir la relation existant entre le concept des suppléments tel qu’il est conçu par tel canton ou telle commune et le nombre de suppléments versés. Les cantons de Suisse centrale, par exemple, présentent tous un concept très semblable répertoriant de façon nuancée les critères d’habilitation à un supplément. Ils prévoient de récompenser un certain nombre d’activités peu structurées, par exemple des activités bénévoles ou de prise en charge de proches. C’est là une interprétation très généreuse du concept des suppléments. En pratique toutefois, la répartition effective des suppléments varie énormément d’un endroit à l’autre. Globalement, le nombre de suppléments distribués se situe plutôt en dessous de la moyenne – et même largement en dessous, pour certains lieux – et ce, malgré la générosité apparente des normes cantonales. SOSTAT a analysé la répartition de tous les ayants droit à l’aide sociale de plus de 15 ans en Suisse pour 2007. Les résultats montrent que 28,6% d’entre eux exerçaient une activité rémunérée, ce qui les habilitait en principe à toucher une franchise sur le revenu (au moins dans les cantons qui prévoient cette franchise). Dans notre échantillonnage, lorsqu’on compare ce pourcentage avec les suppléments effectivement versés, on peut supposer que les individus recourant à l’aide sociale, exerçant une activité rémunérée et qui auraient donc droit à la franchise, sont loin de la toucher tous. La question se pose de savoir si la fourchette du taux de répartition observéede la franchise sur le revenu, de 7 à 56%, représente réellement la répartition des personnes exerçant une activité lucrative et bénéficiant de l’aide sociale. Selon SOSTAT, dans les petites communes, le nombre de personnes de plus de 15 ans recourant à l’aide sociale et exerçant une activité lucrative est largement supérieur à la moyenne ; or notre enquête montre que les petites communes (respectivement les cantons et services sociaux régionaux essentiellement composés de petites communes) font justement particulièrement mauvaise figure dans ce domaine.1 Ces chiffres nous obligent à nous demander si l’octroi de la franchise sur le revenu se fonde partout sur des critères objectifs. Cela est d’autant plus inquiétant que les critères qui sous-tendent la franchise sur le revenu sont justement très clairs et concordants. En ce qui concerne les critères du supplément d’intégration pour les personnes sans activité lucrative, le constat est moins net. Dans ce cas, la marge de manœuvre des personnes responsables de la gestion des cas est beaucoup plus importante. En additionnant les taux de la répartition des suppléments d’intégration pour les personnes sans activité lucrative et du supplément minimal d’intégration, on obtient une valeur moyenne de 45%. À vrai dire, le nombre effectif de cas qui obtiennent un supplément d’intégration devrait se situer nettement plus bas puisqu’il faut compter avec le phénomène fréquent du double comptage. Par ailleurs, au vu de la manière dont ce taux est calculé, on peut supposer que les taux seraient nettement moins élevés si on comptai par mois de référenceContrairement à ce qui se passe pour la franchise sur le revenu, il est plus difficile de savoir combien d’ayants droit sont concernés par les suppléments d’intégration et ont effectivement le droit de les toucher. Un nombre indéterminé des quelque 60% de personnes, qui pourraient théoriquement entrer en ligne de compte, n’est pas concerné, pour des raisons de santé. En outre, l’habilitation à un supplément d’intégration dépend de la disponibilité effective des bénéficiaires à fournir une prestation. C’est pourquoi il n’est pas possible de dire combien d’ayants droit peuvent effectivement faire valoir leur droit à un supplément d’intégration. Entre les services interviewés, on constate d’énormes différences concernant le taux de répartition des suppléments d’intégration. Cela renforce l’hypothèse selon laquelle l’octroi des suppléments ne se ferait pas toujours selon des critères objectifs. Cette variation de taux ne s’explique pas seulement par les différences qui existent dans la population. Les dissemblances dans la définition des critères, politiquement voulues, jouent un rôle bien plus considérable ici. Toutefois, et on l’a bien vu avec l’exemple des services sociaux de Suisse centrale, cette volonté politique n’explique pas à elle seule toute l’ampleur des différences. 1 Même si deux taux différents sont comparés ici (nombre de personnes vis-à-vis du nombre de cas et nombre de plus de 15 ans vis-à-vis du nombre de personnes), il est probable que la tendance se confirme tout de même. 2
À ce point, il est intéressant de comparer la répartition des suppléments d’intégration pour les personnes sans activité lucrative avec l’usage des mesures d’intégration. Dans notre échantillon, dans la majorité des cas, les chiffres concordent plus ou moins : le nombre de suppléments d’intégrations pour les personnes sans activité lucrative concorde avec celui des personnes ayant bénéficié de mesures, ce qui n’est pas obligatoirement le cas puisque les suppléments d’intégration sont (en principe) octroyés également pour d’autres prestations d’intégration qu’une participation aux mesures d’intégration. L’un des services interviewés rapporte ainsi que 16 personnes ont pris part à une mesure d’intégration en 2008 et que, dans le même temps, 37 ont touché un supplément d’intégration pour les personnes sans activité lucrative, pour une activité sur le second marché du travail. 68 autres personnes ont vu leur disponibilité à coopérer – observation de leurs rendez-vous, recherche d’emploi – récompensée par un supplément d’intégration pour les personnes sans activité lucrative. 18 personnes ont touché un supplément minimal d’intégration. Mais dans certains services sociaux, le taux de répartition du supplément est moins élevé que le taux de participation à une mesure d’intégration. Un service, par exemple, indique que sept personnes ont pris part en 2008 à une mesure d’intégration, mais que pendant le même temps, une seule personne a reçu un supplément d’intégration pour les personnes sans activité lucrative. En revanche, dans le même service, le taux de suppléments minimaux d’intégration est relativement élevé (44%). La difficulté que représente pour les services sociaux le fait d’appliquer les suppléments d’intégration le plus objectivement possible est un sujet important. La plupart des services interrogés, et notamment les partenaires d’interview qui sont directement impliqués dans le traitement des cas, témoignent de la difficulté d’appliquer le système de suppléments de façon homogène et considèrent cela comme un véritable problème. Certes, comme le soulignent certains des services sociaux ou des responsables de services, cette marge de manœuvre est dans l’esprit des normes de la CSIAS et du travail social orienté vers le besoin. Toutefois, l’évaluation des données montre que dans une très grande mesure, des critères similaires sont appliqués de manière différente. En même temps, il est clair que cette marge de manœuvre, voulue et intégrée dans les normes de la CSIAS, n’est pratiquement pas utilisée. Même si elle se reflète dans un grand nombre de directives émises par les cantons, elle est nettement sous-employée dans la pratique. Les travailleurs sociaux et les autorités sociales s’appuient trop souvent sur leur seule latitude d’appréciation pour décider si l’effort fourni et l’importance de l’activité d’intégration sociale sont susceptibles ou non d’être récompensés d’un supplément. D’après les résultats donst nous disposons, on peut partir du principe que cette décision est souvent trop restrictive. Les travailleurs sociaux semblent être plutôt prudents dans l’utilisation de leur marge de manœuvre lorsqu’il s’agit d’octroyer les suppléments. L’une des raisons de cette prudence est sans doute due, en tout cas pour certains lieux, à la conscience des autorités sociales des coûts qu’ils engendrent. Reste à savoir (l’étude n’en est pas encore faite) si c’est la marge de manœuvre incluse dans les normes qui engendre directement un sentiment d’insécurité. Il ne faut pas comprendre ce flottement dans l’application pratique du système de suppléments comme un rejet de son principe même. De la base jusqu’aux postes de cadres, la plupart des personnes des services interrogés soutiennent clairement ce principe. Il est apprécié notamment parce que c’est un instrument du travail social qui permet de reconnaître l’importance des efforts fournis pour s’intégrer socialement. Il est également apprécié, et utilisé, pour une question de légitimation. Il est plus simple en effet de justifier l’utilité de l’aide sociale aux yeux de l’opinion publique lorsqu’on peut dire que les ayants droits à l’aide sociale qui font l’effort de s’adonner à des activités d’intégration sociale sont financièrement mieux lotis que ceux qui ne semblent pas montrer de dispositions dans ce sens. Cette unanimité entourant la difficulté d’application est d’autant plus étonnante que l’une des intentions principales du principe des suppléments ne semble pas être remplie. En effet, un supplément financier récompensant l’effort visant à l’intégration sociale ne semble pas représenter une motivation vraiment déterminante. Certes, il représente bien un soutien motivant aux yeux des ayants droit à l’aide sociale, mais il est rarement déterminant pour décider effectivement un ayant droit à s’engager dans une activité d’intégration sociale. En fait, selon les responsables de cas, la suppression d’un supplément engendre un effet de motivation plus important que sa promesse. C’est là un constat intéressant : il semble que les ayants droit trouvent moins acceptable de se voir retirer telle somme qui leur était auparavant mensuellement versée que de devoir renoncer à une augmentation. 3
Offre et usage des mesures d‘intégration La révision des normes de la CSIAS de 1998 déjà mettait en exergue l’importance de l’intégration sociale et professionnelle. En effet, un chapitre entier des normes était consacré aux mesures d’intégration. En introduisant dans les normes 2005 une reconnaissance financière récompensant les efforts d’intégration (le système de suppléments), on espérait continuer d’encourager l’usage des mesures d’intégration. Faute d’informations, il reste aujourd’hui difficile d’évaluer l’importance effective des mesures d’intégration dans la pratique de l’aide sociale. L’un des objectifs prioritaires de cette recherche a donc été d’en esquisser un tableau exemplaire. Pratiquement, à quel point utilise-t-on les mesures d’intégration ? Quel genre de mesures sont-elles utilisées, avec quelle intention, et quels sont les clients qui en profitent ? Les «mesures d’intégration» : cette notion recouvre des mesures de tous types qui visent d’une manière ou d’une autre à encourager l’intégration sociale et/ou professionnelle et sont appliquées en dehors de l’accompagnement social. On distingue les mesures collectives, les mesures individuelles, celles qui offrent une structure de jour et celles qui ont un caractère évaluatif et de coaching. Il existe d’autres différences, par exemple dans l’importance de la prise en charge et de l’accompagnement des ayants droit. Dans les services interrogés, les programmes de groupes proposant une structure de jour et permettant en général d’accomplir des activités simples et répétitives sont les plus répandus. Dans ces programmes collectifs, les ayants droit sont en général soutenus par des personnes qui les accompagnent et les aident également dans leurs efforts pour trouver un emploi. Certains programmes de groupe proposent également une part de formation. Le plus souvent, cette dernière se limite à des séances de développement personnel et un coaching d’entraînement à candidature. Bien que dans beaucoup d’endroits, et notamment dans les services sociaux de petite taille, ces programmes de groupe soient (encore) très utilisés, il semble que les mesures individuelles sont en train de gagner du terrain. On s’aperçoit que les services sociaux, surtout ceux qui disposent d’un bureau interne pour les questions d’intégration, essaient de plus en plus de trouver un emploi aux ayants droit dans des entreprises privées ou publiques, aussi près que possible du marché du travail et à des conditions financières aussi favorables que possible. Ces places de travail individuelles exigent toutefois un travail de recherche que seuls les services dotés d’un poste interne spécialisé ou qui paient un service externe pour le faire (fournisseurs de mesures d’intégration) sont en mesure de financer. D’autres mesures individuelles sont également appréciées, comme les programmes permettant de vérifier le potentiel des personnes et les programmes de coaching et de soutien dans la recherche d’emploi. Les organes responsables de ces différentes offres et programmes sont presque tous exclusivement privés. La plupart du temps, il s’agit d’association et de fondations à but non lucratif. Seules quelques places individuelles sont le fruit de prospection du service social lui-même. À part cela, aucun des services interrogés ne propose des programmes structurés sous la bannière de l’administration étatique. Le dépouillement des interviews montre qu’en 2008, en moyenne, moins d’une personne sur six a pu prendre part à une mesure d’intégration. En principe, une activité d’intégration devrait entrer en ligne de compte pour une majorité des quelque 60% de personnes n’exerçant pas d’activité lucrative, que ce soit avec l’objectif d’une réinsertion sur le 1er marché du travail ou pour éviter une désintégration sociale. En même temps, la question de la durée des mesures se pose. Pour la plus grande partie des ayants droit à l’aide sociale qui recourent à ces mesures, leur durée ne devrait pas excéder 6 mois. C’est en tout cas ce qu’indiquent les données que les services ont mis à notre disposition. La question se pose donc de savoir comment il se fait que les ayants droit de l’aide sociale qui prennent part à des mesures d’intégration ne soient pas plus nombreux. L’analyse des interviews donne différentes réponses à cette question. Les facteurs qui semblent déterminer l’usage ou non des mesures d’intégration sont les suivants : perspective de (ré)insertion sur le 1er marché du travail, frais engendrés, offre appropriée et motivation des ayants droit concernés. L’interview montre que la valeur d’une mesure d’intégration s’évalue le plus souvent dans sa capacité de réinsérer les clients sur le 1er marché du travail. Les mesures s’orientent donc essentiellement vers une intégration professionnelle et l’on entre en matière en premier lieu pour les clients qui ont (encore) une chance de trouver un emploi sur le 1er marché du travail ou qui ont encore une 4
longue période devant eux avant l’âge de la retraite. La décision d’utiliser ou non une mesure d’intégration est donc assujettie à une analyse des coûts et du rendement ou à celle de l’utilisation efficace des ressources disponibles. Les mesures d’intégration représentent souvent des coûts importants : en plus du soutien habituel, la participation à une mesure d’intégration s’élève à des montants allant de 500 francs à plus de 2000 francs. On le voit bien en analysant les interviews : ces coûts représentent souvent un obstacle à l’utilisation de la mesure. Lorsque les commissions sociales décident de leur usage, pratique qui s’accompagne généralement de la compétence financière de la commune, les coûts entrent en contradiction avec l’utilisation. Partant, l’on ne prend en considération que les clients pour lesquels il existe une chance raisonnable de penser que la fréquentation d’une mesure les aidera à quitter l’aide sociale. Parallèlement, les ressources en personnel sont limitées, elles aussi, ce qui influence aux yeux des décideurs le choix de la mesure d’intégration qui semble la mieux adaptée. Dans les cas où les coûts ne sont pas pris en charge par la commune, ce sont les affaires sociales des cantons qui établissent les offres des mesures d’intégration et financent les places. Le nombre de places étant de toute façon trop restreint et l’offre ne correspondant pas obligatoirement aux besoins, les services sont, là aussi, obligés d’utiliser les ressources disponibles (donc les places) à bon escient. Le nombre de places, resp. l’importance de l’offre est donc insuffisante, et pas seulement dans les cantons où la compétence en matière de mesures d’intégration leur incombe. Dans toute la Suisse, il manque cruellement de places de travail à durée indéterminée pour les ayants droit à l’aide sociale. Les possibilités de mesures d’intégration à long terme sont rares pour le nombre croissant d’ayants droit qui n’ont pratiquement pas d’espoir de réintégrer le 1er marché du travail. De plus, ces personnes sont les premières concernées par le risque de l’exclusion sociale. Leur éloignement du quotidien du travail, quelquefois depuis des années, engendre souvent un isolement social, ce d’autant plus qu’il s’agit souvent de personnes vivant seules. Les services ayant répondu à l’interview admettent qu’il serait absolument nécessaire de mettre à leur disposition des structures de jour. Mais lorsqu’on parle de garantir ces structures sur un plus long terme, beaucoup des services interrogés n’entrent en matière que pour des solutions peu onéreuses ou n’engageant aucun frais. Dans ce contexte entrent en ligne de compte des places en entreprise sociale ou en ateliers protégés, comme on les pratique dans le cadre de l’AI, ou encore des places individuelles dans des institutions à but non lucratif. Outre que ce genre de possibilités à long terme restent rares, on peut également regretter l’absence de possibilités d’acquérir des qualifications. L’aide sociale ne finance pratiquement aucune possibilité de formation et de cours. Cela rend particulièrement difficile l’entrée dans la vie professionnelle des jeunes adultes qui n’ont pas réussi à terminer un apprentissage. D’autres ayants droit à l’aide sociale, peu ou pas qualifiés, ou dont les qualifications ne sont plus nécessaires sur le marché du travail, ont également peu de possibilités de retrouver une activité rémunératrice durable par le biais d’une (nouvelle) qualification. Même si on constate un lien étroit entre l’espoir de réussite et la fréquence de l’usage d’une mesure d’intégration, il semble que la satisfaction en ce qui concerne la qualité d’une mesure d’intégration n’est pas rattachée en premier lieu au taux d’intégration lui-même. On impute rarement la responsabilité de l’absence de succès en matière d’intégration aux organes qui proposent la mesure. Avec ces derniers, les expériences sont en général considérées comme plutôt positives. La qualité des mesures est considérée comme bonne, tout comme la capacité d’échange des organes proposant les mesures. Mais certains indices laissent aussi penser que les services interrogés n’ont pas toujours les connaissances suffisantes pour pouvoir réellement évaluer la qualité des mesures autrement que de façon superficielle. L’expérience des responsables de la gestion des cas, selon laquelle les ayants droit à l’aide sociale qui participent à des mesures d’intégration en profitent personnellement beaucoup, permet sans doute de faire une évaluation positive des mesures malgré le fait qu’elles n’ont pas toujours le succès escompté en matière de réinsertion. Sur ce point, les services interrogés ont été étonnamment clairs. Les clients qui participent à une mesure développent une plus grande assurance et leurs compétences personnelles s’améliorent considérablement. Aucun des interviews ne dénie que les mesures d’intégration exercent un effet positif sur le bien-être personnel, et la valeur de ces effets est reconnue par tous. En revanche, on constate aussi que cet effet positif n’est pas durable. Si la mesure ne débouche pas sur une solution adéquate, l’effet positif se perd très vite, cédant rapidement la place à un sentiment de frustration. 5
Alors même que l’usage des mesures d’intégration dépend fortement des ressources qui sont à disposition du service social, et que la priorité mise sur l’intégration professionnelle ne permet pas à un grand nombre d’ayants droit d’avoir accès à une mesure d’intégration, il ne faut pas perdre de vue la motivation des ayants droit à prendre part ou non à l’une de ces mesures. Plusieurs services interviewés affirment que cette disposition favorable est déterminante quand il s’agit de proposer ou non une mesure. Il est évidemment difficile d’évaluer combien de clients n’ayant pas accès à une mesure d’intégration malgré le fait qu’ils montrent une réelle disposition à y prendre part, mais on peut supposer qu’ils sont nombreux dans ce cas. Les services interrogés sont unanimes pour affirmer que la plupart des clients sont coopératifs et souhaitent vraiment « faire quelque chose ». Ceux qui s’opposent fermement à une mesure d’intégration représentent l’exception. Les jeunes adultes sont en moyenne un peu moins coopératifs. L’absence de motivation peut s’expliquer par le fait que les ayants droit ne voient pas le sens de l’activité ou ne comprennent pas pourquoi cette activité n’est pas rémunérée. On peut aussi se demander si elle n’est pas due, au moins en partie, à l’absence d’attractivité de l’offre. Dans les régions rurales, notamment, l’offre des mesures d’intégration est souvent très restreinte et insuffisamment centrée sur les besoins des clients. Alors même qu’il serait important d’offrir une palette large et diversifiée de possibilités afin d’encourager les bénéficiaires selon leurs capacités individuelles. L’évaluation des interviews montre que l’usage restreint des mesures d’intégration est surtout dû à des raisons structurelles (coûts élevés des programmes, offre lacunaire) et au fait que la priorité est presque entièrement portée sur l’intégration professionnelle. L’intégration purement sociale, celle qui ne débouche pas sur l’espoir d’une réinsertion dans le 1er marché du travail, représente plutôt l’exception. Pourtant, la plupart des services interrogés s’efforcent de rendre possible la participation à un programme de ce genre lorsqu’ils en perçoivent la nécessité. Mais la barre d’évaluation en semble relativement haute. On a un peu l’impression que la possibilité n’en est évoquée qu’après que soient survenus les premiers signes d’une désintégration. Et même lorsqu’une mesure d’intégration purement sociale est utilisée, elle ne s’inscrit pas dans la durée et se limite habituellement à quelques mois seulement. Cette restriction n’est pas le simple reflet de l’absence de volonté des responsables des cas des services sociaux. Elle est plutôt structurelle puisqu’elle reflète l’absence de moyens financiers, de consensus politique et d’offres en adéquation avec le besoin. Ce dernier point se rattache évidemment étroitement à l’absence de moyens financiers ; en effet, un programme «adéquat» se caractérise souvent par sa neutralité des coûts dans les sens que les frais structurels peuvent en être couverts par la productivité des ayants droit à qui elle a été proposée. Perspectives de la mission d‘intégration On a déjà évoqué la problématique des personnes recourant à l’aide sociale pendant une longue période. De plus en plus de gens dépendent de plus en plus longtemps de l’aide sociale et ont de moins en moins d’espoir de pouvoir réintégrer le marché régulier du travail. La mission d’intégration de cette institution prend ainsi une nouvelle dimension. Or, cette évolution ne trouve pratiquement pas d’écho dans la législation ; l’aide sociale continue d’être perçue comme une aide passagère à court terme. Il est donc intéressant de comprendre comment l’aide sociale, en tant qu’exécutante, interprète sa mission d’intégration. On peut penser qu’en fait, les services n’ont pas élaboré de stratégie visant à l’intégration. Un coup d’œil à la pratique montre que les services se réfèrent essentiellement à leur mandat traditionnel : ils proposent une aide passerelle à court terme et n’ont pratiquement pas développé de stratégie propre pour répondre au nouveau défi que représentent les cas de longue durée. Leur priorité reste la sortie (aussi rapide que possible) des clients de l’aide sociale. Les concepts d’accompagnement sont élaborés dans ce but. La réinsertion professionnelle reste donc le thème central et prioritaire de la réflexion. Certes, l’intégration sociale, elle aussi, représente une priorité prise en compte dans l’accompagnement personnel, mais on l’envisage rarement comme un but en soi et bien plutôt comme un premier pas vers l’insertion professionnelle. Cette priorisation est étroitement liée à l’acception de l’aide sociale conçue comme une aide passerelle à court terme. Les individus qui ont besoin d’un soutien de l’aide sociale pendant un temps court, resp. qui vont pouvoir réintégrer rapidement le marché du travail, sont moins exposés au risque de se voir exclus de la société. Le concept d’accompagnement de l’aide sociale s’appuie sur ce mode de pensée. 6
Certes, dans beaucoup d’endroits, l’accompagnement personnel représente une valeur importante et les entretiens mensuels sont plutôt la règle que l’exception. Malgré tout, le plan de réinsertion est le plus souvent conçu dans une perspective de court ou moyen terme. Lorsque des mesures d’intégration entrent en ligne de compte, ce plan se concentre habituellement sur la prochaine mesure possible. On décide de proposer une mesure d’intégration dans l’espoir qu’elle contribuera à accélérer la réinsertion sur le marché du travail. À partir de l’entrée en vigueur d’une mesure d’intégration, la responsabilité de la(ré-)insertion au marché du travail est souvent abandonnée à la seule responsabilité de l’organisation qui la propose. Les mesures pour leur part restent souvent limitées dans le temps et, en fonction de la conjoncture, une insertion sur le premier marché du travail représente un but inatteignable pour un grand nombre d’ayants droit à l’aide sociale. Conséquence : à la fin de la mesure d’intégration, la responsabilité du travail d’intégration revient quand même aux travailleurs sociaux responsables de la gestion des cas. Or, ceux-ci ne disposent souventpas d’un concept d’insertion au marché du travail et sont donc à court de solutions de raccord. Certes, cette perspective à court terme peut se trouver dans l’esprit de la législation ; il n’en reste pas moins que cela rend la tâche de l’aide sociale dificile. Cette dernière ne peut pas aborder un plan à long terme – planifier une intégration durable – ni investir à long terme dans cette planification. Cette incapacité est encore soulignée par le fait que les mesures d’intégration sont presque toujours limitées à quelques mois au plus. La perspective à court terme se paie donc très vite : au plus tard lorsque la mesure d’intégration prend fin, il se peut fort qu’aucune solution de raccord n’ait été trouvée. Conditions structurelles des services sociaux lui permettant d’appliquer sa mission d’intégration Parallèlement à l’augmentation du nombre de cas et à leur complexification, les exigences vis-à-vis des travailleurs sociaux responsables de la gestion des cas augmentent aussi. Le mandat d’intégration a pris une nouvelle dimension. D’un côté, l’intégration sociale des ayants droit de longue durée gagne en importance ; de l’autre, les autorités politiques exigent que l’on porte l’accent sur le travail d’intégration. En ce qui concerne ce dernier point notamment, l’instrument de l’aide sociale s’est considérablement enrichi ces dernières années, les méthodes sont de plus en plus spécialisées. De plus, l’offre de mesures d’intégration s’étend et se développe sans cesse. Les exigences faites aux travailleurs sociaux ont augmenté en conséquence, alors que dans le même temps, les ressources temporelles ont rétréci, du fait de l’augmentation exponentielle du nombre de cas. À partir de là, différents services sociaux ont commencé à mettre sur pied un service spécialisé dans le domaine de l’intégration professionnelle. Souvent, ce service est interne et il a une fonction d’accompagnement, parfois partiellement assorti d’une compétence d’attribution. Dans la grande majorité des services, l’attribution aux mesures d’intégration revient toutefois aux travailleurs sociaux responsables de la gestion des cas. Mais ces derniers se heurtent souvent aux limites que leur imposent leurs connaissances des offres existantes. De plus, pour des raisons de temps, le placement dans des postes d’activités individuelles est presque impossible. Les services interrogés qui gèrent eux-mêmes les cas refusent de déléguer complètement la tâche d’intégration à d’autres organes. C’est compréhensible : d’une part, c’est là une partie intéressante de leur activité et d’autre part, au vu de la complexité de la situation de la plupart des clients il ne semble pas très raisonnable de leur retirer cette tâche. Mais le soutien d’un service d’accompagnement spécialisé est une nécessité absolue, notamment pour ce qui touche à l’insertion professionnelle. Dans ce contexte, il semble important que la compétence décisionnelle reste du ressort des travailleurs sociaux responsables de la gestion des cas. Le fait que le service soit interne ou externe dépend principalement de la taille et de la structure du service. Les services sociaux organisés à l’échelon communal souhaiteraient toutefois une plus grande participation du canton en ce qui concerne l’offre et le financement des mesures d’intégration. 7
Conclusion Le système de suppléments est largement accepté dans la pratique, notamment parce qu’il sous-tend l’idée qui s’efforce davantage reçoit plus d’argent. Ce principe est considéré comme équitable. Parallèlement, on commence à se rendre compte que le système des suppléments a engendré de nouveaux problèmes et que les objectifs que l’on visait en révisant les normes ne peuvent sans doute pas être complètement atteints. Ces nouveaux problèmes consistent essentiellement dans le fait que la marge de manœuvre que permet la définition des suppléments engendre une inégalité de traitement pour des clients dont la situation est en fait similaire. Les mêmes prestations d’intégration dans la même situation sont appliquées différemment en fonction de la personne responsable de la gestion des cas et des directives cantonales. Cette inégalité de traitement apparaît aussi bien au sein d’un même service qu’entre les services, par exemple entre communes et cantons. Même si l’on ne peut méconnaître le fait que l’aide sociale contient – et doit contenir – une forte composante orientée sur le besoin, on ne conçoit pas bien comment peuvent se produire de telles différences dans la répartition des suppléments entre les différents services. Le fait que la répartition des suppléments dépend moins des directives cantonales que de l’attitude des travailleurs sociaux responsables de la gestion de cas ou des autorités compétentes est inquiétant, tout comme l’hypothèse que les suppléments ne sont pas toujours versés correctement, et ce, même lorsque les critères sont objectivement remplis, comme c’est le cas par exemple dans le cas de la franchise sur le revenu. Cette inégalité de traitement contredit l’esprit des normes de la CSIAS qui pose en principe supérieur de réduire les inégalités entre les cantons et les communes à travers la Suisse. En même temps, la question se pose de savoir à quel point le système des suppléments est équitable. Il faudrait aussi mettre en évidence le fait que les autorités sociales, un groupe de personnes non spécialisées, sont en train de prendre une influence de plus en plus grande sur l’évaluation individuelle des Mesure 1 prestations. Les normes de la CSIAS Le bilan global montre que le système de suppléments est mis en œuvre de façon plutôt doivent être intégralement restrictive. D’une part, plusieurs cantons renoncent à les appliquer intégralement. D’autre part, appliquées (tous les les personnes responsables de la gestion des cas, respectivement les autorités sociales, ne suppléments). semblent pas utiliser la marge de manœuvre à leur disposition pour en faire profiter les ayants droit à l’aide sociale. Il faudrait réfléchir pour savoir comment on peut réussir à appliquer les suppléments de façon plus contraignante. Quelques cantons ont développé dans ce sens des modèles qui ont un caractère exemplaire. Le canton du Valais, par exemple, octroie Mesure 2 automatiquement un supplément minimal d’intégration à tous les ayants droit de l’aide sociale L’octroi des suppléments de plus de 16 ans – sauf à ceux qui se montrent peu coopératifs. Le canton de Berne applique doit être réglementé de une réglementation fixée par la loi selon laquelle les ayants droit à l’aide sociale qui ne peuvent façon plus contraignante. faire valoir leur droit à un supplément d’intégration pour les personnes sans activité lucrative se voient déduire de leur allocation le forfait pour l’entretien. Ce modèle, qui peut paraître plutôt restrictif de prime abord, se révèle être, dans la pratique, une sorte d’incitation pour les travailleurs sociaux et les ayant droits à l’aide sociale d’identifier une activité d’intégration digne Mesure 3 d’un supplément. En fait, ce modèle permet à la grande majorité des ayants droit de profiter d’un Le système de supplément. suppléments doit être clairement communiqué à L’une des intentions du système de suppléments est de motiver les ayants droit à l’aide sociale tous les ayants droit à à fournir une prestation d’intégration. Il est presque impossible d’affirmer quoi que ce soit l’aide sociale. quantitativement à ce sujet parce que les données de comparaison des années précédentes 8
font défaut.2 On peut cependant douter que les suppléments jouent effectivement un rôle incitatif. Certes, la franchise sur le revenu semble exercer au moins un effet de motivation, mais Mesure 4 cet effet n’est pas considéré comme déterminant par les services interviewés. Dans ce contexte, la manière dont le système de suppléments est communiqué est tout à fait déterminante. On ne Des prestations peut exclure l’hypothèse qu’une assez grande partie des ayants droit à l’aide sociale ne sont pas individuelles autres que très bien informés de la manière dont les suppléments fonctionnent, alors même que l’effet de des mesures motivation dépend aussi de la manière dont les responsables de la gestion des cas d’intégration devraient communiquent les choses. La manière dont la question est abordée pourrait permettre de être honorées par des suppléments. Les motiver les ayants droit à l’aide sociale à fournir et recevoir une prestation complémentaire. responsables de gestion Auprès des clients à problèmes notamment, la définition individuelle d’une prestation des cas devraient être d’intégration joue un rôle important (participation à un groupe d’entraide, cours, participation à formés en la matière une thérapie, collaboration dans une association, etc.). Les responsables de la gestion des cas afin de pouvoir d’utiliser devraient mieux et plus souvent utiliser la possibilité de la définition individuelle d’une la marge de manœuvre prestation d’intégration pour accompagner leurs clients et appliquer les suppléments prévue par les normes. d’intégration même en dehors de leur participation à des mesures d’intégration. Avec la mise en œuvre du système des suppléments, les normes de la CSIAS cherchaient également à encourager l’offre et l’usage des mesures d’intégration. Mais il est difficile d’évaluer si cet objectif a été atteint ou non. Le taux d’utilisation moyen semble être loin au-dessous de ce qui est potentiellement possible. Bien sûr, on ne peut pas simplement partir de l’hypothèse qu’un usage plus important des mesures d’intégration serait obligatoirement au bénéfice des ayants droit à l’aide sociale. Dans leur acception traditionnelle, les mesures d’intégration ne sont certainement pas dans tous les cas le meilleur moyen d’atteindre une intégration réussie. En fonction des services que l’accompagnement social propose et en fonction des contenus des Mesure 5 mesures d’intégration, l’approche accompagnatrice ou la participation à une mesure d’intégration peuvent représenter, à titre individuel, la solution la plus judicieuse. Le monde politique doit Mais les ressources en personnel sont le plus souvent restreintes, surtout pour les services de accorder une meilleure reconnaissance et plus grande taille. C’est la raison pour laquelle plusieurs services sociaux ne sont pas en mesure mieux soutenir d’assurer l’intégration sociale des ayants droit à long terme exclusivement par l’intégration sociale. l’accompagnement social. En fait, l’important dispositif qui sert à accompagner le client dans son intégration sociale peut rarement être exploité jusqu’au bout par l’accompagnement social. Dans ce contexte, l’usage moyen des mesures d’intégration peut tout à fait être compris comme indicateur (entre autres) permettant de savoir dans quelle mesure l’aide sociale s’investit dans l’intégration sociale et professionnelle. En conclusion de l’étude, on constate que seul un investissement dans l’intégration sociale et Mesure 6 professionnelle offre un réel potentiel de développement. Les résultats obtenus permettent de penser que la question de l’intégration sociale des chômeurs de longue durée reste entière. Des mesures Lorsque cette dernière ne joue pas un rôle, même accessoire, en lien avec l’intégration d’intégration de durée illimitée doivent être professionnelle, il est rare qu’elle soit activement efficace. créées pour répondre aux besoins des ayants On peut expliquer cet usage relativement faible des mesures d’intégration, d’une part, par les droit de longue durée. coûts qu’elles engendrent et l’offre inadéquate et d’autre part, par le fait que les collaboratrices Des coûts bas sont et collaborateurs des services sociaux, et surtout les autorités, n’accordent qu’une valeur déterminants. Pour relative aux mesures d’intégration. Notamment, les mesures qui mettent l’accent sur faciliter une intégration l’intégration sociale, et devraient donc par-là même s’inscrire dans la durée, sont en fait jugées durable dans le 1er selon un calcul coût-efficacité à court terme. Ainsi, l’aide sociale n’offre pas suffisamment de marché du travail, il faut solutions durables. Le sens que ces mesures devraient prendre est pourtant clair. On parle créer des mesures de qualification. 2 D’ailleurs aujourd’hui encore, une évaluation de l’usage des mesures d’intégration n’est disponible que dans de très rares services sociaux. 9
partout d’emplois durables dans des entreprises sociales et des ateliers protégés, ainsi que de Mesure 7 places de travail individuelles. Bien que ces approches ne soient certainement pas sans problème, surtout lorsqu’on considère la question de la concurrence vis-à-vis des emplois du La planification marché régulier du travail, il n’en reste pas moins que les efforts visant à créer des emplois de ce d’intégration individuelle doit genre restent complètement lacunaires. Ce manque est notamment dû au fait que la structure contenir une de l’aide sociale est largement compartimentée, ainsi qu’au manque de ressources. L’aide perspective à plus long sociale propose également peu de possibilités durables de mesures de qualification. Pourtant, terme. Avant le début ces dernières seraient absolument nécessaires – et de manière urgente – pour permettre aux d’une mesure ayants droit de l’aide sociale de reprendre durablement pied dans le marché du travail. d’intégration, il faut fixer des solutions Peu de services disposent d’un concept élaboré ouvrant la possibilité d’un plan à long terme et alternatives de raccord. durable. À l’ époque actuelle, un concept de ce genre semble pourtant incontournable. Si l’encouragement de l’intégration s’accompagne d’un concept bien conçu, élaboré individuellement, on peut planifier à temps les solutions de raccord possibles qui suivront la mesure d’intégration. Outre le problème que représente la mobilisation peu efficace des ressources, un tel concept limiterait les sentiments de frustration des ayants droit. Ce dernier aspect a son importance puisque que la frustration menace d’annuler rapidement les effets positifs d’une mesure d’intégration. Il faudrait donc accorder une plus grande importance à l’aspect durable des mesures d’intégration. Pour conclure, il faut discuter de la manière dont les cantons et les communes pourraient soutenir la perception de la mission d’intégration de l’aide sociale. On voit que les services Mesure 8 sociaux communaux ne sont pas en mesure de mettre sur pied une offre adéquate de mesures Le canton doit appuyer d’intégration s’ils n’ont pas une certaine taille. De plus, ils se heurtent à des limites dans la mise l’aide sociale dans sa en œuvre de l’instrument, aujourd’hui très spécialisé, d’encouragement à l’insertion perception de sa professionnelle. Les cantons devraient prendre ici un rôle de leader et s’engager aussi bien dans mission d’intégration. - Proposer une offre la création d’une offre adéquate que dans l’aménagement de services dédiés aux questions adéquate d’intégration/d’insertion au niveau cantonal et régional. - Financer des mesures Pour les communes de taille moyenne, les frais liés à l’usage des mesures d’intégration, qui sont d’intégration élevés, représentent également une charge politiquement difficile de justifier. C’est pourquoi il - Installer des services faudrait réfléchir à la possibilité d’un financement au moins partiel des cantons. Toutefois, spécialisés dans les l’étude a montré qu’une responsabilité cantonale n’engendre pas automatiquement une offre questions suffisante en matière de mesures d’intégration. Les cantons non plus ne disposent pas de d‘intégration. ressources financières illimitées ; pour obtenir un financement, il leur faut également expliquer clairement l’intérêt que représente pour la société un système bien pensé d’encouragement à l’intégration autre que l’insertion professionnelle. Natalie Pfister, collaboratrice scientifique, secteur études de la CSIAS Berne, août 2009 10
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