Lectures Vie des arts - Érudit
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Document généré le 23 fév. 2022 11:21 Vie des arts Lectures Volume 20, numéro 80, automne 1975 URI : https://id.erudit.org/iderudit/55085ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) La Société La Vie des Arts ISSN 0042-5435 (imprimé) 1923-3183 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu (1975). Compte rendu de [Lectures]. Vie des arts, 20(80), 80–84. Tous droits réservés © La Société La Vie des Arts, 1975 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/
lectures LES INDIENS DE LA PRÉHISTOIRE EN 1975; Musée de Vancouver, du 7 mai ai EN COLOMBIE CANADIENNE 4 juin 1975; Royal Ontario Museum, Toronto Catalogue de l'Exposition IMAGES — du 23 juin au 24 août 1975; Musée National STONE — B.C. An exhibition originating at de l'Homme d'Ottawa, du 15 novembre 1975 the Art Gallery of Greater Victoria. Saanich- au 11 janvier 1976. Musée du Winnipeg AM ton, C.B., Hancock House Publishers, Ltd., Gallery, du 27 janvier au 7 mars 1976. 1975. 191p.; 136 illus. en noir et en couleur. Le catalogue de l'exposition, à lui seul, est un document précieux sur la sculpture Ce remarquable catalogue est publié à préhistorique des Indiens de la Côte de la l'occasion d'une grande exposition réunis- Colombie britannique; il ouvre des voies sant 136 sculptures sur pierre des Indiens jusqu'à ce jour inexplorées, grâce au travail de la Côte Nord-ouest du Pacifique, en d'une équipe internationale d'archéologues Colombie britannique. Ces œuvres ont été et d'artistes. produites sur une période de plus de trente Lucile OUIMET siècles avant l'arrivée des Blancs en Amé- rique. Leurs dimensions varient entre de petites pièces d'un pouce et demi et d'im- menses blocs de pierre. Ces objets sculp- EXPOSITIONS CANADIENNES DE tés représentent des formes décoratives 1973-1974. d'hommes, d'animaux, d'objets et de mas- Artistes canadiens-Expositions, 1973-1974. ques qui traduisent la mythologie aussi bien Toronto, The Roundstone Council for the que la philosophie et les connaissances Arts, 1974. 288 p. scientifiques de ces peuples anciens. A travers le language plastique, l'humanité et Cet ouvrage est le deuxième volet de la la façon de voir et de sentir de ces civilisa- collection intitulée Tour d'horizon de l'art tions disparues nous sont révélées. L'expo- canadien. Il comprend la période s'étendant sition est le résultat de la collaboration de de juin 1973 à juin 1974. On se rappelle spécialistes et de directeurs de musées du que cette collection s'est donné pour but Canada, des États-Unis et de la France. de présenter, chaque année, les œuvres Dans un texte d'introduction remarqua- récentes des artistes canadiens ayant par- WILSON DUFF ble, Wilson Duff, professeur d'anthropologie ticipé aux principales expositions organi- à la U. B. C, qui fut l'âme de cette entre- sées, d'une extrémité à l'autre du pays, prise, explique la fascination exercée par durant la période considérée. L'entreprise l'image lorsqu'elle devient une façon de était aussi ambitieuse et risquée qu'elle voir et de penser, la pierre servant de sup- était attendue et nécessaire. Avec ce deu- port au message. Il démontre que l'art des xième volume (sorti de presse six mois Indiens de la Colombie se trouve, sur un seulement après le premier), les auteurs territoire et sur deux mondes: celui des semblent avoir triomphé des principales régions du sud arrosé par la rivière Fraser difficultés et situé leur projet dans une et celui de la région du nord, par la rivière optique et un style de réalisation qui ne Skeena. Il fait état des relations de l'art et pourront qu'être bénéfiques à tous ceux qui de l'archéologie, mais il déplore le fait que attendent une information originale et éten- les œuvres anciennes, retirées de leur envi- due. Les artistes, d'abord, à qui elle appor- ronnement original alors qu'elles étaient te la stimulation indispensable à l'œuvre; le séparées dans le temps et dans l'espace public, qui cherche souvent avec angoisse quand elles furent conçues, doivent être un lieu unique où concilier son conserva- tout à coup rassemblées de façon artificielle tisme viscéral et la douloureuse tentation dans un même lieu et sous une même lumiè- d'un renouveau; les historiens et les criti- re, ce qui ne facilite pas, pour l'observateur ques, enfin, qui essaient de comprendre et de 20e siècle, une heureuse compréhen- de suivre le sens des grands courants ainsi sion de l'art et de la culture de ces peuples. que les originalités ou les similitudes qui L'acte de voir et de penser, en même temps singularisent ou relient les activités artisti- que les techniques de la contemplation y ques des grandes communautés — linguis- sont aussi longuement expliqués. tiques, culturelles ou nationales — du Un avant-propos de Richard Simmins, monde. directeur du Musée de Greater Victoria, Si l'on accepte, dès le départ, les limita- renferme l'historique de cette exposition et tions inhérentes à la nature d'un tel ouvra- cite le nom des principaux collaborateurs, ge, telles que l'impossibilité matérielle d'en tandis qu'une préface d'Hilary Stewart, faire une somme exhaustive, ou le fait que chargé de la photographie, des dessins et l'équation personnelle de chaque artiste de l'équipement visuel raconte, parfois semblera incomplètement définie par la sé- avec humour, les joies et les tribulations du lection qui le représente, il reste que l'ou- chercheur et du photographe. Il faut souli- vrage est une tentative unique, et en bonne gner que les photographies sont d'une qua- voie de réussite, de donner un sens et une lité exceptionnelle. dimension intelligible à toute une activité Des textes très élaborés accompagnent intellectuelle et sensible dont les éléments, chacune des grandes reproductions. Cette souvent disparates, les filiations, quelque- partie principale de l'ouvrage est suivie fois confuses et les démarches presque tou- d'un catalogue donnant les détails techni- jours contradictoires, échappaient jusque- ques relatifs à chaque pièce, toutes les là, dans leur ensemble, à nombre d'entre descriptions étant accompagnées d'une ré- nous. plique, en petit format, des grandes repro- Le succès d'une telle entreprise, et les ductions. Le catalogue est suivi d'une lon- auteurs ne manquent pas de le noter dans gue liste d'ouvrages consultés. Deux cartes, leur court texte de présentation, est gran- indiquant l'endroit exact où les sculptures dement influencé par la collaboration et furent découvertes, complètent la docu- l'intérêt que manifestent les galeries et les mentation. artistes eux-mêmes. Comparé au premier Cette importante exposition sera montrée ouvrage, ce second volume a bénéficié, aux endroits et aux dates suivants: Musée avec un flot accru de documentation, d'une du Greater Victoria, du 4 mars au 13 avril conception beaucoup plus souple qui ajou- 80
te grandement à son intérêt critique. Les et riches d'horizon. Mais l'horizon vient de levant, baptisant à son insu le nouvel art, œuvres illustrées, dont un très grand nom- s'évanouir». Monet est le véritable initiateur des vibra- bre en couleur, sont groupés non pas par Vient ensuite une sorte de glorification tions lumineuses en peinture. Il réussira à auteur mais par courant artistique; les de l'union. L'autre est perçu comme l'incar- faire briller la matière, miroiter l'atmosphè- œuvres d'un même artiste apparaissent nation et la caution de l'instant. Sa présen- re, s'estomper la nature. Mille feux, mille donc à différents endroits, en fonction de la ce est la seule garantie de l'oubli du passé reflets émanent des tableaux de cette expo- mystérieuse chimie des filiations et des et de l'inexistence du futur. «Je ne suis plus sition remarquable d'un peintre qui n'a pas valences qui préside à la création. Si, à moi et tu n'es plus toi. Et pourtant je ne fini de ravir et d'émouvoir le public. l'échelle de ce panorama national, l'activité suis pas un autre. Je suis en équilibre et R.R. créatrice du Québec semble nettement sans réalité.» sous-représentée, la faute n'en est peut-être Avec le constat de cette immobilité naît point aux auteurs de l'ouvrage. La présence, le désir sourd d'une autre chance. Pouvoir d'une part, de certains noms relativement revenir, neuf, aux rivages anciens. Refaire mineurs et l'absence, d'autre part, d'artistes le chemin avec, au cœur, le capital de l'ex- dotés d'une renommée nationale, laissent périence. «Je goûterai les fruits des nou- à penser que certains ont peut-être omis velles démences sans demander au jour de de faire parvenir une documentation indis- les renouveler. Chacun de mes regards pensable. Si tel est le cas, il est urgent que sera comme un dernier.» ces négligences soient évitées à l'avenir La fin de l'union amène l'amertume et la ofcej c*L/c4. ~^£u^u£4i ./ca.n Al
XT LE PARADIS DES EXILÉS sentement. L'épilogue de Gore Vidal ef- fleure le sujet. Tandis que Beny propose, à £ BEfelY Roloff BENY, In Italy. Photographie et mise en page de Roloff Beny. Texte et anthologie celui qui n'a jamais foulé le sol italien, un poème visuel, et à l'initié, un regard neuf . de Anthony Thwaite et Peter Porter. Notes 1 l \ historiques des planches de Brian de Breff- l'incitant à réviser ses impressions. Pour ; ny. Épilogue de Gore Vidal. Toronto, McClel- tout dire, un volume pour le plaisir des land and Stewart, Ltd., 1974. 430 p.; Illus.: yeux, où l'exaltation des sens rejoint celle 1 NL de l'esprit. C 160 p. en couleur et 120 en noir et blanc. (Édition française à paraître chez Arthaud.) R. R. 1 * 3| < Y u ^ . ^ ^ --aâ f «SsL ^-?V^ I ^ /J Wk^jLSitm «L'Art dans la rue», slogan familier de notre époque, est un fait accompli, depuis tant de siècles, en Italie. A cette profusion d'œuvres d'art — d'aucuns considèrent l'Italie comme un musée global — ajoutez DONALD JUDD Brydon Smith, Catalogue de l'Exposition JF ï jSk Donald Judd, tenue à la Galerie Nationale bonne table, doux climat, lumière dorée et du Canada, du 24 mai au 6 juillet 1975, transparente, sites pittoresques, chaleur et contenant aussi un catalogue raisonné des entrain de ses habitants, et vous compren- peintures, des objets et des planches en t | > drez pourquoi tant de poètes et d'écrivains bois produites de 1960 à 1974. Ottawa, Ga- i-.-j*» ont non seulement chanté ses vertus, mais lerie Nationale du Canada, 1975. 320 pages; aussi choisi de s'y exiler. Natifs ou non, ils 4 planches en couleur et, en noir et blanc, figurent dans ce volume. De Virgile et presque tout l'œuvre de Judd (355 pièces). Ovide à Browning et Lawrence, en passant par Goethe, Chateaubriand et Stendhal, on Brydon Smith, conservateur de l'art ca- leur a emprunté des passages de leurs nadien à la Galerie Nationale du Canada, a œuvres. Magnifique synthèse de textes et connu Donald Judd, en 1968, au moment de citations qui sert de contrepoint au où il organisait l'exposition Lumière fluores- magistral album du photographe canadien cente par Dan Flavin. L'amitié de Judd pour Roloff Beny, un de ces exilés qui vit à Rome. Flavin l'amena à rédiger un article pour le Du haut de sa terrasse, un décor de rêve catalogue de celui-ci; sept ans après, c'est se profile: d'un côté, le dôme de Saint- l'inverse qui se produit. Pour le catalogue Pierre; de l'autre, les campaniles de Sainte- de Judd, Flavin a dessiné une exquisse de Marie-Majeure et le Capitale de Michel- son ami et rédigé une lettre dans laquelle il Ange. Par temps clair, il peut voir au loin clame «bien haut, sans équivoque que Don la Méditerranée, ou du moins en humer a créé, avec insistance et constance, les l'air salin. Rome regorge de vestiges de meilleures sculptures encore jamais vues l'Antiquité, témoignage encore tangible de en Amérique». Il n'y a pas de doute! Mais plus de 2000 ans d'histoire. C'est dans ce Flavin, si généreux soit-il en compliments, contexte que Beny a conçu ce volume. Mais se garde bien de rester propriétaire de son si tous les chemins mènent à Rome, inver- dessin. sement la Ville éternelle renvoit à toute Pour sa part, Brydon Smith a rédigé le l'Italie. Région par région, Beny nous dé- court avant-propos du catalogue, Il signale voile un pays inépuisable de merveilles. La comment il est venu à s'intéresser à l'œu- dernière planche du livre reproduisant une vre de Judd et l'importance qu'elle a eu sur œuvre de Pollaiulo, dont un détail réappa- lui et, beaucoup trop sommairement, l'origi- raît sur la jaquette, est allégorique: comme nalité de la sculpture de Judd ou plutôt de l'Archange conduit Tobie aveugle jusqu'au ses «objets spécifiques», comme l'artiste poisson sacré qui lui rendra la vue, ainsi préfère les appeler. Il ne dit rien pour tenter Beny nous guide pas à pas à travers l'Italie d'expliquer la présence des objets de Judd pour ranimer notre regard. Vision non pas dans les expositions d'art minimal, ni sur de touriste, ni de simple amateur, mais de ce qu'on entend précisément par cet art. véritable connaisseur qui a senti l'âme mê- La présentation de toute la démarche de me du pays pour y avoir vécu. Vision d'ar- l'artiste est restée à Barbara Smith, qui a tiste aussi, qui capte et recrée en images déjà été employée par Judd. Dans un texte tout le faste et la sensualité d'un coin de fort long, qu'elle réparti sous quatre titres: notre univers dont on ne saurait se lasser. Les œuvres de jeunesse: peinture et critique A vrai dire, le sujet s'y prêtait. Car si d'art; Des peintures aux objets tridimen- l'Italie est le paradis des exilés, comme tionnels; Les expositions à la Green Gallery; disait Shelley, c'est plus précisément celui Matériaux nouveaux, elle retrace l'évolu- des artistes, tant l'art y côtoie la vie. En tion de l'artiste en citant à l'occasion quel- témoignent, au début du volume, les bicy- ques textes de ce dernier pour expliciter ses clettes adossées au mur de ruines à Monte- recherches. Elle discerne avec justesse les cassino, ou l'étalage de denrées faisant caractéristiques de l'œuvre de Judd qui bon ménage avec l'œuvre sculptée d'un découlent de la clarté des éléments em- bâtiment de Venise, ou encore cet ouvrier ployés à former un tout («les parties essen- vu de dos qui, sans le savoir, adopte la pose tielles doivent alors occuper tout l'espace immortalisée par le David de Donatello. disponible»), de la distinction entre l'inté- D'ailleurs, si le volume renferme faune et rieur d'un objet, de l'importance du rôle des flore italiennes, sites et monuments, aubes matériaux et de la couleur, du fait que l'œu- et crépuscules, il foisonne aussi d'œuvres vre est le résultat d'un calcul mathématique d'art que Beny affectionne. Tableaux, sculp- précis et, de l'unicité de l'œuvre, «une for- tures et bâtiments de choix ont été captés me, un volume, une couleur, une surface par un témoin oculaire de goût et de talent. est une entité de soi qu'on ne doit pas dis- La population italienne, trop existentielle simuler à l'intérieur d'un tout passablement — c'est aussi une grande qualité — quand différent». Malheureusement, le texte de elle n'est pas trop préoccupée par les exi- Barbara Smith n'est pas facile à suivre gences de la vie quotidienne, semble — parce qu'il est souvent coupé de descrip- peu soucieuse des lendemains, de la survie tions et de renvois à des œuvres citées mais de son patrimoine culturel comme de la qu'on n'a pas eu le temps de mémoriser à qualité de la vie, tous deux menacés pré- fond, l'illustration ne se déroulant pas au 82
fur et à mesure du texte. Pour suivre le récit, DES POÈMES DE P.-M. LAPOINTE tique et tragique de son œuvre, mais il ne il faut continuellement tenir ouvertes deux Paul-Marie LAPOINTE, Tableaux de l'amou- tarde pas à s'éloigner peu à peu de l'art ou trois pages de cet impressionnant reuse suivi de Une unique, Art égyptien, figuratif, et ce lent cheminement l'a con- document. Voyage & autres poèmes. Montréal, L'Hexa- duit inévitablement à une maturité qui lui Impressionnant, c'est le moins qu'on gone, 1974. 101 pages. fait découvrir le sens de l'humain et la puisse dire, mais rendu tel par un abus de primauté du spirituel. sophistication dans la présentation et un Poète d'ascendance surréaliste, Paul- Tavernari utilise le bois, le bronze, la gaspillage de papier. En effet, pourquoi ne Marie Lapointe poursuit, depuis plus de pierre, le marbre et l'originale technique pas avoir intégré le catalogue de l'exposi- vingt-cinq ans, une œuvre singulière dans du bois brûlé pour exprimer des réalités tion dans le catalogue raisonné, évitant ainsi ce que Gilles Marcotte a nommé «le lieu du humaines et universelles. Son œuvre est la répétition de cinquante pleines pages? plus haut scandale»1. Son inspiration se composée de plusieurs cycles: les mater- Cette économie aurait permis une meilleure nourrit, comme chez Rimbaud, d'une sorte nités, les nus et les torses, les formes abs- impression des quatres planches en cou- de mysticisme «à l'état sauvage». Sa poé- traites, les crucifixions, les calvaires, les leur, de telle sorte qu'elles rendent vraiment sie s'insurge pour la justice et pour l'hom- totems, les ciels et les amants. les effets recherchés par Judd. Il y a égale- me. Le poème trouve sa tension révélatrice Les textes de Jianou et de Carli laissent ment un gaspillage insensé d'espace pour la dans la libération erotique, amoureuse. percevoir une connaissance profonde de traduction de l'index des prêteurs, qui aurait Le dernier recueil de Paul-Marie Lapointe l'artiste car ils expriment l'essence même pu facilement tenir dans deux pages et continue, à même un verbe chaleureux, de l'œuvre et des thèmes de ce grand sculp- demi, au lieu de cinq. d'explorer l'espace vital, d'occuper de nou- teur. Ils exigent une lecture attentive à La Galerie Nationale du Canada a fourni veaux paysages. Le poème retrouve encore cause de la pénétration avec laquelle ces à Judd, un artiste américain de 47 ans, et ici l'alchimie du paysage. Le mauve et le auteurs traitent du sujet, Jianou s'attachant aux propriétaires de ses œuvres un catalo- rose continuent de dominer, couleurs com- à exprimer la vocation d'universalité de gue comme elle n'en a encore jamais réa- me des signes à reconnaître chez l'amou- l'œuvre tandis que Carli insiste surtout sur lisé pour un Canadien vivant de cet âge. Elle reuse même. Paysage erotique qui participe les moyens techniques employés par l'artis- a produit un document de haute précision du tableau total: végétal, tellurique, astral te et sur sa façon de disposer des divers et qui sera sûrement utile aux historiens autant que charnel, qui «figure à la fois le matériaux qu'il utilise. d'art (un grand nombre d'exemplaires sont bonheur et la fin des temps». Les textes sont précédés d'une préface déjà rendus à New-York et dans les musées Et, c'est dans la tension d'images tour à de Cécile Goldscheider et suivis d'une utile américains), mais elle aurait pu le publier tour souterraines, artérielles et foudroyan- chronologie de Tavernari, d'une liste de ses avec moins d'ampleur et, grâce à l'écono- tes que le poète se bat «pour l'adorable dé- expositions et d'une bibliographie compre- mie réalisée, fournir au profane qui visitait lire d'aimer», défini dans «l'hégémonie des nant les livres écrits sur l'artiste, les albums l'exposition autre chose que cinq feuilles corps». et les livres qu'il a illustrés, les articles, polycopiées et brochées qui, virtuellement, Cette poésie de Paul-Marie Lapointe, études, chroniques et préfaces qui ont paru ne donnent qu'une triste enumeration des dans la proclamation de «la misère quoti- sur lui. Il faut aussi souligner l'excellente pièces, sans explication ni reproduction. dienne d'être heureux», nous arrive de loin qualité des reproductions. Ce document est comme de toujours, avec son flambeau une heureuse addition aux études trop peu Claude GOSSELLIN d'images qui brûlent le langage comme nombreuses, hélas! qui paraissent actuel- pour ressasser les cendres de la vie, com- lement sur les sculpteurs contemporains. me pour raviver le feu de l'amoureuse continuelle, celle qui vainc la mort à chaque L.O. QUELQUES PUBLICATIONS RÉCENTES geste, à chaque soleil. Images qui s'instal- Catalogue d'une exposition d'œuvres de lent dans leur fragilité et les chocs de leur femmes artistes ARTFEMME 75, organisée durée: pour inventer le jazz du poème. à Montréal, par le Centre Saidye Bronfman, La poésie (québécoise) n'aurait pas pu le Musée d'Art Contemporain, la Galerie se passer du délire amoureux de Paul-Marie Powerhouse et le YWCA, et tenue du 5 au Lapointe. 25 avril 1975.- Catalogue d'une exposition de peintures de Jack B. YEATS, 1871-1957, 1. Dans te Temps des poètes. Montréal, HMH, 1969. tenue à Montréal, à la Galerie Waddington, du 21 mai au 21 juin 1975.- Ghislaine Jean ROYER HOULE, La Femme au Québec. Montréal, Bibliothèque Nationale, Ministère des Affai- res Culturelles, 1975. (Bibliographies qué- VITTORIO TAVERNARI bécoises, No 1).- Jean-Claude DUPONT, Le lonel JIANOU et Enzo CARLI. Vittorio Ta- Sucre du pays. Montréal, Leméac Inc., 1975. vernari. Paris, Arted, Éditions d'Art, 1974. (Traditions du geste et de la parole/ll).- 57 p.; 79 illus. en noir. Catalogue de l'Exposition 15 American Artists formée de la collection permanente Deux professeurs d'histoire de l'art et de la Corcoran Gallery of Art, Washington, critiques d'art renommés inaugurent avec et tenue au Musée London, (Ontario), du cette monographie de Vittorio Tavernari une 4 avril au 6 mai 1975.- Catalogue d'une nouvelle collection intitulée: Maîtres de la exposition intitulée Arf de systèmes en sculpture contemporaine, qui a pour objet Amérique latine, tenue à Londres, à l'Insti- de faire connaître l'œuvre des sculpteurs tute of Contemporary Arts; à Buenos-Aires, de ce temps qui travaillent surtout hors de au Centre d'Art et Communications, et à France. On sait que Tavernari, sculpteur Paris, Espace Pierre-Cardin, en 1974 et en italien né à Milan, en 1919, s'est acquis 1975.- L'ARTE NAIVE, revue trimestrielle, aujourd'hui une audience mondiale. Ses 1re Année, No 4 (Décembre 1974) Editrice nombreuses expositions personnelles et Age, Reggio Emilia.- Catalogue de l'Exposi- collectives en Europe, aux États-Unis, en tion de Jack COWIN, tenue à la Norman Amérique latine, en Asie, en Afrique et au Mackenzie Art Gallery de l'Université de Japon, témoignent de l'abondance de la Regina, du 22 mars au 27 avril 1975.- Cata- production de ce sculpteur, qui se distin- logue d'une Exposition rétrospective de gue par un solide métier et une remarqua- peintures et de dessins d'Arthur B. DAVIES, ble originalité. Formé à l'école tradition- tenue du 11 mars au 15 avril 1975, chez nelle, il découvre très tôt et maîtrise les M. Knoedler & Co.- Catalogue d'une Expo- secrets de la techniqjue. Tavernari, qui fut sition de l'artiste italien Arnaldo ESPOSTO, marqué par les misères de la guerre, profite tenue à Genève, à la Galerie Nuovo Sagitta- heureusement de ses expériences humaines rio, en janvier 1975. et artistiques pour rechercher des moyens L.O. d'expression nouveaux, d'où le côté pathé- 83
AU PAYS DE L'ALEIJADINHO Après quelques moments de réflexion, quel- BRESIL BAROQUE Maurice PIANZOLA. Brésil baroque. Genè- le veine: Michel Journiac vient à la rescous- ve, Les Editions de Bonvent, 1974. 181 p.; se. Il relève le défi, en précurseur par sur- Illus. en noir et blanc et en couleur; Notes et croît car c'est en novembre-décembre der- bibliographie. nier qu'avait lieu, chez Stadler, à Paris, son exposition intitulée 24 heures dans la vie Les beaux livres concernant le Brésil ne d'une femme ordinaire, dont on a tiré le sont pas tellement nombreux. En voici un présent ouvrage. très beau, et par le texte et par la présen- Initiateur de l'art sociologique en France, tation. le jeun*- Journiac (1943- ) est l'un des Le Srés/7 baroque, une réflexion sensible piliers de l'avant-garde parisienne. La deu- et combien humaine sur le pourquoi et le xième partie du volume renferme, outre sa comment «du grand transfert a travers biographie et un manifeste du corps, un l'Atlantique d'un art né dans les cours d'Eu- aperçu de son activité, depuis l'abandon de rope et renaissant devant les yeux abaissés la peinture traditionnelle en 1968, que do- des Indiens, dispersés dans la forêt incen- minent trois thèmes: le corps humain, ob- diée». sessionnel et omniprésent (Messe pour un Son auteur, Maurice Pianzola, conserva- corps, office profane à la Galerie Templon teur principal du Musée d'Art et d'Histoire où il offrait à la communion des fidèles du de Genève, a vécu au Brésil, un pays qu'il a boudin fait de son propre sang; ou Piège appris à reconnaître avec mille précautions. pour un voyeur où de jeunes hommes nus, L'histoire de cette terre ardente «lui est en cage, se prêtent aux regards des visi- familière, par le cœur autant que par les teurs de la Galerie Martin-Malburet); dé- yeux. Il en connaît les ressorts intimes et la nonciation de l'activité artistique (dérision secrète poésie». de l'art conceptuel, par l'émission de chè- Au moment où s'écrivait une épopée du ques personnels de 300 Fr. contre leur sucre avec les esclaves, les jésuites et valeur monétaire, et parodie de l'art tout bientôt la fièvre de l'or, un art transplanté court par le fonctionnement, au Salon de par les premiers pionniers se transforme Mai, d'un distributeur automatique d'œu- dans un pays si peu préparé à le recevoir vres); enfin, contestation sociale, préférant en un art «tellement en harmonie avec son le geste critique à l'œuvre esthétisante, où environnement qu'il n'est baroque que par s'insère la présente exposition. hasard». Pour réaliser 24 heures dans la vie d'une Et, c'est l'histoire de cette implantation, femme ordinaire, Journiac n'est pas allé du côté du pays minier, que l'auteur nous chercher une amie pour lui servir de modè- propose, et de celle de la fabuleuse explo- le, bien qu'il dédie son œuvre à deux d'en- sion, au début du 18e siècle et des trans- tre elles. Allant au bout de sa démarche, il formations rapides tout au long de ce siècle. incarne lui-même, par le travestissement, Enfin, le point final est apporté par le gé- la femme devant l'objectif. Voilà qu'Adam nial Aleijadinho, qui a fait surgir a Con- et Eve sont réunis en un seul être. Il en gonhas do Campo, sur la colline du Maran- résulte une suite de tableaux ou documents hào, un ensemble d'art exceptionnel, à la photographiques en noir-blanc traquant, par fois digne des grandes traditions médié- une mise en scène réaliste, les faits et ges- vales et précurseur du romantisme. tes quotidiens de la femme moderne en L'illustration a été confiée à Fulvio Roi- situation — réveil du mari, ménage, lessive, ter, Clarival Valladares, Marcel Gautheret, départ, arrivée au travail, pointage, courses, François Meyer. et ainsi de suite. Puis, à la Réalité qu'il Andrée PARADIS vient de nous présenter, Journiac oppose les Phantasmes (dont la jeune mariée, la putain, la sainte, la vamp, et même la les- bienne!), non sans ironie, quand ce n'est pas avec une pointe d'humour noir. ADAM OU EVE Acuité du propos. Constat de l'aliénation Michel JOURNIAC. 24 heures dans la vie de la condition féminine et, par extension, d'une femme ordinaire. Paris-Zurich, Arthur masculine, le mâle étant complice, et à plus Hubschmid, 1974. 112 pages; illustré en d'un niveau ici. Critique acerbe de la bana- lité de la vie quotidienne vécue par des noir et blanc. milliers de gens pour qui l'imprévisible est L'année de la femme bat son plein. A qui un non-lieu. Remise en cause des rôles et le dites-vous! Que d'événements en son conditionnements sexuels: pourquoi n'y au- nom. Musées et galeries sont évidemment rait-il pas interaction jusqu'au chevauche- de la partie. Mais à quoi riment ces expo- ment et à la bipolarité des sexes? N'est-ce sitions d'art féminin, si ce n'est qu'elles pas là la meilleure façon d'abolir la guerre nous permettent de constater béatement séculaire des sexes? Finie la vie schéma- que la notion de genre (masculin/féminin) tisée et sclérosée! A travers ce miroir, par s'estompe devant la recherche esthétique? un jeu signifiant, Journiac crève l'abcès, Qu'à l'encontre des artistes, l'art n'a pas de abat les tabous. Et, par son language abra- sexe? Et que seule, en fin de compte, la sif et percutant, Journiac ravive l'art socio- lecture de l'étiquette au bas de l'œuvre logique et lui rend ses lettres de noblesse. trahit la véritable nature de son auteur? A ce compte, nul doute qu'une exposition René ROZON ayant pour thème la femme, mais vue à travers des œuvres d'artistes masculins, eût été plus valable. Mais là, attention! On va nous accuser une fois de plus de chauvi- nisme mâle. Evitons donc le sexe fort. Il Reçu de Dargaud, Editeur: Astérix / La gran- ne semble pas à la mode. Du moins, pas de traversée; Joe Fast / Agent spécial, La cette année. Alors, comment en sortir? Il Jeunesse de Blueberry, Hypocrite, La Croi- sière des oubliés; Clodomir Free / Le grand faut chercher autre chose, ailleurs, et cela complot; Achille Talon / Au coin du feu, Les sans sortir du contexte. Est-ce possible? Phantasmes de la nuit, Ulysse. 84
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