LES DYS DYSLEXIES ET AUTRES TROUBLES - Revue Recherches
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Recherches n° 49, Troubles du langage et apprentissages, 2008-2 LES DYS… DYSLEXIES ET AUTRES TROUBLES Dominique Crunelle Orthophoniste Directeur de l’Institut d’Orthophonie « Gabriel Decroix » Université Lille 2 1. LES « DYS » : ESSAI DE DÉFINITION Certains enfants, pourtant a priori indemnes de déficit visible, comme une déficience intellectuelle, un déficit moteur, un trouble sensoriel, un trouble de la relation ou du développement…, ont des difficultés pour appréhender, construire puis maîtriser certaines grandes fonctions humaines ou apprentissages. On parle des dys… qui présentent un véritable dysfonctionnement neurologique. S’il porte : – sur le langage oral, on parle de dysphasie réceptive et /ou expressive ; – sur le langage écrit, on parle de dyslexie dysorthographie ; – sur le graphisme, on parle de dysgraphie ; – sur l’apprentissage des mathématiques, on parle de dyscalculie ; – sur certains savoir-faire, on parle de dyspraxie. Ces difficultés correspondent à des troubles spécifiques, d’origine structurelle, qui se caractérisent par leur sévérité, leur durée, leur résistance et leurs signes déviants et ne peuvent s’expliquer par un déficit sensoriel, intellectuel, moteur ou relationnel. Il ne s’agit donc pas d’un retard mais bien d’un trouble, qui ne se rattrape pas. Cependant il peut se compenser, point que nous développerons ultérieurement.
Ce diagnostic par exclusion peut sembler excessif. Certains enfants peuvent en effet cumuler les difficultés. Un enfant sourd peut présenter des troubles de type dysphasique, tout comme un enfant de milieu défavorisé. Cette définition a cependant l’avantage de reconnaître la réalité de ces enfants purement « dys », qui peuvent d’autant plus échapper à notre vigilance qu’aucune raison objective n’explique leurs difficultés. Cette définition nous rappelle aussi, s’il en est besoin, que tous les enfants en difficulté scolaire ne sont pas concernés par ces troubles et qu’il est essentiel de proposer un diagnostic différentiel le plus précocement possible pour éviter à chacun la spirale de l’échec scolaire. Troubles spécifiques Troubles d’apprentissages scolaires Troubles du comportement Échec scolaire L’étiologie de ces troubles reste hypothétique. La prévalence de garçons (3 à 4 garçons pour 1 fille) et la fréquence de facteurs familiaux amènent à des hypothèses génétiques. D’autres travaux, qui peuvent d’ailleurs être complémentaires aux premiers, s’intéressent aux facteurs neuro-anatomiques et neuro-physiologiques (GALABURDA et al., 1985 ; TEMPLE et al., 1991 ; HABIB, 2000 ; SIMOS et al., 2002 ; DEMONET et al., 2004). Les hypothèses actuelles portent sur des dysfonctionnements prénataux, au niveau des zones neurologiques impliquées dans les fonctions considérées. Si l’imagerie cérébrale actuelle ne permet pas de localiser d’éventuelles lésions, certaines imageries fonctionnelles montrent cependant un fonctionnement neurologique différent, par exemple lors de la lecture d’un texte, entre le normo- lecteur et le sujet dyslexique. 2. LES DYSLEXIES-DYSORTHOGRAPHIES Les dyslexies peuvent être acquises ou développementales. Nous n’aborderons ici que les développementales, celles qui concernent la plupart des enfants présentant de tels troubles. La dyslexie est une difficulté portant sur le décodage de la lecture, qui bien sûr nuit à la compréhension. Elle témoigne que la lecture ne peut se limiter à l’expression « lire, c’est comprendre ». Nous dirons plutôt que « lire, c’est décoder pour comprendre ». La dyslexie s’associe presque toujours à une dysorthographie souvent plus sévère que la dyslexie. Elle peut parfois rester le seul trouble repérable lorsque 50
l’enfant grandit et a trouvé des modes de compensation pour combler ses difficultés à décoder et à accéder au sens de l’écrit. Les dyslexies dépendent bien sûr du code d’écriture. Les Européens utilisent des codes alphabétiques différents des codes idéographiques qui caractérisent d’autres langues. Pour maîtriser un code alphabétique, il faut avoir perçu la correspondance qui existe entre les graphèmes et les phonèmes, les mécanismes de segmentation et de fusion. La sévérité d’une dyslexie-dysorthographie dépend aussi de la langue concernée. Certaines langues sont dites opaques, comme l’anglais ou le français (elles ne s’écrivent pas comme elles se parlent). D’autres langues plus stables, comme l’italien, l’espagnol ou l’allemand, génèrent moins de difficultés. Les difficultés à lire/écrire sont ainsi moins sévères lorsque la langue transcrite est stable. En France, on considère que la dyslexie-dysorthographie touche environ 5 % des enfants scolarisés (expertise collective INSERM, 2007). Nous n’évoquons ici que les formes moyennes et sévères, invalidantes, qui entraînent des difficultés dans toutes les disciplines scolaires. La dyslexie-dysorthographie est spécifique et durable, différente d’un retard et se caractérise par de véritables déviances (comme une tendance à la complexification, le fait d’écrire plusieurs fois un même mot différemment…), par la mise en place de stratégies de compensation souvent négatives et inefficaces. C’est tout le processus d’acquisition de l’écrit qui est désorganisé. Diagnostic par exclusion Son diagnostic se pose d’abord par exclusion. On considère que la dyslexie est un trouble spécifique de l’acquisition et de l’automatisation du langage écrit chez un enfant d’intelligence normale, scolarisé régulièrement, dont les difficultés ne peuvent être attribuées à un déficit sensoriel, psychologique ou psycho-affectif, à une lésion cérébrale ou à une carence environnementale (familiale et/ou scolaire). Certains auteurs affirment que le trouble de l’enfant dyslexique est plus large qu’un trouble de la lecture et le définissent comme un trouble développemental du langage ou un déficit du traitement des sons de la parole (RAMUS, 2003 ; SNOWLING, 2000 ; VELLUTINO et al., 2004). Nous souhaitons ici apporter certains commentaires à cette première définition par exclusion : – Comme nous l’écrivions tout à l’heure, certains enfants peuvent cumuler plusieurs déficits. Un enfant de milieu carencé peut ainsi présenter un trouble de nature dyslexique. Plus les difficultés se cumulent et s’imbriquent, plus le diagnostic est difficile, ainsi d’ailleurs que l’élaboration d’aides, tant pédagogiques que thérapeutiques. Il est pourtant essentiel de repérer d’autant plus rapidement ce type de difficultés chez un enfant qui présente un autre facteur de risque que ce cumul risque d’enfermer l’enfant dans la spirale de l’échec déjà décrite ; – Les difficultés d’accès à l’écrit génèrent de multiples difficultés, linguistiques, d’accès à l’abstraction… On peut ainsi se demander si certains déficits cognitifs repérés plus tardivement, chez des personnes en situation d’illettrisme par 51
exemple, ne sont pas, en partie au moins, consécutifs à une dyslexie non diagnostiquée et non prise en charge. Diagnostic par identification Au-delà du diagnostic par exclusion que nous venons d’évoquer, on peut actuellement réaliser un diagnostic par identification. Plusieurs modèles existent. Nous retiendrons ici celui de BODER (1971) qui s’inscrit dans une approche neuro- psychologique et ouvre des pistes remédiatrices. Il s’appuie sur les voies de lecture et les compétences requises pour les maîtriser en distinguant la voie par assemblage, fonction essentiellement auditivo- verbale et la voie par adressage, fonction essentiellement visuelle. Rappelons que le normo-lecteur est celui qui maîtrise ces deux compétences et qui a, au fil de ses apprentissages, automatisé les deux voies de lecture. Cette automatisation permet la rapidité de la lecture et l’accès au sens, libérant la cognition de l’activité de décodage. Le normo-lecteur privilégie la voie par adressage. Il est d’autant plus à l’aise qu’il a une expertise de lecture, qu’il a enrichi son lexique interne qui lui permet d’accéder vite à la lecture globale de certains mots (qu’il identifie en particulier par des éléments prégnants comme la longueur du mot, la première et la dernière lettre de chaque mot). Il n’utilise la voie par assemblage que s’il y est tenu, par le fait de ne pas connaître le mot écrit ou s’il s’agit d’un nom propre ou d’un non mot qui bien sûr n’appartient pas à son lexique interne. Notons aussi que le normo-lecteur modifie ses stratégies de lecture selon sa finalité de lecture. Pour un texte administratif, la lecture en diagonale pour aller au paragraphe intéressant entraîne une lecture rapide, par adressage, la lecture d’une recette de cuisine est plus linéaire et systématique, la lecture d’un texte poétique fait plus appel à la voie par assemblage du fait de l’intérêt porté aux mots et à leurs formes. Après avoir comparé l’apprenti lecteur à un normo-lecteur en réduction, ce qui a pu conduire des chercheurs comme FOUCAMBERT à préconiser l’utilisation de méthodes globales privilégiant en particulier la mémoire visuelle, on a vite perçu que l’apprenti lecteur doit passer par certaines étapes d’apprentissages qu’il automatisera peu à peu. Bien sûr, aucune méthode de lecture ne crée la dyslexie, trouble structurel. Cependant, les méthodes globales, heureusement rarement utilisées en France, peuvent renforcer les difficultés spécifiques de certains enfants. On considère actuellement (FRITH, 1986 ; SEYMOUR, 1987) que l’enfant pré-lecteur en maternelle passe par un stade logographique. Il photographie des mots régulièrement rencontrés soit dans les publicités, les enseignes de magasins qui l’intéressent ou à partir de mots travaillés à l’école qui correspondent aux centres d’intérêt développés lors d’activités diverses. Puis, lorsqu’il entreprend un véritable apprentissage de l’écrit, l’enfant apprend le mécanisme de l’assemblage et le rapport graphèmes/phonèmes. C’est une étape d’apprentissage systématique parfois fastidieuse mais indispensable à la maîtrise future du code alphabétique. Peu à peu, l’enfant construit son lexique interne, maîtrise la voie d’assemblage et la voie d’adressage et finit par automatiser les deux voies de lecture, en moyenne vers le CM1. 52
Il passe alors au stade orthographique et peut prendre en compte les irrégularités de la langue et les règles grammaticales. L’enfant dyslexique rencontre des difficultés sur l’une ou l’autre des deux voies de lecture, parfois sur les deux. On distingue ainsi : – La dyslexie phonologique ; – La dyslexie dyséïdétique ou de surface ; – La dyslexie mixte ; – S. VALDOIS (1995) y ajoute le concept de dyslexie visuo-attentionnelle. La dyslexie phonologique concerne environ 60 à 70 % des enfants dyslexiques (rapport INSERM 2008). Il s’agit d’une atteinte de la voie d’assemblage liée à une déficience du canal auditivo-verbal et de la conscience phonologique. L’enfant a des difficultés pour convertir les graphèmes en phonèmes et essaie de compenser par le canal visuel. Il reconnaît ainsi facilement les mots qu’il a réussi à mémoriser globalement, il peine à lire les mots nouveaux ou les non-mots et fait des contre-sens qui sont liés à l’absence de contrôle phonologique. La dyslexie de surface concernerait environ 12 % des enfants dyslexiques (rapport INSERM 2008) ; il s’agit d’une atteinte de la voie d’adressage par déficience du canal visuel, plus particulièrement de la mémoire visuelle. L’enfant ne mémorise pas à long terme l’image des mots rencontrés, son lexique interne reste pauvre. Il compense donc par la voie d’assemblage en utilisant systématiquement la correspondance graphèmes/phonèmes même si un déficit phonologique existe également a minima. La lecture peut donc être juste mais reste lente et ânonnée et l’enfant a des difficultés pour accéder au sens de ce qu’il a lu, toute sa cognition étant requise par son activité de décodage. La dyslexie visuo-attentionnelle est une dyslexie développementale périphérique plus rare chez l’enfant. Le dysfonctionnement visuo-attentionnel amène à des difficultés de reconnaissance de graphèmes, en particulier de graphèmes proches, à des inversions dans les syllabes complexes, à des difficultés attentionnelles. La prise d’indices est faussée par une difficulté de sélection des informations pertinentes. L’enfant qui présente une dyslexie visuo-attentionnelle a aussi fréquemment des difficultés de copie. Enfin, certains enfants présentent une dyslexie mixte, atteinte des deux voies de lecture. Cette dyslexie n’est pas forcément plus sévère que les autres ; par contre, elle limite les possibilités de remédiation, aucune des voies n’étant préservée. Bien sûr dans toute dyslexie, la compréhension est réduite du fait de la non- automatisation du décodage. Dyslexies-dysorthographies À ces différents types de dyslexies correspondent les dysorthographies, soit un trouble dans l’acquisition et la maîtrise de l’orthographe. La dysorthographie phonologique se repère essentiellement par des confusions de sons auditivement proches, la dysorthographie de surface par des fautes d’usage, la dysorthographie visuo-attentionnelle par des confusions de graphèmes proches, des difficultés de copie. Dans toute dysorthographie, les fautes grammaticales sont nombreuses du fait de la non-automatisation des deux voies de lecture. Nous proposerons quelques erreurs régulièrement rencontrées 53
Erreurs auditives- boule / poule faut / vaut cran / grand tard / dard Confusions de sons craie / clé mille / nil chant /sans (en lecture et en écriture) Erreurs visuelles- Confusions de lettres t/f m/n p/q d/b h/l (en lecture et en écriture) Inversions dans les groupes de lettres Frite = fitre (en lecture et en écriture) Omissions de lettres Pote = porte (en lecture et en écriture) Ajouts de lettres Arbustre=arbuste (en lecture et en écriture) Segmentation erronée D’ossié = dossier en écriture Fusion des mots Féduski = fait du ski en écriture Quarantan = quarante ans Orthographe phonétique Jème lé sitrouie = j’aime les citrouilles en écriture Types d’erreurs fréquentes Voici maintenant la présentation d’un texte écrit par un enfant de sixième présentant une dysorthographie mixte : Un ceaurbeau perchez sur l’entaine d’inbatimen tain dans son bec un souris bresé. Rendu furie par cer oiseau cuile des enfen l’ece de caiou pour l’oublige a senvolé. Le ceaurbeau les a aubre cerver puis a depoie se aille est ce elance en lachan la souris que les enfants vont requeir et soigné. Un autre, écrit en dictée par un enfant présentant une dysorthographie de surface : Le lice rouge Nous savions bondi et regardion avec stuper, planté dans l ’erb quom une grande vleur un bra umin tou ruisseen de çan, un bra droi cecsionné sedsi ; dou vene setemin ? Il niave pas eux un cou de canon de la matinée. Alor nous secouon Faval - Les homme devene vou. - Parle, epes didiou. Du vin cete main ? Quesque tu a vu ? Mé Faval ne save rin… Enfin, l’écrit d’un enfant dysorthographique phonologique : Uncordo breché su la tene d ’un patiment tein dans son pec une souris blesé. Retu furieux par cet oiseau cuel des enfant lace des caou pour loplicher à senfoler. La lecture de ces textes, pourtant allégés de la dysgraphie qui les caractérise, est difficile. Elle oblige à se détacher de la forme pour ne s’intéresser qu’au fond. Récemment, un enseignant de collège, quelque temps après avoir suivi une formation sur la dyslexie, me confiait le devoir de SVT de l’un de ses élèves de 3e. 54
Sa première lecture, extrêmement difficile du fait du nombre important de fautes, de transformations des mots dans leur forme, l’avait conduit au zéro fatidique. Une relecture portant sur le fond lui a permis d’attribuer un 18 à cet élève qui avait parfaitement compris le sujet traité. Cet enseignant m’a dit avoir présenté des excuses à cet élève dont il n’avait pas su, par méconnaissance, prendre en compte le trouble spécifique. On peut imaginer combien la démarche de cet enseignant a pu rendre à cet élève l’estime de soi, le conforter dans ses efforts, souvent vains jusque-là. 3. SPÉCIFICITÉS ET COMPLÉMENTARITÉS PROFESSIONNELLES Tout enfant dyslexique relève de rééducations spécifiques, établies dans la durée et de pédagogies différenciées précises et proposées à tout niveau de scolarité. Chaque professionnel impliqué auprès d’un enfant dyslexique a un rôle spécifique qu’il convient de respecter même s’il convient qu’ils s’établissent en complémentarité. On distingue 3 démarches successives propres aux différents professionnels : – Le repérage ; – Le dépistage ; – Le diagnostic ; Le repérage relève des enseignants et des parents. Il repose sur une connaissance de la norme et de signes d’alerte de dysfonctionnements. Nous listerons quelques caractéristiques qui aident au repérage de l’enfant dyslexique, sans ambition exhaustive ni systématique. Comment repère-t-on l’enfant dyslexique à l’école ? – Il semble distrait, ne se souvient pas de ce qu’on lui a dit, ne peut différencier des sons proches (auditivement ou visuellement) ; – Il commet des erreurs de lecture, d’orthographe, de copie ; ses erreurs sont spécifiques ; – Il lit lentement et mal ; il perd la ligne… ; – Il réussit bien à l’oral et dans certaines matières ; – Il « surprend » par certaines compétences, inattendues du fait de ses difficultés à l’écrit. C’est donc bien la spécificité des difficultés à l’écrit qui alertent, l’hétérogénéité des performances qui permettent une différenciation entre l’enfant dyslexique et l’enfant en difficultés globales. Le dépistage relève, lui, du médecin scolaire, de l’enseignant spécialisé, du psychologue scolaire ou du conseiller d’orientation. Il repose sur une connaissance du trouble et de ses conséquences. Il vise à différencier les troubles dyslexiques par rapport aux difficultés globales liées à un retard cognitif, à un manque de motivation ou à une pauvreté linguistique, par rapport aussi aux autres troubles d’apprentissage comme une dysphasie ou une dyspraxie. C’est à l’issue d’un dépistage que les enfants qui en relèvent pourront être orientés vers les bilans utiles et que pourront être proposées des aides pédagogiques spécifiques. 55
Le diagnostic relève d’une équipe pluridisciplinaire, en particulier l’orthophoniste, et parfois de différents professionnels comme le neuropédiatre, le psychologue. Un bilan auditif et/ou visuel peut aussi être nécessaire. Ce diagnostic reste difficile. Dans toute évaluation d’une dyslexie-dysorthographie, on distingue : – les critères quantitatifs qui permettent de déterminer si les difficultés sont suffisamment sévères pour évoquer un tel trouble. On ne parle ainsi d’une dyslexie- dysorthographie que si on repère un écart de moins deux écarts type par rapport aux tests standardisés ; – les critères qualitatifs qui permettent de voir si l’enfant privilégie une voie de lecture ou d’orthographe, s’il présente des signes déviants (complexifications, confusions spécifiques, écriture différente d’un même mot…) et surtout si ses performances à l’oral sont nettement supérieures à ses performances à l’écrit ; – les facteurs d’origine. À côté de ces évaluations quantitatives et qualitatives, on propose une recherche causale. On sait en effet qu’à la dyslexie s’associe, plus ou moins sévèrement selon le type de dyslexie, des difficultés de discrimination auditive, de conscience phonologique, des difficultés visuelles (oculo-motricité, discrimination et/ou mémoire visuelles, un déficit d’attention sélective, de mémoire dans ses différentes composantes, des difficultés spatiales et temporelles, des troubles de latéralité et du schéma corporel). Par contre, les problèmes affectifs et de comportement sont essentiellement secondaires aux troubles d’apprentissage, et ne sont pas à leur origine. C’est à partir de cette évaluation précise que peut se bâtir un projet thérapeutique et pédagogique. Projet qui se doit d’être bâti en complémentarité et établi dans un partenariat, qui bien sûr prend en compte les difficultés de l’enfant, mais s’appuie sur ses compétences et stratégies de compensation. Démarches d’aides Qu’il s’agisse de rééducation ou de pédagogie, on peut distinguer trois types d’objectifs et de modalités d’aide : – Les stratégies de renforcement ; – Les stratégies de contournement ; – Les démarches de rééducation ou de remédiation des compétences socles. Les stratégies de renforcement visent à aider l’enfant à maîtriser l’écrit au mieux de ses potentialités. Elles s’élaborent à partir du repérage des compétences et des stratégies positives d’apprentissage de chaque élève. Elles s’appuient sur les compensations et l’apport de redondances (exemple : renforcement visuel pour l’enfant ayant un trouble de discrimination auditive). Les stratégies de contournement visent à aider l’élève à réaliser ses apprentissages malgré ses difficultés. Elles se construisent à partir du repérage de facilitateurs comme l’octroi d’un temps supplémentaire ou une réduction d’exigence, la possibilité d’utilisation d’un ordinateur, des évaluations qui se mènent à l’oral, un travail sur la reformulation des consignes. 56
Elles correspondent globalement aux aménagements qui peuvent être offerts à ces enfants pour les examens, comme un tiers-temps, un ordinateur, un secrétaire d’examen. Elles ne sont efficaces que si elles sont proposées précocement et régulièrement en classe, dans l’ensemble des disciplines. Les remédiations spécifiques qui portent sur les compétences socles visent à renforcer les compétences déficitaires et s’appuient sur les compensations et les redondances. On travaille ainsi la conscience phonologique pour faciliter la lecture par voie d’assemblage, la discrimination et la mémoire visuelle pour faciliter la voie d’adressage, l’organisation spatio-temporelle. Elles visent aussi parfois à aider l’enfant à évaluer les stratégies d’apprentissage qu’il privilégie et à l’orienter vers celles qui sont les plus efficaces. Ces démarches sont proposées en rééducation et parfois à l’école en petits groupes. Elles peuvent aussi être reprises par différents enseignants dans les différentes disciplines (exemple : en éducation musicale, en éducation sportive où des activités spécifiques, de rythme ou d’oculo-motricité par exemple, peuvent être proposées). Bien sûr, elles visent les transferts sur l’écrit dans le quotidien scolaire et social. Quels partenariats ? Les partenariats établis entre les professionnels de l’éducation et ceux de la santé sont trop ponctuels. Ils dépendent en particulier d’une meilleure connaissance des spécificités professionnelles de chacun et de la complémentarité entre rééducations et pédagogie. Ils exigent des rencontres régulières, des échanges construits pour faciliter les transferts et une implication maximale des parents et de l’enfant qui doit être rendu acteur des aides qui lui sont proposées. La complémentarité ne peut s’établir que si, à l’école, les déficits sous-jacents sont reconnus et pris en compte et si des stratégies aidantes sont proposées. Il convient ainsi de permettre les renforcements en utilisant les canaux performants à partir des stratégies utilisées en rééducation, (par exemple l’utilisation de signes distinctifs pour différencier les sourdes/sonores, les graphèmes proches, les aides mnémotechniques pour mémoriser l’orthographe d’usage de certains mots difficiles). Il faut aussi pouvoir accepter le contournement, c’est-à-dire admettre que la dyslexie est un véritable trouble qui génère des incapacités voire un handicap. C’est certainement cette attitude qui est la plus difficile à reconnaître à l’école, le handicap de l’enfant dyslexique ayant la caractéristique d’être invisible. D’autres handicaps sont ainsi plus aisément reconnus et pris en compte. Si l’enfant handicapé moteur est spontanément dispensé de certaines activités sportives et aidé à pratiquer le sport autrement (handisport), il est souvent plus difficile de dispenser l’élève dyslexique d’une lecture difficile et parfois impossible, et d’admettre qu’il puisse ne travailler qu’à l’oral. C’est aussi la stratégie la plus difficile à mettre en place dans un système scolaire qui repose sur l’écrit, à la fois pour enseigner, pour apprendre et pour évaluer. Plus l’enfant grandit, plus ces contournements sont utiles voire indispensables et pourtant de plus en plus difficiles à appliquer. Les difficultés d’apprentissage de l’écrit ont de multiples origines, parfois cumulées. 57
La dyslexie-dysorthographie en est une. Il est important de la repérer vite pour permettre à chaque enfant qui en est atteint de réaliser ses apprentissages au maximum de ses potentialités. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES BODER E. (1971), Developmental dyslexia : A diagnostic screening procedure based on three characteristic patterns of reading and spelling., in Bateman B. (éd.), Learning disorders, Seattle : special children publication. DEMONET J. F., TAYLOR M. J., CHAIX Y. (2004) Developmental dyslexia. The Lancet, 363 : 1451-1460. Expertise collective Dyslexie, Dysorthographie, Dyscalculie. Bilan des données scientifiques. Éditions INSERM 2007- Paris FRITH U. (1986), A developmental framework for developmental dyslexia., Annals of Dyslexia, 36 : 69-81. GALABURDA A. M., SHERMAN G. F., ROSEN G.D., ABOITI F., GESCHWIND N. (1985) Developmental dyslexia : four consecutive patients with cortical anomalies. Ann Neurol, 18 : 222-233. HABIB M. (1997), Dyslexie : le cerveau singulier, Solal Éditeurs, Marseille. HABIB M. (2000) The neurological basis of developmental dyslexia : an overview and working hypothesis. Brain, 123 : 2373.2399. RAMUS F. (2003) Developmental dyslexia : specific phonological deficit or general sensorimotor dysfunction ? Current Opinion in Neurobiology, 13 : 212-218. SEYMOUR P. (1987), Developmental dyslexia : a cognitive experimental analysis., in COLTHEART M. SARTORI J., JOB R. (éds), The Cognitive Neuropsychology of Language, Hillsdale, Lawrence Erlbaum. SIMOS P. G., FLETCHER J. M., BERGMAN E., BREIER J.I., FOORMAN B. R., et coll. (2002) Dyslexia specific brain activation profile becomes normal following successful remedial training. Neurology, 58 : 1203-1213. SNOWLING M. J. (2000) Dyslexia. 2nd ed, Blackwell, Oxford. TEMPLE E, DEUTSCH G. K., POLDRACK R. A., MILLER S. L., TALLAL P., et coll. (1991) Preventing reading failure in young children with phonological processing disabilities : groupe and individual responses to instruction. J Educ Psychol 1991, 91 : 579-593. VALDOIS S., GERARD C., VANAULT P. et DUGAS M. (1995), Peripheral developmental dyslexia : a visual attentional account ?, Cognitive Neuropsychology, 12, 31-67. VELLUTINO F. R., FLETCHER J. M., SNOWLING M. J., SCANLON D. M. (2004) Specific reading disability (dyslexia) : what have we learned in the past four decades ? J Child Psychol & Psychiat, 45 : 2-40. 58
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