Nouvelles pistes de recherche en psychopharmacologie dans le domaine de la schizophrénie
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Supplément à Neurone 2017; Vol 22 (N° 7) Nouvelles pistes de recherche en psychopharmacologie dans le domaine de la schizophrénie A. De Nayer, A. Masson, B. Delatte, M. Desseilles, L. Mallet, O. Pirson, M.-A. Domken, B. Gillain, E. Stillemans, J. Detraux DIV1721F
Sommaire 1. Introduction 6 2. Cibles thérapeutiques non dopaminergiques de la schizophrénie 6 2.1. Cible glutamatergique 6 2.2. Cible cannabinoïque 8 2.3. Cible sérotoninergique 8 2.4. Cible acétylcholinergique 8 2.5. Cible GABAergique 8 2.6. Clble histaminergique 8 2.7. Inflammation 9 3. Résultats d’études des molécules explorant les pistes non dopaminergiques 9 3.1. Cible glutamatergique 9 3.1.1. Récepteurs ionotropiques du glutamate 9 3.1.1.1. Agonistes du site de liaison de la glycine 9 3.1.1.2. Inhibiteurs de la recapture de la glycine 9 3.1.1.3. Inhibiteurs de l’oxydase d’acide aminé D 10 3.1.1.4. AMPA-kines 10 3.1.1.5. Antagonistes du récepteur NMDA 10 3.1.1.6. Nitroprussiate de sodium 10 3.1.2. Récepteurs métabotropiques du glutamate 10 3.1.2.1. Agonistes des récepteurs mGLU2/3 et mGLU1/5 pré-synaptiques 10 3.2. Cible cannabinoïque 11 3.2.1. Cannabidiol 11 3.2.2. Inhibiteurs de la recapture de l’anandamide 11 3.3. Cible sérotoninergique 11 3.3.1. Agonistes inverses des récepteurs 5-HT2A 11 3.3.2. Agonistes des récepteurs 5-HT2C 12 3.3.3. Antagonistes des récepteurs 5-HT3 12 3.3.4. Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine + antagonistes des récepteurs D2 12 et des récepteurs 5-HT2A 3.4. Cible acétylcholinergique 12 3.4.1. Agonistes nicotiniques 12 3.4.1.1. Encénicline (EVP-6124 ou MT-4666) 12 3.4.1.2. 3-(2,4-dimethoxybenzylidene) anabaséine (DMXB-A ou GTS-21) 12 3.4.1.3. Bradanicline (TC-5619) 12 3.4.1.4. ABT-126 et AQW051 13 3 Suppl. Neurone • Vol 22 • N° 7 • 2017
Sommaire 3.4.2. Agonistes muscariniques 13 3.4.2.1. N-desméthylclozapine 13 3.4.2.2. Xanoméline 13 3.4.3. Modulateurs allostériques positifs (MAP) des récepteurs nicotiniques et muscariniques 13 de l’acétylcholine 3.4.4. Inhibiteurs d’acétylcholinestérase 13 3.5. Cible GABAergique 13 3.5.1. Benzodiazépines 13 3.5.2. BL-1020 et MK-0777 13 3.6. Cible histaminergique 14 3.7. Inflammation 14 3.7.1. Rétrovirus endogènes humains (HERVs) 14 3.7.2. Vitamines 14 3.7.3. Acides gras oméga-3 14 3.7.4. Médicaments anti-inflammatoires 15 4. NbN: Une nouvelle nomenclature basée sur les neurosciences 15 5. Discussion 15 5.1. Des données contradictoires? 15 5.2. L’analogie avec le modèle historique de la tuberculose 16 5.3. Structure et mode de transmission des récepteurs ionotropes et métabotropes 16 5.4. Structure et transmission des cibles cholinergiques, muscariniques, GABA et noradrénergiques 16 5.4.1. Récepteurs de l’acétylcholine (AChR) 16 5.4.2. Récepteurs métabotropes (muscariniques) 16 5.4.3. Récepteurs GABAα et récepteurs adrénergiques 16 5.4.4. Récepteurs de la noradrénaline et de l’adrénaline 16 5.5. L’hypothèse d’une synthèse unitariste 16 5.6. Contradiction des résultats, une fatalité? 17 5.7. Autres voies d’approche 17 5.8. Possibilité d’une approche préventive 17 6. Conclusion 17 5 Suppl. Neurone • Vol 22 • N° 7 • 2017
1. Introduction Les nouvelles molécules commercialisées selon les définitions adoptées, environ 20 à sont rares. La plupart des études de déve- 30% des patients atteints de schizophrénie, Soixante-cinq ans après la découverte du loppement des nouvelles molécules dans tous épisodes confondus, montrent peu premier neuroleptique l’approche phar- le domaine de la schizophrénie visent ou pas de réponse aux traitements anti‑ macologique visant à la régulation dopa- à la mise au point de traitements possé- psychotiques, et jusqu’à 30% supplémen- minergique tient toujours le haut du pavé. dant le même type de mécanisme d’action taires témoignent d’une réponse partielle Les nombreuses tentatives de la quitter se que ceux qui sont sur le marché (la neuro- (16-18). Bien que devenus pierre angulaire sont soldées par autant d’échecs. Est-ce à modulation dopaminergique et éven- du traitement de la schizophrénie, des AP dire que nous avons d’emblée découvert la tuellement sérotoninergique), ou tentent plus efficaces et/ou mieux tolérés sont dès seule et unique voie d’approche? d’optimiser l’utilisation des molécules lors aujourd’hui nécessaires (13, 19, 20). Le développement de molécules neuro‑ existantes par l’apport de nouvelles formes pharmacologiques efficaces requiert une galéniques, visant à l’amélioration de la Les antipsychotiques aujourd’hui dispo- compréhension des mécanismes d’ac- balance bénéfice/risque. Ainsi, récem- nibles n’atteignent pas l’ensemble des tion ainsi que de leurs cibles. Or rappe- ment, on a approuvé le palmitate de pali- objectifs qui leur sont assignés dans la lons-nous que la chlorpromazine, premier péridone, offrant un tout nouveau schéma prise en charge de la schizophrénie. Ils neuroleptique, née de l’observation cli- posologique quadriannuel, le brexpi- se limitent à un traitement symptoma- nique, fut ainsi tranférée de la salle d’opé- prazole (un agoniste partiel des récepteurs tique partiel, n’ayant que peu d’effets ration aux asiles psychiatriques, tandis que de dopamine D2, comme l’aripiprazole), sur les symptômes négatifs, dépressifs l’isoniazide rejoignit notre pratique à partir et la cariprazine (un agoniste partiel des et cognitifs. Cette carence appelle le du sanatorium. Ces découvertes sommes récepteurs de dopamine D2 et D3, avec souhait de pouvoir bénéficier de nou- toutes intuitives, parcourant le chemin une forte préférence pour les récepteurs veaux traitements antipsychotiques. depuis la clinique, ont déclenché ensuite D3) (1-5). Cependant, il existe également le processus de la recherche fondamentale. des études de molécules explorant de nou- L’hypothèse neurobiologique de la schizo‑ L’action convaincante des psychotropes a velles pistes basées sur des mécanismes phrénie s’est essentiellement focalisée ensuite permis d’échafauder les modèles d’action distincts et/ou à cible thérapeu- sur un dysfonctionnement dopaminer- neuropsychopharmacologiques des patho- tique spécifique (4). Au cours des dernières gique (13). Reposant sur une hyperactivité logies. À partir de ceux-ci nous tentons années, nous avons en effet vécu l’introduc- des neurones dopaminergiques mésolim- désormais de trouver de nouvelles voies tion de nombreuses nouvelles molécules biques (associée aux symptômes positifs) d’approche en adoptant une démarche psychotropes. Le présent article fera une et une hypoactivité des neurones dopa- inverse. Ceci n’étant qu’un premier pas. courte revue de ces molécules. À l’instar du minergiques mésocorticaux (associée aux On peut en effet ensuite envisager de ten- projet Research Domain Criteria (RDoC), se symptômes négatifs, affectifs et cogni- ter de raisonner en maladie de système fondant sur les connaissances neuroscienti- tifs), elle n’apporte cependant qu’une selon que les différents systèmes noradré- fiques actuelles pour les relier à la clinique, explication partielle de l’étiopathogénie nergiques, sérotoninergiques, dopami- nous tenterons dans cet article, à partir de de la schizophrénie (3, 4, 20). La schizo- nergiques se voient stimulés ou inhibés. résultats des recherches psychopharmaco- phrénie n’est pas exclusivement due à un Citons de façon exemplative la maladie logiques, de réfléchir sur les causes neu- dysfonctionnement primaire du système de Parkinson. Le nom n’évoque rien si ce ropharmacologiques des symptômes de la dopaminergique. Diverses substances n’est le mérite de celui qui l’a découverte schizophrénie. Nous prendrons comme pharmacologiques modulatrices d’autres (James Parkinson). On pourrait aisément point de départ les molécules, dont la plu- récepteurs que les récepteurs dopaminer- proposer une autre dénomination telle part sont encore au stade de la recherche giques peuvent entraîner des symptômes que «hypofonctionnement dopaminer- clinique (i.c. phase II/III). schizophréniformes à la fois chez l’hu- gique cortical» ou «atteinte du locus niger» main et chez l’animal. Ces découvertes ont (substantia nigra) si l’on tient à préciser Certaines recherches actuelles dans permis l’éclosion de nouvelles hypothèses l’origine neuro-anatomique. Tout comme la prise en charge de la schizophrénie physiopathologiques. on désigne l’infarctus du myocarde pour visent à ne plus se centrer exclusive- évoquer la nécrose musculaire cardiaque. ment sur les systèmes de neurotransmis- 2.1. Cible glutamatergique Ainsi, l’étiquette reflète le contenu, l’éti- sion dopaminergique, mais investiguent quette éclaire directement la boîte à outils. différentes voies moléculaires. Un hypofonctionnement du système gluta- À un autre niveau, celui de la psycho‑ matergique a été suggéré dans la schizo‑ pharmacologie, la nomenclature NbN phrénie (3, 18, 21-28). De nombreuses représente une tentative du même ordre. 2. Cibles thérapeutiques observations cliniques montrant l’appa- Les nouveaux modèles non dopaminer- non dopaminergiques rition d’un syndrome schizophrenia like giques ciblant d’autres neurotransmetteurs de la schizophrénie suite à l’usage de la phencyclidine (aussi nous permettent de mesurer la portée des connue sous le nom de angel dust) ou de la nouvelles évolutions. Les antipsychotiques (AP) se sont avé- ketamine (Special K, Ket, Vitamin K, Kit-Kat) rés significativement plus efficaces que le (29), antagonistes des récepteurs au gluta- Afin de développer de nouvelles molé- placebo sur les symptômes positifs de la mate de type acide N-méthyl-D-aspartate cules plus efficaces, notre compré- schizophrénie, comme l’attestent de nom- (NMDA) (18, 22, 23, 30, 31), ont permis hension des mécanismes d’action breuses études et plusieurs revues systéma- de mettre en évidence le rôle majeur d’un des antipsychotiques, des régions tiques et méta-analyses (6-8). L’efficacité dysfonctionnement du système glutama- du cerveau et des récepteurs ciblés des AP dans le contrôle des symptômes tergique dans la schizophrénie (13, 31, par ces médicaments devrait être déficitaires (négatifs, dépressifs et cognitifs) 32). Contrairement à d’autres substances améliorée. de la schizophrénie est cependant modé- comme les amphétamines (les amphéta- rée et moins probante (3, 9-15). De plus, mines peuvent diminuer les symptômes 6 Suppl. Neurone • Vol 22 • N° 7 • 2017
négatifs de la schizophrénie) (33, 34), la Figure 1: Voies glutamatergiques impliquées dans la schizophrénie. ketamine, synthétisée pour la première fois en 1962 et utilisée comme anesthésique «dissociatif» (18) en médecine humaine et vétérinaire, possède la particularité d’in- duire des symptômes positifs (délires et hallucinations) et négatifs (retrait social). Par ailleurs, la kétamine peut également entraîner des altérations cognitives telles que des troubles de l’attention, ainsi que des perturbations de la mémoire (18, 35). De plus, l’hypothèse glutamatergique était argumentée par la supériorité d’efficacité de la clozapine, qui pourrait être imputée à l’effet sur les récepteurs glutamatergiques NMDA (23). Certains chercheurs (e.g. Javitt) estiment que le système glutamatergique semble pouvoir entrainer des symptômes schizo- phréniques en l’absence de sollicitation du système dopaminergique. Cependant, il semble que les AP, plus particulièrement les antipsychotiques de seconde généra- Figure 2a: Modulation du système dopaminergique par le glutamate (situation normale). tion (ASG), soient à même de corriger les anomalies comportementales induites par les antagonistes NMDA (6). Action directe Action indirecte La capacité de la ketamine et de la GLU GLU phencyclidine à induire chez le volon- taire sain des symptômes rappelant ceux observés dans la schizophrénie a alimenté abondamment l’hypothèse glutamatergique. Cinq voies glutamatergiques seraient impliquées dans la schizophrénie: (1) la GABA voie cortex préfrontal-tronc cérébral, (2) la voie cortex préfrontal-striatum, (3) la DA voie cortex préfrontal-thalamus, (4) la voie thalamus-cortex et (5) la voie cortex DA = Dopamine; GLU = glutamate; GABA = acide γ-aminobutyrique; + = action excitatrice; - = action inhibitrice. préfrontal-cortex préfrontal (Figure 1). La première voie inhibe la voie dopaminer- gique mésolimbique en activant les inter- neurones GABAergiques. En cas d’une Figure 2b: Modulation du système dopaminergique par le glutamate (situation anormale). hypofonction des récepteurs NMDA, les interneurones GABAergiques dans la voie cortex préfrontal-tronc cérébral n’inhibent Action directe Action indirecte plus de façon tonique la voie dopaminer- gique mésolimbique, s’en suit une hyper‑ GLU GLU activité, entraînant les symptômes positifs Symptômes Symptômes (Figures 2a et 2b). De même, l’hypofonc- négatifs et cognitifs positifs tionnement des récepteurs NMDA ne per- met plus l’excitation de type tonique sur les neurones dopaminergiques mésocor- ticaux. Ce mécanisme permet d’expliquer Hypoactivité Hyperactivité l’hypothèse d’hypoactivité dopaminer- dopaminergique dopaminergique gique mésocorticale, ainsi que les symp- mésocorticale GABA mésolimbique tômes négatifs et cognitifs (20, 36, 37). Dans ce dernier cas, les récepteurs vont DA réguler la voie dopaminergique mésocor- ticale en se projetant directement sur DA = Dopamine; GLU = glutamate; GABA = acide γ-aminobutyrique; + = action excitatrice; - = action inhibitrice. ces neurones dopaminergiques (36, 37) (Figures 2a et 2b). 7 Suppl. Neurone • Vol 22 • N° 7 • 2017
2.2. Cible cannabinoïque des symptômes négatifs et cognitifs, donc provoquer (chez les sujets sains) ou aggra- finalement assez peu sur les symptômes ver (chez les patients atteints de schizo- Un nombre croissant de données établit positifs. De plus, tandis que dans la schizo‑ phrénie) des symptômes psychotiques et un lien entre système endocannabinoïde phrénie les hallucinations sont beau- cognitifs. Ainsi, la scopolamine, un antago- et schizophrénie (38). Le cannabis peut coup plus souvent acoustico-verbales, niste non spécifique des mAChR, peut être induire, chez des sujets sains, des effets qui les drogues hallucinogènes, au contraire, à l’origine de divers symptômes psycho‑ s’apparentent à ceux du monde de la psy- entraînent des hallucinations de nature tiques et cognitifs. chose en général, et de la schizophrénie en principalement visuelle (45, 46). Dans la particulier. Des études démontrent que le mesure ou les hallucinogènes semblent Parmi les cinq sous-types de mAChR (M1- cannabis peut provoquer, chez les consom- entraîner des hallucinations de nature prin- M5), les récepteurs M1 et M4 semblent mateurs chroniques, des symptômes posi- cipalement visuelle, il a été avancé que être les plus clairement impliqués dans les tifs et négatifs, détériorer la mémoire et les hallucinations visuelles puissent être troubles cognitifs de la schizophrénie. Des les fonctions exécutives et porte atteinte à davantage liées à des mécanismes séro- études anatomopathologiques post-mortem la vigilance attentionnelle, trois fonctions toninergiques, tandis que les hallucina- chez des patients atteints de schizophré- cognitives altérées chez le patient atteint tions acoustico-verbales seraient de nature nie ont trouvé une moindre densité et donc de schizophrénie (18, 19, 39-41). dopaminergique. De plus, il existe aussi une moindre expression des mAChR M1 et des hallucinations visuelles, surtout obser- M4 dans les régions associées à des pro- Le principal constituant psychoactif du vées dans les formes débutantes de schizo‑ cessus cognitifs, comme le lobe frontal et cannabis, le delta-9-tétrahydrocannabinol phrénie (18, 46), ce qui pourrait laisser l’hippocampe (10, 11, 51-53). (THC), est un agoniste partiel du récep- suggérer des anomalies sérotoninergiques teur CB1, le principal récepteur des can- plus importantes au cours de ces phases. 2.5. Cible GABAergique nabinoïdes (18, 39, 41, 42). Les récepteurs CB1 se trouvent en grande quantité dans 2.4. Cible acétylcholinergique L’acide gamma-amino-butyrique (GABA) le cerveau et sont les voies responsables est le neurotransmetteur inhibiteur le plus des effets psychoactifs du THC. Le canna- Les récepteurs nicotiniques de l’acétylcho- abondant dans le cerveau (54, 55). Il existe bidiol (CBD), autre cannabinoïde présent line (nAChR) sont fortement exprimés dans trois types de récepteurs GABA (le récep- dans le cannabis, ne provoque pas d’ef- des structures cérébrales (particulièrement teur GABAA étant le type «prédominant», fet psychotrope (43) suite à son manque dans l’hippocampe et le cortex frontal) GABAB et GABAC). d’affinité avec les récepteurs CB1 (et CB2) impliquées dans des fonctions cognitives (44). De plus, le CBD atténue au contraire complexes, telles que l’attention, l’appren- Des déficits du GABA ont été impliqués les modifications de la perception induites tissage et la mémoire (4, 47). La forme la dans la schizophrénie (56-59). À partir par le THC. Alors que le THC de canna- plus abondante dans le système nerveux de certains résultats d’études post-mortem, bis peut induire des expériences psycho- central est le récepteur α-4 β-2, suivie du retrouvant une diminution de la densité tiques transitoires, des études relèvent récepteur α-7 (28, 37, 47). Diverses obser- des récepteurs de type GABAA dans le cor- que le CBD possède des effets antipsycho- vations ont attribué un rôle particulier au tex préfrontal de patients atteints de schizo‑ tiques et anxiolytiques chez les personnes récepteur nicotinique α-7 dans la physiopa- phrénie, ainsi qu’une réduction de la atteintes de schizophrénie. En outre, le thologie de la schizophrénie (4, 28, 47-49): concentration du GABA et du GAD67 CBD a entravé la psychose expérimentale - localisation du locus de susceptibilité (l’enzyme régulateur de la synthèse du humaine et est efficace dans les rapports pour l’anomalie de filtrage de l’onde GABA à partir de l’acide glutaminique) de cas ouverts et des études cliniques chez P50 sur le chromosome 15q13-q14 (54, 60), l’hypothèse d’un hypofonctionne- les patients atteints de schizophrénie avec dans une région contenant le gène ment GABAergique dans la schizophrénie un remarquable profil d’innocuité (19, 43). codant pour la sous-unité α-7 du fut avancée (59). Récemment, l’évaluation récepteur nicotinique à l’acétylcho- in vivo de ces déficits, particulièrement Le CBD s’avère efficace pour arrêter line (CHRNA7); dans la population schizophrène naïve de la plupart des effets du THC. Il semble - la découverte d’une expression anor- tout traitement antipsychotique, a confirmé posséder un profil pharmacologique male des nAChR chez les patients cette hypothèse (57). similaire à celui des antipsychotiques atteints de schizophrénie; de seconde génération (43, 44), associé - la nicotine, un agoniste de faible L’hypofonctionnement GABAergique entraîne cependant à moins d’effets secondaires potentiel pour ces récepteurs, pos- un déficit dans l’inhibition de la transmission que les antipsychotiques. sède des effets positifs sur les déficits dopaminergique mésolimbique (entraînant cognitifs. les symptômes positifs). De plus, une réduc- 2.3. Cible sérotoninergique Des agonistes plus puissants que la nico- tion de la concentration du GABA exercerait tine pourraient alors avoir leur place dans un rôle dans les troubles cognitifs fréquem- L’identification de la sérotonine en tant que le traitement de la schizophrénie, notam- ment observés dans la schizophrénie (57). Il neurotransmetteur en 1948 a été suivie ment pour les symptômes cognitifs. s’avérerait donc intéressant de développer rapidement par l’hypothèse selon laquelle des molécules à action GABAergique spéci- la sérotonine serait impliquée dans la Depuis la découverte du rôle important fique (60). genèse de la schizophrénie (45) du fait des récepteurs nicotiniques α-7 dans la que les hallucinogènes, comme le lysergic schizophrénie, ces derniers sont deve- 2.6. Cible histaminergique acid diéthylamide (LSD) et la psilocybine, nus une cible d’intérêt thérapeutique. sont des agonistes des récepteurs sérotoni- L’histamine exerce ses effets centraux en nergiques, en particulier des récepteurs de Il a été également prouvé qu’une acti- activant principalement quatre classes de type 5-HT2A (18, 46). Cependant, la séro- vité insuffisante de récepteurs muscari- récepteurs histaminergiques (H1, H2, H3, tonine agit principalement sur l’expression niques de l’acétylcholine (mAChR) pouvait et H4). Ces récepteurs histaminergiques 8 Suppl. Neurone • Vol 22 • N° 7 • 2017
sont impliqués dans la régulation des entre le niveau d’activité des cellules comprises (15, 22, 30). En agissant sur ces cycles éveil-sommeil, ainsi que des pro- microgliales et la sévérité de la pathologie co-agonistes, on peut obtenir une stimula- cessus cognitifs (la vigilance, la mémoire, chez ces individus (67). Une autre étude tion NMDA. l’apprentissage). récente révélait que l’inflammation obser- vée chez des patients atteints de schizo‑ Généralement, on peut lire dans la litté- Certaines études ont rapporté une augmen- phrénie (n = 369) est associée à des déficits rature scientifique que les molécules qui tation du télé-méthylhistamine, métabolite cognitifs plus prononcés. Chez 28,2% des agissent sur le site de liaison de la glycine de histamine, dans le liquide cérébro- patients (n = 104), le taux de la protéine peuvent améliorer les symptômes négatifs spinal de patients atteints de schizophré- C réactive (un marqueur d’inflammation et cognitifs de la schizophrénie lorsqu’ils nie, en comparaison avec les sujets sains détectable par prise de sang) indiquait la sont administrés en adjuvant du traitement (61, 62). Étant donné que le système his- présence d’une inflammation chronique. Le antipsychotique (37). Cependant, à ce jour taminergique est un système majeur de quotient intellectuel et le niveau de pensée les preuves disponibles restent encore trop la cognition, son activation est pressentie abstraite (OR ajusté = 0,56, 95% CI 0,35- limitées pour pouvoir tirer des conclusions comme une thérapeutique potentielle des 0,90, p = 0,014), la mémoire (p = 0,026) définitives. Des recherches supplémen- déficits cognitifs de la schizophrénie (62). et la flexibilité mentale (p = 0,044) de taires sont donc nécessaires afin de déter- Plus spécifiquement, le récepteur histami- ces patients étaient inférieurs à ceux des miner leur rôle exact dans le traitement de nergique H3 semble jouer un rôle dans la patients sans inflammation (68). La mise la schizophrénie. Bien que les études réa- schizophrénie. Des antagonistes ou ago- en évidence d’un lien entre inflammation lisées avec ces molécules ne montrent pas nistes inverses du récepteur H3 pourraient chronique et déficit cognitif dans la schizo‑ d’effet de la D-cyclosérine (un analogue de donc avoir un effet bénéfique sur les symp- phrénie ouvre de nouvelles pistes théra- la D-sérine et un agoniste partiel du récep- tômes cognitifs et négatifs de la schizo- peutiques pour améliorer la cognition des teur de la glycine) versus placebo dans phrénie (62). schizophrènes. Reste à clarifier si l’inflam- la schizophrénie (20, 69, 70), la glycine mation observée est une des causes ou une et la D-sérine semblent être efficaces sur Le système histaminergique est un conséquence de la maladie. les symptômes cognitifs et négatifs de la système majeur de la cognition et les schizophrénie lorsqu’elles sont associées antagonistes ou agonistes inverses H3 3. Résultats d’études des molécules aux AP. Une méta-analyse de 26 études sont pressentis comme thérapeutique explorant les pistes (N = 800) (71) a montré une efficacité de la potentielle des déficits cognitifs de la non dopaminergiques glycine et de la D-sérine sur les symptômes psychose schizophrénique. dépressifs, supérieure à l’efficacité sur les 3.1. Cible glutamatergique symptômes négatifs puis sur les symptômes 2.7. Inflammation positifs. La D-sérine, possédant une per- Il existe deux principales catégories de méabilité au niveau cérébral plus élevée, Les liens entre l’inflammation et les mala- récepteurs glutamatergiques: les récep- semble l’agent le plus prometteur (13), son dies mentales telles que dépression, teurs ionotropiques du glutamate [qui agonisme NMDA plus complet, nécessitant trouble bipolaire ou schizophrénie émer- regroupent les récepteurs AMPA (acide de fait de plus faibles doses. L’efficacité de gent dès les années 1990. Une théorie de amino-3-hydroxy-5-méthyl-4-isoxazole cette molécule est également testée en schizophrénie (i.c., le modèle de cytokine) propionique), NMDA et kainate] et les monothérapie chez des patients résistants. postule des troubles des cytokines et des récepteurs métabotropiques du glutamate médiateurs inflammatoires, pouvant prove- (mGluRs), qui sont des récepteurs couplés La modulation de la transmission glu- nir en partie d’une exposition infectieuse. aux protéines G. Ces derniers sont classés tamatergique via une augmentation Les cytokines sont l’un des éléments les en trois groupes différents: les récepteurs des concentrations de glycine ou de plus importants du système immunitaire du groupe I (mGluR 1 et 5), du groupe II D-sérine dans la fente synaptique peut qui orchestrent la réponse aux agressions (mGluR 2 et 3) et du groupe III (mGluR 4,6, contribuer à potentialiser la fonction infectieuses (63). 7 et 8) (36). Le tableau 1 laisse entrevoir les du récepteur NMDA et à améliorer les candidats médicaments ciblant les récep- symptômes négatifs et cognitifs de la Diverses études, ainsi qu’une méta-analyse teurs non dopaminergiques en développe- schizophrénie. récente, ont mis en évidence une concen- ment clinique. tration excessive des cytokines pro-inflam- 3.1.1.2. Inhibiteurs de la recapture matoires (IL-6, interleukine-6 et le TNFα, 3.1.1. R écepteurs ionotropiques de la glycine Tumor Necrosis Factor α) et anti-inflam- du glutamate Les inhibiteurs de la recapture de la gly- matoires (sIL-2R, le récepteur soluble de cine, visant à l’augmentation des concen- l’interleukine-2 et l’IL-1RA, l’antagoniste 3.1.1.1. Agonistes du site de liaison trations de glycine dans la fente synaptique, du récepteur de l’interleukine-1) dans le de la glycine ont également été tentés (24, 30, 72). sang des patients atteints de schizophrénie Étant donné qu’un hypofonctionnement du La sarcosine a montré une efficacité en trai- aiguë, en comparaison avec les sujets sains système NMDA a pu être mis en évidence tement adjuvant des AP sur les symptômes (64-66). Une étude récente, utilisant le PET chez les patients atteints de schizophrénie, positifs, négatifs, cognitifs et généraux (Tomographie par Émission de Positons)- des molécules susceptibles de stimuler ce chez les patients atteints de schizophrénie scan, a trouvé pour la première fois que système pourraient être bénéfiques chez (aiguë ou chronique) (73-76). Une étude les cellules microgliales, protégeant le cer- ces patients (15, 30). L’activation du récep- en phase III serait en cours pour les symp- veau contre des agents pathogènes, sont teur NMDA du glutamate nécessite la pré- tômes négatifs. plus actives dans le cerveau de patients sence du glutamate, ainsi que de glycine schizophrènes ou présentant des risques ou de D-sérine, co-agonistes endogènes En 2014, Roche a annoncé des résultats élevés de schizophrénie. Les résultats ont du récepteur NMDA (13), dont l’origine et décevants pour la bitopertine (RG1678) également montré qu’il y a une corrélation la contribution respectives demeurent mal dans la schizophrénie. Deux études de 9 Suppl. Neurone • Vol 22 • N° 7 • 2017
phase III (FlashLyte et DayLyte) visaient à peut être encore plus efficace sur le fonc- patients présentant un premier épisode évaluer l’efficacité de la bitopertine pour tionnement cognitif des patients atteints de psychotique. le traitement des symptômes négatifs pré- schizophrénie (26). dominants persistants de la schizophrénie 3.1.1.6. Nitroprussiate de sodium chez l’adulte. Les critères d’évaluation pri- 3.1.1.4. AMPA-kines Appartenant à l’arsenal thérapeutique du maires (= le score factoriel des symptômes Les AMPA-kines sont une classe de composés cardiologue et particulièrement efficace négatifs sur l’échelle d’évaluation des connus pour augmenter la capacité d’atten- dans la prise en charge de la crise aiguë symptômes positifs et négatifs de la PANSS) tion et de vigilance et pour faciliter l’appren- hypertensive, le nitroprussiate de sodium n’ont pas été atteints. Plus spécifiquement, tissage et la mémoire (82). Elles tirent leur est un vasodilateur agissant sur le méta- l’adjonction de la bitopertine au traite- nom des récepteurs AMPA (acide amino- bolisme de la production d’oxyde nitrique ment antipsychotique n’a pas réduit de 3-hydroxy-5-méthyl-4-isoxazole propionique) et de la guanosine monophosphate cycli- façon significative les symptômes négatifs glutamatergiques avec lesquels elles inter‑ que (engagée, entre autres, au cours des (y compris le repli social et le manque de agissent fortement. Comme les récepteurs phénomènes de neuroplasticité), modi- motivation) à 24 semaines par rapport au NMDA les récepteurs AMPA sont des récep- fiant de cette manière l’hypofonctionne- placebo (77-79). En 2014, une autre étude teurs ionotropes activés par le glutamate. ment NMDA (21, 95, 96). Ce vasodilateur de phase III pour les symptômes négatifs Cependant, leurs activations ne nécessitent pourrait également modifier les systèmes (SunLyte) et deux autres études de phase III pas la présence d’un co-agoniste. dopaminergiques. Hallak et al. ont éva- (TwiLyte et MoonLyte), évaluant la bitoper- Le CX516 a été en cours d’étude comme lué l’efficacité du nitroprussiate de sodium tine pour le traitement de symptômes de traitement adjuvant des déficits cogni- au cours d’épisodes psychotiques aigus la schizophrénie contrôlés de façon sous- tifs dans la schizophrénie. Les résultats de chez 20 patients atteints de schizophré- optimale, ont été arrêtées (80). NightLyte est ces études sont contradictoires. Bien que nie dans les 5 premières années de leur la seule étude en phase III encore en cours. l’administration conjointe de CX-516 et maladie. Les 10 patients du groupe trai- de clozapine avait un effet supérieur sur tement recevaient 0,5μg/kg/min de nitro- 3.1.1.3. Inhibiteurs de l’oxydase la mémoire et l’attention en comparaison prussiate de sodium en intraveineux durant d’acide aminé D avec la clozapine seule (83), une autre 4 heures, alors que les patients du groupe Les découvertes portant sur la dégrada- étude (82) n’a pas démontré une effica- placebo recevaient du sérum glucose à 5% tion de la D-sérine par la D-aminoacide- cité de CX-516 sur les déficits cognitifs, ni durant le même laps de temps. L’efficacité oxydase (DAAO) ont conduit à la mise au en combinaison avec la clozapine, ni avec du traitement est apparue statistiquement point de divers inhibiteurs de l’oxydase l’olanzapine ou la rispéridone. Cependant, significative dès la deuxième heure de trai- des acides aminés D, qui pourraient être d’autres AMPA-kines plus puissantes sont tement, pour la BPRS-18 et la sous-échelle des médicaments potentiels pour le trai- en cours d’évaluation en monothérapie et négative de la PANSS, et s’est maintenue tement de la schizophrénie (24, 26, 27). en traitement adjuvant (25, 37). durant toute la durée de l’étude, jusqu’à la Cependant, les inhibiteurs de la DAAO se quatrième semaine (97). Ces résultats ont trouvent encore dans une phase de mise au 3.1.1.5. Antagonistes du récepteur NMDA été confirmés chez des patients réfractaires point très précoce (21, 27). La mémantine est un antagoniste non com- (98, 99) et des patients présentant des défi- pétitif avec faible affinité du récepteur cits cognitifs (100). Cependant, récem- Le benzoate de sodium (essentiellement NMDA, utilisée dans le traitement symp- ment, une étude randomisée, contrôlée en utilisé comme conservateur alimentaire) tomatique de la maladie d’Alzheimer à double aveugle n’a trouvé aucun effet du (24) est un inhibiteur de la DAAO récem- un stade modéré à sévère (37, 84-88). nitroprussiate de sodium, ni sur les symp- ment testé dans certaines études rando- L’utilisation des antagonistes du récep- tômes psychotiques, ni sur la mémoire misées en double aveugle, contrôlées par teur NMDA, comme la mémantine, paraît spatiale chez des patients relativement placebo (26, 81). Lane et al. ont évalué paradoxale, alors qu’un hypofonctionne- chroniques (101). régulièrement l’efficacité, notamment par ment des récepteurs NMDA pourrait jouer les scores à l’échelle PANSS, et l’innocuité un rôle important dans la physiopatholo- 3.1.2. R écepteurs métabotropiques du benzoate de sodium (1g/jour) chez gie de la schizophrénie. Cependant, la du glutamate 52 patients atteints de schizophrénie chro- mémantine est un open-channel blocker nique, déjà stabilisés avec des AP depuis et elle est voltage-dépendante: elle bloque, 3.1.2.1. Agonistes des récepteurs mGLU2/3 au moins 3 mois. Les auteurs ont constaté avec une cinétique rapide, le canal ionique et mGLU1/5 pré-synaptiques que ce traitement adjuvant entraîne une seulement quand il est ouvert. Ces carac- Une autre piste explore les agonistes des amélioration de 21% au score total de téristiques préservent donc la fonction phy- récepteurs mGLU2/3 et mGLU1/5 pré- l’échelle PANSS et des effets importants siologique des récepteurs NMDA (86, 89). synaptiques, auto-récepteurs inhibiteurs sur certaines sous-échelles (évaluation des de la libération du glutamate. Les ago- symptômes négatifs, évaluation du fonc- Bien qu’une méta-analyse de 4 études nistes mGlu2/3 (LY2140023, LY354740, tionnement global, échelle de qualité de randomisées et contrôlées (N = 226) (71) LY379268 et MSG0028) diminuent le gluta- la vie, impression clinique globale). Cette a montré une efficacité de la mémantine mate dans la fente synaptique et parviennent amélioration est également sensible dans sur les symptômes dépressifs et cognitifs à bloquer les comportements induits par le les subtests de neurocognition (comme (90, 91), les résultats des études indivi- phencyclidine chez les animaux, de façon la vitesse de traitement de l’information duelles (84, 86-89, 92-94) restent contra- comparable à la clozapine (102). et l’apprentissage visuel). La tolérance du dictoires et le nombre de sujets inclus Globalement, les études chez l’humain n’ont produit s’est révélée bonne, sans effets dans ces études limité. L’association de pas montré d’effet des récepteurs mGLU2/3 secondaires marqués (81). Lin et al. ont la mémantine à la galatamine peut don- pré-synaptiques sur les symptômes posi- démontré que la combinaison de benzoate ner de meilleurs résultats sur les fonc- tifs et négatifs et le développement de ces de sodium (1g/jour) avec l’inhibiteur de la tions cognitives (85). En ce moment, une molécules a été arrêté en phase III. Diverses recapture de la glycine sarcosine (2g/jour) étude de phase III est en cours chez des études cliniques de phase II/III (103-105) 10 Suppl. Neurone • Vol 22 • N° 7 • 2017
visant à déterminer l’efficacité du poma- ont montré une nette amélioration de la recherches futures passerait donc par la glumetad methionil (LY2140023) en mono- jeune femme, équivalente à celle observée synthèse d’un composé similaire au CBD thérapie et comme traitement adjuvant de avec l’halopéridol (44, 109). Lors d’une possédant les mêmes pouvoirs thérapeu- certaines formes de psychose n’avaient pas étude de Zuardi et al. (110), 3 patients tiques et la même tolérabilité, mais doté atteint les objectifs visés (i.c., améliorer les atteints de schizophrénie résistante ont d’un spectre d’action plus large et d’un symptômes négatifs). Cependant, les don- été traités avec le CBD (jusqu’à 1.280mg/ dosage plus aisément définissable (44). nées réanalysées de ces études par Kinon jour) pendant 30 jours. L’amélioration due et al. (106) suggèrent que le pomaglume- au CBD a été modérée chez 1 patient mais Diverses études défendent l’idée d’une tad pourrait produire une réaction statis- très légère chez les 2 autres. Plus récem- future option thérapeutique du canna- tiquement significative chez les sujets au ment, lors d’une étude clinique avec bidiol dans la psychose en général et début de leur maladie (≤ 3 ans) ou auprès 42 patients atteints de schizophrénie aiguë, dans la schizophrénie en particulier. des patients déjà exposés à d’autres médi- le CBD a montré un pouvoir thérapeutique caments antipsychotiques. Les futures tout à fait comparable avec celui de l’ami- 3.2.2. Inhibiteurs de la recapture études d’efficacité peuvent identifier des sulpride. Leweke et al. (111) ont montré de l’anandamide sous-groupes de populations des patients, que le CBD réduit de manière significa- motivées avant tout par l’espoir de dévelop- tive les symptômes psychopathologiques. La communauté scientifique espérait que per des traitements permettant d’améliorer La moitié des patients a reçu par voie orale le rimonabant (SR161716A), un anta- l’évolution de la schizophrénie (106). Enfin, 800mg de CBD quotidiennement, pen- goniste CB1, agisse comme antipsycho- les études sur les agonistes des récepteurs dant 4 semaines. L’autre moitié a pris, en tique, en dépit de son absence d’affinité métabotropiques du glutamate (mGLURs) double aveugle, le traitement standard, pour les récepteurs dopaminergiques D2. de type 1 et 5 (mGLU1/5) (3) sont actuelle- l’amisulpride (800mg/jour). Les deux trai- Pourtant, en étude clinique de phase II, le ment en cours. tements conduisaient à une amélioration rimonabant ne s’est pas révélé supérieur clinique certaine, mais le CBD présentait au placebo dans le traitement des symp- L’amélioration de la neurotransmis- moins d’effets secondaires (prise de poids, tômes positifs et négatifs de la schizophré- sion NMDA est considérée comme une hyperprolactinemie, symptômes extrapyra- nie (115). L’échec clinique du rimonabant possible innovation thérapeutique. midaux). De plus, pendant le traitement à ne met pas fin à l’espoir du développe- À ce jour, diverses études dans cette base de CBD, il a été observé une augmen- ment d’une médication antipsychotique voie ont montré une efficacité cer- tation des niveaux d’anandamide dans le agissant sur le système des cannabinoïdes. taine, mais limitée, sur les symptômes sang, l’anandamide étant un des deux prin- Il existe en effet d’autres moyens d’inter- positifs et négatifs, ainsi que dans la cipaux endocannabinoïdes produits par le vention sur ce système, autres que le blo- cognition. corps humain (112). Plus spécifiquement, le cage des récepteurs CB1. Après l’échec CBD a un effet suppressif sur l’enzyme FAAH clinique du rimonabant, la recherche se 3.2. Cible cannabinoïque (hydrolase d’amide d’acide gras) qui est res- tournait vers les inhibiteurs de la recapture 3.2.1. Cannabidiol ponsable de la décomposition et de la des- de l’anandamide, le cannabinoïde endo- truction de l’anandamide (43). Les résultats gène le mieux connu, et de l’arachido- Lorsque le cannabis contient une teneur de cette étude suggèrent donc que la désacti- noylglycérole (2-AG) enzyme. Se servant élevée en CBD, il est associé à des degrés vation de l’inhibition de l’anandamide pour- du modèle animal de la schizophrénie, beaucoup plus faibles de symptômes rait contribuer aux effets antipsychotiques du Matricon et al. (116) ont démontré que la positifs (délires et hallucinations), ce qui CBD, ce qui ouvre de larges perspectives, substance URB597, qui inhibe la dégra- indique un rôle possible antipsychotique surtout en ce qui concerne le traitement de la dation de l’anandamide, atténue le retrait du CBD (19). Cela suggère que les souches schizophrénie (111). Le CBD interagit avec social induit par la phencyclidine. de cannabis contenant du CBD, en plus d’autres récepteurs (le récepteur de séroto- du THC, peuvent avoir un effet protec- nine 5-HT1A et les récepteurs ionotropiques 3.3. Cible sérotoninergique teur contre les symptômes de type psy- activés par des molécules de la famille des 3.3.1. Agonistes inverses* des récepteurs chotique induits par le THC seul. De plus, V – vanilloïdes, TRPV-1) et pourrait de cette 5-HT2A les études montreraient que les effets du façon renforcer potentiellement ses effets CBD limiteraient les effets du THC sur la antipsychotiques (43). La pimavansérine est un agoniste inverse cognition (19). Deux études de Morgan et du récepteur 5-HT2A. Elle est dénuée d’ef- al. ont démontré que les hallucinations et Malgré le fait que le CBD se montre pro- fet dopaminergique, ce qui suggère qu’elle délires étaient moins fréquents chez les uti- metteur comme traitement, ses méca- pourrait ne pas provoquer d’effets indési- lisateurs réguliers de cannabis, par rapport nismes d’action sont loin d’être totalement rables liés à l’antagonisme des récepteurs aux patients avec du THC seul. De plus, clarifiés (113). De plus, l’évidence pour dopaminergiques D2 (3, 117). Lors d’une une difference a été retrouvée pour le fac- l’efficacité du CBD dans la prise en charge étude de phase II, la pimavansérine a été teur anhédonie avec des scores significa- de la schizophrénie reste limitée (114), et testée en combinaison avec d’autres anti‑ tivement (p = 0,035) plus faibles pour le l’élaboration des protocoles d’administra- psychotiques (l’halopéridol et la rispé- groupe THC et CBD par rapport au groupe tion standard est complexe. Une des dif- ridone). La coprescription de la pimavansé- THC seul (107, 108). Cinq études seule- ficultés majeures rencontrées réside dans rine avec ces médicaments réduit les effets ment ont été publiées dans lesquelles des le dosage correct du CBD. La biodispo- secondaires (la prise de poids et l’hyper‑ patients psychotiques ont été traités avec nibilité est très variable d’une personne à prolactinémie de la rispéridone et les le CBD (19). Le premier cas clinique de l’autre. En outre, si on se réfère aux études symptômes extrapyramidaux de l’halopé- schizophrénie traité avec le CBD (jusqu’à menées chez les animaux, le dosage théra- ridol). Elle a permis aux patients sous ris- 1.500mg/jour, pendant 26 jours) a été celui peutique présente une fenêtre très étroite: péridone (mais non sous halopéridol) de d’une jeune femme de 19 ans. Les scores un dosage spécifique cas par cas serait diminuer la dose de cet antipsychotique de la BPRS (Brief Psychiatric Rating Scale) quasi requis. Une perspective pour les (2mg de rispéridone au lieu de 6mg) (118). 11 Suppl. Neurone • Vol 22 • N° 7 • 2017
3.3.2. Agonistes des récepteurs 5-HT2C 5-HT2A que pour les récepteurs dopami- des patients atteints de schizophrénie nergiques D2), un agoniste partiel pre- (143, 144) ont démontré des effets clini- Une activité insuffisante du récepteur séro- synaptique et un antagoniste post-synap- quement et statistiquement significatifs toninergique 5-HT2C pourrait jouer un tique des récepteurs dopaminergiques de l’encénicline sur la cognition globale, rôle dans les troubles psychotiques. De D2 avec une sélectivité mésolimbique et les symptômes négatifs et le fonctionne- plus, l’antagonisme des récepteurs 5-HT2C mésocorticale, et un modulateur gluta- ment global. Les effets secondaires les contribue à la prise de poids fréquemment matergique. Cette approche dopaminer- plus généralement enregistrés étaient des observée avec l’olanzapine et la clozapine gique, sérotoninergique et glutamatergique maux de tête, nausées et nasopharyngites (3, 8, 119). Shen et al., dans une étude de permet d’espérer de bons résultats sur (144). Cette molécule est actuellement en phase II, ont démontré que la vabicasérine les symptômes positifs et négatifs, ainsi phase III (49, 125). Selon une revue récente (200mg/jour), un agoniste des récepteurs que sur les troubles cognitifs. En outre, (3) l’encénicline est le premier candidat- de la sérotonine 5-HT2C, possède des un mécanisme d’inhibition de la recap- médicament pour le traitement des symp- propriétés antipsychotiques et est efficace ture de la sérotonine peut induire un effet tômes cognitifs. Cependant, après la mise pour le traitement des symptômes négatifs antidépresseur. Enfin, cet antipsychotique en évidence des effets secondaires gastro- (120-122). Cependant, la phase II d’une entraîne moins d’effets secondaires méta- intestinaux graves chez des patients atteints autre étude chez des patients atteints de boliques (prise de poids, insuline, glucose, de la maladie d’Alzheimer, le FDA a décidé schizophrénie dans laquelle la vabicasé- triglycérides, cholestérol total, LDL choles- de placer une de ces études en phase III sur rine n’était pas plus efficace que le placebo térol, prolactine) ou extrapyramidaux que «hold» (3). a été suspendue (3). la rispéridone (137-142). 3.4.1.2. 3-(2,4-dimethoxybenzylidene) 3.3.3. Antagonistes des récepteurs 5-HT3 Bien que la lumatépérone a franchi la pre- anabaséine (DMXB-A ou GTS-21) mière des deux étapes de phase III dans le La DMXB-A ou GTS-21 est un dérivé de L’ondansétron et le granisétron sont des cadre du traitement de la schizophrénie, l’anabaséine, une molécule détectée dans antagonistes des récepteurs sérotoniner- Intra-Cellular Therapies a annoncé en sep- la némertine (un ver du Pacifique), déve- giques 5-HT3, utilisés traditionnellement tembre 2016 des résultats décevants pour loppée pour le traitement des troubles de dans le contrôle des nausées et des vomis- cette molécule dans la prise en charge de la la cognition dans la maladie d’Alzheimer sements post-opératoires ou induits par les schizophrénie. Lors de la deuxième étude et la schizophrénie. Bien qu’une étude de chimiothérapies anticancéreuses. Le tro- de phase III (étude 302), évaluant la luma- phase I (145) chez 12 patients atteints de pisétron (ICS 205-930) a une action équi- tépérone pour le traitement des symptômes schizophrénie a montré une action posi- valente mais est également un antagoniste de la schizophrénie aiguë chez l’adulte, le tive de la DMXB-A sur les troubles cogni- des récepteurs nicotiniques α-7 (4, 21, 47, critère d’évaluation primaire (= le score tifs (et ce à la dose de 75mg, le double 123-126). total sur l’échelle d’évaluation des symp- dose de 150mg n’a pas démontré d’effets Diverses études ont démontré qu’en trai- tômes positifs et négatifs ou PANSS) n’a supérieurs), par rapport au placebo, dans tement adjuvant, le tropisétron et l’ondan- pas été atteint. Cependant, le taux de une étude clinique plus large (n = 31) et sétron peuvent améliorer les altérations du réponse au placebo dans cette étude était plus longue (4 semaines) de phase II (146), filtrage sensoriel auditif P50 et (certains) plus élevé, en comparaison avec les autres les tests sur la cognition n’ont pas démon- déficits neurocognitifs (123, 127-136) chez études de phase II et III. Dans la première tré d’effets significatifs de la drogue aux les patients atteints de schizophrénie. Le étude de phase III (Study 301, 6 semaines, 2 dosages, par rapport au placebo (28). granisétron possède une durée d’action plus n = 696), la lumatépérone 60mg/jour s’avé- Une réanalyse de ces résultats (pour cor- longue, ainsi qu’un profil d’effets secon- rait plus efficace que le placebo sur les riger les effets d’apprentissage) révélait que daires plus favorable que les autres anta- symptômes positifs, négatifs et dépressifs la molécule possède un effet significatif gonistes des récepteurs sérotoninergiques et plus efficace sur les symptômes négatifs dans certains domaines seulement (atten- 5-HT3. En association avec la rispéridone, par rapport à la rispéridone 4mg/jour. La tion, vigilance et mémorisation de travaux) le granisétron semble être efficace pour tolérance du traitement aux deux doses (60 (49). Cependant, les résultats de la SANS réduire des symptômes négatifs chez des et 120mg/jour) était bonne, avec notam- (Assessment of Negative Symptoms) ont patients atteints de schizophrénie stables, ment des effets indésirables comparables montré des effets significatifs sur les symp- par rapport au placebo (136). Cependant, au placebo à la dose de 60mg/jour (mais tômes négatifs. Tregellas et al. ont constaté comme déjà mentionné ci-dessus, l’anta- avec plus de somnolence en comparaison que la DMXB-A (75 et 150mg b.i.d.) peut gonisme spécifique des récepteurs séroto- avec la dose de 120mg/jour). Une autre modifier l’activité du réseau cérébral du ninergiques ne semble pas suffisant pour étude en phase III serait en cours pour les mode par défaut (un ensemble de régions entraîner un effet antipsychotique. symptômes négatifs. cérébrales interconnectées, comprenant le lobe temporal médial, le lobe préfrontal 3.3.4. Inhibiteurs de la recapture de 3.4. Cible acétylcholinergique médial, le cortex cingulaire postérieur, le la sérotonine + antagonistes des 3.4.1. Agonistes nicotiniques cunéus/précunéus, et le lobe pariétal infé- récepteurs D2 et des récepteurs rieur) chez les patients atteints de schizo- 5-HT2A 3.4.1.1. E ncénicline (EVP-6124 phrénie (147). D’autres études sont encore ou MT-4666) en cours (125). La lumatépérone (ITI-007, ITI-722) pré- L’encénicline (EVP-6124 ou MT-4666) est sente un profil pharmacologique particulier un agoniste sélectif du récepteur nicoti- 3.4.1.3. Bradanicline (TC-5619) et différent de tous les autres antipsycho- nique à l’acétylcholine α-7, en dévelop- La bradanicline (TC-5619) est un agoniste tiques disponibles. Cette molécule est un pement pour augmenter la transmission avec une haute affinité pour le récepteur antagoniste puissant des récepteurs séroto- cholinergique et améliorer les fonctions α-7. Lieberman et al., dans une étude ran- ninergiques 5-HT2A (elle possède une affi- cognitives (3). Diverses études en phase domisée de phase II de 12 semaines chez nité 60 fois plus grande pour les récepteurs I et II chez des patients sains (143) et des patients atteints de schizophrénie, ont 12 Suppl. Neurone • Vol 22 • N° 7 • 2017
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