Quel avenir pour la filière huile d'olive fraichement introduite dans une zone steppique ? Cas de la région de M'Sila
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Quel avenir pour la filière huile d’olive
fraichement introduite dans une zone steppique ?
Cas de la région de M’Sila
Houria Hadjloune*, Omar Kihal*, Ahcène Kaci*,
Fathi Abdellatif Belhouadjeb**
DOI: 10.30682/nm2102i
JEL codes: Q01, Q13, Q56, R11, P48
Abstract
In the region of M’Sila, a steppe zone and characteristic of a dominant agro-pastoral framework, the local
olive sector has certainly grown in terms of area expansion, but the information available indicates that its
future in terms of performance is dependent on a series of internal and external factors. The aim of this ar-
ticle is to highlight the main explanatory variables by analyzing the strengths and weaknesses of the sector,
the opportunities and threats linked to its environment. Two methods are used: the first, SWOT, constitutes a
structured diagnostic framework and a universal decision-support tool. The second, the causality analysis,
according to the Parmenides EIDOS tool, makes it possible to obtain a hierarchy of relations in the sector
based on the opinions of the intervening actors. The data used come from the bibliographic summary of a
series of studies and the results of a survey carried out in 2017 in the field. The results obtained show that the
internal factors are linked to the characteristics of the farms, to the production systems, and to the surround-
ing conditions of the value chain. External factors are linked to the dynamics of national and global markets.
Keywords: Supply chain, Olive oil, SWOT, Cause-Effect, Factors, M’Sila, Algeria.
1. Introduction sin méditerranéen (Breton et al., 2009 ; Esteves
da Silva, 2010). La culture de l’olivier était (et
L’économie oléicole mondiale vit une globali-
reste) une caractéristique clé de la polyculture
sation de la demande. L’offre de son côté évolue méditerranéenne (Wiesman, 2009), car c’est une
sur la base de nouveaux modèles de production culture bien adaptée aux conditions environne-
agricole (Barjol, 2014). L’olivier est classé 24ème mentales qui prévalent dans cette région (Torres
parmi les 35 espèces les plus cultivées au monde et al., 2017). Plus de 750 millions d’oliviers
(Breton et al., 2006). De manière générale, les sont cultivés dans le monde, dont 95% dans la
oliviers sont actuellement cultivés commercia- région méditerranéenne (Muzzalupo et Micali,
lement dans environ 30 pays situés principale- 2015). L’Algérie a une riche histoire de l’oléi-
ment entre 30° et 45° de latitudes nord et sud culture. De plus, l’agriculture traditionnelle est
(Aybar et al., 2015). C’est un fruit proéminent en grande partie liée à la gestion des oliviers
et économiquement le plus important du bas- (Dominguez-Garcia et al., 2012).
* École Nationale Supérieure Agronomique (ENSA), Alger, Algérie.
* Centre de Recherche en Agropastoralisme (CRAPAST), Djelfa, Algérie.
Corresponding author: hadjloune.houria@gmail.com
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 125 23/06/21 14:191 FIG 1 pag 126 NEW MEDIT N. 2/2021
2
3
Figure 1 - Carte de
l’extension de l’olivier
en Algérie.
Source : à partir des
données de l’ITAFV,
4 2008.
5
6
7 L’oliveraie
FIG 4 pag 133algérienne enregistre une capacité la création de nouvelles plantations à différentes
de 56314777 oliviers, occupant une superficie densités en fonction des conditions agro-cli-
de 406571 Ha, soit 43.7% de la superficie arbo- matiques (acquisition de plants d’oliviers à des
ricole totale et 4.8% de la SAU (MADR, 2015). prix subventionnés) et l’approvisionnement en
Selon les statistiques du COI, la production équipements d’irrigation (goute à goute, en ré-
d’huile d’olive en Algérie est passée de 6000 seau…) (Mendil,
Vente au niveau de la 2009), une progression remar-
T en 1990 à 82500 T en 2017. Toutefois, cette quable de la culture de l’olivier dans la wilaya a
zone de production
Intermédiaire 52%
filière montre
(huilerie)
des signes de crise, avec une dua-
Vente directe
82%
été observée.
lité entre un18%système traditionnel peu compétitif L’analyse des données allant de 2009 à 2017
Livraison de la
en raison des conditions géomorphologiques et fournies
productionpar la Direction des Services Agricole
au clients
institutionnelles et un système moderne desti- (DSA) 30% montre une évolution notable de cette
né principalement à la production de l’olive de culture qui couvre 10357 Ha, soit 46.8% de la
table (Hadjou et al., 2013). superficie arboricole de la wilaya (DSA, 2017).
Néanmoins, l’olivier a su balayer de nouvelles Par contre, la production annuelle reste assez
8
9
régions différentes de l’environnement d’ori- faible le long de cette période (on enregistre une
gine (Doveri et Baldoni, 2007 ; Rodrigues et al., production de 61000 Qx en 2014 avec un ren-
2015). Afin de lutter contre la désertification et dement de 6.7 Kg/arbre) par rapport à d’autres
développer le secteur agricole, l’Etat algérien a régions dans le même environnement et ayant
adopté un ensemble de politiques comprenant bénéficié du même programme d’extension de
l’introduction de la culture de l’olivier comme la filière telles que Batna (287175 Qx), Biskra
nouvelle culture dans de nombreuses régions (101550 Qx) et Djelfa (118690 Qx) avec des
steppiques, depuis les années 1990 (Figure 1). rendements respectifs nettement supérieurs de
La région de M’Sila, dans ses limites ac- 28.2 Kg/arbre, 16.9 Kg/arbre et 11.6 Kg/arbre
tuelles, occupe une position privilégiée dans la (MADR, 2015).
partie centrale de l’Algérie du nord. Elle fait par- L’objectif principal de cet article est de don-
tie de la région des Hauts Plateaux du Centre, ner l’aperçu réel et les perspectives de déve-
caractérisée par un cadre agropastoral dominant loppement de cette nouvelle culture récemment
(62% de la SAT). Grâce aux efforts consentis adoptée dans la région de M’Sila, d’identifier
dans le cadre du programme national oléicole, les caractéristiques structurelles des exploita-
initié à partir de l’année 2000, qui consiste en tions oléicoles sélectionnées et leurs conditions
126
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 126 23/06/21 14:19NEW MEDIT N. 2/2021
de production, de transformation et de distri- rentreprises et dans lesquelles la hiérarchisa-
bution. Plusieurs facteurs intervenant dans la tion des activités, les systèmes de décision, les
chaîne de valeur (CDV) ont été analysés afin rapports de pouvoir et les relations au territoire
d’identifier les plus influents et essayer d’ex- ont profondément évolué (Palpacuer et Balas,
pliquer les faibles performances enregistrées à 2010). Dans ce sens, l’analyse CGV présente
différents maillons. une lecture multidisciplinaire de l’organisation
des activités et des rapports entre les acteurs.
Elle relève clairement d’un cadre d’analyse
2. Cadre conceptuel d’analyse
des filières, combinant des lectures de stratégie
Le débat actuel est centré sur la question de internationale et d’économie institutionnelle,
savoir comment mieux créer et distribuer de la enrichi des apports de la sociologie des organi-
valeur ajoutée provenant des activités agricoles sations (Temple et al., 2011).
et économiques et comment le faire dans le La méthodologie de construction analytique
contexte des pays en voie de développement. des CGV consiste à retracer les flux maté-
Apporter une réponse nécessitera d’analyser la riels de transformation des matières premières
CDV et d’examiner l’ensemble des facteurs in- jusqu’à la commercialisation du produit, de fa-
tervenants le long de la filière. Ce travail, sur çon à caractériser la séquence input-output tout
le plan théorique, emprunte le cadre d’analyse en identifiant les arrangements organisationnels
des filières. en matière de spécialisation et de coordination
inter firme, la géographie des chaînes et leur
encastrement socio-institutionnel (Palpacuer et
2.1. Filière comme cadre d’analyse
Balas, 2010).
Selon Duteurtre et al. (2000), la filière est « un
système d’agents qui concourent à produire,
3. Matériels et méthodes
transformer, distribuer et consommer un pro-
duit ou un type de produit ». Elle est mobilisée
3.1. Localisation et description de la zone
pour analyser la forte croissance des marchés
d’étude
alimentaires urbains et les modalités d’insertion
des agricultures vivrières dans l’économie mar- M’Sila est une région steppique située à 250
chande et l’articulation d’espaces hétérogènes Km au sud-est d’Alger. Elle s’étale sur une su-
(Lançon, 1989). perficie de 18175 Km². Du point de vue de la
L’analyse de filière contemporaine, enrichie répartition des terres, on distingue la zone dite
des approches en termes de chaîne globale de « steppe » (végétation clairsemée), la zone dite
valeur (CGV) et de supply chain, offre une vi- « plaines du Hodna » (réservée à la céréalicul-
sion actualisée de nombreux questionnements ture, aux cultures maraichères et aux cultures
que suscitent la transformation des agricultures arboricoles) et la zone de montagne réservée à
mondiales (Temple et al., 2011). la céréaliculture extensive et aux massifs fores-
Dans une filière, les CDV de chacun des ac- tiers, avec des proportions respectives de 56%
teurs, fournisseurs, fabricants, distributeurs, etc., et 7% de la superficie totale (Sebhi, 1987). Elle
se coordonnent et s’imbriquent pour aboutir à un appartient aux étages bioclimatiques s’étalant
bien ou un service. du semi-aride inferieur frais au semi-aride su-
périeur frais. La pluviométrie moyenne annuelle
est faible (entre 100 et 200 mm/an) et les pluies
2.2. La chaîne de valeur, pour appréhender
se caractérisent par leur brutalité (averses) et
la filière oléicole à l’échelle empirique
leurs aspects orageux. Les températures sont
L’approche CGV se veut un outil d’analyse extrêmes. D’après Khelil (1997), le régime
contextualisée de chaînes de valeur désormais thermique de la steppe est de type continental
transnationales, organisées dans des enchevê- et l’amplitude thermique annuelle est générale-
trements complexes de réseaux intra et inte- ment supérieure à 20 °C.
127
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 127 23/06/21 14:19NEW MEDIT N. 2/2021
L’étude a été conduite en 2017 dans des com-
Tableaux et11
figures.
communes choisies, 104 exploitations oléi-
munes ciblées de la wilaya de M’Sila. Le choix coles (EO) et 10 huileries (H) ont été question-
1 de l’étude de la filière oléicole dans cette ré- nées : Ain Khadra (10EO), Belaiba (10EO ; 2H),
gion s’explique par l’intérêt qu’a connu cette Djebel Messad (11EO ; 1H), Hammam Dalaa
filière, ces dernières années, grâce aux efforts du (10EO ; 1H), Khoubana (10EO), Magra (10EO ;
MADR pour le soutien et le développement de 5H), M’Tarfa (10EO), M’Cif (11EO), Ouled
cette culture dans les régions steppiques, mais Sidi Brahim (2EO ; 1H), Ouled Derradj (10EO),
aussi par le classement de la wilaya en troisième Ounougha (10EO). La méthode d’échantillon-
position selon la production au niveau national nage choisie est basée sur une sélection raison-
(MADR, 2017). Depuis les premières planta- née prenant les exploitations ayant une superfi-
tions oléicoles apparues en 1992, sous forme de cie supérieure ou égale à 3 Ha. En effet, le choix
brise vent, la wilaya de M’Sila a enregistré une de ces communes et de ces exploitations renvoie
extension considérable des superficies oléicoles à quelques objectifs, à savoir :
au détriment des cultures à noyaux et à pépins -- une taille de référence pour une masse infor-
surtout (Figure 2), passant de 4500 Ha en 2009 à mationnelle importante ;
10357 Ha en 2017 (soit deux fois plus en moins -- une bonne identification des pratiques cul-
de huit ans) (DSA, 2017). turales et des systèmes de cultures.
Pour le recueil des données, nous avons réalisé
une enquête menée face à face auprès des oléi-
3.2. Choix des communes et collecte des
culteurs, des oléifacteurs, mais aussi des diffé-
données
rents intervenants dans la filière (agents de vul-
Sur les 47 communes de la wilaya, on a sélec- garisation, MADR, DSA, CWA, ITAFV…) de la
tionné 11 communes. Le choix de ces communes région. Le but de ces entretiens était de connaître
reposes sur les rendements importants enregis- la nature de l’intervention de ces acteurs dans les
trés (rendements ≥ 12Qx/Ha) et la superficie dispositifs de financement, d’accompagnement,
oléicole occupée (superficie ≥ 2000 Ha). Sur les de conseil, de formation et d’accès à l’informa-
2 Source : à partir des données de l’ITAFV,2008.
3 Figure 2 - Evolutions des superficies agricoles, M’Sila (oliviers et cultures fruitière à noyaux et à pépins) (2009-
4 2017) en hectares.
14000
12750 12800
12160 12210 12270
12000 11450 11443
11048
10000
8000
6000
10244 10315 10357
4000 7893
6758 7323
5558
2000 4500
0
2009/2010 2010/2011 2011/2012 2012/2013 2013/2014 2014/2015 2015/2016 2016/2017
Oliviers Cultures fruitières à noyaux et à pépins
5
Source : Réalisé à partir des données de la DSA, 2017.
128
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 128 23/06/21 14:19NEW MEDIT N. 2/2021
Tableau 1 - Les indicateurs utilisés pour analyser les segments de la filière huile d’olive de M’Sila.
Maillons Transformation
Production Organisation Commercialisation
de la filière et conditionnement
-- Taille des -- Types d’huileries -- Degré -- Type de circuits de
exploitations choisies d’implication des commercialisation
-- Niveau de production -- Degré du respect des acteurs au niveau -- Prix de vente
-- Age des plantations bonnes pratiques de la filière -- Les différents
-- Itinéraire technique d’hygiène -- Niveau moyens de
adopté -- Rendement en huile d’instruction des promotion pour la
-- Quantité et qualité après trituration exploitants vente des produits
des productions et -- Capacités de -- Degré de -- Autres problèmes
approvisionnement trituration par jour satisfaction au niveau de la
Indicateurs en engrais et produits -- Types de vis-à-vis de la commercialisation
de traitement conditionnement vulgarisation
-- Variétés d’olive et conditions de -- Intérêt porté de
plantées stockage l’Etat envers la
-- Type et effectif de -- Durée de stockage filière
la main-d’œuvre avant et après -- Type et effectif de
employées trituration la main-d’œuvre
-- Date et mode de -- Coût de trituration
récolte
Source : Réalisé par les auteurs.
tion, nécessaires au développement de la filière Après caractérisation de l’échantillon d’étude,
locale, à l’aide d’un questionnaire renfermant une analyse qualitative est réalisée, basée sur le
une liste préliminaire des forces, faiblesses, recueil de données secondaires et une analyse des
opportunités et menaces que nous avons identi- efforts institutionnels en matière de soutien et d’en-
fiées en vue de les compléter et de les classer par cadrement de la filière. Ces deux éléments sont, par
ordre d’importance et autour de cinq axes d’in- ailleurs, accompagnés d’une analyse SWOT de la
vestigation (Tableau 1) : filière huile d’olive (M’Sila). Il convient de rappe-
-- caractéristiques structurelles de l’exploitation ; ler que la matrice SWOT a été mise au point durant
-- identification des pratiques culturales, organi- les années 1960 (Schendel, 1994) et elle a dominé
sationnelles et comportementales ; l’analyse des processus stratégiques des organisa-
-- nature et caractéristiques de la relation amont tions dans les années 1970 (Perrotton, 2002). Elle
et aval de cette structure ; est encore d’actualité, de nos jours. Elle permet de
-- perception de certaines composantes et des collecter, d’organiser, d’évaluer et de synthétiser
particularités de la filière ; un large nombre d’informations concernant une
-- perception de l’intervention étatique et de sa organisation (diagnostic interne) et son environne-
pertinence. ment (diagnostic externe) afin d’identifier les prin-
cipales forces, faiblesses, opportunités et menaces
et d’assurer l’adéquation entre la capacité straté-
3.3. Analyse des données
gique de cette organisation (ce qu’elle sait faire) et
Une fois l’enquête achevée, les données les facteurs clés de succès de son environnement
collectées ont été regroupées en classes ou en (ce qu’il faut faire) (Johnson et al., 2002).
typologie pour déterminer les caractéristiques Plusieurs auteurs, en raison de sa pertinence,
générales des exploitations oléicoles. Gibon ont opté pour cette approche (Elfkih et al.,
(1994) précise qu’élaborer une typologie, c’est 2013 ; Karray et Kanoun, 2013 ; Kaci, 2015) :
organiser la lecture de la diversité des exploi- lorsqu’elle est correctement employée, elle peut
tations en quelques grands types considérés fournir une base solide pour la formulation d’une
comme homogènes. stratégie adéquate (Chang et Huang, 2006).
129
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 129 23/06/21 14:19NEW MEDIT N. 2/2021
Tableau 2 - Matrice SWOT de la filière huile d’olive de M’Sila.
Forces Faiblesses
1. Existence de zones potentielles productrices 7. Utilisation des intrants (mise à disposition des
d’huile d’olive intrants en quantité, qualité et délai, coûts)
2. Présence d’agriculteurs leaders (certains 8. Faible technicité due au manque de savoir-faire local
producteurs atteignent des niveaux élevés 9. Insuffisance et inadaptation des ressources
de rendements et de qualité) matérielles et humaines
3. Diversité du patrimoine oléicole à M’Sila 10. Méthode de stockage inappropriée (technique de
4. Projets de développement de la filière dans stockage inadaptée et non-respect des délais)
la région (filière soutenue et encouragée par 11. Gestion des exploitations (absence d’un système
l’Etat) de management, d’un cahier de charges et de
5. Densité de plantation est grandissante comptabilité)
(production en mode intensif en extension) 12. Faible voir absence de la participation des acteurs
6. Dominance des moyennes et grandes locaux à la prise de décision des projets de
exploitations avec des superficies développement de la filière
importantes 13. Inexistence de structure formelle pour la
commercialisation de produits oléicoles au niveau local
14. Faibles efforts de préservation de la qualité et de
valorisation du produit
Opportunités Menaces
15. Importance des espaces de production et 21. Aléas climatiques défavorables (variabilité des
possibilités d’extension précipitations et phénomènes extrêmes)
16. Possibilité d’intégration aux marchés 22. L’émergence de nouveaux pays producteurs
locaux et nationaux d’huile d’olive conduisant à l’accroissement de la
17. Marché porteur (créneau intéressant pour concurrence
l’investissement) 23. L’exode rural influençant la disponibilité de la main-
18. L’accroissement de la demande d’œuvre et l’augmentation de son coût
d’importation d’huile d’olive au niveau des 24. Attaques d’insectes (détérioration des oliviers,
marchés émergents arrachage des arbres)
19. Filière oléicole génératrice de richesse et 25. Manque d’unités de transformation dans la région
d’emploi (réduction des capacités de trituration, coût de
20. Collaboration et attractivité d’investissements transport élevé)
étrangers (partenariat avec des exploitants 26. Taille des exploitations oléicoles (morcellement des
étrangers, savoir-faire, technologie) espaces de production).
Source : Réalisé à partir des résultats des enquêtes, 2017.
Pour hiérarchiser les relations de la filière à à étudier l’intensité de l’influence de chaque
partir des résultats de l’enquête, une analyse se- variable avec tous les autres facteurs (va-
lon l’outil « Parmenides EIDOS » a été réalisée. riables) et leur accorder une pondération de
C’est une approche logicielle innovante pour 1 à 5 (1 influence faible, 5 influence forte)
une prise de décision complexe, un raisonne- selon les différents acteurs de la filière ;
ment stratégique et une résolution de problèmes c) grâce au logiciel Excel (tableau croisé dy-
en quatre étapes : namique), un graphe représentatif des dif-
a) une liste de facteurs (6 forces, opportuni- férentes variables influençant la filière est
tés, menaces et 8 faiblesses) est arrêtée à tracé.
partir des réponses des différents acteurs A partir de ce graphe, on déduit les facteurs les
de la filière (oléiculteurs, oléifacteurs et plus influents (les facteurs les plus déterminants
représentants de l’administration et de qui influencent la filière oléicole de M’Sila) sont
conseil) (Tableau 2) ; identifiés : ils ont tendance à s’orienter vers la
b) on entame l’analyse cause-effet : qui consiste partie supérieure gauche.
130
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 130 23/06/21 14:19NEW MEDIT N. 2/2021
4. Résultats et discussion dont la majorité sont des chefs de famille et de
niveau d’instruction ne dépassant pas le secon-
4.1. Identification des exploitations
daire (88% EO).
oléicoles et unités de trituration enquêtées
Les exploitations interrogées sont de taille
L’oléiculture se développe dans des régions moyenne ne dépassant pas les 10 Ha avec un
rurales, puisque 80% des exploitations sont si- aspect morcelé et familial. Le reste des exploi-
tuées dans des régions dépourvues de nécessités tations varient entre 10 Ha jusqu’à 30 Ha et plus
fondamentales de la vie (centre médical, route, (Figure 3). Les densités de plantation varient
Tableaux etentre
piste agricole, poste, moyens de transport… 40 et 500 plants/Ha avec une irrégularité et
figures.
etc.). Elles sont toutes conduites par des hommes non-respect des systèmes de production arrêtés
Répartition des exploitations selon l'âgeTableaux et figures.
Figure 3 - Caractéristiques
desdes 104(ans)
oliviers exploitations
Tableaux oléicoles enquêtées (Superficie oléicole, composition variétale,
et figures.
âge des oliviers). CHEMLAL - Les 4 variétés
SIGOISE - TEFAH 7%
Répartition des exploitations selon l'âge 3%
Répartition des43
exploitations selon(ans)
des oliviers l'âge
41 des oliviers (ans) CHEMLAL - Les 4 variétés
CHEMLALSIGOISE
- - TEFAH
Les 4 variétés 7%
SIGOISE - TEFAH 3% 7%
43 3%
4143 SiGOISE
41 8% CHEMLAL
30%
SiGOISE
SiGOISE 8% CHEMLAL
8%
CHEMLAL - CHEMLAL 30%
SIGOISE - FERKANI 30%
17
19%CHEMLAL -
17 CHEMLALSIGOISE
- - FERKANI
17 SIGOISE - FERKANI 19%
19%
3 CHEMLAL -
SIGOISE
3 CHEMLAL
33% -
3 CHEMLAL - SIGOISE
[3 - 10] [10 - 17] [17 - 24] [24 - 31] SIGOISE 33%
6 33%
[3 - 10] [10 - 17] [17 - 24] [24 - 31]
7 6[3 - 10] [10 - 17] [17 - 24] [24 - 31]
86 7
7 8
8 Répartition des exploitations selon la superficie oléicole (hectares)
Répartition des exploitations selon la superficie oléicole (hectares)
50 Répartition 47
des exploitations selon la superficie oléicole (hectares)
50 47
50
45 47
45
45
40
40
40
35 35
35
30 30
30
25 25 22 22
25 22
20 20
20 16 16
15 16
15
15
10 8 8
10 8 8 8 8
10
5 3
55 3 3
0
0
[1 - 5] [5 - 10] [10 - 15] [15 - 20] [20 - 25] [25 - 30]
9 [1 [1
- 5]- 5] [5 - [5
10]- 10] [10 - [10
15] - 15][15 - 20] [20 - 25][20 - 25]
[15 - 20] [25 - 30] [25 - 30]
99 10 Source: à partir des résultats de l’enquête auprès des oléiculteurs, 2017.
10
10 Source: à partir des résultats de l’enquête auprès des oléiculteurs, 2017.
Source: à partir des résultats de l’enquête Source:
auprèsàdes
partir des résultats 2017.
oléiculteurs, de l’enquête auprès des oléiculteurs, 2017.
131
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 131 23/06/21 14:19NEW MEDIT N. 2/2021
par l’ITAFV concernant la densité de plantation gaulage) soit par le biais d’une main-d’œuvre
des vergers en intensif (soit 400 plants/Ha) et en familiale (55EO favorisent la main-d’œuvre fa-
semi-intensif (soit 204 plants/Ha) (selon le ca- miliale) soit par le biais de salariés saisonniers
hier des prescriptions de l’ITAFV). (61EO se voient obligés d’embaucher des sala-
81% des plantations ont un âge qui ne dépasse riés lors de la saison de ramassage des olives).
pas les 17 ans, divisé entre les nouvelles plan- Le gaulage provoque des lésions au niveau des
tations dans le cadre de la stratégie d’intensifi- fruits facilitant ainsi la pénétration des microor-
cation des plantations oléicoles dans les régions ganismes et par conséquent, la dégradation de la
semi-arides et le rajeunissement pratiqué par qualité de l’huile, sans compter son effet négatif
quelques agriculteurs. Le reste (19%) sont des sur l’alternance de la production.
plantations qui remontent au début de l’appari- Les capacités de trituration des 10 huileries (6
tion de l’olivier à M’Sila, sous forme de brise automatiques, 3 traditionnelles et 1 semi-automa-
vent en 1990 (Figure 3). Le verger oléicole de tique) sont plutôt limitées, le potentiel maximum
M’Sila est plutôt jeune, ce qui pourrait justifier qu’une huilerie peut atteindre est de 100 Qx/j (Ta-
la faiblesse des rendements des exploitations (en bleau 3). Par conséquent, la majorité des oléicul-
moyenne 9.8 Qx/Ha). teurs sont obligés de se déplacer hors wilaya pour
La structure variétale montre la prédominance triturer leurs olives plus rapidement (75% EO), ce
de trois variétés : la variété Chemlal, Sigoise et qui engendre un coût supplémentaire à la tritura-
Ferkani (plus de 82% de l’échantillon). Trois va- tion des olives (coût de transport élevé).
riétés dont les caractéristiques sont différentes et Les unités ont surtout des difficultés en ma-
spécifiques à chacune d’elle (Figure 3). La plu- tière de personnel et de compétences techniques.
part des agriculteurs optent pour un verger com- Ainsi, pour les 10 huileries interrogées, on a
biné entre 2 voire 3 variétés, pour des raisons de constaté les problèmes ci-dessous :
disponibilité des variétés fournies et exigées par -- certains matériaux de transport (sacs en jute)
les autorités locales (les plants d’olivier sont four- sont de qualité non alimentaire, absence de
nis par le conservatoire de forêts ou l’ITAFV). vérification de la propreté du véhicule de
L’analyse de l’itinéraire technique de la transport ;
conduite culturale de l’olivier permet de consta- -- absence d’équipement de mesure de l’acid-
ter que la moitié des exploitations interrogées ité (acidimètre) pour la classification qual-
taille l’olivier une fois par an (50%), l’autre itative de la production oléicole et de ther-
moitié varie entre une taille tous les deux ans momètre pour la mesure de la température
(33%) et une tous les trois ans (13%). Le reste de de malaxage ;
l’échantillon ne taille même pas les arbres (5%). -- manque de main-d’œuvre stable et qualifiée,
On constate également que 45% des exploitants absence de sensibilisation à l’hygiène, d’un
n’utilisent pas d’engrais et le reste l’utilise mais programme annuel de formation (8 H sur 10
avec des quantités inadaptées. Ces observations n’embauchent pas plus de 3 employés) ;
montrent un manque de savoir-faire et de maî- -- absence d’un programme formalisé de net-
trise du processus technique. toyage-désinfection (6 H sur 10 effectuent un
La cueillette des olives est majoritairement nettoyage une fois par semaine au hasard) ;
destinée à la production de l’huile d’olive et -- la durée de stockage des olives peut dé-
toujours réalisée de manière traditionnelle (le passer les 7 jours pour quelques EO, surtout
Tableau 3 - Les capacités de trituration au niveau des communes étudiées.
Capacité de trituration 40 Qx/j 60 Qx/j 80 Qx/j 100 Qx/j
Nombre d’huilerie 2 1 2 5
Source : Réalisé à partir des résultats des enquêtes, 2017.
132
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 132 23/06/21 14:194
5
6
NEW MEDIT N. 2/2021
7 FIG 4 pag 133
Figure 4 - Les choix des exploitants pour l’écoulement de la production.
Vente au niveau de la
zone de production
Intermédiaire Vente directe 52%
(huilerie) 82%
18%
Livraison de la
production au clients
30%
Source: à partir des résultats de l’enquête auprès des oléiculteurs, 2017.
8
9
lorsqu’il s’agit de la prestation de service de Un autre problème ressort des enquêtes en ma-
trituration, à un prix variant de 600 à 1200 tière de commercialisation de l’huile d’olive est
DZ/Qx d’olives triturées ; l’invendus des produits qui obligent une minori-
-- les rendements en huile déclarés varient de 6 té (10% EO) à stocker l’huile produite jusqu’à la
à 26 L/Qx selon les régions ; compagne prochaine.
-- les initiatives de valorisation des sous-pro-
duits (margarines et grignons) et/ou de lim- 4.2. Analyse SWOT
itation des rejets polluants sont à l’état em-
Une liste préliminaire des forces, faiblesses,
bryonnaire à M’Sila, cette mesure n’est pas
opportunités et menaces est complétée à partir
généralisée voire très faible ;
des avis des acteurs de la filière au niveau de
-- le conditionnement de l’huile varie d’une
chaque maillon et de nos propres constatations
exploitation à une autre : 90% EO enquêtées
(Tableau 2).
ont mentionné que la production oléicole est
conditionnée en bidons en plastique et bou- Les forces
teilles en verre, et/ou vendue en vrac (10%). • Existence de zones potentielles productrices
La mise en bouteille est destinée aux huiles d’huile d’olive (H. Dalaa, M’Cif, Magra, et
vendues dans les foires et les salons, ainsi Khoubana). L’importance de l’oléiculture
qu’aux huiles labellisées. en tant que composante principale des ex-
La commercialisation constitue le maillon le ploitations étudiées est grandissante, on en-
moins développé pour l’ensemble de la filière. registre des superficies oléicoles respectives
Le marché informel actuel écoule la production de 1487, 686, 589 et 448 Ha.
locale et nationale sans qu’il soit nécessaire de • Présence d’agriculteurs leaders. Depuis l’ap-
construire de cahiers de charges. Les oléicul- parition de l’olivier au niveau de la wilaya de
teurs vendent leurs productions principalement M’Sila, le nombre d’oléiculteurs a augmenté
triturées soit à des propriétaires d’huileries (plus de 2124 oléiculteurs). Pour la plupart,
(comme intermédiaire) qui approvisionnent les l’olivier constitue la seule source de revenu,
commerçants de détail ou les grossistes et semi d’où son importance. 51 agriculteurs ont af-
grossistes, soit directement à des consomma- firmé avoir choisi l’olivier pour des raisons
teurs grâces aux réseaux relationnels du chef personnelles (rentabilité, processus technique
d’exploitation (Figure 4). facile… etc.).
133
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 133 23/06/21 14:19NEW MEDIT N. 2/2021
• Diversité du patrimoine oléicole à M’Sila. des produits (54%), le non-respect du délai
Elle offre des possibilités d’amélioration de de livraison des produits (livrés trop tard pour
la productivité des plantations et de la qual- être utilisés) et la cherté des produits (l’en-
ité de l’huile d’olive. La structure variétale grais est payé à 8000 DZ/Qx). Cette situation
montre la prédominance de trois variétés influence de manière négative la qualité et
locales (Figure 3). On compte également les rendements de la production oléicole et la
une variété importée (Picual, dans le cadre bonne santé des oliviers.
du projet de collaboration entre le groupe • Faible technicité due au manque de for-
espagnol GVAPRO et une filiale locale al- mation-vulgarisation locale. L’analyse de
gérienne AGRAL/AM du groupe Closier). l’itinéraire technique (plantation-taille-cue-
• Existence de projets de développement illette-trituration) permet de constater que
de la filière dans la région de M’Sila. De les choix des agriculteurs sont surtout dus au
nouvelles plantations ont été introduite à manque de moyens et de vulgarisation. Plus de
M’Sila dans le cadre des différents plans 78% des exploitants affirment n’avoir jamais
de développement de la filière oléicole à eu contact avec un agent de vulgarisation.
l’échelle national (FNDA, PNDAR, PNDA • Insuffisance et inadaptation des ressources
et le renouveau agricole) et local (les matérielles et humaines. Malgré les tenta-
programmes à initiative locale PIL). Par tives menées par le MADR pour organiser la
conséquent, le verger de M’Sila est plutôt filière, les résultats sont très insuffisants. La
jeune et du coup constitue un potentiel de production a augmenté légèrement, mais de-
production futur éminent (Figure 3). meure fluctuante. En plus, l’accès aux crédits
• Densité de plantation grandissante. est difficile, notamment, pour le cas des
L’amélioration des prix de vente de l’hu- producteurs d’olives à huile. La main-d’œu-
ile d’olive au cours des dernières années a vre, de son côté, est rare, sous-qualifiée et
renforcé la rentabilité de cette culture et a chère (60% EO). Il est à souligner que cette
encouragé certains agriculteurs à l’intégrer main-d’œuvre est issue des populations des
au système de cultures. Ce qui offre la pos- zones rurales marginalisées.
sibilité de promotion de l’olivier à haute • Méthode de stockage inappropriée. Faute de
densité dans cette région. moyens, la majeure partie des exploitants est
• Dominance des moyennes et grandes ex- forcée de stocker son produit (olives et huiles)
ploitations avec des superficies impor- de façon à détériorer la qualité de ces derniers.
tantes (Figure 3). Les programmes d’inten- La durée de stockage des olives peut dépasser
sification de l’oléiculture dans la région de les 7 jours pour beaucoup d’oléiculteurs (58%
M’Sila ont permis d’étendre les superficies EO). Pour la prestation de service de tritura-
oléicoles à grande échelle. En comparaison tion, le désir exprimé par la majorité d’oléifac-
à d’autres régions (la Kabylie, par exemple) teurs est de rentabiliser, dans l’immédiat, en
qui sont caractérisées par des exploitations exploitant, au maximum, le matériel de tritura-
de petites tailles, on constate un avantage tion, tout en accordant plus d’importance aux
non négligeable que la région de M’Sila quantités d’olives triturées qu’à la qualité de
pourrait mieux exploiter. l’huile produite. Un tel comportement limite
considérablement les possibilités d’améliora-
Les faiblesses tion de la qualité des huiles.
• Utilisation des intrants très restreinte au • Gestion des exploitations. Les exploitations
niveau des exploitations interrogées (engrais, demeurent, même s’ils gardent un certain
produits de traitements, pesticides…). On niveau de fonctionnalité, dépendantes d’ap-
compte 45% EO qui n’utilisent ni engrais, ni puis extérieurs. La pérennisation de ces ex-
produits de traitement et le reste l’utilise avec ploitations est remise en question, surtout
des quantités inadaptées. Pour cause, plu- en l’absence d’un système de management
sieurs raisons sont citées : l’indisponibilité et d’une comptabilité avec un faible ef-
134
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 134 23/06/21 14:19NEW MEDIT N. 2/2021
fort de prospection, de sélection et d’étude d’extension de la superficie agricole et l’ar-
des marchés et le manque manifesté de boriculture fruitière ne représente que 8% de
stratégies marketing. la SAU (et l’olivier 46% de cette superficie).
• Faible, voir l’absence de participation des • Possibilité d’intégration aux marchés locaux
acteurs locaux à la prise de décision des et nationaux. La consommation algérienne
projets de développement de la filière. Dans en huile d’olive est très en deçà de la moy-
le cas de l’Algérie, l’approche verticale enne des pays méditerranéens, mais la sit-
peu efficiente est privilégiée. Ces derniers uation doit être nuancée. Dans les régions
programmes de développement ne répond- productrices comme la Kabylie, la consom-
ent pas aux aspirations des agriculteurs. mation moyenne demeure élevée, en dépit
La plupart d’entre eux ont manifesté leurs de la concurrence des huiles végétales. La
besoins à l’échelle territoriale et à l’échelle population voue une préférence nette pour
de l’exploitation : à l’échelle territoriale, les l’huile d’olive, qui fait partie de sa consom-
agriculteurs ont tous reconnu la nécessité mation quotidienne (Hadjou et al., 2013). La
d’améliorer l’infrastructure (routes, pistes wilaya de M’Sila pourrait prendre exemple
agricoles, collèges) et améliorer la commu- sur ces régions et promouvoir la consom-
nication (services agricoles et agriculteurs). mation locale de l’huile d’olive et cibler sa
A l’échelle de l’exploitation, ils ont mani- distribution sur les régions consommatrices
festé leurs besoins en matériels agricoles d’huile (stratégie de niche).
(63% EO), en main-d’œuvre spécialisée • Accroissement de la demande d’importa-
(60% EO) et en l’amélioration des réseaux tion d’huile d’olive au niveau des marchés
d’irrigation (61% EO). émergents. L’ensemble des pays de l’Union
• Inexistence de structure formelle pour la Européenne représentent 71% de la con-
commercialisation de produits oléicoles au sommation mondiale ; les autres pays con-
niveau local. 76% des exploitants font face sommateurs émergents sont les Etats-Unis,
à une demande très faible sur le marché le Canada, l’Australie et le Japon. L’évolu-
oléicole local. Le prix moyen d’un litre tion de la production et de la consommation
d’huile d’olive appliqué par 48% des ex- depuis 1970 montre une faible croissance
ploitants est de 750 DZ, avec un minimum jusqu’au début des années 90, puis une
de 500 DZ (19%) et un maximum de 1000 brusque augmentation à la fois de la produc-
DZ (seuls 2%). Un marché informel non tion et de la consommation pour les années
contrôlé crée une concurrence déloyale 1996, 1997 et 1998. Malgré la chute de la
(inégalité coûteuse). production qui s’en est suivie, la consom-
• Faibles efforts de préservation de la qual- mation semble ne pas diminuer, ce qui con-
ité et de valorisation du produit (normes de stituerait un marché potentiel à cibler.
qualité sanitaires, certification, qualité des • Marché porteur (créneau intéressant pour
produits). L’intérêt des opérateurs se limite l’investissement). La wilaya de M’Sila ren-
souvent à l’aspect commercial, ce qui im- ferme de nombreux sites touristiques, offrant
plique une méconnaissance de la labélisa- la possibilité de promouvoir la vente de l’hu-
tion et des avantages qu’elle engendre. Cette ile d’olive sur place. Dans ce cadre, Bousaâ-
situation limite l’effort de valorisation des da est la ville qui retient le plus l’attention
produits de la filière. des touristes étrangers avec ses dunes, ses
palmeraies, sa vieille Médina, le tombeau
Les opportunités de Nasreddine Dinet, le vieux Ksar, le Fort
• Importance des espaces de production et Cavaignac, le moulin Ferrero, le Souk de
possibilités d’extension. Pour une SAT l’artisanat ou la Zaouia d’El Hamel… etc.
de l’ordre de 1646890 Ha, la SAU ne • Filière oléicole génératrice de richesse et
représente que 277592 Ha (soit 17%). La d’emploi. Le développement de la filière
wilaya de M’Sila possède un réel potentiel dans la wilaya de M’Sila peut constituer
135
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 135 23/06/21 14:19NEW MEDIT N. 2/2021
une source d’emploi pour la population lo- l’insécurité qui a tout particulièrement af-
cale (plus de 60909 demandes d’emploi, en fecté les villages agricoles de la wilaya, rend
2017) (DAS de M’Sila, 2017). difficile la fixation des populations rurales
• Collaboration et attractivité d’investisse- dans la région. Il y a, également, un manque
ments étrangers. La collaboration entre le de source d’énergies dans certaines com-
groupe espagnol GVAPRO et une filiale lo- munes (36% EO), l’absence de piste, routes
cale algérienne AGRAL/AM du groupe Co- et hôpitaux (10%). Le désintérêt des jeunes
sider est un exemple à reproduire. Ce projet, à cette activité fait qu’une grande partie des
couvrant actuellement près de 85 Ha dans exploitations (60%) souffre d’un besoin cri-
la commune de M’Cif au niveau de « Mess- tique en main-d’œuvre et lorsqu’elle est dis-
dour », a permis l’importation de variétés ponible, elle est chère (entre 1500 et 2000
oléicoles et de technologies (matériels et DZ/j soit 10.35 et 13.8 euro/j).
financement) et un acquis de savoir-faire. • Attaque d’insectes. Plus de 19% des ex-
Un autre projet est en cours de réalisation, ploitants souffrent d’un ravageur en par-
toujours dans le secteur oléicole (filiale ticulier, le psylle de l’olivier (Euphyllura
AGRAL/AM Boussaâda, 2017). olivina). Il s’attaque aux organes en crois-
sance (jeunes pousses et grappes florales) et
Les menaces provoque une diminution de la production.
• Aléas climatiques défavorables. La sécher- Face à ce ravageur, 90% EO ne pratiquent
esse qu’a connue la wilaya de M’Sila ces aucun traitement et 10% appliquent des
dernières années et le manque de sources traitements chimiques à des coûts élevés.
d’irrigation ont causé une alternance néga- Par ailleurs, les traitements appliqués sem-
tive de la production. Malgré sa faculté d’ad- blent être peu efficaces, n’étant pas utilisés
aptation aux conditions édaphiques et cli- à des doses optimales et/ou étant utilisés à
matiques les plus difficiles, l’olivier est une contre temps. De ce fait, 25% EO affirment
espèce de nature alternante. Ce phénomène avoir perdu de 10 jusqu’à 100 oliviers.
est accentué dans les régions arides et semi- • Manque d’unités de transformation dans la
arides sous l’effet de l’insuffisance et de l’ir- région. On compte seulement, 10 huileries
régularité des pluies. Les fluctuations de la dans la wilaya de M’Sila avec des capacités
production d’olives affectent la productivité limitées (Tableau 3). Pour une superficie
des facteurs, le coût de production, le revenu oléicole de 10357 Ha et une production to-
et se traduisent lors d’une production faible tale de 150370 Qx (DSA, 2017), les huil-
par une incapacité d’autofinancement et de eries locales sont incapables de prendre en
reproduction de l’activité oléicole. charge toute la production.
• Emergence de nouveaux pays producteurs • Taille des exploitations oléicoles (morcel-
d’huile d’olive. Les programmes de planta- lement des espaces de production). Vu le
tion de l’olivier à huile engagés par les pays caractère familial et privé des exploitations
émergents (les USA, l’Australie, le Japon, interrogées, plusieurs espaces de production
l’Argentine, le Chili, la Chine…) engendrent sont dispersés du fait des conflits d’héritage et
une augmentation des disponibilités en huile des problèmes de concession dans la région.
d’olive dans ces pays qui couvriront leurs Ce phénomène entrave l’adoption d’une poli-
besoins de consommation et permettront de tique de développement harmonieuse et le
réduire les importations pour certains et de suivi d’un itinéraire technique commun.
dégager des excédents exportables pour d’au-
tres constituant des concurrents potentiels de
4.3. Les facteurs clés influant sur la filière
l’Algérie sur les marchés d’exportation.
• Exode rural affectant la disponibilité de la Après l’analyse de causalité de chaque va-
main-d’œuvre et augmentant son coût. Le riable d’après la méthode expliquée dans la par-
double effet de la paupérisation rurale et de tie analyse des données (selon les résultats de
136
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 136 23/06/21 14:1912 NEW MEDIT N. 2/2021
13 Source: à partir des résultats de l’enquête auprès des oléiculteurs, 2017.
14 Figure 5. Diagramme des influences avec pondération.
Figure 5 - Diagramme des influences avec pondération.
15
100
Somme des coéfficient des variables causes
90 35; 89; 3
61; 84; 20
80 41; 78; 4 48; 78; 17
70 27; 68; 9 79; 70; 19
61; 60; 16 93; 65; 1
60 25; 56; 18 39; 54; 11
64; 58; 14
54; 53; 8 86; 59; 2
50
12; 43; 23 33; 53; 22 48; 45; 6
40 56; 39; 15
41; 45; 12
30 26; 30; 24
74; 27; 21
20
43; 9; 7 53; 15; 5
10 24; 13; 25
38; 6; 10 58; 4; 13
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Somme des coéfficient des variables effets
16
17 Source : à partir de l’analyse des résultats deSource
l’approche SWOT.
: à partir de l’analyse des résultats de l’approche SWOT.
l’analyse SWOT), un diagramme des variables s’orienter vers la partie supérieure gauche (en-
pondérées a été réalisé (Figure 5). Une analyse cerclé dans la Figure 4) expriment un caractère
graphique de la dispersion des facteurs a permis actif. Ils représentent, en plus, un champ d’ac-
de retenir ceux qui influent le plus sur la filière tion potentiel qui devra orienter l’intervention.
(Tableau 4). Ceci vient du fait qu’ils exercent une grande in-
Dans le diagramme d’influence des fac- fluence sur le reste des facteurs du système. Par
teurs clés, les éléments qui ont une tendance à contre, dans le coin inférieur droit, on retrouve
Tableau 4 - Classement des facteurs les plus actifs sur la filière en fonction des pondérations qui caractérisent
les relations d’influence en jeux.
Numéro
Désignation
du facteur
3 Diversité du patrimoine oléicole à M’Sila
20 Collaboration et attractivité d’investissements étrangers
17 Marché porteur
4 Projets de développement de la filière dans la région
9 Insuffisance et inadaptation des ressources matérielles et humaines
L’accroissement de la demande d’importation d’huile d’olive au niveau des marchés
18
émergents
11 Gestion des exploitations
L’émergence de nouveaux pays producteurs d’huile d’olive conduisant à l’accroissement
22
de la concurrence
Faible voir absence de la participation des acteurs locaux à la prise de décision des projets
12
de développement de la filière
23 L’exode rural influençant la disponibilité de la main-d’œuvre et l’augmentation de son coût
24 Attaques d’insectes
Source : Calculé à partir des résultats de l’analyse SWOT.
137
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 137 23/06/21 14:19NEW MEDIT N. 2/2021
les facteurs qui sont les plus influencés par le 5. Conclusion
système. Ils sont à ce titre, les éléments les plus
Cette étude a évalué l’expérience d’une filière
passifs. Toute intervention sur ces facteurs, fut-
locale dans le secteur oléicole algérien se situant
elle très soutenue, ne produira aucun résultat
dans une zone steppique à M’Sila. L’analyse a
probant sur la filière.
permis la caractérisation de l’évolution de cette
Une stratégie d’intervention à court, moyen
filière sous la pression des contraintes tech-
et long terme peut être conçue en combinant
niques, socioéconomiques, climatiques et insti-
les interventions sur les facteurs ci-dessus, en
tutionnelles. Tout comme pour d’autres cultures
fonction des possibilités financières et d’enca-
en Algérie, la filière oléicole à M’Sila reste à
drement offertes. Pour cela, les recommanda-
l’heure actuelle sous exploitée, peu organisée,
tions suivantes sont avancées :
peu encadrée et conditionnée par la résilience
-- l’adoption d’une approche participative
des producteurs face aux aléas climatiques.
pourrait favoriser un changement dans
Le diagnostic interne de la filière oléicole dans
le pilotage de la filière, afin de créer de
cette région a révélé que les projets de dévelop-
nouvelles synergies entre les différents
pement de l’olivier et la diversité du patrimoine
acteurs de la filière et les impliquer dans
oléicole local ont permis l’émergence d’agricul-
la construction de son développement ;
teurs leaders qui atteignent des niveaux élevés
-- la mise en place d’un réseau national re-
de rendement et de qualité, et la concentration
liant les principaux acteurs de la filière et
de l’olivier dans certaines communes plus que
l’installation d’un service technique au
d’autres (zones potentielles). Cette nouvelle
niveau local, constituent deux nécessités
force est une conséquence de la volonté d’ac-
afin de se conformer aux normes interna-
croissement de la production, de promotion et de
tionales (instruments de stockage, traite-
valorisation des productions oléicoles et d’en-
ment des arbres, gestion de l’exploitation,
couragement des agriculteurs locaux.
de traçabilité et de certification) ;
Cependant, malgré les efforts déployés pour
-- la résolution des problèmes du manque
développer la filière de l’huile d’olive, plusieurs
de ressources matérielles, via la mise en
faiblesses persistent encore. Le manque de sa-
place de formules adaptées de crédits et
voir-faire local, l’insuffisance et l’inadaptation
facilitation des procédures administratives
des ressources matérielles et humaines et l’ab-
(pour les forages, construction d’huileries,
sence d’une gestion adéquate des exploitations
engrais et produits de traitements… etc.) ;
affectent sensiblement les coûts de production,
-- l’amélioration des conditions de vie dans
les rendements d’huile d’olive et la régularité des
les zones rurales (approvisionnement con-
productions. Les systèmes de production et de
tinu en eau, électricité et gaz,…) et l’initi-
transformation restent traditionnels et les huiles
ation des projets de développement locaux
produites ne sont pas assez valorisées, ce qui se
pour attirer les jeunes ;
traduit par un manque à gagner considérable en
-- l’incitation à la consommation de l’huile
termes de valeur. Le faible effort de valorisation
d’olive à l’échelle locale et nationale, en
des produits et de préservation de la qualité, la
sensibilisant le consommateur aux vertus
faible participation des acteurs locaux dans la
de l’huile d’olive moyennant des cam-
prise de décision des projets de développement
pagnes de dégustation et de sensibilisa-
de la filière et l’inexistence d’une structure for-
tion, des articles de presses et des émis-
melle pour la commercialisation des produits au
sions de télévision… ;
niveau local constituent des freins réels à toute
-- l’intégration du marché national et in-
alternative d’amélioration du fonctionnement et
ternational à travers une stratégie de dif-
des performances de cette filière.
férenciation des produits locaux (huile
Le diagnostic externe qui a porté sur la dyna-
d’olive).
mique du marché national et mondial a prouvé
que l’accroissement de la demande d’impor-
138
1-821 NEW_MEDIT_02-2021_interno okkkk.indd 138 23/06/21 14:19Vous pouvez aussi lire
