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Annals of Burns and Fire Disasters - Meditline - Pending Pubblications SYNDROME DE LYELL ET SYNDROME DE STEVENS-JOHN- SON : ÉTUDE RÉTROSPECTIVE DE 30 CAS LYELL SYNDROME AND STEVENS-JOHNSON SYNDROME: A RETROSPEC- TIVE STUDY OF 30 CASES Hamich S.,* Sqalli Houssaini A., Meziane M., Ismaili N., Benzekri L., Senouci K. Service de Dermatologie et de Vénéréologie, CHU Ibn Sina, Université Mohamed V, 10100 Rabat, Maroc RÉSUMÉ. Le syndrome de Stevens-Johnson et le syndrome de Lyell sont des toxidermies bulleuses graves qui peuvent engager le pronostic vital. Ce travail a pour objectif de décrire les données épidémiologiques, étiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutives des malades hospitalisés dans notre service de derma- tologie. Il s’agit d’une étude descriptive rétrospective sur une période de 10 ans. Tous les dossiers des patients admis dans le service de dermatologie pour ces toxidermies ont été inclus. Un total de 30 patients a été en- registré, avec une prédominance masculine. Nous avons recensé 18 cas de syndrome de Lyell, 8 cas de syn- drome de Stevens- Johnson et 4 cas de syndrome de chevauchement. La surface cutanée décollée moyenne était de 48%. Une atteinte viscérale (pulmonaire, rénale, hématologique ou hépatique) était fréquemment observée. La notion de prise médicamenteuse a été retrouvée chez tous nos patients, avec un délai moyen de survenue après la prise de 7,5 jours. Les médicaments anticonvulsivants étaient les principaux déclen- cheurs. Tous nos patients ont bénéficié d’un traitement symptomatique, une corticothérapie a été administrée chez un seul patient en raison d’un syndrome d’activation macrophagique. Le taux de mortalité était de 17%. La surface cutanée atteinte, la survenue d’une insuffisance rénale ou d’une détresse respiratoire étaient les principaux facteurs pronostics péjoratifs. Mots-clés : toxidermie, syndrome de Lyell, syndrome de Stevens- Johnson SUMMARY. Stevens-Johnson syndrome and Lyell syndrome are severe bullous drug reactions that can be life-threatening. The aim of this study is to describe the epidemiological, etiological, clinical, therapeutic and evolutionary data of patients hospitalized in our Dermatology Department. This is a retrospective de- scriptive study over a period of 10 years. All records of patients admitted to the Dermatology Department for these cutaneous adverse drug reactions were included. A total of 30 patients were recorded, with a male predominance. There were 18 cases of Lyell syndrome, 8 cases of Stevens-Johnson syndrome and 4 cases of overlap syndrome. The mean time to onset after drug administration was 7.5 days. The average skin area detached was 48%. Visceral involvement was frequently observed: pulmonary involvement, renal involve- ment, hepatic cytolysis and hematological involvement. The notion of medication was found in all our pa- tients, with self-medication in 23% of cases. The reason for prescription was dominated by post-surgical anticonvulsant prophylaxis. All our patients received symptomatic treatment, and corticosteroid therapy was administered in only one patient for macrophagic activation syndrome. The mortality rate was of 17%. Skin area involved, presence of renal failure or respiratory distress were the main prognostic factors. Keywords: cutaneous adverse drug reaction, Lyell syndrome, Stevens-Johnson syndrome ________________ * Auteur correspondant: Hamich Soumaya, Service de Dermatologie et Vénéréologie, CHU Ibn Sina, Université Mohamed V de Rabat, 10170, Maroc. Tel.: +212 661895221; email: hamich.soumaya@gmail.com Manuscrit : soumis le 07/05/2021, accepté le 15/05/2021 1
Annals of Burns and Fire Disasters - Meditline - Pending Pubblications type et siège des lésions cutanées, étendue du décol- lement cutané, atteinte des muqueuses et des pha- Introduction Les toxidermies médicamenteuses sont l’ensem- nères, atteinte systémique, troubles ble des manifestations cutanées consécutives à l’ad- hydro-électrolytiques, cytolyse hépatique…), théra- ministration systémique de produits pharmaceutiques peutiques (soins locaux, réanimation, traitements des utilisés dans un but diagnostique, thérapeutique ou complications…) et évolutives (délai de cicatrisation, préventif, par voie locale, entérale ou parentérale. complications, durée de séjour, survie ou décès, sé- Le syndrome de Stevens-Johnson (SSJ) et le syn- quelles). Le pronostic des patients est évalué à l’aide drome de Lyell ou nécrolyse épidermique toxique d’une échelle de sévérité spécifique de la maladie, le (NET) sont des toxidermies graves qui peuvent en- SCORTEN.3 Pour l’analyse statistique, le traitement gager le pronostic vital. Ce sont des réactions idio- des données a été fait à l’aide du logiciel Survey Re- syncrasiques, aiguës, imprévisibles, survenant aux porter (module de SPSS Dimension). Étant donné la doses thérapeutiques usuelles.1 Ils sont considérés petite taille de notre échantillon, nous avons utilisé comme une réaction d’hypersensibilité de type retar- le test de Khi2 (X2) pour la comparaison des caracté- dée aux médicaments, dont les mécanismes immu- ristiques des patients et considéré un seuil de nologiques ne sont que partiellement élucidés. Ce confiance de 95% pour comparer les fréquences des travail a pour objectif de décrire les données épidé- groupes étudiés. Un test a été jugé significatif quand miologiques, étiologiques, cliniques, thérapeutiques la ‘valeur -p’ était inférieure à 0,05. Les variables et évolutives des malades hospitalisés dans notre ser- ont été traitées en effectif et en pourcentage. Les vice de dermatologie en comparant nos résultats avec bases inférieures à 30 n’ont pas fait l’objet de test de les données de la littérature. Il a également pour ob- significativité car non éligibles. jectif d’analyser les facteurs de mauvais pronostic. Résultats Nous avons colligé 30 patients : 17 hommes Patients et méthodes Étude descriptive rétrospective sur une période de (57%) et 13 femmes (43%), soit une légère prédomi- 10 ans (janvier 2009-décembre 2018). Tous les dos- nance masculine avec un sex-ratio H/F de 1,32. L’âge siers des patients admis dans notre service de derma- moyen des patients était de 38 ans avec des extrêmes tologie pour NET et SSJ ont été analysés. Les d’âge allant de 16 à 72 ans. La tranche d’âge la plus malades inclus dans cette étude répondent à la défi- représentée dans notre série était celle entre 21- 40 nition de la NET, selon la classification de Bastuji- ans (11 patients, soit 37%). Vingt-cinq patients (83%) Garin.2 Lorsque le décollement cutané est supérieur avaient moins de 60 ans. En moyenne, le nombre de à 30% de la surface cutanée, il s’agit d’un NET. cas annuel était de 3. Sur le plan clinique, 93% des Lorsqu’il est inférieur à 10%, il s’agit du syndrome patients avaient au moins un antécédent. Les princi- de Stevens-Johnson (SSJ). En cas de décollement de paux antécédents notés étaient : une épilepsie (3 pa- 10 à 30% de surface corporelle, on parle de syndrome tients soit 10%), une intervention neurochirurgicale de chevauchement (SDC). L’étendue du décollement récente (4 patients soit 13%), un accident médica- cutané est appréciée selon les règles appliquées chez menteux antérieur (5 patients soit 17%), et un terrain les brûlés, en utilisant la règle des 9 de Wallace chez atopique (5 patients soit 17%). Le délai moyen de l’adulte. L’étude des dossiers a été réalisée à l’aide survenue après la prise médicamenteuse était de 7,5 d’une fiche d’exploitation préétablie. Pour chaque jours avec un intervalle allant de 12 heures à 21 jours. patient, nous avons recueilli les données épidémiolo- Tous les patients étaient conscients à l’admission, giques (âge, sexe, antécédents pathologiques…), anam- mais l’état général était très altéré chez 5 patients soit nestiques (médicaments pris, chronologie, motif de 17% des cas. La température était élevée chez 83% prescription, automédication…), cliniques et paracli- des patients, supérieure à 40°C dans 5 cas (17%). Les niques (délai d’apparition de la symptomatologie, principales lésions cutanées observées étaient les éro- 2
Annals of Burns and Fire Disasters - Meditline - Pending Pubblications sions (90%), bulles (80%), rash maculo-papuleux tique chez près de la moitié des malades: 47% des (67%), ulcérations (23%), pseudo- cocardes (23%), cas soit 14 patients. Une dysphagie a été rapportée purpura (23%), nécrose (10%) et cocardes (10%). dans 13% des cas. Un méléna a été noté chez un pa- Les lésions siégeaient sur tout le corps, principale- tient ayant une NET. Une biopsie cutanée a été réa- ment sur le tronc chez 28 patients (93%). Dix-huit lisée dans 22 cas sur 30. Elle confirmait le diagnostic (60%) des patients avaient une NET et par consé- en objectivant une nécrose épidermique étendue. Sur quent une surface cutanée décollée supérieure à 30%, le plan biologique des troubles hydro-électrolytiques 27% inférieure à 10% (SSJ), et 13% entre 10 et 30% ont été notés dans 10 cas de NET soit 56% des NET. (syndrome de chevauchement). La surface cutanée Une hypoprotidémie a été objectivée chez 17 pa- décollée (SCD) moyenne était de 48% avec des ex- tients : 15 NET (soit 86% des NET) et 2 SSJ (soit trêmes allant de 5 à 95%. L’atteinte muqueuse était 24% des SSJ). Des hémocultures positives ont été ob- dominée par l’atteinte buccale, présente chez l’en- servées dans 7 cas de NET (soit 39% des NET). Les semble des patients, faite essentiellement d’érosions principaux germes retrouvés étaient Pseudomonas post bulleuses douloureuses et de chéilite fuligineuse. suivie par l’atteinte de la muqueuse oculaire chez 27 epidermidis et Candida tropicalis. La notion de prise æruginosa, Klebsiella pneumoniæ, Staphylococcus patients (90%) et génitale chez 21 patients (70%). médicamenteuse a été retrouvée chez tous nos pa- L’atteinte phanérienne était notée chez 3 patients (3 tients. Douze patients (40%) étaient poly-médica- NET) à type de dépilation des cils, sourcils et barbe mentés. Sept patients soit 23% avaient pris le dans deux cas, et onycholyse avec décollement un- médicament par automédication, une prescription guéal chez un patient. Une atteinte viscérale était fré- médicale étant retrouvée chez le reste des patients. quemment observée. Une atteinte pulmonaire faite Le motif de prescription était dominé par la prophy- essentiellement de toux, dyspnée, et détresse respi- laxie post- chirurgicale par anticonvulsivant, suivie ratoire a été notée chez 9 patients (soit 30% des cas) des céphalées et syndromes grippaux. Les princi- à savoir 8 cas de NET (soit 45% des NET) et 1 cas paux médicaments en cause étaient : les anticonvul- de SSJ (soit 12% des SSJ). L’atteinte hématologique sivants dans 9 cas (30%) avec en chef de file le a été observée chez 12 patients (40%) : anémie iso- phénobarbital, les AINS : 8 cas (26%), les sulfa- lée, leucopénie isolée, thrombopénie isolée et pancy- mides 4 cas (13%), les aminopénicillines : 3 cas topénie. L’atteinte rénale, principalement à type (10%), l’allopurinol : 2 cas (6%), le paracétamol : 2 d’insuffisance rénale fonctionnelle, a été observée cas (6%), les fluoroquinolones : 1 cas (3%), les ma- dans 23% des cas (7 patients avec NET soit dans crolides : 1 cas (3%). Le Tableau I représente les 39% des NET). L’atteinte digestive était dominée par principaux médicaments incriminés selon le type de l’atteinte hépatique notamment une cytolyse hépa- toxidermie. Tableau I - Médicaments en cause 3
Annals of Burns and Fire Disasters - Meditline - Pending Pubblications L’arrêt du médicament suspect et les soins de tresse respiratoire et une T°1 000) avec le HLA B*15:02 dans les popu- > 2 (Tableau II). Nous avons comparé les variables : lations chinoise Han, thaïlandaise, malaisienne et âge moyen et surface cutanée décollée moyenne indienne mais pas dans les populations blanche/eu- entre le groupe des survivants et le groupe des dé- ropéenne et japonaise.6,8-16 Ils représentaient 2,58% cédés (Tableau III), en utilisant le test de Mann- des toxidermies notifiées au centre national de phar- Whitney. L’âge moyen dans le groupe des survivants macovigilance entre 1994 et 2002.17 A l’échelle na- était de 35,24 ans contre 53,4 dans le groupe des dé- tionale, entre janvier 2009 et décembre 2018, parmi cédés (p39°C ou mies (données du centre national de pharmacovigi- T°
Annals of Burns and Fire Disasters - Meditline - Pending Pubblications tif…). Les mécanismes immunologiques de la NET ne sont que partiellement élucidés et il reste encore des zones d’ombre, notamment pour expliquer la sé- vérité toute particulière de cette pathologie. L’hypo- thèse actuelle est une hypersensibilité retardée avec présence de lymphocytes T cytotoxiques, spéci- fiques du médicament inducteur, dans le sang et la peau des patients.4 La plupart des études ont montré une prédominance féminine dans la NET, sauf pour les patients atteints de SIDA.18,19 Aucune tranche d’âge n’est épargnée, mais l’incidence est plus éle- vée chez le sujet âgé. Bastuji- Garin rapporte une in- cidence 2,7 fois plus élevée chez les personnes âgées de plus de 65 ans que dans une population plus jeune.20 Saka et Firoz ont trouvé respectivement un âge moyen de 30,3 et 47,8 ans.18,21 Dans notre série, nous avons noté une légère prédominance masculine (57%). La tranche d’âge entre 16 et 40 ans était la plus touchée dans notre série et 83% des patients avaient moins de 60 ans, avec un âge moyen de 38 ans. La NET débute par un syndrome pseudo-grippal avec installation rapide de signes muqueux: conjonc- tivite bilatérale, dysphagie haute et, en 24-48 heures, Fig. 1 - Éruption érythémateuse et purpurique avec des cocardes apparaissent les signes cutanés. L’éruption initiale atypiques au cours d’une NET est douloureuse et fébrile, prédominant au tronc et aux racines des membres, faite de macules érythé- mateuses purpuriques et de cocardes atypiques ou pseudo- cocardes (Fig. 1). Deux tableaux dermato- logiques plus ou moins intriqués peuvent se voir : un grand décollement d’installation brutale en “linge mouillé” (Fig. 2) sur un fond d’érythème, ou des dé- collements résultant de la coalescence d’éléments bulleux en cibles atypiques. Les bulles flasques sont habituelles (Fig. 3), le signe de Nikolsky est positif sur la plupart du tégument en particulier dans les zones de pression ou les zones traumatisées et fait place à un derme rouge suintant avec un aspect ana- Fig. 2 - Décollement épidermique au cours du syndrome de Lyell avec logue à celui d’une brûlure de deuxième degré su- aspect en linge mouillé et mise à nu du derme perficiel. L’ensemble du tégument peut être atteint. de Wallace (adultes), les moyens digitaux comme Dans notre série, tous les patients avaient une at- l’appli e-burn pouvant être utiles. Le SSJ, faisant teinte typique, avec un signe de Nikolsky positif. partie du même spectre, se définit par une surface de L’extension de l’épidermolyse doit être appréciée peau décollée inférieure à 10% de la surface corpo- quotidiennement en distinguant la surface décollée relle. On retrouve un rash maculo- papuleux ; les et la surface décollable, car ceci constitue le facteur bulles et les vésicules, disséminées, restent distinctes pronostique essentiel et un guide pour le traitement. et de petite taille et les zones de décollement par Elle est habituellement exprimée en pourcentage de confluence sont limitées. L’éruption peut s’étendre la surface cutanée atteinte en utilisant la règle des 9 en quelques jours, transformant le SSJ en syndrome 5
Annals of Burns and Fire Disasters - Meditline - Pending Pubblications route d’un traitement précoce et intensif afin d’éviter au maximum les complications qui sont les syné- chies, kératites et érosions cornéennes. Un syndrome sec peut apparaître dès les premiers jours et peut per- sister plusieurs années. Les principales complica- tions à long terme sont: le symblépharon secondaire à une altération cicatricielle de la conjonctive; l’en- tropion; le trichiasis responsable d’une kératite ; le larmoiement par oblitération des points lacrymaux, voire une opacification de la cornée avec baisse im- portante de l’acuité visuelle.24,25 Dans notre série nous avons noté : un syndrome sec chez 13 patients soit 52% des survivants, une opacification cor- Fig. 3 - Bulles flasques et décollement épidermique au cours d’un néenne dans 4 cas (16%), un symblépharon dans 3 syndrome de Lyell cas (12%), et une cécité dans 3 cas (12%). Les lé- sions génitales sont elles aussi fréquentes à la phase de chevauchement voire NET. Dans notre série, 8 aiguë, elles ont été retrouvées dans 45% des cas dans patients avaient un SSJ, avec une fréquence élevée une série rétrospective de 40 patients.23 Elles peu- de lésions en pseudo- cocardes dans cette catégorie. vent entraîner des synéchies vulvaires. Les stéroïdes Parmi eux, 2 patients ont présenté une progression topiques intravaginaux et les dilatateurs vaginaux vers un NET. sont recommandés pour prévenir les synéchies L’atteinte muqueuse est présente chez la majorité vulvo- vaginales.26 Dans notre étude 21 patients des patients (85 à 95%), précédant les lésions cuta- (70%) avaient une atteinte génitale, dont un cas nées de 1 à 3 jours dans environ un tiers des cas. Les compliqué de synéchies vulvo- vaginales entraînant localisations sont par ordre de fréquence : l’oropha- une dyspareunie. L’atteinte phanérienne a été retrou- rynx, les yeux, les organes génitaux, et l’anus. Elle vée dans 3 cas de NET dans notre étude. est faite d’érosions douloureuses entraînant une hy- Le SSJ et la NET ne sont pas purement dermato- persialorrhée, des difficultés d’alimentation, une logiques et d’autres manifestations peuvent se voir. photophobie et des brûlures mictionnelles (Fig. 4). L’atteinte de l’état général et les manifestations vis- cérales sont moins marquées dans le SSJ que dans la NET. La fièvre est constante, même en l’absence de surinfection et peut persister jusqu’à la cicatrisa- tion complète. Une chute brutale de la température Fig. 4 - Blépharite et bulle de la lèvre inférieure au cours d’un syndrome de Lyell. doit faire évoquer un sepsis. L’atteinte respiratoire est fréquente surtout dans la NET et constitue un fac- Au niveau des lèvres, ces érosions se couvrent de teur majeur de mortalité. Elle a été retrouvée chez croûtes hémorragiques et réalisent un aspect de chéi- 30% de nos patients dont 12% des SSJ et 45% des lite fuligineuse. L’atteinte buccale, constante dans NET. Elle se traduit classiquement par une dyspnée, notre série, était retrouvée chez tous les patients. une hypoxémie plus ou moins sévère ou par un en- L’atteinte oculaire, observée chez 27 patients (90%) combrement bronchique. L’insuffisance rénale fonc- dans notre série, nécessite une attention particulière. tionnelle, par pertes cutanées et hypovolémie Elle est quasi constante à la phase aiguë et laisse à relative est fréquente (39%) et elle est de significa- long terme des complications graves et multiples.19,22 tion péjorative. Roujeau a trouvé, dans une étude sur Meneux a montré dans une étude rétrospective dix malades, une protéinurie dans 60% des cas, le qu’une atteinte oculaire était présente en phase aiguë plus souvent inférieure à 1 g/24 h, et une microalbu- dans 30 cas sur 40 (75%).23 Un suivi ophtalmolo- minurie élevée dans 100% des cas, traduisant une at- gique quotidien est donc capital pour la mise en teinte glomérulaire.27 Dans notre série, on notait la 6
Annals of Burns and Fire Disasters - Meditline - Pending Pubblications perturbation de la fonction rénale, avec élévation des ponsable de 4 cas (13%). Deux nouvelles molécules, taux d’urée et/ ou de créatinine, chez 7 patients (23% la névirapine et la lamotrigine, semblent être asso- des cas). L’atteinte digestive survient le plus souvent ciées à un risque élevé de SJS/NET. La névirapine de façon concomitante aux lésions cutanées. Elle se est un antirétroviral utilisé chez les malades atteints traduit par des signes non spécifiques, dépendant de par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). la topographie de l’atteinte : dysphagie, hématé- La lamotrigine est un antiépileptique qui peut entraî- mèse, vomissements de boudins muqueux. L’atteinte ner des éruptions cutanées dans 10% des cas.33,34 Ces hématologique est presque constamment retrouvée.28 toxidermies peuvent être associées à certains fac- On trouve essentiellement une anémie qui est d’ori- teurs de risque autres que la prise médicamenteuse gine multifactorielle (érythroblastopénie notam- tels que la prédisposition génétique, l’infection par ment), une lymphopénie liée à une déplétion le virus de l’immunodéficience humaine, la greffe sélective et transitoire en lymphocytes T helper allogénique de moelle, les collagénoses (notamment CD4+, et une neutropénie. La thrombopénie et l’hy- le lupus) et les cancers. peréosinophilie sont moins fréquentes. Dans notre Le SSJ et la NET sont accompagnés d’un risque de série, on a noté la présence d’une anémie isolée chez mortalité important pouvant aller de 25% à 35% dans 2 patients, une leucopénie isolée chez 2 patients, une la NET. Le pronostic est plus favorable en cas de SSJ thrombopénie isolée chez 4 patients, et une pancy- avec un risque de mortalité avoisinant 5%. La mortalité topénie chez 4 patients. du syndrome frontière SJS/NET est d’environ 10-15%. Pour des raisons médico- légales la biopsie cuta- Dans l’étude RegiSCAR, le taux de mortalité de SJS / née est systématique. L’histologie montre typique- TEN était de 23% à 6 semaines et 34% à un an.35 Bas- ment une nécrose de la totalité de l’épiderme, se tuji- Garin et coll ont développé un score de gravité de détachant d’un derme peu altéré.29 Dans notre série, la maladie pour la NET : SCORTEN (Tableau IV).3 Le 22 patients ont bénéficié d’une biopsie cutanée mon- Tableau IV - Calcul du SCORTEN trant une nécrose épidermique étendue. Le syndrome de Lyell et le SSJ sont presque ex- clusivement d’origine médicamenteuse. Une infec- tion par Herpes virus peut être impliquée dans 6% des cas de SSJ ; celle-ci n’est incriminée ni dans la NET ni dans le syndrome de chevauchement.30 Dans notre série, l’origine médicamenteuse a été notée chez tous les patients, les anti-épileptiques et les AINS étaient les plus incriminés. Les médicaments les plus fréquemment imputés dans la littérature sont les sulfamides anti-infectieux, les anticonvulsivants, les AINS, l’allopurinol et quelques antibiotiques.31,32 Les AINS étaient incriminées dans 26% des cas de notre série, ce qui reflète l’usage large de ces médi- caments. Les sulfamides sont les médicaments les plus impliqués, ils sont responsables d’environ un Le SCORTEN est obtenu en additionnant les poins, la mortalité prédite est alors : - 0 ou 1 : 3,2% (Intervalle de confiance: 0,1 à 16,7) tiers des NET dans la population générale et ils aug- - 2 : 12,1% (Intervalle de confiance: 5,4 à 22,5) mentent le risque de survenue de SSJ/NET de 4,5 - 3 : 35,3% (Intervalle de confiance: 19,8 à 53,5) - 4 : 58,3% (Intervalle de confiance: 36,6 à 77,9) cas pour un million d’usagers par an. Le trimétho- - ≥ 5 : > 90% (IC: 55,5 à 99,8) prime- sulfaméthoxazole (SXT) est le médicament le plus incriminé et, malgré l’analogie structurale pronostic de survie au cours d’un épisode de NET peut avec les diurétiques thiazidiques et les sulfamides être déterminé via le SCORTEN calculé le 1er et le 3ème hypoglycémiants, ceux-ci ne sont pas associés à un jour de la réaction, les valeurs croissantes indiquant une risque aussi élevé. Dans notre série, SXT était res- augmentation du risque de mortalité.34 Dans notre série, 7
Annals of Burns and Fire Disasters - Meditline - Pending Pubblications le SCORTEN, calculé chez tous les malades, prédisait seul, n’a pas fait preuve de son efficacité sur le taux de correctement le risque de mortalité. D’autres scores de mortalité à la phase aiguë. Quelques études de petite sévérité ont été proposés : nous citons le TBSA (Total taille ont montré une diminution de la mortalité et un Body Surface Area), et ABCD-10.36 arrêt de l’épidermolyse après deux à trois jours d’im- La NET et le SSJ constituent une urgence diagnos- munoglobulines intraveineuses (IgIV) à haute dose (2– tique et thérapeutique: la prise en charge doit être glo- 3 g/kg) administrées pendant trois à quatre jours, bale avec évaluation et prise en charge de l’état débutées en moyenne sept jours après les premiers hémodynamique du patient mais aussi des douleurs as- symptômes.34 Néanmoins une étude ayant porté sur sociées. La prise en charge à la phase aiguë doit se faire l’analyse rétrospective de 64 patients ayant été traités dans un centre de dermatologie spécialisé ou dans un par Ig IV n’a montré aucun bénéfice sur la mortalité à service spécialisé dans la prise en charge des grands brû- la phase aiguë comparativement à celle attendue calcu- lés voire en unités de soins intensifs ; avec une prise en lée par le SCORTEN.39 Une autre équipe a suggéré l’uti- charge par des équipes soignantes multidisciplinaires. lisation de doses plus faibles associées à une transfusion Une notification au centre de pharmacovigilance est de de plasma frais congelé pour diminuer le risque de sur- mise. En pratique, l’arrêt le plus tôt possible du (ou des) venue d’effets secondaires. 40 médicament(s) imputable(s) est la mesure de première En tout état de cause, le cas doit être notifié tant en urgence ; la valeur pronostique de cette mesure a été dé- pharmacovigilance hospitalière qu’en pharmacovigi- montrée dans le SJS/NET et semble logiquement extra- lance industrielle. En effet, seul le bon report national polable à toutes les autres toxidermies graves. L’arrêt et international de cet accident médicamenteux excep- de tout médicament suspect est bien sûr la première et tionnel peut éventuellement permettre de déclencher la plus importante des mesures à prendre.37 Néanmoins, une alerte auprès des autorités sanitaires. les lésions cutanées peuvent parfois continuer à appa- raître jusqu’à 4 semaines après l’interruption du médi- cament inducteur, selon sa demi-vie, avec un risque de mortalité augmenté en cas de demi-vie longue. Si le mé- Conclusion dicament a une très longue demi-vie et est dialysable, La NET et le SSJ sont des toxidermies bulleuses une épuration extrarénale (pour en accélérer l’élimina- rares et graves se caractérisant par une nécrose de l’épi- tion de l’organisme) pourra être discutée. Il n’y a pas de derme d’évolution parfois extrêmement rapide et pou- données pour justifier la contre-indication systématique vant mettre en jeu le pronostic vital. La de tous les médicaments « à risque ». La contre-indica- physiopathologie actuelle décrit une réaction d’hyper- tion doit être limitée au(x) seul(s) médicament(s) sus- sensibilité retardée médicamenteuse impliquant notam- pect(s) et à ceux suffisamment proches pour pouvoir ment des lymphocytes cytotoxiques. Bien que leur induire des réactions croisées (par exemple, la famille incidence soit faible, le SSJ et particulièrement la NET des sulfamides antibactériens ou l’ensemble des AINS ont un impact significatif sur la santé publique du fait et oxicams, alors que les sulfamides antidiabétiques ou du taux de mortalité élevé (jusqu’à 30%) et des fré- diurétiques et AINS d’autres classes peuvent être utili- quentes séquelles (>90% des cas) qui l’accompagnent sés).27 Les patients doivent être informés du médicament (synéchies muqueuses, oculaires...). Le traitement supposé responsable. Une liste contenant l’ensemble symptomatique de la phase aiguë est de mieux en mieux des molécules analogues et leurs noms commerciaux codifié et a permis de réduire le taux de mortalité. Seuls est confiée aux patients afin d’éviter toute réintroduction les soins intensifs de nursing sont actuellement consen- malencontreuse. suels, aucun traitement spécifique n’a fait preuve d’ef- À ce jour, aucun traitement spécifique n’a fait la ficacité jusqu’à présent. Le développement d’un preuve de sa supériorité par rapport aux soins de support biomarqueur de sévérité pourrait également aider à la seuls dans la nécrolyse épidermique.38 La question d’un prise en charge de ces patients. Une sensibilisation de traitement immunosuppresseur à instaurer dès la phase la population sur les risques liés à l’automédication et aiguë reste également très débattue.4 La corticothérapie des médecins aux risques de la prescription médicamen- systémique, comparativement à un traitement de soutien teuse irréfléchie reste le meilleur moyen de prévention. 8
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