The system - FIAN Belgium
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the system Le magazine des luttes pour la souveraineté alimentaire SYSTÈMES ALIMENTAIRES, NUTRITION ET SANTÉ Reprendre en main notre alimentation ! PRISE DE POUVOIR DES MULTINATIONALES: Comment contrer la mainmise des entreprises sur les espaces démocratiques UN SYSTÈME EN DÉROUTE ENJEUX EN BELGIQUE PERSPECTIVES INTERNATIONALES
QUI EST FIAN BELGIUM? FIAN International est l’organisation internationale des qui consacre son travail à la lutte pour la réalisation du droit à l’alimentation. FIAN Belgium soutient cette lutte tant au niveau international, en partenariat avec les autres sections de FIAN, qu’ici en Belgique, où elle travaille avec les mouvements paysans, les associations d’aide aux démunis et tous les mouvements sociaux réclamant une transition vers des systèmes alimentaires durables respectueux du droit à l’alimentation. FIAN Belgium développe son action pour la réalisation du droit à l’alimentation à travers 4 axes d’action principaux : le plaidoyer - éducation et mobilisation citoyenne - soutien aux luttes des communautés - renforcement et appui à la participation des mouvements sociaux Envie d’en savoir plus? De soutenir notre action? De rejoindre un de nos groupes d’actions? www.fian.be Beet the system! est la nouvelle revue de FIAN Belgium, qui s’inscrit dans la continuité du FIAN Echo Hors Série. Cette revue veut offrir un espace d’expression pour les voix multiples actives dans le mouvement pour la souveraineté alimentaire: fianistas, agriculteur·rice·s, expert·e·s, militant·e·s de la société civile, etc. Beet the system! souhaite participer à stimuler les échanges et réflexions et à renforcer les rencontres entre acteur·rice·s des luttes pour des systèmes agroalimentaires alternatifs.
SOMMAIRE PARTIE 1 : SYSTÈMES ALIMENTAIRES, NUTRITION ET SANTÉ : UN SYSTÈME EN DÉROUTE Introduction > Margot Vermeylen > 06 1. Les impacts de nos systèmes alimentaires sur la santé : défis systémiques et réponses holistiques > Chantal Clément > 08 2. Obésité, sous-nutrition et changement climatique : causes et solutions communes > Dr. Stefanie Vandevijvere > 14 3. « Se nourrir lorsqu’on est pauvre » : low cost et politiques de courte > Olivier De Schutter > 20 PARTIE 2 : DROIT À L’ALIMENTATION ET À LA NUTRITION EN BELGIQUE : ENJEUX ET DÉFIS À L’HEURE DU COVID-19 4. Le Droit à l’alimentation et à la nutrition en Belgique : rapport de FIAN devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations-Unies > Manuel Eggen > 27 5. Alimentation et inégalités sociales de santé : l’accès à une alimentation de qualité en question. > Martin Biernaux > 32 6. Une crise sanitaire qui souligne les tensions sociales : Le cas de l’Aide alimentaire en Belgique > Romane Quintin > 37 7. Nourrir les pauvres avec les déchets du système capitaliste > Anne Leclercq > 43 8. Accès à l’alimentation en temps de pandémie : une perspective féministe > Louise Donnet > 48 9. Les GASAP, un prix juste contre la précarité des agriculteur·rice·s > Laurence Lewalle > 54 10. Mauvaise nutrition et obésité en Belgique : comment améliorer la situation ? > Jonathan Peuch > 58 11. Alimentation durable pour tou·te·s : multiplions les innovations ! > Catherine Closson > 63 PARTIE 3 : PERSPECTIVES INTERNATIONALES 12. Des millions de personnes forcées de choisir entre la faim ou le Covid-19 > GRAIN > 67 13. Politiques publiques pour une alimentation scolaire en Colombie : le vaccin idéal contre les pandémies à venir ? > Hernando Salcedo Fidalgo et Ingrid Paola Romero Nino > 72 14. La médicalisation de la faim : l’UNICEF, le Plumpy’nut et le marché des compléments alimentaires > Jasper Thys > 76 15. Les Directives du Comité de la sécurité alimentaire mondiale sur les systèmes alimentaires et la nutrition : un regard sur le processus > Isa Álvarez Vispo > 80 16. Restez chez vous mais pas en silence : la pandémie de COVID-19 et ses impacts sur le secteur agricole en Europe > Ivan Mammana > 84
AVERTISSEMENT Les articles présents dans cette publication ont été écrits en juin et juillet 2020. La situation liée à la pandémie de Covid-19 évoluant rapidement, il est possible que certaines données reprises dans les articles soient main- tenant obsolètes. Révision des chiffres de la faim dans le monde, mais nous sommes toujours loin de réaliser l’objectif « Zéro Faim » d’ici à 2030. Le dernier rapport sur « l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde » (SOFI) a été publié le 13 juillet passé, conjointement par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et d’autres agences des Nations Unies. Le rapport confirme la tendance alarmante à l’augmentation du nombre de personnes globalement touchées par la faim et toutes les formes de malnutrition1. Trois points importants sont à retenir de ce rapport. Premièrement, des mises à jour dans les données, notamment sur les estimations de la sous-alimentation en Chine, ont permis de réviser à la baisse les chiffres de la faim dans le monde. Deuxièmement, malgré cette révision à la baisse, le nombre de personnes touchées par la faim dans le monde reste en augmentation depuis 20142. Il est estimé qu’en 2019 près de 690 millions de personnes dans le monde souffraient de la faim, soit 8,9 % de la population mondiale. De plus, près de 750 millions de personnes, soit près d’une personne sur dix dans le monde, étaient exposées à l’insécurité alimen- taire grave. Enfin, une estimation préliminaire donne à penser que la pandémie de Covid-19 pourrait ajouter, en fonction du scénario de croissance économique, entre 83 et 132 millions de personnes au nombre total de personnes sous-alimentées dans le monde en 2020. Le rapport est donc clair : « le monde n’est pas en voie d’atteindre l’objectif de développement durable « Zéro Faim » d’ici à 2030. Si les tendances récentes se pour- suivent, le nombre de personnes touchées par la faim dépassera les 840 millions d’ici à 2030. » Suite à la sortie du rapport SOFI 2020, nous avons fait le choix d’actualiser tous les chiffres de cette publication, afin d’être les plus à jour possible. Concrètement, les chiffres du rapport SOFI 2019, qui avaient été repris dans plusieurs articles lors de leur rédaction – plus particulièrement celui faisant état de 821 millions de personnes souffrant de la faim dans le monde – , ont été remplacés par les chiffres du dernier rapport SOFI. 1 FIAN International, Press Release : Le Rapport SOFI reconnaît le besoin urgent de transformation des systèmes alimentaires, 16 juillet 2020. https://www.fian.org/fr/press-release/article/le-rapport-sofi-reconnait-le-besoin-urgent-de-transformation-des-syste- mes-alimentaires-2531 2 FAO, FIDA, UNICEF, PAM et OMS. 2020. Résumé de L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2020. Transformer les systèmes alimentaires pour une alimentation saine et abordable. Rome, FAO. https://doi.org/10.4060/ca9699fr 5
INTRODUCTION Par Margot Vermeylen, économiste et chercheuse indépendante, et Manuel Eggen, chargé de recherche et plaidoyer chez FIAN Cette année, notre revue Beet the ant tant la sous-alimentation que la même système industriel, ont été les System ! se penche sur les liens qui « malbouffe » et l’obésité. L’insécurité premiers facteurs de comorbidité liés existent entre nos systèmes alimen- financière n’en est pas la seule cause. aux formes graves d’infection au vi- taires, la nutrition, et notre santé. Le marketing agressif de l’industrie rus. La pandémie a également révélé L’alimentation est en effet un besoin alimentaire, l’environnement alimen- le manque de résilience d’un modèle et un droit fondamental qui doit nous taire, le niveau d’éducation et le con- de production et de consommation permettre un épanouissement phy- texte psycho-social sont également basé sur des chaînes mondialisées sique et psychologique pour mener des éléments déterminants à prendre de plus en plus longues. Il sera néces- une vie digne et en bonne santé. Or, la en compte. saire de tirer les enseignements de la globalisation du modèle agroalimen- crise pour transformer nos systèmes taire industriel s’est accompagnée et LIEN AVEC L’ACTUALITE alimentaires. s’accompagne de plus en plus d’im- pacts négatifs sur notre santé : ré- L’année 2020 aura été frappée par la STRUCTURE gimes alimentaires déséquilibrés et pandémie de Covid-19 et ses nom- ultra-transformés favorisant l’obésité breuses répercussions, et tout porte Dans la première partie de la revue, et les maladies non-transmissi- à croire que nos sociétés en seront trois expert·e·s nous expliquent l’in- bles ; aliments contaminés et prop- profondément marquées pendant terconnexion des défis que représen- agation des épidémies ; expositions plusieurs années encore. Alors que la tent les systèmes alimentaires, la aux pollutions de l’environnement ; pandémie a mis en lumière la fragi nut rition et la santé pour nos so- mauvaises conditions de travail des lité de nos systèmes de santé, elle a ciétés. Dans la deuxième partie, nous paysan·ne·s et travailleur·euse·s du également exacerbé les défaillances nous pencherons sur le cas de la Bel- secteur agroalimentaire engendrant du système agroalimentaire indust gique et nous analyserons les enjeux des problèmes de santé ; etc. riel. D’une part, le système agroa et défis pour la réalisation du droit à limentaire industriel est l’une des l’alimentation et à la nutrition à l’heu- Par ailleurs le système agroalimen- principales causes de la destruction re du Covid-19. Après un aperçu de la taire industriel est profondément des éco-systèmes, dont il est prou- situation du droit à l’alimentation dans marqué par les inégalités. Les popu- vé qu’elle favorise l’émergence et le pays au niveau social et légal, plu- lations les plus marginalisées et pré- la propagation des maladies zoo- sieurs articles analysent les enjeux et carisées sont affectées de manière notiques (maladies venant du monde défis auxquels est confrontée l’aide disproportionnées par la malnutri- animal). D’autre part, l’obésité et les alimentaire en ces temps de crise. tion sous toutes ses formes – inclu- maladies cardio-vasculaires liées au Un article approfondit ensuite le cas 6
Starglide belge sous une perspective fémin- VERS UNE TRANSITION tre que de nombreux·ses individu·e·s iste. Les trois derniers articles de DES SYSTEMES ALIMENTAIRES sont prêt·e·s à lutter pour leur droit cette deuxième partie posent la ques- à l’alimentation et à la nutrition et à tion cruciale : « comment améliorer Les trois sujets que cette revue a entamer une transformation en pro- la situation en Belgique ? ». Enfin, choisi d’aborder – systèmes alimen- fondeur de nos sociétés. Cette trans- la troisième partie élargit le champ taires, nutrition et santé – sont plus formation se fera au travers de poli- d’analyse au niveau international. Le que jamais d’actualité au vu des cri- tiques fortes et solidaires, par et pour premier article se penche sur la sit- ses sanitaire, sociale et économique les citoyen·ne·s. Avec ce numéro du uation des travailleur·euse·s pauvres engendrées par la pandémie de Beet the System !, nous rassemblons du secteur informel de par le monde, Covid-19. Cependant, le secteur de différentes voix qui appellent à des forcé·e·s de choisir entre la faim ou le la santé et de l’agroalimentaire n’ont politiques intégrées pour des sys- Covid-19. Nous y étudierons ensuite pas attendu la pandémie pour être en tèmes alimentaires sains et durables, le cas des cantines scolaires en Co- crise, et celle-ci a permis une nou- selon les principes de l’agroécologie, lombie, le marché des compléments velle mise en lumière des problèmes et qui permettent tant une rémunéra- alimentaires et la médicalisation structurels liés à nos sociétés indus- tion juste aux agriculteur·rice·s croissante de la faim, le processus trielles. Les défis peuvent sembler qu’une alimentation saine, adéquate d’élaboration de Directives sur les colossaux. Mais nous pouvons y faire et accessible à tou·te·s. Car il est systèmes alimentaires et la nutrition, face: la multitude d’initiatives citoy- temps de reprendre en main notre et la situation des agriculteur·rice·s ennes de solidarité qui ont émergé alimentation ! au niveau européen. suite à la crise du Covid-19 démon- 7
PARTIE 1 : SYSTÈMES ALIMENTAIRES, NUTRITION & SANTÉ : UN SYSTÈME EN DÉROUTE 1. Les impacts de nos systèmes alimentaires sur la santé : défis systémiques et réponses holistiques par Chantal Clément, Directrice-Adjointe d’IPES-Food Les systèmes alimentaires im- sous-jacents des systèmes alimen- Notre rapport a également mis en lu- pactent la santé humaine de plu- taires mondiaux en ce qui concerne mière que les plus graves impacts des sieurs manières. Basé sur un la santé humaine, animale et envi- systèmes alimentaires sur la santé rapport du Panel international d’ex- ronnementale. publique proviennent, en majorité, perts sur les systèmes alimentaires de pratiques agricoles et agroali- durables (IPES-Food), cet article En 2017, IPES-Food a publié un rap- mentaires industrielles, comprises détaille 5 axes principaux à travers port1 visant à décrypter le lien entre ici comme un ensemble de pratiques lesquels les systèmes alimentaires systèmes alimentaires et santé publique, basées sur l’uniformisation de l’offre industriels affectent notre santé et et nous avons déduit que les sys- alimentaire, l’élevage intensif, la forte tèmes alimentaires actuels affectent utilisation d’intrants chimiques, et la propose des solutions holistiques notre santé à partir de 5 axes prin- production et la commercialisation de pour y faire face. cipaux : masse d’aliments ultra-transformés. Trois ans plus tard, ces recherches Quand nous pensons aux impacts de 1. des mauvaises conditions de sont plus pertinentes que jamais, et nos systèmes alimentaires sur notre travail dans le secteur nous montrent la voie à suivre pour santé, nous pensons sans doute en agroalimentaire ; aller vers des systèmes alimentaires premier lieu à nos régimes alimen- 2. une exposition à des polluants plus sains et durables. taires. Pourtant, nos systèmes ali- dans l’eau, l’air et le sol ; mentaires ont des retombées sur la 3. des aliments contaminées, santé humaine qui vont bien au-delà dangereux ou transformés ; LE LIEN ALIMENTATION-SANTÉ : de leurs effets sur nos régimes. Ces 5 AXES PRINCIPAUX 4. des régimes alimentaires systèmes engendrent non seulement déséquilibrés, et ; de nombreux risques pour la santé Combien nous coûte véritablement 5. un manque d’accès à une ali- publique, mais également de graves notre alimentation ? Notre nourriture mentation saine et de qualité. coûts environnementaux et sociaux. peut sembler bon marché, mais en Ces impacts n’ont jamais été aussi 1 IPES-Food (2017). “Alimentation et santé : réalité, nous payons les conséquenc- clairs qu’à travers la crise sanitaire Décryptage. Un examen des pratiques, de l’économie politique et des rapports de force es de nos systèmes alimentaires sur qui ravage actuellement le monde pour construire des systèmes alimentaires notre santé plusieurs fois. entier. En l’espace de quelques mois, plus sains.” Global Alliance for the Future of le COVID-19 a mis en lumière les ris- Food et IPES-Food. URL http://www.ipes-food. org/_img/upload/files/FoodHealthNexus_Report_ ques, les fragilités et les inégalités French%281%29.pdf 8
1. Les agriculteur·rice·s et travail- 2. La pollution environnementale 3. La distribution d’aliments con- leur·euse·s de la chaîne agroa est devenue un des plus grands taminés est sans doute le lien limentaire sont souvent les impacts des systèmes alimen- alimentation-santé le mieux premiers à être exposé·e·s aux taires sur la santé, découlant documenté. Les maladies d’ori impacts néfastes de nos sys- principalement d’une pollution gine alimentaire découlent de la tèmes alimentaires. Le risque des sols, de l’air et de l’eau. De présence de bactéries, de virus, de blessure, de maladie ou de nombreuses pratiques du sec- d’agent chimiques, de parasites décès dans l’exercice de son ac- teur de l’élevage intensif ont été ou de toxines dans nos aliments tivité professionnelle est beau- étroitement associées à la pollu- (par ex. salmonelles, hépatite A). coup plus élevé dans les secteurs tion de l’eau et l’air et aux impacts Aujourd’hui 63 % des espèces agricole, de la pêche, de la sylvi- en résultant sur la santé, comme pathogènes actuelles et 75 % culture et de la transformation l’E.Coli, une concentration ex- des maladies émergentes sont alimentaire (par ex. abattoirs, cessive de nitrate dans l’eau en- d’origine zoonotique4, provenant transformateurs de viande) que gendrant des risques accrus de donc de la consommation de dans la plupart des autres sec- cancers, ou encore une pollution viande, de volaille et de produits teurs2. Ces risques se traduisent aux métaux lourds. L’agriculture, animaux comme les œufs et les concrètement à travers : l’expo- par exemple, est elle-seule res produits laitiers. De nombreux sition aux intrants chimiques et ponsable de quelque 90 % des polluants environnementaux aux substances en suspension émissions d’ammoniac de l’UE – évoqués ci-dessus se retrouvent dans l’air (pesticides, engrais, un contributeur majeur à la pol- également dans nos aliments par poussière, pollen, déchets ani- lution de l’air qui tue 400.000 Eu- les résidus de pesticides ou par maux) ; l’exposition aux zoono- ropéen∙ne∙s chaque année3. Nos bioaccumulation (par ex. mercu- ses et aux antimicrobiens ; et aux systèmes alimentaires actuels re et plomb dans les poissons). risques inhérents à l’utilisation représentent également 21 à 37% Cependant, une contamination d’équipements mécaniques pen- des gaz à effet de serre totaux et alimentaire peut également avoir dant de longues heures. De plus, sont au cœur de la perte de bio- lieu suite à la transformation de nos systèmes sont basés sur une diversité, source essentielle dont produits : la résistance aux an- faible rémunération de la main bénéficient nos écosystèmes, timicrobiens et l’exposition aux d’œuvre, qui se traduit par des nos sociétés et notre économie. perturbateurs endocriniens (par faibles salaires et une protection ex. à travers les aliments traités inadéquate des travailleur·euse·s, avec des pesticides, emballages faisant de l’alimentation et alimentaires) peut entraîner des de l’agriculture les secteurs réactions allergène, obésogène, économiques les plus précaires. reprotoxique, et cancérogène5. 4 Jones, B.A., Grace, D., Kock, R., Alonso, S., Rushton, J., Said, M.Y. (2013). “Zoonosis emer- gence linked to agricultural intensification and environmental change.” PNAS 110. 5 IPES-Food (2017). “Alimentation et santé: Décryptage. Un examen des pratiques, de 2 FAO (2018). Regulating labour and safety 3 EEA (2017). “Air Quality in Europe.” URL l’économie politique et des rapports de force standards in the agriculture, forestry and fisher- https://www.eea.europa.eu/publications/air-quali- pour construire des systèmes alimentaires ies sectors. ty-in-europe-2017/at_download/file plus sains.” Global Alliance for the Future of 9
4. Au cours des dernières décen- cardiaques chez les adultes7. En mentation suffisante, sûre, nutri- nies, la tendance vers l’indus- outre, les régimes alimentaires tive et culturellement acceptable. trialisation de nos systèmes malsains sont responsables de L’insécurité alimentaire engen- alimentaires a entraîné une aug- 49% des maladies cardiovas- dre des maladies occasionnées mentation croissante de régimes culaires8, la principale cause de par un manque d’accès perma- alimentaires nuisibles à la santé. décès dans l’UE. Les maladies nent à une alimentation adéquate Cette tendance, caractérisée par chroniques – très souvent liées (par ex. faim ou carences en une forte consommation d’ali- à l’alimentation – représentent micronutriments). Aujourd’hui, ments riches en sucre ajouté, en 70% à 80% des coûts de santé un∙e Européen∙ne sur quatre est sodium, en acide gras trans, et publique dans l’UE9. Ces impacts menacé∙e de pauvreté ou d’ex- par une pauvre consommation nous affectent directement à clusion sociale, et près de 10 % de la population de l’UE n’a pas en fruits, légumes, légumineu- travers nos habitudes alimen- les moyens de s’offrir un repas ses et céréales complètes, a en taires, elles-mêmes façonnées de qualité tous les deux jours10 partie généré une augmentation par l’environnement alimen- [pour le cas de la Belgique, voir des taux de surpoids, d’obésité taire dans lequel nous évoluons. article n°4, par Manuel Eggen] et de maladies non transmissi- bles. Une mauvaise alimentation 5. L’accessibilité physique et SYSTÈMES ALIMENTAIRES est le principal facteur de risque économique de l’offre alimen- ET COVID-19 de maladie et de mortalité dans taire, ainsi que la qualité de l’of- l’Union Européenne (UE). Nos sys- fre elle-même, a donc une forte Nos systèmes alimentaires actuels tèmes alimentaires sont mainte- influence sur nos choix alimen- sont donc au cœur d’un grand nant responsables d’une popula- taires et notre sécurité alimen- nombre de défis de santé publique. tion européenne 50% en surpoids taire. Mais une alimentation saine Alors que le monde entier débat de et plus de 20% en obésité, fac- et suffisante reste hors de portée la solution la plus viable pour mieux pour des millions de personnes. se préparer, répondre et récupérer teurs principaux dans le dévelop- L’insécurité alimentaire demeure durablement suite au Covid-19, de pement de maladies non-trans- le dernier canal par lequel nos nouvelles recherches n’ont fait que missibles (MNT) comme les systèmes alimentaires peuvent démontrer le lien entre les impacts de maladies cardiovasculaires, nuire à notre santé. Il s’agit ici cérébrovasculaires et plusieurs nos systèmes alimentaires décrits ci- d’impacts provoqués par un accès dessus, notre santé et notre capacité types de cancer6. Par exemple, insuffisant ou précaire à une ali- l’obésité a été identifiée comme à être résilients face aux chocs. la principale cause dans plus de 7 Brandt, L. et Erixon, F. (2013) “The Preva- 80% des cas de diabète de type lence and Growth of Obesity and Obesity-related illnesses in Europe” (Brussels: ECIPE). URL 2 dans l’UE, 55% des maladies http://ecipe.org/wp-content/uploads/2014/12/ hypertensives et 35% de maladies Think_piece_obesity_final.pdf 8 EHN (2017). “Transforming European food and drink policies for cardiovascular health.” URL http://www.ehnheart.org/publica- Food et IPES-Food. URL http://www.ipes-food. tions-and-papers/publications/1093:transform- org/_img/upload/files/FoodHealthNexus_Report_ ing-european-food-and-drinks-policies-for-cardio- 10 Eurostat (2017). “Europe 2020 indicators French%281%29.pdf vascular-health.html - poverty and social exclusion.” URL http://ec.eu- 6 OMS (2018). Data and Statistics. URL http:// 9 Seychell, M. (2016) “Towards better pre- ropa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/ www.euro.who.int/en/health-topics/noncommuni- vention and management of chronic diseases” Europe_2020_indicators_-_poverty_and_social_ex- cable-diseases/obesity/data-and-statistics Health-EU Newsletter 169. clusion 10
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Premièrement, un nombre croissant Enfin, le COVID-19 met également adaptée à leur environnement local. d’études démontrent que l’obésité en exergue la précarité des Elle ne dépend pas des produits et les MNT liées à l’alimentation travailleur·euse·s du secteur chimiques, mais mise sur les augmentent non seulement le agroalimentaire. Les conditions synergies naturelles et la diversité risque d’insuffisance respiratoire déplorables exposées dans le secteur des espèces. L’agroécologie peut pour les personnes souffrant de de la viande aux États-Unis ou des offrir des moyens de subsistance COVID-19, mais peuvent également travailleur·euse·s saisonnier·ère·s résilients, basés sur la coopération contribuer à une escalade rapide démontrent le manque de protection et la solidarité, et sur des circuits de ses symptômes. En France, 83 % des travailleur·euse·s et l’absence des courts qui engendrent des revenus des patients en réanimation suite au pratiques d’hygiènes et de sécurité plus justes pour les travailleur·euse·s COVID-19 depuis début avril étaient convenables dans ces secteurs. Ces agricoles. en surpoids ou obèses11. risques s’ajoutent aux conditions généralement médiocres et à la faible Au niveau de la santé publique, Deuxièmement, l’agriculture industri- rémunération des travailleur·euse·s. l’approche « Un monde, une santé » elle a été confirmée comme l’une des de l’OMS nous permettrait d’avancer causes principales de l’accroisse- QUE FAIRE ? DÉFIS ET SOLUTIONS vers des systèmes agricoles et ment des risques d’émergence et de alimentaires mieux adaptés aux défis propagation de maladies d’origine Les systèmes alimentaires affec auxquels nous sommes confrontés. zoonotique. L’interaction plus étroi- tent non seulement la santé humaine Cette approche multisectorielle te entre l’être humain et la faune est mais également la santé animale et s’applique à la conception et la mise en renforcée par la destruction d’ha environnementale au travers de mul- œuvre de programmes, de politiques, bitats naturels et la perte de biodi- tiples mécanismes interconnectés. législations et de recherches versité à cause de l’agriculture, de Bien que cela puisse paraître com- permettant à plusieurs secteurs de l’urbanisation accélérée et de l’acca- plexe, nous sommes désormais suf- communiquer et collaborer en vue parement des terres et des ressour fisamment informé∙e∙s pour agir : d’améliorer la santé publique. En ces12. De plus, l’élevage intensif, com- pour résoudre des problèmes inter- temps qu’approche intégrée, elle met biné à la faible diversité génétique connectés, il nous faut des réponses l’accent sur les interactions entre caractéristique des systèmes indus- holistiques. les animaux, les humains et nos triels, augmente considérablement le écosystèmes dans le but d’atteindre risque d’apparition et de propagation Au niveau systémique, une alternative une santé optimale pour tou·te·s. de zoonoses. à l’agriculture et aux systèmes industriels gagne en notoriété : Il devient évident que ce n’est l’agroécologie. Il s’agit d’une approche qu’à travers de telles approches holistique au développement des intégrées que nous transformerons 11 Cabut, S. (2020). ”Coronavirus : les per- systèmes agricoles et alimentaires. en profondeur la manière dont sonnes obèses représentent une proportion L’agroécologie est une façon de nous produisons et consommons. très élevée des patients en réanimation en cultiver avec la nature, et non pas Il devient impératif de baser nos France.” Le Monde, 7 avril. URL https://www. lemonde.fr/planete/article/2020/04/07/les-per- contre elle. Elle renforce la résilience systèmes alimentaires sur un autre sonnes-obeses-sont-plus-fragilisees-par-le-vi- aux changements climatiques et aux ensemble de principes que ceux de rus_6035831_3244.html épidémies, en associant différentes l’agriculture industrielle, qui jusqu’à 12 IPES-Food (2020). ”Le COVID-19 et plantes et animaux sur la base présent a entraîné un bilan d’impacts la crise dans les systèmes alimentaires : Symptômes, causes et solutions potentielles.” des connaissances propres aux plus négatifs que positifs. Il devient URL http://www.ipes-food.org/_img/upload/files/ agriculteur·rice·s, et de manière urgent de combler les lacunes dans COVID19%20COMMUNICATION_FR.pdf 12
nos politiques publiques, dans nos systèmes économiques et dans nos sociétés pour lutter en faveur de systèmes alimentaires durables, résilients et solidaires. Polycart 13
2. Obésité, sous-nutrition et changement climatique : causes et solutions communes Par Dr. Stefanie Vandevijvere, chercheuse senior en nutrition et santé chez Sciensano (Institut scientifique de santé publique), co-autrice du rapport « The Global Syndemic of Obesity, Undernutrition, and Climate Change » publié dans The Lancet en 2019. Les trois pandémies – obésité, La malnutrition sous toutes ses Dans un avenir proche, les effets sous-nutrition et changement cli- formes, incluant tant la sous-nutrition du changement climatique sur matique – affectent la majeure par- que l’obésité et les autres risques la santé aggraveront encore tie de la population, dans tous les nutritionnels associés aux maladies considérablement l’impact de ces pays et régions du monde. Les me- chroniques, est de loin la principale maladies. Tout comme l’obésité et cause de mauvaise santé et de décès la sous-nutrition, le changement sures politiques prises par les gou- prématurés dans le monde (19 % de climatique peut également être vernements nationaux au cours des la morbidité totale dans le monde ; considéré comme une pandémie dernières décennies pour faire face figure 1)2. (c’est-à-dire une épidémie mondiale), à ces pandémies séparément ont en raison de son impact majeur sur la été lentes et insuffisantes. Des ac- santé de la planète. tions « à effet double » ou « à effet triple » visant à réorienter les sys- Figure 1 : Charge internationale due à la malnutrition sous toutes ses formes tèmes alimentaires et agricoles, les (par rapport à la charge des trois principaux contributeurs suivants). systèmes de transport et l’utilisa- Echelle : % (0, 5, 10, 15, 20, 25) en espérance de vie corrigée de l’incapacité (EVCI)A tion des terres seront nécessaires au niveau local, national et interna- tional pour faire face à la syndémie1 des pandémies. 1 Note : la syndémie est un concept utilisé en santé publique, dans les sciences sociales de la santé et par les chercheur·euse·s médicaux·ales pour parler de l’interaction dangereuse de deux A Note : l’espérance de vie corrigée de l’incapacité (EVCI) est un mode d’évaluation du coût des maladies mesurant l’espérance de vie en bonne santé, c’est-à-dire en soustrayant ou de plusieurs maladies au sein d’une popula- à l’espérance de vie le nombre d’années « perdues » à cause de la maladie, du handicap tion et qui cause des effets encore plus néfastes ou d’une mort précoce. pour la santé. Il s’agit de la fusion du mot « syn- ergie » (soit l’interaction ou la coopération de deux ou plusieurs entités) et du suffixe « -émie » 2 Toutes les données de cet article sont tirées (un terme de la santé publique qui signifie « te- du rapport suivant : Swinburn et al (2019). The neur dans le sang »). Source : Merrill Singer, les Global Syndemic of Obesity, Undernutrition, and syndémies et la santé, juin 2020, https://defining- Climate Change: The Lancet Commission Report. momentscanada.ca 393(10173):791-846. 14
LES EFFETS DE L’OBÉSITÉ, DE LA Les coûts sociaux de la syndémie des LES FACTEURS COMMUNS DE SOUS-NUTRITION ET DU CHANGE- trois pandémies sont considérables L’OBÉSITÉ, DE LA SOUS-NUTRITION MENT CLIMATIQUE SUR LA SANTÉ et touchent davantage les populations ET DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ET L’ENVIRONNEMENT et les pays les plus pauvres. La figure 2 montre les moteurs Les trois pandémies – obésité, sous- 1. Obésité : La surcharge pondérale communs de la syndémie des nutrition et changement climatique touche plus de 2 milliards de pandémies. Par exemple, le – affectent la majeure partie de la personnes dans le monde et changement climatique augmentera population, dans tous les pays et est responsable d’environ 4 la sous-nutrition en raison d’une régions du monde. Se produisant millions de décès par an. Le coût augmentation de l’insécurité en même temps et en même lieu, économique actuel de l’obésité alimentaire, de conditions climatiques et ayant des causes communes, est estimé à environ 2,8 % du extrêmes, de sécheresses et de on peut parler d’une syndémie de produit intérieur brut mondial. bouleversements dans l’agriculture. ces pandémies. Par exemple, nos En outre, on sait que la sous-nutrition systèmes alimentaires actuels ne 2. Sous-nutrition : En Asie et en des fœtus et des nourrissons sont pas seulement responsables Afrique, la sous-nutrition coûte augmente le risque d’obésité chez les de la sous-nutrition et de l’obésité de 4 à 11 % du produit intérieur adultes. Les effets du changement résultant de l’augmentation de brut. En 2017, 155 millions climatique sur l’obésité, et vice versa, la commercialisation et de la d’enfants étaient trop petits pour sont pour l’instant incertains. Des consommation d’aliments ultra- leur âge et 52 millions avaient actions qui recentrent les systèmes transformés ; ils génèrent également un poids trop faible pour leur sous-jacents (comme l’alimentation, entre 21 et 37 % des émissions de taille. En outre, deux milliards les transports, l’affectation des gaz à effet de serre (GES), l’élevage de personnes souffrent de terres, l’aménagement du territoire), représentant plus de la moitié de carences en micronutriments seront nécessaires pour faire face ces émissions3. Autre exemple, les et 690 millions de personnes à la syndémie des pandémies, moyens de transport, dominés par étaient chroniquement par exemple en promouvant des la voiture, qui favorisent l’inactivité sous-alimentées en 20194. politiques agricoles ayant pour physique et un mode de vie objectifs la santé et la durabilité. largement sédentaire, alors même 3. Changement climatique : On qu’ils génèrent entre 14 et 25 % des estime que les coûts économiques émissions de GES. Les causes sous- futurs du changement climatique jacentes de la syndémie entre ces représenteront 5 à 10 % du pandémies sont la faiblesse des produit intérieur brut mondial ; systèmes politiques, la quête de la les coûts dans les pays à faible croissance du produit intérieur brut revenu dépasseront 10 % de leur – théorie économique incontestée produit intérieur brut. – et la puissante incitation à la surconsommation par le secteur privé. 4 FAO, FIDA, UNICEF, PAM et OMS. 2020. Résumé de L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans lemonde 2020. Transformer les systèmes alimentaires pour une alimenta- tion saine et abordable. Rome, FAO. https://doi. 3 GIEC 2019 org/10.4060/ca9699fr 15
Figure. 2 : Syndémie des trois pandémies: obésité, sous-nutrition et changement climatique temps. Ces actions, visant à recentrer les systèmes alimentaires et agricoles, les systèmes de transport et l’affectation des terres, devraient idéalement avoir lieu aux niveaux local, national et international. Quelques exemples sont donnés dans le tableau 1. Les actions qui responsabilisent l’individu·e par des programmes de promotion de la santé ou des services de soins de santé sont plus faciles à mettre en œuvre que des politiques ou des actions répondant aux causes profondes, or ces dernières sont essentielles à une transformation systémique. Outre les autorités nationales et locales, la société civile, les bailleurs de fonds et les organisations internationales peuvent prendre diverses mesures aucun pays n’a été en mesure pour faire face à la syndémie des DES ACTIONS POLITIQUES À EFFET d’inverser son épidémie d’obésité pandémies (tableau 2). DOUBLE ET TRIPLE et les actions politiques globales pour lutter contre le changement Les mesures politiques prises par les climatique ont à peine commencé. gouvernements nationaux au cours des dernières décennies pour lutter Des actions s’attaquant aux séparément contre l’obésité, la sous- facteurs sociaux, politiques, socio- nutrition ou le changement climatique économiques et commerciaux ont été lentes et inadéquates. Cette sous-jacents de la syndémie des inertie politique a plusieurs causes et trois pandémies sont nécessaires. découle, entre autres, de la réticence Nombre des recommandations des décideur·euse·s politiques à internationales actuelles visant à mettre en œuvre des politiques réduire l’obésité et la sous-nutrition efficaces, de la forte opposition sont également bénéfiques pour exercée par les intérêts commerciaux l’atténuation du changement et de l’insuffisance de la demande de climatique et l’adaptation à celui-ci, changement de la part du public et et vice versa. Ces actions sont alors de la société civile. La sous-nutrition appelées « à effet double » ou « à effet diminue beaucoup trop lentement triple » car elles peuvent influencer pour atteindre les objectifs mondiaux, plusieurs pandémies en même 16
TABLEAU 1 : Actions « à effet double » et « à effet triple » pour faire face à la syndémie des trois pandémies ACTION POLITIQUE SOUS-NUTRITION OBÉSITÉ CHANGEMENT CLIMATIQUE Réduction de la consomma- Des régimes alimentaires Réduction des émission Plus de terres pour tion de viande (via des taxes, plus sains pour prévenir de gaz à effet de serre une agriculture efficace l’étiquetage, des campagnes le cancer et les maladies de l’agriculture et durable de sensibilisation, etc.) cardiovasculaires Élaboration et mise en œuvre Augmentation du nombre Promotion de produits de recommandations pour de femmes qui allaitent, alimentaires plus sains et Diminution de la demande des régimes alimentaires facilitation de l’accès à une dissuasion à l’égard des d’aliments moins durables sains et durables alimentation saine produits malsains Restrictions sur la Respect des droits de Législation sur le Sécurité alimentaire commercialisation d’aliments l’enfant ; inclusion « droit au bien-être » pour tou·te·s malsains et des substituts des générations futures du lait maternel dans la politique Limitation des influences du Réduction de l’opposition aux Réduction de l’opposition aux secteur marchand sur l’élabo- Réduction de la corruption mesures politiques mesures politiques recommandées recommandées pour créer ration des politiques (limita- et de la pauvreté pour réduire les émissions un environnement alimentaire tion des conflits d’intérêts) de gaz à effet de serre plus sain Rendre durables les Des transports moins chers, Réduction des émissions systèmes de transport (via un meilleur accès à une Plus d’activité physique, de gaz à effet de serre dues les infrastructures, les taxes, alimentation saine pour les moins de sédentarité aux transports les campagnes, etc.) groupes vulnérables 17
TABLEAU 2 : Actions des différents acteurs pour faire face à la syndémie des trois pandémies • Réduire la pauvreté et les inégalités au niveau national pour diminuer le tribut de la syndémie des pandémies, qui pèse de façon disproportionnée sur les personnes les plus vulnérables et les pays pauvres. La mise en œuvre de l’objectif 1 (ODD1) des objectifs de développement durable est cruciale à cet égard. • Mettre pleinement en œuvre les conventions relatives aux droits humains afin de protéger les populations vulnérables, et développer des actions visant à créer un envi- ronnement sain et actif pour tou·te·s. Intégrer les droits reconnus en droit international, y compris le droit à la santé et le droit à l’alimentation, les droits culturels, les droits de l’enfant et le droit implicite à un environnement sain, dans les constitutions nationales sous le concept unificateur de « droit au bien-être » [pour le cas de la Belgique, voir arti- cle n°4, par Manuel Eggen]. • Réduire l’influence des intérêts commerciaux dans l’élaboration des actions politiques AUTORITÉS LOCALES afin de permettre aux gouvernements de mettre en œuvre des politiques dans l’intérêt de ET NATIONALES la santé publique, de l’égalité et de la durabilité de la planète. • Éliminer les subventions pour les produits qui contribuent à la syndémie des pan- démies (par exemple, les subventions gouvernementales existantes pour le bœuf, les produits laitiers, le sucre, le maïs, le riz et le blé ; les subventions pour les combustibles fossiles) et les réorienter vers l’agriculture et l’énergie durables, les moyens de transport durables et les produits alimentaires sains. • Fournir aux consommateur·rice·s des informations claires sur l’impact des produits alimentaires sur la santé et l’environnement afin de leur permettre de faire des choix éclairés. • Imputer directement les coûts des dommages causés à la santé et à l’environnement par les processus commerciaux et les produits au lieu de les répercuter sur les con- tribuables ou les générations futures. 18
• Établir des coalitions civiles pour défendre des politiques spécifiques, par exemple : une alimentation saine dans les écoles [pour le cas de la Colombie, voir article n°13, par Hernando Salcedo Fidalgo et Ingrid Paola Romero Nino], des infrastructures de transport LA SOCIÉTÉ CIVILE public, la limitation des influences commerciales sur l’élaboration des politiques et l’in- clusion claire des droits humains dans la législation. • Un suivi et une cartographie clairs des actions des différents acteurs pour stimuler de nouvelles actions. • Utilisation de l’aide au développement et des prêts comme mécanisme pour encourager les actions « à effet double » ou « à effet triple ». LES BAILLEURS • Développement d’un « Fonds alimentaire » mondial pour soutenir les efforts des organisations de la société civile afin d’accroître la pression pour créer des systèmes DE FOND alimentaires sains, durables et équitables. • Création d’un « Fonds des sept générations » basé sur le concept iroquois afin que les connaissances des peuples indigènes puissent être prises en compte dans l’élaboration des politiques de promotion de la santé, de l’égalité et de la durabilité environnementale. • Établir une convention-cadre sur les systèmes alimentaires en tant que cadre juridique complet pour encourager les gouvernements nationaux à créer des systèmes ORGANISATIONS alimentaires qui favorisent la santé, l’équité et la durabilité environnementale [pour le INTERNATIONALES cas des Directives sur les systèmes alimentaires et la nutrition, voir article n°15, par Isa Álvarez Vispo]. Une telle convention devrait s’attaquer aux conflits d’intérêts des grandes entreprises alimentaires, à l’instar de la Convention contre le tabagisme (Framework Convention on Tobacco Control). 19
3. Se nourrir lorsqu’on est pauvre : « low cost » et politiques de courte vue Par Olivier De Schutter, professeur à l’Université catholique de Louvain. Ancien Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation (2008-2014) et Rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté et les droits humains depuis mai 2020. Il co-préside le Panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food). Alors que la Belgique et les Etats LIENS ENTRE PAUVRETÉ pour un couple avec deux enfants, membres de l’UE se sont engagés à ET MALNUTRITION et un quart des ménages belges (et réduire le nombre de personnes en 38 % à Bruxelles ou en Wallonie) risque de pauvreté pour 2020, les En 2010, au moment de lancer la ne pourraient faire face à une chiffres de la pauvreté diminuent stratégie « Europe 2020 » pour « une dépense imprévue. Les chiffres sont croissance intelligente, durable et particulièrement élevés à Bruxelles, peu. Or, c’est d’abord sur les achats inclusive », les Etats membres de où plus d’un ménage sur cinq est en alimentaires que les ménages les l’Union européenne (UE) s’étaient situation de « privation matérielle et plus précaires tentent d’écono- engagés à réduire de 20 millions le sociale » – c’est-à-dire doit renoncer miser. Ces familles subissent alors nombre de personnes en risque de à certaines dépenses jugées une « double peine » : les produits pauvreté pour 2020. A l’arrivée, nous essentielles à une vie décente – 1. les moins sains étant les moins sommes loin du compte: selon les chers, elles n’ont accès qu’à des dernières statistiques disponibles de Or, c’est d’abord sur les achats produits de mauvaise qualité nu- l’agence européenne de statistiques alimentaires, seul poste du budget du tritionnelle, et, parallèlement, souf- Eurostat, portant sur l’année 2018, ménage relativement compressible, frent de ne pas pouvoir suivre les 110 millions de personnes étaient que les ménages les plus précaires encore en risque de pauvreté ou tentent d’économiser. Et quand recommandations nutritionnelles d’exclusion sociale dans l’UE des même cela ne suffit plus, ils se bonnes pour leur santé. Face à ce 28 (incluant le Royaume-Uni), une tournent en dernier recours vers les constat, il est temps de remettre en diminution d’à peine 8 millions organisations caritatives. Dans toute question l’alimentation « low cost » par rapport à l’année 2010 qui, l’Europe, l’on s’habitue à ce que les et de replacer l’alimentation comme pourtant, se situait au pic de la banques alimentaires fassent partie élément central de notre culture. crise économique et financière de du paysage de la protection sociale : 2008-2010. Plus d’un cinquième de en Belgique même, le recours à la population européenne (21,8 %) l’aide alimentaire a augmenté de est donc vulnérable, à peine 2 % de 17,3% entre 2013 et 20162, et ce sont moins qu’au moment où la stratégie aujourd’hui 450.000 personnes qui y « Europe 2020 » était inaugurée. En ont recours. Belgique, une personne sur sept vit en-dessous du seuil de pauvreté, fixé 1 Les chiffres sont de 21,5% à Bruxelles, de à 1.139 euros nets par mois pour 15,3% en Wallonie et de 6,6% en Flandre. 2 http://www.luttepauvrete.be/chiffres_ban- une personne seule et 2.392 euros ques_alimentaires.htm 20
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