Transnistrie : territoire stratégique dans la guerre OTAN/Russie

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Transnistrie : territoire stratégique dans la guerre OTAN/Russie
Transnistrie : territoire
stratégique dans la guerre
OTAN/Russie
par Alexandre Keller.

Depuis le 24 avril, la Transnistrie est la cible d’une série
d’attaques terroristes qui a frappé la République moldave de
Pridnestrovie (PMR).

L’Empire américain jette toutes les forces de ses vassaux pour
conjurer la chute d’Odessa et une jonction russe allant du
Donbass jusqu’à la Roumanie. Avec l’objectif, de moins en
moins réalisable, de briser la puissance russe en la privant
d’accès à la mer Noire, l’OTAN s’emploie à déstabiliser la
Transnistrie, la Moldavie et la Roumanie. Or, dans cette
région, le chargé de mission se trouve être la France,
subordonnée à l’Union européenne et à l’Alliance atlantique.
Mais, intérêts vitaux obligent, la Russie ne laissera pas
faire.

Officiellement « République moldave de Pridnestrovie » (RMP),
non reconnue par les grandes puissances occidentales et l’ONU,
cette mince bande de terre est une zone tampon entre la
Moldavie et l’Ukraine. En clair, désormais : entre l’OTAN et
la Russie. La Moldavie est un verrou majeur pour les axes
routiers stratégiques, alors que l’Alliance cherche à
alimenter le conflit depuis la Roumanie. Mais, sur son chemin,
l’OTAN se heurte à la Transnistrie, portion de Moldavie
sécessionniste et tournée vers la Russie.

La séquence de déstabilisation a commencé le 24 avril, quand
le bâtiment du ministère de la Sécurité d’État de la RMP a été
pris pour cible de tirs de lance-grenades à main. Le
lendemain, un groupe de sabotage ukrainien, repéré par des
caméras de vidéosurveillance selon la RMP, a fait sauter deux
Transnistrie : territoire stratégique dans la guerre OTAN/Russie
antennes du centre radio régional du village de Mayak qui
relayaient les radios russes, dans la région de Grigoriopol.

Depuis, les incidents se multiplient en Transnistrie, mince
territoire de 10 kilomètres de large et 450 de longueur, pris
entre Ukraine et Moldavie. Le 27 avril, la RMP a rapporté des
incursions de drones ukrainiens. Des entrepôts de munitions
dans la localité de Kolbasna ont été ciblés. En manque
dramatique de munitions, l’armée de Kiev semble résolue à soit
mettre la main sur les entrepôts en Transnistrie, soit à les
détruire.

L’OTAN, prêt à embraser la Roumanie et la Moldavie
Aussi, Washington et ses vassaux tentent d’ouvrir un second
front dans la région. L’Alliance craint une jonction de la
Transnistrie avec la partie littorale du sud de l’Ukraine sous
contrôle des forces russes. Et par-dessus tout, l’OTAN cherche
à, sinon prévenir, du moins ralentir une conquête de la ville
d’Odessa par l’armée russe, à une cinquantaine de kilomètres
de la frontière avec la Transnistrie. Si Odessa tombait, outre
le symbole et le démenti sévère au narratif occidental selon
lequel l’armée russe serait tenue en échec par le régime de
Kiev, la Russie pourrait sécuriser une portion de territoire
ukrainien, la « Novorossiya », allant grosso modo de Kharkov à
la Transnistrie.

Pour les Occidentaux, il y a donc urgence, d’autant que
l’encerclement et l’écrasement final des lambeaux de l’armée
de Kiev sur le front du Donbass se précisent jour après jour.
Et l’OTAN accélère et pousse l’agenda d’une réunification («
uniria ») de la Moldavie déjà sous contrôle et de Roumanie.
Parlant des appels de certains politiciens moldaves, agents de
l’OTAN, à l’unification avec la Roumanie, le ministre des
Affaires étrangères de la Transnistrie, Vitaly Ignatiev a
souligné que « de facto, la soi-disant uniria de la Moldavie
et de la Roumanie a déjà eu lieu au moins aux niveaux
militaire et politique, socio-éducatif et juridique. Il ne
reste littéralement à régler que quelques dernières formalités
».

« Le territoire de la République de Moldavie est sous le
contrôle de l’OTAN. La neutralité militaropolitique déclarée
de la Moldavie est une fiction », a-t-il analysé le 1er mai.
Depuis 2006, il existe en effet déjà trois centres permanents
de l’OTAN en République de Moldavie.

Un plan de partenariat Moldavie-OTAN est en cours, avec une
mise à jour en 2022. Pour 2020-2030, l’armée nationale de la
République de Moldavie a lancé une deuxième étape
d’accélération de l’intégration, avec notamment de la
modernisation complète selon les normes de l’OTAN. Comme
ailleurs, la mise en conformité des armées est l’indicateur
par excellence de la bascule d’un pays dans l’Alliance.

L’enjeu géopolitique majeur de la mer Noire
« Ce nouveau conflit en Ukraine en 2022, démontre que la mer
Noire reste l’un des centres de gravité géopolitique majeurs
de la Russie, enjeu central dans la nouvelle configuration
internationale de la rivalité des puissances », note le
géopoliticien Pierre-Emmanuel       Thomann    sur   son   site
eurocontinent.eu :

« À l’échelle temporelle pluriséculaire, il s’agit pour les
puissances maritimes, aujourd’hui les États-Unis et l’OTAN,
hier l’Angleterre, de restreindre l’accès de la Russie aux
océans mondiaux », rappelle-t-il. « D’où l’épicentre de cette
crise en Ukraine sur les bords de la mer Noire. L’Ukraine est
le champ de bataille européen de la rivalité entre les États-
Unis et ses alliés de l’OTAN d’une part, et la Russie, d’autre
part ».

« La mer Noire est la voie d’accès stratégique pour la Russie
à la Méditerranée, et donc les océans Atlantique et Indien. La
Crimée et le port militaire de Sébastopol facilitent l’accès
de la flotte russe vers les détroits du Bosphore et
Dardanelles, et au-delà, vers la Méditerranée avec le port de
Tartous en Syrie, vers l’Atlantique et vers la mer Rouge par
le canal de Suez. Cet enjeu géopolitique était déjà primordial
au XIXe lors de la guerre de Crimée (1853-1856) lorsque les
Britanniques et les Français, alliés à l’Empire ottoman, ont
cherché à bloquer la poussée russe vers les mers chaudes ».
Un renversement de la mappemonde pour adopter une vision
russe, plutôt que centrée sur l’Europe, révèle la mer Noire
comme une sorte de grand lac dans l’« île monde », selon le
concept de Paul Kennedy, de la masse eurasiatique. Pour
détruire la Russie, l’Empire a besoin de conquérir tout à la
fois l’Ukraine et la mer Noire, conformément à l’analyse de
bigniew Brzeziński. En 1997, dans son ouvrage Le grand
échiquier que tous les néoconservateurs et faucons du Project
for a New American Century (PNAC) ont lu et intégré, le très
influent conseiller et théoricien de l’impérialisme états-
unien préconisait : « Sans l’Ukraine, la Russie cesserait
d’être un empire eurasien ». L’Ukraine, donc la mer Noire, la
mer Noire, donc l’Ukraine, l’Ukraine et la mer Noire…

La France, soldat de l’Empire
« La France est plus que jamais aux côtés de la Moldavie face
au risque de déstabilisation qu’elle affronte », a déclaré le
porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, le 28 avril.

Et de réciter en point presse, avec une certaine maîtrise de
l’inversion accusatoire : « Depuis le premier jour de cette
guerre, nous soutenons pleinement la souveraineté et la
stabilité, la sécurité énergétique et l’intégrité territoriale
de la Moldavie. Nous avons déjà avec nos partenaires européens
apporté une aide économique massive, mais aussi dépêché une
aide humanitaire pour l’accueil des réfugiés et une aide
énergétique pour renforcer l’approvisionnement en Moldavie.
Nous les soutiendrons encore davantage s’il le faut évidemment
».

Selon une transcription du Pentagone du 18 avril 2022, le
secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a demandé à
son subordonné, le ministre roumain Vasile Dincu de faire le
point sur le groupement tactique de l’OTAN que la France met
en place à l’embouchure du Danube, alors que la Roumanie est
un membre de l’Alliance atlantique.

Le 6 mars, la ministre de la Défense Florence Parly se rendait
dans la base militaire roumaine de l’OTAN au nord-ouest de
Constanța, près de la frontière avec l’Ukraine. Le 29 avril,
en amont du prochain sommet de l’OTAN, la Française exhortait
« l’Europe » à intensifier son effort de guerre. En ce moment,
plus de 500 soldats français, et environ 300 belges, sont
présents sur le champ de tir roumain de Cincu, rapporte
Euronews le 2 mai.
Des véhicules blindés et une dizaine de soldats français
prennent d’assaut les positions ennemies… Pour s’entraîner.Un
exercice à balles réelles, dans l’une des plus grandes zones
d’entraînement roumaines. Ils ont notamment testé des tirs de
mortier, des tirs de missiles antichars, des fusils et des
mitrailleuses.

Le partage des tâches se précise donc : l’Allemagne et le
proxy Pologne pour la Galicie, à l’Ouest de l’état composite
ukrainien ; le Royaume-Uni pour la frontière Est de l’OTAN ;
et la France, chargée de mission pour la Roumanie. Considérant
l’importance majeure géopolitique de la mer Noire, c’est la
France qui s’expose plus que jamais à être le premier pays à
franchir une des « lignes rouges » tracées par le Kremlin.

Pour tuer dans l’œuf les projets de l’OTAN, l’armée russe a
fait sauter des ponts et bombarder les axes routiers et voies
ferrées entre la Moldavie et l’Ukraine, coupant l’alimentation
logistique du conflit par les Occidentaux depuis leur base
roumaine. Une forme, aussi, d’avertissement, alors qu’une
annexion par la Roumanie ferait de la Moldavie, et en cascade
de la Transnistrie non reconnue, des territoires couverts de
plein droit par la charte de l’OTAN. Avec un risque accru de
conflagration générale.

source : Strategika
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