Troubles bipolaires: mise à jour 2019 - Swiss Medical Forum
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RECOMMANDATIONS 537 Recommandations thérapeutiques de la Société Suisse des Troubles Bipolaires (SSTB) Troubles bipolaires: mise à jour 2019 Prof. Dr méd. Gregor Hasler a , Prof. Dr méd. Martin Preisig b , Prof. Dr méd. Thomas J. Müller c , Prof. Dr méd. Wolfram Kawohl d , Prof. Dr méd. Jean-Michel Aubry e , Prof. Dr méd. Waldemar Greil f a Freiburger Netzwerk für Psychische Gesundheit, Universität Freiburg, Schweiz; b Centre hospitalier universitaire vaudoise (CHUV) et Université de Lausanne, Département de psychiatrie; c Privatklinik Meiringen, Meiringen; d Klinik für Psychiatrie und Psychotherapie, Psychiatrische Dienste Aargau AG; e Service des spécialités psychiatriques, Département de psychiatrie, Hôpitaux universitaires de Genève; f Sanatorium Kilchberg, Privatklinik für Psychiatrie und Psychot herapie, Kilchberg done. Une association entre un stabilisateur de l’hu- Ce document de consensus a été élaboré en collaboration avec meur ou un agent antimaniaque (par ex. le lithium la Société Suisse de Psychiatrie et Psychothérapie (SSPP). Il s’agit d’une mise à jour des recommandations thérapeutiques ou un antipsychotique atypique) et la lamotrigine de 2011 et 2015 [1, 3]. ou un antidépresseur, principalement les ISRS ou le Les articles de la rubrique «Recommendations» ne reflètent pas bupropion, est également recommandée. nécessairement l’opinion de la rédaction du FMS. Les contenus – Recommandés comme médicaments de première relèvent de la responsabilité de la société professionnelle ou du intention pour la prévention des récidives: lithium, groupe de travail soussignés. quétiapine, lamotrigine (cette dernière principale- ment pour la prévention des épisodes dépressifs), aripiprazole (pour la prévention des épisodes ma- L’essentiel en bref niaques), olanzapine, valproate, asénapine, associa- – Les troubles bipolaires – autrefois également appe- tion lithium plus valproate, ainsi qu’associations lés maladie maniaco-dépressive – sont des troubles lithium ou valproate plus quétiapine. L’aripiprazole psychiatriques récidivants sévères qui, non traités, et la rispéridone sont recommandés en association peuvent entraîner de graves préjudices sociaux, une avec un stabilisateur de l’humeur. invalidité et des changements neurotrophiques au – Afin d’éviter les effets indésirables, un contrôle soi- niveau du cerveau. gneux des facteurs de risque avant l’initiation du – Les objectifs du traitement sont la rémission des traitement ainsi que des contrôles de laboratoire symptômes durant les phases aiguës de la maladie, réguliers pendant le traitement sont essentiels pour la prévention des récidives et la neuroprotection. assurer la sécurité d’un traitement médicamenteux – Afin d’obtenir un résultat thérapeutique optimal, aigu et de longue durée. En raison de son potentiel et ce malgré l’efficacité solidement démontrée des tératogène, le valproate doit être évité chez les traitements pharmacologiques, des approches thé- femmes en âge de procréer. rapeutiques psychosociales – incluant la psycho – Les prescriptions «off-label» de psychotropes sont éducation individuelle et collective, ainsi que l’in très fréquentes en Suisse. Des substances nouvelles tégration de l’entourage et, si besoin, l’emploi et éprouvées, qui sont recommandées dans les assisté – sont e ssentielles en complément. lignes directrices internationales pour le traitement – En termes de mesures psychothérapeutiques accom- de première intention des troubles bipolaires, ne pagnantes, la thérapie cognitivo-comportementale et sont pas autorisées en Suisse pour cette indication. la thérapie interpersonnelle et du rythme social pré- Les substances pour lesquelles il n’existe pas d’indi- sentent la meilleure preuve d’efficacité. cation selon Swissmedic sont marquées par un *. – En ce qui concerne le traitement de la manie aiguë, Lors de la prescription de telles substances, il est es- les recommandations thérapeutiques préconisent sentiel d’informer le patient de l’utilisation «off-la- comme traitements de première intention la mono- bel». Cette information doit être documentée. Par thérapie par le lithium, le valproate ou divers anti- ailleurs, il faut tenir compte du fait que les doses ne psychotiques atypiques. En raison de leur efficacité correspondent pas toujours aux informations particulièrement prononcée, les associations entre Swissmedic pour d’autres indications. Par exemple, un stabilisateur de l’humeur (lithium, valproate) et la lurasidone et la cariprazine sont administrées à un antipsychotique atypique sont proposées comme une dose plus faible pour le traitement du trouble traitements de première intention. bipolaire que pour le traitement de la schizophré- – Dans le cadre de la dépression bipolaire, la mono- nie. L’acide valproïque est quant à lui le plus souvent thérapie par quétiapine présente les meilleures administré à une dose plus élevée pour les troubles preuves d’efficacité, suivie du lithium et de la lurasi- bipolaires que pour l’épilepsie. 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Recommandations 538 Considérations générales – Les études avec «enrichissement du plan» (où sont examinés uniquement des patients ayant déjà ré- La Société Suisse de Psychiatrie et Psychothérapie pondu à la substance testée avant la période d’étude) (SSPP) a chargé la Société Suisse des Troubles Bipolaires faussent la comparaison des médicaments en faveur (SSTB) d’élaborer des recommandations thérapeutiques de la substance à l’étude. relatives aux troubles bipolaires. Depuis la mise à jour – Il n’existe aucune méthode standardisée destinée à 2015 [3], de nouvelles études et méta-analyses perti- pondérer les effets indésirables. Néanmoins, le choix nentes ainsi que des révisions des recommandations du traitement ne devrait pas s’orienter uniquement thérapeutiques du «Canadian Network for Mood and en fonction des preuves d’efficacité, mais être le Anxiety Treatments» (CANMAT) et de la «International résultat d’une évaluation soigneuse du rapport Society for Bipolar Disorders» (ISBD), qui sont d’une risque-bénéfice. grande qualité méthodologique, ont été publiées [4]. – Pour des groupes spécifiques de patients (par ex. Pour cette raison, la SSPP a chargé la SSTB de publier femmes enceintes) ou des patients présentant des une version révisée des recommandations thérapeu- comorbidités somatiques spéciales, la recomman- tiques suisses. dation peut s’écarter des preuves générales. Afin de limiter le volume des recommandations, ces dernières ne contiennent que le premier choix du trai- Aperçu du traitement des troubles tement et aucune proposition en cas d’échec des traite- bipolaires ments de première intention. L’ordre dans lequel les substances préconisées sont listées reflète les recom- Le traitement des troubles bipolaires comprend plu- mandations des auteurs. Les situations spéciales concer- sieurs éléments (Assessment, Care, Treatment [ACT]) nant certaines formes thérapeutiques sont signalées coordonnés entre eux [5]. dans les notes de bas de page. Au départ, un bilan (Assessment) est réalisé, incluant Les recommandations reposent sur des études scienti- l’estimation des risques, l’examen psychiatrique y fiques et des directives internationales et ne corres- compris somatique, des examens de laboratoire, ainsi pondent pas obligatoirement aux recommandations que l’indication de mesures immédiates. d’indication du Compendium Suisse des Médicaments. L’accompagnement (Care) inclut l’établissement d’une Lors de chaque prescription, le patient doit être informé alliance thérapeutique partenaire, l’intégration de de l’utilisation «off-label», c.-à-d. d’éventuelles diver- l’entourage familial, la psychoéducation et la recon- gences par rapport aux données du Compendium. naissance de signes d’alerte précoces. L’évaluation de l’évidence scientifique des options de Lors du traitement (Treatment) du trouble bipolaire, il est traitement médicamenteux a été effectuée selon les admis que le traitement réprime les symptômes, em- critères suivants: pêche leur réapparition et agit de manière neuroprotec- – Niveau 1: méta-analyse ou 2 études randomisées, en trice. Pour le traitement de troubles affectifs récidivants, double aveugle, contrôlées contre placebo. la distinction est faite entre traitement aigu, traitement – Niveau 2: au moins 1 étude randomisée, en double de continuation et prévention des récidives (fig. 1). aveugle, contrôlée contre placebo ou comparateur Lorsque la médication est arrêtée après un traitement actif. réussi des symptômes aigus (traitement aigu) avant – Niveau 3: étude prospective non contrôlée avec au que, conformément à l’évolution naturelle de la mala- moins 10 sujets test. die, la phase de maladie ne disparaisse complètement, Le niveau de preuve est indiqué entre parenthèses il faut s’attendre à une résurgence des symptômes (re- après chaque recommandation, par ex. (2). chute, angl. «relapse»). Le traitement médicamenteux Les recommandations thérapeutiques ne sont déli doit être poursuivi jusqu’à ce que (hypothétiquement) bérément pas identiques aux preuves scientifiques, car la phase de maladie ait disparu même sans traitement. celles-ci ne constituent pas une grandeur absolue ob- C’est ce que nous nommons «traitement de continua- jective. Cela est illustré pas les exemples suivants: tion», dérivé du terme «continuation treatment». – La pharmacothérapie fait l’objet de plus de recherches Les recommandations thérapeutiques du CANMAT et que la psychothérapie. de l’ISBD ne prévoient pas une telle subdivision en trai- – Les substances brevetées sont davantage étudiées tement de continuation et prévention des récidives, que les substances dont le brevet a expiré. puisque que cette séparation n’existe que théorique- – Il n’existe guère d’études relatives à la prévention de ment et la transition est progressive dans la pratique longue durée avec une période d’observation suffi- [4]. Une telle distinction peut toutefois être utile lors sante. qu’il est expliqué aux patients pourquoi la poursuite SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2019;19(33–34):537–546 Published under the copyright license “Attribution – Non-Commercial – NoDerivatives 4.0”. No commercial reuse without permission. 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Recommandations 539 sommeil, augmentation des activités). La prise en charge s’attelle aussi à la gestion des contraintes que la maladie occasionne pour les proches. Au demeurant, l’adhérence médicamenteuse revêt une importance centrale. Une perspective à long terme est décisive pour le trai- tement des troubles bipolaires, puisqu’il s’agit d’une maladie chronique, potentiellement à vie. Des études réalisées sur des jumeaux suggèrent que le trouble est en grande partie d’origine génétique. Toutefois, des facteurs sociaux et psychologiques relevant d’interac- tions gène-environnement et de l’épigénétique jouent un rôle clé pour le déclenchement et l’évolution des troubles [6, 7]. C’est pourquoi une approche thérapeu- tique bio-psycho-sociale sous forme de modèle inté- gré de «Collaborative Care» est recommandée [4]. Ce modèle a pour but d’inclure la collaboration de diffé- rents experts et divers programmes thérapeutiques (par ex. psychothérapie, traitement médicamenteux, Figure 1: Phases du traitement des troubles bipolaires. Conformément à la dénomina- «lifestyle-coaching», programmes nutritionnels, sport tion anglaise «continuation treatment», il a été proposé de remplacer le terme «traite- et contrôle de paramètres métaboliques). ment d’entretien» par «traitement de continuation» (modifié d’après: Greil & Giersch. Stimmungsstabilisierende Therapien. Thieme; 2006). Psychoéducation et psychothérapie du traitement est nécessaire à court et plus long terme, Mesures psychosociales basées sur les preuves même après la disparition des symptômes. Psychoéducation (y compris pour les proches) Traiter dans les deux directions Psychoéducation de groupe L’une des particularités du traitement des troubles bipo- Programmes de psychoéducation basés sur internet Psychothérapie laires réside dans le fait que la maladie, comme son nom – Thérapie cognitivo-comportementale l’indique, présente deux pôles. Les pôles s’opposent l’un à – Thérapie interpersonnelle et du rythme social l’autre à de nombreux égards et nécessitent chacun leur – Thérapie focalisée sur la famille propre stratégie thérapeutique. Pour la manie, le traite- Thérapie cognitive basée sur la pleine conscience Emploi assisté ment médicamenteux se trouve au premier plan. Concer- nant la dépression bipolaire, des interventions psy Au début du traitement, il convient toujours d’avoir re- chothérapeutiques et médicamenteuses doivent être cours à des éléments thérapeutiques psychoéducatifs employées dès le début. Sur le plan psychothérapeutique, [4] afin d’obtenir l’observance du patient («fidélité au des stratégies de thérapie cognitivo-comportementale et traitement»). En effet, le manque d’observance contri- interpersonnelle – c’est-à-dire la mise en place d’activités bue de manière décisive à des taux élevés de récidive. positives, les modifications des cognitions et du compor- Les raisons d’un manque d’observance sont avant tout tement interhumain, ainsi que l’intégration des proches – les effets indésirables effectifs ou redoutés des médica- se sont avérées particulièrement efficaces. En termes de ments, le manque de prise de conscience de la maladie traitement des épisodes mixtes, il n’existe pour l’instant durant les phases maniaques et hypomaniaques ou que peu de données fiables. L’introduction dans le DSM-5 encore une conception dysfonctionnelle de la maladie de la spécification «Avec caractéristiques mixtes» a pour par le patient [8]. L’observance peut être améliorée but d’encourager la recherche dans ce domaine. grâce à la psychoéducation ou à diverses approches Pour la prévention des épisodes maniaques et dépressifs psychothérapeutiques, ce qui s’est avéré efficace en ultérieurs, la thérapie du rythme social et la thérapie fo complément de la pharmacothérapie [9, 10]. calisée sur la famille sont des interventions psychothé D’une manière générale, les meilleures preuves d’effica- rapeutiques essentielles. Cela englobe la rythmisation cité des interventions psychosociales sont disponibles circadienne, la détection des signes d’alerte précoces et pour la prévention des rechutes, suivie de la dépression la réaction à ces signes d’alerte précoces. Ces derniers bipolaire. Des preuves font défaut pour les épisodes peuvent être très différents en fonction des individus maniaques [11, 12]. La psychoéducation ne semble pas (typiquement en cas de manie: diminution du besoin de être efficace dans les phases aiguës de la maladie. SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2019;19(33–34):537–546 Published under the copyright license “Attribution – Non-Commercial – NoDerivatives 4.0”. No commercial reuse without permission. See: http://emh.ch/en/services/permissions.html
Recommandations 540 Au cours des dernières années, divers auteurs ont éla- souffrant de psychoses bipolaires affectives et schizo- boré différents programmes psychoéducatifs. La dis- phréniques [22, 23]. L’efficacité de l’IPS dans les condi- tinction est faite entre les approches visant l’inter tions du marché du travail suisse est démontrée [24]. vention individuelle et les approches destinées à l’utilisation en groupes pour les personnes concernées Traitement médicamenteux et pour le praticien. La psychoéducation des proches peut diminuer le risque de rechute (principalement des Traitement aigu de la manie phases hypomaniaques/maniaques) [13] et est particu- lièrement efficace chez les patients ayant peu conscience Traitement aigu de la manie de la maladie. De premiers résultats indiquent que la Monothérapies psychoéducation basée sur internet en complément du Lithium (1)a, valproate / valproate LP (1)b, olanzapine (1)c, rispé- traitement psychosocial conventionnel peut réduire les ridone (1)c, quétiapine / quétiapine LP (1)c, aripiprazole (1), asé- symptômes dépressifs résiduels et améliorer la qualité napine (1), palipéridone LP* (1), cariprazine* (2) de vie [14, 15]. Pour toutes ces méthodes, la relation thé- Traitements combinés rapeutique, l’empathie et la surveillance des symptômes Lithium ou valproate + quétiapine (1) sont des facteurs d’efficacité majeurs [4]. Lithium ou valproate + rispéridone (1) Outre la psychoéducation, diverses formes de psycho- Lithium ou valproate + olanzapine (2) thérapie se sont avérées efficaces [16]. La thérapie cogni- Lithium ou valproate + aripiprazole (2) Lithium ou valproate + asénapine (2) tivo-comportementale, la thérapie interpersonnelle et du rythme social, et la thérapie focalisée sur la famille (1), (2) = niveau de preuve scientifique; augmentent la probabilité de guérison, réduisent le dé- * non autorisé en Suisse dans cette indication; lai jusqu’à la guérison et améliorent les compétences a principalement favorable en termes de traitement de longue interpersonnelles et la satisfaction de vie [17]. Les en- durée b déconseillé chez les femmes en âge de procréer traînements cognitifs spéciaux et psychothérapies c déconseillé en cas de risques de troubles métaboliques spécifiques, qui augmentent le niveau fonctionnel gé- néral, semblent convenir particulièrement bien aux Dans le traitement de la manie, il est essentiel d’éva- stades avancés de la maladie [18]. De nouvelles mé- luer le risque de mise en danger de soi et d’autrui et ta-analyses en réseau montrent que la formation et le d’exclure une intoxication. Le traitement par antidé- soutien des proches comptent parmi les interventions presseurs devrait être interrompu. psychosociales les plus efficaces [19]. De plus en plus de Ces dernières années, des études contrôlées ont per- preuves indiquent que les approches psychothérapeu- mis de démontrer l’efficacité de divers antipsycho- tiques axées sur la pleine conscience et la guérison tiques atypiques dans le traitement de la manie aiguë. sont appropriées pour la prévention des rechutes et L’efficacité de la rispéridone, de l’olanzapine, de la qué- l’amélioration de la qualité de vie [12, 15]. tiapine, de l’aripiprazole, de la ziprasidone, de l’aséna- L’emploi assisté est une méthode de réhabilitation au pine et de la cariprazine a été particulièrement bien travail de malades psychiques, visant à la réinsertion examinée [4, 25]. La cariprazine est cependant unique- dans le premier marché du travail et/ou au maintien ment autorisée en Suisse pour le traitement de la des relations de travail à l’aide d’un coach profession- schizophrénie. Concernant l’asénapine, il est recom- nel. Contrairement aux mesures d’entraînement et de mandé en Suisse que le traitement initial soit générale- préparation à la réhabilitation traditionnelles, le tra- ment mis en œuvre dans le contexte stationnaire. Cela vail n’est pas uniquement considéré comme l’objectif est justifié par le fait qu’en raison de la faible biodispo- de réhabilitation, mais comme un outil réhabilitatif nibilité après l’ingestion des comprimés et du manque à proprement parler. La méthode d’emploi assisté la d’efficacité potentiel qui en résulte, des contrôles de mieux étudiée est le «Individual Placement and Sup- la prise et de l’évolution sont nécessaires. Les recom- port» (IPS). La méthode se base sur des preuves, les ré- mandations de dosage des antipsychotiques atypiques sultats étant issus de plusieurs études randomisées pour le traitement de la manie correspondent à celles contrôlées et de méta-analyses [20, 21]. Ces méta-ana- du traitement de la schizophrénie. lyses contiennent des résultats relatifs à l’IPS chez des L’encadré «Traitement aigu de la manie» ci-dessus ne sujets atteints de maladies psychiques sévères, notam- signifie pas que la monothérapie doit être privilégiée ment de troubles bipolaires. Par ailleurs, au-delà du par rapport au traitement combiné. Il pourrait exis- maintien des relations de travail ou de la réinsertion ter de bonnes raisons de ne pas tenter chacune des professionnelle, une amélioration des symptômes psy- substances administrées en monothérapie avant de chopathologiques a été démontrée chez les patients débuter un traitement combiné. L’anamnèse médica- SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2019;19(33–34):537–546 Published under the copyright license “Attribution – Non-Commercial – NoDerivatives 4.0”. No commercial reuse without permission. See: http://emh.ch/en/services/permissions.html
Recommandations 541 menteuse, la sévérité de la manie, l’urgence (les trai- Diverses directives internationales recommandent le tements combinés ont tendance à agir plus rapide- recours à l’antipsychotique atypique quétiapine ou qué- ment que les monothérapies) et la préférence des tiapine à libération prolongée comme stratégie de pre- patients sont des facteurs essentiels dans le choix du mière intention pour le traitement d’une dépression nombre de médicaments. En cas de manies sévères, dans le cadre de troubles bipolaires (dépression bipo- le lithium et le valproate en association avec un anti- laire) [4, 29, 30]. En cas de dépression bipolaire, la quétia- psychotique atypique se sont avérés particulière- pine présente, à une dose de 300 mg, une nette efficacité ment efficaces [26]. antidépressive [31–34]. Une dose plus élevée, par ex. de Le lithium a présenté une bonne efficacité antima- 600 mg, n’a pas montré de meilleure efficacité [4]. niaque, comme le prouvent diverses études contrôlées Par ailleurs, les stabilisateurs de l’humeur lithium et et une méta-analyse [27]. Il y avait une efficacité su lamotrigine sont suggérés pour le traitement aigu de la périeure à celle du placebo et un effet comparable par dépression bipolaire. Le lithium [35] est mentionné rapport aux antipsychotiques classiques, aux anti- dans certaines directives comme stratégie thérapeu- convulsivants et aux antipsychotiques atypiques olan- tique de première intention, de même que dans la mise zapine, rispéridone et quétiapine [4]. La concentration à jour CANMAT / ISBD de 2018 [4]. Dans la pratique, le plasmatique de lithium visée peut être plus élevée lors lithium est toutefois employé de préférence en traite- du traitement aigu (>0,8 mmol/l) que durant la préven- ment combiné dans le cadre de la dépression bipolaire. tion des récidives. L’efficacité de la lamotrigine n’est pas clairement prou- De même, une bonne efficacité antimaniaque a été dé- vée [36], une méta-analyse basée sur les données in montrée dans diverses études concernant le valproate. dividuelles de 1072 patients indique néanmoins une Par rapport au lithium, le valproate présente l’avantage efficacité antidépressive [37], surtout en présence d’une d’une entrée en action plus rapide. Par ailleurs, la dose symptomatique dépressive très prononcée [38]. L’em- du médicament peut être augmentée très rapidement. ploi de la lamotrigine dans le traitement aigu est limité En principe, le valproate doit être évité chez les femmes par le fait que la dose de lamotrigine doit être augmen- en âge de procréer en raison de sa tératogénicité. tée très lentement en raison du risque d’effets indési- Pour la gabapentine, le topiramate et la lamotrigine, rables dermatologiques graves. aucune efficacité antimaniaque n’a été démontrée Aux Etats-Unis, l’antipsychotique atypique lurasidone dans une méta-analyse [28] a récemment été autorisé pour la dépression bipolaire. Etant donné qu’un effet de prévention des phases de Ce médicament, qui présente un profil favorable d’ef- maladie [4] a été démontré pour le lithium, le valproate, fets indésirables métaboliques, s’est avéré efficace l’olanzapine, la quétiapine, la rispéridone et l’aripi- aussi bien comme monothérapie qu’en association prazole, l’administration de ces médicaments en cas de avec le lithium ou le valproate [39, 40]. Cependant, la manie aiguë permet d’éviter le changement de médica- lurasidone est jusqu’à présent autorisée en Suisse ment pour la prévention des récidives. La rispéridone uniquement pour le traitement de la schizophrénie. La et l’aripiprazole ont l’avantage de pouvoir être admi- dose pour le traitement de la dépression bipolaire, qui nistrés par injection à effet retard. est de 20–80 mg, est plus faible que celle pour le traite- ment de la schizophrénie. Traitement aigu de la dépression bipolaire L’antipsychotique atypique cariprazine, que nous re- commandons désormais pour la manie, est unique- Traitement aigu de la dépression bipolaire ment autorisé pour la schizophrénie en Suisse, bien qu’il se soit également avéré efficace pour la dépression Monothérapies (plutôt exceptionnelles) Quétiapine / quétiapine LP (1), lithium (1), lamotrigine* (2)a, lura- bipolaire dans une étude publiée et dans des études sidone* (1) non publiées [41, 42]. La dose efficace d’1,5 mg est nette- ment plus faible que les doses recommandées pour la Traitements combinés schizophrénie (jusqu’à 6 mg). Association de l’une des substances de monothérapie mention- Le rôle des antidépresseurs dans le traitement des dé- nées ci-dessus et/ou d’un antidépresseur (2), les substances les plus recommandées étant: ISRS (sauf paroxétine) (2) et bupro- pressions bipolaires continue de faire l’objet de contro- pion (2) verses. Le risque que les antidépresseurs puissent dé- clencher des phases hypomaniaques ou maniaques est (1), (2) = niveau de preuve scientifique; probablement plus faible que prévu initialement [43, * non autorisé en Suisse dans cette indication; a 44]. Plusieurs études ont certes montré que les antidé- limitation: en raison du risque d’effets indésirables dermato- logiques graves, la dose de lamotrigine doit être augmentée presseurs étaient sûrs et efficaces dans le traitement très lentement. aigu de la dépression en cas de troubles bipolaires [45], SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2019;19(33–34):537–546 Published under the copyright license “Attribution – Non-Commercial – NoDerivatives 4.0”. No commercial reuse without permission. See: http://emh.ch/en/services/permissions.html
Recommandations 542 mais les différentes études n’ont pas montré d’effica- thyroïdie, les antidépresseurs et l’abus de substances cité uniforme. Une nouvelle méta-analyse confirme sont fréquemment associés à cette forme évolutive. néanmoins l’impression clinique que les antidépres- Pour la phase maniaque, il n’existe pas de preuves indi- seurs sont également efficaces dans la dépression bipo- quant que certaines substances sont plus efficaces que laire [46], tout en sachant que l’efficacité moyenne est d’autres [55]. Les patients présentant la forme à cycles nettement plus faible qu’en cas de dépression unipo- rapides semblent répondre moins favorablement aux laire. Malgré la controverse, selon les estimations du antidépresseurs que d’autres patients bipolaires et pré- projet de pharmacovigilance en psychiatrie (AMSP), sentent un risque de rechutes dépressives trois fois plus de 70% des patients souffrant de dépression bipo- plus élevé [56]. Les directives du CANMAT déconseillent laire reçoivent des antidépresseurs dans les cliniques le recours aux antidépresseurs en cas de forme à cycles participant au projet en Allemagne, Autriche et Suisse, rapides [4]. Le lithium et la lamotrigine ont montré une en règle générale combinés à des stabilisateurs de l’hu- action antidépressive dans des études contrôlées [36]. meur ou des antipsychotiques atypiques [47, 48]. La Pour le traitement de longue durée de la forme à cycles mise à jour CANMAT / ISBD de 2018 [4] considère l’asso- rapides, les directives du CANMAT recommandent des ciation de stabilisateurs de l’humeur avec des ISRS traitements combinés par valproate et lithium [4]. (sauf la paroxétine, qui est déconseillée) ou du bupro- La cyclothymie est caractérisée par une alternance pion comme une stratégie thérapeutique de deuxième d’épisodes subsyndromiques maniaques et dépressifs. intention envisageable. En ce qui concerne les autres Ces épisodes subsyndromiques doivent être présents antidépresseurs, l’état des données est insuffisant pour pendant plus de la moitié du temps au cours d’une émettre une recommandation. période d’au minimum 2 ans. Durant les 2 premières années d’un tel trouble, aucun épisode dont la sévérité atteint celle d’une hypomanie ou d’une dépression ne Episodes mixtes doit survenir. Les épisodes subsyndromiques peuvent Les épisodes mixtes ou épisodes avec caractéristiques aussi survenir en cas de troubles bipolaires de type I et mixtes (DSM-5), c’est-à-dire les épisodes présentant II. Bauer et al. (2010) appellent à tenir davantage compte simultanément des symptômes maniaques et dépres- des modifications subsyndromiques de l’humeur, car, sifs, sont particulièrement difficiles à traiter. Ils sont non traitées, elles sont susceptibles de contribuer à la considérés comme prédicteurs d’une augmentation de chronicisation [57]. Cependant, il n’existe aucune direc- la comorbidité, d’un nombre accru d’épisodes de ma tive spéciale concernant le traitement de la cyclothy- ladie, d’un taux accru de contacts thérapeutiques et mie. De manière générale, un traitement est préconisé d’incapacité de travail, ainsi que d’un risque accru de en cas de souffrance correspondante, avec des procédés suicide [49, 50]. Le traitement des épisodes mixtes n’a similaires à ceux employés en cas de troubles bipolaires jusqu’à présent pas été suffisamment examiné de ma- au sens strict [58, 59]. Conformément aux directives S3 nière systématique dans des études prospectives. Dans de la DGBS de 2013 [29, 60], les épisodes subsyndro- les études contrôlées contre placebo, les épisodes miques et légèrement dépressifs ne nécessitent en règle mixtes sont généralement considérés comme des épi- générale aucune pharmacothérapie spécifique. La psy- sodes maniaques. Des analyses a posteriori montrent choéducation, l’intégration de l’entourage et la psycho- que les antipsychotiques atypiques asénapine, aripi- thérapie doivent se trouver au premier plan. prazole et olanzapine [51] sont également efficaces en cas d’épisodes mixtes. Dans le cadre des épisodes Prévention médicamenteuse des récidives mixtes, la lurasidone s’est avérée présenter une effica- cité à la fois antidépressive et antimaniaque [52]. Prévention médicamenteuse des récidives Concernant la prévention des épisodes mixtes, les meilleures preuves sont disponibles pour l’olanzapine, Monothérapies la quétiapine, le valproate, le lithium et l’asénapine Lithium (1), quétiapine (1), lamotrigine (1)a, (2b, efficacité limitée [53, 54]. Les directives du CANMAT déconseillent le re- dans la prévention de la manie), aripiprazole (1, essentiellement pour la prévention de la manie), olanzapinec (2), valproate (2), cours aux antidépresseurs en cas d’épisodes mixtes [4]. asénapine (2), rispéridone en injection à effet retard* (2), aripi- prazole en injection à effet retard* (2, essentiellement pour la prévention de la manie) Formes évolutives spéciales Traitements combinés La forme dite à cycles rapides («rapid cycling») – une Lithium + valproate évolution avec quatre ou plus épisodes en une année – Lithium + quétiapine / aripiprazole / rispéridone en injection à est un autre facteur compliquant le traitement. L’hypo- effet retard / lamotrigine SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2019;19(33–34):537–546 Published under the copyright license “Attribution – Non-Commercial – NoDerivatives 4.0”. No commercial reuse without permission. See: http://emh.ch/en/services/permissions.html
Recommandations 543 Valproate + quétiapine / aripiprazole / rispéridone en injection à directives du CANMAT, l’aripiprazole est recommandé effet retard / lamotrigine en association avec le lithium ou le valproate comme traitement de première intention. L’aripiprazole pré- (1), (2) = niveau de preuve scientifique; * non autorisé en Suisse dans cette indication; sente l’avantage de pouvoir être administré sous forme a concernant la prévention de la dépression; de préparation à libération retardée. b concernant la prévention de la manie; L’olanzapine a présenté une efficacité cohérente sur la c les effets indésirables métaboliques doivent être pris en consi- prévention de phases maniaques dans de grandes dération et surveillés en cas d’indication. études randomisées en double aveugle [71]. L’olanza- Pratiquement tous les patients souffrant de trouble bipo- pine s’est également avérée efficace pour la prévention laire requièrent un traitement préventif des récidives. Il des épisodes mixtes [72]. L’olanzapine devrait, malgré existe de plus en plus de données indiquant que le une preuve d’efficacité favorable, être plutôt utilisée trouble bipolaire pourrait être une maladie neuropro- comme médication alternative, car le risque de cer- gressive, lors de laquelle les altérations neurotrophiques tains effets indésirables (en particulier prise de poids et et inflammatoires de la substance grise et blanche du conséquences métaboliques) serait plus élevé qu’avec cerveau ainsi que les déficits cognitifs augmentent avec le lithium, la lamotrigine ou le valproate [4]. chaque récidive [61]. En général, les médicaments qui Il existe de nouvelles données indiquant que l’aséna- étaient efficaces dans la phase aiguë conviennent égale- pine prévient les épisodes maniaques, dépressifs et ment pour le traitement de continuation [4]. mixtes [54]. L’effet le plus élevé s’observe dans la pré- L’efficacité du lithium en termes de prévention des ré vention des épisodes maniaques. Concernant les effets cidives de troubles bipolaires a jusqu’à présent été la indésirables, l’asénapine est supérieure au lithium et à mieux examinée et a pu être démontrée dans de nom- la quétiapine [4]. breuses études [62, 63]. Le lithium sous forme de mono- Dans les nouvelles directives du CANMAT [4], le valproate thérapie et l’association de lithium et de valproate ont est considéré comme la stratégie thérapeutique de pre- montré une efficacité plus prononcée que le valproate mière intention. Cette recommandation se justifie par seul [64]. Dans le cas du lithium, le tableau clinique de la le fait que le valproate a présenté une efficacité compa- maladie joue un rôle essentiel pour l’efficacité pro rable à celle du lithium et de l’olanzapine dans deux phylactique. Ainsi, le traitement par lithium est très pro- études en double aveugle et une étude ouverte contrô- metteur chez les patients maniaco-dépressifs «typiques», lée [73]. Une méta-analyse approfondie confirme l’effi- tandis qu’il s’avère beaucoup moins efficace en présence cacité [74]. Par ailleurs, l’expérience clinique et la tolé- d’une symptomatique «atypique» et d’une évolution rance relativement bonne du valproate sont en faveur non typique [35, 65]. Lorsque le lithium est utilisé à la d’une utilisation dans le traitement de longue durée dose actuellement courante avec une concentration de des troubles bipolaires. Chez les femmes en âge de pro- lithium entre 0,6 et 0,8 mmol/l, il agit de manière pré- créer, le valproate ne doit pas être administré. ventive à la fois contre la manie et la dépression [66]. En Afin de pouvoir mieux contrôler les divers aspects des ce qui concerne la suicidalité, le lithium semble présenter troubles bipolaires, les traitements combinés sont cou- une action prophylactique plus prononcée par rapport rants dans la pratique clinique quotidienne. Il existe au aux substances de comparaison [67]. moins une étude randomisée, contrôlée, en double Au vu des résultats positifs de quelques études de aveugle portant sur les associations lithium + valproate longue durée [68] et d’une méta-analyse [63], les direc- [64], lithium + lamotrigine [75], lithium ou valproate + tives CANMAT/ISBD [4] préconisent la quétiapine comme olanzapine (ou quétiapine) et l’association d’antima- médicament de première intention pour le traitement niaques et de stabilisateurs de l’humeur avec la rispé- de longue durée des troubles bipolaires. La quétiapine ridone en injection à effet retard [76]. Une étude natu- est particulièrement appropriée pour la prévention raliste sur 4 ans a mis en évidence une bonne efficacité des épisodes mixtes [4]. de prévention des récidives, même concernant les Concernant la lamotrigine, une méta-analyse a révélé états sous-dépressifs, des associations quétiapine + une efficacité de prévention des récidives principale- valproate et, en particulier, quétiapine + lithium [77]. ment contre les épisodes dépressifs [63]. Une nouvelle étude a montré que la lurasidone asso- Pour ce qui est de l’aripiprazole, il existe jusqu’à présent ciée au lithium ou au valproate était efficace pour la une étude contrôlée contre placebo d’une durée de 6 mois prévention des épisodes dépressifs [78]. L’arrêt des anti- [69] et une autre sur 2 ans [70]. Ces études confirment un dépresseurs peut contribuer à une augmentation des avantage en termes de durée de l’intervalle sans symp- rechutes [62]. tôme. La survenue des récidives maniaques a été retar- Il n’existe aucun résultat fiable concernant la durée de dée, mais pas celle des récidives dépressives. Dans les la prévention des récidives. Il peut être recommandé SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2019;19(33–34):537–546 Published under the copyright license “Attribution – Non-Commercial – NoDerivatives 4.0”. No commercial reuse without permission. See: http://emh.ch/en/services/permissions.html
Recommandations 544 de convenir d’abord d’une durée de traitement d’env. versée dans le trouble bipolaire de type I, semblent être 2–3 ans, pour ensuite évaluer l’efficacité du traitement moindres. Pour ces raisons, les directives actuelles du et l’adapter si besoin. Les données épidémiologiques CANMAT recommandent pour la dépression bipolaire de montrent que, dans la plupart des cas, les troubles type II le bupropion, la sertraline et la venlafaxine en as- bipolaires persistent à vie et que la fréquence des épi- sociation avec des stabilisateurs de l’humeur ou en mo- sodes a même plutôt tendance à augmenter avec le temps nothérapie (médicaments de deuxième intention). [79]. Cela suggère qu’une prévention des récidives doit Pour le traitement de continuation en cas de trouble en règle générale être effectuée à vie. bipolaire de type II, les directives CANMAT recom- mandent la quétiapine, le lithium et la lamotrigine. Notamment le lithium a montré une très bonne effica- Trouble bipolaire de type II cité prophylactique dans des études naturalistes à long Le trouble bipolaire de type II est à peu près aussi fré- terme [84]. Dans des études comparatives directes, la quent que le trouble bipolaire de type I [80]. Le trouble fluoxétine et la venlafaxine étaient plus efficaces que le bipolaire de type II est défini par la survenue d’un ou lithium pour la prévention des récidives, en sachant plusieurs épisodes hypomaniaques et d’un ou plusieurs que la concentration de lithium, qui était de 0,7 mmol/l épisodes dépressifs majeures, sans épisodes ma- [85, 86], était plutôt basse. Ainsi, compte tenu de leur niaques. Les épisodes hypomaniaques durent au mini- bonne efficacité et tolérance, ces deux antidépresseurs mum 4 jours et des symptômes psychotiques font dé- administrés en monothérapie représentent des options faut. Contrairement à la manie, l’hypomanie n’entraine acceptables pour la prévention des récidives en cas de pas d’altération considérable du fonctionnement. Les trouble bipolaire de type II. deux troubles sont comparables en termes de chroni- cité, de capacité de travail et de qualité de vie objective. Contrôles de laboratoire et autres Cela signifie que le trouble bipolaire de type II est égale- examens routiniers ment une maladie psychiatrique grave. Malgré la grande importance du trouble bipolaire de Le traitement médicamenteux des troubles bipolaires type II, il existe beaucoup moins de recherches phar- peut causer une série d’effets indésirables graves, qui macologiques que pour le trouble bipolaire de type I. ne se manifestent généralement qu’au bout d’un cer- Dès lors, les recommandations suivantes sont moins tain temps et peuvent contribuer à une augmentation nettement moins basées sur l’évidence et reposent en de la morbidité et la mortalité s’ils restent non détectés partie sur l’expérience clinique. et non traités. C’est pourquoi tout traitement doit L’expérience clinique montre que les médicaments qui s’accompagner d’un contrôle soigneux des facteurs de se sont avérés efficaces dans la manie sont également risque avant son initiation, ainsi que de contrôles de efficaces pour les hypomanies. Des études conduites laboratoire réguliers pendant le traitement. Le résumé avec la rispéridone, la quétiapine et le valproate confir- suivant des analyses de laboratoire s’inspire des re- ment cette expérience clinique [4]. commandations de l’ISBD [87]. Toutefois, le véritable défi dans le cadre du trouble bipolaire de type II est la dépression. La quétiapine re- Mesures de référence pour tous les stabilisateurs présente également une option essentielle dans le trai- de l’humeur tement de la dépression bipolaire de type II. A cet égard, il convient de garder à l’esprit que sur cinq études, International Society for Bipolar Disorders (ISBD) deux n’ont pas montré d’efficacité dans le trouble bipo- Antécédents laire de type II. Cela contraste avec les cinq études Antécédents médicaux ayant évalué la quétiapine dans le cadre de la dépres- Tabagisme, consommation d’alcool sion bipolaire de type I, qui ont toutes montré une effi- Anamnèse familiale concernant les risques cardiovasculaires, cacité significative [81, 82]. La quétiapine semble agir l’hypertension, la dyslipidémie et le diabète sucré Grossesse, contraception plus lentement dans le trouble bipolaire de type II que dans le trouble bipolaire de type I. Examen clinique Alors que l’emploi d’antidépresseurs est sujet à contro- Circonférence de la taille et/ou verses dans le trouble bipolaire de type I, le rapport Indice de masse corporelle (poids [kg]) / taille [m]2) Pression artérielle, inspection de la peau coût-bénéfice des antidépresseurs est plus favorable dans la dépression bipolaire de type II [83]. Par ailleurs, Analyses de laboratoire les effets indésirables potentiels et le développement Hémogramme différentiel d’une manie, qui est également discuté de façon contro- Electrolytes, urée, créatinine SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2019;19(33–34):537–546 Published under the copyright license “Attribution – Non-Commercial – NoDerivatives 4.0”. No commercial reuse without permission. 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Recommandations 545 Valeurs hépatiques (minimum ASAT, ALAT, GGT) positive pour les troubles bipolaires. Avant la survenue Glycémie à jeun* du premier épisode maniaque ou hypomaniaque, une Profil lipidique à jeun* prévention pharmacologique spécifique du trouble Test de grossesse (si indiqué) bipolaire est dès lors impossible. En cas de troubles *le cas échéant, valeurs non à jeun bipolaires diagnostiqués, certaines caractéristiques cli- niques permettent en revanche de prédire la réponse à Examens complémentaires selon les stabilisateurs certains psychotropes. Malheureusement, ces informa- de l’humeur choisis tions sont souvent d’une faible utilité pratique. Des informations sur la répartition des épisodes ma- Lithium niaques et dépressifs sur le long terme sont unique- Etat de référence: TSH, calcium (Ca) ment disponibles si le patient n’a pas été traité ou s’il a été traité de manière infructueuse durant des années. Début du traitement: Taux sérique: 2 déterminations La nécessité d’un traitement prophylactique des ré jusqu’à l’atteinte de la dose thérapeutique, puis tous les cidives et sa durée ne peuvent pas être évaluées avec 3 à 6 mois, après une augmentation de la dose et fiabilité sur la base de l’observation clinique. lorsque cela est indiqué. L’efficacité variable en fonction des individus des inter- ventions pharmacologiques et psychosociales est à Surveillance à long terme: Electrolytes, urée, créatinine l’origine de longues optimisations du traitement. Pour tous les 3 à 6 mois; Ca, TSH, poids après 6 mois, puis cette raison, des biomarqueurs prédisant l’évolution et annuellement. la réponse à certains traitements sont intensivement recherchés. Les procédés d’imagerie, les dosages des Antipsychotiques atypiques protéines sanguines et la génétique font partie des mé- Etat de référence: Glycémie, profil lipidique (voir ci-des- thodes les plus fréquemment utilisées pour la décou- sus: Mesures de référence pour tous les médicaments). verte de biomarqueurs [88, 89]. Malgré des résultats prometteurs, il n’a jusqu’à présent Surveillance à long terme: Poids, mensuellement pen- pas été possible d’améliorer la pratique clinique au dant 3 mois, puis tous les 3 mois. Pression artérielle et moyen de biomarqueurs. Les méthodes diagnostiques glycémie, tous les 3 mois durant 1 an, puis annuellement. ne sont pas régulées par Swissmedic. Par conséquent, Profil lipidique après 3 mois, puis annuellement. ECG et les entreprises ont le droit de proposer et promouvoir taux de prolactine, si cliniquement indiqué. des biomarqueurs, par ex. des tests génétiques, même si des preuves de leur utilité font défaut. Il est vivement Antiépileptiques déconseillé d’utiliser des tests douteux. Les médecins Etat de référence: Hématologie et antécédents hépa- et les patients surestiment régulièrement la teneur tiques informative des tests biologiques par rapport à l’obser- vation clinique, ce qui conduit à des changements mé- Début du traitement: Taux sérique: 2 contrôles après dicamenteux inutiles. Dans le cadre du trouble bipo- l’atteinte de la dose thérapeutique. laire, cela peut se solder par un risque de récidives et une détérioration du pronostic à long terme. Surveillance à long terme: Valproate: Poids, hémogramme, valeurs hépatiques, cycle, tous les 3 mois durant la 1ère année, puis annuel- Conclusions lement; glycémie, profil lipidique et densité osseuse si Les principaux principes thérapeutiques relatifs aux indiqués. troubles bipolaires sont les suivants: Lamotrigine: Attention aux réactions cutanées (inter- 1. Le lithium est toujours le médicament de référence rogatoire et inspection périodiques). pour le traitement des troubles bipolaires. Il est le médicament de première intention en cas de manie aiguë et avant tout pour le traitement de longue du- Biomarqueurs, pharmacogénétique rée des troubles bipolaires. Jusqu’à la survenue du premier épisode maniaque ou 2. Les antipsychotiques atypiques entrent également hypomaniaque, il n’existe pas de possibilité de prédire en ligne de compte en tant que médicaments de pre- si un trouble restera unipolaire ou si des épisodes ma- mière intention en cas de manie, en cas de dépres- niaques ou hypomaniaques surviendront ultérieure- sion bipolaire et pour le traitement à long terme ment. Cela vaut également en cas d’anamnèse familiale (cela vaut tout particulièrement pour la quétiapine). SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2019;19(33–34):537–546 Published under the copyright license “Attribution – Non-Commercial – NoDerivatives 4.0”. No commercial reuse without permission. See: http://emh.ch/en/services/permissions.html
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