Une robe-phoénix Sharon Little - Continuité - Érudit
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Document generated on 10/25/2022 5 a.m. Continuité Une robe-phoénix Sharon Little Number 81, Summer 1999 URI: https://id.erudit.org/iderudit/16695ac See table of contents Publisher(s) Éditions Continuité ISSN 0714-9476 (print) 1923-2543 (digital) Explore this journal Cite this article Little, S. (1999). Une robe-phoénix. Continuité, (81), 11–14. Tous droits réservés © Éditions Continuité, 1999 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
C o n s e r v a t i o n UNE ROBE-PHÉNIX p a r Sharon Little C atherine-Zéphyrine Thompson croirait revivre si elle revoyait la robe en taffetas de soie qu'elle a portée en 1850, fort probablement à l'occasion de son mariage avec Louis-Antoine Dessaules, de la famille seigneuriale de Saint-Hyacinthe. Récemment restaurée, la robe d'un gris aqua atténué a été, en mai de cette année, la source d'inspi- ration d'un concours, suivi d'une grande fête costumée, dans le cadre de l'événement Sympo-Fibres international de Saint-Hyacinthe. U N E TRAVERSÉE DU TEMPS C'est en 1996 que la robe a repris vie à l'atelier de textiles du Centre de conservation du Québec (CCQ). Le dépositaire du précieux vêtement, le Mu- sée Marsil de Saint-Lambert, souhaitait intégrer cette pièce dans l'exposition « La mariée dévoilée, mode 1840-1940 ». Les responsables du musée se sont donc adressé au CCQ pour que soit restaurée cette magnifique robe en taffetas de soie. La galerie Expression de Saint-Hyacinthe a par la suite manifesté le désir d'exposer des agrandisse- ments de photos prises lors de la restauration de la robe. Cette exposition devait coïn- cider avec deux grands événements en 1998, soit le 250e anniversaire de la muni- cipalité de Saint-Hyacinthe et Sympo-Fibres international Avec un soin méticuleux, une restauratrice du Centre de conservation de Saint-Hyacinthe, un festi- val du textile. Ce dernier évé- du Québec a redonné vie à une robe en la soulageant des outrages nement a toutefois dû être reporté en mai 1999, en rai- son des nombreux problèmes du temps. Quelque 150 ans plus tard, la robe-phénix revient e n g e n d r é s par le verglas de 1998. d'un long voyage... ml z numéro quatre-vingt-un C
Le voyage de la robe de manière à pouvoir photogra- ment des rayures. L'aspect Catherine-Zéphyrine phier adéquatement la robe. esthétique de la soie de la Thompson aura duré près de Pour bien supporter le vête- jupe en a automatiquement 150 ans. Ce long périple a ment, un torse a été constitué été amélioré. Avant de procé- inévitablement laissé des traces avec des disques ovales der à d'autres étapes de la res- que seule une restauration d'éthafoam d'une épaisseur tauration, toutes les surfaces professionnelle permettait de 5 cm. Ceux du bas ont été de la robe ont été aspirées afin d'estomper. Une première percés en leur centre afin d'enlever la poussière et la investigation a permis de q u ' u n e tige de soutien en saleté. Les endroits où la fibre confirmer que certaines parties acier inoxydable puisse y être était affaiblie ou qui présen- des tissus étaient devenues insérée. Pour déterminer les taient des déchirures ont été très usées, affaiblies, voire bri- dimensions des disques d'étha- renforcés avec du tissu iden- sées ou manquantes. La jupe foam, il a suffi de prendre des tique à celui de la robe qui présentait des taches brunes mesures du costume à tous les avait servi à d'anciennes répa- produites vraisemblablement 5 cm et de découper l'ovale rations aux emmanchures. La restauratrice a p r o f i t é de par un liquide qui a décoloré selon ces dimensions à l'aide Grâce à l'équipement, aux pro- l'exposition « Cri d u taffetas l'étoffe de façon irréversible. d'un couteau, mais en rédui- cédures industrielles et aux froissé » p o u r présenter Enfin, la silhouette même de sant la circonférence de 5 cm. teintures de la compagnie quelques aspects de la robe était déformée et tor- Tous les ovales ont ensuite Clariant, des fils de soie la conservation préventive des due, effet accentué par l'ajout été assemblés avec de la colle très fins (de la grosseur d'un textiles, soit la p r o b l é m a t i q u e ultérieur à la création d'un chaude; le torse a été sculpté cheveu), teints au CCQ aux de l'entreposage et cerceau et de deux plis cousus pour obtenir la silhouette couleurs appropriées, ont été de l'exposition des textiles sur la jupe. désirée, puis recouvert d'un utilisés pour les coutures. anciens. jersey de coton non-blanchi. Q u e l q u e s petites gouttes U N CORPS POUR LA ROBE L'absence de tête et de cou a d'amidon de méthyle cellulose Photo : Guy Couture, CCQ Le traitement de la robe au permis de photographier uni- ont permis de consolider les fils Centre de conservation du quement la robe. de la robe, qui étaient devenus Québec s'est déroulé en plu- Par la suite, un jupon a été excessivement fragiles. Les sieurs étapes. Il a d'abord fallu fabriqué avec du coton non- jolies franges en fibres de soie fabriquer un mannequin de blanchi. Taillé aux mêmes situées sur la jupe et sur la bor- dimensions que la jupe de la dure décorative des épaules robe, ce jupon de soutien a été étaient très emmêlées. Il a renforcé par l'intérieur avec fallu les démêler, brin par un tissu synthétique neutre brin, à l'aide d'une fine pointe (Tyvek Soft Wrap) de manière métallique semblable à un à redonner son ampleur origi- instrument de dentiste, puis nale à la jupe. Des épingles en leur redonner leur forme origi- acier inoxydable ont enfin été nale en utilisant de la vapeur utilisées pour attacher le froide d'eau distillée. jupon de soutien à la taille de Le traitement des franges a la robe. permis de restaurer la bande décorative des épaules. Les U N E RESTAURATION tissus fragilisés ou manquants MÉTICULEUSE à cet endroit ont été renforcés ou remplacés et, par la suite, Une fois les photos prises, tous chaque section de franges a les ajouts à la robe initiale ont été recousue à sa place respec- été enlevés: le cerceau, les tive. Coup de chance, une deux plis sur la jupe et du tissu entreprise en Angleterre, la autour des emmanchures. Ces Dukeries Textiles & Fancy premières interventions ont Goods Ltd, a pu reproduire permis de redonner à la robe sur des métiers d ' é p o q u e sa forme et sa longueur origi- (1850) « Bobbinet machinery» nales, et de rétablir l'espace- un tulle de soie identique à celui de la robe. Comme pour les fils de soie très fins, le tulle Sharon Little en train d'enlever a été teint au CCQ de la le cerceau de la robe. même couleur que l'original. Photo : Michel Élie, C C Q É LL2 numéro quatre-vingt-un
Les renforcements ont été de ce calibre muséologique, la effectués de la même façon restauratrice a suggéré de faire que pour les tissus fragilisés. une copie de la robe. La gale- Une fois tous les renforce- rie Expression a mandaté un ments terminés, la robe a été couturier de Montréal pour la installée de façon définitive réaliser. Le vêtement a dès sur son mannequin. Restait lors pu servir à des fins promo- une étape: le défroissement. tionnelles. Par exemple, une Lorsqu'il s'agit de textiles conseillère de la Ville de anciens, la vapeur froide Saint-Hyacinthe l'a portée à convient mieux pour cette l'occasion du vernissage de opération. Dans le cas de la l'exposition «Cri du taffetas robe de Catherine-Zéphyrine froissé » ou lors de festivités Thompson, le taffetas de soie soulignant le 250e anniversaire était toutefois si froissé qu'il a de la ville. fallu se résoudre à utiliser de Avant que la robe reprenne le la vapeur chaude d'eau dis- chemin des collections du tillée. Une fois le tissu complè- Musée Marsil, la restauratrice tement défroissé, des photos a suggéré que son patron soit après traitement de restaura- copié et diffusé. Reproduit en L'aventure ayant été fruc- tion ont étés prises, et la robe a de nombreux exemplaires, ce tueuse en événements de tou- pu retourner au Musée Marsil patron a été distribué en vue tes sortes, d'autres musées pour l'exposition « La mariée de la préparation d'une activité pourraient s'inspirer de cette dévoilée, mode 1840-1940», spéciale parrainée par les expérience de partenariat. À qui s'est déroulée en mai et responsables de la galerie long terme, il est concevable juin 1998. Expression. Ainsi est né que des boutiques de musées «Métamorphose, une robe à v e n d e n t toute une gamme U N E ROBE INSPIRATRICE recréer», un concours organisé de patrons et de pochettes de Sa beauté retrouvée, la robe dans le cadre du festival broderies, de papiers d'embal- n'avait pas fini de se faire voir. Sympo-Fibres, qui s'est tenu à lage et de cartes de souhaits Accompagnée de 18 photogra- Saint-Hyacinthe en mai 1999. inspirés de textiles anciens. phies grands formats illustrant Patron de la robe en main, les Ces produits dérivés feraient les différentes étapes de la participants avaient pour défi mieux connaître notre très restauration, elle est devenue de créer leur propre robe riche patrimoine textile, le tra- L'arrière de la r o b e avant et le centre d'intérêt de l'exposi- en s'inspirant de celle de vail de restauration du Centre après la restauration. tion «Cri du taffetas froissé», Catherine-Zéphyrine de conservation du Québec et Photos : Michel Élie, CCQ présentée conjointement Thompson (voir l'encadré). l'expertise des partenaires. par la galerie Expression, le CCQ et le Musée Marsil au Bureau touristique de Saint- Hyacinthe de mai à octobre 1998. Mais dans ce cas, il a fallu user de subterfuges. Le bureau touristique n'offrant pas les conditions adéquates pour exposer un objet original L'exposition « Cri du taffetas froissé », présentée conjointement par le CCQ, le Musée Marsil et la galerie Expression, à Saint-Hyacinthe en 1998, a permis aux visiteurs de constater l'ampleur du défi que pose la restauration des textiles anciens. Photo : Guy Couture, CCQ 133] g numéro quatre-vingt-un
C o n s e r v a t i o n En sortant du cadre muséolo- gique pour donner vie à des CONCOURS INUSITE projets novateurs, touristiques Le concours «Métamorphose, une robe à recréer» a réuni ou autres, qui le rapprochent 45 participants qui avaient pour défi de réinventer la robe du grand public, le conserva- de mariée (1850) de la dernière seigneuresse de Saint- teur-restaurateur doit relever Hyancinthe, Catherine-Zéphyrine Thompson. Le résultat l'éternel défi d'appliquer de ce concours a été présenté lors de la soirée d'ouverture malgré tout les normes muséo- de Sympo-Fibres international de Saint-Hyancinthe, le Ie' mai dernier. logiques. L'imagination était au rendez-vous ! Papier, textiles, maté- En permettant au plus grand riaux les plus diversifiés ont servi pour réaliser ces robes nombre d'intégrer au quoti- plus extravagantes les unes que les autres. La robe gagnante dien certains aspects de la est l'œuvre de M. Pierre Bastien, professeur de littérature conservation préventive, qui au Cégep de Saint-Hyacinthe. Il s'agit d'une robe moulée, sait combien de témoins pré- en papier mâché, une robe lecture qui reprend un par un les cieux comme la robe de mots d'un poème de Monsieur Lenoir, publié dans le journal Catherine-Zéphyrine L'Avenir, en 1850. Cette robe T h o m p s o n nous pourrons toute blanche, aux écri- À gauche, la reproduction léguer aux générations tures bleues, est exposée à de la robe de Catherine- la galerie Expression, au futures ? Zéphirine Thompson 495, rue Saint-Simon, à réalisée en 1998; à droite, Saint-Hyacinthe. M. Bastien Sharon Little est restauratrice et a remporté un aller-retour la robe gagnante du responsable de l'atelier de textile pour deux personnes à La concours « Métamorphose, au Centre de conservation du Biennale de Venise, qui aura une robe à recréer». Québec. lieu en septembre 1999. Photo : Sharon Little, CCQ MON PONXS??rRAVERSE ts et traverses au fil des siècles. LU] numéro quatre-vingt-un
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