14-18 : REVISITER LA GRANDE GUERRE SANS FLEUR AU FUSIL

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14-18 : REVISITER LA GRANDE GUERRE SANS FLEUR AU FUSIL
dossier

          14-18 : REVISITER LA GRANDE GUERRE
          SANS FLEUR AU FUSIL
          Les nombreux événements labellisés par la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale
          contribuent à l’hommage aux morts pour la France et au devoir de mémoire des générations
          présentes. C’est à elles à présent d’assurer la transmission… C’est aussi l’occasion de revisiter cette page
          douloureuse de l’Histoire, avec le recul que seul le temps nous donne afin de mieux la comprendre.
          L’image d’Épinal du soldat parti la fleur au fusil le 2 août 1914 a déjà fait long feu lorsqu’on dénombre
          27 000 morts vingt jours plus tard, sur le front, de l’Alsace au Pas-de-Calais.
          Un colloque aux Archives départementales revient vers « Ceux qui ont voulu empêcher la guerre »,
          assorti d’une exposition sur Jean Jaurès, tandis que deux autres expositions restituent la vie
          quotidienne si difficile des soldats comme des civils.

                                                                                                  avril 2014 vu du doubs 15

VDD 217 OK2.indd 15                                                                                                           25/03/14 13:05
14-18 : REVISITER LA GRANDE GUERRE SANS FLEUR AU FUSIL
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                            Colloque aux Archives départementales :
                            « CEUX QUI ONT VOULU
                              EMPÊCHER LA GUERRE »
                                                                      C’est un aspect longtemps resté tabou qui sera examiné le 16 mai lors
                                                                      d’un colloque ouvert au public, aux Archives départementales (Besançon-
                                                                      Planoise). En secret, des personnalités allemandes et françaises ont tenté
                                                                      d’éviter la guerre…

                                                                      O      uvert par le président Claude
                                                                             Jeannerot, clos par le préfet Stéphane
                                                                      Fratacci, ce colloque qui a reçu le label de
                                                                                                                        non négligeable dans la légitimation et la
                                                                                                                        diffusion des normes sur lesquelles se fon-
                                                                                                                        deront au XXe siècle les différentes institu-
                                                                      la Mission du centenaire verra se succé-          tions destinées à préserver la paix. »
                                   Le 506 régiment en manœuvre.
                                          e
                                                                      der des historiens qui éclaireront un pan         De son côté, Pierre Kerleroux, agrégé d’his-
                                                                      méconnu, parfois déformé, de l’Histoire :         toire, s’interrogera : « Les années 1910 ont-
                                                                      les mouvements pacifistes d’avant 1914.           elles vu la gauche dreyfusarde perdre son
                                                                      Certes, la figure de Jaurès domine – « son        hégémonie intellectuelle au profit d’une
                                                                      assassinat en a fait un martyr de la paix »,      droite nationaliste ? » Il examinera en par-
                                                                      comme le soulignera Jacqueline Lalouette,         ticulier l’évolution des positions de Romain
                                                                      professeur émérite d’histoire contempo-           Rolland, prix Nobel de littérature en 1915…
                                                                      raine (université de Lille 3). « Jaurès ne fut
                                                                      pourtant ni antipatriote ni antimilitariste.      … de vieux pacifistes jettent l’éponge
                                                                      Certain que les progrès de l’armement             Quant à Alexandre Dupeyrix, maître de
                                                                      rendraient les conflits de plus en plus           conférences en civilisation germanique
                                                                      dévoreurs d’hommes, il lutta de toutes ses        (université Paris IV), il évoquera le par-
                                                                      forces contre la guerre qui s’annonçait. »        cours insolite de Ludwig Quidde, historien,
                                                                                                                        républicain, qui représenta les pacifistes
                                                                      Face à la montée du chauvinisme…                  allemands lors de congrès mondiaux pour
                                                                      « Aujourd’hui oublié, le mouvement                la paix. « Une étude attentive des plans de
                                                                      pacifiste français des années 1900-1910 a         paix de 1913 met en relief les préoccupa-
                                                                      pourtant brillé par la richesse et l’inven-       tions, les craintes et les projets des milieux
                                                                      tivité des méthodes qu’il contribua à for-        concernés », argumentera Verdiana Grossi,
              Reproduction de carte postale ancienne. Jean Jaurès     ger », estime Jean-Michel Guieu, maître           chargée d’enseignement à l’Université de
              au meeting du Pré Saint-Gervais, 25 mai 1913.           de conférences en histoire contemporaine          Genève. « L’originalité des projets avancés
              Coll. Musée de l’histoire vivante.                      (université Paris I). « Il a ainsi joué un rôle   nuancent l’idée toute faite d’une "faillite"

                        INFO PLUS

                                              La guerre en chansons avec la Médiathèque départementale
                                              La Médiathèque départementale s’associe aux commémorations du centenaire de la guerre en proposant, aux
                                              bibliothèques de son réseau rural, une exposition, une mallette thématique, et deux spectacles. Tandis que
                                              l’exposition retrace les grandes étapes de la Première Guerre mondiale, la mallette les évoque à travers livres et
                                              DVD. Servie par Marly Barnabé et Yves-Jacques Bouin, Bons baisers du front est une lecture-spectacle qui mêle des
                                              textes de grands auteurs (Ramuz, Barbusse, Cendrars, Pergaud…) et ceux d’inconnus, pour dire l’amour et la peine,
                                              la peur et la mort… Quant au récital de Marie-Hélène Féry, il restitue l’ambiance d’une époque rythmée en chansons,
                                              mélodramatiques ou coquines, tragiques ou drôles, celles des pacifistes et celles des revanchards…
                                              Il se prolonge avec Brel, Ferré, Francis Lemarque… Et vive la Madelon !

               16 vu du doubs avril 2014

VDD 217 OK2.indd 16                                                                                                                                                  25/03/14 13:05
14-18 : REVISITER LA GRANDE GUERRE SANS FLEUR AU FUSIL
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                                                                                                             c’est la guerre ! »
                                                                                                             « L’émotion qui suit l’assassinat [de
                                                                                                             Jaurès] est immense. Même les journaux
                                                                                                             socialistes, comme L’Humanité [dont il est
                                                                                                             le fondateur] renoncent à leur combat
                                                                                                             pacifiste et s’engagent pour la défense
                                                                                                             de la patrie. » L’exposition conçue par la
                                                                                                             fondation Jean-Jaurès avec le concours de
                                                                                                             la Fabrique Créative retrace le parcours de
                                                                                                             l’enfant du Tarn devenu député et tribun
          Des soldats du côté de Pontarlier.                                                                 pacifiste. Journaliste passionné, dreyfusard
                                                                                                             engagé, profondément laïque… cet homme
          et d’un “échec” des milieux pacifistes. »                                                          issu de la petite-bourgeoisie provinciale
          Enfin, Joseph Pinard, agrégé d’histoire,            Numérisation                                   fraternise avec les ouvriers, imagine un
          ancien député du Doubs, restituera les              Les Archives départementales poursuivent,      monde meilleur qui s’appuierait sur la
          événements de la Conférence de Berne à              avec l’aide de l’État, la numérisation         paix. Sa pensée humaniste nourrit encore
          laquelle des parlementaires franc-comtois           des feuillets matricules des classes           l’imaginaire républicain aujourd’hui.
          ont participé, « espérant trouver le moyen          combattantes (1887-1921). Chaque feuillet      Exposition aux Archives départementales,
          d’éviter un immense malheur ». Leurs                recense pour chaque soldat ses campagnes,      jusqu’au 18 décembre 2014. Entrée gratuite.
          adversaires nationalistes leur reprochèrent         ses faits d’armes, ses blessures, ses          Prêt sur demande aux établissements
          au mieux leur « sottise », au pire leur             décorations. « Ces documents suscitent         scolaires et aux bibliothèques.
          « félonie ». « C’est le temps où, devant la         beaucoup de demandes individuelles car ils
          montée du chauvinisme, de vieux paci-               nourrissent la mémoire familiale, observe
          fistes jettent l’éponge. »                          Nathalie Vidal, directrice des Archives
                                                              départementales. Leur mise en ligne sur
                                                              notre site, effectuée ce printemps pour les
          Archives départementales, rue Marc-Bloch            classes allant de 1887 à 1914, sera achevée
          à Besançon. Tél. 03 81 25 88 00                     d’ici à la fin de l’année, elle facilitera
          (inscription recommandée)                           les démarches. Pour les historiens, c’est
          En savoir plus :                                    une source d’information très riche. »
          http://archives.doubs.fr
                                                              http://archives.doubs.fr

                      INFO PLUS

          Bellevaux (Besançon) et Ornans : une histoire méconnue
          Asile d’infirmes et de nécessiteux très ancien, Bellevaux, au bord du Doubs à Besançon, devient un centre d’internement administratif
          pendant les cinq années de la guerre. « Il y transite non seulement les personnes de nationalité ennemie, dont une majorité d’Alsaciens et
          de Lorrains ayant pris la nationalité allemande, mais aussi de nombreux individus condamnés par un tribunal pénal français, des Français
          suspects quant à leur sentiment patriotique, et un bon nombre de femmes “de mauvaise vie” refoulées de la zone des armées. »
          Ce sont là quelques-unes des informations que recèle la série M, aux Archives départementales, série alimentée par les dossiers
          de la Préfecture du Doubs. Cette dernière comporte aussi de nombreux documents sur la Maison du Refuge, à Ornans, qui accueillait
          des Alsaciens et des Lorrains. À découvrir aux Archives départementales.

                                                                                                                                avril 2014 vu du doubs 17

VDD 217 OK2.indd 17                                                                                                                                         25/03/14 13:05
14-18 : REVISITER LA GRANDE GUERRE SANS FLEUR AU FUSIL
dossier

                           Aux Archives départementales :
                           SOLDAT OU CIVIL, VIVRE AVEC LA GUERRE
                                                                     Les bénévoles du musée Lucien-Roy, de Beure, ont exhumé objets et
                                                                     documents pour reconstituer des scènes de la vie quotidienne en temps
                                                                     de guerre, dans la salle d’exposition des Archives départementales,
                                                                     à Besançon. Saisissant de vérité !

                                                                     S    aviez-vous que la lampe du poilu de
                                                                          1914, la Monjardet, était fabriquée à
                                                                     Besançon ? Et des casques par Japy, des
                                                                                                                          Nous évoquons aussi la peur qui les saisit
                                                                                                                          le plus souvent. »

                                                                     godillots cloutés dans la vallée de la Loue ?        Grèves et manifestations
                                                                     Saviez-vous aussi que le mouchoir d’ins-             La vie des civils est dure aussi. « Besançon
                                                                     truction, grand comme une serviette de               était une ville logistique et hospitalière,
                                                                     table, imprimé en petits caractères, indi-           des établissements scolaires et le casino
                                                                     quait au soldat ce qu’il devait faire dans           étaient réquisitionnés, les malades civils
              L’as de carreau, ou besace, avec la couverture         certaines circonstances, en cas de blessure          étaient expédiés à Dijon ou plus loin
              du soldat, sa gamelle, son quart…                      notamment ?                                          encore, rappelle Anne-Marie Bedet. La
                                                                                                                          population a connu le rationnement. Ces
                                                                     L’ennui et la peur                                   conditions de vie ont provoqué des grèves
                                                                     La restitution de la vie quotidienne propo-          et des manifestations “contre les planqués”,
                                                                     sée par les bénévoles du musée de Beure              c’est un aspect peu connu que nous ne
                                                                     dépasse l’imagination. Les plus jeunes               manquerons pas de présenter. »
                                                                     découvriront la vulnérabilité du soldat              Alors que les poilus ne sont plus là pour
                                                                     de 14 dans sa tenue rouge et bleu. Avec              le dire, bénévoles, mannequins en tenues
                                                                     son fusil à baïonnette, il semble sorti du           d’époque, objets, photos témoignent des
                                                                     siècle précédent ! « Dans les tranchées,             horreurs de cette guerre.
                                                                     les soldats s’ennuient souvent, alors ils
                                                                     écrivent des lettres à leurs proches, ils
              Un soldat de la Force noire et un Turco aux côtés      lisent, ils fabriquent des objets usuels et          Exposition du 5 mai au 18 décembre 2014, Archives
              de soldats de la Métropole. Les colonies françaises    des jeux de société, relate Anne-Marie               départementales, rue Marc-Bloch à Besançon.
              de l’époque ont payé un lourd tribut.                  Bedet, présidente du musée Lucien-Roy.               Tél. 03 81 25 88 00. Entrée gratuite.

                        INFO PLUS

              En hommage à tous les Lucien Roy
              Avec 250 mannequins en tenues d’époque, plus de 300 objets recensés, le tout réparti dans 14 salles,
              le musée Lucien-Roy couvre tous les conflits armés de 1870 jusqu’à l’Indochine et l’Algérie. Toutefois,
              la guerre de 14-18 constitue son premier centre d’intérêt. Il a été créé en janvier 1982 par Jean Cretin,
              ancien maire de Beure, en hommage à son oncle Lucien Roy, blessé en 1915 et mort en camp de
              prisonniers en Allemagne. Lui-même ancien combattant volontaire et membre de la Résistance,
              puis adjudant-chef en Indochine et en Algérie, sept fois blessé, Jean Cretin a souhaité transmettre
              mémoire et valeurs en constituant la collection dont il a fait don au musée.
              Ce musée associatif reçoit environ 3 000 visiteurs par an, dont des centaines de scolaires. Il est ouvert
              tous les mardis matin, les 8 Mai et 11 Novembre, lors des Journées du Patrimoine, et sur rendez-vous.         Andrée Cretin, présidente d’honneur, veuve du
                                                                                                                            fondateur du musée, Anne-Marie Bedet, présidente
              Musée Lucien-Roy, 70 rue de Besançon à Beure. Tél. 03 81 52 60 30 ou 03 81 82 09 87.                          du musée, Claude Boitel, armurier bénévole.

               18 vu du doubs avril 2014

VDD 217 OK2.indd 18                                                                                                                                                         25/03/14 13:05
14-18 : REVISITER LA GRANDE GUERRE SANS FLEUR AU FUSIL
Mémoire et paix : le musée
          DE CLERVAL FAIT SON DEVOIR
          Les dynamiques bénévoles du musée ont redéployé leur riche collec-
          tion dans trois salles pour commémorer la première année de la Grande
          Guerre. Leur reconstitution minutieuse sera ainsi renouvelée chaque                               Jean-Louis Brugger (à gauche), président
          année jusqu’en 2018.                                                                              de l’association du musée, et Lucien Gatrat,
                                                                                                            vice-président.

                                                                                                            Des visiteurs
                                                                                                            de toutes générations
                                                                                                            Installé par la commune dans les vastes
                                                                                                            salles de l’ancien château, le musée de la
                                                                                                            Mémoire et de la Paix déploie une collection
                                                                                                            impressionnante constituée à 95% de
                                                                                                            dons. Elle est la propriété de l’association
                                                                                                            du musée créée en 1990 par des
                                                                                                            collectionneurs passionnés qui souhaitaient
                                                                                                            « perpétuer la mémoire de ceux qui sont
                                                                                                            morts pour notre liberté, rappelle l’actuel
                                                                                                            président, Jean-Louis Brugger. Nous voulons
                                                                                                            aussi sensibiliser la population, notamment
                                                                                                            les jeunes. » Objectif atteint puisqu’on
                                                                                                            dénombre environ 650 élèves parmi les
          Une reconstitution dans les moindres détails.                                                     2 500 visiteurs annuels. Le Département
                                                                                                            a d’ailleurs inscrit le musée dans son

          120            mannequins en tenues
                         d’époque, des milliers d’objets
          ayant appartenu à des soldats, des cen-
                                                           enfant de troupe. Bientôt « gueule cassée »,
                                                           il a vécu toutes les horreurs de la guerre.
                                                                                                            dispositif Collèges et patrimoine et finance
                                                                                                            ainsi le transport des jeunes. Un livret
                                                                                                            pédagogique les aide à préparer leur visite
          taines d’armes, mais aussi des tableaux,         Des scènes saisissantes de précision             avec leurs enseignants.
          des diplômes, des médailles, et des photos       Chaque scène, composée de mannequins,
          d’une rare qualité… La réalité de la guerre,     d’objets, de photos, restitue un temps fort      Musée de la Mémoire et de la Paix,
          restituée dans ses moindres détails, prend       du conflit. Vous voici aux côtés du général      place de l’Hôtel de Ville à Clerval.
          sens au musée de Clerval.                        dans le poste de commandement constitué          Tél. 03 81 93 84 29
                                                           de branchages et de sacs de sable, puis aux      www.musee-memoire-paix.org
          Enfant de troupe, future                         côtés du soldat dans la tranchée, face à l’en-   Ouvert du 1er avril au 16 novembre les samedis et
          « gueule cassée »                                nemi… Et les Américains arrivent ! Avec leurs    dimanches, en juillet-août tous les jours de 14h à
          Même s’il couvre tous les conflits armés         cigarettes, leurs chewing-gum… et un nou-        18h sauf le mardi. Toute l’année sur rendez-vous
          depuis 1870 jusqu’à nos jours, le musée          vel espoir. La vie quotidienne des femmes        pour les groupes.
          de Clerval met particulièrement l’accent,        et des enfants, très dure en l’absence des
          en cette année de commémoration, sur             hommes, est aussi relatée en détail. Et l’on
          la période 1914-1918 ; et il ouvre plus sou-     imagine aisément l’ampleur des transfor-
          vent ses portes pour satisfaire la curiosité     mations sociales qui vont suivre.
          légitime du public. Le parcours du père du       Français et Allemands visitent ce musée
          général Guilloz, actuel président d’hon-         de la Mémoire et la Paix, s’y recueillent et,
          neur, retiré à Roche-lès-Clerval, sert de fil    comme tout un chacun, – malgré le recul de
          conducteur. En 1914, alors qu’il n’avait que     l’Histoire et de ses égarements répétés – se
          17 ans, Lucien Guilloz fut engagé comme          disent encore : « Plus jamais ça ! »

                                                                                                                                  avril 2014 vu du doubs 19

VDD 217 OK2.indd 19                                                                                                                                              25/03/14 13:05
14-18 : REVISITER LA GRANDE GUERRE SANS FLEUR AU FUSIL
dossier

                            Ouvriers ou paysans, hommes ou femmes :
                            À CHACUN SA GUERRE DE 14
                            L’historien Joseph Pinard présente ici un aspect méconnu de la Grande Guerre :
                            le nombre de Doubiens tués a été très variable d’une commune à l’autre…

            «
                L   es communes qui ont les pourcentages
                    les plus élevés de tués sont les communes
                rurales, en particulier celles des plateaux et
                                                                      « Au contraire, beaucoup de villes, bourgs
                                                                      ou villages industriels présentent les pour-
                                                                      centages les plus faibles : Étupes (2,07%),
                                                                                                                          « Seules 21 communes n’ont eu aucun tué.
                                                                                                                          L’importance de ces sacrifices ne surprend
                                                                                                                          pas dans la mesure où les régiments com-
                de la montagne, car les agriculteurs et les           Lods (2,42%), Ougney-Douvot (2,53%,                 tois, comme tous les “régiments de fer” de
                artisans ruraux ont été versés massivement            Besançon (2,64%), Badevel (2,67%), Vuillafans       l’Est, ont été souvent appelés par le haut
                dans l’infanterie : Cordiron, près d’Audeux,          (2,81%), Hérimoncourt (2,95%), Valentigney          commandement dans les coups durs, tantôt
                détient le triste record de 18,18% (10 tués pour      (2,97%)… Il y a cependant des exceptions :          pour percer le front, tantôt pour redresser
                une population de 55 habitants), [suivie de]          Voujeaucourt (4,85%), Fesches-le-Châtel             une situation compromise. »
                Silley-Amancey (12,98%), Flagey-Amancey               (4,77%), Sochaux (4,68%), L’Isle-sur-le-Doubs
                (11,2%), Lanthenans (11,11%), Fontenotte              (4,63%). D’autres, enfin, ont des pourcentages      Le ressentiment des paysans
                (10,9%), Landresse (10,83%), Vaire-le-Petit           moyens : Montbéliard (3,62%), Audincourt            Ces chiffres sont tirés d’un ouvrage trop peu
                (10,37%), Longevelle-lès-Russey (10,16%)…             (3,76%) ou Pontarlier (3,84%).                      connu : la thèse que Louis Mairry a consacré
                                                                                                                          au Doubs dans la IIIe République (éditions
                                                                                                                          Cêtre, 1992). Il avait bien fallu faire revenir du
                                                                                                                          front les ouvriers, techniciens et cadres indis-
                                                                                                                          pensables au fonctionnement des usines qui
                                                                                                                          travaillaient pour l’armée. Celles-ci avaient
                                                                                                                          fait appel à une main-d’œuvre féminine dont
                                                                                                                          le manque d’expérience ne permettait pas
                                                                                                                          d’assurer une production de qualité constante.
                                                                                                                          Les paysans se sont souvent plaints de ceux
                                                                                                                          qu’ils considéraient comme des planqués.
                                                                                                                          Il se pourrait que la violence de certaines
                                                                                                                          manifestations paysannes dans les villes
                                                                                                                          soient liées au ressentiment de la part de
                                                                                                                          ceux qui avaient légitimement le sentiment
                                                                                                                          d’avoir servi de chair à canon, tandis que les
                                                                                                                          enfants, les femmes et les vieillards peinaient
                Les monuments aux morts témoignent du tribut très variable payé à la guerre par chaque commune.           à maintenir l’activité des fermes.

                         INFO PLUS

                Abbé Garneret : « La guerre vécue du côté des femmes a été la plus terrible. »

                « Dans son livre Vie et mort du paysan (L’Harmattan), d’Adèle… J’ai labouré jusqu’à midi. Oh, je ne tenais
                l’abbé Garneret a consacré un chapitre à la guerre        plus debout ! Je suis rentrée, j’ai fait mon boulot, je
                de 14 : Les femmes premières victimes », rappelle         suis retournée à la charrue, j’étais bien fatiguée. »
                l’historien Joseph Pinard en citant le grand              L’abbé cite aussi des lettres adressées à leur frère
                spécialiste de notre histoire rurale : « Celles qui       au front – le futur populaire doyen des Français –
                ont vécu la guerre n’en parlaient pas, s’efforçaient      par les demoiselles Belamy, de Tarcenay :
                de l’oublier. » Le curé de Lantenne-Vertière avait su     « Maintenant qu’on est dans le pétrin jusqu’aux
                gagner la confiance d’une de ses paroissiennes dont yeux, nous sommes biens seules. On file aux foires.
                le mari était mobilisé. Julie Sugny déclare : « Je suis   Maintenant, c’est chacun pour soi. Ce monde               Les hommes incorporés, les chevaux
                allée à la charrue. Il y a 18 jours que j’avais accouché devient méchant. »                                         réquisitionnés… Les femmes ont une vie pénible.

                 20 vu du doubs avril 2014

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