La Libra, un stablecoin aux multiples enjeux juridiques - Fablex DL4T Novembre 2019 - dl4T.org

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La Libra, un stablecoin aux multiples enjeux juridiques - Fablex DL4T Novembre 2019 - dl4T.org
La Libra, un stablecoin
aux multiples enjeux juridiques

          Fablex DL4T

           Novembre 2019

        Léonie Blaszyk, Tommy Gabillet,
        Morgane Galfre, Maxime Kubiak
                et Pierre Legros
« La monnaie numérique est née en 2008 avec la volonté de créer
                                                              une monnaie indépendante des institutions existantes.
                                                                                Elle est d’abord un projet politique.
                                                                           Mais les enjeux sont surtout juridiques ».

                                                                                                 Xavier Lavayssière1

         Depuis l’annonce de son lancement à l’horizon 2020, la Libra2 est au cœur de tous les
débats. Cette cryptomonnaie développée par Facebook est souvent présentée comme une
véritable menace pour le système bancaire et financier. Les États, les régulateurs et la doctrine
n’ont d’ailleurs pas hésité à partager leurs inquiétudes.

D’après son Livre blanc3, elle se compose de trois éléments caractéristiques, visant à former un
système financier plus inclusif :
    1) Ce système repose sur une blockchain sécurisée, évolutive et fiable ;
    2) Il est soutenu par une réserve d’actifs conçue pour lui offrir une valeur intrinsèque ;
    3) Il est gouverné par l’association indépendante Libra, qui est chargée de guider
         l’évolution de l’écosystème.

La Libra apparaît comme la première cryptomonnaie privée ayant le potentiel de changer le
paysage mondial des systèmes de paiement et monétaires. Depuis l'annonce du lancement du
projet, les régulateurs, les institutions et les utilisateurs de produits financiers ont tous été incités
à réagir. Le projet a encouragé des initiatives, notamment de la part des banques centrales, qui
ont accéléré leurs propres de devises numériques. En raison de l'ampleur et de la portée de son
affiliation à Facebook, la question n'est pas de savoir s'il faut la réglementer, mais comment le
faire.

La présente recension dresse un premier état de l’art des travaux, doctrinaux et institutionnels,
en la matière. Elle reflète largement la réticence du monde académique et institutionnel à
l’égard du projet. La Libra se présente comme un stablecoin d’un genre nouveau soulevant de
multiples problématiques (I.) notamment en matière de régulation (II.).

1 X. LAVAYSSIERE, « Émergence d’un ordre numérique », AJ contrat, 2019, p. 328
2 Si le genre du projet « Libra » fait débat, le féminin a ici été choisi conformément à l’usage qui en est fait dans
le Livre blanc officiel : Association Libra, Livre blanc : Une introduction à Libra [en ligne], 23 Juillet 2019,
[consulté le 2 Novembre 2019], https://libra.org/fr-FR/white-paper/#introduction
3 Ibid.

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I.      La Libra, un stablecoin d’un genre nouveau soulevant de
           nombreuses problématiques

        A. Les stablecoins, un nouveau modèle en plein essor

v D. BULLMANN, J. KLEMM, A. PINNA, In search for stability in crypto-assets :
  are stablecoins the solution ? [en ligne], Banque centrale européenne, N° 230 , Août
  2019, [consulté le 3 Novembre 2019],
  https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/scpops/ecb.op230~d57946be3b.en.pdf

Ce rapport de la Banque centrale européenne (BCE) vise à décrire, d’une part, l’objectif de
stabilité qui se cache à derrière les stablecoins dont la Libra fait partie et, d’autres part, à
différencier les catégories de stablecoins.

Les stablecoins sont définis comme étant des « unités de valeur numérique qui ne sont pas une
forme de devise à proprement parler, mais qui s’appuient sur un ensemble d’outils de
stabilisation, en vue de diminuer les fluctuations de valeurs ». Ils s’inscrivent donc dans une
ligne aux antipodes des autres cryptomonnaies qui sont intrinsèquement volatiles, notamment
en raison de l’absence d’autorité émettrice responsable, ce qui les rend incapables de remplir
les trois fonctions de la monnaie, à savoir agir en tant que réserve de valeur, moyen de paiement
et unité de compte.

L’initiative de ce rapport de la BCE sur les stablecoins a fortement été influencée par l’annonce
du lancement du projet Libra, qui est mentionné comme illustration dès le premier pararaphe
de lintroduction et plus particulièrement son objectif d’assurer l’accès à des services de
paiements à des populations débancarisées et de favoriser l’efficacité et la rapidité des
échanges à travers les frontières.

Face à l’engouement récent autour des stablecoins, qui prétendent stabiliser la valeur des
principales devises sur le marché volatil des cryptoactifs, ce rapport décrit le fonctionnement
souvent complexe des différents types de stablecoins.

La BCE propose, en outre, une classification des initiatives de stablecoins, fondée sur les
dimensions clés qui comptent pour les actifs cryptés, à savoir : la responsabilité de l'émetteur,
la décentralisation des responsabilités et ce qui sous-tend la valeur de l'actif.

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Enfin, le rapport donne des prévisions quant aux futures utilisations des stablecoins notamment
dans les smart contract. Il soulève également le risque que les stablecoins remplacent, dans
certains cas, tant la monnaie officielle d’un Etat que le rôle de l’autorité monétaire, dans la
mesure où ils sont en mesure de fournir « une règle de politique monétaire stricte et vérifiable
par tous ».

v Blockchain, The state of stablecoins [en ligne], 2018 [consulté le 5 Novembre
  2019], https://www.blockchain.com/ru/static/pdf/StablecoinsReportFinal.pdf

Ce rapport annuel de la société Blockchain offre une vue d'ensemble des stablecoins qui sont
actuellement lancés et celles qui le seront prochainement.

Le nombre total de projets actifs fait des stablecoins l'une des plus grandes catégories de
cryptoactifs et, comme semble le démontrer le rapport, les stablecoins sont également une
catégorie de premier plan dans un certain nombre d'autres paramètres clés tel que le financement
de risque.

Ce rapport estime que le niveau d'intérêt et les ressources consacrées aux stablecoins sont
« impressionnants », à tel point qu’ils envisagent cette nouvelle forme de monnaie comme
pouvant aider à créer un point de basculement vers une adoption beaucoup plus large des
cryptoactifs.

v Blockchain, 2019 state of stablecoins [en ligne], 2019 [consulté le 5 Novembre
  2019], https://www.blockchain.com/fr/research

Le rapport de 2019 s’appuie sur le précédent pour donner un aperçu actualisé et approfondi de
l’état actuel du marché des stablecoins, appelé à connaître des innovations importantes dans les
années à venir.

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v Blockdata, An overview of the current state of stablecoins [en ligne], 26 Juin 2019,
  [consulté le 5 Novembre 2019], https://download.blockdata.tech/blockdata-
  stablecoin-report-blockchain-technology.pdf

Cette présentation proposée par l'entreprise Blockdata fait un état de l'art chiffré en matière des
stablecoins, une nouvelle forme de cryptomonnaie qui tend à avoir un avenir propice. Si à ce
titre seulement 30% du nombre total de stablecoins annoncées sont sur le marché (les autres
sont soit en développement, soit abandonnées). Aux termes du présent rapport, l’année
2019/2020 devrait être la plus grande année de mise en service de nouvelles stablecoins.

Le concept de « stablecoin » est ici défini comme une cryptomonnaie dont la valeur est
stabilisée sur celle d’un ou de plusieurs actifs sous-jacents. Les différentes catégories existantes
de stablecoins sont également énumérées et illustrées : ceux adossés à une ou plusieurs
monnaies fiduciaires ou prix d'une matière première ou métal précieux, ceux adossés à une ou
plusieurs cryptomonnaies et ceux s'appuyant sur une combinaison d'algorithmes et de contrats
intelligents pour maintenir l'équilibre des prix.

Ce rapport finit par mentionner les limites des projets de stablecoins et les raisons d'échec de
certains projets. Elles se résument autour de quatre motifs : les restrictions réglementaires
(violation des lois sur les valeurs mobilières), la centralisation (qui s'oppose à la nature de
décentralisation voulue par la blockchain), la volatilité (les stablecoins soutenues par d’autres
cryptomonnaies sont assujetties à la volatilité de leurs prix et celles soutenues par des monnaies
fiduciaires deviendraient instables en cas de krach boursier), la confiance dans les contreparties
centrales (en particulier des banques et institutions financières).

v G. SAMMAN et A. MASANTO, The State of Stablecoins 2019. Hype vs. Reality
  in the Race for Stable, Global, Digital Money [en ligne], 24 Février 2019 [consulté
  le 6 Novembre 2019],
  https://static1.squarespace.com/static/564100e0e4b08c9445a5fc5d/t/5c71e43ef961
  9ae6c83c30af/1550967911994/The+State+of+Stablecoins+2019_Report+2_20_19.
  pdf

Ce rapport retrace l’histoire de la monnaie jusqu’à l’apparition du Bitcoin puis de
cryptomonnaies alternatives, telles que les stablecoins. Cette approche historique démontre que
plus la puissance économique et militaire d’un Etat se fragmente, plus le pouvoir dont il dispose
pour battre sa monnaie se réduit.

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La montée de la cryptomonnaie, en tant que nouveaux types d'actifs, a donné naissance à une
nouvelle économie et à un nouveau paradigme pour les systèmes financiers. Dans cet
écosystème, le développement de stablecoins peut jouer un rôle crucial dans la façon dont cette
nouvelle économie parviendra à une adoption généralisée.

Les auteurs dudit rapport arguent que tout comme dans l'économie traditionnelle où il existe le
Trilemme Impossible (Trilemme Mundell-Fleming explicité en détail dans le rapport), les
stablecoins souffrent de leur propre trilemme c’est-à-dire qu’ils ne pourront satisfaire que deux
des trois caractéristiques escomptées.
   1) Décentralisation (degré d'ouverture du réseau, absence d'autorité centrale, variabilité
       des validateurs et répartition du pouvoir de confirmation)
   2) Efficacité du capital (la pièce stable est garantie à 100 % ou moins) et
   3) Nantissement (qui se produit lorsqu'un emprunteur donne un actif en garantie du prêteur
       en cas de défaillance de l'emprunteur sur le prêt initial).

La Libra en est un exemple topique puisqu’elle n’est pas une cryptomonnaie décentralisée.

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B. La Libra, un stablecoin centralisé à l’évolution limitée ?

v Association Libra, Livre blanc : Une introduction à Libra [en ligne], 23 Juillet
  2019, [consulté le 2 Novembre 2019],
  https://libra.org/fr-FR/white-paper/#introduction

Ce livre blanc dessine le fonctionnement de la monnaie et de son écosystème, ainsi que les
objectifs à court et long terme du projet. La Libra a pour ambition de permettre « au maximum
de personnes d'avoir accès à des services financiers et à des capitaux bon marchés », en
particulier les personnes qui n'ont pas accès aux banques. Cette monnaie serait particulièrement
adaptée aux pays en développement où l'accès aux comptes est difficile. L'objectif affiché est
d'envoyer de l'argent aussi facilement que d’envoyer un message pour les utilisateurs de
Messenger ou Whatsapp.

La Libra est associée au wallet Calibra (entité séparée qui fonctionnera indépendamment de
Facebook) pour stocker et effectuer les transactions. Calibra a pour vocation de réduire les frais
de transaction. Créer un compte Calibra nécessite néanmoins de remplir des conditions
d'utilisation pour prouver son identité.

Il est prévu que la blockchain Libra commence comme un réseau « de permission », où seuls
les membres fondateurs pourront traiter et sécuriser les transactions, puis aura vocation, à terme,
à devenir un réseau « sans permission » où toute personne du réseau pourra traiter les
transactions).

Libra serait garantie par la Libra Reserve. L'argent de cette réserve provient de deux sources
différentes : d’un côté, les investisseurs de l'Investment Token et, de l’autre, les utilisateurs de
la Libra. L’association versera des primes en Libra aux membres fondateurs. Ces primes visent
à encourager son adoption.

Pour créer de nouvelles pièces Libra les utilisateurs les achèteront en monnaie fiduciaire, ainsi
les réserves augmentent avec la demande des utilisateurs. Les intérêts provenant des fonds de
la Libra Reserve seront dépensés pour couvrir les dépenses de fonctionnement de l'association
et pour verser des dividendes aux premiers investisseurs.

La gouvernance de Calibra est faite par la Libra. Toutefois, pour être membre de Calibra, il faut
être validateur des nœuds du réseau Libra. Un nœud coûte 10 millions de dollars. La Libra est

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en ce sens moins vulnérable que les autres cryptomonnaies. Cependant, si un tiers des nœuds
est entre les mêmes mains, l'ensemble du réseau est perturbé.

v C. BRENNAN, Libra : Understanding Facebook’s Cryptocurrency [en ligne],
  Consensys Guides, 11 Septembre 2019, [consulté le 10 Novembre 2019],
  https://cdn2.hubspot.net/hubfs/4795067/Cons-Guide-Libra-03.pdf

Le guide de Consensys délivre un schéma permettant de mieux appréhender l’ecosystème de la
Libra :
   ¨ La « Libra Association » est composée des membres fondateurs, ce qui implique 27
          acteurs (dont Visa, Mastercard et Paypal), qui assurent la gouvernance du projet.
          La Libra Association représente un endroit de débat et de vote à destination des
          membres du conseil, à l’image d’une réunion d’actionnaires nécessitant la réunion des
          2/3 des votes pour qu’une décision soit acceptée. Les coûts d’entrées (les 10 millions)
          seront placés dans la « Libra Reserve », qui aura pour rôle de préserver la valeur des
          actifs déposés, sans pour autant dépendre d’un gouvernement.
          Les membres fondateurs, en tant que validateurs de nœuds (les 10 millions de coût à
          l’entrée représentant un nœud) obéissent à certaines règles, ce modèle consensuel est
          intitulé « LibraBFT ». Cela permet d’assurer un contrôle du trafic du réseau, ce qui est
          assez inédit pour un réseau blockchain et se distingue en cela d’Ethereum et Bitcoin où,
          théoriquement, tout un chacun peut soumettre une transaction ou utiliser un code de
          minage.
   ¨ Le « Libra Core » est un logiciel intégré dans le « Libra Protocol », lequel devra être
          respecté par chaque acteur participant à la « Libra Blockchain ». La Libra Association
          agit en tant que gardien et s’assure qu’aucun acteur / partenaire n’agisse en violation de
          ces principes. Sur la partie technique :
          Libra Core est écrite en Rust, ce qui la rapproche d’Ethereum. Le libre blanc de la Libra
          assimile d’ailleurs les problématiques rencontrées par la communauté Ethereum à celle
          du logiciel Libra Core.
   ¨ Le « Libra Network » vise le consortium proposé par Facebook qui agit en vue
          d’assurer la sécurité et les règles de régulation qui s’imposent, celui-ci est composé de
          quelques acteurs appartenant aux membres fondateurs. Ils utiliseront les 10 millions de
          taxe à l’entrée pour assurer l’entretien et le fonctionnement du réseau.

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¨ « Calibra » correspond au portefeuille digital de Facebook. Bien que l’on dispose de
       peu d’informations techniques à ce sujet, ce guide affirme néanmoins que le portefeuille
       sera implémenté à Messenger et WhatsApp (services de FB) et disponible pour tous les
       usagers.

Ce guide s’intéresse également aux réponses régulatrices qui ont été faites à l’égard de la Libra,
notamment par les banques centrales, les gouvernements asiatiques et européens ainsi qu’aux
États-Unis.

En tout état de cause, des interrogations subsistent sur la place faite à Facebook au sein de la
Libra Association, notamment en matière de sécurité nationale, de protection des données et de
vie privée ainsi que la question de l’interopérabilité du portefeuille digital. De plus, le guide
souligne le fait que le projet Libra n’est pas un système décentralisé au maximum, ce qui affecte
sa sécurité dans la mesure où les systèmes décentralisés sont les plus sécurisés contre les
hackers.

v J.-P. LANDAU et A. GENAIS, Les crypto-monnaies [en ligne], Rapport au
  ministre de l’Économie et des Finances, 4 Juillet 2018, [consulté le 4 Novembre
  2019],https://www.mindfintech.fr/files/documents/Etudes/Landau_rapport_crypto
  monnaies_2018.pdf

A l’heure où tous les pays s’interrogent aujourd’hui sur la meilleure manière de répondre aux
défis posés par les crypto-monnaies, la France se doit, selon ce rapport, de tracer une voie
originale, préservant les bénéfices de l’innovation technologique et protégeant l’intégrité des
marchés. Y parvenir suppose de répondre aux trois questions soulevées par les crypto-
monnaies, qui constituent la structure de ce rapport : que sont les crypto-monnaies ? Comment
se développent-elles ? Quelles peuvent être l’attitude et l’action des pouvoirs publics ?

Ce rapport se fonde notamment sur le rapport du FMI du 9 avril 2018 sur la stabilité financière
pour considérer que les cryptomonnaies représentent un risque faible pour la stabilité
financière globale. Il rappelle que, selon le FMI, « si l’utilisation des monnaies virtuelles devait
se généraliser en l’absence de garde-fous satisfaisants, la donne pourrait changer ». Le risque
que les cryptomonnaies font peser sur la stabilité financière globale est aujourd’hui faible, car :
   •   les sommes en cause restent peu importantes ;
   •   l’exposition du secteur financier traditionnel reste limitée à ce stade ;

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•   les vulnérabilités se développant au sein de la sphère des cryptomonnaies y restent
       circonscrites (selon le Financial Stability Board).

Le rapport souligne, par ailleurs, les risques des cryptoactifs :
   •   qui peuvent être usés à des fins criminelles, de blanchiment ou de financement du
       terrorisme au regard de l’anonymat prôné par certaines cryptomonnaies, dont l’usage
       n’est pas conditionné à une vérification d’identité ;
   •   dont l’écosystème est particulièrement vulnérable, en l’absence de mécanismes de
       garantie (« les détenteurs n’ont aucun recours en cas de vol de leurs avoirs par des
       pirates informatiques ») ;
   •   qui peuvent favoriser l’évasion de mouvements de capitaux, en contournant les règles
       nationales de contrôle.

Le rapport préconise donc trois principes de précaution :
   1. ne pas réguler directement les cryptomonnaies ;
   2. créer un environnement favorable au développement de la technologie ;
   3. circonscrire étroitement les risques en limitant strictement l’exposition du secteur
       financier aux cryptomonnaies.

Le danger d’une règlementation en classification est triple :
   Ø figer dans les textes une évolution rapide de la technologie ;
   Ø se tromper sur la nature véritable de l’objet que l’on réglemente ;
   Ø orienter l’innovation vers l’évasion réglementaire.

v J. TASKINSOY, “Facebook’s Project Libra: Will Libra Sputter Out or Spur
  Central Banks to Introduce Their Own Unique Cryptocurrency Projects?” [en
  ligne], European Banking Institute, Working Paper Series 2019/44, 20 Juillet 2019,
  [consulté le 6 Novembre 2019],
  https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3423453

Dans l'évolution de la monnaie, l'avènement des cryptomonnaies est considéré, par l’auteur de
cet article, comme un phénomène inévitable et naturel, en particulier au regard de la crise
mondiale de 2008.

Mais, de par son extrême volatilité, le Bitcoin n'a pas réussi à se démocratiser suffisamment
pour devenir une monnaie courante dans la vie quotidienne, permettant aux gens de transférer

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de l'argent aux particuliers ou aux entreprises partout dans le monde et acheter en quelques
secondes les produits et services souhaités sans avoir à se soucier des frais de transaction élevés.

En revanche, la Libra de Facebook semble, d'après l’auteur, posséder tous les éléments
nécessaires pour devenir une alternative viable aux monnaies fiduciaires, tel que le dollar
américain, si les grandes banques centrales (en particulier la Réserve fédérale et la Banque
centrale européenne) et les gouvernements le permettent.

v Z. KAKUSHADZE et W. YU, “iCurrency?” [en ligne], World Economics , à
  paraître, [consulté le 6 Novembre 2019],
  https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3444445

Cet article très technique discute l’idée d’une monnaie numérique (iCurrency) mondiale
universelle purement algorithmique à la lumière des développements technologiques récents.
En particulier, il pose la question de savoir si la Libra est un candidat pour devenir une telle
iCurrency.

Les critères pour définir une iCurrency seraient les suivants :

   1) Une absence d’intervention du gouvernement dans l’émission ou la garantie de la
       monnaie ;
   2) Une valeur fondée uniquement sur l'offre et la demande ;
   3) Une facilité de transfert entre régions et une reconnaissance mondiale comme moyen de
       paiement ; et
   4) Une absence d’intervention humaine dans le processus totalement algorithmique.

Les auteurs analysent de manière détaillée la proposition de la Libra, y compris les aspects de
stabilité et de volatilité. Les auteurs préconisent une politique budgétaire robuste afin de
permettre une négociation de la Libra.

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v V. BRÜHL, “LIBRA – A Differentiated View on Facebook’s Virtual Currency
  Project” [en ligne], CFS Working Paper, No. 633, 2019, 29 Octobre 2019, [consulté
  le 6 Novembre 2019],
  https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3477599

L’article du professeur Velker Brühl retrace l’historique du projet avant d’en expliquer en détail
le fonctionnement (la réserve Libra, la blockchain Libra, le mécanisme de consensus, etc.).

Comme la conception finale de la Libra et la stratégie à long terme de ses promoteurs ne sont
pas claires, l’auteur prend une certaine hauteur en précisant que toute conclusion est
préliminaire et nécessite une analyse plus approfondie au fur et à mesure que le projet avance
et que plus d'informations deviennent disponibles (en particulier lorsque différents cas
d'utilisation et lignes de développement du système Libra seront possibles). Ce document
fournit ainsi une vision différenciée de la Libra, reconnaissant que différents scénarios de
développement de la Libra sont concevables. La Libra pourrait servir purement de système de
paiement alternatif en combinaison avec un jeton de paiement dédié, la pièce Libra.
Alternativement, le projet Libra pourrait se transformer en une infrastructure financière plus
large pour les services financiers avancés tels que l'épargne et les produits de prêt fonctionnant
sur la chaîne de la Libra.

Sur la base d'une comparaison de l'architecture de la Libra avec d'autres cryptomonnaies, les
opportunités et les défis pour le développement des écosystèmes de la Libra sont ici étudiés
dans une perspective commerciale, réglementaire et de politique monétaire. Par exemple, la
Libra doit clairement se conformer à toutes les exigences KYC et AML et obtenir les
approbations réglementaires correspondantes. Jusqu'à présent, la question reste ouverte de
savoir si la conception, actuellement approximative, de la Libra est en mesure d'obtenir ces
approbations. Si tel est le cas, la Libra pourrait accélérer le rythme de l'innovation sur le marché
mondial des solutions de paiement.

Cependant, le concept actuel de la Libra Reserve doit être repensé afin d'éviter les risques
systémiques et d'exclure toute interférence avec les mesures de politique monétaire, car la
proposition actuelle établirait un lien direct entre la Libra Reserve et les marchés monétaires
mondiaux. Ainsi, l'influence des banques centrales sur les taux d'intérêt à court terme et la
liquidité du secteur bancaire diminuerait et la Libra pourrait en fin de compte miner la crédibilité
de la banque centrale concernée et son rôle en tant qu'institution publique indépendante vouée
à la stabilité des prix.

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Par conséquent, les autorités de régulation et les décideurs politiques devraient empêcher toute
initiative des initiateurs de la Libra qui pourrait mettre en danger le rôle fondamental des
banques centrales en tant que prêteurs en dernier ressort et seuls émetteurs de monnaie légale.

Si un écosystème aussi avancé pour la Libra évolue au fil du temps, il faut assurer des règles
du jeu équitables, en termes de cadre réglementaire, pour les institutions financières
participantes. Par exemple, les banques entreraient très probablement dans la plateforme Libra
si les processus de transaction autres que les services de paiement s'avéraient plus efficaces que
ceux offerts sur les plateformes existantes.

v L. ABRAHAM et D. GUEGAN, “The Other Side of the Coin: Risks of the Libra
  Blockchain” [en ligne], University Ca' Foscari of Venice, Dept. of Economics
  Research, Paper Series No. 30/WP/2019, 16 Octobre 2019, [consulté le 6 Novembre
  2019], https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3474237

Le but de ce document de travail est de fournir une analyse holistique du projet Libra afin
d'englober plusieurs aspects de sa mise en œuvre et des questions qu'il soulève.

Pour commencer, les auteurs abordent, en détails, un ensemble de questions techniques qui font
partie de l'environnement des cryptomonnaies, en particulier des stablecoins, et de la
technologie de la blockchain qui soutient le projet Libra.

Ils identifient, en même temps, les principaux risques à prendre en compte : risques politiques,
risques financiers, risques économiques, risques technologiques et éthiques, en mettant l'accent
sur la gouvernance du projet à deux niveaux, l'un pour l'Association et l'autre pour la blockchain
Libra.

Les auteurs insistent, enfin, sur la difficulté de réglementer un tel projet dès qu'il dépendra de
plusieurs Etats dont les législations sont très différentes. L'avenir de ce type de projet est discuté
à travers l'émergence des devises numériques de la Banque Centrale (CDBC).

                                                                                                   13
v J. TASKINSOY, “Is Facebook’s Libra Project Already a Miscarriage?” [en
  ligne], SSRN Electronic Journal , 15 Août 2019, [consulté le 6 Novembre 2019] ,
  https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3437857

D’après les auteurs de cet article, l'affirmation de Facebook selon laquelle la blockchain Libra
est un système de paiement électronique décentralisé de pair à pair est une affirmation
mensongère: si Facebook surmonte l'énorme obstacle réglementaire et reçoit les approbations
appropriées, la Libra commencera initialement par une chaîne de bloc décentralisée autorisée
avec une tierce partie de confiance. Contrairement à la chaîne de bloc décentralisée de Bitcoin,
purement décentralisée, sans permission et sans tiers de confiance, toutes les transactions sur la
chaîne de blocage de la Libra seront régies par l’Association Libra, en tant qu'autorité centrale
de facto, dont la plupart sont des sociétés américaines à but lucratif telles que Visa, MasterCard,
PayPal, Facebook Calibra et eBay. La cryptomonnaie Libra est donc une invention récente,
mais dont l’auteur dénonce les incohérences.

De plus, le passé déjà troublé de Facebook pour violation de la vie privée et exploitation des
données des utilisateurs (scandales de divulgation de données Cambridge Analytica) a intensifié
l'opposition parmi les autorités et le scepticisme parmi les participants de l'industrie, banques
centrales, régulateurs, législateurs et agences fiscales.

Comme avec toute nouvelle technologie (c.-à-d. la technologie de changement de paradigme),
la Libra causera à court terme une grave perturbation de l'écosystème actuel de plus de 2 400
pièces numériques qui a mis une décennie à se former. Cependant, à long terme, la Libra, en
tant que stablecoin mondiale, promet de révolutionner les systèmes de paiement électronique
et les transferts de fonds en renforçant l'inclusion financière et la stabilité mondiale en tant que
bien public.

Pour lancer la cryptomonnaie Libra, Facebook ne devrait pas tenter de répondre à toutes les
préoccupations ou les questions soulevées par les différentes branches des gouvernements parce
que c'est à la fois peu pratique et peu plausible à accomplir. À titre de comparaison, une
décennie s'est écoulée depuis les débuts de Bitcoin en janvier 2009 et, à cette date encore, de
nombreux pays dans le monde n'ont aucune réglementation traitant des cryptomonnaies. Si la
Libra ne se met pas à jaillir, les banques centrales seront poussées à lancer leurs propres projets
de cryptomonnaies.

Plusieurs banques centrales, notamment la BCE, ont abondé en ce sens. Il serait bien de recenser
ces initiatives.

                                                                                                 14
II.      La régulation complexe de la Libra

         A. La règlementation bancaire et fiscale de la Libra, une
            problématique de souveraineté

v BIS, Annual Economic Report [en ligne], Juin 2019, [consulté le 4 Novembre
  2019], https://www.bis.org/publ/arpdf/ar2019e.pdf

Dans son rapport économique annuel, la Banque des règlements internationaux (BIS) consacre
le troisième temps de ses développements aux grandes firmes technologiques qui prennent une
place de plus en plus importante dans le monde de la finance. Même si la Libra de Facebook
n’est pas directement mentionnée, la réflexion leur est implicitement dédiée.

La BIS estime que ces entreprises représentent une menace concurrentielle imminente pour les
banques. En témoigne, la présentation panoramique des activités financières proposées par ces
grandes entreprises technologiques : les paiements, le crédit de détail, la gestion d'actifs et
même l'assurance ont déjà connu de profondes incursions des géants, dont la clientèle mondiale
potentielle et capitalisation boursière dépasse largement celle des banques.

Le rapport tente d'analyser les impacts de ces firmes sur les services financiers : grâce à leur
combinaison unique de vastes quantités de données, de la puissance des réseaux et de leurs
activités diversifiées, ces entreprises ont le potentiel de donner une nouvelle impulsion aux
services financiers et de réaliser d'importants gains d'efficacité Elles constituent un signal
d'alarme pour les banques, qui ont besoin d'améliorer leur jeu pour être compétitives de manière
efficace.

Dans un troisième temps, la présence de grands techniciens soulève des questions politiques
majeures : c'est pourquoi le rapport développe une réflexion autour de l'applicabilité des
politiques publiques financières à ces entreprises. Il est essentiel d'assurer des règles du jeu
équitables qui favorisent la concurrence dans le cadre d'une réglementation adéquate. Quelle
que soit la réponse précise, elle nécessitera plus que jamais la coopération étroite des différentes
autorités, tant au niveau national qu'international.

                                                                                                 15
v Bank of England, Financial Policy Summary and Record of the Financial Policy
  Committee Meeting on 2 October 2019 [en ligne], 9 Octobre 2019, [consulté le 4
  Novembre 2019], https://www.bankofengland.co.uk/-/media/boe/files/financial-
  policy-summary-and-record/2019/october-
  2019.pdf?la=en&hash=5AC2F4CC658151FCFA3B4BA438CDAA37D5996310

Parce qu’il considère que la Libra a le potentiel pour devenir un système de paiement
d'importance systémique, le Financial Policy Committee (FPC) estime qu’un tel système
devrait respecter les normes de résilience les plus strictes et faire l’objet d’une supervision
appropriée.

Selon le FPC, la résilience de la Libra devrait reposer sur la stabilité non pas seulement du jeton
mais également des éléments de l’Association Libra, de la réserve Libra ainsi que des activités
critiques associées menées par d’autres entreprises de l’écosystème Libra. Le FPC souligne la
nécessité de garantir une résilience de bout en bout.

La supervision a pour objectif d’identifier les risques émergents pour la stabilité financière et
de permettre un traitement de ceux-ci. Elle devra veiller à ce que suffisamment d’informations
soient disponibles pour surveiller les activités de paiement.

Les conditions d’enclenchement pour des innovations telles que la Libra doivent être adoptées
avant tout lancement de celles-ci. Le FPC invite les autorités britanniques à légiférer dans ce
sens.

Au final, le FPC encourage la recherche de solutions alternatives telles que la Libra afin
d’améliorer l’efficacité des paiements transfrontaliers.

                                                                                                16
v G7 Working Group on Stablecoins, Investigating the impact of global stablecoins
  [en ligne], Octobre 2019, [consulté le 3 Novembre 2019],
  https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/5f8c26f2-a2cd-4685-ba82-
  fa9e4d4e5d67/files/d10fb97f-a9a6-472b-842a-8b279e8863c4

En octobre 2019, le groupe du travail du G7 chargé d’étudier les stablecoins, a publié un rapport
intitulé « Investigating the impact of global stablecoins ». Ce rapport met en lumière différents
enjeux juridiques, économiques et réglementaires que peut soulever cette nouvelle catégorie de
cryptoactifs, à laquelle appartient la Libra.

Concernant les enjeux juridiques, le rapport préconise l’établissement d’une réglementation
claire et transparente qui est primordiale pour le développement d’une quelconque stablecoin.
Toute ambiguïté concernant les droits et obligations relatifs à un cryptoactif, tel que Libra, le
rendra vulnérable à des instabilités qui auront des effets indésirables sur l’économie globale.

S’agissant de la conformité fiscale, la solution est compliquée par les divergences existantes
entre les juridictions. Le rapport du G7 met en évidence deux problématiques principales pour
les autorités publiques :
   •   L’incertitude concernant le statut légal des stablescoins : il est essentiel de savoir si la
       Libra doit être considérée comme étant une monnaie à part entière ou comme un
       instrument financier soumis aux lois applicables aux valeurs mobilières. Émerge alors
       un risque de conflit de loi entre les États qu’il est nécessaire d’appréhender. A priori, la
       Libra tend à être qualifiée, par les régulateurs, de titre financier.
   •   Le traitement fiscal des transactions de stablecoin : somme toute, le traitement fiscal
       dépendra directement du statut donné à la Libra. Est-ce une devise étrangère ou un titre
       financier impliquant dans ce cas une taxation relative à valeur de la stablecoin par
       rapport à la devise nationale ?

Selon le rapport, il est essentiel que les autorités renforcent la coopération transfrontalière
afin d’évaluer l’applicabilité des normes internationales existantes comme celles du GAFI
(groupe d’action financière), du PFMI (Principles for Financial Market Infrastructures), du
comité de Bâle et celles de l’OICV (Organisation internationale des commissions de valeurs)
concernant les valeurs mobilières.

                                                                                                17
v FINMA, « La FINMA prend position sur les « stablecoins » » [en ligne], 11
  Septembre 2019, [consulté le 3 Novembre 2019],
  https://www.finma.ch/fr/news/2019/09/20190911-mm-stable-coins/

À travers un communiqué de presse, publié le 11 septembre 2019, l’Autorité fédérale de
surveillance des marchés financiers (FINMA) a répondu à une demande d’évaluation juridique
émanant de l’Association Libra. De manière non exhaustive, l’autorité fédérale liste les
principales conditions que le projet Libra devra respecter s’il souhaite se développer sur le sol
suisse :
    Ø En tant que système de paiement, le développement du projet Libra est soumis à
           l’autorisation de la FINMA conformément à la loi sur l’infrastructure des marchés
           financiers (LIMF).
    Ø Le projet devra de plus respecter les exigences posées par les normes internationales
           comme les « principes pour les infrastructures des marchés financiers » (PIMF) ou les
           normes relatives aux cyber risques.
    Ø La FINMA précise, à cette occasion, qu’en tant que système de paiement, le projet est
           soumis aux lois internes et aux normes internationales relatives à la lutte contre le
           blanchiment d’argent.
    Ø La loi sur l’infrastructure des marchés financiers dispose que les services auxiliaires à
           un service de paiement, qui tendent à augmenter les risques, sont soumis à des exigences
           supplémentaires. Ces exigences concernent entre autres « les fonds propres, la
           répartition des liquidités et des risques ainsi que la gestion des réserves ».

Enfin, la principale condition à respecter en vue d’obtenir une autorisation de la FINMA est
que l’Association Libra assume entièrement les gains ainsi que les risques liés à la gestion des
réserves.

                                                                                                18
v United States House Committee on Financial Services, July 17, 2019 hearing
  entitled “Examining Facebook’s Proposed Cryptocurrency and Its Impact on
  Consumers, Investors, and the American Financial System” [en ligne], 12 Juillet
  2019, [consulté le 4 Novembre 2019],
  https://financialservices.house.gov/uploadedfiles/hhrg-116-ba00-20190717-
  sd002_-_memo.pdf

En prévision d’une audience visant à examiner « la cryptomonnaie proposée par Facebook et
de son impact sur les consommateurs, les investisseurs et le système financier américain », au
cours de laquelle David Marcus (CEO de Calibra) interviendra, le Comité des services
financiers de la Chambre des Etats-Unis a publié un mémorandum sur le sujet.

Ce mémorandum met en lumière les multiples enjeux réglementaires que pose le projet Libra
ainsi que les risques qu'il porte sur la protection des investisseurs et des consommateurs.

Pour le Comité des services financiers de la Chambre des représentants des États-Unis, au
regard de la loi Dodd-Frank, il est difficile de déterminer le statut de l’association Libra,
notamment quant à sa qualification juridique d’établissement bancaire. De cette problématique
découlent plusieurs questions, à savoir :
    -   Comment la cryptomonnaie est sécurisée ?
    -   Quelles sont les mesures prévues concernant les risques liés aux fluctuations de la valeur
        de la Libra ?
    -   Les vendeurs du jeton Libra doivent-ils être qualifiés de courtiers en services bancaires
        et d'investissement ?

De plus, si une monnaie non gouvernementale, à l’instar de la Libra, venait à circuler, cela
aurait un impact conséquent sur la politique monétaire de la FED, qui perdra son monopole sur
le contrôle de l’inflation.

                                                                                               19
v D. A. ZETZSCHE, R. P. BUCKLEY et D. ARNER, “Regulating LIBRA: The
  Transformative Potential of Facebook’s Cryptocurrency and Possible
  Regulatory Responses” [en ligne], University of Hong Kong Faculty of Law,
  Research Paper No. 2019/042, 11 Juillet 2019 , [consulté le 6 Novembre 2019],
  https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3414401

Cet article de doctrine présente le projet Libra et analyse les réponses potentielles ouvertes aux
régulateurs du monde entier.

Le principal problème de la réglementation de la Libra sera probablement le fait que la
coopération transfrontalière en matière de surveillance et les systèmes de coresponsabilité sont
inégaux et peu testés pour les services financiers, à l'exception des banques et des produits
dérivés. Cependant, l'établissement de nouveaux systèmes multilatéraux prendra beaucoup plus
de temps que la Libra n'en aura besoin pour devenir opérationnelle. Reste à espérer qu'une
véritable tentative collective des régulateurs pour relever ce défi sera accompagnée par des
obstacles réglementaires suffisants pour ralentir le développement exponentiel de la Libra et
permettre à la communauté réglementaire de gagner un délai supplémentaire pour réagir de
manière exhaustive.

Une pléthore de préoccupations réglementaires accompagne le projet Libra, et les organismes
de réglementation du monde entier ont déjà clairement indiqué qu'ils auront besoin de normes
réglementaires élevées, compte tenu de l'envergure et de la portée de la Libra. Les auteurs
s'attendent à ce que les organismes de réglementation agissent selon les trois paradigmes
réglementaires permanents lorsqu'ils réglementent la Libra. Il s'agit notamment de la protection
des consommateurs (également appelée protection des investisseurs, des clients et des
déposants), de la protection de la stabilité financière et des fonctions du marché (y compris le
risque systémique) et de l'intégrité du marché (particulièrement en ce qui a trait aux possibilités
d'utilisation criminelle).

A ces inquiétudes s'ajouteront les préoccupations macroéconomiques, politiques et des parties
prenantes – et étant donné la capacité de la Libra à se substituer à la monnaie fiduciaire, les
préoccupations politiques, monétaires et financières en matière de stabilité seront essentielles à
cet égard.

Pour conclure, les auteurs tentent d’avoir une vision prospective de la Libra. Selon eux, il est
possible que la plus grande conséquence de la Libra soit de déclencher une série de propositions
similaires d'autres BigTechs, qui pourraient être meilleures que la Libra. Ils suggèrent
également qu'il est très probable que cela forcera une ou plusieurs des principales banques

                                                                                                20
centrales monétaires ou gouvernements à aller de l'avant avec une monnaie numérique
souveraine qui pourrait alors servir de base à une série de systèmes de paiement et
d'écosystèmes BigTech. Un accord international fondé sur un traité et sur une monnaie
mondiale stable pourrait offrir les avantages de la Libra sans les nombreux aspects
potentiellement négatifs.

v Institut de l'iconomie, La Libra et l’Économie du Token. Une vision prospective
  sur 10 ans [en ligne], 17 Juillet 2019, [consulté le 5 Novembre 2019],
  https://asteres.fr/site/wp-content/uploads/2019/09/Libra-190717.pdf

L’Institut de l’Iconomie a rassemblé dix-huit experts de disciplines et de pratiques
complémentaires pour faire le point sur la Libra, tout en explorant les hypothèses et perspectives
de la cryptomonnaie pour les dix années à venir. Entre monétisation des données, réflexion sur
les développements possibles d'une économie autour des tokens, développement de stablecoins
similaires par les autres GAFAM, cette prospection semble aller jusqu'à la reprise espérée d’un
contrôle par les États.

L’avènement de la Libra amène de nombreuses réflexions autour de la notion même de
« monnaie ». Il faudrait s’attendre à une transformation radicale des zones monétaires et à une
perte de contrôle des différents systèmes bancaires par les « souverains ». Il en résulterait un
affaiblissement considérable des politiques monétaires comme instrument de régulation des
économies et de protection des actifs financiers, c’est-à-dire de l’épargne et des supports de
l’investissement.

En adoptant une vision plus globale, l’avènement de stablecoins entre les mains des géants du
net constituerait indéniablement une atteinte et un risque à la souveraineté de chaque État : dès
lors que les utilisateurs prennent l’habitude, pour une partie de leurs opérations, d’utiliser une
crypto-monnaie, elle gagne progressivement une acception élargie, voire universelle. Se crée
une concurrence nouvelle entre monnaies privées et publiques.

La Libra est également une menace à la surpuissance du dollar américain comme monnaie de
référence et de facto à la place des États-Unis comme régulateur monétaire. En s’installant en
Suisse, les promoteurs de la Libra, entendent se mettre à l’abri du pouvoir de sanction des Etats-
Unis, tant à l’égard des sociétés qu’à l’égard des personnes.

                                                                                               21
v M. DELL'ERBA, “Stablecoins in Cryptoeconomics. From Initial Coin
  Offerings (ICOs) to Central Bank Digital Currencies (CBDCs)” [en ligne], New
  York University Journal of Legislation and Public Policy, Forthcoming, 23 Février
  2019, [consulté le 6 Novembre 2019],
  https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3385840

Cet article analyse les principales caractéristiques des stablecoins, identifie leurs principales
catégories et examine leur rôle dans la cryptoéconomie ainsi que leur vocation infrastructurelle
pour les développements futurs de la blockchain.

Cet article s'appuie sur les problèmes qui affectent les stablecoins, en mettant l'accent en
particulier sur : la contradiction apparente dans la mise en œuvre d'un système entièrement
décentralisé fondé sur un validateur central ; l'opacité endémique des opérations d'audit, en
particulier les garanties et les mécanismes algorithmiques de stabilisation ; les conflits d'intérêts
issus des relations des stablecoins et des plateformes d'échange et leur rôle dans la récente bulle
de Bitcoin.

Enfin, le présent article met en lumière l'incertitude réglementaire au niveau de la législation
sur les valeurs mobilières et les produits de base qui peut caractériser les stablecoins, de la
même manière que les ICOs, et ouvre la possibilité que les stablecoins puissent déclencher une
réaction plus active des gouvernements et des banques centrales dans la conception et la mise
en œuvre efficace des billets de banque numériques (CBDC).

Plus largement, cet article vise à mettre en évidence les interconnexions factuelles entre les
ICOs, les cryptomonnaies, les stablecoins et les CBDC : bien que ces entités appartiennent à
des contextes différents (droit des valeurs mobilières et formation de capital, systèmes de
paiement, politique monétaire), elles sont étroitement liées et font partie de la même évolution.

                                                                                                  22
v Clifford Chance, Stablecoins: a global overview of regulatory requirements in
  Asia pacific, Europe, the UAE and the US [en ligne], 17 Septembre 2019, [consulté
  le 8 Novembre 2019],
  https://www.cliffordchance.com/content/dam/cliffordchance/briefings/2019/09/stab
  lecoins-a-global-overview-of-regulatory-requirements-in-asia-pacific-europe-the-
  uae-and-the-us.pdf

Ce rapport souligne le problème essentiel de la règlementation de la Libra, le nouveau
stablecoin proposé par Facebook, qui touche au caractère international des actifs numériques,
lesquels transcendent les frontières nationales.

Si une régulation globale semble idéale, il faut néanmoins tenir compte des spécificités
régionales. Ainsi, ce rapport propose une vue d'ensemble de la situation règlementaire globale
actuelle : d'abord aux États-Unis, ensuite en Asie-Pacifique, et enfin en Europe.

v Clifford Chance, Stablecoins: a snapshot of global regulation [en ligne], 18
  Septembre 2019, [consulté le 8 Novembre 2019],
  https://www.cliffordchance.com/content/dam/cliffordchance/briefings/2019/09/stab
  lecoins-a-snapshot-of-global-regulation.pdf

Ce second rapport du groupe Clifford Chance poursuit l’examen réglementaire et politique
accru. Ce rapport fait état d’un bref aperçu de la réglementation des gouvernements et
organismes internationaux, ainsi que des nombreuses questions que posent les stablecoins tant
aux régulateurs qu’aux juridictions.

Les émetteurs de stablecoins ayant une portée mondiale projetée (comme la Libra de Facebook)
font clairement face à un avenir difficile en naviguant dans la variété de cadres internationaux.

Bien que la réglementation varie considérablement d'un pays à l'autre, les stablecoins peuvent
soulever au moins 4 grands types de questions de réglementation dans les juridictions
concernées :
   1) les questions relatives aux mouvements de capitaux (blanchiment d'argent, paiements,
       services monétaires) ;
   2) les questions inhérentes aux cadres de placement et de négociation ;
   3) les questions bancaires (collecte de dépôts, immatriculation bancaire) ;
   4) les réglementations propres à une devise virtuelle (par exemple la BitLicense à New
       York ou l'interdiction totale dans certains pays).

                                                                                              23
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