La Libra, un stablecoin aux multiples enjeux juridiques - Fablex DL4T Novembre 2019 - dl4T.org
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La Libra, un stablecoin aux multiples enjeux juridiques Fablex DL4T Novembre 2019 Léonie Blaszyk, Tommy Gabillet, Morgane Galfre, Maxime Kubiak et Pierre Legros
« La monnaie numérique est née en 2008 avec la volonté de créer une monnaie indépendante des institutions existantes. Elle est d’abord un projet politique. Mais les enjeux sont surtout juridiques ». Xavier Lavayssière1 Depuis l’annonce de son lancement à l’horizon 2020, la Libra2 est au cœur de tous les débats. Cette cryptomonnaie développée par Facebook est souvent présentée comme une véritable menace pour le système bancaire et financier. Les États, les régulateurs et la doctrine n’ont d’ailleurs pas hésité à partager leurs inquiétudes. D’après son Livre blanc3, elle se compose de trois éléments caractéristiques, visant à former un système financier plus inclusif : 1) Ce système repose sur une blockchain sécurisée, évolutive et fiable ; 2) Il est soutenu par une réserve d’actifs conçue pour lui offrir une valeur intrinsèque ; 3) Il est gouverné par l’association indépendante Libra, qui est chargée de guider l’évolution de l’écosystème. La Libra apparaît comme la première cryptomonnaie privée ayant le potentiel de changer le paysage mondial des systèmes de paiement et monétaires. Depuis l'annonce du lancement du projet, les régulateurs, les institutions et les utilisateurs de produits financiers ont tous été incités à réagir. Le projet a encouragé des initiatives, notamment de la part des banques centrales, qui ont accéléré leurs propres de devises numériques. En raison de l'ampleur et de la portée de son affiliation à Facebook, la question n'est pas de savoir s'il faut la réglementer, mais comment le faire. La présente recension dresse un premier état de l’art des travaux, doctrinaux et institutionnels, en la matière. Elle reflète largement la réticence du monde académique et institutionnel à l’égard du projet. La Libra se présente comme un stablecoin d’un genre nouveau soulevant de multiples problématiques (I.) notamment en matière de régulation (II.). 1 X. LAVAYSSIERE, « Émergence d’un ordre numérique », AJ contrat, 2019, p. 328 2 Si le genre du projet « Libra » fait débat, le féminin a ici été choisi conformément à l’usage qui en est fait dans le Livre blanc officiel : Association Libra, Livre blanc : Une introduction à Libra [en ligne], 23 Juillet 2019, [consulté le 2 Novembre 2019], https://libra.org/fr-FR/white-paper/#introduction 3 Ibid. 2
I. La Libra, un stablecoin d’un genre nouveau soulevant de nombreuses problématiques A. Les stablecoins, un nouveau modèle en plein essor v D. BULLMANN, J. KLEMM, A. PINNA, In search for stability in crypto-assets : are stablecoins the solution ? [en ligne], Banque centrale européenne, N° 230 , Août 2019, [consulté le 3 Novembre 2019], https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/scpops/ecb.op230~d57946be3b.en.pdf Ce rapport de la Banque centrale européenne (BCE) vise à décrire, d’une part, l’objectif de stabilité qui se cache à derrière les stablecoins dont la Libra fait partie et, d’autres part, à différencier les catégories de stablecoins. Les stablecoins sont définis comme étant des « unités de valeur numérique qui ne sont pas une forme de devise à proprement parler, mais qui s’appuient sur un ensemble d’outils de stabilisation, en vue de diminuer les fluctuations de valeurs ». Ils s’inscrivent donc dans une ligne aux antipodes des autres cryptomonnaies qui sont intrinsèquement volatiles, notamment en raison de l’absence d’autorité émettrice responsable, ce qui les rend incapables de remplir les trois fonctions de la monnaie, à savoir agir en tant que réserve de valeur, moyen de paiement et unité de compte. L’initiative de ce rapport de la BCE sur les stablecoins a fortement été influencée par l’annonce du lancement du projet Libra, qui est mentionné comme illustration dès le premier pararaphe de lintroduction et plus particulièrement son objectif d’assurer l’accès à des services de paiements à des populations débancarisées et de favoriser l’efficacité et la rapidité des échanges à travers les frontières. Face à l’engouement récent autour des stablecoins, qui prétendent stabiliser la valeur des principales devises sur le marché volatil des cryptoactifs, ce rapport décrit le fonctionnement souvent complexe des différents types de stablecoins. La BCE propose, en outre, une classification des initiatives de stablecoins, fondée sur les dimensions clés qui comptent pour les actifs cryptés, à savoir : la responsabilité de l'émetteur, la décentralisation des responsabilités et ce qui sous-tend la valeur de l'actif. 3
Enfin, le rapport donne des prévisions quant aux futures utilisations des stablecoins notamment dans les smart contract. Il soulève également le risque que les stablecoins remplacent, dans certains cas, tant la monnaie officielle d’un Etat que le rôle de l’autorité monétaire, dans la mesure où ils sont en mesure de fournir « une règle de politique monétaire stricte et vérifiable par tous ». v Blockchain, The state of stablecoins [en ligne], 2018 [consulté le 5 Novembre 2019], https://www.blockchain.com/ru/static/pdf/StablecoinsReportFinal.pdf Ce rapport annuel de la société Blockchain offre une vue d'ensemble des stablecoins qui sont actuellement lancés et celles qui le seront prochainement. Le nombre total de projets actifs fait des stablecoins l'une des plus grandes catégories de cryptoactifs et, comme semble le démontrer le rapport, les stablecoins sont également une catégorie de premier plan dans un certain nombre d'autres paramètres clés tel que le financement de risque. Ce rapport estime que le niveau d'intérêt et les ressources consacrées aux stablecoins sont « impressionnants », à tel point qu’ils envisagent cette nouvelle forme de monnaie comme pouvant aider à créer un point de basculement vers une adoption beaucoup plus large des cryptoactifs. v Blockchain, 2019 state of stablecoins [en ligne], 2019 [consulté le 5 Novembre 2019], https://www.blockchain.com/fr/research Le rapport de 2019 s’appuie sur le précédent pour donner un aperçu actualisé et approfondi de l’état actuel du marché des stablecoins, appelé à connaître des innovations importantes dans les années à venir. 4
v Blockdata, An overview of the current state of stablecoins [en ligne], 26 Juin 2019, [consulté le 5 Novembre 2019], https://download.blockdata.tech/blockdata- stablecoin-report-blockchain-technology.pdf Cette présentation proposée par l'entreprise Blockdata fait un état de l'art chiffré en matière des stablecoins, une nouvelle forme de cryptomonnaie qui tend à avoir un avenir propice. Si à ce titre seulement 30% du nombre total de stablecoins annoncées sont sur le marché (les autres sont soit en développement, soit abandonnées). Aux termes du présent rapport, l’année 2019/2020 devrait être la plus grande année de mise en service de nouvelles stablecoins. Le concept de « stablecoin » est ici défini comme une cryptomonnaie dont la valeur est stabilisée sur celle d’un ou de plusieurs actifs sous-jacents. Les différentes catégories existantes de stablecoins sont également énumérées et illustrées : ceux adossés à une ou plusieurs monnaies fiduciaires ou prix d'une matière première ou métal précieux, ceux adossés à une ou plusieurs cryptomonnaies et ceux s'appuyant sur une combinaison d'algorithmes et de contrats intelligents pour maintenir l'équilibre des prix. Ce rapport finit par mentionner les limites des projets de stablecoins et les raisons d'échec de certains projets. Elles se résument autour de quatre motifs : les restrictions réglementaires (violation des lois sur les valeurs mobilières), la centralisation (qui s'oppose à la nature de décentralisation voulue par la blockchain), la volatilité (les stablecoins soutenues par d’autres cryptomonnaies sont assujetties à la volatilité de leurs prix et celles soutenues par des monnaies fiduciaires deviendraient instables en cas de krach boursier), la confiance dans les contreparties centrales (en particulier des banques et institutions financières). v G. SAMMAN et A. MASANTO, The State of Stablecoins 2019. Hype vs. Reality in the Race for Stable, Global, Digital Money [en ligne], 24 Février 2019 [consulté le 6 Novembre 2019], https://static1.squarespace.com/static/564100e0e4b08c9445a5fc5d/t/5c71e43ef961 9ae6c83c30af/1550967911994/The+State+of+Stablecoins+2019_Report+2_20_19. pdf Ce rapport retrace l’histoire de la monnaie jusqu’à l’apparition du Bitcoin puis de cryptomonnaies alternatives, telles que les stablecoins. Cette approche historique démontre que plus la puissance économique et militaire d’un Etat se fragmente, plus le pouvoir dont il dispose pour battre sa monnaie se réduit. 5
La montée de la cryptomonnaie, en tant que nouveaux types d'actifs, a donné naissance à une nouvelle économie et à un nouveau paradigme pour les systèmes financiers. Dans cet écosystème, le développement de stablecoins peut jouer un rôle crucial dans la façon dont cette nouvelle économie parviendra à une adoption généralisée. Les auteurs dudit rapport arguent que tout comme dans l'économie traditionnelle où il existe le Trilemme Impossible (Trilemme Mundell-Fleming explicité en détail dans le rapport), les stablecoins souffrent de leur propre trilemme c’est-à-dire qu’ils ne pourront satisfaire que deux des trois caractéristiques escomptées. 1) Décentralisation (degré d'ouverture du réseau, absence d'autorité centrale, variabilité des validateurs et répartition du pouvoir de confirmation) 2) Efficacité du capital (la pièce stable est garantie à 100 % ou moins) et 3) Nantissement (qui se produit lorsqu'un emprunteur donne un actif en garantie du prêteur en cas de défaillance de l'emprunteur sur le prêt initial). La Libra en est un exemple topique puisqu’elle n’est pas une cryptomonnaie décentralisée. 6
B. La Libra, un stablecoin centralisé à l’évolution limitée ? v Association Libra, Livre blanc : Une introduction à Libra [en ligne], 23 Juillet 2019, [consulté le 2 Novembre 2019], https://libra.org/fr-FR/white-paper/#introduction Ce livre blanc dessine le fonctionnement de la monnaie et de son écosystème, ainsi que les objectifs à court et long terme du projet. La Libra a pour ambition de permettre « au maximum de personnes d'avoir accès à des services financiers et à des capitaux bon marchés », en particulier les personnes qui n'ont pas accès aux banques. Cette monnaie serait particulièrement adaptée aux pays en développement où l'accès aux comptes est difficile. L'objectif affiché est d'envoyer de l'argent aussi facilement que d’envoyer un message pour les utilisateurs de Messenger ou Whatsapp. La Libra est associée au wallet Calibra (entité séparée qui fonctionnera indépendamment de Facebook) pour stocker et effectuer les transactions. Calibra a pour vocation de réduire les frais de transaction. Créer un compte Calibra nécessite néanmoins de remplir des conditions d'utilisation pour prouver son identité. Il est prévu que la blockchain Libra commence comme un réseau « de permission », où seuls les membres fondateurs pourront traiter et sécuriser les transactions, puis aura vocation, à terme, à devenir un réseau « sans permission » où toute personne du réseau pourra traiter les transactions). Libra serait garantie par la Libra Reserve. L'argent de cette réserve provient de deux sources différentes : d’un côté, les investisseurs de l'Investment Token et, de l’autre, les utilisateurs de la Libra. L’association versera des primes en Libra aux membres fondateurs. Ces primes visent à encourager son adoption. Pour créer de nouvelles pièces Libra les utilisateurs les achèteront en monnaie fiduciaire, ainsi les réserves augmentent avec la demande des utilisateurs. Les intérêts provenant des fonds de la Libra Reserve seront dépensés pour couvrir les dépenses de fonctionnement de l'association et pour verser des dividendes aux premiers investisseurs. La gouvernance de Calibra est faite par la Libra. Toutefois, pour être membre de Calibra, il faut être validateur des nœuds du réseau Libra. Un nœud coûte 10 millions de dollars. La Libra est 7
en ce sens moins vulnérable que les autres cryptomonnaies. Cependant, si un tiers des nœuds est entre les mêmes mains, l'ensemble du réseau est perturbé. v C. BRENNAN, Libra : Understanding Facebook’s Cryptocurrency [en ligne], Consensys Guides, 11 Septembre 2019, [consulté le 10 Novembre 2019], https://cdn2.hubspot.net/hubfs/4795067/Cons-Guide-Libra-03.pdf Le guide de Consensys délivre un schéma permettant de mieux appréhender l’ecosystème de la Libra : ¨ La « Libra Association » est composée des membres fondateurs, ce qui implique 27 acteurs (dont Visa, Mastercard et Paypal), qui assurent la gouvernance du projet. La Libra Association représente un endroit de débat et de vote à destination des membres du conseil, à l’image d’une réunion d’actionnaires nécessitant la réunion des 2/3 des votes pour qu’une décision soit acceptée. Les coûts d’entrées (les 10 millions) seront placés dans la « Libra Reserve », qui aura pour rôle de préserver la valeur des actifs déposés, sans pour autant dépendre d’un gouvernement. Les membres fondateurs, en tant que validateurs de nœuds (les 10 millions de coût à l’entrée représentant un nœud) obéissent à certaines règles, ce modèle consensuel est intitulé « LibraBFT ». Cela permet d’assurer un contrôle du trafic du réseau, ce qui est assez inédit pour un réseau blockchain et se distingue en cela d’Ethereum et Bitcoin où, théoriquement, tout un chacun peut soumettre une transaction ou utiliser un code de minage. ¨ Le « Libra Core » est un logiciel intégré dans le « Libra Protocol », lequel devra être respecté par chaque acteur participant à la « Libra Blockchain ». La Libra Association agit en tant que gardien et s’assure qu’aucun acteur / partenaire n’agisse en violation de ces principes. Sur la partie technique : Libra Core est écrite en Rust, ce qui la rapproche d’Ethereum. Le libre blanc de la Libra assimile d’ailleurs les problématiques rencontrées par la communauté Ethereum à celle du logiciel Libra Core. ¨ Le « Libra Network » vise le consortium proposé par Facebook qui agit en vue d’assurer la sécurité et les règles de régulation qui s’imposent, celui-ci est composé de quelques acteurs appartenant aux membres fondateurs. Ils utiliseront les 10 millions de taxe à l’entrée pour assurer l’entretien et le fonctionnement du réseau. 8
¨ « Calibra » correspond au portefeuille digital de Facebook. Bien que l’on dispose de peu d’informations techniques à ce sujet, ce guide affirme néanmoins que le portefeuille sera implémenté à Messenger et WhatsApp (services de FB) et disponible pour tous les usagers. Ce guide s’intéresse également aux réponses régulatrices qui ont été faites à l’égard de la Libra, notamment par les banques centrales, les gouvernements asiatiques et européens ainsi qu’aux États-Unis. En tout état de cause, des interrogations subsistent sur la place faite à Facebook au sein de la Libra Association, notamment en matière de sécurité nationale, de protection des données et de vie privée ainsi que la question de l’interopérabilité du portefeuille digital. De plus, le guide souligne le fait que le projet Libra n’est pas un système décentralisé au maximum, ce qui affecte sa sécurité dans la mesure où les systèmes décentralisés sont les plus sécurisés contre les hackers. v J.-P. LANDAU et A. GENAIS, Les crypto-monnaies [en ligne], Rapport au ministre de l’Économie et des Finances, 4 Juillet 2018, [consulté le 4 Novembre 2019],https://www.mindfintech.fr/files/documents/Etudes/Landau_rapport_crypto monnaies_2018.pdf A l’heure où tous les pays s’interrogent aujourd’hui sur la meilleure manière de répondre aux défis posés par les crypto-monnaies, la France se doit, selon ce rapport, de tracer une voie originale, préservant les bénéfices de l’innovation technologique et protégeant l’intégrité des marchés. Y parvenir suppose de répondre aux trois questions soulevées par les crypto- monnaies, qui constituent la structure de ce rapport : que sont les crypto-monnaies ? Comment se développent-elles ? Quelles peuvent être l’attitude et l’action des pouvoirs publics ? Ce rapport se fonde notamment sur le rapport du FMI du 9 avril 2018 sur la stabilité financière pour considérer que les cryptomonnaies représentent un risque faible pour la stabilité financière globale. Il rappelle que, selon le FMI, « si l’utilisation des monnaies virtuelles devait se généraliser en l’absence de garde-fous satisfaisants, la donne pourrait changer ». Le risque que les cryptomonnaies font peser sur la stabilité financière globale est aujourd’hui faible, car : • les sommes en cause restent peu importantes ; • l’exposition du secteur financier traditionnel reste limitée à ce stade ; 9
• les vulnérabilités se développant au sein de la sphère des cryptomonnaies y restent circonscrites (selon le Financial Stability Board). Le rapport souligne, par ailleurs, les risques des cryptoactifs : • qui peuvent être usés à des fins criminelles, de blanchiment ou de financement du terrorisme au regard de l’anonymat prôné par certaines cryptomonnaies, dont l’usage n’est pas conditionné à une vérification d’identité ; • dont l’écosystème est particulièrement vulnérable, en l’absence de mécanismes de garantie (« les détenteurs n’ont aucun recours en cas de vol de leurs avoirs par des pirates informatiques ») ; • qui peuvent favoriser l’évasion de mouvements de capitaux, en contournant les règles nationales de contrôle. Le rapport préconise donc trois principes de précaution : 1. ne pas réguler directement les cryptomonnaies ; 2. créer un environnement favorable au développement de la technologie ; 3. circonscrire étroitement les risques en limitant strictement l’exposition du secteur financier aux cryptomonnaies. Le danger d’une règlementation en classification est triple : Ø figer dans les textes une évolution rapide de la technologie ; Ø se tromper sur la nature véritable de l’objet que l’on réglemente ; Ø orienter l’innovation vers l’évasion réglementaire. v J. TASKINSOY, “Facebook’s Project Libra: Will Libra Sputter Out or Spur Central Banks to Introduce Their Own Unique Cryptocurrency Projects?” [en ligne], European Banking Institute, Working Paper Series 2019/44, 20 Juillet 2019, [consulté le 6 Novembre 2019], https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3423453 Dans l'évolution de la monnaie, l'avènement des cryptomonnaies est considéré, par l’auteur de cet article, comme un phénomène inévitable et naturel, en particulier au regard de la crise mondiale de 2008. Mais, de par son extrême volatilité, le Bitcoin n'a pas réussi à se démocratiser suffisamment pour devenir une monnaie courante dans la vie quotidienne, permettant aux gens de transférer 10
de l'argent aux particuliers ou aux entreprises partout dans le monde et acheter en quelques secondes les produits et services souhaités sans avoir à se soucier des frais de transaction élevés. En revanche, la Libra de Facebook semble, d'après l’auteur, posséder tous les éléments nécessaires pour devenir une alternative viable aux monnaies fiduciaires, tel que le dollar américain, si les grandes banques centrales (en particulier la Réserve fédérale et la Banque centrale européenne) et les gouvernements le permettent. v Z. KAKUSHADZE et W. YU, “iCurrency?” [en ligne], World Economics , à paraître, [consulté le 6 Novembre 2019], https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3444445 Cet article très technique discute l’idée d’une monnaie numérique (iCurrency) mondiale universelle purement algorithmique à la lumière des développements technologiques récents. En particulier, il pose la question de savoir si la Libra est un candidat pour devenir une telle iCurrency. Les critères pour définir une iCurrency seraient les suivants : 1) Une absence d’intervention du gouvernement dans l’émission ou la garantie de la monnaie ; 2) Une valeur fondée uniquement sur l'offre et la demande ; 3) Une facilité de transfert entre régions et une reconnaissance mondiale comme moyen de paiement ; et 4) Une absence d’intervention humaine dans le processus totalement algorithmique. Les auteurs analysent de manière détaillée la proposition de la Libra, y compris les aspects de stabilité et de volatilité. Les auteurs préconisent une politique budgétaire robuste afin de permettre une négociation de la Libra. 11
v V. BRÜHL, “LIBRA – A Differentiated View on Facebook’s Virtual Currency Project” [en ligne], CFS Working Paper, No. 633, 2019, 29 Octobre 2019, [consulté le 6 Novembre 2019], https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3477599 L’article du professeur Velker Brühl retrace l’historique du projet avant d’en expliquer en détail le fonctionnement (la réserve Libra, la blockchain Libra, le mécanisme de consensus, etc.). Comme la conception finale de la Libra et la stratégie à long terme de ses promoteurs ne sont pas claires, l’auteur prend une certaine hauteur en précisant que toute conclusion est préliminaire et nécessite une analyse plus approfondie au fur et à mesure que le projet avance et que plus d'informations deviennent disponibles (en particulier lorsque différents cas d'utilisation et lignes de développement du système Libra seront possibles). Ce document fournit ainsi une vision différenciée de la Libra, reconnaissant que différents scénarios de développement de la Libra sont concevables. La Libra pourrait servir purement de système de paiement alternatif en combinaison avec un jeton de paiement dédié, la pièce Libra. Alternativement, le projet Libra pourrait se transformer en une infrastructure financière plus large pour les services financiers avancés tels que l'épargne et les produits de prêt fonctionnant sur la chaîne de la Libra. Sur la base d'une comparaison de l'architecture de la Libra avec d'autres cryptomonnaies, les opportunités et les défis pour le développement des écosystèmes de la Libra sont ici étudiés dans une perspective commerciale, réglementaire et de politique monétaire. Par exemple, la Libra doit clairement se conformer à toutes les exigences KYC et AML et obtenir les approbations réglementaires correspondantes. Jusqu'à présent, la question reste ouverte de savoir si la conception, actuellement approximative, de la Libra est en mesure d'obtenir ces approbations. Si tel est le cas, la Libra pourrait accélérer le rythme de l'innovation sur le marché mondial des solutions de paiement. Cependant, le concept actuel de la Libra Reserve doit être repensé afin d'éviter les risques systémiques et d'exclure toute interférence avec les mesures de politique monétaire, car la proposition actuelle établirait un lien direct entre la Libra Reserve et les marchés monétaires mondiaux. Ainsi, l'influence des banques centrales sur les taux d'intérêt à court terme et la liquidité du secteur bancaire diminuerait et la Libra pourrait en fin de compte miner la crédibilité de la banque centrale concernée et son rôle en tant qu'institution publique indépendante vouée à la stabilité des prix. 12
Par conséquent, les autorités de régulation et les décideurs politiques devraient empêcher toute initiative des initiateurs de la Libra qui pourrait mettre en danger le rôle fondamental des banques centrales en tant que prêteurs en dernier ressort et seuls émetteurs de monnaie légale. Si un écosystème aussi avancé pour la Libra évolue au fil du temps, il faut assurer des règles du jeu équitables, en termes de cadre réglementaire, pour les institutions financières participantes. Par exemple, les banques entreraient très probablement dans la plateforme Libra si les processus de transaction autres que les services de paiement s'avéraient plus efficaces que ceux offerts sur les plateformes existantes. v L. ABRAHAM et D. GUEGAN, “The Other Side of the Coin: Risks of the Libra Blockchain” [en ligne], University Ca' Foscari of Venice, Dept. of Economics Research, Paper Series No. 30/WP/2019, 16 Octobre 2019, [consulté le 6 Novembre 2019], https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3474237 Le but de ce document de travail est de fournir une analyse holistique du projet Libra afin d'englober plusieurs aspects de sa mise en œuvre et des questions qu'il soulève. Pour commencer, les auteurs abordent, en détails, un ensemble de questions techniques qui font partie de l'environnement des cryptomonnaies, en particulier des stablecoins, et de la technologie de la blockchain qui soutient le projet Libra. Ils identifient, en même temps, les principaux risques à prendre en compte : risques politiques, risques financiers, risques économiques, risques technologiques et éthiques, en mettant l'accent sur la gouvernance du projet à deux niveaux, l'un pour l'Association et l'autre pour la blockchain Libra. Les auteurs insistent, enfin, sur la difficulté de réglementer un tel projet dès qu'il dépendra de plusieurs Etats dont les législations sont très différentes. L'avenir de ce type de projet est discuté à travers l'émergence des devises numériques de la Banque Centrale (CDBC). 13
v J. TASKINSOY, “Is Facebook’s Libra Project Already a Miscarriage?” [en ligne], SSRN Electronic Journal , 15 Août 2019, [consulté le 6 Novembre 2019] , https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3437857 D’après les auteurs de cet article, l'affirmation de Facebook selon laquelle la blockchain Libra est un système de paiement électronique décentralisé de pair à pair est une affirmation mensongère: si Facebook surmonte l'énorme obstacle réglementaire et reçoit les approbations appropriées, la Libra commencera initialement par une chaîne de bloc décentralisée autorisée avec une tierce partie de confiance. Contrairement à la chaîne de bloc décentralisée de Bitcoin, purement décentralisée, sans permission et sans tiers de confiance, toutes les transactions sur la chaîne de blocage de la Libra seront régies par l’Association Libra, en tant qu'autorité centrale de facto, dont la plupart sont des sociétés américaines à but lucratif telles que Visa, MasterCard, PayPal, Facebook Calibra et eBay. La cryptomonnaie Libra est donc une invention récente, mais dont l’auteur dénonce les incohérences. De plus, le passé déjà troublé de Facebook pour violation de la vie privée et exploitation des données des utilisateurs (scandales de divulgation de données Cambridge Analytica) a intensifié l'opposition parmi les autorités et le scepticisme parmi les participants de l'industrie, banques centrales, régulateurs, législateurs et agences fiscales. Comme avec toute nouvelle technologie (c.-à-d. la technologie de changement de paradigme), la Libra causera à court terme une grave perturbation de l'écosystème actuel de plus de 2 400 pièces numériques qui a mis une décennie à se former. Cependant, à long terme, la Libra, en tant que stablecoin mondiale, promet de révolutionner les systèmes de paiement électronique et les transferts de fonds en renforçant l'inclusion financière et la stabilité mondiale en tant que bien public. Pour lancer la cryptomonnaie Libra, Facebook ne devrait pas tenter de répondre à toutes les préoccupations ou les questions soulevées par les différentes branches des gouvernements parce que c'est à la fois peu pratique et peu plausible à accomplir. À titre de comparaison, une décennie s'est écoulée depuis les débuts de Bitcoin en janvier 2009 et, à cette date encore, de nombreux pays dans le monde n'ont aucune réglementation traitant des cryptomonnaies. Si la Libra ne se met pas à jaillir, les banques centrales seront poussées à lancer leurs propres projets de cryptomonnaies. Plusieurs banques centrales, notamment la BCE, ont abondé en ce sens. Il serait bien de recenser ces initiatives. 14
II. La régulation complexe de la Libra A. La règlementation bancaire et fiscale de la Libra, une problématique de souveraineté v BIS, Annual Economic Report [en ligne], Juin 2019, [consulté le 4 Novembre 2019], https://www.bis.org/publ/arpdf/ar2019e.pdf Dans son rapport économique annuel, la Banque des règlements internationaux (BIS) consacre le troisième temps de ses développements aux grandes firmes technologiques qui prennent une place de plus en plus importante dans le monde de la finance. Même si la Libra de Facebook n’est pas directement mentionnée, la réflexion leur est implicitement dédiée. La BIS estime que ces entreprises représentent une menace concurrentielle imminente pour les banques. En témoigne, la présentation panoramique des activités financières proposées par ces grandes entreprises technologiques : les paiements, le crédit de détail, la gestion d'actifs et même l'assurance ont déjà connu de profondes incursions des géants, dont la clientèle mondiale potentielle et capitalisation boursière dépasse largement celle des banques. Le rapport tente d'analyser les impacts de ces firmes sur les services financiers : grâce à leur combinaison unique de vastes quantités de données, de la puissance des réseaux et de leurs activités diversifiées, ces entreprises ont le potentiel de donner une nouvelle impulsion aux services financiers et de réaliser d'importants gains d'efficacité Elles constituent un signal d'alarme pour les banques, qui ont besoin d'améliorer leur jeu pour être compétitives de manière efficace. Dans un troisième temps, la présence de grands techniciens soulève des questions politiques majeures : c'est pourquoi le rapport développe une réflexion autour de l'applicabilité des politiques publiques financières à ces entreprises. Il est essentiel d'assurer des règles du jeu équitables qui favorisent la concurrence dans le cadre d'une réglementation adéquate. Quelle que soit la réponse précise, elle nécessitera plus que jamais la coopération étroite des différentes autorités, tant au niveau national qu'international. 15
v Bank of England, Financial Policy Summary and Record of the Financial Policy Committee Meeting on 2 October 2019 [en ligne], 9 Octobre 2019, [consulté le 4 Novembre 2019], https://www.bankofengland.co.uk/-/media/boe/files/financial- policy-summary-and-record/2019/october- 2019.pdf?la=en&hash=5AC2F4CC658151FCFA3B4BA438CDAA37D5996310 Parce qu’il considère que la Libra a le potentiel pour devenir un système de paiement d'importance systémique, le Financial Policy Committee (FPC) estime qu’un tel système devrait respecter les normes de résilience les plus strictes et faire l’objet d’une supervision appropriée. Selon le FPC, la résilience de la Libra devrait reposer sur la stabilité non pas seulement du jeton mais également des éléments de l’Association Libra, de la réserve Libra ainsi que des activités critiques associées menées par d’autres entreprises de l’écosystème Libra. Le FPC souligne la nécessité de garantir une résilience de bout en bout. La supervision a pour objectif d’identifier les risques émergents pour la stabilité financière et de permettre un traitement de ceux-ci. Elle devra veiller à ce que suffisamment d’informations soient disponibles pour surveiller les activités de paiement. Les conditions d’enclenchement pour des innovations telles que la Libra doivent être adoptées avant tout lancement de celles-ci. Le FPC invite les autorités britanniques à légiférer dans ce sens. Au final, le FPC encourage la recherche de solutions alternatives telles que la Libra afin d’améliorer l’efficacité des paiements transfrontaliers. 16
v G7 Working Group on Stablecoins, Investigating the impact of global stablecoins [en ligne], Octobre 2019, [consulté le 3 Novembre 2019], https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/5f8c26f2-a2cd-4685-ba82- fa9e4d4e5d67/files/d10fb97f-a9a6-472b-842a-8b279e8863c4 En octobre 2019, le groupe du travail du G7 chargé d’étudier les stablecoins, a publié un rapport intitulé « Investigating the impact of global stablecoins ». Ce rapport met en lumière différents enjeux juridiques, économiques et réglementaires que peut soulever cette nouvelle catégorie de cryptoactifs, à laquelle appartient la Libra. Concernant les enjeux juridiques, le rapport préconise l’établissement d’une réglementation claire et transparente qui est primordiale pour le développement d’une quelconque stablecoin. Toute ambiguïté concernant les droits et obligations relatifs à un cryptoactif, tel que Libra, le rendra vulnérable à des instabilités qui auront des effets indésirables sur l’économie globale. S’agissant de la conformité fiscale, la solution est compliquée par les divergences existantes entre les juridictions. Le rapport du G7 met en évidence deux problématiques principales pour les autorités publiques : • L’incertitude concernant le statut légal des stablescoins : il est essentiel de savoir si la Libra doit être considérée comme étant une monnaie à part entière ou comme un instrument financier soumis aux lois applicables aux valeurs mobilières. Émerge alors un risque de conflit de loi entre les États qu’il est nécessaire d’appréhender. A priori, la Libra tend à être qualifiée, par les régulateurs, de titre financier. • Le traitement fiscal des transactions de stablecoin : somme toute, le traitement fiscal dépendra directement du statut donné à la Libra. Est-ce une devise étrangère ou un titre financier impliquant dans ce cas une taxation relative à valeur de la stablecoin par rapport à la devise nationale ? Selon le rapport, il est essentiel que les autorités renforcent la coopération transfrontalière afin d’évaluer l’applicabilité des normes internationales existantes comme celles du GAFI (groupe d’action financière), du PFMI (Principles for Financial Market Infrastructures), du comité de Bâle et celles de l’OICV (Organisation internationale des commissions de valeurs) concernant les valeurs mobilières. 17
v FINMA, « La FINMA prend position sur les « stablecoins » » [en ligne], 11 Septembre 2019, [consulté le 3 Novembre 2019], https://www.finma.ch/fr/news/2019/09/20190911-mm-stable-coins/ À travers un communiqué de presse, publié le 11 septembre 2019, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) a répondu à une demande d’évaluation juridique émanant de l’Association Libra. De manière non exhaustive, l’autorité fédérale liste les principales conditions que le projet Libra devra respecter s’il souhaite se développer sur le sol suisse : Ø En tant que système de paiement, le développement du projet Libra est soumis à l’autorisation de la FINMA conformément à la loi sur l’infrastructure des marchés financiers (LIMF). Ø Le projet devra de plus respecter les exigences posées par les normes internationales comme les « principes pour les infrastructures des marchés financiers » (PIMF) ou les normes relatives aux cyber risques. Ø La FINMA précise, à cette occasion, qu’en tant que système de paiement, le projet est soumis aux lois internes et aux normes internationales relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent. Ø La loi sur l’infrastructure des marchés financiers dispose que les services auxiliaires à un service de paiement, qui tendent à augmenter les risques, sont soumis à des exigences supplémentaires. Ces exigences concernent entre autres « les fonds propres, la répartition des liquidités et des risques ainsi que la gestion des réserves ». Enfin, la principale condition à respecter en vue d’obtenir une autorisation de la FINMA est que l’Association Libra assume entièrement les gains ainsi que les risques liés à la gestion des réserves. 18
v United States House Committee on Financial Services, July 17, 2019 hearing entitled “Examining Facebook’s Proposed Cryptocurrency and Its Impact on Consumers, Investors, and the American Financial System” [en ligne], 12 Juillet 2019, [consulté le 4 Novembre 2019], https://financialservices.house.gov/uploadedfiles/hhrg-116-ba00-20190717- sd002_-_memo.pdf En prévision d’une audience visant à examiner « la cryptomonnaie proposée par Facebook et de son impact sur les consommateurs, les investisseurs et le système financier américain », au cours de laquelle David Marcus (CEO de Calibra) interviendra, le Comité des services financiers de la Chambre des Etats-Unis a publié un mémorandum sur le sujet. Ce mémorandum met en lumière les multiples enjeux réglementaires que pose le projet Libra ainsi que les risques qu'il porte sur la protection des investisseurs et des consommateurs. Pour le Comité des services financiers de la Chambre des représentants des États-Unis, au regard de la loi Dodd-Frank, il est difficile de déterminer le statut de l’association Libra, notamment quant à sa qualification juridique d’établissement bancaire. De cette problématique découlent plusieurs questions, à savoir : - Comment la cryptomonnaie est sécurisée ? - Quelles sont les mesures prévues concernant les risques liés aux fluctuations de la valeur de la Libra ? - Les vendeurs du jeton Libra doivent-ils être qualifiés de courtiers en services bancaires et d'investissement ? De plus, si une monnaie non gouvernementale, à l’instar de la Libra, venait à circuler, cela aurait un impact conséquent sur la politique monétaire de la FED, qui perdra son monopole sur le contrôle de l’inflation. 19
v D. A. ZETZSCHE, R. P. BUCKLEY et D. ARNER, “Regulating LIBRA: The Transformative Potential of Facebook’s Cryptocurrency and Possible Regulatory Responses” [en ligne], University of Hong Kong Faculty of Law, Research Paper No. 2019/042, 11 Juillet 2019 , [consulté le 6 Novembre 2019], https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3414401 Cet article de doctrine présente le projet Libra et analyse les réponses potentielles ouvertes aux régulateurs du monde entier. Le principal problème de la réglementation de la Libra sera probablement le fait que la coopération transfrontalière en matière de surveillance et les systèmes de coresponsabilité sont inégaux et peu testés pour les services financiers, à l'exception des banques et des produits dérivés. Cependant, l'établissement de nouveaux systèmes multilatéraux prendra beaucoup plus de temps que la Libra n'en aura besoin pour devenir opérationnelle. Reste à espérer qu'une véritable tentative collective des régulateurs pour relever ce défi sera accompagnée par des obstacles réglementaires suffisants pour ralentir le développement exponentiel de la Libra et permettre à la communauté réglementaire de gagner un délai supplémentaire pour réagir de manière exhaustive. Une pléthore de préoccupations réglementaires accompagne le projet Libra, et les organismes de réglementation du monde entier ont déjà clairement indiqué qu'ils auront besoin de normes réglementaires élevées, compte tenu de l'envergure et de la portée de la Libra. Les auteurs s'attendent à ce que les organismes de réglementation agissent selon les trois paradigmes réglementaires permanents lorsqu'ils réglementent la Libra. Il s'agit notamment de la protection des consommateurs (également appelée protection des investisseurs, des clients et des déposants), de la protection de la stabilité financière et des fonctions du marché (y compris le risque systémique) et de l'intégrité du marché (particulièrement en ce qui a trait aux possibilités d'utilisation criminelle). A ces inquiétudes s'ajouteront les préoccupations macroéconomiques, politiques et des parties prenantes – et étant donné la capacité de la Libra à se substituer à la monnaie fiduciaire, les préoccupations politiques, monétaires et financières en matière de stabilité seront essentielles à cet égard. Pour conclure, les auteurs tentent d’avoir une vision prospective de la Libra. Selon eux, il est possible que la plus grande conséquence de la Libra soit de déclencher une série de propositions similaires d'autres BigTechs, qui pourraient être meilleures que la Libra. Ils suggèrent également qu'il est très probable que cela forcera une ou plusieurs des principales banques 20
centrales monétaires ou gouvernements à aller de l'avant avec une monnaie numérique souveraine qui pourrait alors servir de base à une série de systèmes de paiement et d'écosystèmes BigTech. Un accord international fondé sur un traité et sur une monnaie mondiale stable pourrait offrir les avantages de la Libra sans les nombreux aspects potentiellement négatifs. v Institut de l'iconomie, La Libra et l’Économie du Token. Une vision prospective sur 10 ans [en ligne], 17 Juillet 2019, [consulté le 5 Novembre 2019], https://asteres.fr/site/wp-content/uploads/2019/09/Libra-190717.pdf L’Institut de l’Iconomie a rassemblé dix-huit experts de disciplines et de pratiques complémentaires pour faire le point sur la Libra, tout en explorant les hypothèses et perspectives de la cryptomonnaie pour les dix années à venir. Entre monétisation des données, réflexion sur les développements possibles d'une économie autour des tokens, développement de stablecoins similaires par les autres GAFAM, cette prospection semble aller jusqu'à la reprise espérée d’un contrôle par les États. L’avènement de la Libra amène de nombreuses réflexions autour de la notion même de « monnaie ». Il faudrait s’attendre à une transformation radicale des zones monétaires et à une perte de contrôle des différents systèmes bancaires par les « souverains ». Il en résulterait un affaiblissement considérable des politiques monétaires comme instrument de régulation des économies et de protection des actifs financiers, c’est-à-dire de l’épargne et des supports de l’investissement. En adoptant une vision plus globale, l’avènement de stablecoins entre les mains des géants du net constituerait indéniablement une atteinte et un risque à la souveraineté de chaque État : dès lors que les utilisateurs prennent l’habitude, pour une partie de leurs opérations, d’utiliser une crypto-monnaie, elle gagne progressivement une acception élargie, voire universelle. Se crée une concurrence nouvelle entre monnaies privées et publiques. La Libra est également une menace à la surpuissance du dollar américain comme monnaie de référence et de facto à la place des États-Unis comme régulateur monétaire. En s’installant en Suisse, les promoteurs de la Libra, entendent se mettre à l’abri du pouvoir de sanction des Etats- Unis, tant à l’égard des sociétés qu’à l’égard des personnes. 21
v M. DELL'ERBA, “Stablecoins in Cryptoeconomics. From Initial Coin Offerings (ICOs) to Central Bank Digital Currencies (CBDCs)” [en ligne], New York University Journal of Legislation and Public Policy, Forthcoming, 23 Février 2019, [consulté le 6 Novembre 2019], https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3385840 Cet article analyse les principales caractéristiques des stablecoins, identifie leurs principales catégories et examine leur rôle dans la cryptoéconomie ainsi que leur vocation infrastructurelle pour les développements futurs de la blockchain. Cet article s'appuie sur les problèmes qui affectent les stablecoins, en mettant l'accent en particulier sur : la contradiction apparente dans la mise en œuvre d'un système entièrement décentralisé fondé sur un validateur central ; l'opacité endémique des opérations d'audit, en particulier les garanties et les mécanismes algorithmiques de stabilisation ; les conflits d'intérêts issus des relations des stablecoins et des plateformes d'échange et leur rôle dans la récente bulle de Bitcoin. Enfin, le présent article met en lumière l'incertitude réglementaire au niveau de la législation sur les valeurs mobilières et les produits de base qui peut caractériser les stablecoins, de la même manière que les ICOs, et ouvre la possibilité que les stablecoins puissent déclencher une réaction plus active des gouvernements et des banques centrales dans la conception et la mise en œuvre efficace des billets de banque numériques (CBDC). Plus largement, cet article vise à mettre en évidence les interconnexions factuelles entre les ICOs, les cryptomonnaies, les stablecoins et les CBDC : bien que ces entités appartiennent à des contextes différents (droit des valeurs mobilières et formation de capital, systèmes de paiement, politique monétaire), elles sont étroitement liées et font partie de la même évolution. 22
v Clifford Chance, Stablecoins: a global overview of regulatory requirements in Asia pacific, Europe, the UAE and the US [en ligne], 17 Septembre 2019, [consulté le 8 Novembre 2019], https://www.cliffordchance.com/content/dam/cliffordchance/briefings/2019/09/stab lecoins-a-global-overview-of-regulatory-requirements-in-asia-pacific-europe-the- uae-and-the-us.pdf Ce rapport souligne le problème essentiel de la règlementation de la Libra, le nouveau stablecoin proposé par Facebook, qui touche au caractère international des actifs numériques, lesquels transcendent les frontières nationales. Si une régulation globale semble idéale, il faut néanmoins tenir compte des spécificités régionales. Ainsi, ce rapport propose une vue d'ensemble de la situation règlementaire globale actuelle : d'abord aux États-Unis, ensuite en Asie-Pacifique, et enfin en Europe. v Clifford Chance, Stablecoins: a snapshot of global regulation [en ligne], 18 Septembre 2019, [consulté le 8 Novembre 2019], https://www.cliffordchance.com/content/dam/cliffordchance/briefings/2019/09/stab lecoins-a-snapshot-of-global-regulation.pdf Ce second rapport du groupe Clifford Chance poursuit l’examen réglementaire et politique accru. Ce rapport fait état d’un bref aperçu de la réglementation des gouvernements et organismes internationaux, ainsi que des nombreuses questions que posent les stablecoins tant aux régulateurs qu’aux juridictions. Les émetteurs de stablecoins ayant une portée mondiale projetée (comme la Libra de Facebook) font clairement face à un avenir difficile en naviguant dans la variété de cadres internationaux. Bien que la réglementation varie considérablement d'un pays à l'autre, les stablecoins peuvent soulever au moins 4 grands types de questions de réglementation dans les juridictions concernées : 1) les questions relatives aux mouvements de capitaux (blanchiment d'argent, paiements, services monétaires) ; 2) les questions inhérentes aux cadres de placement et de négociation ; 3) les questions bancaires (collecte de dépôts, immatriculation bancaire) ; 4) les réglementations propres à une devise virtuelle (par exemple la BitLicense à New York ou l'interdiction totale dans certains pays). 23
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