Bibliothèques publiques de troisième génération
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Bibliothèques publiques de troisième génération Pensée visionnaire et élaboration de services novateurs dans les bibliothèques publiques (d’ici 2020) et applications possibles en Ontario Rapport établi pour le compte du ministère de la Culture de l’Ontario Wendy Newman 2008
TABLE DES MATIÈRES Sommaire 2 1.0 Contexte, approches et sources 7 2.0 Contexte de la pensée visionnaire et de l’élaboration de services novateurs 9 3.0 Ressorts, pratiques et services novateurs 13 3.1 États-Unis 13 3.2 Royaume-Uni 15 3.3 Australie 16 3.4 Pays nordiques 17 3.5 Singapour 18 3.5 Canada 18 4.0 Évaluation et analyse : pensée visionnaire et tendances d’avant-garde 23 4.1 Les rôles futurs des bibliothèques 23 4.2 Les rôles futurs des gouvernements 26 4.3 Les rôles futurs du secteur privé 28 5.0 Progrès en matière d’innovation dans les bibliothèques publiques de l’Ontario 30 6.0 L’innovation dans les bibliothèques dans le contexte distinctif de l’Ontario 35 7.0 Principaux thèmes des politiques de l’avenir 38 8.0 Conclusion : Recommandations sur les questions à considérer dans l’élaboration d’un cadre stratégique 41 ANNEXES A. Sources 45 B. Environnement des bibliothèques publiques de l’avenir 46 C. Penseurs novateurs et visionnaires 48 D. Ressorts novateurs 51 E. Pratiques et services novateurs 56 F. Bibliothèques des États américains 66
SOMMAIRE Le ministère de la Culture de l’Ontario a commandé le présent rapport pour l’aider à mettre à jour son cadre stratégique visant à appuyer les bibliothèques publiques. Le rapport examine comment une pensée visionnaire et des services novateurs pourraient s’appliquer aux bibliothèques publiques de l’Ontario d’ici 2020. Pour établir ce rapport, la chercheure a pris en considération : • les tendances sociales, économiques et technologiques; • une recension de la littérature sur les idées des penseurs visionnaires du secteur des bibliothèques; • les principales initiatives issues du partenariat entre des bibliothèques et d’autres organismes; • les récentes conférences du secteur des bibliothèques et les prix qui y ont été décernés; • l’innovation en bibliothéconomie au Canada et ailleurs; • les consultations menées par la sous-ministre de la Culture en 2006; • les priorités du gouvernement de l’Ontario. Les études indiquent que, dans les petites comme dans les grandes collectivités, les bibliothèques publiques jouent un rôle crucial sur les plans de la littératie et de l’apprentissage, de l’innovation, de la vie communautaire et de la prospérité. Le titre de ce rapport, Bibliothèques publiques de troisième génération, s’inspire du concept énoncé par l’auteure Shannon Mattern désignant des bibliothèques publiques que le public aide à concevoir. Le présent document élargit le concept de Mattern en allant au-delà de l’architecture pour toucher les partenariats et les services. Durant les périodes de transformation, les bibliothèques ont continué à bénéficier de la participation et de l’estime la population. La bibliothèque publique de 2020 répondra à de nouvelles réalités sociales, technologiques et économiques, tout en préservant ses valeurs durables. Elle utilisera de nouveaux outils et partenariats pour assumer ses rôles traditionnels en tant qu’élément d’une structure d’éducation permanente et que moteur du développement culturel et économique. Elle restera un facteur et un symbole de cohésion communautaire et sociale. Elle sera sensible à la « diversité diversifiée » propre au Canada. Elle tiendra compte des recherches sur la lecture et l’apprentissage et donnera accès à la technologie de l’information et de la communication dans un univers numérique démocratisé et participatif de qualité inégale. Elle stimulera la créativité au sein de la collectivité et offrira des espaces publics dynamiques où les gens peuvent participer et échanger des idées. Par tous ces moyens, la bibliothèque publique contribuera à la prospérité durable de l’Ontario et du Canada dans une économie de plus en plus axée sur le savoir. Il est difficile de nommer une institution publique qui a conservé des taux aussi élevés de participation et d’estime dans un tel climat de volatilité et de changement. Le présent rapport donne des exemples marquants de pratiques et de services novateurs dans les 2
bibliothèques publiques aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie, dans les pays nordiques, à Singapour et au Canada. Ces pratiques montrent que, de plus en plus, les gouvernements nationaux reconnaissent la valeur des bibliothèques publiques par des programmes, des politiques et des mesures de financement. Ce n’est toutefois pas le cas au niveau national au Canada. Cependant, l’Ontario peut s’inspirer de consortiums établis à l’échelon des États aux États-Unis, par exemple, et des innovations réalisées à l’échelle mondiale pour améliorer la prestation des services et la participation des citoyens. Il existe des différences selon les ressorts de compétence, mais, tant au Canada qu’à l’étranger, des thèmes communs se dégagent concernant les rôles des bibliothèques publiques et l’innovation dans le secteur de la bibliothéconomie. Les bibliothèques publiques de l’avenir seront des catalyseurs et des chefs de file du développement économique à l’échelon des collectivités. Elles joueront un rôle stratégique dans des industries du savoir comme les médias numériques. Elles seront également les piliers de la planification et du développement culturels communautaires. La quantité d’informations disponibles ira en grandissant, et une bonne partie de ces informations seront de valeur ou d’exactitude douteuse. Les bibliothèques publiques joueront un rôle de plus en plus important dans les compétences de littératie du XXIe siècle qui permettront aux gens de choisir, d’évaluer et d’utiliser l’information qui répond le mieux à leurs besoins. À mesure qu’augmente le nombre d’outils technologiques, les bibliothèques favoriseront une plus grande égalité d’accès et de participation et aideront les gens à créer et à échanger de nouveaux contenus d’information. Pour ce faire, les bibliothèques devront collaborer, au sein du secteur des bibliothèques et au-delà, pour créer des réseaux plus forts. Les bibliothèques publiques continueront d’être des lieux communautaires accueillants, tant réels que virtuels. Les lieux physiques renouvelés des bibliothèques seront des espaces stimulants et invitants. Les bibliothèques adopteront largement des approches issues de la recherche scientifique, ce qui enrichira leur rôle en tant que porte ouverte sur la lecture et l’apprentissage pour les enfants d’âge préscolaire et renforcera l’apprentissage des tout-petits et la littératie en milieu familial. Les initiatives destinées aux élèves adolescents et aux jeunes à risque seront des éléments essentiels des services des bibliothèques publiques de l’avenir, et les jeunes s’épanouiront dans ces espaces de conception nouvelle. Les bibliothèques publiques de l’avenir travailleront plus systématiquement avec des partenaires, y compris les gouvernements, pour intégrer les nouveaux arrivants et les personnes marginalisées. Selon les résultats de projets pilotes menés au cours de la dernière décennie, les bibliothèques joueront un rôle important pour répondre aux besoins linguistiques et aux autres besoins relatifs à l’établissement. Les personnes âgées, qui seront plus nombreuses, bénéficieront de services mieux adaptés à leurs intérêts et à leurs aptitudes. Les services aux Autochtones, à l’intérieur et à l’extérieur des réserves, répondront à leurs besoins et à leurs préférences de manière plus sensible et plus pertinente. Le rôle traditionnel des bibliothèques publiques comme réseau informel d’apprentissage changera sur le plan de la prestation des services, mais il restera constant sur le plan des valeurs et de l’engagement envers l’individu. 3
Les rôles des gouvernements et du secteur privé évolueront eux aussi. Les gouvernements auront des partenariats plus mûrs avec les bibliothèques publiques. Par conséquent, les gouvernements seront en mesure d’améliorer la coordination et l’efficacité des services offerts dans les secteurs de grande priorité, comme la jeunesse, la petite enfance et l’immigration. En partenariat avec les gouvernements, les bibliothèques publiques seront des défenseurs efficaces d’une approche équilibrée à l’égard de la propriété intellectuelle et d’un solide domaine public des idées. Le secteur privé reconnaîtra que les bibliothèques publiques ont un rôle clé à jouer pour atteindre un vaste marché de personnes en quête d’informations et de connaissances. Les entreprises comprendront comment cela s’applique à la mise à l’essai de logiciels exportables et de nouveaux médias dans le marché intérieur. Les rapports de longue date qui unissent les bibliothèques et l’industrie de l’édition se poursuivront donc dans l’avenir. D’autres rôles du secteur privé comprendront la conception et le soutien des installations, la collaboration à des initiatives de développement commercial et économique, et l’appui aux bibliothèques par le bénévolat et la philanthropie. L’Ontario occupe une place de premier rang dans plusieurs secteurs stratégiques importants pour cette vision de l’avenir des bibliothèques publiques : • le consortium Knowledge Ontario, qui tire parti de l’expérience de consortiums de ce genre au Canada et à l’étranger; • un plan stratégique de services aux Autochtones dans les réserves; • le renforcement des capacités au sein des conseils et du personnel des bibliothèques grâce au Service des bibliothèques de l’Ontario – Sud et au Service des bibliothèques de l’Ontario – Nord. L’Ontario prend de l’essor dans les secteurs suivants : • la prestation de services gouvernementaux dans les bibliothèques publiques grâce aux partenariats avec ServiceOntario; • la participation aux discussions et à la collaboration intergouvernementales. Dans d’autres secteurs, l’Ontario doit prendre des mesures pour s’assurer que les bibliothèques publiques réalisent leur potentiel : • un cadre provincial systématique et stable pour les services à l’enfance et à la jeunesse; • la croissance et le maintien de Knowledge Ontario; • Les collections et les services multiculturels; • l’infrastructure et le service à large bande; • le financement pour le fonctionnement et les projets spéciaux. En assumant un leadership dans l’élaboration et le soutien des politiques et en réinvestissant dans le financement de fonctionnement, l’Ontario a la possibilité de miser 4
sur le rôle des bibliothèques publiques pour en tirer le maximum de bénéfices pour la province. Le gouvernement ontarien pourrait aussi jouer un rôle dans la collaboration interprovinciale en vue d’arriver à un partenariat solide avec le gouvernement fédéral et à en obtenir un soutien stable. Plusieurs thèmes clés des politiques sont particulièrement prometteurs pour faire avancer les intérêts et les priorités de l’Ontario dans l’économie du savoir d’ici 2020 : • Knowledge Ontario Knowledge Ontario est un environnement propice à l’innovation ainsi qu’un service d’information. L’élargissement de ce partenariat pour y inclure les ministères responsables de l’éducation et de l’enseignement postsecondaire sera essentiel à sa stabilité et à sa croissance. • Bâtiments des bibliothèques Les bâtiments des bibliothèques publiques devraient avoir une place importante dans les programmes de revitalisation de l’infrastructure de tous les ordres de gouvernement. De plus, la Fondation Trillium devrait élargir ses critères d’admissibilité aux subventions pour y inclure les bibliothèques de toutes les collectivités, des plus grandes aux plus petites. • Accès au service à large bande Un accès universel au service à large bande est une condition importante pour atteindre le but de l’équité d’accès à toute la gamme de technologies, en plus de présenter des avantages économiques. • Rôle des bibliothèques publiques dans les programmes gouvernementaux Les programmes de l’Ontario en faveur de la littératie, de la réussite des élèves et des jeunes à risque devraient comprendre de manière détaillée et explicite le rôle des bibliothèques publiques. • Apprentissage des jeunes enfants Le soutien qu’apportent les bibliothèques publiques à l’apprentissage des tout- petits nécessite une coordination et une politique explicite. • Littératie Les bibliothèques publiques ont toujours joué un rôle important et continuent de jouer un rôle croissant en matière de littératie, y compris la littératie numérique. Par la collaboration interministérielle, l’Ontario devrait harmoniser ce rôle avec les autres programmes provinciaux de littératie. • Diversité L’Ontario occupe un vaste territoire et a une population d’une grande diversité. C’est un défi que d’offrir à des centaines de collectivités une gamme complète de ressources adaptées à des besoins divers. Le renforcement de la capacité des six grands réseaux urbains de bibliothèques publiques, lesquels atteignent 40 pour 100 de la population ontarienne, répondrait non seulement aux besoins découlant de la diversité dans ces collectivités, mais mettrait des ressources, 5
comme les collections et l’expertise professionnelle, à la disposition d’autres collectivités en vertu d’une entente de partage. • Développement économique Les bibliothèques publiques ont démontré leur capacité de contribuer au développement économique. L’Ontario pourrait saisir d’importantes occasions de tirer parti de ces capacités de façon plus systématique. • Transformation du profil démographique Les tendances démographiques indiquent que l’Ontario devra mettre un accent plus fort sur les politiques et les programmes destinés aux personnes âgées, aux personnes handicapées, aux nouveaux arrivants et aux personnes marginalisées. Knowledge Ontario et la nouvelle technologie seront des outils importants pour répondre à l’évolution des besoins. La collaboration interministérielle et intergouvernementale sera nécessaire. • Services aux Autochtones Il existe des activités de planification et des modèles de prestation à l’échelon local pour améliorer les services aux Autochtones vivant dans les réserves. • Priorités et services du gouvernement Grâce à leurs succursales dans toutes les collectivités, les bibliothèques publiques offrent au gouvernement des occasions de mettre à profit le potentiel des bibliothèques publiques dans des activités prioritaires comme la promotion de la santé et la prévention des maladies afin d’accroître la diffusion et la visibilité de l’information. • Droits d’auteur L’Ontario devrait continuer à intervenir en faveur de lois bien équilibrées qui respectent à la fois les créateurs et les utilisateurs afin d’assurer un accès raisonnable à des idées en vue de promouvoir l’apprentissage et l’innovation. Les données recueillies indiquent que la vision d’innovation fort prometteuse décrite dans le présent rapport est réalisable. L’Ontario possède un réseau de bibliothèques publiques doté de solides assises sur lesquelles il peut bâtir. La réalisation de cette vision exigera les efforts des bibliothèques publiques à l’échelon local. Elle exigera aussi que le ministère renouvelle son expertise en bibliothéconomie, ses subventions de fonctionnement et sa capacité de collaboration interministérielle et intergouvernementale. Ces éléments ont accusé un déclin marqué au cours des 10 à 12 dernières années. L’apprentissage et la littératie, l’innovation et les communautés fortes sont des aspects fondamentaux de l’Ontario de 2020. Un réseau novateur de bibliothèques à l’échelle de la province est donc un investissement attrayant pour le gouvernement. 6
1.0 CONTEXTE, APPROCHE ET SOURCES Le ministère de la Culture de l’Ontario actualise ses politiques relatives au soutien des bibliothèques publiques. Le ministère veut s’assurer de mettre en place des politiques favorables à la bibliothèque publique de l’avenir. Le ministère a procédé à de vastes consultations au sein de la communauté des bibliothèques publiques de l’Ontario, et il continue sur sa lancée pour accomplir cette tâche importante. Pour aider le ministère à améliorer son cadre stratégique et à éclairer ses décisions, l’Unité des politiques culturelles a retenu les services d’une consultante (Wendy Newman, agrégée supérieure de recherche, faculté d’études en information, Université de Toronto) pour : • mener une étude de haut niveau et une analyse des concepts, des tendances et des pratiques ayant trait aux services des bibliothèques publiques de l’avenir (d’ici 2020); • analyser la possibilité d’appliquer certaines innovations en Ontario et les enjeux relatifs à leur application; • formuler des recommendations. La consultante a donc : • cerné les tendances sociales, économiques et technologiques dans le milieu des bibliothèques en utilisant un vaste éventail de sources allant au-delà du secteur des bibliothèques et de l’information; • effectué un dépouillement de la littérature dans les bases de données sur la bibliothéconomie et les sciences de l’information; • passé en revue les récentes distinctions attribuées pour les réalisations exceptionnelles et l’innovation dans les bibliothèques publiques en Ontario, au Canada et à l’étranger, afin d’en dégager les thèmes communs; • examiné les publications et sites Web d’éminents auteurs, blogueurs et chercheurs dans le milieu des bibliothèques et de l’information au sens large; • étudié les activités et les visions d’avenir des bibliothèques et des organismes connexes au Canada et ailleurs; • discuté des enjeux avec des leaders et des chercheurs en bibliothéconomie à l’échelle canadienne et internationale; • étudié la documentation et les transcriptions des consultations menées par la sous-ministre en 2006. La consultante a examiné cette information à la lumière des intérêts et des priorités du gouvernement de l’Ontario. Les sources sont énumérées à l’annexe A, et un grand nombre d’entre elles sont liées aux documents électroniques énumérés aux annexes B à E. Le temps alloué à cette étude était 7
limité. L’auteure reconnaît avec gratitude la contribution de Mary Lou Evans, Rod Sawyer, Aimée Skelton et Nicole Stewart du ministère de la Culture qui se sont généreusement mis à sa disposition pour lui offrir des informations et des consultations. Shannon Mattern, auteure de The New Downtown Library: Designing with Communities (Minneapolis, University of Minnesota Press, 2007) utilise l’expression « third generation public libraries » (bibliothèques publiques de troisième génération) pour décrire le mouvement vers la participation communautaire à la conception des nouveaux bâtiments des bibliothèques publiques aux États-Unis. Le bâtiment de la bibliothèque publique de troisième génération est un espace public polyvalent. C’est un point d’ancrage du développement communautaire et un icône de la collectivité. C’est le produit d’un dialogue, et les usagers participent activement à sa conception. Cette nouvelle forme de bâtiment ne correspond pas à un modèle préconçu et pourrait bien ne pas « ressembler » à une bibliothèque. Le présent document élargit ce concept pour l’appliquer non seulement aux bâtiments mais aussi aux partenariats et aux services dispensés dans des environnements réels et virtuels. La bibliothèque publique de troisième génération collabore avec sa collectivité. Ses programmes et son aménagement de l’espace évoluent à mesure qu’évolue la collectivité du XXIe siècle. 8
2.0 CONTEXTE DE LA PENSÉE VISIONNAIRE ET DE L’ÉLABORATION DE SERVICES NOVATEURS DANS LES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES D’ICI 2020 Il y a dix ans, les gens prédisaient le bureau sans papier et la disparition de la poste et du téléphone. Il est évidemment impossible de prédire où la technologie nous mènera, mais on peut raisonnablement faire appel à une pensée et une activité visionnaires pour faire des projections sur l’évolution des bibliothèques publiques d’ici 2020. Dans la présente étude, on examine les changements survenus sur les plans de la technologie, de la démographie et du contexte économique, politique et culturel. On relie ces changements à la pensée et à l’activité visionnaires dans les bibliothèques publiques et on établit des liens avec les priorités, politiques et programmes du gouvernement. Cette étude part de l’hypothèse que la bibliothèque publique du XXIe siècle continuera à remplir la fonction qu’elle exerce depuis le XIXe siècle en tant que système informel d’éducation. Les valeurs de la bibliothèque publique, telles qu’elles sont formulées par Michael Gorman et d’autres auteurs, seront maintenues : préservation, service, littératie, rationalisme, liberté de pensée, confidentialité, équité et démocratie. La technologie change les outils et non l’essence de la bibliothèque publique. Pour prévoir l’avenir des bibliothèques publiques de l’Ontario, il est raisonnable d’examiner les orientations prévues dans les domaines de la collectivité, de l’apprentissage, de la technologie et de l’économie. Les quelques exemples choisis qui suivent proviennent d’auteurs de l’Ontario, du Canada et d’ailleurs. (Pour de plus amples renseignements et les références, voir l’annexe B.) Pour les experts et les professionnels chevronnés, ces idées donnent un sens à des changements qui autrement ne semblent pas reliés entre eux. Les catégories utilisées ci-dessous sont « population », « technologie » et « économie », mais ces catégories sont fluctuantes et interreliées. La plupart de ces idées portent d’une façon ou d’une autre sur le capital intellectuel. Le capital intellectuel est la pierre angulaire de l’économie du savoir, et les perspectives d’avenir de l’Ontario en dépendent. Population : collectivité et apprentissage Les tendances indiquent que la collectivité et l’apprentissage demeureront les principaux thèmes des bibliothèques publiques de 2020 concernant la population. Nous accorderons une plus grande importance au déficit du « capital social » et aux défis relatifs à la diversité croissante. Robert Putnam, professeur à Harvard, examine le capital social, c’est-à-dire la trame du tissu social. Il signale un déclin de la participation civique (par exemple, les clubs philanthropiques, le vote) et proposes des façons de la restaurer et de la renforcer. Les bibliothèques publiques, en tant que pivots communautaires, constituent un lieu privilégié et un partenaire de l’engagement civique. 9
Interconnections est une importante étude sur l’utilisation des bibliothèques et des musées effectuée par le US Institute of Museum and Library Services (publiée en 2008). Cette étude confirme, une fois encore, le niveau élevé de confiance du public dans les bibliothèques. Keith Banting (Université Queen’s) analyse la « diverse diversity », ou diversité diversifiée, du Canada, Le Canada est unique au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) par les trois dimensions de sa diversité démographique (population autochtone/non autochtone, anglaise/française, multiculturelle). Banting voit les bibliothèques publiques comme des passerelles vers la future participation à la société, de sorte que les Canadiens puissent vivre ensemble sans devenir pareils. L’ouvrage marquant de C. Ross, L. McKechnie et P. Rothbauer (Université Western Ontario) examine les travaux de recherche portant sur les rapports entre la lecture, les bibliothèques et la collectivité. Cet ouvrage souligne le rôle essentiel que jouent les bibliothèques pour stimuler la lecture et l’apprentissage. Les auteurs montrent également que la lecture (y compris la lecture d’agrément) est encore une activité importante pour les Canadiens à l’ère numérique. Scott Bennett (Yale University) observe l’importance croissante des environnements d’apprentissage collaboratifs, quels que soient les outils technologiques du moment. Technologie : médias de participation Il est particulièrement hasardeux de spéculer sur les changements qui pourraient survenir dans la technologie. Cependant, les tendances actuelles indiquent que l’accès à l’information reposera de plus en plus sur des appareils sans fil plus petits, moins chers, plus puissants et plus versatiles. Un des changements survenus a des conséquences particulièrement transformatrices pour l’avenir des bibliothèques : les utilisateurs des technologies de l’information et des communications (TIC), de destinataires de contenu qu’ils étaient, sont maintenant devenus créateurs de contenu dans un univers numérique très démocratique et très social. Les utopistes comme les détracteurs de ce virage fondamental font des observations pertinentes pour les bibliothèques. Dans le camp des enthousiastes, Don Tapscott (auteur et entrepreneur canadien) fait valoir la promesse que recèle la collaboration numérique, sur une échelle de masse, pour le développement commercial et économique. Les bibliothèques jouent un rôle dans cette perspective, puisqu’elles créent et assurent un contenu numérique valable et qu’elles permettent l’accès à une participation numérique sans obstacle. Dans le camp des pessimistes, Andrew Keen (auteur de The Cult of the Amateur: How Today’s Internet is Killing Our Culture) s’alarme de la quantité de renseignements inexacts, superficiels, préjudiciables, manipulateurs ou anonymes affichés par les utilisateurs. Il s’inquiète de l’effet cumulatif de ce phénomène sur la culture et sur l’apprentissage. 10
Fait intéressant, que ce soit dans la perception optimiste ou pessimiste de la situation, les bibliothèques constituent une grande richesse pour la société. À mesure que la quantité de renseignements inexacts s’accroît à la faveur des communications de masse, il sera encore plus important de trouver des données exactes et fiables, tant pour l’individu que pour la société. Les bibliothèques jouent depuis longtemps un rôle dans la littératie médiatique (c’est-à-dire la capacité de définir les questions, de trouver les informations et d’en évaluer la pertinence, la fiabilité et la valeur). Ce rôle est encore plus urgent et important dans un univers numérique non réglementé et, dans la plupart des cas, sans contrôle intermédiaire. L’information sur la santé n’est que l’un des exemples où l’urgence se fait sentir. Qui plus est, même si l’opinion publique semble en faire peu de cas, le fossé numérique, dans toutes ses dimensions (p. ex., revenu, éducation, service à large bande) est encore profond et persistant. Les bibliothèques publiques continuent d’être la stratégie privilégiée d’accès gratuit et universel et de participation à l’ère numérique. Un rapport récent de Forrester Research, un cabinet américain spécialisé dans la technographie sociale, définit six catégories d’utilisateurs de services en ligne et établit leur répartition selon l’âge. Les utilisateurs les plus dynamiques sont les « créateurs » qui créent des pages Web, rédigent des blogues ou téléchargent des vidéos vers l’amont. Les utilisateurs les moins dynamiques sont les « inactifs » qui sont en ligne mais qui ne participent à aucun des médias sociaux du Web 2.0. La recherche de Forrester nous rappelle que les bibliothèques publiques ne peuvent pas choisir leur base de clientèle. Elles doivent offrir des services qui ont une certaine utilité et une certaine valeur pour toute la gamme des utilisateurs en ligne, ainsi que pour les résidents qui ne vont pas ou qui ne peuvent pas aller en ligne (parce qu’ils ne savent pas lire ou utiliser les médias informatiques, par exemple). Économie : créativité et prospérité durable Les éléments d’une prospérité durable continueront d’être très importants pour les bibliothèques publiques et les collectivités qui les créent. Ces éléments comprennent l’importance centrale de la créativité dans l’économie, le rôle de l’apprentissage dans une économie novatrice et la nécessité d’un puissant accès aux idées. Richard Florida, auteur de renom et Torontois depuis peu, observe un rapport positif entre la présence de nombreuses personnes « créatives », un environnement dynamique et la prospérité économique des villes. Il a jeté un regard neuf sur les environnements qui stimulent la créativité. Un accès universel aux idées, ce qui est la vision et l’idéal des bibliothèques publiques, stimule la créativité. Le nouveau projet triennal du Conference Board du Canada sur l’économie canadienne souligne la nécessité croissante de l’apprentissage et de l’innovation au Canada. Depuis leur origine, les bibliothèques publiques appuient l’apprentissage informel des adultes axé sur l’emploi. Les cours intensifs de mécanique du XIXe siècle se sont graduellement transformés en bibliothèques financées par les deniers publics, dont un grand nombre étaient situées dans des bâtiments dotés par le philanthrope Andrew Carnegie. Les 11
bibliothèques publiques continuent à stimuler et à appuyer l’éducation permanente, à la fois par des outils traditionnels et des outils novateurs. À la faveur des dernières techniques marchandes, les gens s’attendent à ce que les bibliothèques soient des environnements encore plus sophistiqués. Les consommateurs privilégient des expériences « thématiques », dans une ambiance de musée, même pour des activités autrefois aussi simples que d’acheter un café ou d’aller à la librairie. Ils s’attendent à ce que leur bibliothèque publique leur offre les mêmes heures d’ouverture et une atmosphère aussi excitante. Joseph Pine a appelé ce phénomène « économie de l’expérience ». Enfin, des approches extrêmement restrictives relativement aux droits d’auteur empiètent de plus en plus sur les communes d’idées à l’ère numérique. (Le terme « commune » signifiait à l’origine un terrain utilisé en commun pour le pâturage.) Ces approches limitent l’accès aux idées et limitent donc l’accès au contenu des bibliothèques. Ce problème souligne la nécessité de mettre l’accent sur l’intérêt public dans les politiques sur les droits d’auteur, comme l’expliquent David Bollier, Lawrence Lessig et Michael Geist. Ces concepts aident à établir le contexte de la pensée visionnaire et de l’innovation dans les bibliothèques publiques de l’Ontario d’ici 2020. Les programmes des congrès et conférences du milieu de la bibliothéconomie ne sont que l’un des indicateurs montrant que les responsables des bibliothèques publiques sont bien conscients de cette évolution. Des penseurs d’avant-garde dans tous les domaines présentés ci-dessus sont souvent invités à prononcer le discours thème aux rassemblements de la communauté des bibliothèques. Les ressorts les plus avancés à l’échelle mondiale utilisent ces idées pour apporter des innovations pratiques dans les bibliothèques publiques. (Pour de plus amples renseignements, voir l’annexe C.) 12
3.0 RESSORTS, PRATIQUES ET SERVICES NOVATEURS De nombreux ressorts du monde développé, bien différents entre eux, ont appliqué des innovations en bibliothéconomie qui sont pertinentes pour l’avenir de l’Ontario dans une économie de plus en plus fondée sur le savoir. La technologie, la diversité, les nouvelles techniques marchandes et les priorités gouvernementales (surtout en matière de développement économique et social) sont quelques-uns des catalyseurs les plus importants de l’innovation. Une collaboration d’une envergure jamais vue auparavant a marqué ces réactions novatrices au changement. Dans tout le monde développé, le dénominateur commun de l’innovation dans les bibliothèques publiques est l’intérêt des gouvernements pour une société instruite, informée, inclusive et engagée, et la reconnaissance de la nécessité de renouveler les outils et l’infrastructure pour réaliser cet objectif. (Pour de plus amples renseignements et des références sur ce qui suit, voir l’annexe D.) 3.1 ÉTATS-UNIS Gouvernement fédéral, organismes philanthropiques et groupes de pression La combinaison du soutien du gouvernement fédéral et de l’intervention des organismes philanthropiques et des groupes de pression a stimulé une grande part de l’innovation dans les bibliothèques publiques aux États-Unis. Même si les bibliothèques publiques ne relèvent pas du gouvernement fédéral, cet ordre de gouvernement apporte un soutien stratégique et financier à l’innovation en bibliothéconomie. L’Institute for Museum and Library Services (IMLS), un organisme financé par le gouvernement fédéral, appuie l’innovation en bibliothéconomie en accordant des subventions pour des projets de recherche de pointe, de leadership et de développement des bibliothèques présentant un intérêt national. Le « E-Rate », ou taux éducationnel, fait partie du cadre réglementaire de l’industrie des télécommunications et assure une connectivité à Internet à taux privilégié pour les bibliothèques publiques et les écoles. Ces mesures de soutien reconnaissent le rôle stratégique des bibliothèques publiques dans la société américaine et permettent aux bibliothèques de se préparer à répondre de façon novatrice aux besoins à venir. Les organismes philanthropiques et les groupes de pression appuient également l’innovation dans les bibliothèques publiques américaines. Par exemple, la Bill & Melinda Gates Foundation a financé la connectivité initiale à Internet dans les bibliothèques publiques. La fondation a également étudié les effets de la connectivité et les défis qui y sont associés afin que les bibliothèques publiques soient bien placées pour faire face aux réalités de demain. Libraries for the Future est un organisme à but non lucratif qui appuie l’innovation et l’investissement dans les bibliothèques. Il relie des professionnels de diverses disciplines (comme santé et alphabétisation, ou services à la petite enfance et architecture) pour contribuer à l’élaboration de solutions permettant de relever de nouveaux défis. Le Online Computer Library Centre (OCLC) se définit comme un organisme de recherche et de services de bibliothèque à but non lucratif dirigé par ses membres et voué à l’objectif public d’accroître l’accès à l’information à l’échelle mondiale et de réduire les coûts de 13
l’information; il est actif dans de nombreux pays (y compris le Canada). Le centre est particulièrement dynamique aux États-Unis. Ses ressources d’analyse contextuelle et d’intervention aident les bibliothèques à définir et à mettre en valeur leurs atouts. Bibliothèques des États et collaboration à l’échelle de l’État Les bibliothèques travaillent ensemble depuis longtemps pour tirer le meilleur parti possible des ressources à l’échelon local (p. ex., le réseau mondial de prêts entre bibliothèques). Cependant, à l’ère numérique, les bibliothèques américaines ont fait des progrès prodigieux en établissant de nouveaux mécanismes semblables à des consortiums. Les consortiums (habituellement établis à l’échelle d’un État), avec la participation des bibliothèques de l’État, ont combiné l’expertise et les ressources des bibliothèques locales avec les fonds de l’État pour négocier des prix avantageux pour des bases de données de grande qualité à l’échelle de l’État. Ils fournissent ces bases de données à tous les habitants de l’État par l’intermédiaire des réseaux locaux de bibliothèques. De tels environnements de collaboration entre des collectivités des plus grandes aux plus petites permettent de réaliser une équité sans précédent de l’accès à l’information pour toute la population. Certains consortiums établis à l’échelle d’un État, comme celui de l’Ohio, ont appliqué de semblables économies d’échelle à d’autres innovations. En fait, les données montrent que les consortiums de bibliothèques créés pour acheter en commun des ressources d’information peuvent être d’excellents tremplins vers de futures innovations. À titre d’exemples, mentionnons la numérisation intensive d’images et de textes, et des services spécialisés d’information comme l’aide aux devoirs. L’Ohio, l’Indiana, le Michigan, le Colorado, le Minnesota et la Géorgie sont parmi les leaders à ce chapitre. La bibliothèque locale : place publique, partenaire et lieu de conversation Les bibliothèques publiques américaines représentent la tradition la plus profonde et le terrain le plus propice à l’innovation au monde. Parmi les réseaux les plus novateurs, soulignons la bibliothèque de district d’Ann Arbor. Ce réseau utilise les logiciels sociaux ou relationnels (p. ex., les blogues) pour que la bibliothèque entretienne une « conversation » continue avec les citoyens. Cet usage du Web 2.0 a des répercussions sur l’élaboration future des services puisque l’accès est maintenant possible au moyen d’appareils plus petits et moins coûteux. De nouveaux bâtiments fort populaires, comme la bibliothèque centrale de Seattle, indiquent une renaissance dans la construction de bibliothèques publiques. L’utilisation assidue et persistante des bâtiments des bibliothèques contredit les experts qui prédisaient un avenir entièrement numérique. En fait, les tendances indiquent que les nouveaux bâtiments des bibliothèques sont des points de convergence importants de la fierté communautaire et de l’engagement civique, en plus d’en améliorer le fonctionnement. Seattle a consigné les retombées économiques provenant du fait que des gens de l’extérieur de la région visitent la bibliothèque. Les chercheurs de la Northwestern University ont constaté que les succursales de la bibliothèque publique de Chicago sont des modèles de bâtiments communautaires. La 14
bibliothèque publique de Cerritos, en Californie, a été conçue pour fournir une expérience « thématique » un peu à la façon d’un musée. La bibliothèque de Charlotte et Mecklenberg, en Caroline du Nord, a collaboré à l’élaboration d’ImaginOn, qui est à la fois une bibliothèque et un théâtre pour enfants. C’est là un autre exemple d’un espace thématique résolument axé sur la participation. Ces quelques exemples, comme bien d’autres, laissent entrevoir la bibliothèque publique de l’avenir comme un espace physique stimulant et engageant, et comme un fournisseur de services adaptés et interactifs dans l’environnement virtuel. ROYAUME-UNI Ressort Le contexte dans lequel évoluent les bibliothèques publiques au Royaume-Uni diffère à bien des égards de celui des États-Unis et de la plus grande partie du Canada. Le Royaume-Uni n’a pas d’ordre de gouvernement correspondant à l’État ou à la province qui est chargé des politiques et des programmes en matière d’apprentissage. Le Museums, Libraries and Archives Council (MLA) est un organisme du gouvernement du R-U. Il fournit aux bibliothèques une certaine aide financière et établit les grandes politiques et orientations stratégiques. Ce sont toutefois les conseils locaux (municipaux) qui dirigent les activités des bibliothèques et qui fournissent la plus grande partie des fonds de fonctionnement courant. Au Royaume-Uni, les bibliothèques publiques cherchent à reprendre du terrain perdu face au grave déclin constaté dans les collections, les services et les bâtiments. Des rapports du gouvernement reconnaissent le rôle critique que jouent les bibliothèques publiques pour atteindre les objectifs du pays sur le plan de l’amélioration de la lecture et de l’apprentissage, de la cohésion et de l’inclusivité des communautés, et de l’accès à la technologie. Voici deux récentes innovations du Royaume-Uni dans la réalisation de ces objectifs : Reading Agency et Museums Libraries and Archives. Reading Agency Créé il y a cinq ans, le Reading Agency est un organisme à but non lucratif, financé dans une grande mesure par Arts Council England, lequel est à son tour financé principalement par le gouvernement. Le Reading Agency travaille avec les bibliothèques publiques et d’autres groupes pour stimuler la lecture au Royaume-Uni. L’une de ses approches novatrices est de concevoir ou de réaménager des espaces de bibliothèque (en utilisant des fonds issus de loteries) pour en faire des endroits plus attrayants pour la jeunesse. Les jeunes participent directement à la planification, bien au-delà des consultations habituelles sur le décor et les collections. (Soustraire la conception des installations à la mainmise des architectes et des bibliothécaires pourrait bien être un signe des temps à venir, mais la durabilité de cette tendance n’a pas encore été évaluée à la lumière de critères comme la viabilité des coûts de fonctionnement.) 15
Museums, Libraries and Archives Council Reconnaissant le puissant effet des bibliothèques, des archives et des musées sur la créativité et la prospérité, le gouvernement du Royaume-Uni a créé le Museums, Libraries and Archives Council (MLA), un centre d’avant-garde en matière de leadership et d’investissement à l’échelle nationale. Le nouvel organisme a créé de nombreux outils et programmes dans le cadre de son plan pour les bibliothèques publiques intitulé Framework for the Future. Ces outils ne sont pas nécessairement novateurs (p. ex., des mesures multiples de rendement), mais ils pourraient bien contribuer à stimuler l’innovation en considérant les bibliothèques publiques sous divers angles. Ce qui est peut-être le plus novateur, c’est l’envergure du partenariat national que dirige cet organisme gouvernemental. Il comprend l’association professionnelle des bibliothécaires, l’association des administrations locales, le National Youth Agency, le Reading Agency et d’autres organisations. Idea Stores Les Idea Stores marquent un nouveau développement dans les réseaux locaux de bibliothèques au Royaume-Uni. Ces « magasins d’idées » sont situés dans de nouveaux bâtiments ayant de plus longues heures d’ouverture et viennent remplacer les installations des bibliothèques publiques désuètes. Ils offrent à la fois les services de bibliothèque traditionnels et des formes plus modernes de services, y compris l’accès aux services gouvernementaux en ligne et des cours accélérés d’éducation de base pour les adultes. Les opinions sont partagées au sujet de ce nouveau nom. Certains experts nord- américains considèrent que c’est un échec sur le plan de l’image de marque (c’est-à-dire que l’on donne l’impression que le financement et le service étaient tellement médiocres qu’il fallait redorer le blason de la bibliothèque publique). 3.3 AUSTRALIE Bibliothèques des États L’Australie permet une comparaison valable avec le Canada. Son système fédéral est semblable et sa population se caractérise par une présence autochtone, des contrastes urbains-ruraux et un multiculturalisme croissant. Les bibliothèques australiennes sont parmi les chefs de file à l’échelle mondiale pour ce qui est de la collaboration et du recours à des consortiums pour réaliser des économies d’échelle et assurer l’équité d’accès sur de vastes territoires. (Les promoteurs de Knowledge Ontario ont considéré ces modèles, ainsi que les modèles de certains États des États-Unis que nous avons déjà mentionnés.) Les bibliothèques des États, pour lesquelles il n’y a pas d’équivalents au Canada, ont élaboré de vigoureuses initiatives de collaboration. Elles se sont également alliées à leur propre bibliothèque nationale et à celle de la Nouvelle-Zélande pour offrir des services comme « ask a librarian », un service d’information disponible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Ainsi, elles ont mis en commun leurs ressources pour créer un service qu’autrement elles n’auraient pas eu les moyens d’offrir. La bibliothèque de l’État de Victoria a été l’un des chefs de file à l’échelle mondiale dans l’évaluation de la valeur et des retombées des bibliothèques publiques. Ces efforts se sont 16
couronnés par un rapport marquant publié en 2005, Libraries Building Communities. L’un des objectifs de l’étude était de montrer l’incidence des bibliothèques publiques sur la réalisation de divers objectifs visés par les politiques gouvernementales. L’étude a démontré que les effets des bibliothèques publiques dépassent de beaucoup les avantages habituellement attribués aux bibliothèques, soit la diffusion d’informations en appui à l’apprentissage, aux loisirs et à la qualité de vie. La recherche a mis en lumière les répercussions sur la création de relations et de liens au sein de la collectivité, le renforcement des compétences personnelles, l’appui à l’économie de l’information au moyen de l’apprentissage et de la formation, ainsi que l’appui aux objectifs des politiques gouvernementales comme l’inclusion sociale. Cadre stratégique pour les services aux Autochtones À l’instar du Canada, l’Australie est un leader mondial pour ce qui est d’élaborer des services avec et pour les populations autochtones, en vue d’éliminer les obstacles du passé et à favoriser la réconciliation nationale future. L’Australie a établi une politique stratégique pour la bibliothèque nationale et les bibliothèques des États visant les services et les collections destinées aux Autochtones et aux insulaires du détroit de Torres (National Policy Framework for Aboriginal and Torres Strait Islander Library Services and Collections). Les bibliothèques publiques locales, comme celle de Brisbane, sont particulièrement actives à ce chapitre. Elles pourraient être intéressées à collaborer avec des bibliothèques canadiennes à l’avenir. Le Canada pourrait gagner à élaborer un cadre semblable de collaboration d’envergure nationale pour combler des lacunes importantes. 3.4 PAYS NORDIQUES Les pays nordiques ont une tradition bien ancrée de services dynamiques de bibliothèque publique. À l’échelle mondiale, leurs communautés de bibliothèques sont très novatrices. La bibliothèque publique d’Aarhus au Danemark, par exemple, a créé le Transformation Lab, le prototype des bâtiments des bibliothèques de l’avenir, à la fois souples et très interactifs. Ce modèle intègre la participation des usagers à la conception. L’autorité nationale responsable des bibliothèques et la Bill & Melinda Gates Foundation ont contribué à ce programme. La bibliothèque publique de Helsinki a remporté le premier prix accordé par la Bill & Melinda Gates Foundation pour son usage novateur de la technologie dans ses « pompes à information » (information gas stations) mobiles et sa bibliothèque du « prêt à monter ». Cette dernière offre sur les lieux des postes de travail d’éditique et des salles de montage pour les vidéos et la musique, et prête l’équipement technique. La bibliothèque municipale de Malmö, en Suède, offre des « prêts » de personnes réelles (par exemple, un tsigane, une lesbienne ou une musulmane) pour un entretien personnel de 45 minutes. L’objet de cette « bibliothèque vivante » est d’éliminer les obstacles et les préjugés fondés sur la religion, la nationalité ou la profession. En Europe, les bibliothèques de villes ayant une grande diversité de population ont adopté ce concept. Des bibliothèques de Londres, en Angleterre, ont annoncé en fanfare le lancement de ce service. 17
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