Carlos en cassation 22-24 septembre 2021

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Carlos en cassation 22-24 septembre 2021
Carlos en cassation                               22-24
septembre 2021
Carlos, le combattant du FPLP et lieutenant de Georges
Habache, en prison depuis le 15 août 1994, jour où il a été
enlevé au Soudan par la DST sur ordre de Charles Pasqua,
comparaîtra au tribunal les 22, 23 et 24 septembre 2021. Il
comparaîtra en appel partiel décidé par la Cour de Cassation
pour l’affaire de l’attentat du drugstore à St Germain des
Prés, pour laquelle il est déjà condamné à la prison à
perpétuité. La partie adverse entend présenter de nouvelles
preuves…

Le procès aura lieu à partir de 9 h 30 à l’ancien palais de
Justice (75004 métro Cité), salle Myriam Ezratty,       cour
d’appel d’assises, section n°7; apparemment ils ne demandent
pas le pass sanitaire…

Cela lui fait 27 ans de prison et il est toujours fier de ses
combats pour la libération de la Palestine. Il a été un des
meilleurs combattants pour la Palestine. Si vous voulez le
revoir et lui manifester votre soutien , venez au tribunal. Il
a 70 ans et ne renie rien de ses combats ;

Ginette Hess Skandrani, présidente de l’Association Entre la
Plume et l’Enclume et rédactrice de la Voix de la Libye.com

                              *
publié le 30 novembre 2019
par G. MORÉAS

Carlos en cassation : le diable est dans les détails
Carlos continue son cinéma. Ses avocats ont bien travaillé. La
peine de prison à vie, dont il a écopé pour l’attentat du
drugstore Saint-Germain, a été annulée le 14 novembre 2019.
Cette décision est la dernière d’une saga judiciaire qui dure
depuis bientôt un demi-siècle.

Le Drugstore Publicis de Saint-Germain-des-Prés était un lieu
branché de la capitale où les touristes, avec un peu de
chance, pouvaient côtoyer des célébrités. Inauguré en 1965, il
a fermé trente ans plus tard. Durant cette période, il a connu
deux faits criminels saillants : la fausse arrestation de
Mehdi Ben Barka, sur le trottoir, devant l’établissement, et
l’attentat à la grenade pour lequel Ilitch Ramirez Sanchez,
dit Carlos, a été condamné l’année dernière.

   F2, le journal de Bruno Masure : arrestation de Carlos

C’était le 15 septembre 1974. Un peu après 17 heures, du
premier étage, un homme jette une grenade sur la clientèle. Le
bilan est terrible : deux morts et 34 blessés. Carlos, est à
l’époque quasi inconnu, il n’apparaîtra réellement dans le
viseur des services de police que l’année suivante, après le
meurtre de trois personnes, dont deux policiers de la DST.
C’est au cours de cette enquête qu’il sera découvert une cache
d’armes et notamment un stock de grenades, identiques et de
même origine que celle utilisée pour commettre l’attentat du
drugstore. Carlos devient alors suspect numéro 1, et il
revendiquera même cet attentat, mais en l’absence d’éléments
concrets, le juge d’instruction prend une ordonnance de non-
lieu en 1983, faisant ainsi courir le délai de prescription.

Pourtant, certains dossiers, même vides, restent à
l’instruction des dizaines d’années. Alors, pourquoi une telle
précipitation !

Peut-être en raison du contexte… Deux jours avant l’attentat
au drugstore, des individus armés avaient pénétré de force
dans l’ambassade de France à La Haye, aux Pays-Bas. Après
avoir tiré sur des policiers, ils s’enferment avec onze otages
dans le bureau de l’ambassadeur. Les terroristes se
revendiquent de l’Armée rouge japonaise (JRA), un groupuscule
d’extrême gauche uni à d’autres mouvements tout aussi
dangereux dans une sorte d’amicale terroriste internationale
au nom d’une révolution mondiale. Des gens redoutables,
proches du Front populaire de libération de la Palestine
(FPLP). Or, qui dit FPLP dit Carlos, puisque depuis que
Mohamed Boudia le « représentant » du mouvement palestinien à
Paris, s’est fait exploser en démarrant sa R16, en plein
Quartier latin, celui-ci est considéré comme le responsable de
cette organisation pour l’Europe, avec la bénédiction du KGB
qui finance et tire les ficelles.

Les preneurs d’otages veulent un million de dollars, un avion
pour quitter le pays et la libération de l’un de leurs
compatriotes, un certain Yatuca Furuya (vraisemblablement un
pseudo) – qui bien sûr est l’enjeu principal. Les services
français tombent du placard : Furuya est détenu à La Santé
après avoir été interpellé à Orly en possession de plusieurs
faux passeports et de quelques liasses de faux dollars. Même
si la DST s’est intéressée au personnage, son importance a
sans doute été sous-estimée, ou alors sa présence dans une
prison française a volontairement été cachée pour éviter une
interférence avec les autorités japonaises. La seule vérité
des services secrets, c’est que chaque vérité cache une
contre-vérité.

Les agents du contre-espionnage foncent à la maison d’arrêt où
ils sont rejoints dans le bureau du directeur par le préfet de
police en personne et par le commissaire Robert Broussard.
Furuya est extrait de sa cellule et invité à discuter par
téléphone avec ses compatriotes – en japonais. Deux attachés
d’ambassade vont servir d’interprètes. Finalement, il est
convenu que le prisonnier soit transféré à La Haye, histoire
de montrer la bonne volonté des autorités françaises et
surtout de gagner du temps, comme il est de règle lors d’une
prise d’otages. À l’époque, pas de RAID et un GIGN encore
embryonnaire. C’est donc au titre de la brigade anti-commando
(BAC), une émanation de la BRI qui échappe à la territorialité
restreinte de la PJ parisienne, que Broussard et ses hommes
sont chargés d’escorter Furuya. Avant de partir, via les
interprètes, le commissaire lui tient à peu près ce langage :
 Si j’apprends au cours du vol qu’un otage français est abattu
là-bas, dans l’instant même, je te mets une balle dans la
tête, dans l’avion. Il n’y aura pas de dégâts. Il n’y aura que
toi.

On restitue ses affaires « civiles » à Furuya : sa valise, ses
vêtements, sa brosse à dents, ses faux passeports, ses faux
dollars et même ses amphétamines, dont il se gave sur-le-
champ. Mais l’affaire est loin d’être terminée, car les
autorités néerlandaises bloquent l’avion sur la piste
d’atterrissage. Interdiction d’en descendre. L’attente va être
longue pour les policiers français, car à Paris, on ne sait
trop qui fait quoi. Il faut dire que Valéry Giscard d’Estaing
et son premier ministre, Jacques Chirac, ne sont aux manettes
que depuis quelques mois : ils tâtonnent encore dans les
arcanes du petit monde des services secrets. Personne ne
semble avoir compris que l’interlocuteur principal dans cette
affaire, c’est Carlos. L’attentat du drugstore sonne comme un
rappel à l’ordre. Revendiqué de façon anonyme au nom de
l’Armée rouge japonaise, c’est un signal fort à l’attention du
pouvoir politique, d’autant que l’inconnu qui a appelé les
médias a brandi la menace d’autres attentats similaires. Le
message est reçu 5 sur 5. Un Boeing est mis à la disposition
des ravisseurs, la rançon, négociée à 300 000 dollars, leur
est remise, et, sur le tarmac, les otages sont échangés contre
Yatuca Furuya, dans la plus pure tradition des films
d’espionnage.

La France a baissé culotte, mais je ne juge pas : la vie des
otages, et sans doute de dizaines d’autres personnes, était en
jeu.

En 1994, Carlos est signalé à Khartoum, au Soudan, où il mène
une vie de patachon. Il est discrètement capturé et remis aux
agents de la DST, qui lui notifient un mandat d’arrêt
concernant un triple meurtre, dont celui de leurs deux
collègues. Cette arrestation décoince certains de ses anciens
complices qui se laissent aller à des confidences sur
l’attentat du drugstore Saint-Germain.

Au vu de ces nouveaux éléments, en 1995, une nouvelle
information judiciaire est ouverte. Prescription ! s’indignent
les avocats. Ce qui est vrai, puisque plus de dix ans se sont
écoulés depuis le non-lieu. Et pourtant, après un ping-pong
judiciaire, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de
Paris décide finalement qu’en raison de la connexité des
faits, la prescription a été interrompue par les
investigations menées sur d’autres attentats. Après un long
parcours judiciaire qui doit mettre les nerfs à vif de pas mal
de victimes, finalement, le sieur Ramirez Sanchez est condamné
le 28 mars 2018, tant sur le plan pénal que civil. Mais il
fait appel, contraignant le Ministère public et les parties
civiles à faire de même.

Un an plus tard, le 15 mars 2018, la cour d’assises spéciale,
statuant en appel, confirme la condamnation.

Les avocats de Carlos soulèvent alors différents points de
droit susceptibles à leurs yeux d’encourir la sanction de la
Cour de cassation. Deux retiennent l’attention.

D’abord, le mot « terrorisme » a fait son apparition dans le
code pénal en 1986, et les actes terroristes ne deviennent des
infractions autonomes qu’en 1994. Aussi, bien qu’il soit
l’auteur d’un attentat meurtrier, Carlos ne pouvait donc être
jugé pour terrorisme. Dans ces conditions, n’aurait-il pas dû
passer devant une cour d’assises populaire plutôt que devant
la cour d’assises spécialement compétente pour statuer sur les
crimes terroristes ?

La Cour de cassation balaie l’argument, comme elle avait
antérieurement évacué la prescription, mais vous allez voir,
le diable est dans les détails…

Elle retient la règle ne bis in idem. Selon cette règle, « des
faits qui procèdent de manière indissociable d’une action
unique caractérisée par une seule intention coupable ne
peuvent donner lieu, contre le        même   accusé,   à   deux
déclarations de culpabilité ».

Car Carlos a été condamné à une peine unique, la réclusion
criminelle à perpétuité, pour assassinats et tentatives
d’assassinats, mais également pour le transport de la grenade
qui a servi à commettre ces crimes. Or le port de cette
grenade était évidemment un préalable indispensable à la
commission de l’attentat, un fait qui « ne peut donner lieu à
une déclaration de culpabilité distincte », disent les
magistrats du Quai de l’Horloge.

Cette infraction mineure à la législation sur les armes et les
explosifs est donc indissociable de l’attentat dont il a été
reconnu coupable : Carlos ne peut être condamné pour avoir
détenu et transporté l’arme de ses crimes.

La cassation est donc encourue, mais uniquement pour le port
de cette grenade « toutes autres dispositions portant sur la
culpabilité étant maintenues ». Du coup, Carlos est
définitivement condamné pour assassinats et tentatives
d’assassinats, mais les sanctions sont annulées. Une cour
d’assises, spécialement et autrement constituée, devra se
réunir de nouveau pour statuer et se prononcer sur les peines
qui doivent lui être infligées.

Gageons que la principale, la réclusion criminelle à
perpétuité, sera maintenue et qu’une fois toutes les voies de
recours épuisées, les avocats saisiront la Cour européenne des
Droits de l’Homme.

Je ne sais pas si Carlos bénéficie de l’aide juridictionnelle.

•   lemonde.fr/2019/11/30/carlos-en-cassation-le-diable-est-
dans-les-details

    * Cour de cassation : Arrêt n° 2207 du 14 novembre 2019
    * Sur ce blog : Le dernier tour de piste de Carlos (2017)
    * L’Express : Carlos ou l’attentat oublié (2013)

source : https://plumenclume.org
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