Cin-écrits 24 images - Érudit
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Document generated on 10/07/2021 1:14 p.m. 24 images Cin-écrits Number 36, 1987 URI: https://id.erudit.org/iderudit/22204ac See table of contents Publisher(s) 24/30 I/S ISSN 0707-9389 (print) 1923-5097 (digital) Explore this journal Cite this review (1987). Review of [Cin-écrits]. 24 images, (36), 80–83. Tous droits réservés © 24 images inc., 1987 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
CIN-ÉCRITS Chronique sous la responsabilité de Benoît Patar Collaborateurs: Benoît Patar (B.P.), Norbert Spehner (N.S.), François Lebeau (F.L.), Pierre Brière (PB.), MauriceTourigny (M.T.), Elie Castiel (E.C.) NICHOLAS RAY CONVERSATIONS AVEC SERGIO LEONE par Noel Simsolo, Paris, Éd. Stock, coll. «Stock Cinéma», 1987. ISBN: 2-234-02049-2. Dist. au Québec : Québec-Livres. «Nourri dans le sérail, j'en connais les détours», ce vers de Racine aurait pu servir d'exergue à ces entretiens qui se lisent d'un LE PLAISIR DES YEUX trait, au rythme piaffant que leur imprime Sergio Leone. Cet enfant de la balle, fils d'un ancien un o s m I.IM-;\U acteur devenu réalisateur sous le pseudo- nyme de Roberto Roberti, devenu à 16 ans le plus jeune assistant du cinéma transal- LE PLAISIR DES YEUX pin, travaillera successivement pour les NICHOLAS RAY par François Truffaut, Paris, Éd. des «Cahiers du vétérans Carmine Gallone ou Mario Bon- par Pierre Giuliani, Paris, Édilig, 1987,136 pages, cinéma», octobre 1987, 256 pages, 27 photos noir nard, par qui il fera engager la fraîche 30 photos noir et blanc. ISBN: 2-85601-171-3. Dist. et blanc. ISBN: 2-86642-57-8. Dist. au Québec: épouse de Vadim, Brigitte Bardot, et, pour au Québec: Diffulivre. Dimédia. les nouveaux maîtres de Cinecittà, les Nicholas Ray est un réalisateur dont on C'est toujours un bonheur renouvelé de Américains Wise, Le Roy ou Wyler, venus ne peut se passer, tant furent exemplaires lire François Truffaut. Non pas que l'on soit ressusciter, le temps d'une décennie, l'anti- à la fois ses échecs et ses réussites. Que toujours d'accord avec ce qu'il a pu écrire, que tradition du péplum où il puisera l'inspi- l'auteur de ce livre ait réussi à nous le faire notamment sur le cinéma, mais parce que ration de son premier film, Le Colosse de voir n'est pas du tout certain, car le propos le point de vue est toujours original, subtil Rhodes. est souvent entremêlé de considérations et inspiré. La suite est bien connue. Les années littéraires et philosophiques et d'aperçus Dans ce gros volume de 250 pages, où 60, l'ultime métamorphose d'un genre, le cinématographiques plutôt filandreux. De l'on a rassemblé de nombreux articles western, dont l'agonie se prolongeait en toute évidence, Giuliani est un passionné — publiés jadis dans Les Cahiers ou dans d'exsangues copies conformes, sa sou- et c'est tout à son honneur — , mais qui Arts, il nous parle de son métier, des daine résurgence par le recours au mythe, manque quelque peu de sens critique et de acteurs et actrices qu'il a rencontrés (remar- sa théâtralisation par le biais de Goldoni, discernement esthétique. Comment, en quable article à l'occasion du décès de par le jeu des marionnettes (choix superbe effet, peut-on rapprocher des cinéastes Françoise Dorléac), des metteurs en scène de Clint Eastwood, masque de bronze sur aussi divergents et aussi incompatibles que qu'il a admirés (Renoir, Audiberti, Cocteau, lequel venaient se briser les grimaces de Welles, Bunuel, d'une part et Ray ou Sirk, etc.), et cela avec une délicatesse et un Volonté), par les partitions inspirées d'En- d'autre part, des critiques aussi anémiques savoir-vivre qui nous le rendent plus pro- nio Morricone («Il est mon scénariste», que Rivette ou Michel Ciment et des analys- che. On sort de ce livre ravi, étonné, ému, avoue Leone), enfin par l'utilisation systé- tes aussi intelligents qu'André Bazin ou tant il est vrai que derrière ce visage d'un matique d'une forme de prémontage conçu même François Truffaut. Par ailleurs, dans cinéaste timide, se cachaient une intelli- dès le moment de l'écriture pour forger une l'oeuvre du réalisateur de Party Girl, la gence complice et un coeur prompt à s'en- structure éclatée où chaque plan, avec son quantité de films ratés l'emporte largement flammer. — B.P. tempo, se place à l'intérieur du récit, s'arti- sur le nombre de films réussis. Il aurait donc cule autour d'un scénario scandé, codé à fallu, dans l'introduction, faire moins éta- l'extrême. lage de connaissances cinématographi- FILM DOPE «Cette mécanique imparable», comme ques, et faire preuve davantage de perspi- n° 36 (44 pages, 52 photos noir et blanc) et n° 37 la définit son auteur, qui tournera à plein cacité. L'auteur devrait comprendre que (44 pages, 54 photos noir et blanc), Londres, 1987. régime dans la trilogie célèbre, Pour une dans une monographie consacrée à un ISSN: 0305-1706. p o i g n é e de dollars, Et p o u r quelques artiste célèbre, il n'est pas nécessaire de Comme je l'ai souligné dans un numéro dollars de plus, Le bon, la brute et le tout récupérer à tout prix. Ainsi, il aurait précédent, il s'agit ici, sans conteste, de la truand, entrée dans l'histoire du cinéma peut-être mieux valu parler moins de Wim meilleure publication de caractère encyclo- par son énorme succès populaire et par sa Wenders, et examiner plus en détail ces pédique (du moins à ma connaissance). tentative de renouvellement formel, deman- magnifiques réalisations que furent Flying Dans le n° 36, qui débute par la filmogra- derait aujourd'hui un nouvel examen criti- Leatherneck, J o h n n y Guitare, Run for phie de Lloyd Webber et se termine par que. Cover et Wind A c r o s s the Everglades. celle de George Lucas, on nous parle aussi Je connais moins la suite des travaux du D'autre part, l'auteur aurait eu intérêt à de Julie London (merveilleuse actrice fort grand barbu, mais le silence des 12 années revoir et re-revoir les films dont il parle, et à oubliée, remarquable dans Drango, Man of qui précèdent l'enfantement de // était une ne pas se fier à sa mémoire et à l'exultation the West, The Wonderful Country), Peter fois l'Amérique n'est-il pas l'aveu du carac- passée. Il aurait peut-être eu la surprise de Lorre, Eugène Lourié, Antonella Lualdi (elle tère éphémère d'une greffe restée sans constater que Party Girl n'est pas le chef- aussi trop méconnue) et E. Lubitsch, pour descendance (oublions les parodies et suc- d'oeuvre tant vanté; que Le violent est un n'en citer que quelques-uns. cédanés du type «Trinidad»)? film bâclé, dont les dimensions «psycholo- Le n° 37 commence avec Bêla Lugosi L'oeuvre de Sergio Leone, c'est aussi le giques» sont de la grosseur d'une noisette; (prince poussiéreux de l'épouvante) et finit deuil glorieux d'une saga dont la mort se que La fureur de vivre est tout sauf un film avec Shirley McLaine (l'inoubliable héroïne confond avec celle de John Wayne dans fiévreux ou inspiré. de Artists a n d Models et de Irma la dou- L'homme q u i tua Liberty Valence. — F.L. Ces réserves étant posées, cet ouvrage ce). À signaler quelques notices intéressan- mérite qu'on le consulte, en raison de sa tes sur McCarey, Robert McKimson et A. documentation soignée et de sa présenta- 80 Mackendrick. À suivre. — B.P. tion. - B.P.
WOODY ALLEN! ACTION! par Thierry de Navacelle, Paris, Éditions Sylvie Messinger, 1987,408 pages, 45 illustrations noir et blanc. ISBN: 2-86583-075-6. Dist. au Québec: Édi- presse. CINEMACTION: LES CINEMAS ARABES Les tournages de Woody Allen sont dossier réuni par Mouny Berrah, Jacques Levy et secrets. Bienheureux celui qui arrive à y Claude-Michel Cluny, Paris, Éd. du Cerf, 1987,192 assister. Personnage discret, fuyant la pages, 84 photos noir et blanc. ISSN : 0243-4504. presse et la publicité, Allen protège son Dist. au Québec: Saint-Loup. équipe des regards intrus; il a cependant Deux préfaces, quatre chapitres et qua- fait une exception en admettant sur le pla- tre annexes composent ce remarquable teau de Radio Days Thierry de Navacelle, dossier consacré à ce cinéma relativement un auteur et cinéaste français installé en mal connu et incompris. Cette «enquête» Californie. sur l'âme et la conscience des cinémas De Navacelle a observé chaque minute arabes est à la fois étonnante par ses ana- du tournage de novembre 1985 à février lyses méditées, et convaincante par ses 1986 et lors des reprises en avril et en mai références précises et son respect de la 1986. Son journal constitue le plus complet LES MONDES D'ANDREI TARKOVSKI chronologie. À signaler, sur un total de 25 témoignage sur les méthodes de W. Allen : par Bàlint Andràs Kovàcs et Akos Szilàgyi, Lausan- articles, deux surprenantes incursions dans sa direction d'acteurs, son ouverture aux ne, L'Âge d'homme, coll. «Histoire et théorie du le mélodrame égyptien (p. 116 et p. 121), un suggestions des collaborateurs, sa réécri- cinéma», 1987,196 pages, 32 photos noir et blanc. panorama des cinémas maghrébins, et un ture du dialogue, sa façon d'affronter les ISBN: aucun. court mais éloquent exposé sur le cinéma problèmes techniques, etc. palestinien (cf. à ce sujet, l'article critique Mais un livre de 408 pages ne contient Il est difficile pour quelqu'un qui n'aime pas sur Noce en Galilée, dans le présent pas que de la «substantifique moelle». Des du tout le cinéma de Tarkovski (ce cinéma numéro). Par ailleurs, à l'approche sémiolo- centaines de détails et d'anecdotes sont sent la guimauve !) de se prononcer sur cet gique de Ratiba Hadj Moussa à propos aussi relatés, et leur accumulation finit par ouvrage. Une chose est sûre en tout cas : d'Ùne femme pour mon fils, on peut pré- lasser. Qui peut bien s'intéresser à ce qu'a le travail est méthodiquement mené et est férer des lectures moins ardues comme mangé Woody le 31 décembre à 14h30 d'un niveau intellectuel garanti. celles, par exemple, d'Abdou B. sur la reli- dans un restaurant chinois? Un chapitre me paraît particulièrement gion et le sexe sur les écrans arabes, ou Chaque entrée du journal est précédée intéressant, celui qui s'intitule «Introduction encore une analyse plus structurée sur le de titres de quotidiens new-yorkais et d'ex- à la poétique». Il est à mes yeux une expli- même sujet, celle de Rafiq Sabban. traits d'articles et de notices nécrologiques. cation parfaite de ce qui fait le charme, pour Témoin oculaire, l'écrivain marocain Quel était le but de Navacelle en emprun- les uns, et l'ennui pour les autres, du réali- Tahar Ben Jelloun souligne que «...l'intel- tant ce procédé «dos passossien» ? Le lien sateur d'Andrei Roublev, de Solaris, de lectuel arabe est de plus en plus voué à entre Radio Days, sa fabrication et les Stalker, ou du Sacrifice. Tarkovski est un témoigner, à dénoncer, à dépendre de cet événements sociaux, politiques et culturels cinéaste chez qui la symbolique est le fon- environnement encombré de drames et de qui se produisirent pendant le tournage est dement du réel; l'action pour lui n'a de sens confusion. (...) Il est temps, ajoute-t-il, de inexistant et rend donc cette initiative inutile. que par rapport au symbole auquel elle est prendre l'initiative de s'attacher à sauver L'admirateur de Woody, le cinéaste en supposée se rattacher. Par conséquent, la l'individu arabe, celui qui n'a de place ni herbe, l'assoiffé de potins et de petits faits description prend le pas sur l'objet décrit, dans l'histoire ni dans la culture» (p. 8). Ne vécus y trouveront leur compte: ouvrage voire même sur l'intervenant, et se suffit à reste donc que l'heure de faire des choix. sérieux, augmenté de descriptions croustil- elle-même en tant qu'objet d'émotion. Les auteurs parlent d'une similitude avec la - É.C. lantes, le livre de Navacelle, malgré sa longueur rébarbative, a de quoi plaire à liturgie orthodoxe, en ce sens que la lenteur tous. — M.T. des cérémonies y serait une condition DES HOMMES SEULS essentielle. Penser ainsi, ce n'est pas du par Gian Lhassa, avec la collaboration de Michel DOCTEUR JERRY ET MISTER LEWIS tout savoir en quoi consiste la liturgie ! Dans Lequeux, Mariembourg, Éd. Grand Angle (16, rue Reine-Astrid. 6370 Mariembourg, Belgique), 1987, par Jerry Lewis, Paris, Ramsay, 1987, 258 pages, la cérémonie sacrée, tout l'appareil symbo- 236 pages, une vingtaine de photos. 74 photos noir et blanc. ISBN : 2-85956-593-0. Dist. lique, toute la gestuelle, tout le rituel n'ont au Québec: DMR. de sens que par rapport à l'objet adoré, vénéré, présent, qui est le Christ, et par Ce troisième volet de la trilogie consa- Comme il s'agit de l'édition de poche rapport à l'assemblée qui lui manifeste son crée au western italien se veut une étude d'un ouvrage paru chez Stock en 1983, attachement. Donc rien à voir avec l'artifice approfondie de la solitude à l'intérieur des sans modification aucune ni ratures, le godardien ou wellesien dont les auteurs scénarios, des procédés et des effets du lecteur se reportera à la critique que j'en ai voudraient discerner l'influence, par liturgie western italien. Après avoir exploré la thé- faite dans le n° 17 de 24 Images. Ce volume interposée, dans la démarche tarkovskien- matique du genre dans le premier volume est à conseiller à tous les déprimés de la ne. de la série, les auteurs ont cru bon revenir planète et à ceux que consterne encore le Par ailleurs, la dimension proprement pictu- à leur sujet en s'intéressant plus particuliè- cinéma de Chantai Akerman ! — B.P. rale du réalisateur russe est celle de rement à l'éthique «dans le sens où il leur quelqu'un qui, de toute évidence, n'a pas semble que ce western, né en 1964, faisait DIALOGUE, connu l'art contemporain. À voir certaines l'apologie d'un système de valeurs origina- CINÉMA CANADIEN ET QUÉBÉCOIS. scènes du Sacrifice, on se croirait revenu les, bien ancré dans la mentalité méditerra- en plein XIXe siècle, quand l'art factice néenne et en rupture complète avec les CANADIAN AND QUEBEC CINEMA triomphait et que les grandes fresques valeurs bourgeoises traditionnellement sous la responsabilité de Pierre Veronneau, solennelles à la Horace Vernet était un sujet prônées par le western américain...» Michael Dorland et Seth Feldman, Montréal, Media- d'étonnement. On me trouvera injuste; il Ainsi s'achève un cycle foisonnant et texte Publications/La Cinémathèque québécoise, faudrait peut-être voir l'oeuvre de Tarkovski solidement documenté, écrit par des 1987, 336 pages, 14 illustrations noir et blanc. avec un peu de recul, et avec sagacité. enthousiastes et des connaisseurs, cycle ISBN: 0-9691771-2-0. - B.P. qui constitue, avec ses trois ouvrages, une En 1986 eut lieu à l'Université Laval un véritable encyclopédie du western italien, colloque «bilingue» sur le cinéma québé- une somme inégalée sur ce genre cinéma- cois (canadien). Le présent ouvrage est tographique souvent snobé. l'ensemble des textes qui furent lus à cette Rappelons que cette collection, hélas occasion. Le lecteur se reportera avanta- à tirage limité, ne peut être obtenue que geusement à l'analyse qu'en a faite Danièle dans certaines librairies spécialisées, ou en Trottier dans le n° 28-30 de 24 Images. écrivant à l'adresse indiquée ci-dessus. - B.P. - N . S . 81
GENETIERNEY par Marcel Devillers, Paris, Pygmalion-G. Watelet, 1987, 210 pages, 288 photos noir et blanc. ISBN : 2-85704-230-2 Dist. au Québec: DMR. Au fil des pages de ce somptueux volu- me, les superbes portraits de Gene Tierney, comme en forme d'ex-voto aux murs d'une chapelle ardente, sont autant de témoigna- ges de reconnaissance à la troublante pho- togénie de l'immortelle Laura. Grâces soient donc rendues à ces grands prêtres MEMOIRES SPLASTICK de la lumière dont les savantes composi- par Buster Keaton, avec la collaboration de tions, admirablement reproduites ici, jouent Charles Samuels, Paris, Éd. du Seuil, coll. «Points de tous les raffinements du noir et blanc. virgule», 1984,319 pages. ISBN : 2-02-004450. Dist. La rêverie suscitée par l'image s'accom- au Québec: Dimédia mode volontiers du silence des mots. Un Présenté pour la première fois en 1960, texte pourtant vient la troubler, quelqu'un sous le titre original de My Wonderful World s'affaire dans le sanctuaire de l'ineffable: ce ofSplastick, cette autobiographie de Buster commentateur, dans l'ensemble correct, a ARTHUR PENN Keaton est maintenant disponible en fran- par Gaston Haustrate, Paris, Édilig, 1968, 127 pour nom Marcel Devillers. Je ne l'aurais çais. Malgré une certaine lourdeur dans la pages. Dist. au Québec: Difulivre. pas autrement signalé au lecteur si quel- traduction et quelques inexactitudes (par ques lignes consacrées à Leave Her to La critique française a souvent eu un point exemple, traduire «world series» au base- Heaven (Péché m o r t e l - 1945) n'impo- de vue étrange sur le cinéma américain : ball par «séries internationales»!), ce livre saient par leur excès ridicule une courte obnubilée par des images mythiques du intéressera tous les cinéphiles amoureux mais nécessaire mise au point. Ce «pénible Nouveau Monde et d'Hollywood, elle pro- du burlesque. Considéré comme l'un des mélo» (sic), dont j'ai gardé l'enregistrement pose fréquemment des lectures de films qui plus grands artistes comiques du cinéma pour les meilleurs de mes amis cinéphiles, nous semblent fantaisistes, partielles ou muet, sinon comme le plus grand, le plus est en réalité une oeuvre forte et inclassa- carrément faussées. génial, Buster se livre ici à coeur ouvert, ble—mélodrame, film noir? À ce sujet, je Ainsi Haustrate voit en Four Friends un dans un style détendu, souvent drôle et renvoie à l'ouvrage de Jean-Loup Bourget, des grands films de Penn, alors que cette anecdotique. Le mélodrame hollywoodien (Stock-Ciné- oeuvre sans spontanéité et au symbolisme On peut diviser sa vie en deux parties. ma), qui analyse en profondeur les qualités gros agence tous les clichés de l'Amérique La première est exposée dans les dix pre- du film de Stahl, insistant avec justesse sur dans une structure on ne peut plus éviden- miers chapitres de l'ouvrage (qui en compte l'originalité de la photographie, «technico- te. L'auteur a tendance, lui aussi, à réduire 15). Le cinéphile lira avec intérêt les souve- lor-chromo des plus affreux» (resic), dont le la complexité des États-Unis à quelques nirs de Keaton sur la naissance du cinéma responsable n'est autre que le grand Léon formules trop simples qui plaisent tant à la et ses premiers travaux avec Fatty Arbuc- Shamroy (opérateur favori de Preminger), France mais qui ne collent ni à la réalité du kle, celui-là même qui l'initia au 7 e art. qui se vit pourcetravail récompensé par un continent ni à notre sensibilité et à notre Durant la période 1920-23, Keaton réalisera Oscar!! La même récompense faillit échoir compréhension d'Américains du Nord. 19 courts métrages, et de 1923 à 1927, 8 à Gene Tierney— elle ne fut devancée que L'étude d'Haustrate a cependant bien des longs métrages, dont ses plus célèbres par Joan Crawford pour Mildred Pierce- qualités. Elle est d'abord minutieuse dans sont: The Navigator (1924), Sherlock Jr. qui, dans son autobiographie, ne s'est pas son analyse de chaque film de Penn. Elle (1924), B a t t l i n g Buttler (1926) et The trompée sur le rôle que Zanuck lui avait rassemble de nombreux propos du réalisa- General (1926). confié. Je lui laisse la conclusion: «Plus teur sur son travail et contient une abon- qu'aucun autre des personnages qui me dante documentation photographique. La deuxième partie du livre débute en furent confiés, celui-ci compte beaucoup Haustrate accorde la place qui leur revient 1928. Le «professeur de lancer de tartes à pour moi en tant que femme.» — F.L. aux vrais chefs-d'oeuvre de Penn: The la crème» nous entretient des périodes les Miracle Worker, Bonnie a n d Clyde et Lit- plus sombres de sa vie: l'avènement du tle Big Man. Favorisant une approche tan- cinéma parlant, son contrat avec la MGM HENRY FONDA tôt structuraliste, tantôt psychanalytique, et l'abandon de son indépendance, son di- par Jean Pierre Piton, Paris, Édilig, 1987,160 pa- l'auteur établit les thèmes, dégage la cons- vorce, son alcoolisme. Gloire et déchéance. ges, 148 photos noir et blanc et 16 photos cou- truction et démontre l'unité de chaque film Mentionnons que le livre reproduit une leurs. ISBN: 2-85601-159-4. Dist. au Québec: Diffu- et finalement de l'oeuvre entière de Penn. excellente filmographie, établie par Ray- livre. Aucun artiste ne créant dans un vacuum, il mond Rohauer, qui comprend les films, aurait été intéressant de mieux situer Penn dramatiques et émissions dans lesquels on Jean-Pierre Piton avait déjà écrit un dans son époque et dans son milieu. Haus- a pu voir l'artiste. Toutefois, elle ne réperto- excellent livre sur Robert Aldrich. Voici qu'il trate mentionne bien le Viêt-Nam, le Water- rie pas les travaux de Keaton en tant que nous revient avec une monographie consa- gate, mais on saisit mal l'originalité de scénariste, gagman, assitant-réalisateur, crée à Henry Fonda. Le travail, dans l'en- Micky One et la dénonciation de The Case etc., où sa présence n'est peut-être pas semble, est bien fait et ne verse jamais s'ils ne sont pas opposés à la production physique, mais néanmoins réelle. — PB. dans la dithyrambe ou le panégyrique. La contemporaine. première partie, plus de 80 pages, est un large tour d'horizon sur la carrière du célè- Bonnie and Clyde et Alice's Restaurant KATHARINE HEPBURN bre acteur. Il est évident que l'auteur n'a pu appartiennent à ce mouvement unique du par Anne Edwards, Paris, Éd. Perrin, coll. «Terre tout voir, ou revoir, mais sa démarche est cinéma américain qui a donné naissance à des hommes», 1987, 320 pages, 40 photos noir et assez sûre et son point de vue souvent Mash, Easy Rider, Five Easy Pieces, Mid- blanc. ISBN: 2-262-00437-4. Dist. au Québec: perspicace. On pourra regretter quelques night Cowboy, etc. Loin de diminuer l'art Québec-Livres. jugements rapides, par exemple sur Young de Penn, un rappel de cette vague de la fin Ceux qui admirent la grande actrice Mr. Lincoln (qui n'est pas, n'en déplaise à des années 60 aurait confirmé la force et la américaine trouveront dans cette biographi- l'auteur, un «des deux ou trois chefs-d'oeu- maturité du réalisateur. que une raison supplémentaire à leur admi- vre» du vieux borgne) ou sur Warlock ou On ne peut terminer sans souligner la quan- ration. Non seulement le sujet est admira- sur Les raisins de la colère (un des film tité déplorable de fautes et de coquilles, et ble, mais la manière de le célébrer est à la les plus ennuyeux du vieux maître) ou sur les effets stylistiques douteux qu'une cor- fois intelligente et sensible. Un seul regret, The Tin Star (qu'il ne doit pas avoir vu rection d'épreuves et une révision plus et de taille : l'auteur ne connaît pas très bien récemment), etc. Cela n'enlève rien aux attentive du manuscrit auraient éliminés. les grands metteurs en scène américains; mérites de cet ouvrage ni à l'intérêt qu'il - M.T. par conséquent, elle ne se risque pas à représente pour un cinéphile averti. La nous évoquer les péripéties des tournages seconde partie est une filmographie faite et des scènes de plateau. Ce sera sans 82 uniquement de génériques. — B.P. doute pour une autre fois... — B.P.
RICHARD FLEISCHER par Stéphane Bourgoin, Paris, Édilig, 1987,160 pa- ges, 24 photos noir et blanc. ISBN: 2-85601-168-3. Dist. au Québec. Diffulivre. L'ouvrage que Stéphane Bourgoin consacre à Richard Fleischer mérite tous les éloges, tant pour son sens de l'analyse, ses connaissances cinématographiques, que pour le soin avec lequel chaque film est étudié. Pourtant le metteur en scène de La fille sur la balançoire n'a pas fait que des LE CINEMA BRESILIEN chefs-d'oeuvre, tant s'en faut, et il n'est pas collectif sous la direction de Paulo Antonion Para- exagéré de dire que les 20 dernières nagua, Paris, Éd. du Centre Georges-Pompidou, années de sa carrière sont franchement 1987, 324 pages, 251 photos noir et blanc. ISBN : médiocres. Des films comme Soylent 2-85850-387-7. Dist. au Québec: Livrimport. Green, Conan le destructeur, Red Sonja, Ce qui frappe à la lecture de cet extraor- Amityville 3 D ne mériteraient même pas dinaire ouvrage, c'est le foisonnement pro- qu'on les mentionne (même si Ashantl, une digieux, le dynamisme insoupçonné du de ses dernières oeuvres (1979), n'est pas L'ART D'ALFRED HITCHCOCK. cinéma brésilien depuis les origines. Pour dépourvu d'intérêt). Cependant, ne retenir 50 ANS DE FILMS l'ignorant que je suis, et pour tous ceux qui que cette partie de son oeuvre serait par Donald Spoto, Paris, Édilig, 1987 , 320 pages, sont dans le même cas (spécialement en oublier que le fils de Max Fleischer fut, 241 photos noir et blanc. ISBN: 2-85601-157-8. Dist. Amérique du Nord), il s'agit d'une révélation durant les années 45-60, un metteur en au Québec: Diffulivre. et, sans doute, d'une envie d'en savoir plus scène percutant, à l'occasion inventif, et À n'en pas douter, la grande trouvaille sur les écrans. toujours sûr de son métier. Des films d'Hitchcock en tant que narrateur fut d'in- Ce gros volume comprend 3 grandes comme Trapped, Follow Me Quietly, venter le MacGuffin, et ceci non pas afin de parties. Dans la 1 ère , on retrouve 4 chapi- er Bodyguard, Armored Car Robbery, The duper le spectateur, mais de dérouter la tres : le 1 est consacré à un historique e très Narrow Margin, Violent Saturday, sont critique. Car le propre d'un objet qui n'existe fouillé du cinéma brésilien; le 2 porte sur des séries B grand format que tous les pas si nécessaire et incongrue qu'eût été quelques grands réalisateurs (H.e Mauro, G. cinéphiles intelligents devraient voir ou son existence, est de n'être pas et donc de Rocha, N.R Dos Santos); le 3 passe en avoir vu. n'avoir rien à dire. Un peu comme ces leur- revue quelques genres typiques (comme, Mais c'est dans le film d'aventures que res que l'on dissimule dans les microproces- par exemple, la chanchada e: films populai- le grand Richard devait donner le meilleur seurs avec comme unique but d'empêcher res des années 40-50); le 4 enfin est une de lui-même. 20 000 lieues sous les le piratage. Le maître du suspense a donc série de thèmes et de réflexions. Dans la mers, Bandldo Caballero et Les Vikings réussi à égarer les plumitifs en leur faisant deuxième partie, on retrouve un diction- sont, en effet, de magnifiques exemples de prendre des vessies pour des lanternes. naire des réalisateurs brésiliens (une ce que peut faire un réalisateur inspiré par soixantaine). Dans la troisième partie, on Ceci dit, l'ouvrage de Donald Spoto ne passe au crible près de deux cents films son sujet. Le premier est sans doute une manque pas d'intérêt bien documenté, des meilleures productions de Walt Disney; méthodique, il permet au lecteur qui désire (avec générique et bref synopsis). le second, une des meilleures interpréta- s'initier aux mystères hitchcokiens, de com- Le tout est complété par une bibliogra- tions de Mitchum; le troisième, une des prendre un peu mieux la démarche du réa- phie, par un lexique et par un index des meilleures réalisations inspirées par la saga lisateur anglais et d'avoir une vue d'ensem- films cités. Inutile d'ajouter que chacun normande. Revoir ces films est un plaisir ble de son oeuvre. Un certain nombre de devrait se procurer ce chef-d'oeuvre. — B.P. toujours renouvelé. jugements esthétiques sont fort discutables Comme dans tous les livres de cette (il faut dire, à la décharge de Spoto, que ce remarquable collection, de nombreux index livre a été écrit il y a près de 10 ans), FRAGMENT D'UNE AUTOBIOGRAPHIE (films cités, scénaristes, opérateurs, musi- notamment quand l'auteur veut nous prou- par Roberto Rossellini, Paris, Ramsay, 1987, ciens) permettent au lecteur de mieux se ver à tout prix que Family Plot ou Frenzy 198pages. ISBN: 2-85956-608-2. Dist. au Québec: situer et au chercheur de trouver matière à sont d'excellents films, que Torn Curtain DMR. ses efforts. À se procurer nécessaire- est un film ennuyeux ou encore que Vertigo Voici un livre du plus haut intérêt, on y ment.-B.P. découvre un Rossellini tel qu'il n'a jamais est chef-d'oeuvre (film bien vieilli). Mais le cessé secrètement de se vouloir: ambi- cinéphile intelligent rectifiera de lui-même, tieux, rebelle, scientiste à rebours, anti- LES DOSSIERS DE LA CINÉMATHÈQUE. sachant bien que la plupart des critiques intellectualiste et, malgré lui, rêveur. De RÉSISTANCE ET AFFIRMATION: américains ont un sens inné de la gaffe ou tous ces propos, il ressort que l'auteur de l'humour involontaire. Ce livre a un d'Europa 51 est bien ce cinéaste qui refuse LA PRODUCTION FRANCOPHONE À immense mérite: il est clair, facile d'accès, toute nostalgie, de peur d'échapper à L'ONF-1934-1964. bien structuré, bien écrit. Il est donc à l'authenticité des faits, toute invention (Histoire du cinéma au Québec III) recommander à tous les cinéphiles éclairés esthétique, toute dimension visuelle où le par Pierre Veronneau, Montréal, Cinémathèque ainsi qu'à tout les étudiants en cinéma. regard pourrait construire un univers qui lui québécoise/Musée du cinéma, 148 pages, 40 pho- - B.P. échappe. Est nécessaire avant tout l'objecti- tos noir et blanc. ISBN: 2-89207-030-9. Dist. au vité qui donne au réel une garantie et au Québec: Diffusion parallèle/Messageries Prolo- spectateur l'assurance de n'avoir pas été gue. SIX CONTES MORAUX dupé. Pour Rossellini, le 7e art n'a été la Quand il s'en donne la peine, Pierre par Éric Rohmer, Paris, Ramsay, coll. «Ramsay plupart du temps qu'une immense fraude Veronneau est capable du meilleur. En voici poche cinéma», 1987, 256 pages. ISBN: 2-85956- où les réalisateurs, producteurs, monteurs, la preuve étincelante, noir sur blanc. Cet 572-2. Dist au Québec: DMR. conjugant parfois leurs efforts, ne cher- ouvrage, en effet, se lit comme un roman Ces six contes moraux ne sont en fait chaient qu'à corrompre la vérité. Car ce qui tant il est bien écrit, soigneusement docu- qu'une version imprimée et cursive de six revient constamment à travers les nombreu- menté et d'une rare intelligence. On pourra films écrits et mis en scène par Rohmer. ses et savoureuses anecdotes que nous ici et là contester certains jugements, certai- Comme chacun le sait, le réalisateur de La raconte l'auteur (sa vie avec Ingrid Berg- nes prises de position politique (c'est pres- collectionneuse a toujours rêvé d'être man, ses rencontres avec Claudel, Coc- que inévitable), à aucun moment on ne écrivain. Voici la chose accomplie. Le teau, Renoir, ses voyages en Inde, etc.), pourra dénier à cette recherche de longue cinéma y gagnera sans doute, mais la litté- c'est cette obsession de la vérité, d'une haleine sa pertinence et son utilité. Un seul rature?-B.P. vérité conçue à la fois comme un principe souhait: que l'auteur n'en reste pas là et moral et comme une reduplication photo- nous donne la suite. Indispensable à toute graphique du réel. On conviendra qu'il s'agit bibliothèque.— B.P. là d'un singulier idéal ! — B.P. 83
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