CONCOURS BLANC - PEI TERMINALE - Sujet : " Les États-Unis et l'Europe occidentale pendant les 30 Glorieuses (1945-1975) " - Lycée Claude ...

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CONCOURS BLANC - PEI TERMINALE

                 Épreuve d'Histoire

    Durée : 4 h 30 (couplée avec l’épreuve de LV)

                      Sujet :
     « Les États-Unis et l’Europe occidentale
    pendant les 30 Glorieuses (1945-1975) »

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Sujet : « Les Etats-Unis et l’Europe occidentale pendant les 30 glorieuses
                                   (1945-1975) »
Que peut-on attendre des étudiants dans l’analyse du sujet ?
= La capacité à comprendre les liens très étroits qui unissent, les Etats-Unis, une
puissance s’affirmant aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale et une aire
de puissance plus ancienne fragilisée, l’Europe occidentale. Ce déséquilibre de
puissance après 1945 est en partie atténué par les Etats-Unis eux mêmes
(relations dans le cadre d’une zone d’influence et d’alliance) tout en profitant à
la puissance étasunienne. Cette relation étroite est cependant marquée par des
résistances et des infléchissements de politique extérieure dans les deux sens. Si
le « et » doit être compris comme un « et » de relations et en partant des Etats-
Unis, les élèves ne doivent pas omettre la manière dont cette Europe occidentale
a pu elle même infléchir la politique des Etats-Unis par ses décisions ou
positionnements (ainsi la décision en 1957 de créer la CEE a rendu les EU
méfiants car favorables au libre-échange et explique le projet de l’AELE...).
= Le cadre chronologique (1ère remarque) : Une évolution des relations
transatlantiques qui suppose un plan chronologique. Mais la difficulté repose ici
par le terme « de 30 glorieuses » défini par Jean Fourastié et non par celui de
Guerre froide (plus classique). La période n’épouse pas les ruptures connues
habituellement de nos élèves (celles de la Guerre froide) et nécessite donc un
travail sur des ruptures avec le processus de construction européenne dans sa
relation avec les Etats-Unis. La difficulté se corse avec l’exigence de partir des
Etats-Unis même si le sujet repose sur une interaction entre les deux termes
aussi. Et l’économique rejoint souvent le politique/idéologique (conception
étasunienne de la prospérité comme barrage au communisme). Le découpage par
rapport aux seules 30 glorieuses risque d’entraîner deux parties déséquilibrées :
1945-fin des années 60 (forte croissance et transformations sociales)/ Début
années 70-1975 (prémisses de la crise puis crise). Plusieurs découpages sont
alors envisageables : la 1ère rupture au choix entre fin des années 1950 ou début
des années 1960 (selon que l’on prenne ou pas le « Grand Dessein » de J-
F.Kennedy comme dernière tentative d’arrimer l’Europe occidentale aux Etats-
Unis). De même la 2ème rupture au choix fin des années 1960 ou début des
années 1970 selon que l’on prenne ou pas la fin des Accords de Bretton Woods
comme la manifestation d’un certain retrait des Etats-Unis d’un cadre
économique mis en place après la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte
de fortes relations commerciales entre les Etats-Unis et l’Europe occidentale.
Mais il s’agit d’aboutir aussi à un plan équilibré d’où le choix des ruptures début
années 1960/début années 1970.
= Le cadre chronologique (2ème remarque) : La capacité à comprendre la double
orientation du sujet qui porte à la fois sur la question de l’implication des Etats-
Unis dans la construction du projet européen et sa prospérité économique (outil
de barrage contre le communisme) mais aussi dans son imprégnation en termes
de modèle socio-culturel. I

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= La capacité des élèves de mêler et croiser différents chapitres et thèmes:
Relations Internationale ; 30 glorieuses ; construction européenne. Mais le sujet
est avant tout à travailler sous l’angle des relations entre les Etats-Unis et les
pays d’Europe occidentale.

Les connaissances méritant d’être valorisées :
= Celles liées aux impératifs et vision économique des Etats-Unis convaincus
des bienfaits de la prospérité pour lutter contre l’URSS : répercussions sur la
croissance économique de l’Europe occidentale mais aussi sur l’adoption de
politiques et structures économiques importées des Etats-Unis comme les
accords de Bretton Woods, prêts/dollar gap, accords Blum-Byrnes, le plan
Marshall et l’exportation d’un modèle économique
= Celles liées directement à la Guerre froide expliquant l’implication forte des
Etats-Unis dans les affaires européennes et cette relation privilégiée entre les
deux marquées par des interventions face à ce qui est perçu comme une menace
soviétique avec des répercussions pour les pays d’Europe occidentale : Impact
du coup de Prague en 1948 / mise en place de l’UEO (1948) - Impact du blocus
de Berlin : mise en place du pacte atlantique - Impact de la répression sanglante
en Hongrie (novembre 1956) par les Soviétiques : Traité de Rome en 1957.
= Celles liées au soft power étasunien, un des volets de son influence sur les
sociétés européennes (culture ; mentalité ; art...) : une jeunesse qui s’américanise
(exemple en France) ; diffusion de l’American Way of life même si un modèle
européen se construit dans le même temps.
= Celles liées à la construction européenne et les phases de remise en cause des
relations transatlantiques (construction de la CE ; France de de Gaulle ;
Ostpolitik)

Introduction :

                                                                                     3
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Amorce/analyse du sujet : En juillet 2018, le président des Etats-Unis, Donald
Trump, lors de sa visite au siège de l'Alliance atlantique, à Bruxelles, prononce
un discours très hostile à deux institutions, l'Organisation du Traité de
l’Atlantique Nord (OTAN) et l'Union européenne (UE), aux fondements de la
construction européenne occidentale. Pourtant, dans l’histoire des relations entre
les Etats-Unis et l’Europe occidentale, et malgré des crises ou tensions, les
Etats-Unis sont perçus comme un des moteurs de la construction européenne
occidentale et le projet d’unification européenne a toujours été soutenu jusqu’à
B.Obama. Cette prise de position de D.Trump vis à vis de l’Europe semble ainsi
marquer une rupture dans les relations transatlantiques durant la période des
Trente Glorieuses (1945-1975). Cette période dura environ 30 ans et fut
qualifiée de « Trente Glorieuses » par l’économiste français Jean Fourastié dans
son ouvrage éponyme de 1979. Dans le cadre d’une croissance économique forte
et de profondes transformations sociales pour l’Europe occidentale, en grande
partie initiées par les Etats-Unis, l’implication et la présence forte de ceux-ci
dans cet espace européen s’appuie sur l’articulation entre préoccupations
économiques (celle d’une puissance commerciale), préoccupations politiques
(dans un contexte de Guerre froide) et affirmation d’un nouvel espace politique
(celui de la Communauté européenne).
Problématique : Dans quelle mesure le cadre des Trente Glorieuses de 1945 à
1975 permet-il une lecture des relations Etats-Unis et Europe occidentale, d’une
relation où ce cadre permet aux premiers d’imprimer leur influence sur le
deuxième à une relation où ce même cadre permet peu à peu l’autonomisation
de l’Europe occidentale vis à vis des Etats-Unis ?
Annonce de plan : Les Etats-Unis ont participé grandement après 1945 au
redressement économique mais aussi politique de l’Europe occidentale, dans un
contexte de Guerre froide où l’identification d’un ennemi commun rapprochait
ces deux espaces. Cependant, à partir du début des années 1960, cette relation se
transforme davantage vers des rapports de force économiques, politiques et
culturels. Il s’agit donc à partir du début des années 1970 de redéfinir un cadre
de discussion et de positionnement entre Etats-Unis et Europe occidentale, à la
fois proches et en recherche d’affirmation sur une scène mondiale en mutation.

    I)   Les Etats-Unis soutiennent la reconstruction d’une Europe
         occidentale dans un contexte de prospérité économique dont elle
         est en grande partie le levier (1945- début des années 1960)
Le 24 mars 1947, J.W. Fulbright, sénateur de l’Arkansas et Elbert Thomas,
sénateur de l’Utah, demandent au Congrès d’approuver la résolution 10 qui
déclare ouvertement « que le Congrès favorise la création des Etats-Unis
d’Europe dans le cadre des Nations Unies ».

    A) Les Etats-Unis apportent aide financière et nouveau cadre économique
       à l’Europe occidentale, permettant aussi leur rapprochement.
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- Par le Plan Marshall en 1947 et l’OECE (Organisation Européenne de
       Coopération
Economique) en 1948 qui permet la gestion et la redistribution des fonds
américains du plan Marshall. Articulé à l’UEP (Union Européenne de
Paiement), qui instaure des mécanismes de compensation afin de financer les
échanges entre les membres à un moment où les devises manquent et où les
monnaies ne sont pas encore convertibles. Ces organismes répartissent les
subsides américains mais ils favorisent aussi le développement des échanges et
donnent des habitudes de coopération dépassant le cadre des nations. Cette aide
financière est mise au service de l’image des Etats-Unis et de son modèle : Le
plan « Un train pour l'Europe», chargé de denrées alimentaires et relayé par les
médias. Outil économique = arme de la guerre froide et du containment
étasunien.
-      Les Etats-Unis instaurent ainsi un contexte de coopération, bien qu’ils
ne soient pas à l’origine du projet d’unification. Le Congrès de la Haye en 1948
et le Conseil Européen en 1949 ont pu bénéficier de ce contexte : ces
institutions ne sont pas imposées ou pensées par les Etats-Unis mais ils les
considèrent avec bienveillance et les « parrainent ». Les autres organes crées
par la suite sont davantage des organes d’intégration c’est à dire d’acceptation
par les Etats d’un transfert de souveraineté en faveur d’une structure supra-
européenne.
-      Un partenariat économique qui s’approfondit : Développement des
relations commerciales Etats-Unis / Europe occidentale dans le cadre de
l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) qui permet
l’exportation d’un modèle économique : diffusion du fordisme, missions de
productivité aux Etats-Unis (exemple de Moulinex) qui poussent à coopérer et
ouvrir leurs économies. Renforcé par le poids du dollar suite aux accords de
Bretton Woods en 1944 : toutes les monnaies sont définies en dollar, et seul le
dollar est définie en or, c'est ce que l'on appelait l'étalon de change-or, avec
comme conséquence un système de change fixe entre les différentes monnaies
mondiales.
Relations commerciales amplifiées par le Dillon Round (1960-1961) avec
l’abaissement tarifaire de 6,5% en moyenne entre la Communauté Economique
Européenne (CEE) et les Etats-Unis et favorisées aussi par une volonté
européenne à l’image du projet d’Association économique atlantique de Jean
Monnet (juin 1959).
Le Grand Dessein de J-F.Kennedy s’inscrit dans cette volonté de défendre avant
tout les intérêts des Etats-Unis en promouvant le libre-échange. Le 5 janvier
1962, le président américain propose « une association commerciale ouverte
entre les États-Unis et la CEE » et pousse chacun des partenaires à assumer sa
part de responsabilités communes envers le monde. J-F.Kennedy s’inquiétait
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pour les exportations des Etats-Unis dans le cadre de ce marché commun en
formation. Il s’agissait aussi de pousser à l’intégration de la Grande-Bretagne
dans la communauté européenne afin de préserver les relations transatlantiques.

    B) Des relations transatlantiques qui précipitent la construction
       européenne : une Europe atlantique

L’intégration de l’Europe occidentale dans le cadre économique posé par les
Etats-Unis et dont elle profite se traduit à la fois par une intégration dans le
camp étasunien et donc dans les crises de la Guerre froide mais aussi par un
approfondissement des liens entre pays européens.
-       Un cadre économique qui intègre l’Europe Occidentale dans le système
d’alliance des Etats-Unis : Le Traité de Dunkerque en 1947 est une réaction au
« rideau de fer » et à l’installation de régimes communistes en Europe de
l’Est .Ce traité, signé le 4 mars 1947, est un pacte d’assistance mutuelle et le
premier traité d’alliance entre le Royaume-Uni et la France. Le but est de se
protéger face à une menace soviétique et de resserrer les relations
économiques entre les pays d’Europe occidentale. Ce traité annonce l’alliance
atlantique : ce pacte est jugé rapidement insuffisant dans le cadre des crises de
la Guerre froide et poussent les deux pays à une alliance plus large sous tutelle
des Etats-Unis.
Le coup de Prague en 1948 et le blocus de Berlin en 1948-1949 précipitent la
création de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord en 1950 (OTAN).
A noter que c’est l’Europe occidentale qui fait pression sur les Etats-Unis afin
de mettre sur pied cette alliance militaire défensive par peur du communisme,
précédée par le pacte atlantique (1949). L’Europe de l’Ouest se place donc sous
la protection américaine et fait le choix de l’atlantisme.

-      Et un cadre économique et géopolitique qui nourrit en même temps le
processus d’intégration européenne : Le coup de Prague 1948 s’accompagne
de la création de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) ; la Tchécoslovaquie
avait accepté le plan Marshall et même le projet d’une alliance avec la France
mais les communistes du gouvernement de coalition et l’URSS font pression et
un coup d’Etat permet aux communistes de s’imposer.
La création du Conseil de l’Europe en 1949 : Liée à la situation en Europe
orientale sous occupation de l’Armée Rouge et l’installation de régimes de
coalition, rapidement dominés par les communistes (« tactique du salami »). En
Europe occidentale, cela génère de vives inquiétudes, d’où une relance rapide
des projets paneuropéens avec ce Conseil de l’Europe par les 10 états les plus
impliqués (Royaume-Uni, Italie, Belgique, Suède, Pays-Bas, Luxembourg,
Danemark, Irlande) avec le projet d’un grand Parlement de l’Europe.
La répression sanglante de la Révolution Hongroise en novembre 1956 par les

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troupes soviétiques est suivie de la signature des Traités de Rome en 1957 qui
fondent la Communauté Economique Européenne (CEE) : L’engagement
aux côtés des Etats-Unis transparaît dans les traités de Rome.

-     Mais échec de la communauté européenne de défense (CED) pourtant
soutenue par Etats-Unis : ainsi sous la présidence de Dwight D.Eisenhower
(1953-1961), John Foster Dulles, son secrétaire d'Etat, appuie le projet d'une
armée fédérale européenne, étape préalable selon lui à la création d’un Etat
fédéral européen.

    C) Une Europe américaine ?

-     Des éléments qui permettent d’en témoigner : Le plan Marshall, outil
important de l’entrée de l’Europe occidentale dans les Trente Glorieuses,
marque aussi l'entrée de l'Europe occidentale dans la société de consommation
sur le modèle étasunien : des produits tels que le Coca-Cola et les films
hollywoodiens inondent le marché européen. L’American Way of life et le
modèle culturel étasunien imprègnent la société européenne des TG...On
pourra s’appuyer sur l’exemple français : influence du rock’n roll repris par des
chanteurs comme Johnny Hallyday avec le yé yé ; « Salut les Copains » qui
traduisent l’émergence d’une culture de la jeunesse ; apparition des
supermarchés... Les accords Blum-Byrnes (1946) permettent la libre
pénétration du cinéma américain en France en échange d'importants
avantages financiers.

-      Mais une nuance à apporter : Une construction européenne qui montre
déjà des signes d’autonomisation vis à vis des Etats-Unis. Exemple le
Commissariat Général du Plan en France (politique de planification mise en
place dès 1947 avec le plan Monnet pour reconstruire et moderniser la France ;
Etat très dirigiste à l’encontre du modèle étasunien) d’où émane en 1950 le
plan Schuman pour créer un pool européen charbon-acier puis la CECA
(Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) en 1951 : c’est un marché
commun qui privilégie les relations intra-européennes.
A noter aussi : les Etats-Unis qui n’hésitent pas à se désolidariser de l’Europe
occidentale dans le cadre de la Guerre froide. Lors de la crise de Suez en 1956,
les Etats-Unis font pression sur la France et le Royaume-Uni pour qu’ils se
retirent de la zone du canal de Suez afin d’éviter de trop fortes tensions avec
l’URSS qui soutient l’Egypte de Nasser.

Transition : Jusqu’au début des années 1960, les relations transatlantiques
sont donc placées surtout sous le signe d’une étroite complicité et

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dynamique réciproque, répondant aux intérêts de chacun. Le projet
d’unification européenne permettait aussi aux Etats-Unis d’envisager un
désengagement militaire, afin de se concentrer sur les domaines
commerciaux et politiques. Pourtant, les relations se tendent à partir du
début des années 1960 et des rapports de force plus conflictuels
apparaissent.

    II)   Des relations transatlantiques qui se tendent dans un contexte de
          concurrence économique (Début années 1960 au début des années
          1970)

    A) Les Etats-Unis et l’Europe occidentale comme concurrents
       économiques et commerciaux : des rapports de force qui s’installent

-      L’Europe occidentale bénéficiaire des Trente Glorieuses, sous
l’influence des Etats-Unis : La CEE a très nettement profité des accords du
GATT et de l’aide financière des Etats-Unis dans sa croissance et entrée dans
les Trente Glorieuses. Elle constitue rapidement le deuxième ensemble
économique derrière les États-Unis et s’affirme comme un acteur majeur dans
les relations commerciales internationales. Entre 1957 et le début des années
1970, le commerce extérieur des Etats de la CEE a plus que triplé alors que
celui de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis a été multiplié par deux. Cela
s’explique d’abord par l’essor du commerce intracommunautaire. La CEE parle
d’une seule voix dans les instances internationales comme le GATT et dans le
domaine agricole a renforcé ses liens et échanges avec la mise en place de la
PAC (Politique Agricole Commune) en 1962 et présente des éléments de
concurrence forte pour les Etats-Unis : fixation de prix communs garantis entre
pays de la CEE, principe de préférence communautaire, fort interventionnisme
en terme de financement qui l’extrait du libéralisme soumis aux autres secteurs
des relations commerciales avec les Etats-Unis.

-       Réaction des Etats-Unis (« le Grand Dessein » de J-F.Kennedy) : En
juillet 1962, Kennedy propose un Partnership transatlantique, concrétisé en
octobre 1962 par le Trade Expansion Act et se traduisant par une réduction des
droits de douane. L’approfondissement du libre-échange transatlantique se
poursuit par le Kennedy Round (1964-1967) avec l’abaissement des tarifs
industriels de 35%, mais pas d’accord sur les produits agricoles.

    B) Des ambitions économiques et commerciales qui poussent les EU à
       prendre ses distances avec l’Europe et à l’Europe à tourner le dos aux
       Etats-Unis :

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-      Les Etats-Unis prennent leur distance avec l’Europe occidentale / fin
des accords de Bretton Woods (1971) : Décision de suspendre la convertibilité
du dollar en or par le président américain R.Nixon en 1971. Cette décision est
liée au déficit commercial du pays, notamment avec la CEE, qui a provoqué une
vague de fuites devant le dollar. C’est donc la réussite de l’entrée de l’Europe
occidentale dans les Trente Glorieuses, promue par les Etats-Unis dans
l’objectif d’accroitre le libre-échange et les exportations étasuniennes qui
expliquent cette situation en grande partie.

-      L’Europe occidentale tourne le dos aux Etats-Unis / rejet du projet de
l’Association Européenne de Libre-échange (AELE) : Les Etats-Unis
comprennent rapidement que la CEE ne correspond pas à leur tradition de
libre-échange : l’objectif de diminuer les droits de douane pour la fin des
années 1960-début des années 1970 ne concerne pas les taxes imposables sur
les produits extérieurs à la CEE. La CEE exclut donc les produits étasuniens de
ce marché commun, privilégiant le commerce intra-zone. Cela provoque la
méfiance des Etats-Unis attachés au libre-échange et explique le soutien au
projet de l’AELE fondée en 1960 (Association Européenne de Libre-Échange) et
proposée par la Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne rejoint les Etats-Unis sur
ce point : elle ne défend pas une intégration économique poussée et propose
une zone de libre-échange plus large, ouverte aux pays de l’OECE. Plusieurs
pays acceptent cette AELE : Suède, Norvège, Danemark. Mais c’est un échec et
en 1961 le dépôt de candidature de la Grande-Bretagne à l’entrée dans la CEE
en témoigne.

-      Développement d’un modèle original face à celui des Etats-Unis (et de
l’URSS) : Un modèle social (Etat-Providence) et libéral (économie de marché
ouverte et libre-concurrence) mis en œuvre dès le Traité de Rome qui marque
la volonté d’un équilibre entre les deux modèles.

    C) L’influence politique et idéologique étasunienne des Trente Glorieuses
       remise en cause : une Europe européenne

-     Le souhait des Etats-Unis de maintenir leur leadership militaire en
Europe occidentale se heurte au projet d’une Europe européenne et à la
volonté d’indépendance de la France du général de Gaulle : Ce dernier veut
une Europe européenne, préservant la souveraineté des Etats et à
prépondérance française (sur le principe d’une équidistance Etats-Unis-URSS).
Ses partenaires souhaitent une Europe supranationale, fédérale et atlantique
donc avec la présence de la Grande-Bretagne. De Gaulle met ainsi son veto par
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deux fois à l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE, soutenue par les Etats-Unis,
en 1963 (dépôt de la demande en 1961) et en 1967. En réponse à la
proposition de communauté atlantique de J-F.Kennedy, il répond: « Si la
Grande-Bretagne entrait dans la Communauté avec une foule d’autres États, la
cohésion de tous ses membres n’y résisterait pas et, en définitive, il
apparaitrait une communauté atlantique colossale, sous dépendance et
direction américaine et qui aurait tôt fait d’absorber la Communauté
européenne. Ce n'est pas du tout ce qu'a voulu faire et ce que fait la France :
une construction proprement européenne ». Ces refus révèlent de fortes
divergences entre la France et ses partenaires européens en termes de relation
entre Etats-Unis et Europe occidentale.
Confirmé par le Sommet de La Haye (1969) : Rapport Davignon adopté par
les 6 rendant obligatoire pour chaque membre de consulter ses partenaires en
matière de politique étrangère afin d’approfondir l’union politique.

-      Des positionnements ouvertement tournés vers l’Europe orientale ou
en faveur d’un désamarrage des Etats-Unis : L’Ostpolitik du chancelier de la
RFA, Willy Brandt, en 1969 traduit la volonté d’un rapprochement avec
l’Europe orientale et le dépassement du « rideau de fer ». Un rééquilibrage du
centre de gravité de l’Europe occidentale très ancrée à l’Ouest avec le choix de
l’atlantisme dès le début de la Guerre froide et de l’entrée dans les Trente
Glorieuses. Les positionnements de la France de De Gaulle : De Gaulle refuse
la communauté atlantique proposée par J-F.Kennedy : politique nucléaire ;
critique la guerre du Vietnam au Cambodge en 1966 ; départ du
commandement militaire de l’OTAN en 1966

-     Mouvement de contestation de la société de consommation et du
capitalisme se développe en Europe occidentale dans les années 1960 :
L’année 1968 et les manifestations notamment étudiantes en Grande-Bretagne
d’abord (contre la guerre du Vietnam devant l’ambassade américaine) ; la
République Fédérale allemande (RFA) ; la France (Mai 68 nettement marqué
par un positionnement à l’extrême gauche et la défense d’un autre modèle
comme le modèle communiste de type maoïste notamment).

Transition : Ces tensions et rapports conflictuels se traduisent par la
nécessité de redéfinir les relations transatlantiques. Aucun des deux espaces
ne souhaite remettre en cause cette alliance atlantique tout en actant un
partenariat plus complexe et redessiné.

    III)   Des relations Etats-Unis et Europe occidentale redéfinies (début des
           années 1970- 1975)

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A) Une « nouvelle Charte Atlantique » (avril 1973) proclamée par les Etats-
       Unis.

-      Un contexte international favorable : Au niveau géoéconomique, le
cadre des Trente Glorieuses se fragilise et redéfinit les relations
transatlantiques. Crise monétaire mondiale suite à la décision d’inconvertibilité
du dollar en or par R.Nixon en 1971. De plus, à ses partenaires et alliés, le
président américain impose des concessions commerciales et demande à
plusieurs pays, notamment la RFA, de revaloriser leurs monnaies.
Augmentation brutale du cours du pétrole brut décidée en 1973 par les pays de
l’OPEP.
Au niveau géopolitique : Difficultés au Vietnam (1963-1975) avec un bilan
humain et financier difficile et une image des Etats-Unis ternie qui interroge
l’interventionnisme étasunien. Cette fragilisation des Etats-Unis sur la scène
internationale renforce leur souhait d’un désengagement militaire mondial et
notamment en Europe occidentale et la prise de conscience de la nécessité de
nouveaux liens et réciproquement : Dans l’esprit de certains Européens, la
construction européenne, passe par plus d’indépendance vis-à-vis des États-
Unis. C’est ce qu’écrit H.Kissinger : « Les dirigeants européens les plus
partisans de l’Unité Européenne commençaient à percevoir un conflit entre
l’unité atlantique et l’identité européenne ».

-      Et par une crise dans les relations transatlantiques : Depuis 1963 les
Etats-Unis ont repris le dialogue avec l’URSS (politique de Détente) et, en ce
début des années 1970, la menace soviétique en Europe occidentale est donc
moins prégnante. Traité de non-prolifération des armes nucléaires signé en
1968 et Traité SALT 1 en 1972. Les Etats-Unis de R.Nixon réaffirment donc la
nécessité pour l’Europe occidentale d’assumer elle même son système de
défense militaire. L’Europe occidentale craint de son côté un « condominium
américano-soviétique ».
De plus, la mise en place du « Serpent monétaire » (1972) et le Fond Européen
de coopération monétaire (Fecom) renforcent la volonté des Etats-Unis de se
désolidariser de l’Europe occidentale : c’est une réaction de l’Europe
occidentale à la décision de R.Nixon. Les banques centrales européennes
refusent de continuer à soutenir le dollar et renoncent désormais à être rattachées
au billet vert. Le « Serpent monétaire » est une initiative du président français
G.Pompidou. Les Six États membres conviennent de réduire les marges de
fluctuation instantanée entre leurs monnaies à ±2,25 % et par rapport au dollar
afin de stabiliser le cours de leurs monnaies et d'assurer le bon fonctionnement
du marché commun et plus particulièrement de son volet agricole.
En 1973, l’élargissement de la CEE à trois nouveaux membres (qui a montré

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l’échec de l’AELE) montre à la fois la puissance économique européenne qui
s’élargit dans un contexte de crise économique, mais aussi l’approfondissement
des liens économiques et politiques.

-       Orientation de cette charte et réaction à celle ci: Elle s’inscrit dans le
cadre d’une « revitalisation du leadership » américain souhaitée par le
secrétaire d’Etat américain H.Kissinger afin de réexaminer les relations entre
les Etats-Unis et l’Europe dans les domaines politique, économique et militaire.
Cette « nouvelle charte » traduit les tensions entre le projet atlantiste et
européaniste. Il s’agit de revenir à une démarche atlantiste plus traditionnelle :
réfléchir davantage dans un cadre multipolaire que dans le cadre de relations
bilatérales avec les pays de la CEE, en distinguant l’Europe des Etats-Unis ;
Kissinger propose par exemple des discussions élargies de la CEE avec le Japon.
Dans son esprit, il s’agit de renouveler le pacte en l’adaptant aux nouvelles
réalités (déclin de l’atlantisme et du leadership moral des Etats-Unis ; forte
concurrence économique et multipolarité...).C’est aussi la volonté
d’abandonner la tutelle étasunienne rappelant un ancien propos de Kissinger,
alors encore professeur à Harvard : « L’un des problèmes [de la politique
étrangère américaine] est, paradoxalement, la croissance de la force
économique et de la confiance politique de l’Europe. […] Etre tuteur s’avère
aisé pour le partenaire le plus fort, mais s’avère démoralisant à long terme ».
Mais cet abandon de la tutelle s’articule à la vision d’une CEE comme puissance
régionale et non mondiale. Et le souhait des Etats-Unis d’une consultation des
Etats-Unis par la CEE sur les questions internationales.
La CEE n’accepte pas cette situation de dépendance et compte faire
entendre sa voix : Début novembre 1973, en opposition au souhait de Kissinger
d’une consultation préalable de la CEE, publication par les Neuf de la
Déclaration sur le Moyen-Orient, suite à la guerre du Kippour – leur première
déclaration commune élaborée dans le cadre de la Coopération politique
européenne, sans consulter au préalable leur partenaire outre-Atlantique.
Projet rejeté aussi par la France, accusé de toucher à l’autonomie et l’identité
politique propre de la CEE. G.Pompidou lors d’une visite d’État en Belgique en
octobre 1973 s’exprime ainsi : « Si l’Europe n’est pas européenne, elle ne sera
pas l’Europe […]. Et si j’ai insisté sur l’idée de se distinguer de l’Amérique,
c’est parce que c’est avec les États-Unis que nous avons les liens les plus étroits
(...). Quant aux États-Unis, nous devons nous en distinguer parce que si nous ne
nous en distinguons pas, nous serons américains, or nous ne voulons pas être
américains, nous voulons être européens.
Déclaration sur l’identité européenne en décembre 1973 adoptée par les Neuf
de la CEE au sommet européen de Copenhague. Evocation de valeurs
communes, de l’importance de préserver la diversité culturelle et de définir des
positions communes dans le domaine de la politique étrangère. Dans cette
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déclaration, les Etats-Unis sont définis comme un partenaire particulièrement
important. Il s’agit donc de notifier cette autonomisation sans signifier la
séparation. La CEE reconnaît les Etats-Unis comme première puissance mais
entendent par cette déclaration traiter sur un pied d’égalité avec leur partenaire
« particulièrement important ». D’où le projet d’un Conseil Européen en 1974
(Assemblée informelle) qui a pour but de définir les grandes orientations et
priorités politiques de la CEE et constitué des chefs d’État et de gouvernement
des pays membres.

    B) Une autonomisation politique accentuée de l’Europe occidentale : « les
       malentendus transatlantiques » (H.Kissinger).

        -     Sommet de Paris (1972) ou l’affirmation de la personnalité
politique de l’Europe : Les 9 s’accordent sur l’idée que : « la construction
européenne permettra à l’Europe d’affirmer sa personnalité dans la fidélité à ses
amitiés traditionnelles et aux alliances des Etats membres et de marquer sa
place dans les affaires mondiales en tant qu’entité distincte ». C’est la relance du
volet politique européen après l’échec la CED et de la commission Fouchet. Le
Conseil européen, alors institutionnalisé, est assigné à la tâche.
= Confirmée par l’attitude des pays européens dans le cadre de la guerre du
Kippour en octobre 1973 : les pays membres de l’OTAN interdisent aux EU
l’utilisation de ses bases en Europe pour aider Israël
        -     La recherche d’une autonomie vis à vis des Etats-Unis : En juin
1974, lors d’un conseil de l’OTAN, les 9 pays de la CEE obtiennent des États-
Unis le droit d’être pleinement informés qui marque l’affranchissement de la
logique des blocs.

      -      Les conventions de Lomé signées en 1975 ou l’affirmation d’une
puissance commerciale indépendante. Ces accords entre la CEE et des pays
d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) sont des accords commerciaux
accordant la franchise douanière à la quasi-totalité des produits d’origine ACP et
garantissant l’achat à des prix identiques aux prix communautaires, donc très
supérieurs aux cours mondiaux, de 1,4 million de tonnes de sucre. Dans le
même temps, une aide financière renforcée est prévue grâce au budget du fonds
européen de développement (FED) et les prêts de la Banque européenne
d’investissement (BEI).Les Etats-Unis dénoncent « l’empire commercial de
l’Europe ».

    C) Les Accords d’Helsinki en 1975 : L’affirmation d’une voix européenne à
       l’apogée de la Détente

-     Des accords qui sont présentés comme l’apogée de la Détente. Cette
conférence a été proposée par l'URSS. Elle porte sur la sécurité et la
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coopération en Europe (CSCE) et s’inscrit sur la volonté d’apaiser les tensions
en Europe entre Etats-Unis et URSS. Ces accords sont signés après deux ans de
discussion à la conférence d’Helsinki (03 juillet 1973 au 01 août 1975), en
présence notamment de G.Ford (Etats-Unis), L.Brejnev (URSS), V.Giscard
D'Estaing (France), H.Schmidt (RFA). La CSCE porte sur trois domaines
(« corbeilles ») : les questions relatives à la sécurité (inviolabilité des frontières
issues de 1945 notamment), les échanges commerciaux, industriels et
scientifiques et l’accroissement de la circulation des hommes, des idées et des
informations de part et d’autre du rideau de fer, enfin la coopération dans le
domaine humanitaire et le respect des droits de l'Homme et du principe du
droit à l’autodétermination des peuples.
Ces accords d’Helsinki s’inscrivent dans la volonté des Etats-Unis de s’appuyer
sur la Détente afin de conforter leur puissance économique, au delà de l’espace
européen: ventes de céréales étasuniennes à l'URSS qui aboutissent à la
signature du traité commercial de 1975. L’Europe occidentale demeure le
principal partenaire commercial mais avec une volonté des Etats-Unis d’élargir
leurs débouchés commerciaux. Ces accords semblent donc dépasser le système
des blocs mais...

-      La traduction d’un amoindrissement du poids des Etats-Unis en Europe
occidentale et une affirmation du poids de l’URSS en Europe orientale au
détriment d’une voix européenne ? Selon Raymond Aron : Abandon occidental
des Européens de l’Est entre les mains des Soviétiques. Les accords entérinent
le statu quo politique et territorial européen issu de la Seconde Guerre
mondiale au profit de l’URSS.
Mais l’URSS est consciente du risque posé par la 2ème et 3ème « corbeilles » qui
peuvent mettre à mal le système socialiste et leur politique de lutte contre la
dissidence religieuse et politique. Pour les partisans des accords d’Helsinki, cela
permet de fournir aux populations soumises aux dictatures communistes
d’Europe de l’Est un instrument sur lequel s’appuyer pour faire valoir leurs
revendications.De plus, les Occidentaux défendent le droit du peuple allemand à
la réunification.
Enfin, les liens entre les États-Unis et l’Europe occidentale, restent étroits :
insistance des pays de l’OTAN pour que les Américains prennent part au
processus et, d’autre part, refus de doter la CSCE d’un organe paneuropéen
permanent.
La voix de l’Europe n’est pas muselée et la vision d’une Europe de
« L’Atlantique à l’Oural » déjà défendue par le général de Gaulle s’incarne dans
l’espoir des pays d’Europe occidentale en 1975 de voir cette Europe enfin
réunifiée.

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Conclusion :

La crise des euromissiles en 1977 relance pourtant la question de la défense
européenne occidentale et du retour des            Etats-Unis dans cet espace.
L’installation en Europe de l’Est des missiles soviétiques SS-20 avec une portée
de 5000 kilomètres inquiète la RFA et plus largement l’Europe occidentale qui
se tourne à nouveau vers les Etats-Unis. En 1979, la France, la Grande-Bretagne
et la RFA, afin de rééquilibrer les dispositifs de sécurité entre les deux Europe,
décident l’installation de missiles étasuniens Pershing II pour 10 ans, effective
en 1983. C’est donc l’Europe de l’Ouest qui rappelle les Etats-Unis pendant
qu’une partie de l’opinion européenne occidentale dénonce par des
manifestations le retour des Etats-Unis (« mouvement de paix »).
Si ces deux espaces sont ainsi unis par leur histoire et leurs échanges, leurs
relations ne cessent d’osciller dans le cadre des Trente Glorieuses, entre
partenariat, parrainage, autonomisation et défiance même parfois. Et la
complexité de ces relations se poursuit après 1975 entre communauté d’intérêts
et concurrence.Pour autant depuis la fin de la Guerre froide, les Etats-Unis ne
craignent plus cet éloignement et la tendance est d’inciter les Européens à s’unir
et parler d’une seule et même voix dans un monde de plus en plus complexe et
multipolaire à partir de 2006 (GW.Bush-B.Obama) tout en maintenant la
protection américaine… ce que D.Trump tend à remettre en question
aujourd’hui.

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