Concurrences Revue des droits de la concurrence
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Concurrences Revue des droits de la concurrence Competition Law Journal La procédure d’amicus curiae : Bilan en demi-teinte de la pratique européenne et française Doctrines l Concurrences N° 4-2012 – pp. 38-55 Emmanuelle Claudel emmanuelle.claudel@gmail.com l Professeur, Université Paris Ouest Nanterre la Défense l Membre du CEDCACE, Centre de droit civil des affaires et du contentieux économique
@ Voir également : L. Idot , “Réflexions sur la convergence des droits de la concurrence” ; Doctrines M. Barennes, P. Hecker, “Strategic and efficient brief writing before the General Court of the EU” sur concurrences.com Emmanuelle Claudel La procédure d’amicus Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. emmanuelle.claudel@gmail.com Professeur, Université Paris Ouest Nanterre la Défense curiae : Bilan en demi-teinte Membre du CEDCACE Centre de droit civil des affaires et du contentieux économique de la pratique européenne et française Abstract I. Introduction Today, the judge is invited to fully play its role in disputes 1. Définition. L’amicus curiae est ainsi défini par le vocabulaire juridique de involving anticompetitive practices, particularly in order G. Cornu : “qualité de consultant extraordinaire et d’informateur bénévole en laquelle to ensure compensation of the victims of such practices. Though he may be a specialised judge, he may find himself la juridiction saisie invite une personnalité à venir à l’audience afin de fournir en powerless when faced with the complexity of the analyses présence de tous les intéressés, toutes les observations propres à éclairer le juge.” involved in competition law matters or with the difficulty of gathering evidence. The European Commission, as well as the national competition authorities, can assist À l’évidence, le contentieux judiciaire des pratiques anticoncurrentielles se prête him as amici curiae. Pursuant to article 15 of Regulation bien à ce type d’intervention. En effet, il a été relevé que “[le] droit des pratiques 1/2003, the competition authorities may give their opinion or anticoncurrentielles est un droit spécifique, de caractère technique, qui requiert submit observations. Surprisingly, some of these procedures une capacité d’expertise des tribunaux. L’expertise en analyse économique du are seldom used. This may have something to do with the ambiguity of the role of the amicus curiae : the competition fonctionnement des marchés est en effet atypique par rapport aux grands blocs de authority, which on the one hand assists the judge but on the légalité (droit commercial et droit civil) qui font le quotidien des juridictions”1. Il arrive other hand protects the competition order, que cette expertise fasse défaut au juge, nonobstant son éventuelle spécialisation2. is not a disinterested friend. Une autorité de concurrence semble le meilleur sachant pour l’éclairer. On ne L e juge est aujourd’hui invité à prendre toute sa place dans le s’étonne donc pas que la qualité d’amicus curiae ait été reconnue à la Commission contentieux des pratiques anticoncurrentielles, afin notamment européenne et aux autorités nationales, particulièrement dans un contexte favorable d’assurer réparation aux victimes. Même spécialisé, il peut au développement des actions en dommages et intérêts. Cette institution puise dans cependant être démuni face à la complexité des analyses requises ou à la difficulté de rassembler certaines preuves. les principes posés dans les traités constitutifs. Les autorités de concurrence, européenne et nationales, sont là pour lui apporter leur concours en tant qu’amici curiae. 2. Fondements théoriques et textuels à l’intervention de l’amicus curiae. L’article 4 Des procédures d’avis ou de dépôts d’observations ont en effet été mises en place, sous l’impulsion de l’article 15 du TFUE (ex-art. 10 CE) énonce un principe de coopération loyale entre l’Union et règlement (CE) n°1/2003. Curieusement, ces procédures sont les États membres. Les juridictions européennes en ont déduit que la Commission pour certaines peu mobilisées. L’ambiguité de la fonction a la charge d’assister les juridictions nationales lorsqu’elles appliquent le droit impartie à l’amicus curiae n’est peut-être pas étrangère européen3. Cette fonction d’amicus curiae impartie à la Commission de concurrence à ce constat : soutien du juge, mais gardienne de l’ordre concurrentiel, l’autorité de la concurrence a été formalisée par le règlement (CE) no 1/2003 du 16 décembre 2002, à travers un n’est pas un ami totalement désintéressé. article 15, qui lui confère trois prérogatives. Les deux premières sont à l’initiative des juges, la troisième à celle de la Commission. g transmettre aux juridictions qui la solliciteraient des informations en sa possession (art. 15 § 1) g leur donner un avis au sujet de questions relatives à l’application des règles communautaires de concurrence (art. 15 § 1). g leur soumettre spontanément des observations, écrites ou orales, cette dernière hypothèse étant cependant subordonnée à l’accord de la juridiction concernée (art. 15 § 3). La même prérogative est reconnue par le texte aux autorités nationales de concurrence. 1 Avis du 21 septembre 2006 relatif à l’introduction de l’action de groupe en matière de pratiques anticoncurrentielles, point 43. 2 On sait, en effet, que le contentieux des pratiques anticoncurrentielles est aujourd’hui confié en France à des juridictions spécialisées (art. L. 420-7 et R. 420-3 à 5 du code de commerce). Cette spécialisation peine cependant à trouver sa place. 3 V. not. arrêts CJCE, 28 février 1991, Delimitis, aff. C-234/89, point 53, Rec. 1991, p. I-935 et TPICE 18 septembre 1996, Potsbank, aff. T-353/94, Rec. 1996 II - 00921, point 64. Concurrences N° 4-2012 I Doctrines I E. Claudel, 38 Amicus curiae : Bilan en demi-teinte de la pratique européenne et française
L’article 15 du règlement (CE) no 1/2003 a été utilement Il a par ailleurs été relevé que l’obligation de confidentialité Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. complété par la Communication no 2004-C 101 du 27 avril qui s’attache aux arbitres rendrait bien difficile la 2004 sur la coopération entre la Commission et les participation à une procédure de coopération “qui suppose juridictions nationales pour l’application des articles 81 et 82 que toute procédure soit connue des autorités nationales et CE, à laquelle il sera fait d’amples références4. européennes responsables du respect des règles du droit de la concurrence”10. La question n’est assurément pas close11, et 3. Les principes guidant l’intervention de la Commission : n’appelle sans doute pas une réponse uniforme selon que neutralité et objectivité. Si les contentieux objectifs et subjectifs l’on s’interroge sur la possibilité pour l’arbitre d’interroger la sont clairement distincts, ils ne sont pas parfaitement étanches. Commission12 ou une autorité nationale – ce qui ne semble La procédure d’amicus curiae tend à dessiner des passerelles pas totalement exclu –, ou sur la possibilité pour ces autorités entre eux. Ces passerelles ne doivent pas sonner le glas de d’intervenir spontanément dans un contentieux arbitral, l’indépendance des juges, pas plus qu’obscurcir la distinction hypothèse, quant à elle, sévèrement réfutée13. entre les deux contentieux, qui poursuivent des objectifs différents. C’est pourquoi la Commission a précisé que En revanche, le juge est entendu comme englobant non “quelle que soit la forme de la coopération avec les juridictions seulement les juridictions de droit commun ou spécialisées, nationales, [elle] respectera leur indépendance”5 et qu’“[en]” appelées à trancher des litiges entre particuliers, mais remplissant son devoir d’assistance aux juridictions nationales également les juridictions en charge du contrôle juridictionnel, dans l’application des règles de concurrence communautaires telles que la cour d’appel de Paris et la Cour de cassation ou (…) [elle] doit rester neutre et objective. En effet, l’assistance encore, de façon plus discutable14, les juridictions intervenant apportée par la Commission aux juridictions nationales relève exceptionnellement comme autorités de concurrence. de son devoir de défense de l’intérêt public. Elle n’est donc pas destinée à servir les intérêts privés des parties en cause dans Si l’on s’intéresse enfin aux débiteurs de cette procédure, l’affaire pendante devant la juridiction nationale”. on ne peut que constater qu’ils sont peu nombreux. Le juge intéressé ne pourra rechercher le soutien que de 4. Un champ d’intervention intuitu materiae et intuitu la Commission européenne ou de l’autorité nationale de personae circonscrit. L’intervention des autorités de concurrence de l’État membre dont il relève, sans pouvoir concurrence est limitée dans les textes aux hypothèses où solliciter l’aide d’autres autorités de concurrence, le juge les juges nationaux sont appelés à statuer sur le droit des n’étant pas membre du réseau d’autorités de concurrence15. pratiques anticoncurrentielles. Il n’existe aucune disposition autorisant explicitement ces autorités à intervenir en droit des concentrations6 ou en droit des aides d’État7. Par ailleurs, à l’exclusion de l’arbitre, seul le juge bénéficie de cet amical soutien. L’article 15 du règlement (CE) no 1/2003 ne fait référence qu’aux juridictions, au sens étroit du terme8. Ainsi que le rappelle Laurence Idot, “la coopération entre la Commission et les juridictions nationales des États membres trouve son fondement dans le principe de coopération loyale (…), lequel ne s’applique pas aux arbitres qui n’ont pas de for9.” 10 Y. Derains, L’arbitre, la Commission et la Cour : Questions de procédure, Gaz. Pal. 20 mai 2003, no 149, p. 45. 4 Cette communication reprend pour partie les termes de la communication 11 V. sur cette question l’intéressante et nuancée contribution de du 13 février 1993 sur cette même coopération, qui elle-même s’inscrivait C. Nourissat, La place de l’arbitrage dans le nouveau paysage dans les termes de l’arrêt Delimitis du 28 février 1991, aff. C-234/89, Rec. communautaire de la concurrence, in Le nouveau règlement d’application p. I-935. du droit communautaire de la concurrence : un défi pour les juridictions 5 Communication du 27 avril 2004, point 19. françaises, Dalloz 2004, Thèmes et commentaires, p. 51. 6 Nous verrons cependant que le Conseil d’État français n’a pas hésité 12 De nombreux auteurs estiment ce cas de figure envisageable, même s’il à saisir le Conseil de la concurrence pour avis. Cf. infra, no 21 in fine. n’est pas prévu par les textes. En ce sens, Y. Derains, article précité ; En revanche, la cour d’appel de Paris a refusé, quant à elle, de sortir du C. Nourissat, article précité ; L Idot, Le nouveau système communautaire cadre de l’article L. 462-3 du code de commerce (Paris, 18 juin 2008, de mise en œuvre des articles 81 et 82, Bruylant, série concurrence, 2004, no 07/17715, sur TGI Paris no 18/09.2007, Canal + Fr c/ P). no 171 et s. Interrogée sur ce point en 2003 , la DG concurrence a répondu qu’elle apporterait dans toute la mesure du possible son concours à 7 Mais une communication publiée le 25 février 2009 relative à l’application l’arbitre, mais que cette position ne pouvait rester que confidentielle au des règles en matière d’aides d’État par les juridictions nationales (JOUE risque d’être débordée. Elle ajoutait que les juridictions seraient quoiqu’il no C85 du 9 avril 2009, p. 1) révèle une volonté manifeste de la Commission en soit prioritaires : V. H. Lesguillons, La solitude pondérée de l’arbitre de renforcer la coopération avec les juridictions nationales, même si face au droit de la concurrence, Gaz. Pal. 29 mai 2003, p. 1495, sp. 1498. aucune procédure d’amicus curiae n’existe en ce domaine. V. J. Derenne, Concurrences no 2-2009, pp.149-150. 13 En ce sens, v. notamment G. Canivet, La mise en œuvre du droit de la concurrence par les juridictions arbitrales, in L’application en France 8 La Cour de justice a considéré que l’arbitre n’était pas une juridiction du droit des pratiques anticoncurrentielles, LGD, coll. Dr. Aff., 2008, et ne pouvait la saisir d’une question préjudicielle (not. CJCE, 23 mars no 885 et s. 1982, Nordsee, aff. 102/81, Rec. p. 1095). En France, en revanche, de nombreux auteurs considèrent que le terme “juridiction” mentionné à 14 En ce sens, L. Idot, Le nouveau système communautaire de mise en œuvre l’article L. 470-5 du code de commerce peut être entendu au sens large et des articles 81 et 82 CE, Bruylant 2004, no 170, qui juge “regrettable” ce viser les arbitres. En ce sens, L. Idot, note sous CA Paris, 28 avril 1998, dédoublement fonctionnel. Du même auteur, V. La coopération entre Rev. arb. 1989, p. 304 et J.-H. Moitry, Arbitrage international et droit la Commission européenne et les juridictions nationales en droit de la de la concurrence : vers un ordre public de la Lex Mercatoria, Rev. arb. concurrence, Rev. Aff. europ. 2009/2010 n°1 pp.59-72. 1989, p. 3. 15 J. Riffault-Silk, participation au colloque « Droit et économie de la 9 L. Idot, arbitrage et droit de la concurrence, Concurrences no 4-2010, concurrence », Cour de cassation 17 octobre 2005, Le point de vue des no 44194. magistrats. Concurrences N° 4-2012 I Doctrines I E. Claudel, 39 Amicus curiae : Bilan en demi-teinte de la pratique européenne et française
5. Un statut juridique incertain. Ni les textes européens ni les I. Un ami curieusement peu Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. textes nationaux ne précisent le statut de l’amicus curiae16. Il est souvent assimilé à un expert17, mais d’aucuns considèrent sollicité : Les procédures d’avis qu’il est plus que cela. Un auteur estime qu’“[à] la différence d’un expert, l’autorité de la concurrence dispose d’une légitimité rarement mobilisées qui l’autorise à formuler un avis en droit sur le type d’analyse 7. L’article 15 § 1 du règlement (CE) n° 1/2003 autorise les économique qu’appelle l’interprétation de la règle, un avis sur juridictions nationales appliquant les articles 81 et 82 CE la qualification des faits ou encore un avis sur les qualifications (devenus 101 et 102 TFUE) à saisir la Commission d’une qui lui paraissent acceptables. Le domaine de l’avis est donc demande d’informations lorsqu’ils appliquent les articles 81 plus large que celui de l’expertise”18. et 82 (devenus 101 et 102 TFUE) ou d’une demande d’avis au sujet de questions relatives à l’application des règles 6. Ambivalence de la fonction impartie à l’amicus curiae : communautaires de concurrence (1.). Cette dernière un soutien du private enforcement mais conformément à sa possibilité, qui sera seule étudiée, est d’un grand intérêt mission de public enforcement. On sait aujourd’hui que pour le juge, mal armé face à certaines questions complexes. les actions en dommages et intérêts sont espérées plus Elle a un pendant en droit national, l’article L. 462-3 du nombreuses afin de rendre plus effective la pénétration des code de commerce autorisant ces mêmes juridictions à saisir règles concurrentielles et plus dissuasive encore la sanction l’Autorité de la concurrence pour avis (2.). de leur irrespect19. On comprend dès lors que le juge fasse l’objet de l’amicale attention des autorités de concurrence. Il doit pouvoir appliquer les règles de concurrence sans 1. La saisine la Commission européenne que la technicité de celles-ci ou la complexité des analyses à l’initiative des juges : Une aide économiques requises le freine dans sa mission. S’il le souhaite, l’Autorité de concurrence est donc à sa disposition marquée du sceau de la neutralité pour suppléer son éventuelle carence. 8. Après avoir exposé la procédure d’avis telle qu’elle a été conçue dans les textes et précisée par les juridictions Mais le juge doit agir sans porter atteinte à la qualité et à de contrôle (1.1.), nous examinerons la façon dont elle est l’uniformité du droit de la concurrence. L’amicus curiae a dès pratiquée par la Commission (1.2.). lors cette autre fonction, qui n’est évidemment pas clairement distincte de la précédente, qui est d’assurer l’application cohérente et effective des dispositions du droit européen de 1.1. La procédure d’avis dans les textes et sous la concurrence. L’intervention de l’Autorité de concurrence le contrôle des juridictions européennes peut dès lors se faire plus autoritaire, ou à tout le moins plus spontanée. Cet aspect de la mission de l’amicus curiae 9. Objet des avis susceptibles d’être sollicités : avis trouble la distinction entre contentieux objectif et subjectif et sur des questions économiques, factuelles ou juridiques. autorise une immixtion du premier dans le second. Les juridictions appelées à statuer sur le fondement des articles 101 et 102 ne sont pas démunies : elles peuvent Cette réserve n’empêche pas de considérer que les passerelles puiser dans les nombreux arrêts et décisions rendues par ainsi organisées sont précieuses. L’on peut donc s’étonner de les instances européennes, ou dans les lignes directrices et constater que certaines de ces procédures sont peu mobilisées. communications diverses publiées par la Commission. Il peut C’est le cas de la procédure d’avis, à l’initiative des juges arriver cependant qu’elles soient confrontées à un problème (I.). Le dépôt d’observations à l’initiative des autorités de d’interprétation de ces sources, ou aient besoin d’un éclairage concurrence est une pratique plus vigoureuse, mais exercée plus spécifique au secteur qu’elles étudient, ou encore soient dans des conditions très différentes par la Commission et par confrontées à une opération dont la réalisation leur semble l’autorité française (II.). excéder leur compétence ou supposant des informations hors de leur portée. C’est tout l’intérêt de la procédure d’avis, qui va leur permettre d’obtenir les informations factuelles ou la clarification en matière économique ou juridique dont elles 16 À noter cependant : un décret du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives a organisé la ont besoin. Ce faisant, les avis peuvent utilement compléter procédure d’amicus curiae devant ces tribunaux (nouvel article R. 625-3 le mécanisme de questions préjudicielles20 et constituent une du CJA). aide à la preuve bienvenue. Ils peuvent d’ailleurs contribuer à 17 Pour exemples, C. Lucas de Leyssac, Rapport de synthèse, La sanction rétablir l’égalité des parties dans la charge de la preuve21. judiciaire des pratiques anticoncurrentielles, LPA 20 janvier 2005, p. 65 ; D. Dumont, Application du droit de la concurrence aux activités publiques, Juris. adm. Fasc. 292, point 63 ; G. Clamour et S. Destours, 20 La Cour de justice n’interviendra que pour régler un problème Droit public de la concurrence , Juris‑Class. Collectivités territoriales, d’interprétation du droit de la concurrence. La Commission sera davantage Fasc. 724-20. Contra Paris 21 et 6 juin. 1998 qui considère (mais sans appelée à intervenir sur des questions factuelles et économiques, tout en viser l’autorité de concurrence) que l’amicus curiae “n’est ni un témoin, étant également appelée à interpréter la règle. Les deux institutions sont ni un expert et il n’est pas soumis aux règles de la récusation”, cité par donc des compétences concurrentes sur ce dernier chef, mais leur analyse G. Canivet, L’amicus curiae en France et aux États-Unis, RJCom. n’a évidemment pas la même portée. Par ailleurs, l’avis de la Commission 1er mars 2005, regards, pp. 99-113. ne porte pas préjudice à la possibilité de saisir la Cour d’une question 18 A.-L. Sibony, Le juge et le raisonnement économique en droit de la préjudicielle : point 27 de la communication no 2004 C 101-04. concurrence, LGDJ, coll. Droit & Économie, 2008, no 962. Dans le même 21 J. Vialens, Les garanties d’une application uniforme et cohérente du droit sens, G. Canivet, cité supra. communautaire des pratiques anticoncurrentielles par les juridictions de droit 19 V. not. le livre blanc de la Commission européenne sur les actions en commun, in L’application en France du droit des pratiques anticoncurrentielles dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les par M.-C. Boutard Labarde, G. Canivet, E. Claudel, V. Michel Amsellem et ententes et les abus de position dominante, COM(2008) 165 final. J. Vialens, LGDJ 2008, coll. Dr. des aff., pp. 717 et s. Concurrences N° 4-2012 I Doctrines I E. Claudel, 40 Amicus curiae : Bilan en demi-teinte de la pratique européenne et française
La Commission ne se substitue cependant pas aux saisissante, sachant qu’il lui est loisible de lui demander des Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. juridictions dans la résolution du litige. La communication informations complémentaires27. Elle ne procède en revanche du 27 avril 2004 prend soin de préciser que la Commission ne à aucune mesure d’instruction, et ce trait distingue nettement se prononce pas sur le fond de l’affaire22. la procédure européenne de la procédure française. Elle rend la procédure d’avis moins lourde pour la Commission, 10. Cadre procédural des avis : l’organisation du contradictoire. en même temps qu’elle peut affaiblir la qualité et la pertinence Dans sa fiche de présentation de cette procédure23, la des réponses apportées. Par ailleurs, conformément au Commission indique que la juridiction qui la saisit doit principe de neutralité qu’elle a défini, elle n’entend pas les brièvement présenter le contentieux à l’origine de la saisine, parties28. les raisons qui la conduisent à s’adresser à elle et, le cas échéant, un résumé des principaux arguments des parties. 12. Délai et portée des avis transmis. La communication de la Elle recommande également la plus grande concision et la Commission énonce que celle-ci s’efforcera de communiquer plus grande clarté dans la présentation de la saisine. Mais là l’avis sollicité dans le délai de quatre mois, sauf si des s’arrêtent les indications, le règlement (CE) no 1/2003 ne demandes d’informations complémentaires sont formulées. prévoyant aucun cadre procédural pour ces demandes d’avis et la communication du 7 avril 2004 se contentant de renvoyer Il faut enfin noter une différence essentielle entre un avis et un aux droits nationaux. arrêt en interprétation préjudiciel : l’avis de la Commission ne lie pas la juridiction. Ce point est commandé par leur Ce sont donc les dispositions du code de commerce qui vont indépendance. Cependant, “rarissimes sont les litiges pour le là encore trouver application, et celles-ci ont été précisées par règlement desquels les juges nationaux osent se démarquer de le décret no 2005-1668 du 27 décembre 200524, qui insère un l’opinion exprimée par la Commission, sans quoi la démarche article R. 470-3 dans le code de commerce. entreprise se révélerait finalement sans aucun intérêt”29. Mais c’est déjà aborder la procédure telle qu’elle s’est La juridiction qui entend saisir la Commission pour avis doit développée en pratique. en aviser les parties, et les inviter à produire des observations sur la question soulevée dans la demande dans un délai qu’elle fixe. Ces observations seront jointes à la demande d’avis. Il s’agit 1.2. Les demandes d’informations et d’avis en pratique d’une bonne précaution susceptible d’éviter que la Commission européenne soit otage d’une question mal posée ou trop à charge 13. Cinq avis seulement ayant été publiés30, il est difficile d’en pour une des parties, sachant que la Commission se refuse à dresser un bilan exhaustif, et même pertinent. Par ailleurs, entendre les protagonistes. La demande d’avis à la Commission les langues de publication peuvent les rendre inaccessibles. n’est en revanche pas susceptible de recours25. Elle a pour effet Nous tenterons néanmoins l’exercice. de suspendre la procédure jusqu’à la réception de l’avis ou jusqu’à un délai que le juge fixe. 1.2.1. Bilan statistique : Une procédure peu mobilisée Une fois l’avis rendu par la Commission européenne, cet 14. À notre connaissance31, vingt-quatre avis ont été délivrés. avis est à nouveau soumis à la contradiction26. Il s’agit Le pays le plus demandeur est l’Espagne avec douze avis d’un dispositif essentiel compte tenu de l’autorité morale sollicités, suivi par la Belgique, avec six avis sollicités, puis la considérable qui s’y attache et qui peut être de nature à Lituanie (trois avis) et la Suède (deux avis). Aucune juridiction emporter facilement la conviction du juge. française n’a sollicité la Commission. Cette inertie française tend à accréditer l’idée d’une certaine acculturation de notre 11. Les documents fondant l’analyse de la Commission pays vis-à-vis de la procédure d’amicus curiae. Mais c’est un européenne : l’absence d’investigation. La Commission fonde constat global qui s’impose : la coopération à l’initiative des son avis sur les documents que lui communique la juridiction juges est un relatif échec. 22 Point 29 de la communication no 2004-C 101-04 du 27 avril 2004. V.également l’avis adressé à la Cour suprême suédoise le 1er mars 2007, 27 Communication no 2004-C 101-04 du 27 avril 2004, point 28. aff. T. 2808/05. 28 La communication du 27 avril 2004 précise que “[s]i la Commission a été 23 http://ec.europa.eu/competition/court/antitrust_requests.html. contactée par l’une quelconque des parties à l’affaire en instance devant la juridiction nationale sur des points soulevés devant cette juridiction, elle en 24 Décret portant modification du décret no 2002-689 du 30 avril 2002, informe cette dernière ( ) » (point 19). JO no 302 du 29 décembre 2005, p. 2021. Ce même décret organise également la communication d’informations par la Commission au 29 J. Vialens, La coopération entre autorités spécialisées et juridictions des bénéfice des juridictions, en application de l’article 15 § 1 du règlement différents États membres au service de la création du droit communautaire no 1/2003 (art. R. 470-4 du code de commerce) ainsi que la notification à de la concurrence, LPA 28 janvier 2008, no 20, p. 5. la Commission des décisions rendues sur le fondement des articles 101 et 30 Avis Laurent Emond c/ Brasserie Haacht, Sabam c/ Productions and 102 TFUE (art. R. 470-2). Marketting, Wallonie Expo SA c/ Febiac asbl, tous trois rendus le 25 Il en est de même de la demande tendant à la communication 2 février 2005 au bénéfice de la CA de Bruxelles ; avis Danska Staten d’informations. Il faut donc comprendre que ces actes sont à la discrétion genom BornohlmsTrafiken v. Ystad Hamm Logistik Aktiebolag, rendu le du juge. 16 février 2007 au bénéfice du Hogsta Domstolen (en langue originale) ; et enfin avis UAB Schneidersöhne Baltija/UAB Libra Vitalis, rendu le 26 Il a été relevé que cette procédure était très proche de celle prévue 20 juillet 2008 au bénéfice de la Cour suprême de Lituanie (en version aux articles 1031-1 à 1031-7 du nouveau code de procédure civile. bilingue, seuls certains éléments étant traduits en français). En ce sens, G. Canivet et C. Champalaune, La décentralisation du droit communautaire de la concurrence et le rôle du juge national, in 31 Les informations délivrées par la Commission dans ses rapports annuels Le nouveau droit communautaire de la concurrence, pp. 477 à 515, spéc. ne sont pas d’une totale limpidité et rendent difficile l’établissement de no 1099 et s. statistiques fiables. Concurrences N° 4-2012 I Doctrines I E. Claudel, 41 Amicus curiae : Bilan en demi-teinte de la pratique européenne et française
On peut avancer plusieurs explications32. La première tient sans Dans l’affaire Wallonie Expo SA/Febiac asbl38, la Commission Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. doute à la rareté des actions civiles elles-mêmes, souvent relevée était appelée à donner un avis sur l’applicabilité du droit et déplorée, et à la faveur pour les procédures d’arbitrage ou communautaire (la réponse est neutre et fondée sur les textes de médiation. D’autres explications, pour certaines moins et la jurisprudence pertinente), sur l’application de l’article 81 avouables, peuvent être avancées : méconnaissance de cette § 1 CE à un règlement organisant l’exposition de véhicules procédure, réflexe de repli, crainte ou trop grande révérence vis- lors d’un salon et contenant une clause de non-concurrence à-vis de l’institution européenne, crainte d’un ralentissement (les effets de forclusion sont listés par la Commission qui des procédures dans un contexte d’engorgement qui oblige à invite cependant le juge à se livrer à une analyse économique aller vite pour réduire le stock des affaires en instance, ou, de des effets potentiels ou réels sur le marché), sur l’application façon plus gênante, perméabilité et sensibilité insuffisante au du § 3 du même article (une ébauche d’application des quatre droit européen de la concurrence33. Il est certain en tout cas conditions requises est esquissée dans le cas d’espèce) et que les parties ont quelquefois sollicité une saisine pour avis enfin sur l’application de l’article 82. À l’issue de cet avis, la qui leur a été refusée34, le juge étant libre de requérir ou non conviction du juge, si elle ne peut être directement emportée, l’assistance qui lui est proposée. paraît plus facile à établir. 1.2.2. Bilan des secteurs explorés et des questions posées Dans l’avis UAB Schneidersöhne Baltija/UAB Libra Vitalis39, la Commission était enfin appelée à se prononcer sur la 15. Si l’on s’arrête aux avis publiés35, on constate que la compatibilité avec l’article 81 d’une entente d’échange Commission a été saisie pour avis – en même temps qu’il d’informations entre concurrents sur le marché de la vente lui était demandé de communiquer à la juridiction toute en gros de papier en Lituanie. Une des questions portait sur information utile – sur des questions très diverses. le fait que la démonstration d’un marché oligopolistique fortement concentré était requise. La Commission a répondu Dans l’avis Sabam c/ Productions and Marketting36, la en s’appuyant sur l’arrêt John Deere tout en livrant une Commission était interrogée sur le fait qu’une société de gestion lecture assez personnelle des critères requis pour apprécier la collective de droits d’auteurs puisse être en position dominante, licéité des échanges d’informations, selon que la pratique peut sur le fait que sa politique de rabais puisse constituer des abus être considérée comme anticoncurrentielle par objet ou par de position dominante et sur le caractère anticoncurrentiel effet, et selon que celui-ci est actuel ou potentiel. Elle refuse d’une période d’essai. La lecture de cet avis montre que, sans cependant de se prononcer sur le caractère anticoncurrentiel se prononcer explicitement sur le caractère anticoncurrentiel du cas soumis à son analyse. Dans cet avis, la Commission des pratiques concernées, la Commission livre une grille de a répondu précisément aux questions posées, mais en s’en lecture assez précise et factuelle au juge, qui se trouve ensuite tenant à une analyse strictement juridique qui prend appui bien armé pour en tirer les conclusions qui s’imposent. sur des précédents jurisprudentiels. La généralité de certaines réponses en même temps que leur précision, l’éclairage Dans l’avis Laurent Emond c/ Brasserie Haacht37, la qu’ils apportent, font de cet avis un texte utile au-delà du Commission était interrogée sur la licéité au regard de cas d’espèce, et fait d’autant plus regretter le caractère non l’article 81 § 1, d’un accord d’achat exclusif portant sur systématique des publication des boissons (la réponse est neutre et fondée sur les textes et la jurisprudence pertinente), l’éventuelle application de l’article 81 § 3 (l’approche de la Commission est ici plus 1.2.3. Bilan qualitatif concrète concernant l’applicabilité éventuelle des règlements 16. Il est difficile de savoir si le délai de quatre mois prévu d’exemption qui se sont succédé), et la portée d’une éventuelle par les textes est toujours respecté, compte tenu de la rareté nullité (une liste des arrêts pertinents est dressée). des publications. Le fait que la Commission se prononce au vu des éléments qui lui sont fournis sans procéder à des 32 On écartera l’explication, improbable, qui consisterait à déduire la rareté de cette procédure de son inutilité au motif que les juges seraient investigations supplémentaires semble favoriser le respect de parfaitement rompus aux subtilités de l’analyse concurrentielle. cette discipline. 33 On sait que l’article 3 du règlement (CE) no 1/2003 oblige pourtant les juridictions nationales à appliquer le droit européen de la concurrence Les avis publiés sont globalement assez brefs et pédagogiques lorsque les pratiques qu’elles examinent sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. en ce qu’ils proposent tous au juge une grille de lecture pour 34 V. not. TGI Strasbourg (2e ch. Com.), 4 février 2005, Brasseries l’aider à la résolution de son cas. Ils présentent néanmoins Kronembourg c/ SARL JBEG. un intérêt immédiat inégal pour la juridiction requérante, 35 Il est cependant possible d’avoir un bref aperçu de certains des avis non selon que la Commission se contente de présenter des textes, publiés grâce aux rapports annuels de la Commission. Elle s’est ainsi arrêts et décisions pertinents pour la résolution du cas (ce qui prononcée : – sur l’applicabilité du règlement no 26/62 sur l’application de certaines présente déjà une utilité indéniable), ou selon qu’elle intègre règles de concurrence aux produits agricoles dans une affaire concernant des à son analyse des éléments factuels, empruntés au cas qui lui attributions de quotas en matière de larves de moules aux Pays-Bas (2006) ; est soumis. – sur la conformité à l’article 82 des conditions générales figurant dans un contrat de pilotage contenant une clause de non-concurrence et une clause d’indemnisation (Belgique 2006) ; Les avis rendus par l’autorité française, qui n’est pas astreinte – sur la compatibilité d’un accord d’achat exclusif de produits pétroliers (Espagne 2005) ; à la même neutralité, sont plus directement mobilisables. – sur la licéité au regard des articles 82 et 26 de l’octroi d’un droit exclusif dans le secteur de la gestion des déchets (Lituanie 2005). 36 Précitée, note 30. 38 Id. 37 Précitée, note 30. 39 Id. Concurrences N° 4-2012 I Doctrines I E. Claudel, 42 Amicus curiae : Bilan en demi-teinte de la pratique européenne et française
2. La saisine de l’Autorité En effet, l’avis de l’Autorité ne lie pas le juge, qui garde son Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection. indépendance44. En pratique cependant, l’autorité morale de la concurrence à l’initiative des juges attachée à l’avis et la logique même de la consultation, qui suppose que le juge se soit estimé démuni ou insuffisamment 17. La possibilité de saisir l’autorité française pour avis informé, expliquent que les avis soient généralement suivis45. est ancienne puisqu’elle a été introduite dès 1986, à travers Il arrive cependant que la juridiction saisissante s’en l’article 26 de l’ordonnance du 1er décembre, qui prévoyait la démarque46. possibilité de saisir le Conseil de la concurrence pour avis sur des pratiques anticoncurrentielles définies dans l’ordonnance. Elle a été étendue en 200440 aux pratiques contraires aux 2.1.2. L’organisation du contradictoire (art. R. 462-3 articles 81 et 82 CE (101 et 102 TFUE). Elle est aujourd’hui du code de commerce) consacrée à l’article L. 462-3 du code de commerce, qu’il est question de compléter par une possibilité – que l’on comprend 19. L’article L. 462-3 du code de commerce prévoit que l’avis plus informelle – d’inviter l’autorité à éclairer une juridiction ne peut être donné qu’après une procédure contradictoire, sur une question relative aux pratiques anticoncurrentielles laquelle est organisée par l’article R 462-3 : un rapport est (art. 462-III II à créer). notifié par le rapporteur général aux parties en cause devant la juridiction, au commissaire du gouvernement auprès de l’Autorité de la concurrence et, le cas échéant, aux autres 2.1. La procédure d’avis dans les textes personnes dont les agissements ont été examinés. Il est prévu que le rapporteur général fixe aux destinataires un délai de 2.1.1. Objet et force des avis sollicités de l’Autorité réponse, qui ne peut être inférieur à un mois à compter de la de la concurrence notification du rapport, pour consulter le dossier et présenter des observations écrites. 18. L’article L. 462-3 prévoit que l’Autorité peut être consultée par les juridictions, sans distinction, sur les L’article L. 462-3 précise cependant que ce contradictoire pratiques anticoncurrentielles définies aux articles L. 420-1 exigeant peut ne pas être respecté si l’Autorité dispose et suivants du code de commerce, ainsi qu’aux articles 101 et d’informations déjà recueillies au cours d’une procédure 102 TFUE, ce qui évite au juge d’éventuellement diviser sa antérieure47. saisine entre la Commission et l’autorité nationale41. L’avis de l’Autorité de la concurrence rendu à la juridiction La référence faite par le texte aux “pratiques qui l’a consultée est communiqué aux personnes auquel le anticoncurrentielles” ne fait pas obstacle à ce que l’Autorité rapport a été notifié et cet avis pourra être publié après le soit interrogée uniquement sur la délimitation d’un marché non-lieu ou le jugement (art. L. 462-3, al. 3). Nous verrons pertinent et la détermination de la position économique que cette exigence peut de facto compromettre la publication. d’un opérateur42. S’inspirant de la pratique des questions préjudicielles, l’autorité française considère ne pas être contrainte “de se saisir d’une question non posée par la 2.2. Les demandes d’avis en pratique juridiction saisissante ou de reformuler les questions transmises par elle, celle‑ci étant seule juge de la pertinence des questions 2.2.1. Bilan statistique : Une procédure également soumises à l’avis du Conseil”43. peu mobilisée Lorsqu’elle formule un avis, l’Autorité de la concurrence peut 20. Les chiffres sont éloquents : depuis 1987, soit depuis qualifier les faits (sans évidemment préconiser de sanction), 35 ans, le Conseil de la concurrence puis l’Autorité de la ce qui constitue une différence notable avec l’avis délivré par concurrence n’ont été, à notre connaissance, saisis pour avis la Commission européenne. Ce trait fait de la procédure d’avis française un outil plus directement utile pour le juge, qui trouve une réponse immédiate à l’interrogation qu’il formule, même s’il garde toute liberté pour adopter un point de vue contraire. 44 D’une façon générale, les avis délivrés par les autorités administratives indépendantes ne peuvent lier les autorités juridictionnelles : V. Cons. const. 11 janvier 1990, déc. no 89-271 DC, qui considère, en application de l’article 64 de la Constitution, “que l’indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement, non plus qu’aucune autorité administrative” 45 Cette affirmation doit être nuancée par le fait qu’il n’existe pas de suivi systématique des avis rendus, même si l’Autorité de concurrence tend 40 Ordonnance no 2004-117 du 4 novembre 2004. aujourd’hui à en faire mention. 41 En ce sens, J. Vialens, in L’application en France du droit des pratiques 46 V. les trois arrêts rendus par le Conseil d’État le 10 décembre 2007, anticoncurrentielles, précité, no 845, p. 742. no 289012, Powéo, qui se démarquent sur plusieurs points de l’analyse 42 Avis n 05-A-20 du 5 novembre 2005, Luk Lamellen, points 22 et s. o du Conseil, et plus encore l’arrêt du Conseil d’État du 16 juin 2004, nos 235-176, 238290, 238291, Mutuelle générale des services publics, AJDA 43 Notons cependant que, dans un avis no 92-A-10 du 24 novembre 1992 2004, no 28, p. 1509, note N. Charbit. relatif aux questions posées par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, le Conseil avait légèrement reformulé la question 47 L’expérience de l’ancienne commission de la concurrence a en effet posée. montré qu’il existait des saisines répétitives. Concurrences N° 4-2012 I Doctrines I E. Claudel, 43 Amicus curiae : Bilan en demi-teinte de la pratique européenne et française
Vous pouvez aussi lire