Coronavirus: vivre en état d'urgence - atgabbes
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Ensemble avec et pour les personnes mentalement handicapées. Numéro 2, juin 2020. www.insieme.ch Coronavirus: vivre en état d’urgence PA G E 10: Interdiction des visites et confinement poussent les parents à leurs limites. PAGE 1 7: « i n s i em e i nc lut» e n- Comment parler d’une menace diffuse et invisible? c ourage l ’ auto repr és enta tion. PA G E 14: Conseils de Simone Rychard, psychologue à insieme Suisse
Frères et sœurs en images «Ohrenkuss» est un magazine allemand. Ses textes sont rédigés par des personnes avec une trisomie 21. Dans le dernier nu- méro, frères et sœurs parlent de ce qu’ils trouvent génial ou stupide chez eux, de ce qu’ils ont vécu ensemble et de la façon dont ils continuent à apprendre les uns des autres. Photos: Swetlana Gasetski. Plus d’informations: www.ohrenkuss.de 02 – i n s i e m e , J u ni 2 0 2 0
C h è r e le c t r ice , che r l e cte ur, Aujourd’hui se déploie le souvenir d’hier et la vision de demain. Aujourd’hui, je regarde le jardin et admire la mer de fleurs, où hier encore se trouvaient des bourgeons, et je me réjouis que des fruits s’y développent. Aujourd’hui, je repense aux événements qui ont chamboulé notre quotidien, qui ont provoqué de l’incertitude, et qui ont en même temps réveillé un sentiment de confiance. Maintien à distance du lieu de travail pour protéger la santé, rayon d’activité limité à l’appartement, absence de visites … Au début, une quasi-sensa- tion de vacances, mais, peu à peu, le renoncement aux habitudes quotidiennes ronge. A la maison, c’est un défi quand le soutien externe manque. Mon frère aime les rencontres sur le chemin du travail, serrer des mains, prendre dans ses bras ou encore côtoyer du monde dans les transports publics. Sa santé, la mienne, la nôtre, est prioritaire. Nous nous protégeons et organisons notre jour- née pendant le confinement. Notre jardin et l’observation des animaux, le soleil qui brille quotidiennement et les repas préparés ensemble structurent notre jour- née. Néanmoins, l’effort d’accompagnement reste intense et exige une grande dose de flexibilité. Les parents qui s’occupent, pendant des semaines, de leurs enfants ou de proches adultes nécessitant des soins à domicile, fournissent un travail inesti- mable. Suite à la fermeture des écoles et des ateliers, ils demeurent souvent, pour éviter toute infection, sans aide extérieure. Chères familles membres d’insie- me, vous méritez un grand respect. La presse a beaucoup informé et débattu au sujet du coronavirus. Mais elle a trop peu montré l’impact de cette crise sur les personnes en situation de handicap mental et leurs proches. Nous souhaitons y remédier dans ce numéro. La sortie du confinement a désormais commencé. Je vous souhaite d’avoir quoti- diennement l’opportunité de recharger vos batteries et de reprendre confiance. Le présent recèle la force d’hier et construit la force de demain. Madeleine Flüeler, présidente centrale d’insieme Suisse i nsi eme, ju in 2020 – 03
Sommaire Numéro 2, juin 2020 Couverture Le coronavirus est partout. © Illustration Svenja Plaas Page 10 Page 12 E N T RE N OU S Q U O TID IEN CA RTE BL A NCHE Page 6 Festival insieme Page 10 Des familles en confinement Page 12 Journal de bord d’une confinée En raison de la pandémie, l’an- Coronavirus: certaines familles Pendant le confinement lié au niversaire des 60 ans d’insieme ont pu se réorganiser pour coronavirus, Katrin, blogueuse Suisse est reporté. prendre leurs proches à la pour insieme Plus, a couché sur maison, d’autres ont dû les papier ses pensées et sentiments Page 7 Mode inclusive laisser en institution . Ren- sous forme de courts récits, La mode doit s’adapter à la per- contres. poèmes et images. sonne. Et non l’inverse. Tel est le mot d’ordre d’un colloque orga- nisé en septembre à Genève. A8 N O PAGIN I TA L I A 04 – i n s i e m e , ju in 2 0 2 0
Page 14 Page 17 Page 23 COM P É T E N C E S VI E ACTIVE HORIZONS Page 14 Quand la peur envahit Page 17 Apprendre à faire entendre sa Page 22 Droits des personnes avec han- Comment les parents voix dicap peuvent-ils aider leur enfant Depuis quelque temps, les per- Dès la rentrée d’automne 2020, à surmonter la peur du coro- sonnes avec un handicap mental les droits des personnes en navirus? Explications de Si- font entendre leur voix. Elles ne situation de handicap seront au mone Rychard, psychologue à veulent plus seulement se laisser centre du séminaire annuel de la insieme Suisse. représenter: elles souhaitent dé- Law Clinic de l’Université de fendre elles-mêmes leurs inté- Genève. Page 16 Les institutions s’adaptent rêts. «insieme inclut» les sou Les institutions ont dû tient dans cette démarche. Page 23 Photographies sensorielles s’efforcer à appliquer les di- Pour permettre aux personnes rectives sanitaires liées au co- Page 20 Nouvelle dynamique non voyantes de découvrir la ronavirus. Elle font désormais A travers le groupe romand photographie, le Musée de face à l’assouplissement des d’«insieme inclut», le mouve- l’Elysée propose une approche mesures. ment des autoreprésentants sensorielle de l’image gagne du terrain en Suisse ro- mande. Il veut que les droits de ses membres soient concrétisés au quotidien. i nsi eme, ju in 2020 – 05
EN T R E NOUS Entre Nous Sur le plan politique, des nouveautés sont à signaler.Les parents qui se sont occupés de leur enfant en cas de fermeture de la structure d’accueil seront soutenus.De son côté, la Ville de Zurich met sur pied des mesures pour favoriser l’égalité des personnes avec handicap. P OL ITIQU E objectifs et des mesures pour les années Fête 2020 à 2022. d’anniversaire Allègement vital Le travail et la formation professionnelle insieme Les structures de prise en charge de per- sont des thèmes importants abordés par le sonnes en situation de handicap telles que plan: la Ville de Zurich veut ainsi notam- 22 août les écoles spécialisées, homes ou ateliers ment consolider son offre de places d’ap- ont également été fermées suite aux me- prentissage pour les jeunes avec handicap. sures prises pour lutter contre le corona- Le plan prévoit que des personnes avec un virus. C’est pourquoi le Conseil fédéral a handicap sévère et sans formation profes- décidé que les parents d’enfants en situa- sionnelle soient engagées dans le cadre tion de handicap jusqu’à 20 ans toucheront d’un projet-pilote. En outre, il prévoit une allocation pour perte de gain (APG) si l’augmentation considérable du nombre ceux-ci ont besoin d’une prise en charge d’informations en langage simplifié propo- durant la journée. sées par la Ville de Zurich, qu’elles soient Ont droit à l’allocation les parents d’en- disponibles sur Internet ou sous forme im- fants qui fréquentent une école spécialisée primée. Bien que la Ville de Zurich soit ou qui ont droit à un supplément pour plus en avance dans ce domaine que beau- soins intenses de l’AI, à condition que coup d’autres communes suisses, l’intégra- R E P ORT D U F E ST I VA L INSIEME l’établissement, l’école ou le centre de réa- tion scolaire n’est malheureusement pas un daptation, soit fermé en raison des mesures thème abordé par le plan de mesures, ce «Pareil et presque même» destinées à lutter contre la pandémie. que déplore insieme. L’organisation du «Festival insieme» n’est Les parents ou proches qui s’occupent Deux préposés à l’égalité seront chargés de malheureusement pas possible cette année d’une personne adulte en situation de han- coordonner la mise en œuvre et de tenir en raison de la pandémie de COVID-19. dicap restent toutefois exclus du droit à compte des avis exprimés par un comité Les personnes en situation de handicap une allocation pour perte de gain. Pour- consultatif composé de personnes avec un font généralement partie de groupes à tant, bon nombre d’offres destinées aux handicap et des organisations qui les re- risque; la peur d’une contamination est personnes de plus de 20 ans ayant besoin présentent. grande et va persister encore un certain d’une prise en charge dans une structure insieme Suisse se réjouit que la Ville de temps. de jour ont été fermées. Les parents et Zurich se soit emparée de la thématique L’événement visait à favoriser les ren- proches qui prennent le relais et subissent de l’égalité pour les personnes avec handi- contres et diminuer les appréhensions en- ainsi une perte de gain en restent pour cap. Si le plan de mesures est à saluer, sa vers les personnes avec un handicap. Le leurs frais. Il peut en résulter des situations mise en œuvre s’avère décisive. Les per- sentiment d’insécurité, la peur, ainsi que de précarité que la Confédération dit en sonnes avec un handicap mental et leurs les mesures édictées par le Conseil fédéral fait vouloir éviter. insieme déplore que le proches doivent être impliqués et leurs be- en matière de distanciation sociale et phy- Conseil Fédéral n’ait pas comblé cette la- soins pris en compte – et l’école inclusive sique rendent impossible l’organisation de cune. en fait également partie. l’anniversaire des 60 ans d’insieme Suisse à Berne. Egalité Nouvel arrêt Le Festival insieme, événement visant à Un premier plan de mesures de la Ville de Toute personne de nationalité suisse pour- promouvoir une société inclusive et diver- Zurich en faveur de l’égalité pour les per- rait en tout temps changer de domicile à sifiée – «Pareil et presque même» – prévu sonnes avec un handicap a été adopté par l’intérieur du pays. Cette liberté, les per- le 22 août prochain, est ainsi reporté au le Conseil exécutif. Celui-ci comprend des sonnes en situation de handicap n’en 21 août 2021. jouissent pourtant pas. Un arrêt du Tribu- 06 – i n s i e m e , ju in 2 0 2 0
nal fédéral de ce printemps refuse qu’un tance de l’accompagnement par des pa- vitées à apporter leurs témoignages, leurs homme avec un handicap mental élise do- rents et des enseignants lors de l’utilisation souhaits et leurs réponses créatives à ce micile dans un autre canton, car les coûts des médias numériques. processus, en vue de définir le premier de sa prise en charge y sont plus élevés. Brochure insieme: www.inclusion-nume- Manifeste de la mode inclusive. Cette rique.ch journée anticipera et préparera l’exposition É T UDE S «L’habit habité», qui aura lieu du 19 mai MOD E INCLUSI VE au 20 juin 2021 à la Villa Bernasconi (GE) Logement dans le cadre de Out of the Box – Biennale Le canton de Zoug est le premier canton «Tu es canon» des Arts inclusifs. de Suisse à souhaiter connaître les besoins La mode inclusive expérimente un design www.asahm.ch > événements en termes de logement et de structure adapté aux différents types de handicap. quotidienne des personnes en situation de Elle offre de nouvelles réponses et repré- ATE LI E R handicap. Résultat: près de 70% des per- sentations pour dépasser les canons clas- sonnes interrogées indiquent vouloir dis- siques de la beauté. La mode doit s’adapter Histoire des sapeurs-pompiers poser d’une forme de logement autonome. à tout le monde et non plus l’inverse. Ce L’histoire de la lutte contre les incendies, Zoug souhaite renforcer l’autodétermina- mot d’ordre sera au programme d’un col- en compagnie d’anciens sapeurs-pompiers, tion des personnes handicapées à l’avenir. loque organisé le 24 septembre prochain est au cœur de l’atelier Croque-Musée, par l’Association suisse d’aide aux per- proposé au Musée des Sapeurs-Pompiers Accompagner les médias numériques sonnes avec un handicap mental. de la Ville de Genève. Explications, expé- Une étude menée par la Haute école de Lors de celui-ci, cette nouvelle tendance riences et anecdotes permettent de mieux pédagogie curative (HfH) sur l’utilisation de la mode sera présentée. Personnes et or- comprendre l’immense champ d’action des des médias par les enfants et les jeunes des ganismes issus des milieux de l’art, du de- sapeurs-pompiers genevois. écoles spécialisées a révélé des résultats à la sign et de la formation, engagés dans des L’atelier 1001 feuilles accompagne les per- fois rassurants et effrayants. L’étude démarches innovantes, auront la parole. En sonnes en situation de handicap pour assu- montre de manière significative l’impor- outre, les personnes concernées seront in- rer la bonne compréhension de la visite. Un atelier de dessin est au cœur de cette activité. Les visites se font sur rendez-vous propo- sées par ASA-Handicap mental (Associa- tion d’aide aux personnes avec un handi- cap mental) en collaboration avec l’atelier 1001 feuilles. www.1001feuilles.org i nsi eme, ju in 2020 – 07
I TA L I A NO «L a paura fa par te della vita» Le persone con una disabilità intellettiva reagiscono in modo sensibile alle minacce diffuse come il coronavirus. Come possono i parenti sostenerle nell’affrontare una situazione del genere? Simone Rychard, psicologa e responsabile dell’Ufficio spazi abitativi di insieme Schweiz, ci offre alcune informazioni al riguardo. Intervista: Susanne Schanda – Illustrazione: Svenja Plaas Negli ultimi tempi il tema del coronavi- persona sul serio e trasmetterle la realtà. tema dimostra come la paura faccia parte rus domina le discussioni in famiglia, Tutto ciò pone i genitori o i parenti di della vita. Se ne può parlare, vi è spazio per tra amici e al lavoro. Capita che alcune fronte a un dilemma. Nascondere o negare questo: non sono sola e mi è permesso persone con disabilità intellettiva la minaccia non è mai una strategia utile. esprimere le mie paure. La ripetizione per- reagiscano in modo difensivo, copren- Se una persona con una disabilità cogni- mette una certa tolleranza: è così che noi dosi le orecchie o scappando via. Come tiva riesce a rendere tangibile qualcosa di tutti funzioniamo, ci abituiamo a qualcosa spiega questa reazione? difficile da afferrare, questo riduce la paura. che si ripete. In questo modo si può anche In generale reagiamo alle minacce mediante Ma in definitiva, la paura fa parte della superare una buona dose di paura. Esiste la fuga, la lotta o l’irrigidimento. Le persone vita. È un sentimento come la gioia o la anche la pratica di affrontare la paura in- che si coprono le orecchie e scappano via rabbia... L’importante è accompagnare la sieme a tutte le persone coinvolte. stanno fuggendo da una minaccia. Solita- persona attraverso la sua paura e mostrarle Solo allora si pone la questione del come. mente, quando una persona con disabilità che ci siamo e non la lasceremo sola. Eventi gravi come la morte e il morire mentale si accorge che l’ambiente circo- possono essere collegati a ciò che abbiamo stante è in subbuglio e prova paura e insicu- Altri eventi che provocano paura perché già vissuto. Si possono anche sviluppare e rezza, è in grado di comprendere la minac- sfuggenti possono essere una malattia praticare rituali in comune prima che una cia concreta solo in misura limitata. Questo grave o la morte di una persona cara. persona cara ci lasci – per esempio quando può portare a un’eccessiva sollecitazione e a In che modo possono i genitori parlare si sa che uno zio sta per morire – che pos- una fuga. di questo con i loro figli e le loro figlie? sono poi essere praticati anche oltre la È importante che riconosciamo e rispet- L’importante è parlarne, sollevare l’argo- morte. tiamo questa fuga come un meccanismo di mento e farlo ripetutamente. Renderlo un difesa. Siccome questa strategia di adatta- mento, pur non portando a una soluzione a lungo termine, è l’unica a disposizione della persona in quel momento, dovremmo aiu- tarla a trovarne una più costruttiva. Il coronavirus rappresenta una minaccia inafferrabile che induce paura. Come possono i genitori attenuare questa emo- zione che provano le figlie e i figli, senza peraltro negare il pericolo? Come antidoto alla paura si possono offrire dei luoghi sicuri dove la persona si sente bene e al sicuro. Può trattarsi di uno spazio fisico, di un’occupazione, di strutture familiari, persone fidate, attività oppure oggetti conosciuti. Il bisogno dei parenti di dissovere la paura di una persona cara è comprensibile, d’altra parte bisogna anche essere onesti e trasparenti, prendere la 08 – i n s i em e , g iu g n o 2020
E se sono i genitori a spaventarsi? denti, la mia famiglia, è difficile da accet- prendimento che possono rafforzarci. Il primo passo è accettare la propria paura e tare. Il punto centrale è che anche il conte- Tuttavia vi sono anche persone che riman- non farsi prendere dal panico. Dopodiché sto riconosce questa situazione come gono traumatizzate per davvero, che subi- i genitori dovrebbero trovare un modo per drammatica. Ecco che bisogna cercare di scono dei danni. Da un punto di vista affrontare la loro paura in modo da poter spiegarlo e renderlo comprensibile: che cos’è sociale generale, la percezione della decele- sostenere i propri figli e le proprie figlie. un virus? Come viene trasmesso? E perché razione, della calma e della riduzione degli Così facendo, dimostrano che è qualcosa di è importante evitare o stimoli per molte persone con disabilità po- sopportabile e che non è la fine del mondo. regolare i contatti personali, con l’obiettivo trebbe essere positiva. Se si riesce a sopportarla,la paura potrà dis- di proteggere tutti, compresi i nostri Inoltre, noi come società, abbiamo ormai solversi. familiari? Con ciò è anche importante of- sperimentato dei limiti e possiamo forse frire una prospettiva. Infatti riusciamo a tol- meglio immaginare cosa questo significhi Alcune persone con disabilità intellettiva lerare meglio le situazioni spiacevoli se sap- per le persone con disabilità alle quali capita sono rimaste separate dai loro parenti piamo che prima o poi finiranno. di sperimentare tali limiti quotidianamente. per settimane a causa delle misure adot- C’è da sperare che questo aumenti la com- tate per combattere la pandemia. Questa crisi porta con sé anche delle prensione verso le persone con disabilità e Come si può spiegare loro il significato chance, che cosa possiamo imparare? le loro famiglie. • di questa separazione? Con la sensazione di aver gestito e soppor- È una situazione difficile: il divieto di visi- tato insieme questa crisi, la visione di (Traduzione: Paola Delcò) tare le istituzioni diventa spesso un dramma una prossima crisi – che probabilmente in per tutti gli interessati. L’idea che non posso un modo o nell’altro arriverà – è meno più vedere i miei più cari e stretti confi- spaventosa. Queste sono esperienze di ap- Uno sguardo al Ticino nel periodo della quarantena Come tutta la società anche il settore de- vità e l’organizzazione delle loro giorna- normalità, ma dove accanto alla speran- gli istituti sociali è stato colpito dalla situa- te. Gli educatori e tutti i professionisti han- za vi è ancora molta preoccupazione. zione di emergenza scaturita dal diffon- no dovuto dimostrare flessibilità e grande «Ora sono ancora più importanti il dialo- dersi del Covid-19. Per quanto riguarda il spirito di adattamento. Non da ultimo le go, la collaborazione e la comprensione. Canton Ticino, grazie alla messa in atto famiglie non potendo più beneficiare dei Debbo dire che in veste di direttore della di tutte le misure necessarie, la maggior servizi diurni, hanno affrontato una sfida Fondazione San Gottardo sono rimasto parte degli enti è riuscita a lasciare il vi- molto onerosa nell’accogliere i loro cari positivamente sorpreso di quanto le per- rus fuori dalla porta. in casa. I familiari che avevano delle per- sone siano riuscite ad adattarsi e a valo- Claudio Naiaretti, direttore della Fonda- sone inserite nel residenziale hanno dovu- rizzare degli aspetti che probabilmente zione San Gottardo e presidente della to peraltro rinunciare alle visite e alla vici- nella ‹normalità› facevano fatica a emer- Conferenza dei direttori di ATIS (Associa- nanza fisica.» Il presidente di ATIS ha gere. Con questi nuovi ritmi molte perso- zione ticinese degli istituti sociali), ha voluto sottolineare come in questo mo- ne hanno ritrovato nuovi equilibri, stimoli espresso il suo punto di vista in relazione mento di sofferenza, vi siano stati in ge- e interessi. La sfida da parte nostra è sta- a questo ultimo periodo: «Nella cosiddet- nere molta comprensione, sostegno e soli- ta quella offrire loro nuovi programmi con ta fase uno il sentimento più presente è darietà. Per cui un grande grazie va a attività diverse. All’inizio eravamo preoc- stato quello della preoccupazione di pro- tutti coloro che hanno contribuito a supe- cupati e invece nella maggior parte dei teggere le persone a noi affidate. Tutti gli rare al meglio tale momento critico. casi sono emerse delle grandissime risor- attori in gioco sono stati toccati da questa Il bilancio del lavoro svolto finora è stato se. Ciò non toglie che per tutti noi è stato difficile situazione caratterizzata dalle dunque positivo e costruttivo. Secondo un periodo di grande sacrificio e lo è tut- chiusure. Credo però che a risentirne Claudio Naiaretti, forse la vera sfida ini- tora. D’altra parte ciò che si vive nel no- maggiormente siano stati gli utenti negli zia in questa seconda fase di riapertura stro contesto educativo e istituzionale ri- istituti, i quali hanno vissuto in un contesto progressiva, nella quale si dovrebbe po- specchia quello che accade nelle nostre di ‹reclusione›, dovendo cambiare le atti- ter viaggiare verso una nuova ipotetica famiglie e nella società.» Paola Delcò i nsi eme, gi ugn o 2020 – 09
QUOT IDIEN La famille Rey a dû mettre sur pied des activités permettant de rythmer le quotidien. © DR Les familles à l’épreuve du confinement Les mesures prises contre la propagation du coronavirus ont mis à l’épreuve les personnes avec handicap mental et leur entourage. Certaines familles ont pu se réorganiser pour accueillir leurs proches à la maison, d’autres ont dû les laisser en institution – dans les deux cas, ce n’est pas facile à vivre. Texte: Martine Salomon et Susanne Schanda – Photo: Conny Wenk Pauline, 30 ans, et son frère Simon, 24 ans, passent habituellement quatre jours et deux nuits par semaine dans une institution. Depuis fin mars, ils restent chez leurs parents à Chermignon (VS). «Au dé- but, on avait mis au mur une photo de notre maison avec des picto- grammes représentant papa, maman et les enfants pour signifier ‹on reste à la maison›. Mais après trois semaines, je trouvais ça un peu déprimant. On l’a enlevé. On met l’image d’une activité. Ça permet de voir les choses autrement», raconte leur maman Nathalie Rey, présidente d’insieme Valais Romand. Et des activités, il faut en trou- ver pour rythmer le fil des jours. Télévision, tablette, musique, colo- riage, vélo d’appartement … Ce nouveau rituel, aussi: chaque same- di soir, les enfants sont ravis quand leur papa joue de la trompette au balcon. Mais après plusieurs semaines, cela devient long. «D’habitude, ils aiment beaucoup les week-ends insieme. Pauline 10 – i n s i e m e , ju in 2 0 2 0
sort souvent sa valise, pour demander quand elle partira. On lui dit ‹bientôt› …» A la maison, une perte des repères «Ce qui est compliqué, c’est qu’ils ne peuvent pas parler. On doit tout supposer.» Et adapter les stratégies au fur et à mesure. Ainsi, Natha- lie Rey confie qu’elle n’a pas continué les vidéoconférences proposées par l’institution, malgré son enthousiasme initial. Certes, Simon pou- vait ressentir du plaisir à voir ses éducateurs et certains copains qui sont restés sur place. Mais il a aussi été perturbé de voir les éducateurs porter des masques. Et après coup, il n’était pas bien. La deuxième semaine, il a même piqué une grosse colère. «Il ne comprenait pas pourquoi ils étaient là-bas, et pas lui. J’ai dû lui expliquer qu’il n’était pas malade, ni puni.» Nathalie Rey se réjouit du jour où ses enfants pourront à nouveau fréquenter leur institution. Mais elle est aussi in- quiète. «Ayant un âge affectif de 4 ans, il sera difficile pour eux de garder les distances, d’autant plus que les personnes avec handicap mental sont souvent tactiles. Pourtant, ils ont des corps d’adultes et peuvent donc attraper le virus comme les autres.» Elle souhaite donc que ce retour se fasse d’une façon sécurisée, et elle est prête à les gar- Barbara Camenzind a dû s’organiser pour faire l’école à domicile. der plus longtemps si nécessaire. Patricia Reding a dû elle aussi décider d’un jour à l’autre: laisser sa fille, qui vit avec le syndrome de Down, dans son institution et ne plus la voir et nous en prenons la responsabilité. Car entre-temps, les problèmes pendant des semaines, ou la garder chez elle et devoir ainsi la prendre psychiques dus à la longue durée de la séparation prédominent.» en charge elle-même pour une longue durée. «Naturellement, j’ai vou- Depuis sept semaines, Monika Ulrich a elle aussi très peu de contacts lu la prendre à la maison. Ça n’aurait pas été bon pour elle de n’avoir avec son fils Pascal, 32 ans. Ce dernier vit avec un handicap moteur aucun contact avec moi pendant aussi longtemps», dit-elle. Mais dé- cérébral. Dans son institution, il est accompagné quasiment en per- sormais, elle atteint ses limites. «Nous passons toute la journée ensemble. manence. «Mon mari est actuellement à l’hôpital, donc je ne pourrais Je l’aide pour le lavage des dents et la douche. Il n’y a qu’aux commis- pas m’occuper de Pascal toute seule à la maison», dit Monika Ulrich. sions que je vais seule.» Cela devient difficile également pour sa fille, La dernière fois qu’elle lui a téléphoné au foyer, il a seulement dit qui a besoin de structures claires et d’une routine quotidienne: «Elle «Ciao maman». Sa mère sait ce que cela signifie: «Il veut revenir à la devient impatiente et irritée, simplement parce que les gens de son maison. Il ne peut pas dire comment il va. Ça fait mal.» foyer et les structures habituelles lui manquent», raconte Patricia Reding. L’école à domicile Dans l’institution, privés de visites La fermeture des écoles et les cours à domicile ont aussi constitué Pour Claire Henggeler, la situation a été inverse. Depuis le 22 mars, un défi pour beaucoup de parents. «Les deux premières semaines elle n’a pas vu sa fille de 34 ans, même virtuellement. Corinne a une ont été intenses. J’ai dû subitement tout structurer et organiser dif- sclérose tubéreuse avec déficience cognitive, accompagnée d’épilepsie féremment, car je devais établir à la maison une structure quotidienne et de troubles autistiques. Elle vit en foyer depuis ses 18 ans. Depuis pour Laurin», explique sa maman, Barbara Camenzind. Celle-ci dix ans, Corinne réside dans un établissement qui se trouve dans le travaille à 60% c omme directrice d’insieme Cerebral Zug. «Quand canton de Zurich, à une heure de route pour Claire Henggeler. «Nor- un enfant de 15 ans avec handicap passe toute la journée à la maison, malement, je la prends chez moi un week-end toutes les deux semaines. on ne peut pas lui dire ‹maintenant occupe-toi par toi-même›.» Mais ce n’est plus possible actuellement. L’interdiction de visites si- Laurin a reçu des devoirs de son école spécialisée. Il a d’abord fallu gnifie que je dois la laisser là-bas, ou que si je la prends à la maison, s’entraîner avec lui à participer aux cours en ligne via les applications, je dois m’occuper d’elle pour une durée indéterminée. Mais ça, je ne mais «ces excellentes offres de l’école ont aidé à structurer la jour- le peux pas.» Quand Claire Henggeler téléphone à sa fille dans son née», souligne Barbara Camenzind. Lors des vacances de Pâques, foyer, elle remarque qu’elle ne va pas bien. «Elle écoute seulement. Elle insieme Cerebral Zug a mis sur pied un dispositif de soutien, en ne peut rien dire. Parfois, elle pleure.» La maman échange régulière- vigueur jusqu’à la réouverture des écoles. «Laurin a pu y participer ment avec d’autres parents qui souffrent aussi beaucoup de ces mesures: deux après-midi par semaine avec deux autres enfants. Il fallait bien «Nous, parents, aimerions prendre nos filles et nos fils à la maison sûr veiller étroitement aux mesures de distanciation et de lavage des pour le week-end. Nous savons comment éviter une contamination mains. Ça ne se fait pas tout seul.» • i nsi eme, ju in 2020 – 11
C A R T E BL A NCHE Journal de confinement de Katrin: «Je suis assise et j’écris …» 30 mars 30 mars Promène-toi dans la forêt les yeux ouverts. J’ai fait ça souvent ces dernières semaines. Respirer l’air de la forêt. Observer une mésange. Regarder comment tout devient vert. Le temps était très beau la semaine passée. J’ai beaucoup lutté pour trouver la joie. C’est pourquoi je suis beaucoup allée en forêt. Si tu as du chagrin et des soucis, va marcher dans la forêt. Dans chaque arbre, arbuste, fleur, animal et être humain, il y a l’amour de Dieu qui te donne de la force et du ré- confort. Maintenant, je suis assise ici et j’écris. C’est couvert de- hors, pas de ciel bleu. 6 avril algie 2 avril, nostup de gars , il y a beauco Dans le monde roi. ent, tu es mon mais toi seulem vagues, ur, de douces Dans mon cœ es. po rt on s to ujours nos bagu océans, no us to i es t au ss i grand que les ur Mon amour po ntenant. nt êt re avec toi mai j’aimerais ta us reverrons, Quand nous no t. rose s’ouvriron les boutons de en fleurs, ro si er d’ am ou r parfum seraé Notre eurs. si souvent en pl nous avons été à danser, Tu m’inviteras rai les regarder x ye ux , à no uveau, je pour et tes beau 12 – i n s i e m e , J u ni 2020
Pendant le confinement lié au coronavirus, Katrin, blogueuse pour «insieme Plus», a couché sur papier ses pensées et sentiments sous forme de courts récits, poèmes et images. Elle a aussi discuté de cette période particulière avec deux de ses camarades de la communauté d’insieme région de Berne. Pour en lire davantage: insiemeplus.ch/blog. 15 avril Katrin Jenni: Comment vis-tu cette situation? Pour le moment, je prends les choses comme elles sont. C’est quand même embêtant, j’aimerais bien travailler. Mais on n’a pas le droit, et on ne devrait pas. Quand tu ne vas pas bien, qu’est-ce qui t’aide à te sentir mieux? Ce qui m’aide, c’est le beau temps, quand il me réchauffe. Re- l 17 avril garder un beau film, écouter de la bonne musique. Des chouettes discussions, des coups de télé- phone. Ça m’aide quand j’ai réus- si à passer déjà une demi-journée ou un jour entier. De quoi as-tu profité pendant cette crise du coronavirus? Faire la grasse matinée, vivre ma journée selon mes envies. Fais-tu à nouveau d’anciennes activités? Je crée des motifs en perles. A l’avenir, qu’aimerais-tu garder de ce que tu as appris dans 24 avril cette situation? Mieux soigner mes relations. J’ai très bien appris à ne plus planifier Faire partir le virus, no à l’avance. us le pouvons si nos mains, nous les lavons! Nous pourrons à nouv eau nous toucher. Les amoureux pourron t à nouveau se croquer. i nsi eme, J u n i 2020 – 13
COMP É T ENCES «Lorsque l’on résiste à la peur, elle diminue» Les personnes atteintes de troubles cognitifs réagissent avec sensibilité à des menaces diffuses telles que le coronavirus. Comment les parents peuvent-ils les aider à surmonter la situation? Les explications de Simone Rychard, psychologue et responsable du Bureau «Lieux de vie» d’insieme Suisse. Interview: Susanne Schanda – Illustration: Svenja Plaas Comment les consultations psy- d’une occupation, de structures habituelles, de personnes, activités chologiques du Bureau «Lieux de ou objets familiers. Le nœud du problème est en effet la difficulté à vie» ont-elles évolué ces derniers saisir la menace. Le besoin des proches de vouloir faire disparaître temps? la peur chez un être cher est compréhensible. Mais, en même temps, La crise du coronavirus a accentué on veut aussi être franc et transparent, prendre la personne au sé- ou même aggravé des problèmes et rieux et lui transmettre la réalité. Cette situation place les proches questions qui existaient déjà. Par face à un dilemme. Nier ou ignorer la menace ne serait pas une stra- exemple, une personne autiste dé- tégie utile. Si une personne avec une déficience cognitive parvient à pendant fortement de rituels, de structures régulières ou de processus «Nier ou ignorer la menace ne serait pas routiniers connaît de fortes tensions une stratégie utile.» lorsque ces structures s’effondrent Simone Rychard soudainement. Lors d’une consulta- tion, une personne cherchait un nou- rendre plus compréhensible une situation difficilement tangible, cela veau lieu de vie. Cette recherche est désormais perturbée, les institu- réduit la peur. Mais la peur, en fin de compte, fait partie de la vie. tions ayant fermé. Par ailleurs, l’interdiction des visites dans les C’est un sentiment comme la joie, comme la colère … Il est important institutions a suscité une grande incertitude. d’accompagner la personne qui a peur et de lui montrer que nous sommes là et que nous ne la laissons pas seule. Le coronavirus est devenu un thème majeur au sein de la famille, entre amis et au travail. Beaucoup de personnes en situation de Une maladie grave ou la mort d’un proche sont d’autres événe- handicap mental y réagissent de manière défensive, en se bou- ments qui suscitent de la peur, car difficilement saisissables. Com- chant les oreilles ou en s’enfuyant. Comment expliquez-vous cette ment des parents peuvent-ils parler de cela avec leur enfant? réaction? Il est important d’en parler, de faire de la peur un sujet de discussion, et Nous réagissons généralement à une menace en fuyant, en combat- de le faire de manière répétée. En faire un sujet montre que cette peur tant ou en restant pétrifié. Celui qui se bouche les oreilles et part en fait partie de la vie. Elle a ainsi un espace, et l’on peut alors se dire: courant fuit devant la menace. Une personne en situation de handicap «Je ne suis pas seul face à elle et j’ai aussi le droit d’exprimer mes mental qui remarque que son environnement est chamboulé et qui craintes.» La répétition permet une certaine accoutumance. C’est ainsi éprouve de la peur ainsi que du désarroi n’est elle-même en mesure, que nous fonctionnons tous; nous nous habituons à quelque chose qui en raison de son handicap, de comprendre la menace concrète que se répète. De cette manière, le caractère effrayant de la peur est atté- de manière limitée. Cela peut conduire à une surcharge émotionnelle nué. de la personne et à une fuite. Il est important que nous reconnaissions Ce n’est qu’ensuite que se pose la question du comment. Des événe- et respections cette fuite comme une stratégie d’adaptation indivi- ments graves comme la mort et la fin de vie peuvent être mis en rela- duelle: c’est la stratégie dont dispose la personne à ce moment-là. tion avec des choses que l’on a déjà vécues. On peut aussi dévelop- Mais comme celle-ci ne mène pas à une solution à long terme, nous per et pratiquer des rituels communs avant la mort – par exemple, devrions aider la personne à en trouver une plus constructive. lorsque l’on sait que son oncle est sur le point de mourir – des rituels qui peuvent ensuite être transposés au-delà de la mort. Le coronavirus constitue une menace difficilement tangible qui suscite de la peur. Comment les parents peuvent-ils agir sur cette Et qu’en est-il quand les parents ont eux-mêmes peur? peur éprouvée par leur enfant sans nier le danger? Le premier pas consiste à accepter sa propre peur. Mais il est impor- Ils peuvent proposer comme contre-pied à la peur des lieux sûrs où la tant de ne pas paniquer. Les parents doivent en premier lieu trouver personne se sent bien et en sécurité. Il peut s’agir d’un emplacement, le moyen de gérer leur peur afin de pouvoir ensuite soutenir leurs en- 14 – i n s i e m e , ju in 2 0 2 0
fants. Ce faisant, ils peuvent montrer que c’est une perspective. Nous pouvons mieux supporter des supportable, que cela ne signifie pas un écroule- conditions désagréables si nous savons que cela ment. Lorsque l’on résiste à une peur, elle dimi- va un jour cesser. nue. Quels sont les moyens de communication non Comment peut-on expliquer un sujet complexe verbale qui peuvent aider, si parler n’est plus de manière simple et parlante? possible? C’est extrêmement ardu. Il s’agit de décomposer ce En plus des moyens de la communication améliorée qui est complexe, mais sans perdre sa véracité. Ne don- et alternative (CAA), la gestuelle et la mimique sont au ner que peu d’informations à la fois. La répétition est centre de toute forme de communication. Beaucoup centrale, c’est-à-dire, la répétition de mêmes faits. de gens ont des gestes très individuels qui ne sont C’est ainsi que se fait l’apprentissage. Parfois, il compris que par la famille ou l’environnement im- reste cependant des éléments qui ne sont tout médiat. Le contact physique peut aussi être un simplement pas explicables. Une fois de plus, moyen de communication important, surtout lors- c’est une question d’endurance. qu’une personne a peur et qu’on veut lui montrer sa présence. Il peut être utile de prendre quelqu’un Les parents doivent-ils tenir leurs enfants atteints dans ses bras et de lui montrer ainsi qu’on la sou- de troubles cognitifs à l’écart des mauvaises nou- tient. velles, les protéger? On ne peut pas protéger quelqu’un de tout, et cela n’a d’ailleurs pas Cette crise constitue-t-elle aussi une chance? Pouvons-nous en ap- de sens. Sinon, la personne n’a absolument pas la possibilité de prendre quelque chose? trouver un moyen de se confronter à des questions qui font aussi par- Avec le sentiment d’avoir maîtrisé et enduré cette crise ensemble, la tie de la vie. Si l’on veut protéger son fils ou sa fille de menaces perspective d’une prochaine crise, qui viendra bien d’une manière telles que celle du coronavirus, il existe le risque qu’il ou elle y soit ou d’une autre, est moins effrayante. Ce sont des expériences enri- chissantes qui peuvent être vivifiantes. Mais certaines personnes craquent vraiment et subissent un préjudice. Pour de nombreuses per- «On ne peut pas protéger quelqu’un de tout, et cela sonnes avec un handicap, le ralentissement, l’accalmie et la réduc- n’a d’ailleurs pas de sens.» tion des stimuli pourraient s’avérer positifs. Par ailleurs, en tant que société, nous avons désormais nous-mêmes connu des limitations et confronté.e par une voie détournée ou par le biais d’autres per- pouvons peut-être mieux imaginer ce que cela signifie pour les per- sonnes. C’est très pernicieux et difficile. Cela peut donner le senti- sonnes en situation de handicap, qui peuvent être confrontées à de ment désagréable que les autres l’ont vécu avant soi et soulever la telles limitations au quotidien. Il est à espérer que cela permettra question de savoir si l’on est pris au sérieux. En outre, dans un tel d’augmenter la compréhension envers les personnes en situation de moment, la personne demeure sans doute sans le soutien et les handicap et leurs familles. conseils appropriés. De nombreuses personnes en situation de handicap mental vivant Conseil psychologique et accompagnement en institution sont restées séparées de leurs proches pendant des semaines à cause des mesures de lutte contre la pandémie. Com- Le Bureau «Lieux de vie» est un service fourni par insieme Suisse. ment leur expliquer le sens de cette séparation? L’offre comprend un conseil psychologique et un accompagne- L’interdiction des visites dans les institutions est une situation difficile, ment pour les personnes en situation de handicap mental et leurs souvent un drame personnel pour toutes les personnes concernées. proches dans des situations de vie difficiles. Le Bureau est aussi L’idée de ne plus avoir le droit de voir les êtres les plus chers et les disponible pour des renseignements, des informations et la trans- plus proches, la famille … Il est essentiel que l’environnement consi- mission de contacts. Il coordonne par ailleurs le réseau «Parenta- dère, lui aussi, en premier lieu cette situation comme un état de fait lité des personnes en situation de handicap mental». dramatique. Ensuite, il faut essayer de l’expliquer et de la rendre compréhensible: un virus, qu’est-ce vraiment? Comment se trans- Nos deux psychologues Simone Rychard et Eva Mühlethaler sont met-il? Et pourquoi est-il important d’empêcher ou de réglementer les là pour vous. contacts personnels? L’objectif est de protéger tout le monde, y com- www.insieme.ch > insieme > Offre > Lieux de vie pris les membres de notre famille. Ce faisant, il est important d’offrir i nsi eme, ju in 2020 – 15
COMP É T ENCES Coronavirus: les institutions s’adaptent en continu Les institutions pour personnes avec handicap mental ont eu fort à faire pour appliquer les directives sanitaires liées au co- ronavirus. L’assouplissement des mesures pose aussi bon nombre de défis. Texte: Martine Salomon et Susanne Schanda – Illustration: Svenja Plaas Aucun bénéficiaire n’a été contaminé au sein de la Fondation des supplémentaires. Toutefois, un bon tiers des enfants, étant vulnéra- Perce-Neige (NE). Seul l’un d’eux a contracté le coronavirus, juste bles, ne reviendront probablement pas aux cours avant la rentrée avant son retour sur le site. Pris en charge et isolé dans son espace d’automne. Côté sorties, un atelier d’entraînement a été créé pour de vie, il s’est rétabli. Pour ses 200 résidents, l’institution a adopté les personnes avec handicap très léger afin d’apprendre le compor- un principe de cellules: «Chaque foyer est devenu autonome, un peu tement requis dans les magasins. comme une famille.» Ce sont toujours les mêmes collaborateurs qui y interviennent. Parmi les externes, seuls sept sur 200 sont restés sur Créativité et complicité place, vivant dans une zone distincte. L’institution a dû se réorgani- Au Clos Fleuri à Bulle, il n’y a pas eu de résident infecté, indique ser tout en ayant 10% de collaborateurs en moins pour cause de Philippe Brunner, responsable du secteur résidentiel qui accueille vulnérabilité. Le personnel fait preuve d’une souplesse «fantastique», 86 personnes. L’institution a empêché les interactions entre résiden- souligne son directeur général Vincent Martinez. La distance de ces et entre groupes au sein de chaque résidence. Des confinements sécurité est respectée entre employés et résidents. «Mais pour les individuels ont dû être pratiqués pour des personnes revenant de soins de proximité, en particulier pour les personnes avec polyhan- l’hôpital, ou de fugue. Certains résidents ont réussi à assimiler les dicap, il n’y a pas tellement le choix.» Un protocole de protection normes de distance et d’hygiène, mais, pour d’autres, elles restaient rigoureux est alors appliqué. Entre résidents, une tape dans le dos totalement abstraites. «Il a fallu faire appel à la créativité, aménager ou se prendre dans les bras est permis au sein d’une cellule. Quant tout ce qu’il était possible. L’humour et la complicité ont aussi aidé à la privation de visites, elle n’a pas été facile. Pour les plus âgés, ne à décrisper certaines tensions.» Pour échanger avec les proches, il y plus voir les parents, les frères et sœurs était difficile. Pour les jeunes, a eu des envois de lettres, dessins et paquets. Plusieurs familles sont «pendant deux semaines, ça fait un peu colonie de vacances, c’est ok venues à l’extérieur des bâtiments pour communiquer avec des rési- de ne pas voir les parents. Mais dès la troisième semaine, c’est autre dents sur leur balcon. «Pour certains, cette situation n’est pas simp- chose.» Le lien a été maintenu par téléphone, messages, photos et le à gérer affectivement, mais comme dans de nombreuses situations, vidéos. leurs capacités d’adaptation sont remarquables», constate le respon- sable. Concernant la reprise progressive des visites et des activités, Réintroduction prudente des visites «la prudence est de mise», souligne M. Brunner. Par la suite, l’assouplissement des mesures sanitaires a permis à l’institution de réintroduire certains types de visites, adaptées en La Fondation Wagerenhof à Uster (ZH) n’a pas non plus déploré fonction des différents cas. Et il y a désormais une possibilité de d’infection. «Nous sommes restés en dialogue constant avec les pro- retourner en famille tous les quinze jours, avec des consignes strictes, ches. Nous avons fait un film pour donner un aperçu de la vie quo- a précisé son directeur début juin. Quant à la reprise progressive de tidienne ici», explique son directeur général Andreas Dürst. Début l’école et des ateliers, il faudrait un tiers de surface en plus pour re- mai, l’institution a proposé des heures de visite limitées en autorisant specter les normes, estime-t-il. C’est pourquoi il recherche des locaux des promenades dans les alentours. L’affluence a été grande.• 16 – i n s i e m e , ju in 2 0 2 0
V IE AC T I V E Le groupe «insieme inclut» d’insieme Aarau-Lenzburg avant sa visite au Palais fédéral en 2018. Parler pour soi-même Les personnes avec handicap mental ont besoin de soutien – certaines davantage, d’autres moins. On parle souvent à leur sujet et à leur place. Depuis quelque temps, certaines d’entre elles font entendre leur voix car elles ne veulent plus seule- ment se laisser représenter, mais souhaitent défendre par elles-mêmes leurs intérêts. Texte: Susanne Schanda – Photos: DR Que cela soit dans leur famille, leur cercle d’amis, à l’école ou encore «insieme inclut» au travail, les personnes avec handicap mental désirent être enten- dues. Certaines se nomment autoreprésentants. Un intitulé qui peut Le but d’«insieme inclut»: permettre aux personnes avec handi- être dérangeant, car il suggère que les personnes avec handicap cap une plus grande participation au sein de l’association et mental doivent être représentés par d’autres personnes. Dans la de la société. Plusieurs associations régionales ont déjà des plupart des cas, il s’agit de leurs parents, de frères et sœurs, de pro- groupes participatifs: les membres peuvent y exprimer leurs ches ou d’accompagnants au sein des institutions. idées et besoins. Ils y acquièrent des compétences pour pou Se représenter soi-même ou défendre les intérêts de ses pairs, cela voir faire entendre leur voix dans la vie quotidienne. Parallè sonne bien et est facile à dire. Mais cela s’apprend. Non seulement lement, un outil de communication assistée est en cours d’éla comment s’exprimer mais aussi, et avant tout, être soi-même au clair boration afin que ces objectifs soient aussi accessibles pour les sur ce dont on a besoin et sur ce que l’on souhaite. personnes avec un handicap sévère. A l’automne 2020, un atelier avec davantage d’associations insieme et de personnes Premiers pas vers l’autoreprésentation intéressées, avec et sans handicap, devrait avoir lieu. Celui-ci Pour promouvoir de telles compétences, insieme Suisse a lancé en leur permettra de découvrir pourquoi il est important que la 2017 le projet «insieme inclut», comme «premier pas vers voix des personnes avec handicap soit entendue. «insieme in- l’autoreprésentation», explique Jan Habegger. Les associations ré- clut» a démarré en 2017 et se poursuivra jusqu’à fin 2021. gionales insieme intéressées obtiennent un soutien afin de proposer i nsi eme, juin 2020 – 17
V IE AC T I V E aux personnes avec handicap mental des possibilités pour apprendre insieme Aarau-Lenzburg a créé un groupe de travail «insieme in- à connaître et à communiquer leurs préoccupations, souhaits et clut». En 2018, accompagné par un moniteur, il a non seulement besoins. visité le Palais fédéral, mais aussi exprimé ses préoccupations lors «Ils acquièrent ces compétences par la pratique et insieme leur of d’une réunion avec des conseillers nationaux. Le groupe a reçu une fre l’espace dans lequel leur voix peut être entendue», poursuit Jan écoute attentive. A travers les membres de celui-ci, ce ne sont pas Habegger. Ainsi, à la fin du projet, fin 2021, un mouvement qui seulement eux-mêmes qu’ils représentent, mais aussi les intérêts de s’engage en faveur de la participation des personnes en situation de leurs pairs. Ils font des demandes politiques à la société. Et cela handicap mental et pour la nécessité d’un plus grand nombre d’auto- fonctionne: les autorités et les politiciens sont de plus en plus dis- représentants devrait voir le jour. posés à écouter les personnes en situation de handicap mental. Equipe de reporters d’insieme Zurich: «La manière dont Gruppe Mitsprache Thurgau (n.d.l.r.: Groupe Participa- nous voyons le monde.» tion Thurgovie): «Nous voulons être au cœur de l’action!» Alberto Cirigliano, di- recteur d’insieme Zu «Tu veux avoir ton mot rich, a eu l’idée de à dire? En ce qui con- créer une équipe de re- cerne le logement, le porters en 2017, après travail, la commune, le avoir remarqué à quel canton, le pays? Tu point les jeunes gens veux en apprendre plus de l’association étaient au sujet de tes droits? habiles avec la caméra de leur téléphone portable: «Ils ont un Et que seraient alors tes devoirs? Nous parlons de tout ce qui grand besoin de parler d’eux et de leur vie sur Facebook et sur nous concerne.» C’est par ces mots que ce groupe s’adresse YouTube». Alberto Cirigliano et un expert en communication aux personnes avec handicap mental qui souhaitent s’engager épaulent l’équipe. Les participants suivent des cours notamment pour leurs propres préoccupations et intérêts. pour apprendre à se préparer à une interview et à faire des re- cherches. Toutes les deux semaines, ils se réunissent en séance Le groupe compte actuellement dix membres âgés de 29 à de rédaction, proposent des thèmes et discutent. Ils se décident 66 ans. Maja Knüsel accompagne le groupe mais ne décide pour un long reportage qu’ils réaliseront collectivement, ainsi pas des sujets, précise-t-elle: «Les thèmes sont définis lors d’un que pour une plus petite contribution vidéo réalisée par chacun. échange collectif toutes les deux semaines.» Peu après sa Berno Brändli, qui travaille la semaine dans un atelier de mécan- création en 2012, le terme «handicapé» a fait l’objet d’un ique, a fait partie dès le début de l’équipe de reporters. «J’aime débat animé. Tous trouvaient que ce terme était connoté néga faire des interviews», ajoute-t-il lors d’une vidéoconférence avec tivement et souvent utilisé de façon désobligeante. Ils ont alors ses collègues. Larissa Altmann, qui travaille depuis mai au point cherché des alternatives. Finalement, l’expression «personne de rencontre d’insieme Zurich, en fait elle aussi partie depuis avec une déficience» est apparue. L’usage de la langue est im- trois ans. En 2019, elle et ses collègues ont réalisé une vidéo portant dans le groupe. Il leur arrive donc de vérifier des textes dans laquelle, avec humour, ils invitaient à utiliser le Guide pour pour vérifier si ceux-ci fonctionnent vraiment en langage simpli- voter d’insieme et à participer aux élections fédérales. Sara Ca- fié. Mais les discussions du groupe portent aussi régulièrement brera, 25 ans, s’intéresse elle aussi à la politique, et elle ne sur des sujets et questions politiques concernant le logement. Le mâche pas ses mots. Lorsqu’elle a interviewé la présidente de la groupe a inscrit son objectif sur une affiche: «Nous voulons Commune de Bülach, elle lui a carrément demandé si elle était être au cœur de l’action.» Un jour, le collectif a discuté de la corrompue. Après un concert du groupe Baba Shrimps à la Fon- plateforme de rencontres «Schatzkiste Rorschach», raconte dation Pigna, où elle travaille en cuisine et au restaurant, la jeu- Maja Knüsel. «Nous nous sommes demandé comment ces ren- ne femme a interviewé les membres du groupe. Elle a ensuite contres fonctionnaient. Nous avons alors testé la plateforme écrit avec eux, lors de plusieurs ateliers, la chanson «Same as avec un jeu de rôles. Finalement, deux personnes du groupe you». Et enfin, il y a aussi Fabio Gubello qui, grâce à son char- sont allées à une véritable rencontre, pour trouver un ou une me, attire la confiance de ses interlocuteurs d’interview. partenaire.» www.insieme-zuerich.ch > sprachrohr www.tab-thurgau.ch > Kurse 18 – i n s i e m e , juin 2020
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