Handicap et travail Quelle (ré)insertion professionnelle des personnes en situation de handicap ? - Question Santé asbl
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Périodique trimestriel, paraît en mars, juin, septembre, décembre N° 90 Avril - mai - juin 2018 ISSN 1371 - 2519 Handicap et travail Quelle (ré)insertion professionnelle des personnes en situation de handicap ? Drogues Salle(s) de consommation à moindre risque : pour bientôt à Bruxelles ? Transfert des compétences 6 e réforme de l'Etat et santé : où en est-on ? Echos du CBPS Bienvenue sur le nouveau portail documentaire Question Santé asbl - 72 rue du Viaduc - 1050 Bruxelles P 204068
sommaire Drogues Salles de consommation à En matière d’assuétudes, l’intérêt des salles de consommation à moindre risque n’est moindre risque : pour bientôt plus à démontrer, au regard de l’expérience engrangée depuis vingt ou trente ans au à Bruxelles ? 3 niveau international. Il s’agit d’un dispositif utile, souhaitable et prioritaire. L’enjeu actuel est de savoir si tous les acteurs bruxellois sont prêts à poser les gestes concrets qui rendront effective l’ouverture de la première salle de consommation à moindre risque du pays. Fin mars dernier, une matinée de réflexion sur le sujet avait été organisée dans le cadre des jeudis de l’Hémicycle du Parlement francophone bruxellois. Dossier Quelle (ré)insertion A Bruxelles, l'insertion ou la réinsertion professionnelle des personnes professionnelle des personnes en situation de handicap reste un processus difficile. Ce n'est pas faute, en situation de handicap ? 6 pourtant, de tenter d'en trouver les clés, que ce soit au niveau des autori- tés concernées ou dans le chef de ceux qui s'investissent pour une société du travail « handicapés admis »... Transfert des compétences Etat des lieux et enjeux du transfert La sixième réforme de l’Etat est une réalité juridique depuis octobre 2011. Mais dans des compétences en matière de santé les faits, la gestion effective des compétences transférées ne prendra – en principe et d'aide aux personnes – cours qu’au 1er janvier 2019. Les entités fédérées et tous les acteurs concernés en Région bruxelloise 14 s’activent pour permettre ce transfert. A Bruxelles comme ailleurs dans le pays. Echos de... Le Centre de Documentation Le Centre de Documentation du CBPS a fait peau neuve : un espace physique avec Santé Bruxelles (CDSB) 17 un accueil personnalisé, doublé d’une plateforme en ligne, qui proposent des informations spécialisées dans le domaine de la santé, des outils, des dossiers pédagogiques… Echos des politiques 18 Les élus au Parlement de la Commission communautaire française réagissent au sujet du dossier, au travers de notre question : Quelle (ré)insertion profes- sionnelle des personnes en situation de handicap à Bruxelles ? Photo de couverture© iStock Rédaction Comité de pilotage Graphisme Avec le soutien de Une réalisation de l’asbl Question Santé Anoutcha Lualaba Lekede Emmanuelle Caspers Carine Simon Tél.: 02/512 41 74 Fax: 02/512 54 36 Yamina Seghrouchni Olivier Gillis E-Mail : info@questionsante.org Jacques Moriau Editeur responsable http://www.questionsante.org Bernadette Taeymans B. Taeymans, Marinn Trefois 72 rue du Viaduc - 1050 Bruxelles 2 Bruxelles Santé 90
Drogues Salle(s) de consommation à moindre risque : pour bientôt à Bruxelles ? En matière d’assuétudes, la question n’est plus au faut-il ou ne faut-il pas auto- riser les salles de consommation à moindre risque, appelées parfois de manière erronée « salles de shoot ». Leur intérêt n’est plus à démontrer, au regard de l’expérience engrangée depuis vingt ou trente ans au niveau international. L’en- jeu actuel est de savoir si tous les acteurs bruxellois sont prêts à poser les gestes concrets qui rendront effective l’ouverture de la première salle de consomma- tion à moindre risque du pays. Fin mars dernier, une matinée de réflexion sur le sujet avait été organisée dans le cadre des jeudis de l’Hémicycle du Parlement francophone bruxellois. Le 29 mars dernier, l’Assemblée avait un extrait a été projeté au cours de ce JH. rains ou visiteurs - malencontreux ou pas invité la société civile à s’exprimer sur les En l’absence de lieux pouvant les accueil- - de ces lieux sordides, est de se blesser salles de consommation à moindre risque. lir, ces consommateurs se réfugient dans en entrant accidentellement en contact Cette matinée s’inscrivait comme une des squats, des caves et sous les ponts, avec un matériel usagé et/ou infecté. A suite logique du colloque sur les drogues comme celui du pont Sainctelette. Un la lumière de ces situations communes organisé au sein du même hémicycle par la usager le fréquentant y était mort par aux grandes villes à travers le monde, les FEDITO BXL asbl, la Fédération bruxelloise overdose. Suite à ce décès, découvert salles de consommation à moindre risque francophone des institutions pour toxico- tardivement, l’endroit avait été fermé, à constituent un dispositif intéressant dans manes, au mois de février. Ce colloque, l’exemple d’autres espaces de consom- les politiques de réduction des risques et intitulé « Drugs in Brussels 2018 »1 , a servi mation clandestins vus dans le film. Des complémentaire par exemple à celui des d’état des lieux et permis que le jeudi de lieux que Monsieur et Madame Tout- comptoirs d’échange de seringues. l’Hémicycle (JH) de fin mars amorce une le-monde ne voient quasi jamais : sales, conscientisation du monde politique et sombres et encombrés de débris divers un suivi des faits. L’heure n’est en effet dont des seringues et aiguilles usagées. Réduction des Risques plus au pourquoi faut-il créer des salles de consommation. Comme le rappellent sou- Désaffiliées, stigmatisées et criminalisées, ces personnes ont-elles d’autres choix ? La (RdR) vent les acteurs du secteur toxicomanie, question qui se pose est la suivante : une La Réduction des Risques est basée sur un une société sans drogues, qu’elles soient société soucieuse de tous a-t-elle le droit modèle de santé publique dont l’objectif licites ou illicites, n’existe pas. Une des de les laisser au bord du chemin ? Se pen- premier est d’améliorer l’état de santé difficultés est qu’une frange importante cher sur la problématique est faire preuve et de bien-être des usagers de drogues des consommateurs de drogues est gran- d’humanité et, surtout, c’est veiller à ce tout en réduisant les dommages pour la dement précarisée, fragilisée et exclue. que certaines pratiques de consomma- population et la société. Il s’agit donc d’un Au sein de ce groupe, de nombreuses tion ne mettent plus en danger la santé complément aux approches qui visent la personnes vivent et consomment dans de ces usagers et, au-delà, la santé de prévention et la réduction de l’usage de des espaces publics. Généralement très tous. Pour les premiers, outre le risque drogues en général (EMCDDA, 2010). isolées, ces personnes n’ont souvent plus d’overdose, la consommation de drogues de contact avec les services d’aide et de (crack, alcool, cocaïne, médicaments…) Voir : « Etude de faisabilité de salles de soins existants, ce qui entraîne parfois dans des lieux clandestins représente consommation à moindre risque en Bel- des conséquences dramatiques. C’est une également un risque plus grand d’utiliser gique (2018) » sur https://feditobxl.be/ des réalités montrées dans Double peine : ou de partager un matériel non stérile fr/2018/02/etude-de-faisabilite-de-salles- criminalisation toxique des drogues2, le et de contracter l’hépatite C, le VIH ou de-consommation-a-moindre-risque-Bel- documentaire réalisé par Pierre Schon- d’autres infections. Le risque pour les gique-2018/ brodt du Centre d’Action Laïque et dont non-consommateurs, qu’ils soient rive- Sommaire Bruxelles Santé 90 3
Des soutiens un soutien fort de tous les groupes, que parlez à un médecin, note-t-il, celui-ci vous à l’ouverture ceux-ci se trouvent dans l’opposition à donne les caractéristiques du produit (par Bruxelles ou dans la majorité ailleurs. Petit exemple, les dangers) et, parfois, vous Aujourd’hui, dire que les salles de consom- bémol au niveau politique, l’absence des dit que le produit n’induit pas les effets mation à moindre risque (SCMR) sont élus locaux. « Pas par manque d’intérêt », que le public lui attribue… Et puis, quand intéressantes n’est pas suffisant. Comme ont souligné les organisateurs, mais à vous vous adressez à un travailleur social, l’indiquait l’intitulé du JH, les SCMR sont cause des agendas surchargés des uns et celui-ci vous donne une autre appréhen- utiles et prioritaires au regard des réalités des autres. Ceci ne peut cependant pas ca- sion de la réalité… « Le problème est que soulignées précédemment. Il en existe cher le fait qu’un des obstacles à l’ouver- souvent ces personnes qui sont des per- actuellement plus de nonante à travers ture d’une SCMR est la désignation d’un sonnages clés dans la compréhension du le monde. La Belgique est entourée de lieu susceptible de l’accueillir : où et sur le phénomène ne sont pas entendues soit pays où ces structures ont été mises en territoire de qui ? Question sensible parce par la magistrature soit par le législateur. place : aux Pays-Bas, en Allemagne, au que même si les édiles locaux soutiennent Et trop souvent encore on a l’impression Luxembourg et en France. Dans les deux l’idée, comment la défendre auprès des que, quand on parle de drogues en Bel- premiers pays, les SCMR existent depuis citoyens et riverains ? De telles structures, gique, on évoque soit un tabou extrême, vingt ou trente ans. La première a ouvert comme celles devant par exemple accueil- soit un fantôme qu’il ne faut surtout pas ses portes à Berne en Suisse en 1986. En lir les migrants, sont généralement loin de sortir de sa boîte. » Pour lui, le problème Belgique, l’ouverture de tels dispositifs susciter l’enthousiasme. Il y a là encore un relève de la santé publique et le sujet des traîne car des obstacles subsistent. Des travail à faire… qui n’est cependant pas SCMR consiste avant tout en un débat signes laissent cependant penser qu’un impossible, comme l’a démontré l’expé- humaniste. Il faut changer la vision des tournant est envisageable. Fin mars der- rience de la SCMR ouverte à Paris en 2015. choses et, pour ce faire, il faut une loi. nier, les soutiens sont venus de divers Un médecin et ex-Adjoint à la Mairie de Celle de 1921 date et est actuellement la horizons. Paris, Bernard Jomier (aujourd’hui, Séna- seule épée de Damoclès au-dessus de la teur) et un pharmacien, coordinateur de tête des travailleurs de ces centres. Seule Soutien ou plutôt posture militante de la Gaïa Paris, Thomas Dusouchet, étaient consolation et point important à retenir : FEDITO BXL asbl qui a envisagé d’ouvrir venus présenter sa genèse et son fonc- si jamais, dans un futur proche, on réus- une SCMR en toute clandestinité, conser- tionnement. sit à ouvrir une SCMR à Bruxelles, il y a vant même un budget pour des éventuels la garantie que le Parquet de Bruxelles frais d’avocat s’il y avait des poursuites Un soutien inattendu est celui apporté par ne poursuivra pas les travailleurs ni les contre ces travailleurs de rue. Soutien la magistrature, représentée par Bernard médecins. Cette décision a été ratifiée via politique aussi venant des groupes Ecolo, Michielsen, premier substitut au Parquet un protocole d’accord. Mais elle reste fra- PS, cdH, DéFI et MR du Parlement bruxel- de Bruxelles. Celui-ci a commencé par sou- gile parce qu’elle ne met pas totalement lois. Ecolo s’est attelé à une proposition ligner que tous les efforts déployés pour les travailleurs à l’abri. En effet, « une d’ordonnance pour instituer une réduc- essayer de freiner l’usage des drogues ou éventuelle constitution de partie civile tion des risques avec une diversité d’inter- tout simplement leur trafic sont bien sou- devant un juge d’instruction au niveau de ventions dont les SCMR. La proposition a vent inutiles : d’année en année, il y a une la prévoyance, des précautions ou tout été envoyée au Conseil d’Etat qui a sou- recrudescence du phénomène, avec tous simplement pour possession ou facilité levé quelques questions, auxquelles Ecolo les problèmes qu’on imagine en termes d’usage enclencherait des poursuites ». a fourni des réponses. Au moment où cet de santé publique. Il existe une loi vieille Tout ceci en raison de la loi de 1921 qui est article a été rédigé, le groupe attendait de 97 ans, datant de 19214. Le problème toujours d’application. Notons que la FE- toujours l’avis final sur les aspects légaux, est que celle-ci est « tout bonnement DITO mène actuellement une campagne notamment la possibilité de faire voter ce incompréhensible et n’est certainement #STOP1921 pour que, d’ici son centenaire, texte au sein de l’Hémicycle bruxellois. pas appliquée stricto sensu puisqu’on le 24 février 2021, cette loi n’existe plus. Finalement, tous soutiennent la création laisse à certains moments le consomma- des SCMR pour des raisons humanistes et teur libre d’aller et venir et puis, de temps sanitaires. Il faut néanmoins souligner que en temps, on lui confisque son matériel Légalement : possible des différences peuvent encore subsister entre les groupes au niveau bruxellois stérile (…) La consommation du canna- bis, ce n’est pas mieux. Personne ne s’y ou pas, une SCMR ? et leur représentation au niveau fédéral, retrouve et il n’y a pas moyen d’avoir une comme c’est le cas au MR3. A l’occasion conscience sociale par rapport à cette C’est la question à laquelle Mathias El Be- de la prise de parole des mandataires pré- loi ». Pour Bernard Michielsen, c’est une loi rhoumi, constitutionnaliste à l’Université sents, on a appris que la Ville de Bruxelles qu’il faut changer. Le deuxième point qu’il Saint-Louis, avait été invité à répondre. avait aussi un projet d’ouverture d’une a souligné est la quasi impossibilité d’avoir Au niveau fédéral, rien ne laisse supposer maison de consommation et souhaitait un débat pluridisciplinaire. Quand vous que l’on va retoucher ou abroger la loi de 4 Bruxelles Santé 90 Sommaire
Photo© AdobeStock 1921. Il semblerait toutefois qu’à d’autres collectivité à partir du moment où elles taux de morbidité et les risques de morta- niveaux de pouvoir, il y ait une certaine font la démonstration que cet empiète- lité, ainsi que la nuisance consécutive à la marge de manœuvre. Notamment suite ment est nécessaire pour mener leur poli- consommation de drogues dans les lieux à la 6e réforme de l’Etat où des compé- tique et que cet empiètement est margi- publics, sont réduits. Il n’est donc pas sur- tences ont été renforcées au niveau des nal… A Bruxelles, la question qui se pose prenant que l’Académie Royale de Méde- Communautés. Ce sont elles désormais aussi est de savoir qui devrait adopter ce cine ait aussi rendu un avis favorable aux qui vont avoir l’essentiel des leviers en cadre législatif pour intervenir : la Cocof SCMR. A présent que l’idée est soutenue termes de santé préventive en lien avec la ou la Cocom ? Difficile de trancher car des par pas mal d’acteurs et de secteurs, à réduction des risques. Les Communautés arguments existent pour l’une et l’autre. quand la prochaine étape ? n peuvent donc intervenir et s’atteler à un La conclusion de Mathias El Berhoumi : encadrement législatif de ce qui pourrait « Il n’y a pas de feux rouges. Les marges Anoutcha Lualaba Lekede se faire. Le problème reste néanmoins de manœuvre sont là et l’espace d’action que tout n’est pas transféré puisque le aussi ». fédéral demeure aux commandes pour d’autres aspects (notamment la loi de Les SCMR restent encore un sujet polé- 1921)… A ce sujet, une grande interroga- mique et les impasses à leur ouverture tion subsiste d’autant plus qu’il existe un demeurent nombreuses. A l’issue du JH, arrêt de la Cour Constitutionnelle qui avait l’impression est que, du côté des mondes estimé en son temps que les Communau- politique et judiciaire, les lignes ont néan- 1. https://feditobxl.be/fr/evenement/jour- tés ne pouvaient pas dépénaliser toute moins commencé à bouger et laissent pré- nee-detude-drugs-in-brussels-2018/. une série de comportements en infrac- sager des changements qui conduiront, il 2. https://vimeo.com/257848690. tion à la loi de 1921. Problème non incon- faut l’espérer, à poser les gestes concrets. 3. Voir le compte-rendu de la journée du tournable puisque le constitutionnaliste Les SCMR constituent un outil qui a toute 29.03.2018 sur https://feditobxl.be/site/ voyait là encore deux possibilités d’agir. sa place dans les politiques de RdR. Elles wp-content/uploads/2018/03/Compte-ren- répondent à une problématique de santé du-JH-du-29-mars-sur-les-SCMR-Aliénor- Au-delà, en matière de répartition des publique. Elles permettent aux consom- Bonvoust.pdf compétences, il existe ce qu’on appelle les mateurs de drogues de développer les 4. Loi du 24 février 1921 concernant le trafic « compétences implicites », un des grands moyens de réduire les conséquences né- des substances vénéneuses, soporifiques, principes en droit constitutionnel. C’est gatives liées à leurs comportements pour stupéfiantes, psychotropes, désinfectan- la possibilité de reconnaître que les col- eux-mêmes, leur entourage et la société. tes ou antiseptiques et des substances lectivités fédérées et fédérales peuvent La littérature scientifique relative aux pouvant servir à la fabrication illicite de empiéter sur les compétences d’une autre SCMR montre en effet qu’avec celles-ci le substances stupéfiantes et psychotropes. Sommaire Bruxelles Santé 90 5
Selon les chiffres de L’OCDE1, les personnes handi- capées courent deux fois plus de risque d’être sans emploi que les personnes qui ne souffrent pas d’un handicap, même en période de bonne conjoncture économique. Photo© AdobeStock 6 Bruxelles Santé 90 Sommaire
Dossier Travail et handicap : Quelle (ré)insertion professionnelle des personnes en situation de handicap ? A Bruxelles, l'insertion ou la réinsertion professionnelle des personnes en situation de handicap reste un processus difficile. Ce n'est pas faute, pourtant, de tenter d'en trouver les clés, que ce soit au niveau des autorités concernées ou dans le chef de ceux qui s'investissent pour une société du travail « handicapés admis »... Bien des personnes dites « différentes » sentielles en matière de maintien à l’em- Des mots sur le handicap souhaitent développer une activité pro- ploi ; c'est un des atouts majeurs dans fessionnelle en lien avec leurs compé- l'adaptation du poste de travail ! Un jour, tences. Mais le monde du travail bruxel- la collègue d’un bénéficiaire nous a fait HANDICAP : « Par personnes handi- lois ne semble pas encore prêt à faire savoir qu’elle ne comprenait pas pour- capées, on entend des personnes de la différence un atout... Pourtant, les quoi ce dernier était toujours de mau- qui présentent des incapacités phy- personnes en situation de handicap ne se vaise humeur avec elle. Selon elle, il la re- siques, mentales, intellectuelles ou sentent pas vraiment différentes. C’est le gardait toujours de travers. C’est dans ce sensorielles durables dont l'interac- regard de l’autre qui stigmatise et amène genre de situation que notre rôle prend tion avec diverses barrières peut les personnes handicapées à devoir af- toute son importance, en expliquant que faire obstacle à leur pleine et effec- fronter une tout autre réalité. "non, votre collègue n’est pas fâché, son tive participation à la société sur la handicap affecte sa vue et son champ de En Belgique, 20% de ces personnes vivent vision est latéral" », raconte Erik Deraeck. base de l'égalité avec les autres »3. avec un handicap depuis leur naissance, Une mise au point nécessaire pour que La question du handicap est un ce qui signifie que 80% sont devenues tout le monde puisse travailler et collabo- champ très vaste. Il existe différents handicapées ultérieurement2. Lorsque rer de manière harmonieuse n'est cepen- handicaps : le handicap physique et le handicap est acquis sur le tard, dant possible que lorsqu'un premier pas a mental, mais aussi différents degrés des personnes jusque-là « ordinaires » été franchi au préalable : celui de l'enga- de handicaps. Certains sont innés, aux yeux de tous se voient affliger un gement d'une personne en situation de d’autres surgissent au milieu d’un stigmate, qu'elles finissent par intégrer. handicap dans une entreprise. Or, ce pro- parcours de vie. Il y a également Elles doivent donc faire face à une phase cessus est loin d'être facile... des handicaps dits « évolutifs ». de « ré-identification ». « Bien souvent, quand je reçois quelqu’un dans le cadre D’une part, il y a la loi. La Constitution Cette définition ne présente plus de la recherche d’emploi, je me rends belge établit une interdiction générale de uniquement le handicap comme un compte que je dois faire appel à des com- discriminer. Elle garantit à chacun le droit élément médical propre à la per- pétences d’assistant social, de psycho- de mener une vie conforme à la dignité sonne. Elle prend en compte la limi- logue, de thérapeute, tout en proposant humaine, dont le droit au travail. Cela tation des possibilités d’interaction des solutions pour aider la personne à concerne donc, aussi, les personnes han- d’un individu avec son environne- accepter sa nouvelle identité », constate dicapées. De plus, la Belgique a ratifié en ment, que ce soit en termes d’ac- Erik Deraeck, responsable adjoint des 2009 la Convention des Nations-Unies re- cessibilité, d’expression, de com- Services Emploi et Formation à la Ligue lative aux Droits des handicapés, signée préhension ou d’appréhension4. Braille. en 2006. D'autre part, la réalité du terrain belge C’est ce qu’on appelle le passage Lorsque des personnes en situation de et bruxellois révèle un tout autre visage du « modèle médical » au « modèle handicap travaillent dans une entreprise, que celui d'une intégration réussie en social » du regard porté sur le han- « les journées de sensibilisation sont es- matière d'emploi de personnes en situa- dicap. Sommaire Bruxelles Santé 90 7
tion de handicap. En effet, la Belgique est durant 15 ans ; mais nous n’avons mal- - Permettre à la personne handicapée l’un des pays de l’Union européenne le heureusement pas eu assez de subsides d’accroître et de valoriser ses compé- moins performant, avec un taux d’emploi par an pour continuer sur cette voie. tences. des personnes handicapées s’élevant Avec l’aide de la Cocof, nous avons eu la seulement à 40,7%, contre une moyenne possibilité de devenir un service d’accom- Conformément à ce décret, l’asbl Vivre et européenne de 47,3%. En comparaison, pagnement agréé en 2016 et nos acti- Grandir a déjà pu mettre en place diverses au Luxembourg et en Suède, ces chiffres vités sont également cofinancées par initiatives que font vivre ses bénéfici- grimpent respectivement à 66,5% et CAP 48 », détaille Brigitte Parmentier, aires. 66,2%5. Aucun chiffre précis n’existe directrice de Vivre et Grandir asbl. Ce ser- concernant le taux de personnes en si- vice agréé par la Cocof forme des jeunes, Ainsi, depuis mai 2017, l’association pro- tuation de handicap occupant un emploi pour la plupart atteints de trisomie 21. pose ses services une fois par semaine, à Bruxelles. Le travail effectué vise à l’inclusion (voir le mardi, dans un salon de thé situé dans l'encadré). « Le terme inclusion ne devrait la commune de Woluwe-Saint-Pierre8. pas exister pour définir les relations hu- Ce projet « Cafés Gourmands » permet maines, remarque Brigitte Parmentier. aux jeunes, de manière bénévole, de se Quels soutiens légaux, Chaque membre de notre société devrait former en réalisant des pâtisseries. Pré- politiques et financiers pouvoir de manière naturelle accepter l’autre, en situation de handicap ou non, parées en matinée, ces pâtisseries sont ensuite servies l’après-midi par certains pour les associations pour ce qu’il sait faire et surtout pour ce des bénévoles. « C’est ce type de forma- de terrain ? qu’il est. » tion, réalisée au travers d’expériences de terrain concrètes, qui convient le mieux Face au monde du travail, chaque han- aux bénéficiaires, assure la directrice de dicap soulève des problématiques spé- Quoiqu'il en soit, Vivre et Grandir ne perd Vivre et Grandir. Ils ne trouvent pas leur cifiques. Depuis de nombreuses années, pas de vue son objectif : favoriser l'inser- place via un accès à une formation collec- des associations de terrain ont pour tion professionnelle. A travers ses forma- tive ouverte à tous où le rythme est trop objectif d’offrir aux personnes porteuses tions continues et ses activités, elle vise rapide. Alors que les activités du projet d’un stigmate, visible ou non, une réelle à développer et à mettre en avant les "Cafés Gourmands" ont par exemple sus- autonomie. L’idée ? Permettre à ces der- compétences de ses jeunes bénéficiaires. cité chez certains l’envie d’apprendre à nières de participer pleinement à tous les Pour y parvenir, l'association s'appuie sur compter mentalement. On continue donc domaines de la société, en composant l'article 56 du Décret relatif à l’inclusion à développer les fonctions cognitives de avec les lois et les services mis en place. de la personne handicapée régissant les chacun, en fonction de leurs envies et missions du service de participation par capacités. » des activités collectives (intitulé « service En somme, ce salon de thé est une passe- Du côté de l’asbl PACT »)7 : relle entre le monde du travail ordinaire Vivre et Grandir - Au départ des projets individuels d’une et celui du travail adapté. Il permet à ces personne handicapée, organiser des acti- personnes atteintes d’un handicap de se Cette association accompagne des jeunes vités collectives de volontariat au profit familiariser avec le monde du travail et entre 12 et 28 ans atteints de déficience de la société ; de se faire connaître. Ce genre d’initia- intellectuelle légère ou modérée. « L’asbl - Valoriser la personne handicapée par sa tive permet de porter un message fort : a été créée en 1999. Nous étions considé- participation à ces activités ; chacun dispose de compétences diverses rés comme "enseignement à domicile" - Réaliser des actions et fournir des ser- et mérite de trouver une place dans le vices au profit de la société ; monde du travail adapté ou ordinaire pour se réaliser, s’épanouir. Et ce, sans devoir affronter le regard, le jugement ou Je t'inclus, tu m'inclus... la peur de l’autre. Suite au Décret relatif à l’inclusion de la personne handicapée, adopté Le Reflet, un restaurant situé à Nantes, en par le Parlement bruxellois en janvier 2014, le terme d’intégration laisse France, fournit un autre exemple de réus- place à celui d’inclusion. On entend par inclusion « la participation de site quant au pari d’allier handicap et acti- la personne handicapée dans toutes les dimensions de la vie sociale et vité professionnelle d’inclusion. Des per- quotidienne, avec la même liberté de choix que les autres personnes, sonnes atteintes de trisomie 21 prennent en prenant des mesures efficaces et appropriées pour garantir la pleine en charge le service tout au long de la jouissance de ce droit ainsi que sa pleine insertion et participation à la semaine – contrairement à Bruxelles où, société »6. 8 Bruxelles Santé 90 Sommaire
pour le moment, il ne l’est qu’à raison d’une ou deux fois par semaine. Un an après son ouverture, et grâce aux aides financières proposées pour la mise à l’emploi de personnes handicapées, ce restaurant est toujours constitué de la même équipe. Aucun abandon de poste n'a été relevé et certains de ces jeunes ont même signé un CDI. Chacun, en plus de progresser dans son autonomie pro- fessionnelle, évolue également dans son autonomie personnelle : des chemins vers l’autonomie certes plus lents, mais rendus possibles grâce à des services d’aide. Photo© AViQ Ces exemples d'initiatives réussies ne doivent toutefois pas occulter la réa- d’accompagnement – comme le Bata- an maximum, peut être renouvelé jusqu’à lité : l'intégration des handicapés dans le clan, la Ligue Braille et Info-Sourds – et trois fois. Il offre au bénéficiaire une pé- monde du travail reste complexe et dif- intervient dans le secteur du travail, tant riode d'adaptation dans une entreprise ficile. Ainsi, assure Brigitte Parmentier : dans le circuit dit « ordinaire » que dans publique ou privée au cours de laquelle « Tout le monde ne croit pas qu'il soit pos- celui des Entreprises de Travail Adapté l'employeur s'engage à lui assurer une sible d'intégrer une personne atteinte de (ETA). réelle qualification professionnelle. Ce trisomie dans un circuit de travail ordi- genre de contrat permet le plus souvent naire. » Dans le circuit ordinaire, en fonction de la aux personnes handicapées d’obtenir demande et des besoins de la personne une véritable première expérience pro- concernée et/ou de l'employeur, de nom- fessionnelle. PHARE : un service clé breuses aides sont mises en place pour Pour ce qui est des Entreprises de Tra- dans la (ré)insertion favoriser l'emploi des personnes handica- vail Adapté (ETA) en Région bruxelloise, pées et leur intégration professionnelle douze d’entre elles sont agréées et sub- En Région bruxelloise, le service PHARE (voir encadré ci-dessous). sidiées par le service PHARE. Elles sont (Personne Handicapée Autonomie Re- Ainsi, le Contrat d’Adaptation Profession- destinées aux personnes handicapées cherchée) est un organe d’information, nelle (CAP) fonctionne énormément dans qui, compte tenu de leurs capacités, sont de conseils et d’aide financière aux per- le circuit ordinaire, selon Laurent Dupont, aptes à mener une activité profession- sonnes handicapées. Parmi ses missions, directeur de Bataclan asbl. Ce contrat, nelle mais ne peuvent l'exercer, provi- PHARE agrée et subsidie des services d’une durée minimale de 3 mois et d’un soirement ou définitivement, dans des Un coup de pouce Voici les aides à l’emploi9 possibles pour une entreprise qui désire embaucher une personne en situation de han- dicap : - Le stage découverte permet à la personne handicapée de découvrir un métier ou une situation de travail ; - Le contrat d’adaptation professionnelle (CAP) a pour objectif de permettre à l’employeur et à la personne han- dicapée une adaptation mutuelle en vue d’un engagement éventuel ; - La prime de tutorat destinée à l’employeur vise à faire soutenir et à guider le travailleur handicapé par un tuteur qui fait partie du personnel de l’employeur ; - La prime de sensibilisation à l’inclusion, destinée à l’employeur, permet aux collègues du travailleur handicapé de bénéficier d’une sensibilisation ou d’une formation relatives au handicap de ce dernier ; - La prime d’insertion en faveur de l’employeur consiste en une intervention dans la rémunération et les charges sociales du travailleur handicapé, en vue de compenser sa perte de rendement ; - L’adaptation du poste de travail et de l’environnement de travail, justifiée par la déficience du travailleur est également prise en charge. Bruxelles Santé 90 9 Sommaire
conditions habituelles de travail. Le ser- vice PHARE propose également de nom- breuses aides, aussi bien financières que matérielles, afin d’adapter le poste de travail à la personne en situation de han- dicap lorsque cela est nécessaire. Photo© Bataclan Actiris et le réseau APS En plus du service incontournable qu’est le PHARE, Actiris tente à son tour d’appor- ter un soutien de taille au secteur du han- dicap, notamment via l’attestation Activa. Brussels « Aptitude Réduite », un incitant financier qui octroie à l’employeur une allocation à l’embauche durant 30 à 36 mois. Par ailleurs, Actiris crée un réseau d’accompagnateurs via des appels à pro- jets, appelés APS (Accompagnement de Photo© Bataclan Publics Spécifiques), visant à rendre les associations actives dans le secteur du handicap aptes à accompagner les béné- ficiaires confrontés à des problématiques spécifiques dans leur recherche d’emploi. Ce réseau APS a été créé pour répondre aux besoins d’un public plus spécifique Grâce à la création de ce réseau, les asso- Mise à l’emploi : un de chercheurs d’emploi, éprouvant des ciations ont donc la possibilité d’ouvrir trajet en deux temps difficultés à trouver un travail en raison un nouveau poste de « job coach », qui d’un problème de santé physique ou a pour fonction de centraliser la re- mentale. Une première prise de contact cherche d’emploi du public spécifique Actiris apporte une méthodologie de est instaurée entre les assistants sociaux et, ainsi, de favoriser le parcours d’inser- travail pour soutenir la fonction de « job du service social d’Actiris et le deman- tion professionnelle du bénéficiaire. « On coach » mise en place au sein des diffé- deur d'emploi. Ce rendez-vous per- a beaucoup développé notre méthodolo- rentes asbl ayant répondu aux appels à met de définir le projet de la personne, gie d’accompagnement à l’emploi depuis projets en lien avec cette fonction. Une ses lacunes ainsi que ses besoins. Cet un an car on est entré dans l’appel à série d’étapes qui permettent aujourd’hui accompagnement personnalisé assure projets APS d’Actiris. Notre volonté, en aux asbl telles que Bataclan de se pro- une meilleure réorientation vers un ser- faisant cela, était de nous professionna- fessionnaliser. Concrètement, un bilan vice plus compétent. Au sein de ce réseau liser car, jusque-là, on accompagnait le de compétences est effectué en priorité APS, figurent des associations telles que : bénéficiaire dans sa recherche d’emploi avec le bénéficiaire en situation de han- - le Bataclan, qui a pour objet la promo- comme on le fait pour n’importe quel dicap afin d’identifier ses besoins spéci- tion de la prise d’autonomie et l’intégra- autre type de demande (aide au maintien fiques. A partir de ce bilan, l’asbl tente tion des personnes en situation de han- du logement, accompagnement pour ensuite de dessiner un projet profession- dicap mental en vue d’une participation des soins santé ou les loisirs...). On s’est nel adapté avec la personne concernée. plus active dans la société ; vite rendu compte que cette polyvalence Selon Laurent Dupont, le travail dans - Info-Sourds, pour des personnes malen- ne pouvait pas fonctionner concernant ce trajet d’insertion professionnelle est tendantes ou sourdes ; la mise à l’emploi de nos bénéficiaires. double. - la Ligue Braille, qui a pour mission d’ac- Concrètement, il nous manquait une compagner et soutenir la personne défi- connaissance du monde des entreprises, ciente visuelle afin qu'elle puisse acquérir des trucs et astuces qui allaient nous ou maintenir une autonomie optimale permettre une meilleure visibilité », relate pour faire ses propres choix. Laurent Dupont, directeur du Bataclan. 10 Bruxelles Santé 90 Sommaire
Pré-trajet : un accompagne- tences de la personne en situation de Des initiatives pour sensibiliser ment adapté handicap. Ce n’est pas parce qu’une per- « Notre service est là pour vraiment tenter sonne souffre d’un handicap qu’elle n’a de déconstruire ces préjugés, d’où notre Il est certes important de suivre ce pas, ou plus, de compétences. L’objectif proactivité au travers de l’organisation trajet d’insertion par l’emploi mais, par- est de les valoriser, quelle que soit la pa- fois, c’est le « pré-trajet » qui permet thologie de la personne. de séances d’information et de sensibili- de consolider le trajet d’insertion en Dans ce cadre de recherche d’emploi, sation auprès des employeurs », souligne lui-même. Ainsi, régler en amont des pour une personne en situation de han- Laurent Dupont. Le monde du travail ordi- obstacles au niveau du logement, de la dicap mental, quelques entreprises naire à Bruxelles semble encore bien fri- garde d’enfants, de l'envie de travailler acceptent des contrats CAP (Contrat leux face aux différences. Pour remédier à ou même accompagner la personne dans d’Adaptation Professionnelle), chapeau- cela, à l’aide de son réseau professionnel, l’acquisition des codes de travail (se le- tés par le service PHARE. Ce type de le directeur du Bataclan a lancé de nou- ver, avoir une bonne hygiène, une bonne contrat donne au public à besoins spé- velles initiatives : présentation, etc.) permet par la suite cifiques un accès à l’emploi dans un mi- - la création d’une adresse email où les une mise à l’emploi plus stable, plus équi- lieu ordinaire. Pourtant, les employeurs employeurs peuvent envoyer leurs offres librée. Ce « pré-trajet » est pris en compte émettent des réticences ou des craintes, d’emploi pouvant intéresser des per- dans la méthodologie proposée par Acti- comme celles de savoir si la personne sonnes handicapées (jobinclusion.brus- ris, un délai plus long pour travailler avec pourra ou non s’intégrer au reste de sels@asa.be) ; la personne est octroyé et offre des résul- l’équipe, si elle pourra être régulière- tats plus probants. ment présente sur son lieu de travail et, - grâce aux différentes rencontres de surtout, si ses problèmes personnels ne bourgmestres et échevins, le secteur du Le service d’insertion socioprofession- feront pas obstacle au bon déroulement handicap espère des changements : « Un nelle de la Ligue Braille poursuit un ob- du quotidien de l’entreprise. groupe de travail a été lancé sur la ques- jectif similaire : « Certaines personnes tion de l'accès à la formation profession- n’ont pas les ressources mobilisables nelle, suite à une interpellation de notre suffisantes pour commencer leur re- Du côté de la Ligue Braille part, poursuit le directeur de l’asbl Bata- cherche d’emploi ou même réinventer clan. Effectivement, les personnes ayant leur objectif professionnel. Elles n’ont un handicap se voient fermer beaucoup parfois tout simplement pas assez de En plus d’une aide à l’insertion profes- de portes sur Bruxelles à ce niveau-là. force physique, mentale ou financière, sionnelle, la Ligue Braille a une autre mis- Les ministres compétents Céline Frémault assure Erik Deraeck, responsable adjoint sion : maintenir à l’emploi la personne qui (Handicap) et Didier Gosuin (Formation) au Service Emploi et Formation. Dans fait face à une pathologie visuelle nou- veulent donc, d’ici à 2020, doubler le ces cas-là, il est possible d’entrer un vellement acquise. Explications avec Erik dossier psycho-médico-social (PMS) à la Deraeck, responsable adjoint au Service nombre de personnes handicapées pré- consultation sociale d’Actiris. Cela va me Emploi et Formation de la Ligue Braille. sentes dans la formation professionnelle à permettre, en tant que « job coach », de Bruxelles… » ; donner un avis positif quant à une mise De nombreuses personnes perdent - en attendant des changements au niveau hors disponibilité de la personne (…) A leurs capacités visuelles alors qu'elles du politique, ce 26 juin 2018, un Job Day la suite de cette démarche, je dispose de sont intégrées dans le monde du aura lieu, en partenariat avec la centrale 21 mois avec le bénéficiaire pour l'aider travail. Que préconisez-vous dans ce de l’emploi de la ville de Bruxelles. A à remettre du sens dans sa vie et, par la genre de situations ? l’hôtel de ville, après une matinée de sen- suite, développer son projet profession- sibilisation et d’information sur le thème nel. » L'annonce du développement d'une pa- du milieu du handicap et du travail, des thologie visuelle doit être faite comme rencontres auront lieu entre employeurs Ce « pré-trajet » est donc un préambule à pour toute autre maladie. A partir de là, la et personnes en situation de handicap à la vraie recherche d’emploi. communication est facilitée et tout peut la recherche d’emploi. « Nous avions déjà se mettre en place plus aisément. En fait, c'est bien simple : pour une personne réalisé un événement de ce genre l’an der- Trajet vers l’emploi déjà en poste, on n’envisage pas le licen- nier mais ici, nous voulons aller plus loin : ciement ! On se doit de trouver un réa- amener nos candidats et faire en sorte que Que cela soit dans le monde du travail ménagement possible avec la personne les responsables des ressources humaines dit « ordinaire » ou en ETA (Entreprises et le manager de l'entreprise. Au pire, un des différents secteurs les rencontrent et, de Travail Adapté), il est important de changement de fonction peut être envi- qui sait, puissent concrètement faire des mettre en avant au travers des CV et sagé, mais c’est tout. propositions », atteste Laurent Dupont. des lettres de motivation les compé- Bruxelles Santé 90 11 Sommaire
contente-t-on simplement de satisfaire le quota "handicapés" à remplir ? Dans ce type d’itinéraire problématique, on rencontre aussi des personnes qui refusent d’accepter qu’elles sont at- teintes d’une pathologie visuelle. Elles entament alors indubitablement une phase de désinsertion sociale, les pous- sant au fil des mois et des années à se retrouver isolées, loin du monde du travail et de ses nombreuses attentes. Cela a par exemple été le cas pour cette architecte d’intérieur qui, durant de nombreuses années, a vu son acuité visuelle se réduire petit à petit. Elle s’est alors éloignée de sa passion, de son emploi. Dix ans plus tard, à 59 ans, Photo© Ligue Braille elle s'est retrouvée face à un conseiller en insertion. Mais la question de la réin- En pratique, comment nopathie, d'une DMLA (dégénérescence sertion professionnelle après ce type procédez-vous ? maculaire liée à l'âge) ou d'un décolle- ment de la rétine (liste non exhaustive, En collaboration avec le conseiller en pour plus de précisions sur les différentes Après aide technique, nous allons suivre ces pathologies : http://www.braille.be/fr/ une longue maladie... employés sur leur lieu de travail. On y documentation/pathologies-visuelles)… observe leur cadre de travail et on défi- Ces séances de sensibilisation consti- Un Arrêté Royal (AR) sur la réintégration nit ensuite les éventuelles adaptations à y tuent généralement un moment très des malades de longue durée est en apporter afin de concrétiser le maintien à porteur. Elles servent aussi à la personne vigueur depuis le 1er décembre 2016. l’emploi grâce à des modifications néces- qui est dans un processus de deuil pour Avec ce nouvel AR, les pouvoirs publics saires. Les ajustements ne demandent accepter sa pathologie ou l’aggravation veulent stimuler la réintégration des tra- parfois qu’un simple réglage de la lumi- de cette dernière. Ces moments sont très vailleurs malades de longue durée qui ne nosité d’un ordinateur, l’achat d’un écran émouvants pour les collègues qui, tout à peuvent exercer, de manière définitive ou plus grand ou de néons moins forts... coup, se rendent compte de ce que vit la temporaire, le travail convenu. Ce par- personne et de ce que sont ces maladies cours de réintégration comporte deux de la vue. Cette démarche est un grand étapes : une évaluation de la réintégra- Comment facilitez-vous ces procé- soutien pour le maintien à l’emploi. dures de maintien en entreprise ? tion par le conseiller en prévention-mé- decin du travail (CPMT) et un plan de ré- Tout commence en général par une Votre stratégie fonctionne-t-elle dans intégration élaboré par l'employeur. Soit séance de sensibilisation. Selon nous, tous les cas ? l’entreprise peut réaménager le poste de il s'agit d'un outil très important. Nous la personne, ce qui permet une réintégra- venons sur place raconter aux employés Hélas, tous les parcours ne sont pas si « tion complète (temps plein) ou partielle l'histoire de leur collègue, en nous ap- idéaux ». Ainsi, par exemple, certaines (mi-temps professionnel, mi-temps médi- puyant aussi sur d'autres témoignages personnes statutaires gardent leur em- cal). Soit, si cela est impossible, la per- présentés dans des vidéos. Nous propo- ploi mais celui-ci est vidé de son sens : sonne peut lancer des démarches pour sons également de mettre en situation on les laisse dans leur service, sans rien être couverte par la mutuelle ou par le les collègues directs et les managers de changer, alors qu'elles ne peuvent plus chômage. notre bénéficiaire, notamment grâce à y être efficaces en raison de leur patho- Plus d’informations sur le site de MENSU- des lunettes spéciales. Elles permettent, logie visuelle. Il est difficile de savoir RA (Service externe de Prévention et de lorsqu'on les porte, de se représenter pour quelles raisons de telles situations les conséquences des différentes patho- sont encore constatées. S'agit-il d'un Protection au Travail de Belgique) https:// logies visuelles. Sans rien dissimuler, on manque de considération ? D'un manque www.mensura.be/fr/acces-client/dos- démystifie ainsi la pathologie visuelle, de volonté de l'employeur de réfléchir siers/sur-la-reintegration-des-malades- qu'il s'agisse d'un glaucome, d'une réti- aux aménagements à apporter ? Ou se de-longue-duree-mode-d-emploi. 12 Bruxelles Santé 90 Sommaire
de parcours alambiqué était devenue Par ailleurs, une des autres difficultés Un manque de extrêmement complexe. Et pour un tel profil, à ce stade-là, proposer une for- liées à la problématique de la réinsertion professionnelle des personnes en situa- reconnaissance mation qualifiante d’agent d’accueil ou tion de handicap est l’aspect pécuniaire. qui freine le progrès ? d’employé administratif, - que nous orga- Celles-ci, lorsqu’elles sont demandeuses nisons dans notre centre de formation d’emploi, perçoivent des allocations L’inclusion et l’insertion de la personne professionnelle10 - cela n’avait plus aucun chômage, ainsi qu’une indemnité du handicapée dans la société demandent sens ! SPF Sécurité Sociale. Dans le cas où l’un un travail supplémentaire en matière Heureusement, les situations très dif- de ces profils trouverait un emploi, il est d'accompagnement. Et cela exige de ficiles de ce type ne sont pas majori- indispensable pour les professionnels développer en parallèle un travail de taires et notre accompagnement dans le chargés de leur accompagnement de réseautage, de communication, d’orga- maintien à l’emploi rencontre des échos s’assurer qu’une rétribution leur permet- nisation de colloques, de journées de positifs dans bien des cas, que ce soit tant de maintenir une vie décente leur sensibilisation... mais qui manque de de la part des personnes concernées, de sera octroyée. Trouver un travail est une reconnaissance. Cette absence de consi- leurs proches ou des employeurs. chose, mais il reste primordial que le « job dération par les instances subsidiantes coach » veille à ce que cet emploi ne soit empêche de dégager davantage de pas précaire ou, du moins, ne mène pas temps pour toutes ces actions pourtant à une situation de précarité. Un véritable indispensables à l’évolution positive de Entre le terrain pari sur l'avenir et sur la viabilité de la l’inclusion de la personne en situation de et le monde politique réinsertion. handicap dans le monde du travail. Et au sein-même de la société. n Mieux cibler les personnes Une recherche d’emploi pour une per- Dossier rassemblé sonne en situation de handicap deman- dans le besoin par Yamina Seghrouchni de parfois plus de travail de la part des services d’accompagnement. Mais cette Sur le terrain, des modalités doivent inclusion reste indispensable pour le encore être discutées quant au public bon équilibre de chacun. Au sein de cible à orienter vers certaines associa- 1. L’Organisation de Coopération et de Dé- la Ligue Braille, on observe que les tions. De fait, dans la pratique, il s’avère veloppement Economique. services flamands ont davantage une que les antennes d’Actiris peuvent être 2. Les travailleurs handicapés ? Des travail- obligation de mise à l’emploi des béné- amenées à réorienter une personne leurs !, AViQ, 2018, https://www.aviq.be/ ficiaires. En revanche, du côté franco- souffrant d’un handicap lié aux séquelles handicap/pdf/documentation/publica- phone, il est encore possible de travail- du travail plutôt que d'une pathologie tions/emploi/Brochure-Travailleurs-han- ler plus spécifiquement le projet profes- congénitale ou génétique. Avec cette dicapes.pdf. 3. Art. 1, paragraphe 2, de la Convention des sionel d'une personne en situation de acception très vaste du « handicap », Nations-Unies relative aux Droits des Per- handicap en recherche d’emploi. les asbl impliquées dans le secteur re- sonnes Handicapées (CDPH). çoivent de plus en plus de personnes 4. Définition de l’Organisation mondiale Rebecca Lévêque, conseillère en com- ayant un problème de dos, une paralysie de la Santé (OMS), https://www.ccah.fr/ munication au sein de la Ligue Braille, faciale ou une hernie. Ces dernières dis- CCAH/Articles/Les-differents-types-de- handicap. est formelle « La Cocof (Commission posent toutes des capacités pour entre- 5. « Situation des personnes handica- Communautaire Française) se mobilise prendre les démarches seules : « Nous pées dans l'UE », Eurostat, 02/12/2014, au sujet du handicap. Un groupe de n’avons pas l’impression de leur appor- http://ec.europa.eu/eurostat/ travail au sein du Conseil consultatif ter une plus-value et avons donc le senti- documents/2995521/6181600/3-02122014- de la Personne handicapée (CCPH) tra- ment de passer à côté de personnes avec BP-FR.pdf/55394f4c-1dea-4d3d-a9bd- vaille sur l'accessibilité au sens large. un handicap plus important et qui au- 6fc936455d03. 6. Décret relatif à l'inclusion de la per- Ce groupe permet de faire une liaison raient besoin d’une aide plus spécialisée. sonne handicapée, Art. 2, http://www. entre les réclamations sur le terrain et Nous avons de longues listes d’attente etaamb.be/fr/decret-du-17-janvier-2014_ les pouvoirs locaux afin d’améliorer, de et nous aimerions agir le plus efficace- n2014031571.html. consolider le travail déjà en cours. » D’un ment possible en travaillant, entre autres, 7. Ibid., Art. 56. autre côté, avec son projet APS, Actiris à renforcer l'autonomie de la personne », 8. De 13h30 à 16h dans les locaux du Lounge avenue des Frères Legrain, 81 - 1150 BXL. déploie aussi des moyens pour répondre relève encore Rebecca Lévêque. 9. Décret relatif à l’inclusion de la personne à l’appel grandissant des associations handicapée, Art. 48 du 17 janvier 2014. de terrain quant à la mise à l’emploi des 10. Centre de formation professionnelle personnes en situation de handicap. agréé par Bruxelles-Formation. Bruxelles Santé 90 13 Sommaire
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