Covid et handicaps au prisme des désinstitutionalisation

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Covid et handicaps au prisme des institutions et de la
désinstitutionalisation*

Isabelle HACHEZ
Professeure de droit à l’USL-B (CIRC)
Louis TRIAILLE
Doctorant du projet de recherche ARC AutonomiCap

Ancrée dans une analyse juridique, la présente étude tente d’offrir une vue d’ensemble des
mesures prises durant la crise sanitaire pour encadrer les situations de handicap. Dans cette
perspective, elle évoque tour à tour les dispositifs normatifs qui ont jalonné les séjours en
institution d’hébergement, ceux qui ont rythmé la vie des personnes à domicile et alentour,
ainsi que l’accès aux soins hospitaliers. L’étude propose ensuite de lire à l’aune du droit des
droits fondamentaux, non pas tant les situations générales et abstraites décrites, que les cas
individuels qui ont vécu ces situations de manière potentiellement fort différenciée selon les
circonstances et les subjectivités. De l’invitation à « penser par cas » les situations de handicap
et les atteintes aux droits fondamentaux par le prisme de la grille de lecture qu’elle suggère,
l’étude renoue enfin avec une dimension plus collective, consistant à esquisser pour l’avenir
quelques perspectives possibles, nourries des enseignements des temps de crise.

PROPOS INTRODUCTIFS

1.     Alors que, depuis le début de la crise sanitaire, les personnes âgées et les maisons
de repos sont au centre des préoccupations et des communiqués officiels, la question du
handicap – des handicaps – est demeurée largement invisible dans la sphère publique
belge1. Ainsi, parmi les quelque quarante procès-verbaux de séances tenues par la
Conférence interministérielle Santé publique entre mars et décembre 2020, seules cinq
mentions des centres pour personnes handicapées sont à dénombrer, dont quatre en avril

*   La présente étude constitue la version longue, centrée sur la situation des personnes handicapées, de deux autres
    contributions également consacrées aux personnes âgées, incarcérées et étrangères (voy. I. HACHEZ, M. HARDT, L.
    LOSSEAU, O. NEDERLANDT, S. SAROLÉA et L. TRIAILLE, « Des personnes vulnérables aux situations de vulnérabilité: à quoi
    sert le droit en temps de Covid ? », à paraître dans la livraison de la Rev. trim. dr. h. d’octobre 2021; des mêmes auteurs,
    « Quelles réponses publiques aux vulnérabilités en temps de Covid ? », Covid-19 et droit public, sous la dir. de Fr. Bouhon,
    E. Slautsky et S. Wattier, à paraître en novembre 2021). Elle a bénéficié de l’apport d’échanges avec plusieurs acteurs
    (Thomas Dabeux; Véronique Duchenne; Marisa Fella; Caroline Gaussin; Véronique Ghesquière; Anne Ketelaer; Bruno
    Lombaert; Laurie Losseau; Gisèle Marlière; Edith Poot; Amandine Rubio et Carole Van Basseleare) qui se sont exprimés
    à titre personnel et que nous tenons à très chaleureusement remercier, sachant que nous assumons seuls la responsabilité
    des propos qui suivent. On précise enfin que cette étude se concentre sur la période couvrant les deux premières vagues de
    la crise sanitaire, sans aborder spécifiquement le contexte juridique de la 3e vague (correspondant aux mois de mars et avril
    2021). Tout au plus sera-t-il parfois fait allusion, lors de l’évocation des mesures adoptées dans le cadre de la 2 e vague, à
    leur modification ou prolongation compte tenu de la survenance de la 3 e vague.
1   Age et handicap peuvent cependant se recouvrir, une personne âgée pouvant aussi être une personne handicapée. Mais une
    personne âgée n’est pas nécessairement une personne handicapée – ce que la crise Covid a parfois contribué à occulter.
    Inversement, les handicaps ne touchent pas uniquement des personnes âgées.

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pendant la première vague: à chaque fois, il est question d’élargir à ces centres dans le
futur – sans plus de précision – des mesures de soutien et de testing alors décrétées en
faveur des maisons de repos 2.

Ce n’est pourtant pas faute pour le Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées
(CSNPH) d’avoir rapidement tiré la sonnette d’alarme3, ni pour UNIA, en charge de la
promotion, de la protection et du suivi de la Convention onusienne relative aux droits des
personnes handicapées (CDPH), d’avoir fait preuve de proactivité4. Ce n’est pas faute non plus
pour les associations, les personnes handicapées et leurs familles d’avoir lancé des cris d’alerte5.

À l’échelle internationale, également, l’attention à porter aux situations de handicap fut très tôt
rappelée par les instances onusiennes, tant sous l’angle du droit à la santé que des mesures
requises pour contrer les attitudes négatives, l’isolement et la stigmatisation risquant
d’accompagner la crise6 – et ce, dans la droite ligne de l’article 11 de la CDPH qui, dans les
situations de risques et d’urgence humanitaire, enjoint aux États parties d’adopter « toutes
mesures nécessaires pour assurer la protection et la sûreté des personnes handicapées »7.

Au sens de la CDPH, que l’État belge a ratifiée le 2 juillet 2009, le handicap recouvre un spectre

2   Cf. les PV de réunion de la CIM disponibles sur le site Internet du SPF Santé publique:
    https://organesdeconcertation.sante.belgique.be/fr/organe-d%27avis-et-de-concertation/conference-interministerielle-
    sante-publique. Le même ordre de priorités s’est reflété pour les vaccins (cf. not. la circulaire du 26 janvier 2021 de la
    ministre Christie Morraele à l’attention des Directeurs et Directrices des services d’hébergement agréés par l’AVIQ).
3   Cf. ses avis et autres communications « Covid », émis dès le 13 mars 2020 avec un premier intitulé éloquent: « les
    personnes handicapées, les oubliés du Covid-19 ? » (http://ph.belgium.be/fr/dossier-covid-19.html), et, en particulier, les
    avis n° 2020/08, 2020/09, 2020/24.
4   Cf. UNIA, Covid et droits humains: impact sur les personnes handicapées et leurs proches. Résultats de la consultation,
    juillet 2020, 53 p. (https://www.unia.be/fr/articles/la-crise-du-coronavirus-a-eu-un-impact-dramatique-sur-les-personnes-
    en-situation-de-handicap); UNIA, Covid-19. Les droits humains mis à l’épreuve, 2020, 71 p.
    (https://www.unia.be/fr/publications-et-statistiques/publications/covid-19-les-droits-humains-a-lepreuve-2020).
5   Pour un aperçu d’ensemble, s’arrêtant au 3 novembre 2021, cf. les podcast de l’Association Socialiste de la Personne
    Handicapée (ASPH) réalisée à l’occasion de la Journée des personnes handicapées du 3 décembre 2021
    (https://associations-solidaris-liege.be/accueil/asph/03-12-podcasts-handicap-et-confinement/;
    https://www.youtube.com/watch?v=NhL7o9UsF1w&list=PLElqIAKxHMXHGLl_ZjmIgmH2ti7tCZB4E). Cf. aussi
    l’émission « investigation » du 7 octobre 2020 de la RTBF: « Le handicap, un confinement perpétuel »
    (https://www.rtbf.be/auvio/detail_investigation?id=2688950), ainsi que les pages facebook de Gamp et d’Inclusion. Cf.
    encore, concernant les personnes âgées atteintes de troubles mentaux, le Rapport Amnesty international Belgique, Les
    maisons de repos dans l’angle mort. Les droits humains des personnes âgées pendant la pandémie de Covid-19 en Belgique,
    58 p. Voy. enfin, en France, l’article de V. SCHNEIDER, « Covid-19: entre confinement et restrictions, l’épreuve sans fin
    des familles de handicapés », Le Monde, 2 mars 2021.
6   Special Rapporteur on the rights of persons with disabilities, Catalina Devandas, « Covid-19: Who is protecting the people
    with disabilities? », 17 March 2020; Président du Comité des Nations Unies pour les droits des personnes handicapées, au
    nom du Comité des Nations Unies pour les droits des personnes handicapées et l’Envoyée spéciale du Secrétaire général
    des Nations Unies sur le handicap et l’accessibilité, « Déclaration conjointe: les personnes handicapées et le Covid-19 »,
    1er avril 2020; United Nations Human Rights Office of the High Commissioner, « Covid-19 and the Rights of persons with
    disabilities: Guidance », 29 avril 2020, 11 p.; A. Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, « Policy Brief: A
    Disability-Inclusive Response to Covid-19 », Mai 2020, 18 p.; Comité des droits des personnes handicapées, « Statement
    on Covid-19 and the human rights of persons with disabilities », 9 juin 2020 – qui endosse les quatre sources précitées.
    Voy. aussi, à l’échelle du Conseil de l’Europe: Secrétaire général du Conseil de l’Europe, « Respecter la démocratie, l’Etat
    de droit et les droits de l’homme dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19. Une boîte à outils pour les Etats membres »,
    7 avril 2020, p. 5. Adde H. Liu, «The global Covid-19 crisis and protection of the rights of people with disabilities», 9 april
    2020, Blog, Maastricht University. Voy. encore, depuis lors: Disability Rights During the Pandemic. A global report on
    findings of the COVID-19 Disability Rights Monitor (COVID DRM), octobre 2020, 56 p. (https://covid-
    drm.org/assets/documents/Disability-Rights-During-the-Pandemic-report-web.pdf).
7   Cf. e.a. S. MOTZ, « Article 11 – Situations of Risk and Humanitarian Emergencies », The UN Convention on the Rights of
    Persons with Disabilities. A commentary, I. Bantekas, M.A. Stein et D. Anastasiou (eds.), Oxford University Press, 2018,
    pp. 314 à 338; G.C. BRUNO, « Article 11 – Situations of Risk and Humanitarian Emergencies », The United Nations
    Convention on the Rights of Persons with Disabilities. A commentary, V. Della Fina, R. Cera, G. Palmisano (eds.), Springer,
    2017, pp. 253 à 261. Voy. aussi la Déclaration conjointe précitée (note 6), point 2.

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très large de situations (trouble mental, surdité, dyslexie, obésité, tétraplégie, ...), se situant à la
croisée d’incapacités individuelles durables et de barrières – juridiques, environnementales,
comportementales, ... – érigées par la société8; il toucherait 15% de la population à l’échelle
mondiale9, sans compter l’entourage potentiellement impacté. Aucune statistique du nombre et
des types de handicaps n’est par contre disponible au sein de l’ordre juridique belge, qui voit
par ailleurs coexister différentes définitions du handicap, évalué de manières diverses selon les
législations et les collectivités politiques considérées. À la diversité des situations de handicap
s’ajoute en effet, en droit belge, l’éclatement des compétences en matière de handicap: la
compétence de principe des communautés pour la politique des personnes handicapées 10 –
transférée à la Région wallonne et à la Commission communautaire française en vertu de
l’article 138 de la Constitution – demeure assortie de réserves importantes au profit de l’autorité
fédérale, tandis que les régions disposent de leviers, notamment dans le domaine des transports,
du logement, de l’emploi ou de l’urbanisme, pour développer une approche inclusive du
handicap11.

L’éclatement des compétences et la diversité des handicaps, à la fois pluriels et uniques,
compliquent certes l’attention à leur porter dans la gestion de la crise. Mais, dans le même
temps, ils rendent d’autant plus importantes la concertation et la communication des initiatives
prises à l’égard des personnes handicapées souvent peu familières des arcanes juridiques et dont
certaines présentent une vulnérabilité encore accrue par la crise sanitaire12. Les lieux collectifs
de vie, accueillant, de jour ou de nuit, des personnes handicapées, sont en outre particulièrement
vulnérables au Covid13. Aussi, dans le cadre du confinement généralisé de la première vague14,
ont-ils été conduits à forcer les résidents et leur famille à se positionner, du jour au lendemain,
sur leur maintien – ou non – en institution résidentielle, dans l’incertitude la plus complète des
perspectives à venir15. Le repli de l’institution s’est donc accompagné, pour les personnes
handicapées et leurs proches, de confinements à domicile, avec de part et d’autre, la crainte de
contaminations dans un contexte où l’accès aux hôpitaux apparaissait incertain, et a pu
contribuer en retour – en tout cas durant la première vague – à renforcer l’isolement des uns et
des autres.

8    Art. 1, al. 2, de la CDPH. Pour un commentaire, voy. not. J. DAMAMME, in Les grands arrêts en matière de handicap, sous
     la dir. de I. Hachez et J. Vrielink, Bruxelles, Larcier, 2020, pp. 121 et s. Différentes vulnérabilités peuvent du reste se
     cumuler, comme l’âge et le handicap (cf. A. GUTERRES, op. cit., spéc. pp. 4 et 5, et, plus largement: M. DE PAUW, in Les
     grands arrêts ..., op. cit., pp. 275 et s. Adde: Covid-DRM, op. cit., pp. 35-40; Women’s Enabled International, « Covid-19
     at the Intersection of Gender and Disability: findings of a Global Human Rights Survey », Mars-avril 2020,
     https://womenenabled.org/blog/covid-19-survey-findings/).
9    Selon les chiffres de l’OMS (https://www.who.int/features/factfiles/disability/fr/).
10   Art. 5, § 1er, II, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
11   Voy. X. DELGRANGE et M. EL BERHOUMI, in Les grands arrêts ..., op. cit., pp. 100 et s.
12   Une circulaire du 23 octobre 2020 de la Ministre wallonne de la Santé et de l’Égalité des chances résume bien les principales
     difficultés auxquelles sont confrontées les autorités pour adopter des réponses adéquates en matière de handicap: « les
     personnes en situation de handicap constituent un ‘groupe hétérogène’ eu égard chacune à leur ‘type de handicap’, leur
     âge, leurs besoins et attentes. Elles peuvent donc en fonction de leur situation constituer un public vulnérable à l’épidémie
     de Covid-19, particulièrement les personnes présentant des comorbidités. À cette vulnérabilité peut s’ajouter pour elles la
     difficulté à mettre en place les gestes barrières. Les personnes en situation de handicap sont également soumises à des
     risques particuliers liés à un confinement. Les risques somatiques, psychologiques, et psychiques concernent l’ensemble
     des personnes en situation de handicap, du fait de leur vulnérabilité initiale (décompensation, aggravation des troubles
     moteurs, troubles du comportement, conduites addictives, risque dépressif, de dénutrition…)».
13   Cf. à cet égard, de manière plus générale: Comité européen pour la prévention de la torture, « Déclaration de principes
     relative au traitement des personnes privées de liberté dans le contexte de la pandémie de coronavirus (COVID-19) », 20
     mars 2020, CPT/Inf(2020)13.
14   Sur l’éventualité de mesures de confinement limitées à certaines catégories de personnes, voy., en France, K. PICARD et J.
     PADOVANI, « Le confinement ciblé des personnes vulnérables à la Covid-19 à l’épreuve du droit », Le Club des juristes, 18
     novembre 2020.
15   UNIA, Covid et droits humains ..., op. cit., p. 23, point 8.

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À défaut de mettre fin à cet isolement, le droit doit le contenir et l’encadrer pour contrer les
inégalités entre les personnes handicapées et le reste de la population. À cet égard, c’est
l’(in)accessibilité des dispositifs adoptés qui interpelle d’emblée: même a posteriori, même
pour des juristes, chercher à obtenir une vue d’ensemble des mesures prises à destination des
personnes handicapées depuis le début de la crise relève du parcours du combattant16. Après
avoir donné un aperçu panoramique des situations de handicap (I), on tirera du contexte de crise
quelques enseignements sous l’angle du droit des droits fondamentaux. Comme ailleurs17, la
crise n’a pas tant révélé de nouvelles situations, que rendu visibles des lacunes, renforcé des
inégalités et exacerbé des tensions qui lui préexistaient18. Si, durant la pandémie, les personnes
handicapées ont pu subir des atteintes à leurs droits fondamentaux parfois extrêmement fortes,
encore faut-il pouvoir établir si elles demeurent malgré tout à l’intérieur du cadre tracé par le
droit des droits fondamentaux ou, au contraire, si elles l’outrepassent. En définitive, il s’agira
surtout de rebondir collectivement et d’envisager l’avenir, sur la base de ce que la crise dit de la
prise en compte des handicaps (II).

I - APERÇU PANORAMIQUE DES SITUATIONS DE HANDICAP EN TEMPS DE
    COVID

2.      Dès le mois de mars 2020, les arrêtés ministériels fédéraux ont prévu la possibilité
de déroger aux règles de confinement pour fournir assistance et soin aux personnes
handicapées, notamment19. Ainsi l’arrêté ministériel du 18 mars 2020 permet-il de se
trouver sur la voie publique « pour des raisons urgentes telles que (…) fournir l'assistance
et les soins aux personnes âgées, aux mineurs, aux personnes en situation d'handicap et
aux personnes vulnérables »20. Au moment de fermer les services publics et entreprises,

16   Aucun site ne centralise l’ensemble des dispositifs applicables au secteur du handicap. Ainsi, le site du SPF-Santé ne
     renvoie, sous le secteur « santé », qu’à certaines circulaires de l’AViQ (https://www.info-coronavirus.be/fr/protocols/). Des
     acteurs publics et privés ont tenté de combler ce déficit mais ne sont parvenus à le faire que de manière incomplète, sans
     référence systématique aux sources des droits et obligations décrits. Cf. not. l’Aperçu des mesures Covid-19, en soutien
     aux situations de pauvreté et de précarité, réalisé par le Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale
     (9e version du 29 janvier 2021, 114 p.); les ressources normatives rassemblées sur le site de l’ASBL « Inclusion » ou encore
     le dossier « Covid », précité (note 3), du CSNPH. Quant à l’institution scientifique Sciensano, elle précise dans son
     document concernant les « populations en collectivités résidentielles » (https://covid-19.sciensano.be/fr/covid-19-
     procedures) que « pour certaines autres institutions résidentielles (centres pour personnes présentant un handicap par
     exemple) des informations complémentaires peuvent être trouvées sur les sites des autorités régionales compétentes »,
     avant de renvoyer, de manière incomplète, aux seuls sites Internet de l’AViQ (l’Agence pour une Vie de Qualité), de la
     VAPH (Vlaams Agentschap voor Personen met een Handicap) et d’Iriscare - point question de Phare, ni de l’Office de la
     Communauté germanophone. Peut-être l’inventaire des dispositifs applicables aux personnes handicapées en temps de
     Covid sera-t-il fourni, a posteriori, par l’État belge dans le cadre du mécanisme de rapportage devant le Comité des droits
     des personnes handicapées ? En tout cas peut-on lire, sous la plume de ce dernier, que « Dans leur rapport les États parties
     devraient exposer les mesures prises pour garantir leur protection et leur sûreté, y compris les mesures prises pour assurer
     la prise en considération des personnes handicapées dans les protocoles nationaux applicables en temps d’urgence »
     (CDPH, Directives concernant le document spécifique à l’instrument à soumettre en application du paragraphe 1 de l’article
     35 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, CRPD/C/2/3, 18 novembre 2020, pt B, art. 11).
17   Voy. en ce sens, notamment, la thèse qui tient lieu de fil rouge à Hugues Dumont dans sa contribution « Ce que le Covid-
     19 fait à l’Etat et à l’Union européenne. Quelques éléments de théorie générale de l’Etat revisités à la lumière de la crise
     du Covid-19 » (à paraître en novembre 2021 dans les actes du colloque « Covid-19 et droit public », sous la dir. de Fr.
     Bouhon, E. Slautsky et S. Wattier).
18   Dans son rapport « Covid-19 – Les droits humains mis à l’épreuve », UNIA écrit en ce sens: « l’épidémie et les mesures
     d’urgence ont accentué des sillons déjà creusés » (2020, p. 4).
19   Cf. à cet égard la contribution de Pierre-Olivier de Broux et Antoine Mayence sur « la continuité des services essentiels en
     temps de pandémie », et l’analyse qu’ils livrent sous l’angle des obligations positives déduites des droits fondamentaux (à
     paraître en novembre 2021 dans les actes du colloque « Covid-19 et droit public », sous la dir. de Fr. Bouhon, E. Slautsky
     et S. Wattier).
20   Arrêté du Ministre de la Sécurité et de l’Intérieur du 18 mars 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation

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les « services de soins, d'accueil et d'assistance aux personnes âgées, aux mineurs, aux
personnes moins valides et aux personnes vulnérables » ont d’emblée été considérés
comme des « services privés et publics qui sont nécessaires à la protection des besoins
vitaux de la Nation et des besoins de la population ». À ce titre, ils ont échappé à la
suspension générale de leurs activités 21. D’autres dérogations se sont ajoutées,
notamment pour les entreprises du secteur non-marchand fournissant des « services de
soins et d'assistance sociale aux publics vulnérables »22. En tant que services essentiels,
« les institutions de soins, d'accueil et d'assistance » ne se sont pas vu appliquer de
manière stricte l'obligation de télétravail et les règles de distanciation sociale 23. Elles
étaient toutefois « tenu(e)s de (les) mettre en œuvre, dans la mesure du possible » 24.

Les autorités publiques ont par ailleurs veillé à soutenir financièrement les institutions pour

     du coronavirus COVID-19, art. 8. L’interdiction de déplacements non-essentiels et son exception ont été maintenues
     jusqu’à leur abrogation par l’art. 9 de l’arrêté ministériel du 5 juin 2020, tandis que l’arrêté ministériel du 23 mars 2020
     qui a remplacé l’arrêté du 18 mars 2020 et fut régulièrement modifié pendant toute la première vague épidémique, a été
     abrogé et remplacé par un arrêté ministériel du 30 juin 2020. Entre le 30 juin 2020 et le 18 octobre 2020, la référence aux
     groupes vulnérables est absente des arrêtés ministériels de confinement, l’interdiction des déplacements non-essentiels
     ayant été levée. Des règles de distanciation physique sont néanmoins maintenues, qui prévoient alors une exception « entre
     les accompagnateurs d'une part et les personnes ayant besoin d'une assistance d'autre part » (arrêté ministériel du 30 juin
     2020, art. 19). Les mesures accompagnant la deuxième vague épidémique voient revenir une interdiction de déplacements
     non-essentiels – cette fois, uniquement entre minuit et cinq heures du matin – et son exception en faveur de l’assistance
     aux groupes vulnérables, empruntée mutatis mutandis aux arrêtés de la première vague (art. 16 de l’arrêté ministériel du
     18 octobre 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19; art. 14 de l’arrêté
     ministériel du 28 octobre 2020, abrogé par l’arrêté ministériel du 23 juin 2021).
21   Annexe des arrêtés ministériels précités des 18 et 23 mars 2020, du 30 juin 2020, des 18 et 28 octobre 2020.
22   Annexe des arrêtés ministériels précités des 23 mars 2020, du 30 juin 2020, des 18 et 28 octobre 2020.
23   Art. 2 et 3, et annexes, des arrêtés ministériels précités des 18 et 23 mars 2020; art. 2, § 1, et annexes, des arrêtés ministériels
     des 30 juin, 18 et 28 octobre 2020.
24
     Ibidem. On épinglera par ailleurs, au titre de soft law, les « procédures spécifiques » édictées par Sciensano, et notamment
     celles qui sont applicables aux « populations en collectivités résidentielles – Prisons, centres d’accueils des demandeurs
     d’asile et sans-abris, ou équivalent ». On peut lire dans cette brochure, mise à jour le 1er octobre 2020, qu’« il reste important
     de protéger autant que possible les personnes à risque de présenter une forme sévère de la maladie. Ceci est d’autant plus
     important pour les personnes vivant dans une collectivité (fermée ou ouverte), au vu de la promiscuité et de la surpopulation
     fréquente dans les institutions. Les recommandations suivantes sont des lignes directrices, à mettre en œuvre dans la mesure
     du possible. Si des ressources supplémentaires sont requises, chaque institution devra les communiquer aux autorités
     compétentes                   respectives »                 (https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-
     19_procedure_collectivity_FR.pdf). Voy. aussi la directive « COVID-19: mesures pour le personnel soignant et résidents
     testés        dans       le      cadre       d’un        dépistage       dans       les         collectivités »      (https://covid-
     19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_procedure_HCW%20screening_FR.pdf). On signale encore
     l’existence de la Task Force fédérale « groupes vulnérables » qui s’est réunie, pour la première fois, le 9 avril 2020 (sur la
     création d’une Task Force « familles vulnérables » à l’échelle de la Communauté flamande, cf. l’aperçu, précité, des
     mesures COVID-19, en soutien aux situations de pauvreté et de précarité, réalisé par le Service de lutte contre la pauvreté,
     la précarité et l’exclusion sociale).

                                                                     2021/4 | Revue Droits fondamentaux et pauvreté - 5
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personnes handicapées25, tout comme à favoriser les possibilités de renfort en personnel26. Ces
initiatives rejoignent les directives adoptées par le Haut-Commissaire des Nations Unies le 29
avril 2020, lesquelles invitaient les États à augmenter temporairement les ressources des
institutions, avant de renforcer, après la crise, le processus de désinstitutionalisation27. Elles
n’ont cependant pas toujours été effectives: dans la pratique, certains services et institutions se
sont vidés de leur personnel sans voir des renforts arriver.

Quel qu’ait été leur lieu de résidence (en institution ou à domicile), les personnes handicapées
ont, pour leur part, pu bénéficier d’un soutien fédéral sous la forme d’une prime28.

3.      C’est dans ce cadre général que les personnes handicapées, leur entourage et les
différents acteurs intervenant dans le champ du handicap ont été conduits à se positionner
et à évoluer durant la crise. En complément des dispositifs juridiques que l’on vient
d’évoquer, on rendra compte, ci-dessous, des données normatives qui nous ont paru les
plus significatives concernant différents types d’institutions, à commencer par les centres
d’hébergement pour personnes handicapées (section 1). On examinera ensuite la situation
des personnes handicapées vécue à l’extérieur des lieux de résidence collective, à
domicile et alentour, et, dans leur giron, les institutions comme les différents centres de
jour, services de répit, d’accompagnement, de loisirs et d’aide à domicile mais, aussi, les
25   La Communauté flamande soutient les institutions tantôt directement, par l’octroi de subventions spéciales, tantôt
     indirectement, via le persoonsvolgend budget (PVB) des usagers qui contribue à financer ces mêmes institutions. Par
     contraste, le droit francophone et bilingue est uniquement centré sur les institutions. En Communauté flamande, voy.: arrêté
     du 3 avril 2020 visant à subventionner le soutien temporaire au management pour la gestion de crise en cas de flambée de
     COVID-19 dans les structures résidentielles du domaine politique « Bien-être, Santé publique et Famille »; arrêté du 24
     avril 2020 instaurant un certain nombre de mesures de soutien aux centres de soins résidentiels, aux centres de court séjour,
     aux centres de soins de jour et aux centres d'accueil de jour suite à la crise du COVID-19; arrêté du 30 avril 2020 relatif
     aux conséquences financières des mesures de lutte contre le COVID-19 pour les structures pour personnes handicapées et
     pour personnes handicapées bénéficiant du soutien de la « Vlaams Agentschap voor Personen met een Handicap »; arrêté
     du Gouvernement flamand du 8 mai 2020 ajustant les procédures et délais administratifs dans la réglementation du domaine
     politique du bien-être, de la santé publique et de la famille à la suite de la propagation du Covid-19 et modifiant divers
     arrêtés du gouvernement flamand dans ce domaine politique, spéc. art. 42 et 55; arrêté du Gouvernement flamand du 29
     mai 2020 établissant les règles d'octroi d'une subvention aux structures résidentielles dans le domaine politique Bien-être,
     Santé publique et Famille pour le remboursement de certains frais par suite de l'épidémie de COVID-19; arrêté du
     Gouvernement flamand du 18 décembre 2020 établissant des mesures visant à continuer le soutien aux personnes
     handicapées en période de résurgence du COVID-19. En Région wallonne, cf. arrêté de pouvoirs spéciaux n° 14 du
     Gouvernement wallon du 10 avril 2020 relatif aux diverses dispositions prises en matière de financement des opérateurs
     du secteur de la santé; arrêté de pouvoirs spéciaux n° 36 du Gouvernement wallon du 7 mai 2020 relatif aux diverses
     dispositions prises en matière de financement des opérateurs du secteur du handicap; arrêté de pouvoirs spéciaux n° 53 du
     Gouvernement wallon du 16 juin 2020 relatif aux diverses dispositions prises dans le cadre du déconfinement COVID-19
     pour les secteurs de la santé, du handicap et de l'action sociale, spéc. art. 3; arrêté de pouvoirs spéciaux n° 60 du
     Gouvernement wallon du 3 décembre 2020 relatif aux diverses dispositions prises en matière de financement des opérateurs
     du secteur de la santé et du handicap dans le cadre de la gestion de la crise de COVID-19. Pour les institutions
     bruxelloises, cf. not. la circulaire Iriscare du 24 novembre 2020 relative aux mesures de soutien aux entreprises du secteur
     non-marchand suite à la crise COVID-19 - Prolongation de la période de subvention pour le secteur des personnes
     handicapées (disponible sur son site www.iriscare.brussels); https://pro.guidesocial.be/articles/actualites/bruxelles-un-
     fonds-de-29-millions-d-euros-pour-aider-le-non-marchand.
26   On songe en particulier à la facilitation du déploiement de jeunes volontaires ou de stagiaires dans les structures
     résidentielles (cf. not. arrêté de pouvoirs spéciaux n° 38 du Gouvernement wallon du 7 mai 2020 permettant de déroger
     aux règles et conditions d'octroi des prestations familiales aux enfants de plus de 18 ans; arrêté ministériel fédéral du 3 avril
     2020 modifiant l'arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du
     coronavirus COVID-19, art. 6, dernier alinéa), à la mise à disposition de personnel (cf. not. arrêté de pouvoirs spéciaux n°
     14 du 27 avril 2020 pris en exécution de l'article 5, § 1, 5°, de la loi du 27 mars 2020 accordant des pouvoirs au Roi afin
     de prendre des mesures dans la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (II) visant à garantir la bonne
     organisation du travail dans les secteurs critiques, art. 5) et aux transferts de personnel entre centres de jour et
     d’hébergement (cf. not. Circulaire Iriscare du 26 novembre 2020, p. 3).
27   Cf. les directives onusiennes précitées (note 6) du Haut-Commissaire aux droits de l’homme, point 2.
28   Arrêté royal n° 47 du 26 juin 2020 pris en exécution de l'article 5, § 1er, 3° et 5°, de la loi du 27 mars 2020 accordant des
     pouvoirs au Roi afin de prendre des mesures dans la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (II) en vue de
     l'octroi d'une prime temporaire aux bénéficiaires de certaines allocations d'assistance sociale, spéc. art. 1, 3°, 3 et 4.

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Doctrine

soutiens apportés aux aidant-proche, les aménagements raisonnables ou autres mesures
calibrées pour tenir compte des besoins spécifiques des personnes handicapées (section
2). Enfin, on envisagera la question de l’accès des personnes handicapées à l’institution
hospitalière (section 3)29.

Section 1 –          La vie en institution d’hébergement

4.     Par institutions, on vise ici les services résidentiels agréés par une des entités
fédérées au titre de leur compétence en matière de politique des personnes handicapées 30,
sans distinguer selon qu’ils accueillent des enfants ou des adultes 31.

5.      Ces institutions n’ont pas échappé au lot de tous les lieux de vie collectifs, en étant
par ailleurs moins médicalisées que les maisons de repos, et donc plus vulnérables aux
conséquences de l’éclatement d’un foyer épidémique en leur sein32. « Alors que la
priorité se focalisait sur le maintien à tout prix de la capacité des hôpitaux à faire face à
un afflux de patients pour éviter le scénario italien ou espagnol, les résidents et personnel
de structures collectives telles que les maisons de repos (mais également les centres
d’hébergement et d’accueil pour personnes en situation de handicap, etc.) se sont
retrouvés livrés à leur sort », peut-on lire dans le rapport de Médecins Sans Frontières.
Et ce même rapport de souligner qu’il s’agissait de « lieux de vie transformés en hôpitaux
de fortune, mais manquant de tout: d’équipements de protection, de matériel médical et
de dépistage, de personnel soignant en nombre suffisant pour livrer cette bataille sans
précédent, et de connaissances en matière de gestion des épidémies en milieu fermé »33.

6.      D’un point de vue juridique, et quelle que soit la collectivité compétente, la vie en
institution a été jalonnée par l’adoption de nombreuses circulaires, voire de « Foire Aux
Questions » (« FAQ »), dont la tonalité parfois très assertive contraste avec le flou
entourant leur statut juridique 34 et le type de publicité qui leur était réservé 35. Si ces

29   Il ne sera par contre pas fait état, dans le cadre de cette étude, des normes générales et abstraites qui seraient par ailleurs
     applicables aux personnes handicapées ou leurs proches, sans les concerner spécifiquement. On précise également que,
     pour l’inventaire des différents circulaires étudiées, notre analyse s’arrête en général au mois de janvier 2021, et n’évoque
     en conséquence que de manière allusive la politique de vaccination. Elle ne rend du reste pas compte des dispositifs
     normatifs adoptés par la Communauté germanophone. Enfin, la présente étude laisse largement hors de son champ
     d’analyse les normes qui, durant la crise, ont régi les lieux d’internement, les établissements d’enseignement spécialisé et
     les entreprises de travail adapté (ETA).
30   Ne sont donc pas couverts, bien qu’ils représentent indubitablement des « institutions pour personnes handicapées » au
     sens du droit de la CDPH: les services résidentiels non-agréés; les maisons de soins psychiatriques; les hôpitaux
     psychiatriques où existent encore des « lits T », c’est-à-dire des placements de longue durée; les divers lieux d’internement
     pénal visés à l’article 3 de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement.
31   On précise cependant que, de manière générale, la préservation du lien parental avec les mineurs a dicté certains
     assouplissements (cf. par ex. Circulaire PHARE du 18 mai, pp. 2 et 3).
32   Certaines résidences ont, pour tout personnel médical, droit à deux heures de consultation d’un médecin généraliste par
     semaine.
33   Médecins sans frontières, « Les laissés pour compte de la réponse au Covid-19. Partage d’expérience sur l’intervention de
     Médecins Sans Frontières dans les maisons de repos en Belgique », juillet 2020, 31 p. (https://www.msf-
     azg.be/fr/maisonsderepos).
34   Les intitulés des consignes données aux différentes institutions par les organismes publics compétents varient du reste
     considérablement. Par convention, nous les désignerons sous l’appellation générique de « circulaires » ou « directives » –
     sans toutefois présupposer de leur force normative exacte. On recourra plus précisément aux abréviations suivantes pour
     les référencer: Infonota VAPH, Circulaire AViQ, Circulaire PHARE et Circulaire Iriscare. On reviendra infra (n° 19) sur
     la force normative des circulaires pour nous concentrer à ce stade sur leur contenu.
35   Les directives de la VAPH, de l’AViQ, de PHARE et d’Iriscare sont consultables sur leur site respectif:

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Doctrine

circulaires diffèrent en fonction des autorités compétentes, elles abordent des questions
similaires et suivent une évolution chronologique comparable.

Les questions abordées se concentrent principalement autour de la limitation des transmissions
et du traitement des cas, de la détermination du lieu de vie assigné aux bénéficiaires pendant la
crise (résidence ou domicile), des contacts entre résidents de centres de jour et de nuit, des
nouvelles admissions, des retours en famille, voire des allers-retours entre résidence et
domicile, des visites, des activités et des soins.

Chronologiquement, on peut observer les tendances suivantes36. Des mesures strictes ont
d’abord été prises dans l’urgence lors de la première vague37, à un moment où certaines
institutions s’étaient déjà refermées sur elles-mêmes38. À la demande très tôt adressée aux
directeurs d’établissement de transmettre quotidiennement les cas de Covid39, s’est ajoutée une
limitation drastique des visites, soins, activités et sorties, réduits à l’essentiel et donc largement
interdits40, comme l’étaient les nouvelles admissions et les retours en familles41. Les résidents
étaient, quant à eux, séparés en « silos » sans contacts mutuels42, tandis que ceux suspectés
d’être contaminés étaient isolés43. C’est dans ce premier temps que les droits fondamentaux des
résidents subirent les plus fortes pressions44. Dès avril, on peut repérer dans les textes une
tendance à un assouplissement progressif – qui ne s’est toutefois pas toujours vérifié en
pratique: à mesure que le matériel de protection est acheminé, que les risques diminuent et que
la population générale se déconfine45, les activités et les soins non essentiels reprennent, tout

     https://www.vaph.be/professionelen/vza/documenten;                                 https://covid.aviq.be/fr/documents-officiels;
     https://phare.irisnet.be/coronavirus; https://www.iriscare.brussels. Alors que les trois premiers organismes fournissent un
     inventaire complet et chronologique depuis l’entame de la crise, seules les règles actuellement applicables sont disponibles
     sur le site d’Iriscare.
36   Si l’on se réfère à la chronologie fixée par Sciensano, la fin de la 1re vague correspond au 22 juin 2020, le début de la 2 e
     vague au 31 août, l’entre deux vagues se situant, pour sa part, entre le 22 juin et le 30 août 2020 (https://covid-
     19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/Second%20Wave_FR.pdf).
37   Circulaire PHARE du 12 mars 2020; Circulaire Iriscare du 11 mars 2020; Circulaires AViQ des 13 et 14 mars 2020;
     Infonota VAPH INF/20/21 du 12 mars 2020. Dans des infonotas précoces (INF/20/92 et INF/20/19 des 2 et 6 mars 2020),
     la VAPH avait déjà relayé des consignes d’hygiènes établies le 27 février 2020 par Zorg en Gezondheid.
38   Nombreuses semblent en effet être les institutions qui avaient anticipé, dans les faits, ce que les circulaires sont venues
     confirmer par la suite.
39   Voy. not. Circulaire PHARE du 5 mars 2020; Circulaire AViQ du 25 mars 2020, qui consolidait un courrier du 20 mars
     2020 (non disponible sur le site de l’AViQ); Infonotas INF/20/87 et INF/20/94 des 30 mars 2020 et 2 avril 2020 (avant
     cela, cf. les directives de Zorg en Gezondheid du 11 mars 2020).
40   Infonotas VAPH INF/20/21, INF/20/23 et INF/20/26 des 12, 13 et 18 mars 2020 ainsi que les directives de Zorg en
     Gezondheid précitées; Circulaire PHARE du 12 mars 2020; Circulaire Iriscare du 11 mars 2020 et Circulaires AViQ des
     13 et 14 mars 2020.
41   C’est du côté de la VAPH que les règles applicables sont les plus complètes: cf. Infonotas VAPH INF/20/21, INF/20/23 et
     INF/20/26 des 12, 13 et 18 mars 2020. Voy. par ailleurs: Circulaire Iriscare du 11 mars 2020 et Circulaire PHARE du 12
     mars 2020 (dans les deux cas, les nouvelles admissions restaient permises mais moyennant isolement de 14 jours);
     Circulaires AViQ des 13 et 14 mars 2020 (interdiction de tout retour en famille).
42
     Infonota VAPH INF/20/23 du 13 mars 2020; Circulaires AViQ des 13 et 14 mars 2020. Du côté de l’AViQ, l’interdiction
     de contact visait uniquement les résidents respectifs des centres de jour et de nuit (cette interdiction fut réitérée par la
     circulaire du 15 mai 2020, levée par celle du 22 juin 2020, p. 3, et réintroduite par la circulaire du 3 novembre 2020), et fut
     sans équivalent explicite, semble-t-il, du côté de PHARE et Iriscare. Réduire la taille du groupe semble avoir d’emblée
     constitué un objectif prioritaire dans le chef des institutions, objectif qui s’est d’abord traduit par la demande adressée à
     l’entourage de reprendre les personnes handicapées à domicile pour vider les institutions, avant, pour elles, de travailler en
     silos, à l’intérieur de l’institution, avec les résidents qui demeuraient. Cet objectif était sans doute d’autant plus impérieux
     que certains types de handicaps se prêtent mal à l’observation de directive sanitaires – ce que certaines circulaires
     ultérieures reconnaissent du reste expressément.
43   Circulaire PHARE du 12 mars 2020; Circulaire Iriscare du 11 mars 2020; Circulaires AViQ des 13 et 14 mars 2020;
     Directives précitées de Zorg en Gezondheid du 11 mars 2020, relayées, entre autres, par l’Infonota INF/20/21 du 12 mars
     2020.
44   Pour des témoignages, cf. les références citées aux notes 4 et 5.
45   La nécessité de réserver un traitement égalitaire aux personnes handicapées par rapport au reste de la population est
     invoquée dans différentes circulaires (cf. not. Circulaires AViQ des 4 juin et 22 juin 2020, p. 2, 30 juillet 2020; circulaires

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comme les visites, les nouvelles admissions et les allers-retours entre institution et domicile
dans le respect des balises fixées par chaque entité fédérée46. Parallèlement au relâchement des
mois de juillet et août 2020, l’anticipation de la seconde vague se traduit par l’adoption d’un
cadre normatif plus intégré, tenant compte de l’expérience accumulée, se caractérisant à la fois
par plus de stabilité et d’adaptabilité aux circonstances, ainsi que par une attention désormais
plus largement portée à la santé psychosociale des résidents47. Dans cette évolution en trois
temps (première vague, entre-deux, deuxième vague), on peut enfin repérer une tendance
croissante à impliquer les représentants du personnel dans les décisions, mais aussi, quoi que
de manière encore insuffisante au regard des standards du droit international48, les conseils
d’usagers et les familles49. En dernière instance, l’ensemble des décisions revenaient aux
directeurs d’établissements50, ce qui s’est traduit dans les faits par une application très variable
des circulaires en fonction des établissements – d’aucuns n’ont par exemple jamais été
déconfinés entre les deux vagues51.

La marge d’appréciation des directeurs d’établissement semble cependant avoir été mieux
balisée par la Communauté flamande. Un exemple emblématique pour les droits des usagers
peut être épinglé entre les deux vagues, au moment du « retour à la nouvelle normalité »52. Les

     PHARE des 13 et 16 juin 2020; circulaire Iriscare du 18 septembre 2020, p. 3).
46   Voy. en particulier: Infonotas de la VAPH du 1 er avril (premiers assouplissements pour les visites et changement de lieu
     de vie, dans des situations exceptionnelles), du 29 avril (directives fort élaborées concernant la reprise des visites), du 18
     mai 2020 (assouplissement des retours en famille et changements de milieu de vie) et du 10 juin (« retour à la nouvelle
     normale », commentée infra); Circulaires PHARE du 21 avril 2020 (légers assouplissements concernant les visites et les
     changements de lieu de vie), du 18 mai (nouveaux assouplissements permis pour les changements de lieu de vie) et du 13
     juin (reprise progressive des visites, des activités, des prestations de soin); Circulaires Iriscare des 6 mai, 29 mai et 16 juin
     (même déroulement que pour PHARE, légèrement différé); Circulaires AViQ des 8 mai 2020 (reprise encadrée des visites),
     26 mai 2020 (assouplissement des visites, retours en famille et prestations de soins) et 22 juin 2020 (« vers un retour à la
     normale » concernant les visites, activités, retours en famille). On notera par ailleurs l’arrêté du Ministre-Président de la
     Région de Bruxelles-Capitale du 22 avril 2020 pris dans le cadre de mesures d'urgence pour limiter la propagation du
     coronavirus COVID-19 et prolongeant l'interdiction des visites dans diverses institutions résidentielles d'accueil et de soins
     situées sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale. En son article 1er, cet arrêté prévoit que « Sauf situation
     spécifique (situation de nécessité, soins palliatifs, décès,...), les visites aux résidents sont interdites dans les institutions
     suivantes situées sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale: (...) 2° les centres d’hébergement pour personnes
     handicapées ». Selon un procédé légistique pour le moins discutable, l’article 2 prévoit ensuite que « Par dérogation à
     l'article 1er, les visites aux résidents des établissements visés à l'article 1er sont autorisées moyennant: 1° le respect des
     directives fixées dans les circulaires suivantes: (...) - la circulaire édictée par la COCOF relative aux consignes aux centres
     de jour et d'hébergement accueillant des personnes handicapées (...) ». De date, il n’est pas question, mais on suppose qu’il
     s’agit de la circulaire PHARE du 21 avril 2021; de circulaire Iriscare non plus: il n’en existait pas en la matière lors de
     l’adoption de l’arrêté. On précise, enfin, que de facto, les périodes de quarantaine qui conditionnaient les allers-retours
     entre résidences collectives et familles ont freiné le déconfinement pour les personnes handicapées, tout comme la
     confusion qui a entouré la communication relative aux mesures et étapes de sortie a pu conduire les structures d’accueil à
     « surconfiner ».
47   Cf. Infonotas INF/20/172, INF/20/181, INF/20/182-183 des 14, 22 et 28 octobre 2020 et INF/20/202 du 23 novembre 2020;
     Circulaires Iriscare des 18 et 24 septembre et du 21 octobre 2020; Circulaires PHARE du 23 octobre 2020 et du 19
     novembre 2020; Circulaire AViQ du 23 octobre 2020. Voy. not., pour tous ces organismes sauf l’AViQ, la distinction de
     différents stades épidémiques (dans la droite ligne de ce qu’on retrouve dans les circulaires d’Iriscare afférentes au MR-
     MRS).
48   Voy. en particulier l’article 4.3 de la CDPH.
49   Infonotas précitées du 29 avril 2020 (concertation du personnel), du 18 mai (concertation du personnel et consultation du
     conseil des usagers) et du 10 juin 2020 (concertation avec le personnel et consultation du conseil des usagers); Circulaires
     AViQ du 26 mai 2020 (personnel et syndicats « concertés », familles et usagers « associés à la réflexion globale ») et du 4
     juin 2020 (suite à l’interpellation des associations de familles d’usagers, insistance sur « la plus grande concertation
     possible avec celles-ci » dans le cadre des retours en famille); Circulaire PHARE du 18 mai 2020 (« concertation » avec le
     personnel et le syndicat, « concertation vivement souhaitée » avec la famille et le bénéficiaire demandeur, « information »
     du conseil des usagers); Circulaires Iriscare du 29 mai 2020 (pour un nombre limité de décisions, « concertation » du
     syndicat et personnel, « association à la réflexion » des familles et usagers, « concertation nécessaire » du bénéficiaire et
     sa famille) et du 18 septembre 2020 (insistance sur l’implication des bénéficiaires ou leurs proches dans les décisions qui
     les concernent), p. 3.
50   Ibidem.
51   Cf. les témoignages récoltés par l’ASPH référencés en note 5.
52   Infonota VAPH INF/20/133 du 10 juin 2020.

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