DÉPENSES MILITAIRES, PRODUCTION ET TRANSFERTS D'ARMES - Compendium 2016 - LES RAPPORTS DU GRIP 2016/8
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Luc Mampaey et Christophe Stiernon DÉPENSES MILITAIRES, PRODUCTION ET TRANSFERTS D’ARMES Compendium 2016 LES RAPPORTS DU GRIP 2016/8
TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION 3 LES SOURCES ET LES MÉTHODES 5 1. Les dépenses militaires 5 2. La production d’armements 6 3. Les transferts d’armements conventionnels majeurs 7 4. Les transferts d’armes légères et de petit calibre (ALPC) 8 5. Conventions monétaires 9 LES DÉPENSES MILITAIRES DANS LE MONDE 10 1. Tendances générales 10 2. Analyse régionale 12 3. Les États les plus dépensiers en 2015 18 LA PRODUCTION D’ARMEMENTS DANS LE MONDE 20 1. Un nouveau tassement du chiffre d’affaires en 2015 20 2. Les promesses de la militarisation de la sécurité 22 3. Quand le canon tonne, le rentier chantonne… 23 LES TRANSFERTS INTERNATIONAUX D’ARMEMENTS CONVENTIONNELS 26 1. Tendances générales 26 2. Principaux importateurs et exportateurs 27 3. Analyse régionale 28 FOCUS : Vente d’armes au Moyen-Orient et leur utilisation controversée au Yémen 33 4. Valeur financière du commerce mondial des armements 36 LES TRANSFERTS INTERNATIONAUX DES ALPC 37 1. Les tendances en matière de commerce des ALPC en 2013 38 2. La place de la Belgique dans le commerce des ALPC 42 3. La valeur annuelle des transferts internationaux autorisés des ALPC 43 ANNEXES 45
INTRODUCTION Les données et statistiques publiées dans ce rapport sont une synthèse des données et statistiques relatives aux dépenses militaires mondiales, à la production et aux transferts internationaux d’armements conventionnels publiées au cours de l’année 2016. Les références de ce rapport sont principalement les publications et les bases de données du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) à Stockholm et de Small Arms Survey (SAS) à Genève, complétées par des statistiques socio- économiques extraites des bases de données d’Eurostat, de l’OCDE, de la Banque mondiale ou d’autres producteurs de données. Dans tous les cas, les sources et leurs hyperliens sont clairement indiqués. Ce Compendium 2016 annule et remplace toutes les données contenues dans les versions antérieures. Il est une analyse condensée des tendances en matière de dépenses militaires, de production et de commerce des armes. Il propose des faits et des statistiques de base directement exploitables par le lecteur et régulièrement mis à jour sur le site Internet du GRIP1. Pour le lecteur qui souhaite approfondir une thématique, il est également un outil précieux qui facilitera l’accès et la compréhension des bases de données plus complètes du SIPRI ou d’autres organisations. LE STOCKHOLM INTERNATIONAL PEACE RESEARCH INSTITUTE (SIPRI) Le SIPRI a été créé à l’initiative du Parlement suédois en 1966 afin de commémorer 150 ans d’une paix ininterrompue pour la Suède. Un couple exceptionnel en aura marqué les premières années, en se succédant à la tête du premier conseil d’administration. Alva Myrdal tout d’abord : écrivaine, successivement diplomate, parlementaire et membre du gouvernement suédois, elle sera nommée en 1962 représentante de la Suède à la Conférence sur le désarmement à Genève. Cheffe de file des pays non alignés, elle exercera dès ce moment une pression permanente sur les deux superpuissances pour les amener sur la voie de mesures concrètes en faveur d’une réduction et du contrôle des armements. Cette ténacité sera récompensée par le prix Nobel de la Paix en 1982. Inlassable militante pour la paix, mais également convaincue de la nécessité d’aborder la lutte pour la paix et le désarmement selon une méthode rigoureuse, elle contribua à faire rapidement du SIPRI une référence internationalement reconnue. Son mari, Gunnar Myrdal, économiste engagé, de réputation internationale et lauréat du Prix de la Banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel en 1974, lui succédera à la présidence du SIPRI de 1968 à 1973. Le SIPRI publie depuis 1969 un annuaire, le SIPRI Yearbook, qui est devenu un ouvrage de référence aussi bien pour les gouvernements que pour les organisations non gouvernementales et les milieux académiques. Les données statistiques et séries historiques sont en outre disponibles et libres d’accès sur le site Internet du SIPRI : www.sipri.org 1. Lien direct : http://www.grip.org/fr/node/1715 3
SMALL ARMS SURVEY (SAS) Small Arms Survey est un programme de recherche indépendant situé au sein de l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève, en Suisse. Il constitue la principale source d’informations publiques sur tous les aspects relatifs aux armes légères et de petit calibre et à la violence armée, ainsi qu’un centre de ressources pour les gouvernements, les décideurs politiques, les chercheurs et les acteurs engagés dans ce domaine. Créé en 1999, le projet est soutenu par le Département fédéral suisse des Affaires étrangères et bénéficie également de la contribution des gouvernements de plusieurs autres pays. Parmi ces divers travaux et publications, Small Arms Survey édite en particulier une revue annuelle des questions liées à la problématique internationale des armes légères, telles que la production, les stocks, le courtage, les transferts légaux et illicites, etc. Cet annuaire a été traduit pendant plusieurs années en français par le GRIP et est disponible sur demande. www. smallarmssurvey.org Rapport du GRIP 2016/8 | DÉPENSES MILITAIRES, PRODUCTION ET TRANSFERTS D’ARMES - Compendium 2016 4
LES SOURCES ET LES MÉTHODES 1. Les dépenses militaires Les données et informations relatives aux dépenses militaires dans le monde abordées dans ce rapport sont extraites des bases de données en ligne du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) et du SIPRI Yearbook 2016, chapitre 13, Military expenditure. Elles sont établies par le SIPRI selon une méthodologie rigoureuse sur la base des informations fournies par les gouvernements et les organisations internationales (OTAN, FMI, OCDE, PNUD)2. Lorsque les données officielles ne correspondent pas à la définition des dépenses militaires du SIPRI, ou lorsque les séries temporelles sont incomplètes, fragmentaires ou inexploitables, le SIPRI procède à une estimation en supposant que le taux de variation pour ce pays est identique à celui de la région à laquelle il appartient. Lorsqu’une estimation raisonnable est impossible pour un pays donné, aucun chiffre n’est affiché et ce pays est exclu du total. Parmi les pays ainsi exclus figurent douze pays d’Afrique, dont le Burkina Faso, l’Érythrée, la Libye, le Niger, la République démocratique du Congo et le Soudan. Au Moyen- Orient, cinq pays sont absents du total : le Koweït, le Qatar, la Syrie, les Émirats arabes unis et le Yémen. Ailleurs sont exclus le Cambodge, Cuba, l’Ouzbékistan, le Turkménistan et le Tadjikistan. Les données sont également absentes pour les pays qui n’ont pas de forces armées. C’est par exemple le cas du Costa Rica, dont les faibles dépenses d’armement nécessaires à l’équipement de la police et des garde-côtes représentent moins de 0,05% de son PIB. Les données publiées par le SIPRI, en raison de leur méthodologie prudente et rigoureuse, sous-estiment probablement le niveau réel des dépenses militaires mondiales. Il convient également de garder à l’esprit que les dépenses publiques concourant à l’effort de défense ne sont pas nécessairement toutes inscrites au budget de la défense, mais peuvent être couvertes par d’autres postes du budget de l’État. Aux États-Unis par exemple, les dépenses pour la « défense nationale » (titre 050 du budget de l’État) sont composées du budget du département de la Défense (DoD) (titre 051 du budget) mais également des dépenses nucléaires à vocation militaire inscrites au budget du département de l’Énergie (DoE) (titre 053 du budget) ainsi que de certaines dépenses militaires engagées par d’autres départements fédéraux tels que la Sécurité intérieure (Homeland Security), la Justice ou le FBI (titre 054 du budget)3. 2. Pour une explication de la méthodologie, voir : www.sipri.org/research/armaments/milex/milex_database/copy_of_sources_methods 3. Pour une explication technique du budget militaire des États-Unis, voir Luc Mampaey, Les premiers budgets militaires de Barack Obama : un changement dans la continuité, Note d’Analyse du GRIP, 17 février 2010, www.grip.org/fr/node/169 5
Le SIPRI inclut dans sa définition des dépenses militaires toutes les dépenses de personnel (salaires, pensions et services sociaux du personnel civil et militaire), d’acquisition d’équipement, de recherche et de développement, d’opérations et de maintenance, de construction d’infrastructures, d’activités spatiales militaires et d’assistance militaire à l’étranger engagées par les ministères de la Défense ainsi que par les agences gouvernementales engagées dans des projets militaires. Par contre, sont exclues de la définition les dépenses engagées par des forces armées non gouvernementales ainsi que les dépenses liées à des activités militaires passées (notamment les pensions aux vétérans, coûts de la démobilisation et de la reconversion d’infrastructures, démantèlement et destruction d’armes), ce qui peut induire une différence significative pour certains pays. Toutes les données relatives aux dépenses militaires présentées dans ce rapport sont extraites de la banque de données SIPRI Military Expenditure Database qui couvre 171 pays sur une période allant de 1988 à 2015. Les données sont présentées en devises nationales à prix courants, en dollars américains aux prix et taux de change de 2014, Rapport du GRIP 2016/8 | DÉPENSES MILITAIRES, PRODUCTION ET TRANSFERTS D’ARMES - Compendium 2016 ainsi qu’en pourcentage du produit intérieur brut. La base de données du SIPRI sur les dépenses militaires est gratuite et accessible à l’adresse suivante : www.sipri.org/research/armaments/milex/milex_database 2. La production d’armements Une section de ce Compendium est consacrée aux principaux groupes industriels de production d’armement dans le monde. Des données relatives à ces groupes sont également publiées dans les annuaires du SIPRI. Toutefois, nous retiendrons dans cette publication les données relatives aux cent premiers producteurs mondiaux d’armements publiées par la revue spécialisée Defense News. L’unique raison de ce choix est que les données de Defense News sont généralement disponibles plus tôt que celles du SIPRI. Il n’y a toutefois pas de divergences majeures entre les classements du SIPRI et ceux de Defense News. Les chiffres d’affaires des cent principaux groupes de l’armement dans le monde sont exprimés en millions de dollars des États-Unis (USD), à prix courants. Les conversions en dollars du chiffre d’affaires des firmes non américaines sont effectuées en utilisant le taux de change de la fin de l’exercice fiscal. Les archives relatives au Top 100 des groupes de l’armement dans le monde depuis 1998 sont disponibles dans la rubrique « Chiffres clés » sur le site Internet du GRIP : http://www.grip.org/fr/node/1715 . 6
3. Les transferts d’armements conventionnels majeurs Les données et informations relatives aux transferts internationaux d’armements conventionnels sont extraites des bases de données en ligne du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) et couvrent la période de 1950 à 2015 inclus. Les statistiques du SIPRI, bien que d’une très grande rigueur, doivent être utilisées avec prudence en raison de la méthodologie, souvent mal comprise par le public, les médias et de nombreux chercheurs : les chiffres publiés sont des indicateurs de tendance (Trend Indicator Value, TIV) établis selon une grille de prix propre au SIPRI. Le TIV est basé sur une estimation du coût de production unitaire d’un ensemble de types d’armes de référence. Lorsque le prix d’un armement n’est pas connu, il est estimé par comparaison avec les caractéristiques et l’année de production d’un armement comparable. Un armement d’occasion qui a déjà servi dans des forces armées est estimé à 40% du prix d’un armement neuf. Un armement qui a fait l’objet d’une révision ou mise à niveau majeure reçoit une valeur correspondant à 66% de celle d’un équipement neuf4. Le TIV ne représente donc pas une valeur financière réelle des ventes d’armes, mais a pour objectif d’établir une unité commune pour la mesure de l’évolution dans le temps des flux d’armements entre les pays et les régions. Le TIV ne peut donc en aucune manière être comparé avec, par exemple, le produit intérieur brut ou les chiffres des exportations contenus dans un rapport gouvernemental. Les tableaux et les graphiques contenus dans ce rapport sont construits à partir des données extraites de la SIPRI Arms Transfers Database qui couvrent, pour 120 pays ou organisations, les transferts d’armements conventionnels effectués entre 1950 et 20155. Les statistiques du SIPRI concernent les « armements conventionnels majeurs » (major conventional weapons) répartis en une dizaine de catégories : aéronefs, systèmes de défense anti-aérienne et sous-marine, véhicules blindés, artillerie, systèmes radar, missiles, navires, moteurs, satellites et autres. Par contre, les transferts de technologies ou de services ainsi que certains équipements – dont les armes légères et de petit calibre, les pièces d’artilleries d’un calibre inférieur à 100 mm ainsi que les munitions – sont exclus des statistiques du SIPRI. 4. Pour une explication de la méthodologie, voir : http://www.sipri.org/databases/armstransfers/background 5. La base de données du SIPRI sur les transferts d’armes est gratuite et accessible à l’adresse : www.sipri.org/databases/armstransfers/armstransfers . 7
4. Les transferts d’armes légères et de petit calibre (ALPC) L’édition 2016 du Compendium consacre, pour la quatrième fois, un chapitre aux transferts internationaux autorisés des armes légères et de petit calibre (ALPC), de leurs pièces détachées, accessoires et munitions. Les données et informations relatives aux ALPC, leurs pièces détachées, accessoires et munitions sont extraites des bases de données en ligne du Small Arms Survey6, de certaines de leurs notes de recherche, des chapitres pertinents des annuaires sur les armes légères de 2009 à 2015 et du rapport 2016 sur le commerce des armes. Small Arms Survey (SAS) a lancé en 2009 une étude de grande envergure réalisée sur une période de quatre ans, afin d’estimer la valeur mondiale des transferts internationaux des armes légères et de petit calibre, de leurs pièces détachées, accessoires et munitions. Rapport du GRIP 2016/8 | DÉPENSES MILITAIRES, PRODUCTION ET TRANSFERTS D’ARMES - Compendium 2016 Pour réaliser ce projet, des données et informations provenant de plusieurs sources ont été compilées. Parmi celles-ci figurent la base de données des Nations unies sur les statistiques commerciales des produits de base (UN COMTRADE), le registre des armes conventionnelles des Nations unies ainsi que de rapports nationaux et régionaux tel que le rapport annuel du COARM établi en application du point 8 du dispositif de la Position commune de l’Union européenne en matière d’exportation d’armement, ou encore la base de données du NISAT7. C’est la comparaison et l’interprétation de ces diverses sources qui ont permis à SAS d’établir ses propres données. En raison de l’opacité qui entoure le commerce des armes légères et de petit calibre, de leurs pièces détachées, accessoires et munitions, SAS fait preuve d’une très grande prudence dans l’estimation de ces données. En conséquence, les chiffres avancés doivent le plus souvent être considérés comme des estimations minimales, vraisemblablement inférieures à la réalité. Du fait de l’absence de données pour certaines catégories d’armes, SAS a procédé par extrapolation pour établir les estimations de certaines données, plus particulièrement pour ce qui concerne les armes légères, leurs munitions et leurs composants. Le principe est de partir des données d’un échantillon de pays et d’effectuer des déductions plausibles8 pour parvenir à une estimation de données. Enfin, SAS précise qu’en raison de l’absence de données relatives aux munitions d’armes légères dans les sources traditionnelles9, et considérant la demande civile négligeable, les chiffres présentés se basent sur les registres des marchés publics qui ont pu être identifiés. 6. Les bases de données du Small Arms Survey sur les transferts internationaux des armes légères et de petit calibre, de leurs pièces détachées, accessoires et munitions sont gratuites et accessibles à l’adresse suivante www.smallarmssurvey.org/weapons-and-markets/transfers 7. Le NISAT (Norwegian Initiative on Small Arms Transfers) est une initiative du Peace Research Institute Oslo (PRIO) visant à fournir des informations sur les transferts d’ALPC. Voir www.nisat.org 8. En considérant que pour des « pays similaires » les transferts internationaux sont équivalents, et, a contrario, que si une différence existe, elle est due à un facteur spécifique. 9. UN Comtrade, registre de l’ONU, rapports nationaux et régionaux. 8
5. Conventions monétaires Les dépenses militaires issues des bases de données du SIPRI sont exprimées en dollars, aux prix et taux de change de 2014. Lorsque des données exprimées en devises de pays non membres de la zone euro sont converties en euros, elles le sont aux taux de change moyens annuels publiés par Eurostat. Les chiffres d’affaires des groupes de l’armement sont exprimés en dollars, à prix courants. Les transferts d’armements conventionnels ne sont pas exprimés en valeurs monétaires ; leur évolution dans le temps et selon les pays et régions est représentée par un indicateur de tendance (Trend Indicator Value, TIV), comme expliqué au point 1.3 ci-dessus. 9
LES DÉPENSES MILITAIRES DANS LE MONDE 1. Tendances générales Selon le SIPRI, les dépenses militaires mondiales pour l’année 2015 sont estimées à 1 676 milliards USD à prix courants, ce qui correspond à 1 773 milliards USD aux prix et taux de change de 2014. Les dépenses militaires mondiales de l’année précédente (2014) s’élevaient, à titre de comparaison, à 1 755 milliards USD (aux prix et taux de change de 2014), soit une hausse de 1%. Il s’agit de la première hausse après trois années de baisse consécutive. Sur dix ans, les dépenses militaires mondiales ont augmenté de 19%. En se basant sur les estimations de la Banque mondiale pour le produit intérieur brut (PIB) mondial10 et la population mondiale11, cette somme correspond à 2,3% du PIB mondial estimé à 73 434 milliards USD en 2015. Elle correspond à une dépense annuelle moyenne d’environ 228 USD par habitant. L’année 2015 confirme une tendance à la baisse entamée en 2012 des dépenses militaires au États-Unis et en Europe, bien qu’à un rythme moins important. Dans le reste du monde, la baisse des dépenses s’est accélérée en Amérique latine, et après plusieurs années de hausse, elles ont également diminué en Afrique. Les dépenses militaires en Asie, en Océanie, en Europe orientale et au Moyen-Orient continuent quant à elles d’augmenter. La chute des prix des produits pétroliers à la fin de 2014 a confirmé un changement pour les pays dont le budget dépend fortement des revenus du pétrole. La plupart de ces pays ont enregistré soit une forte baisse de leurs dépenses militaires soit un ralentissement dans l’augmentation de leurs dépenses, initiatrice d’une probable baisse en 2016. 2016 pourrait donc bien marquer la fin d’une frénésie de dépenses militaires financées par des recettes pétrolières abondantes ainsi que le retour à la hausse des dépenses militaires des États-Unis. 10. Banque mondiale, http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.CD 11. La Banque mondiale estime la population mondiale à 7,347 milliards d’habitants en 2015. Banque mondiale, Population totale.
Graphique 1. DÉPENSES MILITAIRES MONDIALES : LES ÉTATS-UNIS, L’UNION EUROPÉENNE ET LE RESTE DU MONDE. De 1988 à 2015 (en milliards de dollars, aux prix et taux de change de 2014) 12 Source : SIPRI Military Expenditure Database Note : rupture statistique en 1991, en raison de l’absence d’estimation fiable pour la Russie. À noter également que le périmètre de l’Union européenne a évolué au cours de la période. Dans ce graphique, les pays ne contribuent au total de l’UE qu’à partir de l’année de leur adhésion. 11
2. Analyse régionale Nous avons observé les variations des dépenses militaires, par région et par pays, en prenant pour référence l’année 2006. La comparaison s’effectue donc sur une série de dix années (tableau 1). Avec d’importantes variations selon les pays et les régions – Afrique, Amériques, Asie et Océanie, Europe et Moyen-Orient – et sous-régions12, la tendance globale était à une augmentation des dépenses militaires dans le monde entre 1998 et 2011, suivie d’une diminution générale des dépenses militaires mondiales entre 2012 et 2014, pour ensuite repartir à la hausse en 2015. Depuis 2012, les dépenses militaires baissent de manière continue en Europe occidentale et en Amérique du Nord. En 2015, les dépenses militaires ont baissé de 4% en Amérique du Sud, il s’agit de la deuxième année de baisse consécutive. Après plusieurs années de hausse, l’Afrique a enregistré une baisse de ses dépenses militaires Rapport du GRIP 2016/8 | DÉPENSES MILITAIRES, PRODUCTION ET TRANSFERTS D’ARMES - Compendium 2016 de 5,3% en 2015. Ailleurs, les dépenses continuent d’augmenter. Entre 2014 et 2015, les dépenses militaires ont progressé en moyenne de 5,4% sur le continent asiatique et l’Océanie et de 7,5% en Europe orientale. Malgré l’absence de données compètes, la croissance des dépenses militaires au Moyen-Orient affiche un ralentissement en 2015, impactée par la chute des prix pétroliers. Sur la période 2006-2015, les dépenses militaires ont augmenté le plus rapidement en Afrique du Nord (+148%) et en Europe orientale (+90%). Elles ont par contre baissé de 10% en Europe occidentale et de 4% en Amérique du Nord. 12. Nous suivons la classification régionale du SIPRI qui a été modifiée dans l’édition 2015 du Yearbook. La Turquie passe de la région Europe (sous-région Europe de l’Ouest et centrale) vers le Moyen-Orient (SIPRI Yearbook 2015, p. 344, note n° 3). La nouvelle classification régionale est la suivante : Afrique = Afrique du Nord [Algérie, Libye, Maroc, Tunisie] + Afrique subsaharienne [Afrique du Sud, Angola, Bénin, Botswana, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Congo (RDC), Congo (Rép.), Côte d’Ivoire, Djibouti, Guinée équatoriale, Érythrée, Éthiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Kenya, Lesotho, Liberia, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Maurice, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Ouganda, République centrafricaine, Rwanda, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Swaziland, Tanzanie, Tchad, Togo, Zambie, Zimbabwe]. Amériques = Amérique du Nord [Canada, USA] + Amérique centrale [Belize, Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama] + Amérique du Sud [Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Équateur, Guyane, Paraguay, Pérou, Uruguay, Venezuela] + Caraïbes [Bahamas, Barbade, Cuba, Haïti, Jamaïque, République dominicaine, Trinidad et Tobago]. Asie et Océanie = Asie centrale [Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Turkménistan, Ouzbékistan] + Asie de l’Est [Chine, Japon, Corée du Nord, Corée du Sud, Mongolie, Taiwan] + Asie du Sud [Afghanistan, Bangladesh, Inde, Népal, Pakistan, Sri Lanka], Asie du Sud-Est [Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar (Birmanie), Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam] + Océanie [Australie, Fidji, Nouvelle-Zélande, Papouasie-Nouvelle-Guinée]. Europe = Europe de l’Ouest [Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Islande, Irlande, Italie, Luxembourg, Macédoine, Malte, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Suisse] + Europe centrale [Albanie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Macédoine, Monténégro, Pologne, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, République tchèque] + Europe orientale [Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie, Russie, Ukraine]. Moyen-Orient = [Arabie saoudite, Bahreïn, Égypte, Iran, Irak, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Oman, Qatar, Syrie, Turquie, Émirats arabes unis, Yémen]. 12
Tableau 1. DÉPENSES MILITAIRES MONDIALES, PAR RÉGIONS, 2006-2015 En milliards de dollars, aux prix et taux de change de 2014 Source : SIPRI Source Military Expenditure : traitement GRIP, sur Database la base de SIPRI Military Expenditure Database Italique = plus de 10% du chiffre total consistent en des estimations pour les pays dont les données sont manquantes. Italique = plus de 10% du chiffre total consistent en des estimations pour les pays dont les données sont manquantes 13
Amériques Les dépenses militaires sur le continent américain ont continué leur baisse entamée en 2011 avec une diminution de 2,5% en 2015, et de 17,8% entre 2011 et 2015. Cette diminution de dépenses observée sur le continent en 2015 est due principalement à la réduction des dépenses de l’Amérique du Nord (2,4%) et dans une moindre mesure de l’Amérique du Sud (-4%). Après des baisses significatives en 2012 (5,5%), 2013 (7,8%) et 2014 (6,4%), la diminution de 2,5% en 2015 sur le continent laisse présager la fin de la baisse des dépenses militaires aux États-Unis, avec des prévisions de hausse pour 2016. Tout comme en 2014, les restrictions imposées aux dépenses gouvernementales par la loi sur le contrôle budgétaire (BCA) de 2011 reste la principale raison de la baisse des dépenses militaires américaines en 2015. L’Amérique centrale et les Caraïbes connaissent une augmentation des dépenses militaires de 3,7% en 2015, soit un net ralentissement par rapport à 2014 (+9,1%). Le Rapport du GRIP 2016/8 | DÉPENSES MILITAIRES, PRODUCTION ET TRANSFERTS D’ARMES - Compendium 2016 Mexique, dont le budget de défense représente plus de 84% du total de la région, a vu ses dépenses militaires augmenter de 3,6% en 2015 et presque doubler en dix ans, passant de 4,6 à près de 9 milliards USD à prix constant entre 2006 et 2015. L’Amérique du Sud enregistre une diminution de ses dépenses militaires de 4% en 2015 par rapport à 2014. Sur dix ans, ses dépenses ont augmenté de 27,3% (2006-2015). Cette baisse annuelle s’explique par la chute des dépenses militaires du Venezuela (-64%), aux prises avec une grave crise économique et sociale dans un contexte de prix du pétrole bas et d’une corruption endémique. Le Brésil, également touché par la baisse des revenus pétroliers, a vu ses dépenses militaires diminuer de 2,2% en 2015 à 24,6 milliards USD. Le pays occupe toujours la 11e place parmi les 15 pays les plus dépensiers en termes de budgets en 2015 (voir tableau 2). La Colombie, deuxième budget militaire de la région, a enregistré une augmentation de ses dépenses de 9,3% en 2015 à 9,8 milliards USD. L’Argentine, troisième budget militaire de la région, a enregistré une augmentation de ses dépenses de 7,3% en 2015 à 5,5 milliards USD. Les budgets de défense de l’Uruguay et du Paraguay ont enregistré des hausses de plus de 20% en 2015. Afrique Après onze années de hausse consécutives, les dépenses du continent africain ont baissé de 5,3% en 2015, entrainées par une chute de 11% des dépenses en Afrique sub-saharienne, et ce malgré une hausse des dépenses en Afrique du Nord. Les dépenses du continent africain ont augmenté de 68% sur la période 2006-2015 et représentaient 2,2% des dépenses mondiales en 2015, soit 37 milliards USD. L’Afrique du Nord enregistre une augmentation de 2,1%, soit un net ralentissement par rapport à 2014 (+7,6%). Entre 2006 et 2015, les dépenses de la sous-région ont néanmoins bondi de 148%. En particulier, les dépenses de l’Algérie, qui ont plus que triplé en dix ans, ont progressé de 5,2% en 2015 atteignant 10,4 milliards USD. 14
Quant à l’Afrique sub-saharienne, elle voit ses dépenses militaires diminuer de 11% en 2015, après avoir enregistré une augmentation de 4,8% en 2014 et de 30% sur la période 2006-2015. Malgré une chute de ses dépenses militaires de 42% en 2015 à 3,6 milliards USD, l’Angola demeure le pays le plus dépensier de la sous-région et le deuxième du continent. L’Angola, dont les revenus pétroliers représentent 70% du budget de l’État, a été particulièrement touché par la chute des prix du pétrole amorcée en 2014 et qui s’est prolongée en 2015. Les pays les plus dépensiers de la sous-région après l’Angola sont l’Afrique du Sud (dépenses stables (-0,3%) à 3,4 milliards USD) et le Nigeria (-2,5% à 2 milliards USD). Plusieurs pays ont vu leur budget fortement augmenter en 2015 : le Mali aux prises avec des groupes liés à l’État islamique (+66%), La République démocratique du Congo qui fait face à une instabilité persistante à l’Est du pays (+43% sur un an et +140% sur dix ans) et le Kenya impliqué dans le conflit en Somalie (+22%). Toutes ces données sont cependant à relativiser puisque plusieurs pays de la région Afrique sub-saharienne ne fournissent aucune donnée quant à leurs dépenses militaires en 2015. C’est le cas notamment du Burkina Faso, de la République centrafricaine, de Djibouti, de l’Érythrée, du Niger, de la Somalie et du Soudan. Par ailleurs, certaines données ne sont que des estimations du SIPRI. On peut donc supposer que l’Afrique connait des dépenses militaires plus importantes que celles avancées par le SIPRI. Moyen-Orient Habituée des données incomplètes, la région souffre de l’absence de données récentes pour les Émirats arabes unis, le Koweït, le Qatar, la Syrie et le Yémen. Les données ne permettent donc pas d’offrir une image fidèle de l’état des dépenses militaires dans la région et pour cette raison le SIPRI ne publie aucune estimation pour l’année 2015. Les dépenses militaires connues de la région ont quant à elles augmenté de 4,1% en 2015. Avec des dépenses militaires en augmentation de 5,7% en 2015 à 87 milliards USD, l’Arabie saoudite reste de loin le pays le plus dépensier de la région et occupe désormais la 3e place parmi les 15 pays les plus dépensiers en termes de budgets en 2015 (voir tableau 2). L’Irak enregistre une hausse de ses dépenses militaires de 35% en 2015 à 13 milliards USD. Israël, le deuxième budget militaire de la région et 15e au monde, a vu ses dépenses diminuer de 3,3% à 16 milliards USD. L’aide militaire américaine à Israël s’élève actuellement à environ 3,1 milliards USD par an et est prévue d’augmenter à 3,8 milliards USD par an sur la période 2019-2028. Les dépenses militaires de l’Iran ont enregistré une baisse de 30% entre 2006 et 2015, sous l’effet des sanctions économiques et financières internationales. La signature de l’accord sur le nucléaire iranien en 2015 et la levée des sanctions pourrait entrainer à terme une hausse des dépenses militaires du pays. 15
Graphique 2. DÉPENSES MILITAIRES MONDIALES, PAR RÉGION, 2006-2015 En milliards de dollars, aux prix et taux de change de 2014 Rapport du GRIP 2016/8 | DÉPENSES MILITAIRES, PRODUCTION ET TRANSFERTS D’ARMES - Compendium 2016 Source : SIPRI Military Expenditure Database, www.sipri.org/databases/milex Asie et Océanie Les dépenses militaires dans la région ont augmenté de 5,4% en 2015 à 436 milliards USD et de 64% au cours de la période 2006-2015. Avec des dépenses militaires en augmentation de 7,4% en 2015 et estimée à 215 milliards USD, la Chine reste de loin le pays le plus dépensier de la région. Elle représente à elle seule 49% des dépenses totales en Asie et Océanie, quatre fois supérieures à l’Inde, le deuxième plus grand dépensier de la région. La Chine occupe toujours la 2e place parmi les 15 pays les plus dépensiers en termes de budgets en 2015 (voir tableau 2). En Asie de l’Est et du Sud-Est, dans un contexte de tensions croissantes sur fond de disputes territoriales en mers de Chine orientale et méridionale, la plupart des pays de la sous-région ont continué à moderniser leurs capacités militaires en 2015, notamment pour un renforcement des capacités maritimes et aériennes. Les hausses les plus significatives sont enregistrées aux Philippines (+25,5%) et en Indonésie (+16,5%). Sur la période 2006-2015, les dépenses militaires ont plus que doublé en Indonésie et au Vietnam, et ont augmenté de 74% en Thaïlande et de 50% aux Philippines. Après trois années de baisses consécutives, les dépenses militaires du Japon sont reparties à la hausse en 2015 (+1%), signe que le pays perçoit la Corée du Nord et la Chine comme des menaces grandissantes pour sa sécurité. 16
Concernant l’Asie du Sud, les dépenses militaires de l’Inde sont stables (+0,4%) à 51,3 milliards USD. Le budget du Pakistan a grimpé de 6,8% en 2015 à 9,5 milliards. L’Afghanistan a vu ses dépenses militaires diminuer de 19% en 2015 à 217 millions USD. Le pays, qui doit assumer une plus grande partie de sa sécurité après le début du retrait des troupes US fin 2014, continue de s’appuyer sur les donations et les financements étrangers pour développer ses capacités militaires. Les États-Unis et les autres pays ont financé les forces armées afghanes à hauteur de respectivement 4,1 et 1,25 milliards USD en 2015. En Océanie, les dépenses militaires ont progressé de 30% depuis 2006 et de 7,7% en 2015. Elles ont augmenté en Australie et en Nouvelle-Zélande de respectivement 8% à 23,5 milliards USD et de 7,5% à 2 milliards USD. En ce qui concerne l’Asie centrale, aucune information n’a pu être restituée par le SIPRI pour le Tadjikistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan. Le SIPRI estime que le Kirghizstan a augmenté ses dépenses militaires d’environ 3,6% en 2014 à 236 millions USD. Les dépenses du Kazakhstan ont quant à elle diminué de 4% à 1,9 milliard USD. Europe13 Les dépenses militaires ont augmenté de 5,4% pour l’ensemble du continent européen sur la période 2006-2015. Ceci étant, un contraste important est encore à noter entre l’Europe orientale et l’Europe occidentale. Depuis 2006, l’Europe de l’Est a presque doublé ses dépenses militaires (+90%), tandis que l’Europe de l’Ouest a vu ses budgets de défense se contracter de près de 10% sur la même période. Pour la 6e année consécutive, l’Europe occidentale a vu ses dépenses baisser, de 1,3% en 2015. Avec un retour à la hausse dans une majorité des pays de la sous-région, 2015 est peutêtre annonciateur de la fin d’une période de budgets militaires tirés à la baisse par des dépenses publiques sous pression. Les dépenses militaires sont par exemple reparties à la hausse au Royaume-Uni (+0,9% à 55,5 milliards USD) et en l’Allemagne (+2% à 39,4 milliards USD), 2e et 3e pays les plus dépensiers de la sous-région. Il en va de même en Suisse (+9,8%), au Portugal (+6,5%) et en Grèce (+10,4%), et ce malgré une contraction de son économie et un déficit public de 7,2%. Les budgets militaires ont par contre continué à diminuer en France (-4,5% à 50,9 milliards USD), en Italie (-9,9% à 23,8 milliards USD), et pour la 8e année consécutive en Belgique (-4,6% à 4,2 milliards USD). Pour l’année 2015, l’Europe orientale a augmenté ses budgets de défense de 7,5% (et de 90% depuis 2006). L’Ukraine enregistre sans surprise la plus forte augmentation avec une hausse de ses dépenses militaires estimée à 10% en 2015 à 3,6 milliards USD. Les dépenses de l’Ukraine ont augmenté de 34% depuis le début du conflit à l’est du pays en 2013. Les dépenses militaires de la Russie ont quant à elles augmenté de 7,5% en 2015 à 66,4 milliards USD à prix courants. Les difficultés économiques liées à la chute du prix du pétrole et aux sanctions occidentales ont obligé la Russie à réduire de 3% son budget de 13. Du fait du déplacement de la Turquie de la région « Europe » vers la région « Moyen-Orient » par le SIPRI dans le Yearbook 2015, les données reprises pour l’Europe sont significativement moins importantes que celles présentées dans les éditions du Compendium des années précédentes. Toutes les références aux données et variations des années précédentes prennent compte de la nouvelle répartition régionale (SIPRI Yearbook 2015, p. 344, note n° 3). 17
défense prévu pour 2015. Les prévisions à la baisse du budget 2016 pour l’acquisition de nouveaux équipements devraient avoir un impact sur le plan de modernisation russe qui vise à remplacer 70% des équipements des forces de défense d’ici à 2020. Avec des dépenses militaires en augmentation de 13,2% en 2015, l’Europe centrale confirme un retour à la hausse entamé en 2014. Reflet d’une réévaluation des menaces perçues et des stratégies de défense à l’aune du conflit en Ukraine, les hausses les plus importantes sont enregistrées dans les pays membres de l’OTAN. La Pologne est le pays de la sous-région dont les dépenses militaires semblent le plus refléter les tensions à l’est du continent avec des dépenses en hausse de 22% en 2015 et de 55,6% sur dix ans. Les dépenses des pays baltes en 2015, membres de l’OTAN depuis 2004 et géographiquement proches de la Russie, enregistrent également des hausses significatives de 32,7% en Lituanie, 13,7% en Lettonie et 6,6% en Estonie. 3. Les États les plus dépensiers en 2015 Rapport du GRIP 2016/8 | DÉPENSES MILITAIRES, PRODUCTION ET TRANSFERTS D’ARMES - Compendium 2016 Les dépenses militaires mondiales sont estimées à 1 676 milliards USD en 2015 (prix courants). Le tableau 2 donne le classement des 15 pays aux dépenses militaires les plus élevées, à prix courants de 2014. La liste des pays reste inchangée par rapport à 2014. Seul l’ordre a subi quelques modifications qui s’expliquent par la chute du rouble et la baisse de l’euro. Les États-Unis pèsent à eux seuls 35,6% du total mondial, un chiffre en baisse sur dix ans (-3,9%). Ils sont suivis par la Chine (12,8% du total mondial), l’Arabie saoudite (5,2%), la Russie (4%), et le Royaume-Uni (3,3%). Ces cinq premiers pays totalisent ensemble 60,9% des dépenses mondiales, alors que leur population représente à peine 26,3% de la population du globe. Les 15 premiers pays les plus dépensiers en termes de dépenses militaires totalisent 80,5% des dépenses mondiales, pour une population correspondant à un peu plus de la moitié (52,8%) de la population mondiale. En ce qui concerne les dépenses militaires par habitant, on trouve l’Inde au bas de ce Top 15, avec des dépenses militaires d’environ 39,1 USD par habitant, et au sommet de la liste, l’Arabie saoudite avec 2 764 USD par citoyen en 2015. Trois autres pays ont probablement dépensé plus de 1 000 USD par habitant en 2015 : les Émirats arabes unis (2 485 USD), Israël (1 921) et les États-Unis (1 854 USD). Les dépenses militaires, par habitant ou en pourcentage du PIB, pour l’ensemble des pays de l’Union européenne peuvent être comparées, en 2015, en euros cette fois, dans les deux dernières colonnes du tableau de l’annexe 2. En moyenne, pour les 28 pays membres de l’UE, les dépenses militaires représentaient 426 euros par habitant et 1,48% du PIB en 2015. La Belgique affiche des dépenses militaires correspondant à 0,92% de son PIB ; la France, à 2,1%. Dans l’ordre, le Royaume-Uni, la France, le Danemark, la Suède et la Finlande sont les pays européens dont les dépenses militaires par habitant sont les plus importantes. La Grèce, la Pologne, la France, l’Estonie et le Royaume-Uni, allouent les parts les plus importantes de leur PIB aux dépenses militaires. Dans le bas de ce classement on retrouve l’Irlande, le Luxembourg, Malte, l’Autriche et la Hongrie. 18
Tableau 2. LES DÉPENSES MILITAIRES DES 15 PAYS LES PLUS DÉPENSIERS EN 2015 En milliards de dollars de 2015 (prix courants) ° : chiffre de 2014 pour les dépenses militaires. Pas de données fiables pour 2015. Sources : - Population : Banque mondiale, http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.TOTL - PIB : Banque mondiale, http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.CD - Dépenses militaires : SIPRI, www.sipri.org/research/armaments/milex/milex_database 19
LA PRODUCTION D’ARMEMENTS DANS LE MONDE 1. Un nouveau tassement du chiffre d’affaires en 2015 En 2015, les 100 principales entreprises productrices d’armement dans le monde ont affiché globalement un chiffre d’affaires de 356,7 milliards USD réalisés dans les contrats d’armement (sur un chiffre d’affaires total de 1 118,1 milliards USD) (graphique 3). Le chiffre d’affaires réalisé dans l’armement est en recul de 8,1% par rapport à celui de 2014. Il s’agit de la cinquième année consécutive de baisse (-17,4% depuis 2010), après Rapport du GRIP 2016/8 | DÉPENSES MILITAIRES, PRODUCTION ET TRANSFERTS D’ARMES - Compendium 2016 une hausse continue de +63% entre 1998 et 2010. Cette baisse des revenus liés aux marchés de défense est cependant moins importante que celle constatée pour la part du chiffre d’affaires réalisé par ces groupes dans leurs activités civiles, également en forte diminution pour la troisième année consécutive. En effet, la part du chiffre d’affaires réalisé dans les secteurs civils affiche, en 2015, une baisse de 10,8% par rapport à 2014. Par rapport au sommet atteint en 2012, la part du chiffre d’affaires réalisé dans les secteurs civils est en recul de 33,4%. Le Top 100 de l’année 2015 compte 41 firmes américaines, 23 de l’Union européenne (y compris le Royaume-Uni) et 36 sociétés établies dans le reste du monde (y compris les pays européens non membres de l’UE). Si le haut du Top 100 reste de loin dominé par les firmes américaines, cette répartition en nombre de firmes selon leur nationalité indique depuis plusieurs années une lente érosion de la position des États-Unis et de l’Union européenne, au bénéfice d’un plus grand nombre d’acteurs majeurs dans le reste du monde, principalement au Japon (9 firmes)14, et en Russie (7 firmes dont 3 en tête du classement pour les firmes du reste du monde). La liste complète des entreprises du Top 100 pour 2015 est donnée en annexe 3. L’ensemble des données pour la période 1998 à 2015 est également disponible dans la rubrique « Chiffres clés » sur le site Internet du GRIP www.grip.org/fr/node/1715 . L’évolution du Top 100 des firmes de l’armement se caractérise par un processus de concentration très important et par une forte domination des groupes américains. Les dix premières firmes – parmi lesquelles six américaines – du Top 100 (tableau 3) ont généré en 2015 un chiffre d’affaires « armement » de 193,4 milliards de dollars, ce qui représentait 54,2% du chiffre d’affaires « armement » global du Top 100. 14. Voir Bruno Hellendorff, « Le Japon, nouvel exportateur d’armements : histoire, régulations et perspectives stratégiques », Les Rapports du GRIP, 2016/5, www.grip.org/fr/node/2057 20
Les cinq premiers groupes américains – les « Big Five » : Lockheed Martin, Boeing, Northrop Grumman, General Dynamics et Raytheon – ont totalisé un chiffre d’affaires « armement » de 129,4 milliards en 2015, ce qui représente 36,3% – le tiers – du chiffre d’affaires « armement » total du Top 100. Le premier groupe « européen » est le Britannique BAE System, suivi de trois autres groupes dont le siège est dans l’Union européenne : Airbus, Leonardo (anciennement Finmeccanica), et Thales. Graphique 3. CHIFFRE D’AFFAIRES TOTAL (EN MILLIARDS DE DOLLARS), « CIVIL » ET « DÉFENSE » DES 100 PRINCIPAUX PRODUCTEURS D’ARMEMENTS DANS LE MONDE Source : GRIP, sur la base de Defense News 21
Tableau 3. LES DIX PRINCIPALES FIRMES DE PRODUCTION D’ARMEMENTS EN 2015 Chiffre d’affaires en millions de dollars de 2015 CA Défense Rang Rang Entreprise Pays CA Défense CA Total en % du 2015 2014 CA Total 1 Lockheed Martin US 40 596,0 46 132,0 88,0 1 2 Boeing US 30 388,0 96 114,0 31,6 2 3 BAE Systems UK 25 278,1 27 357,3 92,4 3 4 Raytheon US 21 619,7 23 247,0 93,0 4 5 General Dynamics US 19 148,0 31 469,0 60,8 5 6 Northrop Grumman US 17 600,0 23 526,0 74,8 6 7 Airbus NL 12 776,1 71 539,5 17,9 7 Rapport du GRIP 2016/8 | DÉPENSES MILITAIRES, PRODUCTION ET TRANSFERTS D’ARMES - Compendium 2016 8 Leonardo Spa I 9 318,5 14 424,5 64,6 9 9 L-3 Communications US 8 772,0 10 466,0 83,8 10 10 Thales FR 7 863,2 15 609,9 50,4 12 Total 193 359,6 359 885,2 53,7 Source : GRIP, sur la base de Defense News Les promesses de la militarisation de la sécurité Ce nouveau recul du chiffre d’affaires du secteur de l’armement en 2015, pour la cinquième année consécutive, s’explique d’une part par la crise financière et les mesures de réductions des déficits publics – avec pour conséquence des réductions des dépenses militaires ainsi que quelques reports ou annulations de programmes d’équipements – mais aussi, d’autre part, l’évolution des conflits – en particulier les retraits d’Irak et d’Afghanistan – qui offraient jusqu’il y a peu des débouchés importants. Les stratégies mises en œuvres par les entreprises pour rester compétitives sont diverses. Certaines poursuivent une stratégie d’acquisition et de spécialisation sur les métiers militaires. D’autres établissent de nouvelles filiales à l’étranger, en particulier dans les pays qui semblent avoir encore un important potentiel de croissance en termes de dépenses militaires, et notamment les puissances émergentes du groupe des « BRIICS » (Brésil, Russie, Inde, Indonésie, Chine et Afrique du Sud). Cependant, si certaines firmes poursuivent une politique de fusions et acquisitions destinée à accroître leur spécialisation sur les marchés traditionnels de la défense, les fusions et acquisitions enregistrées depuis quelques années traduisent un élargissement des périmètres d’activités des firmes vers des secteurs adjacents dont les applications sont duales : civiles et militaires. 22
Ces acquisitions expriment clairement l’ambition des leaders du secteur de s’implanter solidement sur les nouveaux marchés ouverts par les enjeux de sécurité nationale tels que la cybersécurité, la protection des infrastructures stratégiques, la sécurisation des flux industriels ou encore la surveillance des frontières, un domaine sur la voie d’une réelle « militarisation » impliquant notamment le recours à des drones d’origine militaire. Si, au sein de l’Union européenne, les budgets liés à ces nouveaux enjeux ne sont pas encore de nature à compenser la contraction des budgets militaires, ils sont cependant en croissance et l’objet d’une attention nouvelle. Le programme « Horizon 2020 » pour la recherche et l’innovation de l’Union européenne prévoit en effet, sur un budget total de 77,6 milliards d’euros destinés à la recherche non nucléaire, une enveloppe de 3,8 milliards d’euros pour le domaine de la « sécurité » sous le titre « secure societies ». Quand le canon tonne, le rentier chantonne… Les éditions précédentes du Compendium ont démontré que les marchés financiers semblaient considérer le secteur de l’armement comme une valeur de long terme, voire même une valeur refuge, lorsque s’effondraient d’autres pans de l’économie. Ce phénomène a été illustré par une comparaison des rendements, depuis les années 1990, entre les indices boursiers sectoriels de l’industrie de l’armement (NYSE Arca Defense Index – noté DFI – pour les industries cotées du secteur de l’armement aux États-Unis, et STOXX Europe TMI Aerospace & Defense – noté SXPARO.Z – comme équivalent européen), et les indices généraux des marchés (Dow Jones, Nasdaq, STOXX50, et d’autres)15. Ces comparaisons démontraient que, dopées par un enchainement d’effets d’aubaine – krach de la nouvelle économie au printemps 2000, attentats du 11 septembre 2001, guerre en Irak en 2003 – les valeurs de l’armement avaient entamé le 21e siècle dans l’euphorie, surperformant de façon spectaculaire les indices généraux de référence sur longue période, tant aux États-Unis (graphique 4) qu’en Europe (graphique 5). Si les valeurs de l’armement n’échappent pas, comme tous les secteurs d’activités, à quelques revers et fluctuations parfois fortes sur les marchés financiers, la tendance lourde reste toutefois une surperformance significative qui ne s’est encore jamais démentie. Aux États-Unis, on note aussi une tendance du Nasdaq à se rapprocher des performances du secteur de l’armement, ce qui pourrait en partie s’expliquer par 15. Les performances du secteur de l’armement peuvent être mesurées par des indices boursiers spécifiques : le New York Stock Exchange Arca Defense Index (DFI) composé de 14 firmes parmi les plus représentatives de l’industrie de l’armement aux États-Unis, et son équivalent européen Dow Jones STOXX TMI Aerospace & Defense (SXPARO.Z), coté à Zurich, et composé de 15 valeurs parmi les plus représentatives de l’industrie de l’armement européenne. L’évolution de ces indices spécifiques peut être comparée à celle des indices généraux des marchés. Dans cette analyse, l’indice de l’armement européen SXPARO.Z sera comparé au Dow Jones STOXX50 (SX5P.Z, reflétant 50 valeurs de premier ordre européennes, ou « blue chip ») et à l’indice total du marché Dow Jones STOXX Total Market Index (BKXP). De façon similaire, l’indice américain DFI sera comparé au Dow Jones Industrial Average (DJIA, 30 « blue chips » américaines), au Dow Jones Wilshire 5000 (DWC, indice total du marché américain), ainsi qu’à l’indice des valeurs technologiques Nasdaq (IXIC). 23
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