DÉVELOPPER ET METTRE EN ŒUVRE - DES SERVICES EFFICACES DE SENSIBILISATION À L'UTILISATION DE L'ENERGIE DOMESTIQUE - Institut für ...

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DÉVELOPPER ET METTRE EN ŒUVRE - DES SERVICES EFFICACES DE SENSIBILISATION À L'UTILISATION DE L'ENERGIE DOMESTIQUE - Institut für ...
DÉVELOPPER ET
                                METTRE EN ŒUVRE
                            DES SERVICES EFFICACES DE
                          SENSIBILISATION À L’UTILISATION
                            DE L’ENERGIE DOMESTIQUE

                                Andreas Huber, Jaap Kortman, Ana Martín Benito et Michael Scharp
                           Ce manuel est à l’usage des bailleurs sociaux, municipalités, énergéticiens, ONG
                            et autres intervenants enthousiastes qui souhaitent encourager les résidents
                              à économiser énergie et argent par des changements de comportements.

Ce manuel/guide s’inscrit dans le cadre du projet BewareE, cofinancé par le Programme Energie Intelligente pour l’Europe (EIE/07/242SI2.467627-Be wa reE).
Les partenaires paneuropéens du projet BewareE sont: IZT en Allemagne (coordinateur), EIFER en France, IVAM aux Pays-Bas et IN ASMET-Tecnalia en Espagne.
              La responsabilité du contenu n’engage que ses auteurs et ne reflète pas nécessairement l’opinion des Communautés Européennes.
                  La Commission Européenne décline toute responsabilité quant à l’utilisation des informations contenues dans ce document.
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    Contenu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   2

    À propos de ce manuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .               3

    Chapitre 1 : Les Politiques de l’UE contre le Changement Climatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                             4

    Chapitre 2 : La Consommation d’Energie dans les Foyers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                      8

    Chapitre 3 : Pourquoi Changer les Comportements est-il si Compliqué ? . . . . . . . . . . . . . . . . 15

    Chapitre 4 : Stratégies d’Intervention . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

    Chapitre 5 : Choisir un Service: Exemples Provenant du Projet BewareE . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

    Chapitre 6 : Comment Réussir la Mise en Œuvre des Services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

    Chapitre 7 : Passer à l’acte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

    Annexe : Liste des Services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

    Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

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À Propos de ce Manuel1
La lutte contre le changement climatique demande l’exploration de toutes les voies possibles
menant à une réduction de la consommation énergétique. S’attaquer au changement climatique
n’est pas seulement un problème technologique – comme par exemple remplacer l’énergie con-
ventionnelle par de l’énergie renouvelable – mais c’est aussi un problème dû au comportement
humain. Ce manuel explique comment l’énergie peut être économisée en modifiant les comporte-
ments relatifs à la consommation d’énergie domestique.
Les ménages peuvent, par exemple :

왘 s’approprier des pratiques économes en énergie
       (par ex., lavage avec de l’eau à basse température) ;
왘 éviter les pratiques nécessitant une forte consommation d’énergie
       (par ex., prendre des douches rapides) ;
왘 éviter l’utilisation inutile d’énergie
       (par ex., tirer les rideaux pour se protéger du froid) ;
왘 acheter des équipements d’économie d’énergie
       (par ex., des ampoules à basse consommation)

S’ils sont bien pensés et planifiés, les services de sensibilisation à l’énergie peuvent devenir des
instruments très puissants d’économie d’énergie. Ce manuel vous aidera à élaborer et appliquer
des mesures efficaces pour engendrer une modification des comportements. Il est basé sur les
conclusions du projet BewareE, découlant de la compilation et l’analyse d’exemples de services
de sensibilisation à l’énergie dans toute l’Europe. Etant basé sur la pratique, mais aussi sur la
théorie, ce manuel explique comment mettre en œuvre des services permettant aux résidents de
modifier leurs comportements, de réduire leur consommation d’énergie et leurs coûts énergétiques.

Dans le but de développer des services efficaces de sensibilisation à l’économie d’énergie, il importe
de prendre en compte l’expérience pratique, ainsi que les résultats scientifiques de différentes
disciplines. L’incitation à un changement de comportement a plus de chances de réussir si elle
est élaborée à partir de réflexions provenant de différents domaines.

      Bien organisés, des services de sensibilisation à l’énergie peuvent engendrer des
      économies d’énergie de l’ordre de 5 à 10 % et jusqu’à 20 % dans certains cas !
      Il peut en résulter pour les foyers des économies allant jusqu’à 300 € par an.

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    Nous remercions Lieke Dreijerink, Diana Uitdenbogerd, Laure Frachet, Jean-Michel Cayla, Daniel Pichert et Michael Knoll pour leurs précieux
    commentaires sur ce manuel.

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Source : © pixelquelle.de/Andreas Kessler y pixelio.de/Henry Kessler

    Chapitre 1:
    La Politique de l’UE de Lutte contre le Changement Climatique
    L’expression « changement climatique » est couramment utilisée, ainsi que « réchauffement pla-
    nétaire » et « l’effet de serre ». Le changement climatique se réfère à l’augmentation dans l’atmo-
    sphère des gaz provenant d’activités humaines, gaz qui piègent la chaleur du soleil et qui provo-
    quent des modifications dans les processus météorologiques à échelle mondiale. Les effets sur
    le climat comprennent la modification des régimes de précipitations, la fonte des glaces, l’élévation
    du niveau de la mer, le débordement des rivières, des sécheresses potentielles, et un excès de
    chaleur. Parmi tous les gaz à effet de serre, les quantités croissantes de dioxyde de carbone, de
    méthane et d’oxydes d’azote sont une préoccupation majeure. Si la quantité de ces gaz dans
    notre atmosphère continue d’augmenter, la terre pourrait connaître un réchauffement de 1,8 à 4
    degrées d’ici à la fin du 21ème siècle (IPCC 2007), qui se traduirait par des modifications climatiques
    globales. Les images ci-dessous montrent quelques exemples d’inondations en Europe.

    Les effets récents du changement climatique en Europe incluent des étés très secs en Espagne et
    dans le sud de la France, qui ont causé des pénuries d’eau. D’autre part, l’Allemagne a souffert d’un
    nombre accru de tempêtes qui ont occasionné de graves dommages et les Pays-Bas font face à
    des risques croissants de débordements de rivières dus à de fortes pluies.

    La Commission européenne souhaite lutter contre les effets et l’ampleur des changements clima-
    tiques, pour cela, son objectif est de parvenir à une réduction de 20 % de la consommation d’éner-
    gie d’ici à 2020 (Commission européenne 2006). Réduire la consommation d’énergie au moyen
    de services de sensibilisation à l’énergie est un élément important de la politique d’économie
    d’énergie menée par l’Union Européenne. En 2006, l’Union Européenne a introduit la directive
    relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques (Parlement
    Européen et Conseil 2006), qui prévoit la mise en œuvre de services énergétiques pour réduire
    la consommation d’énergie. Une partie de ce plan d’action se concentre sur les économies d’énergie
    engendrées par l’émergence d’une prise de conscience et par un changement des comportements.
    La directive stipule que :

    왘 Les Etats membres doivent parvenir à un objectif national de 9 % d’économie d’énergie en 2017;
    왘 Le secteur public est supposé montrer la voie dans la réalisation de ces objectifs;
    왘 Les Etats membres devraient imposer des obligations aux fournisseurs et aux distributeurs
       d’énergie visant à promouvoir l’efficacité énergétique;
    왘 Les Etats membres devraient adopter une législation concernant la mesure et la facturation,
       afin d’assurer que les consommateurs sont bien informés avant de prendre des décisions
       liées à leur consommation d’énergie.

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L’objectif de la Commission Européenne est de parvenir à une réduction de 20 % de la
      consommation d’énergie d’ici à 2020 (Plan d’action en matière d’efficacité énergétique,
      2006). Réaliser des économies d’énergie en modifiant les comportements est le moyen
      le plus efficace et rentable d’atteindre cet objectif.

Ce manuel, basé sur les résultats du projet BewareE, est destiné à inspirer et à permettre la mise
en place de « services de sensibilisation à l’énergie » dans tous les États membres de l’UE. Les
exemples et les résultats des recherches conduites en sciences sociales démontrent que les ser-
vices dédiés à la modification des comportements peuvent aider à atteindre les objectifs de l’UE,
tels que stipulés dans la directive CE relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales
et aux services énergétiques (2006/32).

Que Sont les Services de Sensibilisation à l’Energie ?
Le comportement humain est composé, dans une large mesure, d’habitudes quotidiennes et de
pratiques sociales qui vont parfois à l’opposé des objectifs d’économie d’énergie. Si les consom-
mateurs adoptaient des pratiques d’économie d’énergie, l’impact sur la consommation énergétique
au niveau européen serait considérable. Le projet BewareE 2, cofinancé par l’Agence Exécutive
pour la Compétitivité et l’Innovation (AECI), facilite la mise en place de « services de sensibilisation
à l’énergie » afin de réduire la consommation énergétique des foyers ainsi que les coûts associés à
celle-ci.

          Un service de sensibilisation à l’énergie est constitué par toute forme d’action ou
          d’outil destinée à aider les résidents à adopter des comportements durables pour une
          meilleure efficacité énergétique. Ces changements comportementaux sont liés aux
          habitudes quotidiennes, aux comportements d’achats et d’investissement.

En collaboration avec les associations de logement et d’autres parties concernées, le consortium
du projet a systématiquement recueilli des informations sur les services de sensibilisation à l’énergie.
Les partenaires ont recueilli plus de 130 exemples de tels services dans toute l’Europe. Ils ont été
analysés, évalués et classés dans la base de données BewareE des services de sensibilisation à
l’énergie (www.izt.de/bewaree). Tout au long de ce manuel, nous présenterons des exemples
choisis de ces services dans les encarts jaunes.

Pourquoi les Services de Sensibilisation
à l’Energie Sont-Ils Importants pour Vous ?
Ce manuel s’adresse aux fournisseurs potentiels de services de sensibilisation à l’énergie: bailleurs
et organismes immobiliers, municipalités, associations de consommateurs et de résidents, ainsi que
d’autres intervenants enthousiastes. Chacun de ces acteurs est stimulé par des motivations diffé-
rentes.

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    BewareE : réduire la consommation d’énergie des résidents par des changements de comportement

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Les Bailleurs
    Fournir des services de sensibilisation à l’efficacité énergétique ne fait pas partie de l’activité prin-
    cipale des bailleurs. Pourtant, au cours de nos recherches, nous avons appris qu’il existe diverses
    motivations qui incitent les sociétés de logement à mettre en œuvre des services de sensibilisation.
    Entre autres, ce sont des objectifs de renforcement de l’image de responsabilité sociale des entre-
    prises, d’aide aux ménages à faible revenu en réduisant les factures énergétiques, évitant ainsi un
    possible défaut de paiement du loyer, et finalement le souhait d’améliorer la qualité des logements
    ainsi que la cohésion de la communauté. Ces motivations sont décrites dans les paragraphes sui-
    vants.
    Tout d’abord, la responsabilité sociale est devenue de plus en plus importante. Aujourd’hui l’enga-
    gement envers la protection du climat a une grande valeur publique. Par exemple, aux Pays-Bas,
    cet engagement en faveur de l’environnement a été défini en 2008 dans un important accord des
    sociétés du secteur de l’habitat (Ministère du Logement, 2008) qui a été signé par le Woonbond
    (l’Association des Locataires Néerlandais), l’AEDES (l’Association Néerlandaise des Bailleurs) et le
    Ministère Néerlandais du Logement. Il vise à réduire la consommation d’énergie du parc de loge-
    ments en mettant en œuvre une série d’initiatives. En ce sens, la mise en œuvre de services de
    sensibilisation à l’efficacité énergétique est un très bon moyen de parvenir à avoir une image po-
    sitive auprès du public.

    En deuxième point, les coûts croissants de l’énergie diminuent le budget des ménages disponible
    pour couvrir les frais de subsistance et cela peut accroître le risque d’endettement et de loyers
    impayés. Il est dans l’intérêt des bailleurs de maintenir les coûts énergétiques aussi bas que possible.
    Les services de sensibilisation à l’efficacité énergétique peuvent y contribuer.

    En outre, la mise en œuvre de ces services peut, dans certains cas, faire partie de l’amélioration
    des logements et, si les services sont mis en œuvre en coopération avec les résidents, elle peut
    également renforcer la cohésion de la communauté. Ces bénéfices encouragent de plus en plus
    de bailleurs à s’engager fermement à fournir des services de sensibilisation à l’énergie. Certains des
    services les plus innovants en Europe découverts lors de nos recherches sont offerts par des bail-
    leurs (voir les exemples dans les encarts jaunes).

    Les Municipalités
    Les économies d’énergie et le changement climatique sont des préoccupations importantes dans
    les politiques des municipalités. Plus de 1600 municipalités européennes ont ainsi signé le Pacte
    des Maires. Ces municipalités sont maintenant engagées à présenter un plan d’action local en
    faveur des énergies durables dans l’année suivant leur signature (www.eumayors.eu). Fournir des
    services de sensibilisation à l’énergie est un moyen rentable d’atteindre les objectifs de réduction
    de la consommation d’énergie pour beaucoup d’entre elles. Les municipalités sont les autorités
    publiques les plus proches des citoyens. Elles sont bien placées pour fournir des conseils per-
    sonnalisés d’économies d’énergie à des groupes cibles spécifiques, comme les ménages à faible
    revenu et les personnes âgées.

    Les Organismes de Consommateurs et de Résidents
    Pour les organismes de consommateurs et de résidents, les services de sensibilisation à l’énergie
    sont des instruments pratiques pour aider les ménages à effectuer des économies d’énergie et à
    réduire leurs coûts énergétiques. Entre 2000 et 2007, le coût de l’énergie par ménage a augmenté

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de 70 %, jusqu’à une moyenne annuelle de 300 € pour l’électricité et 455 € pour le gaz et le pétrole
(Kortman, 2009), et il est probable que ces coûts augmenteront encore dans le futur. En outre,
les mesures d’économie d’énergie prises à l’échelle communautaire peuvent renforcer la cohésion
sociale entre les résidents.

Les Energéticiens
Les énergéticiens forment un autre groupe de fournisseurs potentiels de services. Comme les or-
ganismes de logement, ils peuvent renforcer leur image par la mise en œuvre de services de sen-
sibilisation à l’énergie. De plus, sous le régime des certificats blancs, fournir des programmes de
changements comportementaux peut aussi être un moyen de se conformer aux quotas d’écono-
mies d’énergie. Enfin, en réduisant leurs coûts énergétiques, les énergéticiens peuvent améliorer
la relation avec leurs clients, ce qui est essentiel dans un marché concurrentiel.

Comment Utiliser ce Manuel ?
Ce chapitre d’introduction vise à mettre en évidence l’importance des services de sensibilisation à
l’économie d’énergie dans la bataille européenne contre le changement climatique. Les chapitres
2,3 et 4 présentent d’importantes informations de base pour la conception de mesures efficaces
de changements comportementaux. Le chapitre 2 explique la quantité d’énergie consommée et
la répartition de son utilisation dans les foyers européens. De plus, les économies potentielles
réalisables sont mises en évidence afin de comprendre l’importance de la consommation énergé-
tique des ménages. Dans le chapitre 3, les défis pour changer les comportements de consomma-
tion d’énergie sont envisagés à partir d’un point de vue théorique. Des réflexions provenant des
domaines de l’économie, la psychologie et la sociologie sont introduites pour expliquer la com-
plexité des facteurs qui façonnent le comportement humain. À partir de ces idées, le chapitre 4
explore différentes « stratégies d’intervention » possibles, à savoir les moyens d’influencer les
comportements de consommation énergétique. Les méthodes typiques telles que les campagnes
médiatiques, les incitations et le feed-back aux consommateurs sont abordées dans ce chapitre.

Les chapitres 5 et 6 sont conçus pour vous aider à développer vos propres services de sensibili-
sation à l’énergie. Le chapitre 5 offre une vue d’ensemble des différents types de services présents
dans la base de données BewareE. Ces exemples pourraient vous inspirer pour développer votre
propre service approprié en fonction du groupe ciblé. Reportez-vous à notre base de données
BewareE qui contient plus de 100 services testés et éprouvés de sensibilisation à l’énergie. En outre,
nous suggérons une approche en six étapes pour une mise en œuvre réussie de tels services. Cette
méthode a été développée en s’appuyant sur les expériences internationales du projet BewareE
et veut être un guide pratique pour vous aider à élaborer et mettre en œuvre vos propres services
énergétiques.

Finalement, le chapitre 7 fait appel à votre enthousiasme : passez à l’acte ! En résumé, nous pré-
sentons six règles d’or pour la mise en œuvre de services efficaces de sensibilisation à l’énergie.
Commencez à concevoir votre service, rappelez-vous que des services de sensibilisation bien or-
ganisés peuvent engendrer des économies d’énergie de l’ordre de 5 à 10 % et dans certains cas
jusqu’à 20 % par an. Ce qui se traduit par de réelles économies financières pouvant aller jusqu’à
300 € par an.

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Chapitre 2:     La Consommation d’Energie dans les Foyers
    En 2007, les foyers étaient responsables de 26 % de l’énergie totale consommée en Europe (Euro-
    stat 2010). D’importantes différences existent entre les niveaux de consommation des différents
    États membres de l’Union Européenne (UE). C’est ainsi qu’en Lettonie, en Hongrie et en Estonie,
    le secteur résidentiel représente une consommation d’énergie bien supérieure à la moyenne de
    l’UE (respectivement 34 %, 33 % et 32 %). Cependant, la part que représente le résidentiel est
    bien moindre pour certains pays comme le Luxembourg (15 %), Chypre (16 %) ou l’Espagne (16 %)
    (Eurostat 2010, voir figure 1). Ces différences peuvent s’expliquer par des facteurs tels que les
    conditions climatiques (demande en chauffage moindre dans les pays du sud comme Chypre et
    l’Espagne) ou l’importance relative des autres secteurs (la part de la consommation des transports
    est par exemple étonnamment élevée au Luxembourg).

    Figure 1 : Consommation finale d’énergie en Europe dans les différents secteurs (2007)

                                                                                             Source : Eurostat (2010)

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Différences de Consommations Nationales
Les statistiques révèlent également de fortes disparités au sein de l’UE entre les consommations
d’énergie par ménage. C’est ainsi qu’alors que le Luxembourg détient le plus haut niveau avec
9700 kgep/habitant, la Roumanie affiche quant à elle un ratio de 1860 kgep/habitant (Eurostat
2010). Une autre différence significative dans la façon dont les ménages utilisent l’énergie domes-
tique concerne la répartition entre les différents usages (chauffage, eau chaude sanitaire, cuisson,
éclairage et électricité spécifique). La figure 2 présente cette répartition pour 15 pays industrialisés
dans le monde entier.

Figure 2 : Usages de l’énergie dans le résidentiel

                                                                                     Source : Lautsten (2008)

C’est ainsi qu’en Autriche, en France et en Allemagne, la consommation d’énergie pour le chauffage
est supérieure à la moyenne des 15 pays industrialisés. En revanche, en Norvège et en Espagne,
cette consommation est inférieure à la moyenne. Une fois la consommation d’énergie par habitant
corrigée par les influences climatiques, on constate que les pays à climat relativement froid sont
dans le groupe moyen (Norvège et Suède), tandis que les pays relativement chauds tels que la
France se placent dans la catégorie de consommation élevée. Cela peut s’expliquer par le fait que
dans les zones de climat froid, les bâtiments ont tendance à être mieux isolés que les maisons
construites sous des climats plus cléments. Concernant l’Eau Chaude Sanitaire (ECS), la consom-
mation d’énergie est assez élevée en Finlande, en Suède et au Royaume-Uni, contrairement à
l’Allemagne ou l’Italie. Quant à l’éclairage, les foyers norvégiens sont de grands consommateurs,
contrairement à la France. Enfin, par rapport à d’autres pays, le Danemark, la Finlande, la Norvège
et la Suède dépensent beaucoup d’énergie pour l’électricité spécifique.

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Tendances Relatives à la Répartition de l’Energie Domestique
     La figure 3 montre que la part du chauffage a diminué sur la période allant de 1990 à 2004. Cette
     tendance est contrastée par une part plus importante de la consommation d’énergie pour les
     appareils (ordinateurs, téléphones mobiles, etc.) qui est passé de moins de 15 % à près de 20 %
     dans la même période.

     Figure 3: Consommation d’énergie dans les bâtiments résidentiels en Europe

                                                                                   Source : Lautsten 2008 / IEA 2008

     Pour chaque usage de l’énergie, des changements de comportement peuvent participer à la réa-
     lisation d’économies. La base de données BewareE contient des exemples de services à sensibili-
     sation à l’énergie dans toutes ces catégories d’utilisation de l’énergie. Ils peuvent servir de point de
     départ au développement de vos propres services de sensibilisation à l’énergie.

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Chauffage
Le chauffage constitue l’usage le plus important dans la consommation d’énergie des foyers et re-
présente plus de la moitié de la consommation résidentielle totale d’énergie dans la plupart des
pays membres de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE). Environ un tiers des services de sen-
sibilisation à l’énergie de la base de données BewareE concerne cet usage. Le service suivant est
par exemple un moyen permettant de réduire la consommation d’énergie liée au poste chauffage.

           Entretien avec Conseiller :
Bonne Pratique :
les Ramoneurs comme Ambassadeurs du Climat
Les Intervenants : L’Agence Autrichienne de l’Energie, en coopération avec d’autres orga-
nismes de conseil en énergie et des partenaires industriels, a travaillé avec les ramoneurs pour
en faire des « ambassadeurs du climat » et conseiller les foyers au cours de visites à domicile.

Aspects Particuliers : Intégrer à l’activité classique des ramoneurs des aspects relatifs aux
économies d’énergie est une excellente idée. En effet, leurs visites à domicile constituent l’op-
portunité d’aborder le sujet de l’efficacité énergétique sans prises de rendez-vous supplémen-
taires.

L’Expérience : Cette initiative s’inscrit dans le cadre du programme « klima:aktiv leben » qui
a été lancé par le Ministère Fédéral Autrichien de l’Agriculture, des Forêts, de l’Environnement
et de la Gestion de l’Eau pour favoriser les mesures d’économie d’énergie et améliorer les
comportements en faveur du climat dans les logements en propriété privée. Lors de leurs
visites à domicile, les ramoneurs, qui agissent comme ambassadeurs du climat, distribuent
des prospectus contenant des conseils relatifs
aux économies d’énergie. En outre, ils évaluent
l’état du système de chauffage et fournissent
des conseils sur l’achat de nouveaux équipe-
ments énergétiques performants. Ils fournis-
sent de plus des informations sur l’isolation
thermique et le remplacement des fenêtres.
Les demandes de renseignements ou de
conseils supplémentaires sont inscrites sur
une fiche d’évaluation et enregistrées dans
une base de données. Les questions supplé-
mentaires sont traitées par un service d’as-
sistance téléphonique.

Plus d’Informations : www.klimaaktiv.at,
www.energyagency.at, Scharp et al. 2008

                                                                                                    11
L’Eau Chaude Sanitaire
     L’eau chaude sanitaire représentait moins de 18 % de la consommation d’énergie résidentielle
     dans les ménages européens en 1990. Cette part s’était abaissée à environ 17 % en 2004. Seuls
     quelques services dans la base de données BewareE visent la réduction de la consommation
     d’énergie pour l’eau chaude sanitaire. L’un d’entre eux est présenté ci-dessous.

                     Entretiens avec Conseiller :
        Bonne Pratique :
        Les Inspecteurs de Chaudières
        Les Intervenants : Aidés par les administrations locales italiennes, les inspecteurs de chau-
        dières fournissent aux locataires et aux propriétaires des conseils liés à l’énergie.

        Aspects Particuliers : L’inspection obligatoire des chaudières offre l’opportunité de donner
        des conseils liés à l’énergie.

        L’Expérience : Selon l’article 31 de la loi 10/91, les municipalités italiennes de plus de 40000
        habitants doivent veiller à ce que toutes les chaudières résidentielles soient inspectées au
        moins une fois tous les deux ans. Ce contrôle comprend les points suivants:
        – vérification de l’état d’entretien de toutes les chaudières installées et de la garantie du res-
           pect des normes minimales d’efficacité énergétique,
        – vérification de la présence de régulation automatique de la température et de l’équipement
           de sécurité,
        – confirmation que la chaudière est conforme aux exigences légales pour les équipements
           de chauffage.

        L’inspecteur doit également fournir aux utilisateurs des
        informations à propos des économies d’énergie, des
        règles de sécurité et de la façon d’atteindre un niveau
        de confort acceptable. On estime que 11 millions de
        chaudières seront inspectées tous les deux ans. Les ré-
        sultats ont déjà montré que le programme d’inspec-
        tion des chaudières a permis d’augmenter la prise de
        conscience par les citoyens de la nécessité d’entretenir
        correctement les chaudières.

        Plus d’Informations :      www.eerg.it, Scharp et al. 2008

     Les Appareils Electroménagers
     Bien que les équipements électriques aient représenté moins de 15 % de la consommation d’énergie
     résidentielle en 1990, cette part est passée à près de 20 % dans la majorité des pays européens en
     2004. Parmi ces appareils, les machines à laver, lave-vaisselles, réfrigérateurs et sèche-linges sont de
     grands consommateurs, malgré une efficacité énergétique en progrès. Un quart des services de la
     base de données BewareE vise à réduire l’énergie consommée par ces appareils. Voici un exemple
     ci-dessous.

12
Incitations à Petit Coût :
Bonne Pratique :
Projet de Suivi de Consommation « Mesurer C’est Savoir »
Les Intervenants :    MilieuCentraal fournit des compteurs à tous les résidents intéressés des
Pays-Bas.

Aspects Particuliers : Comparé à d’autres services de suivi de consommation, le compteur
d’énergie Conrad constitue un moyen relativement bon marché pour rendre la consommation
d’énergie transparente.

L’Expérience : Les résidents peuvent mesurer la consommation d’énergie de leurs appareils
électriques ainsi que les coûts énergétiques résultants ; ceci grâce à un compteur d’énergie
(le Conrad Energy Check 3000) prêté par MilieuCentraal. Cette organisation environnemen-
tale fournit également des informations sur l’utilisation efficace des appareils ainsi que sur la
disponibilité sur le marché d’autres appareils éco-efficaces. À la fin de l’année 2005, 4000
compteurs étaient en circulation aux Pays-Bas. Chaque foyer est autorisé à conserver le comp-
teur trois semaines avant de le transmettre à un autre foyer. Jusqu’à présent, 36000 foyers ont
participé à ce programme.

Plus d’Informations :    Scharp et al. 2008

Cuisson et Eclairage
La cuisson et l’éclairage ont représenté environ 8 % de la consommation d’énergie résidentielle
en 1990. Cette part a légèrement augmenté à 9 % en 2004. La consommation d’énergie pour
l’éclairage devrait diminuer en raison de l’interdiction des ampoules à incandescence en Europe.
Une dizaine de services de sensibilisation à l’énergie répertoriés dans la base de données BewareE
visent à réduire la consommation d’énergie pour la cuisson et l’éclairage.

             Incitation à Petit Coût :
Bonne Pratique :
l’Energy Box, Contenant de Produits en Faveur des Economies d’Energie
Les Intervenants :    Le bailleur Woonplaats offre une « Energy Box » à ses résidents.

Aspects Particuliers : La boîte est offerte aux résidents lors d’une rénovation, moment idéal
pour sensibiliser aux économies d’énergie.

L’Expérience : Au cours d’une rénovation, les locataires sont censés être plus ouverts au
changement. Par conséquent, c’est un bon moment pour diriger l’attention sur l’importance
de comportements favorisant les économies d’énergie. Pour encourager les locataires à éco-
nomiser de l’énergie, Woonplaats, un bailleur à Enschede, aux Pays-Bas, a offert gratuitement
une Energy Box à ses locataires. Cette boîte contient plusieurs produits destinés à économiser
l’énergie, comme des ampoules basse consommation des interrupteurs de veille, etc. En outre,
chaque Energy Box contient un guide avec des informations et des idées pour faire des éco-
nomies d’énergie.

Plus d’Informations :    www.eerg.it, Scharp et al. 2008

                                                                                                     13
Potentiel d’économies liées à un changement de comportement
     L’attention du public se concentre souvent sur l’amélioration de l’efficacité énergétique des tech-
     nologies. Or ce point de vue peut avoir tendance à négliger l’importance du comportement. C’est
     ainsi que des bâtiments avec les mêmes normes techniques peuvent afficher des niveaux de
     consommation d’énergie très différents. Uitzinger (2004) a par exemple montré que les consom-
     mations annuelles de gaz (pour des maisons ayant les mêmes coefficients d’efficacité énergétique)
     peuvent varier d’un facteur d’environ 1,5, en dessous et au-dessus de la moyenne. Gardner et Stern
     (2008) démontrent quant à eux quelles économies potentielles peuvent être obtenues par modi-
     fication des habitudes quotidiennes ou par des investissements à faible ou moyen coût (voir la
     figure 1 ainsi que Kok et al. (2007), qui annoncent un potentiel d’économies d’énergie de 19 % à
     +/- 5 %).

     Tableau 1: Potentiel d’économies liées à des changements comportementaux aux États-Unis
     (par rapport à la consommation totale)

                        Réduction de la température de consigne du chauffage                        3,4%
        quotidiennes

                        (20° le jour, 18° la nuit)
         Habitudes

                        Augmentation de la température de consigne de la climatisation
                        (25,5° au lieu de 23°)
                        Vaisselle et lessive à basse température                                    1,2%
                        Total                                                                       4,6%

                        Utilisation d’ampoules basse consommation                                   4,0%
      et moyens coûts

      Investissements

                        Utilisation de joints isolants aux fenêtres                                 2,5%
          à faibles

                        Changement de chaudières anciennes                                          1,5%
                        Changement des réfrigérateurs                                               1,9%
                        Changement des équipements de refroidissement / climatisation               2,2%
                        Total                                                                     12,1%

      Total                                                                                       16,7%
                                                                                Source : Gardner et Stern (2008)

     En conclusion, un fort potentiel d’économies d’énergie peut être atteint grâce aux changements
     de comportement des résidents ; ceci sans réduction du niveau de confort. Dans le chapitre suivant,
     nous allons discuter des défis à relever concernant les services liés à ces changements de com-
     portement. En effet, le comportement humain présentant une forte inertie, il n’est pas aisé de le
     modifier. Des concepts provenant de différentes disciplines telles que l’économie, la psychologie
     ou la sociologie, peuvent aider à appréhender la complexité de ces processus de persistance et
     de changement.

14
Chapitre 3:
Pourquoi est-il si Compliqué de Changer les Comportements ?
Les enquêtes d’opinion au niveau européen et national suggèrent que la compréhension du public
à propos du changement climatique, et de ses origines, venant d’une utilisation excessive des
ressources naturelles, a régulièrement augmenté durant ces dernières années. Par exemple, une
étude publiée par le ministère de l’environnement Allemand rapporte que 77 % des Allemands
s’attendent à ce que le changement climatique ait de sérieuses conséquences pour l’homme et que
75 % des Allemands pensent que les consommateurs jouent un rôle crucial dans le changement
climatique (BMU 2008). L’agence française de l’énergie, ADEME, a observé que le pourcentage
des français percevant le réchauffement planétaire comme étant l’un des deux facteurs les plus
alarmants pour l’environnement est passé de 6 % à 33 % de 2000 à 2007 (ADEME 2008). Au ni-
veau européen, l’Eurobaromètre indique que 62 % de la population de l’EU27 (Europe des 27)
considère le changement climatique comme étant l’un des plus graves problèmes dans le monde,
dépassé seulement par leur préoccupation vis-à-vis de la pauvreté et le manque de nourriture et
d’eau potable (68 %; Commission Européenne/Parlement Européen 2008).
Utilisant ces statistiques comme point de départ, on pourrait en déduire que les consommateurs
attentifs à l’environnement seront bientôt prédominants dans notre société. Les craintes des po-
pulations vis-à-vis du réchauffement planétaire et la conscientisation de leur propre influence né-
gative sur le climat devraient encourager un changement des comportements. La conscientisation
des impacts du réchauffement planétaire et de la responsabilité personnelle des individus devraient
encourager un changement des comportements.
Néanmoins, l’expérience montre que les comportements ne sont pas faciles à modifier. Pour
beaucoup d’entre nous, la nouvelle année est le temps des bonnes résolutions : arrêter de regarder
la télé tard le soir et plutôt lire un livre, faire plus de sport et travailler moins, essayer d’utiliser les
transports publics ou le vélo au lieu de la voiture. Nous décidons de consommer des fruits d’origine
locale au lieu d’acheter des fruits à forte empreinte carbone provenant du monde entier. Quelques
semaines plus tard le temps des bonnes résolutions est passé : nous ne pouvons les tenir, nous
ne réussissons pas à changer durablement de comportement.
Cette contradiction entre la connaissance, notre attitude et notre comportement est connue comme
« le fossé entre attitude et actes » (« attitude action gap »). Une récente étude paneuropéenne
(LogicaCMG 2008) révèle que les Européens n’appliquent en moyenne que 1.4 sur 6 mesures
identifiées comme cruciales pour réaliser des économies d’énergie chez eux. Dépasser ce fossé
entre attitude et actes constitue l’un des défis les plus importants si l’on veut gagner la lutte contre
le changement climatique. Le comportement humain est complexe et difficile à prévoir. Il ne suit
pas les modèles typiques régis par ces lois scientifiques (telles que le principe de Newton sur la
gravité) dont la découverte a contribué au succès des sciences naturelles. Toutefois, comme cette
approche « technique » de la résolution des problèmes est profondément enracinée dans notre
société moderne, rationaliste et spécialisée, il est difficile de saisir la complexité, l’incertitude et le
flou du comportement humain et notamment comment et pourquoi il change ou non. Ce chapitre
présente une vision de la complexité du comportement humain à travers l’économie, la psycho-
logie et la sociologie. Nous n’avons pas l’intention de présenter une revue exhaustive de la littérature
existant sur le sujet, mais plutôt de comparer de façon générale les divergences de vue et d’en tirer
des conclusions pour l’élaboration de stratégies visant à changer les comportements en matière
d’efficacité énergétique. Pour un aperçu excellent et plus détaillé des différentes disciplines et de

                                                                                                                15
leur cadre d’analyse, nous vous recommandons la consultation de Breukers et al. (2009), ainsi
     que Ehrhardt-Martinez (2008) et Jackson (2005).

     La Vision de l’Economiste
     L’économie et la psychologie dominent traditionnellement les débats sur les modèles comporte-
     mentaux. Les économistes classiques présument les individus comme étant rationnels, dirigés
     par l’intérêt personnel, tablant sur des ressources en termes de moyens financiers et de temps
     disponibles, évaluant et calculant le coût de comportements alternatifs. Cette approche pourrait
     expliquer certains comportements d’investissement et d’achat. Par exemple, selon la recherche
     économique, les consommateurs achèteront de nouveaux réfrigérateurs moins énergivores si le
     bénéfice retiré du produit et le gain en dépenses d’électricité dépassent les coûts de conservations
     de leurs anciens équipements moins efficaces. De façon similaire, les individus ne rénovent pas
     leur maison en raison du manque de capital de départ, d’un mauvais retour sur investissement et
     de grands risques financiers. De plus, les coûts générés par la recherche d’information sur les dif-
     férents produits (p. ex. comment utiliser ces nouveaux systèmes de suivi de l’énergie?) peuvent frei-
     ner l’investissement (Breukers et al. 2009 : 39). De même, les économistes classiques font valoir
     que les habitudes quotidiennes de consommation d’énergie peuvent être expliquées par les prix
     de l’énergie, qui sont encore trop bas pour vraiment affecter les factures d’énergie de la plupart
     des individus – malgré une préoccupation croissante vis-à-vis de la précarité énergétique. En fait,
     l’élasticité de la demande, c’est-à-dire la manière dont la consommation décroît selon la hausse
     du prix de l’énergie, apparaît plutôt faible (Frachet 2010).
     Plus récemment, certains économistes ont modifié le modèle classique de choix rationnel en pre-
     nant en compte « la rationalité limitée » (« bounded rationality »). Selon cette hypothèse les utili-
     sateurs ne suivent pas toujours la logique du profit maximum pour l’effort minimum, basé sur les
     informations disponibles. Kahneman et Tversky (1979) font valoir que les individus sont « biaisés »
     dans leurs comportements et tendent à se comporter de manière irrationnelle dans beaucoup de
     situations. Par exemple, selon leur « Prospects Theory », les êtres humains ont plus peur des pertes
     qu’ils ne sont motivés par des gains potentiels. Des études pilotes montrent qu’un système de malus
     (pénalités tarifaire) en période de pic de consommation (« critical peak pricing ») est plus efficace
     à réduire la consommation d’énergie qu’un système de bonus (rabais) durant ces mêmes périodes
     (« peak time rebates ») (eMeter Strategic Consulting 2009; IBM Global Business Services et eMeter
     Strategic Consulting 2007; Faruqui et Sergic 2009). La tarification des pics / de consommation est
     destinée à encourager la réduction de la consommation grâce à des tarifs élevés aux heures de
     pointe, – des dépenses éventuelles supplémentaires pour le consommateur – tandis que les rabais
     en période de pics, sont des gains potentiels pour le consommateur. Ce biais peut également ex-
     pliquer, jusqu’à un certain point, pourquoi les individus se réfrènent à faire certains achats ou in-
     vestissements même s’il y a peu de risque de pertes.
     Richard Thaler et Cass R. Sunstein (2008) supposent une rationalité limitée qui n’est pas expliquée
     par des biais, mais par les « heuristiques », une sorte de programmes cognitifs automatiques qui
     nous aident à faire face aux problèmes complexes de notre vie quotidienne. Selon Thaler et Sun-
     stein les heuristiques qu’ils définissent comme « pilotes automatiques » constituent la réponse à une
     « infrastructure de choix » fournie – p. ex. la disponibilité ou la non-disponibilité de pistes cyclables –
     qui peut « pousser» les individus à se comporter d’une certaine manière (voir aussi Pichert 2010).
     Malgré de récentes modifications rapprochant l’économie de la psychologie et de la sociologie, le
     paradigme de base – de la prise de décision individuelle, maximisation des bénéfices et réduction

16
des coûts – est toujours très puissant et définit fortement le discours public sur l’efficacité énergé-
tique. Pour atteindre les objectifs d’économie d’énergie, les dirigeants politiques créent des cadres
financiers (mesures incitatives et dissuasives) et des dispositifs qui aident à réduire le temps de
recherche des consommateurs (étiquetage des produits et standardisation).

La Vision de la Psychologie
La recherche en psychologie sur les comportements des consommateurs et les facteurs environne-
mentaux comprend des théories de la psychologie sociale, cognitive, environnementale et de la
personnalité. Les psychologues étudient ce que les individus font afin de protéger l’environnement,
pourquoi ils se comportent d’une certaine manière (à la fois durable et non durable); dans quelle
mesure ils sont cohérents dans leurs comportements, et comment les individus peuvent être incités
à se comporter de façon durable. Les théories et les modèles en psychologie diffèrent dans leurs
hypothèses sur le déclenchement des comportements. Deux distinctions importantes peuvent être
faites : d’abord entre les comportements raisonnés et les comportements habituels ; puis entre les
comportements qui s’expliquent par des processus individuels et ceux conditionnés par les rapports
sociétaux (Steg & Buijs 2004). Le choix d’un modèle dépend du contexte et du type de comporte-
ment étudié.
La plupart des théories utilisées pour expliquer les comportements environnementaux se concen-
trent principalement sur le comportement de l’individu. Par exemple, selon la Théorie du Com-
portement Planifié (Theory of Planned Behaviour ; Ajzen 1985) le comportement est le résultat
d’une intention et cette intention résulte de l’attitude, des règles sociales d’une personne, et son
contrôle conscient des résultats. Concernant l’utilisation de la voiture, les chercheurs avancent que
l’attitude positive ou négative d’une personne quant à l’utilisation d’une voiture est conditionnée
par l’opinion de ses amis sur ce sujet, et la mesure dans laquelle il peut se déplacer facilement
sans voiture. Cette intention influence de fait l’utilisation réelle de la voiture. Un autre exemple, la
« Norm Activation Theory » (Schwartz 1977) stipule que le comportement est le résultat de stan-
dards personnels, de la connaissance des conséquences, et de l’attribution des responsabilités.
Enfin, la « Value-Belief-Norm Theory » (Stern 2000) propose une relation sophistiquée entre valeurs,
représentations et normes. Par exemple, les personnes qui se sentent concernées par les valeurs
« vertes » tendent à être plus conscientes de l’impact de leurs comportements sur l’environnement
et s’en sentent plus responsables. De plus, elles ressentent comme un devoir d’économiser l’énergie
et tendent à accepter des politiques énergétiques plus strictes.
Ces modèles supposent que le comportement est, pour l’essentiel, le résultat d’un processus cog-
nitif délibéré. Mais beaucoup de nos comportements quotidiens ordinaires sont effectués avec une
prise de conscience très faible (Jackson 2005). La psychologie cognitive suppose que les habitudes,
la routine et les automatismes jouent un rôle vital dans l’effort cognitif requis pour « fonctionner »
correctement. Par conséquent, la transformation de la conscience environnementale en action est
entravée, en partie, par le fait que la consommation d’énergie est souvent liée à des routines auto-
matisées et aux habitudes (Heijs et al. 2006). Cela explique, dans une certaine mesure, le fait que
malgré de bonnes intentions, les individus sont bloqués par des comportements automatiques et
non durables. Des exemples typiques de cela sont: aller au travail en voiture, acheter certaines marques
de café, allumer les lumières, éteindre la télévision, prendre un bain ou une douche (Jackson 2005).
Dans le but de combiner aussi bien les composantes de notre comportement liées aussi bien à
notre raison qu’à nos habitudes, des modèles de psychologie intégrative ont été mis en place. Les
exemples de modèles intégratifs sont le modèle du Contexte Attitude-Comportement (ABC Atti-

                                                                                                           17
tude Behavior Context ; Stern 2000), la Théorie des Comportements Interpersonnels de Triandis
     (1977), et le modèle de l’Action du Consommateur de Bagozzi, Gürnao-Canli et Priester (2002).
     Jackson (2005) postule qu’un modèle utile doit tenir compte : des motivations, des attitudes et des
     valeurs, des facteurs contextuels ou situationnels, des influences sociales, des capacités individuelles
     et des habitudes. Selon de tels modèles intégratifs, la consommation d’énergie d’une personne est
     définie en partie par la façon dont il entend utiliser l’énergie, en partie par ses habitudes de con-
     sommation d’énergie, et en partie par les contraintes situationnelles et les conditions de vie (par
     exemple le type de maison, l’argent disponible pour des appareils éco-énergétiques, etc.). Ses
     intentions peuvent être influencées par des facteurs sociaux, normatifs et affectifs (par exemple
     qu’est-ce que les autres personnes font et pensent) aussi bien que par des décisions rationnelles
     (que sait-elle à propos de l’utilisation de l’énergie).

     La Vision de la Sociologie
     Alors que les économistes et psychologues tendent à étudier les comportements liés à la consom-
     mation d’énergie comme étant autonomes dans les schémas individuels, les sociologues étudient
     les comportements de consommation d’énergie comme des actions enchâssées dans un système
     plus large dit « socio-technique ». D’après ce point de vue sociologique, la technologie et l’infra-
     structure peuvent être utilisées de nombreuses manières différentes et la consommation d’énergie
     dépend au final de l’appropriation sociale de la technologie : comment les individus utilisent-ils
     l’environnement construit existant, les transports, les infrastructures de loisirs, ou leurs appareils
     électroménagers3. Les sociologues se réfèrent à leurs « pratiques sociales » (Shove 2003 et 2009;
     Bartiaux 2008; Bartiaux et al.2006; Wilhite 2007; Wilhite et al. 2000; Breukers et al. 2009; Heis-
     kanen et al. 2009; Rettie et Stuttley 2009; Gram-Hanssen 2008).
     Lorsqu’ils utilisent l’énergie, consciemment ou inconsciemment, les individus répondent à des
     conventions sociales sur « comment faire les choses », ou à des croyances socialement définies sur
     le « comportement normal ». Beaucoup de comportements, comme l’utilisation de la voiture au
     lieu du vélo pour aller à une réunion importante, ont un fort sens symbolique et sont destinés à
     signaler l’appartenance à un certain groupe social (Jensen 2005). En répliquant ces pratiques so-
     ciales reconnues, les individus reconfirment le « régime » socio-technique existant, une configu-
     ration stable des règles et des pratiques qui détermine l’évolution et l’usage de la technologie. Par
     conséquent, la sociologie suppose la « construction sociale » (Berger/Luckmann 1966) de la con-
     sommation d’énergie ou, pour utiliser les mots d’Emile Durkheim (1895) : ces paramètres des
     pratiques sociales deviennent une sorte de « fait social existant par lui-même », qui est indépen-
     dant de l’individu. Partant de cette perspective, changer les schémas de consommation est com-
     pliqué car l’individu n’agit pas isolé du monde extérieur, mais fait partie d’une gamme de réseaux
     sociaux qui confirment certaines pratiques et en découragent d’autres (Bartiaux 2008; Ehrhardt-
     Martinez 2008 : 10).
     Il est cependant important de noter que, malgré la grande persistance de pratiques sociales, celles-
     ci ne sont pas statiques (Shove 2003) comme le démontrent les exemples suivants. Dans beau-
     coup de pays européens la perception de la température normale moyenne d’une pièce est passée
     à 22 ou 23° durant les dernières décennies, même si 18° est absolument suffisant pour la santé. De
     la même manière, prendre une douche quotidiennement est maintenant une convention sociale de
     propreté, alors qu’auparavant un bain hebdomadaire était la norme. L’internet a créé de nouvelles
     formes d’interactions sociales, faisant des ordinateurs des compagnons permanents qui ne sont
     3
         De même, la technologie façonne les comportements des individus par la « connaissance » inhérente. Wilhite (2007) avance comme exemple
         que le conditionnement de l’espace a figé de nombreuses pratiques aux USA, tels que les déplacements dans les villes : marcher est inhabituel
         et même « risqué » (ibid, p.28) du fait que les infrastructures sont étudiées uniquement pour les déplacements en voiture. De façon similaire,
         l’utilisation de réfrigérateurs a changé les consommations de nourriture en Inde, où la religion Hindou considère les restes « morts » comme
         des aliments à éviter.

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