Décrochage de la population aux mesures sanitaires: une Santé publique plus autonome est nécessaire - Le ...

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Décrochage de la population aux mesures sanitaires: une Santé publique plus autonome est nécessaire - Le ...
Décrochage de la population
aux mesures sanitaires: une
Santé publique plus autonome
est nécessaire

Antoine Lemor,
Certains problèmes sociopolitiques sont tellement complexes
que la recherche les appelle «wicked problems». Ils se
distinguent non seulement par une grande complexité, mais
également par un haut niveau d’incertitude (pensez au
réchauffement climatique). Cela a pour conséquence de rendre
extrêmement difficile pour les décideurs politiques de trouver
une solution efficace et consensuelle qui puisse les résoudre
définitivement.

La pandémie de Covid-19 en fait partie.
Prenez pour exemple la solution qu’incarne la vaccination.
Celle-ci provoque en elle-même un nouveau problème qui vient
de s’exprimer bruyamment à Ottawa, avec le siège des
camionneurs, puis à Québec, lors d’une manifestation samedi :
bien que majoritaire, l’adhésion à la vaccination n’est pas
consensuelle et implique (on le voit) des considérations
idéologiques. À cela s’ajoutent les implications des variants
sur l’efficacité de cette solution.

En bref, face à ce type de problème, les solutions génèrent
souvent en elles-mêmes une multitude d’autres problèmes.
Traduire le concept de «wicked problem» par «maudit problème»
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ne serait donc pas de trop.

  À propos de moi Doctorant en science politique spécialisé
     dans l’utilisation de la science dans les politiques
 publiques et l’administration, je m’intéresse précisément à
 la manière dont les gouvernements cherchent à solutionner de
  tels problèmes. Face aux incertitudes qu’ils génèrent, la
    présence d’institutions apparaissant comme neutres et
autonomes est essentielle. La Santé publique devrait jouer ce
                   rôle. Mais le peut-elle ?

Des camionneurs et   leurs supporteurs dans les rues d’Ottawa,
le 5 février 2022.   La solution vaccinale s’est heurtée à des
considérations       idéologiques      fortes.    La   Presse
Canadienne/Nathan     Denette

Peut-on résoudre un «maudit problème»?
Par définition, il est extrêmement difficile de résoudre un
« maudit problème ». Le réchauffement climatique le montre
bien. Il reste cependant possible de mieux les gérer et de
tenter de limiter les coûts sociaux, économiques et surtout
humains qui en découlent.
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Dans un récent article, le professeur en politiques publiques
environnementales Graeme Auld affirme que face à ce type de
problème, les systèmes politiques devraient être dotés
« d’institutions thermostatiques ». En d’autres termes
d’institutions capables de s’adapter, tel un thermostat, aux
changements de leur environnement afin de mener à bien
certains objectifs primordiaux comme la vaccination ou le
respect des mesures sanitaires.

Concrètement, cela veut dire que les institutions doivent être
assez robustes pour résister aux pressions de court terme afin
de pouvoir réaliser des objectifs indispensables sur le long
terme (comme dans le cas du réchauffement climatique). Une
institution affaiblie, critiquée, ou délégitimée a en effet
moins de chances de réussir sur le temps long.

Par conséquent, la durabilité et l’autonomie des institutions
sont essentielles. Or, ce sont justement ces éléments qui
semblent manquer, alors que la fatigue s’est emparée de toute
la société québécoise. Et ces derniers mois, cette fatigue
coïncide précisément avec les difficultés d’une institution
centrale dans la lutte contre la Covid-19 : la Santé publique.
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Les institutions semblent s’être affaiblies face à la
pandémie. Ici les résultats d’un récent sondage Léger montrant
la forte diminution de la satisfaction à l’égard des mesures
mises en place pour combattre la Covid-19. (Léger)

Couvre-feu «maudit» et transparence
Comment garantir la durabilité des institutions ? D’une part,
faire preuve de davantage de transparence dans les décisions
prises. L’imposition au Québec d’un deuxième couvre-feu en
moins d’un an, en décembre, le montre : une mesure opaque et
peu transparente a très peu de chances de passer l’épreuve de
la durabilité et risque d’entamer durement le capital
confiance du gouvernement et de la Santé publique avec lui.

En effet, la démonstration scientifique de l’efficacité de
cette mesure exceptionnelle n’a pas été solidement établie.
Pire, on a appris que la santé publique de Montréal s’était
opposée à l’imposition d’un couvre-feu. Des résultats
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préliminaires d’une étude que je réalise sur le premier
couvre-feu montrent que lors des conférences de presse, c’est
François Legault (fonction politique) qui justifie le plus la
mesure comparativement à Horacio Arruda (fonction
scientifique). Dans ces conditions, la Santé publique fait
difficilement valoir son autonomie.

Résultat : la diminution de l’adhésion aux mesures (désormais
constatée) peut apparaitre comme une conséquence naturelle et
malheureusement contre-productive. Pour exemple, le score
d’adhésion aux mesures sanitaires de l’INSPQ est plus de
10 points en-dessous de ce qu’il était il y a un an (51 % fin
janvier 2021 contre 39 % aujourd’hui). Selon un récent sondage
Léger, le consensus autour de François Legault face à la
Covid-19 s’est fissuré (94 % de satisfaits en mars 2020 contre
65 % aujourd’hui). La question des institutions
« thermostatiques » se pose donc légitimement si l’on souhaite
en finir avec ce « maudit problème », d’autant plus après les
récents événements autour de la vaccination.

La société québécoise est plus rétive à l’adhésion aux mesures
sanitaires. Ici le score d’adhésion aux mesures construit par
l’INSPQ indiquant une stabilisation autour de 10 points en
dessous de son niveau d’il y a un an. (INSPQ)

Une santé publique plus autonome est
nécessaire
Davantage d’autonomie pour la Santé publique permettrait
d’éviter de colorer politiquement l’expertise. Autrement dit,
une baisse du soutien envers le premier ministre ne devrait
pas être dommageable pour la Santé publique. C’est pourtant ce
qu’il semble s’être passé en janvier avec la démission du
Directeur de la Santé publique Horacio Arruda, alors même que
son poste n’est ni politique, ni électif.

L’ex-directeur de la Santé publique du Québec, Horacio Arruda,
lors d’une conférence de presse à Montréal, le 5 janvier 2022,
un peu avant sa démission. La Presse canadienne/Paul Chiasson
Il est donc important de faire de la Santé publique une
institution plus autonome afin qu’elle puisse mieux s’adapter
aux contextes difficiles et faire avant tout prévaloir son
expertise. C’est ce qu’a également conseillé le Collège des
médecins récemment.

 [Fil] Quatre critères doivent guider le choix de la nouvelle
 personne à la direction de la santé publique pour que l’on
 puisse distinguer ses avis des décisions gouvernementales et
 contribuer à l’adhésion de la population.          #SantéQc
 #MedTwitterQc

 — Collège des médecins du Québec (@CMQ_org) January 11, 2022

Bien qu’il l’ait fait à son corps défendant, le gouvernement
semble aujourd’hui l’avoir compris. Le nouveau directeur de la
Santé publique, Luc Boileau, a refusé de prendre position sur
la «taxe des non-vaccinés». Ses conférences sont désormais
indépendantes du gouvernement, ce qu’a salué le Scientifique
en chef du Québec, Rémi Quirion, qui estimait « qu’une
certaine confusion s’est créée au fil des mois sur les raisons
qui motivent la gestion de la pandémie de Covid-19 et des
mesures sanitaires. Est-ce que c’est vraiment l’avis des
experts, ou c’est le politique qui entre ? C’est difficile à
démêler, des fois ».

Des évolutions fragiles
Un pas semble donc avoir été franchi vers la création d’une
«institution thermostatique» en offrant davantage d’autonomie,
ou plutôt de place (ne nous précipitons pas) à la Santé
publique. Ceci ouvre en effet la possibilité d’une gestion
moins exposée à la personnalisation politique (surtout avec
les élections qui s’en viennent) et aux dangers que la
politisation implique dans la lutte contre la pandémie.

Le recul de la semaine passée sur la «contribution santé» des
non-vaccinés est à ce titre un pas de plus pour préserver la
Santé publique d’une politisation excessive et dommageable
dans le récent contexte de contestations.
Cependant, ce pas reste fragile: les recommandations de la
Santé publique et le processus décisionnel demeurent opaques,
alors que la transparence permettrait de renforcer la
démocratie tout en incluant la population. Ceci pourrait
également permettre de faire reculer les mouvements anti-
vaccinaux et celui des camionneurs, lequel demeure soutenu par
un tiers de la population selon un sondage du 7 février.

En effet, leur seul argument raisonnablement tenable reste
celui de l’opacité gouvernementale. Et qui sait, ceci pourrait
peut-être nous aider à régler une bonne fois pour toutes ce
«maudit problème».

Antoine Lemor, Doctorant et chargée de cours en science
politique, UDM

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Photo à la une: Emilie Nadeau), communiqué du Gouvernement du
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