DROGUES ET ADDICTIONS DANS LES OUTRE-MER - ÉTAT DES LIEUX ET PROBLÉMATIQUES - théma

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DROGUES ET ADDICTIONS DANS LES OUTRE-MER - ÉTAT DES LIEUX ET PROBLÉMATIQUES - théma
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                              OFDT

DROGUES ET ADDICTIONS
DANS LES OUTRE-MER
ÉTAT DES LIEUX ET PROBLÉMATIQUES

                             Ivana Obradovic

                             Juin 2020

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DROGUES ET ADDICTIONS DANS LES OUTRE-MER - ÉTAT DES LIEUX ET PROBLÉMATIQUES - théma
SOMMAIRE

SYNTHÈSE : FAITS MARQUANTS ET CHIFFRES-CLÉS                                               5

INTRODUCTION                                                                             10

I – LES OUTRE-MER, ESPACES DE CONTRASTES : DONNÉES DE CADRAGE                            15
Une situation socio-économique et sanitaire dégradée                                     15
  Des trajectoires démographiques hétérogènes                                            15
  Des conditions économiques et sociales plus défavorables qu’en métropole               16
  Des indicateurs sanitaires invitant à la vigilance                                     17
  Des données de sécurité publique préoccupantes                                         19

Un cadre spécifique de politiques publiques en matière de lutte contre les addictions    20
  Un régime dérogatoire sur le tabac                                                     20
  Une fiscalité d’exception sur l’alcool                                                 21
  La place des Outre-mer dans la lutte contre le trafic de stupéfiants                   22

II – DROGUES ET ADDICTIONS : ÉPIDÉMIOLOGIE ET CONSÉQUENCES
SOCIO-SANITAIRES                                                                         24

Niveaux et tendances de consommation                                                     24
  Tabac : des prévalences plus basses qu’en métropole, excepté à La Réunion              25
  Alcool : des usages moins répandus mais plus sévères et plus concentrés                27
  Cannabis : une diffusion plus contenue qu’en métropole mais en hausse                  30
  Autres drogues illicites : des usages rares et confinés                                34
  Focus sur les adolescents ultramarins                                                  38
  Des limites des enquêtes représentatives…                                              39

Des problématiques spécifiques                                                           39
  L’alcool aux Antilles, en Guyane et à La Réunion : un sujet majeur de santé publique   40
  La consommation détournée de médicaments psychotropes à La Réunion                     43
  Le crack dans les départements français d’Amérique (Guadeloupe, Martinique, Guyane)    45
  La « chimique » à Mayotte                                                              46
  Jeux d’argent et de hasard : une problématique affirmée en Outre-mer                   47

Des réponses publiques en deçà des enjeux                                                48
  Une forte mobilisation du dispositif médico-social                                     48
  Une activité importante des forces de l’ordre ciblée sur les stupéfiants               49

                                                   2
III – UNE OFFRE EN ESSOR ET EN COURS DE DIVERSIFICATION                               51

La zone Antilles-Guyane, un hub de la cocaïne                                         51
   Une plateforme de rebond vers les marchés européens                                51
   Le renforcement de la « filière guyanaise » avec le phénomène des « mules »        53
   La cocaïne, un marché de gros secondaire, sujet au troc de résine de cannabis      54

Cannabis dans les Outre-mer : entre production locale d’herbe et essor de la résine   55

L’émergence de la méthamphétamine en Polynésie ? Une situation à surveiller           56

Prix et disponibilité des stupéfiants : de fortes variations selon les produits       57

CONCLUSION                                                                            58

BIBLIOGRAPHIE                                                                         59
  Références générales sur les Outre-mer                                              59
  Bibliographie sélective par territoire d’outre-mer                                  62

ANNEXES                                                                               69

Annexe 1. Repères méthodologiques et sources.
Description du dispositif ultramarin d’observation des drogues et des addictions      70
Annexe 2. Principaux indicateurs descriptifs de la situation des Outre-mer            76
Annexe 3. Niveaux de consommation en population jeune et adulte                       77

                                                   3
Remerciements

Pour leurs relectures :
n De l’OFDT : Clément Gérome, Stanislas Spilka, Olivier Le Nézet, Julien
Morel d’Arleux, Michel Gandilhon, Christophe Palle, Anne de l’Eprevier.
n Stéphanie Guyon (maîtresse de conférences en science politique à
l’université de Picardie Jules Verne).
n Armelle Crosse (pharmacienne au CSAPA Kaz Oté ! à La Réunion et
experte en pharmacologie au sein du Réseau santé addictions Outre-mer).
n Viêt Nguyen-Thanh (responsable de l’unité Addictions au sein de la
Direction de la prévention et de la promotion de la santé, Santé publique
France).

Documentation : Isabelle Michot

Conception graphique : Frédérique Million

Crédits photos couverture : © Hanasaki/© thomathzac23 (Adobe Stock)

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SYNTHÈSE : FAITS MARQUANTS ET CHIFFRES-CLÉS

Au regard des principales sources, centrées sur les quatre territoires ultramarins les plus étudiés
(Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion) et complétées par des données ponctuelles
en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Mayotte, la situation des drogues et
des addictions apparaît singulière et contrastée. D’un point de vue épidémiologique, les
prévalences d’usage de tabac, d’alcool et de cannabis sont globalement inférieures à celles
de la métropole dans les Outre-mer mais des problématiques très spécifiques, peu observées
dans l’Hexagone, se font jour :
n une forte visibilité du crack dans les départements français d’Amérique (Guadeloupe,
Martinique, Guyane) (qu’on ne retrouve guère qu’en Île-de-France) ;
n des usages intensifs (et souvent problématiques) d’alcool et de cannabis concentrés dans
certains segments de population ;
n des mésusages de médicaments observés de longue date à La Réunion ;
n plus généralement, une dynamique de circulation des drogues parfois davantage déterminée
par les enjeux des États voisins que par ceux de la métropole.

Certains territoires ultramarins jouent un rôle majeur dans le contrôle des flux de stupéfiants.
Compte tenu de leur insularité et des surfaces maritimes qui leur sont associées (qui font de la
France la deuxième Zone économique exclusive du monde), les Outre-mer sont en première
ligne de la lutte contre les trafics et contrebandes. Les départements français d’Amérique
(DFA) apparaissent comme des lieux stratégiques de transit, de commerce et de stockage de
cocaïne du fait de leur situation géographique d’encastrement entre les zones de production
sud-américaines (Colombie, Bolivie, Pérou) et les régions de destination du trafic de cocaïne
(Amérique du Nord et Europe). Compte tenu de sa proximité avec la Colombie, premier
producteur mondial de cocaïne, la Guyane constitue ainsi la porte d’entrée principale de
la cocaïne vers la métropole (et par extension l’Union européenne), de plus en plus par la
voie aérienne (ligne Cayenne-Orly). En outre, une partie des Outre-mer constitue désormais
une zone importante de production d’herbe de cannabis, à l’image de la hausse des saisies.

Les consommations de substances psychoactives des Outre-mer sont globalement inférieures
à celles de la métropole, hormis celles des collectivités (COM) de Nouvelle-Calédonie et de
Polynésie française qui affichent des niveaux de consommation très supérieurs (à la fois pour
le tabac, l’alcool et le cannabis). En dehors des COM, dont la situation au regard des drogues
est donc particulière, les territoires ultramarins présentent des profils d’usage différenciés (voir
infographie 1, p. 8-9), avec cependant certains traits communs. Les chiffres les plus récents
concernant les adultes sont issus du Baromètre santé DOM 2014 (Santé publique France),
ceux relatifs aux adolescents proviennent de l’Enquête sur la santé et les consommations
lors de l’appel de préparation à la défense (ESCAPAD) menée en 2017 par l’Observatoire
français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Tout d’abord, la consommation de tabac
(15-75 ans) y est nettement plus faible qu’en métropole, même à La Réunion où un quart des
adultes sont fumeurs (26 % vs 29 % en métropole) et près d’un adolescent sur cinq (22 %
à 17 ans vs 32 % en métropole). En Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, la part des
fumeurs est deux fois inférieure : le tabagisme ne concerne pas plus de 15 % des adultes.

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À l’image de la métropole, le tabagisme est en recul caractérisé depuis 2005 parmi les
jeunes générations, dans la quasi-totalité des Outre-mer (hormis en Martinique), y compris
en Nouvelle-Calédonie même s’il se maintient à un niveau élevé (plus de 40 % de fumeurs à
17 ans). Néanmoins, le recours à la cigarette électronique est nettement moins répandu dans
les Outre-mer : le vapotage concerne une personne sur dix dans les DFA et une sur cinq à
La Réunion, contre un quart des métropolitains.

La maîtrise des usages d’alcool parmi les adultes mais surtout parmi les jeunes constitue
un enjeu majeur de santé publique dans les Outre-mer. Certes, les pratiques d’usage sont
globalement moins répandues qu’en métropole – avec toutefois deux exceptions qui affichent
des pratiques d’usage record en France : la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Mais
elles se révèlent plus intensives, plus concentrées dans certaines populations (en particulier
les jeunes) et plus souvent sources de dommages sociosanitaires. En Guadeloupe et en
Martinique par exemple, la part des accidents de la route impliquant l’alcool est deux à trois
fois plus élevée que dans l’Hexagone. D’une façon générale, la mortalité liée à l’alcool est
bien plus importante dans les Outre-mer (rapportée au nombre d’habitants). La sévérité accrue
des conséquences induites par l’usage d’alcool s’explique par deux facteurs principaux : des
modes de consommation plus intensifs, associés à des épisodes d’alcoolisation ponctuelle
importante (surtout le week-end) et des quantités absorbées plus importantes ; des préférences
orientées vers des boissons plus fortement alcoolisées (en particulier le rhum), avec des
conséquences aggravées et plus rapides. Alors que la consommation hebdomadaire de vin
est nettement en deçà de celle observée en métropole, les séquences de consommation de
bière et d’alcools forts sont plus fréquentes et plus intensives.

À rebours de l’inflexion des usages d’alcool en métropole, les comportements d’alcoolisation
ponctuelle importante (API) augmentent fortement parmi les jeunes ultramarins : en dehors
de la Guyane où cette pratique est stable, tous les Outre-mer enregistrent un essor important
des API à 17 ans, y compris répétées (au moins 3 fois dans le mois) et régulières (au moins
10 fois dans le mois). À La Réunion, la hausse est continue depuis dix ans, et atteint en 2017
un pic chez les adolescents (32 % des jeunes ont eu un comportement d’API au cours du
dernier mois). En Martinique (qui compte 42 % d’adolescents déclarant avoir consommé au
moins 5 verres en une occasion au cours du dernier mois), les comportements d’alcoolisation
régulière et intensive sont particulièrement critiques. Ils révèlent par ailleurs de fortes
disparités entre des populations d’appartenances ethniques et culturelles différentes, dont
les pratiques d’alcoolisation reflètent des modes de vie très divers. Cette prévalence élevée
s’explique d’abord par une forte accessibilité des boissons alcooliques : l’« octroi de mer »
spécifique aux Outre-mer soumet le rhum à un régime de taxation minoré par rapport au
vin ou au champagne, qui le rend particulièrement peu cher. On peut toutefois souligner
que cette explication par le prix ne se vérifie pas pour le tabac, beaucoup moins consommé
qu’en métropole. Une autre hypothèse tient aux conditions de vie, moins favorables qu’en
métropole, en particulier sur les plans socio-économique et sanitaire.

Parmi les drogues illicites, le cannabis arrive loin devant tout autre produit et connaît une
dynamique de diffusion plus marquée qu’en métropole. Contrairement à la métropole où il
est majoritairement fumé sous forme de résine, le cannabis est surtout consommé sous forme
d’herbe, plus disponible car produite localement. À rebours de l’évolution métropolitaine,
la Martinique et surtout La Réunion, mais aussi la Nouvelle-Calédonie, enregistrent des
niveaux d’usage en hausse parmi les jeunes générations (depuis 2005). L’usage régulier de
cannabis concerne une proportion d’adolescents proche de la moyenne métropolitaine

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(6 % des Réunionnais et Guadeloupéens, 7 % des Martiniquais) mais il touche plus de
10 % des jeunes néo-calédoniens. Les adolescents de La Réunion et de Nouvelle-Calédonie
sont particulièrement nombreux à être concernés par l’usage quotidien de cannabis. Plus
généralement, les polyconsommations semblent plus fréquentes parmi les adolescents des
Outre-mer, combinant boissons alcoolisées et produits fumés, à l’instar de l’association très
fréquente, chez les jeunes de La Réunion, entre cannabis fumé sous forme d’herbe (zamal)
et « rond » (comprimé médicamenteux) dilué dans une boisson alcoolisée ou un soda (bière,
rhum ou Coca-Cola).

La diffusion des drogues illicites autres que le cannabis, plus limitée qu’en métropole, tend
à s’élargir parmi les jeunes générations. L’offre de produits reste moins diversifiée que dans
l’Hexagone et souvent bien plus onéreuse (en partie du fait de l’insularité). Néanmoins,
l’initiation à certains produits connaît une poussée : amphétamines en Martinique, ecstasy/
MDMA et cocaïne en Guadeloupe et à La Réunion (désormais expérimentées par plus de 2 %
des jeunes de 17 ans), cocaïne et LSD en Nouvelle-Calédonie. Malgré des consommations
globalement en deçà de celles de la métropole, plusieurs produits connaissent une diffusion
élargie auprès des adolescents : ecstasy/MDMA (Guyane et surtout La Réunion, voir annexe 3).
La présence du crack dans les DFA reste cependant circonscrite à des populations précarisées,
avec des scènes ouvertes de consommation dans plusieurs chefs-lieux ultramarins (Fort-de-
France, Pointe-à-Pitre, Cayenne).

En matière de comportements de consommation, au moins trois spécificités ultramarines
se dégagent. Tout d’abord, les problématiques de consommations sont concentrées dans
certaines populations, notamment en Guyane où la surconsommation d’alcool touche les
jeunes amérindiens avec une intensité aiguë, et va de pair avec des dommages sociaux
accentués (par exemple en termes de violences conjugales). Deuxièmement, le différentiel
de genre y est plus accusé qu’en métropole, traduisant des rôles sociaux différenciés selon
le sexe. Si le surcroît de consommations concerne le plus souvent les hommes, la Polynésie
française se singularise par une surconsommation féminine, liée à la persistance de coutumes
matriarcales dans les sociétés polynésiennes (notamment à Tahiti). À l’inverse, on n’observe
quasiment pas de consommation régulière de cannabis parmi les femmes de Martinique.
Plus nombreux parmi les consommateurs, les hommes résidant dans les Outre-mer sont
aussi plus souvent concernés par l’usage régulier (voire problématique) de drogues, parfois
même plus important que ceux de leurs homologues métropolitains (cannabis et alcool, en
Guyane par exemple). L’observation des jeunes générations laisse cependant apparaître une
convergence des comportements selon le sexe : à 17 ans, la proportion de fumeurs de tabac
évolue depuis 2014 dans le sens de la parité observée en métropole. Il en va de même des
comportements d’alcoolisation en Martinique et en Guadeloupe. Troisièmement, en termes
de modes de consommation, un tropisme marqué vers les voies orale (alcool et médicaments
à La Réunion) et fumée (cannabis surtout mais aussi crack aux Antilles et en Guyane) se
dessine. Il contraste avec la rareté des pratiques d’injection, culturellement peu admises, ce
qui explique les faibles niveaux d’usage d’héroïne. La voie sniffée est également présente
(cocaïne en Guyane et à La Réunion). À noter aussi le développement de nouveaux modes
de consommation dans certains territoires ultramarins, comme « la chimique » à Mayotte
(cigarettes trempées dans de l’alcool et mélangées à de l’herbe ou à des cannabinoïdes de
synthèse).

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Infographie 1. Drogues, chiffres-clés dans les Outre-mer
                                   Alcool                           Tabac                      Cannabis               Autres drogues illicites

     Guadeloupe          n Un produit plus préco-       n Recul continu de la         n Faible présence relative     n Forte diffusion
                         cement expérimenté qu’en       diffusion du tabac (à         du cannabis par rapport        de la cocaïne et
                         métropole (91 % vs 86 %        17 ans, un jeune sur deux     aux autres Outre-mer           de la MDMA/ecstasy
                         à 17 ans)                      en 2017, contre deux sur      (deux fois moins d’usagers     (près de 2 % d’initiés
                         n Forte hausse des com-        trois dix ans auparavant)     qu’à La Réunion au-delà        à 17 ans)
                         portements d’alcoolisation     n Proportion similaire        de 30 ans)                     n Une consommation
                         intensive parmi les            de fumeurs chez les                                          très circonscrite de crack
    376 879 habitants    adolescents (API               adolescents et chez
                         régulières à 17 ans)           les adultes (11-12 %
                         n Une mortalité en lien        vs 25 % ou plus
                         direct avec l’alcool 14 fois   en métropole)
                         supérieure à la métropole
                         chez les hommes

                         n Un des territoires de      n La région française           n Élargissement des usages n Montée de l’expérimenta-
     Marnique           France les plus concernés    où la consommation              de cannabis parmi              tion d’amphétamines
                         par l’usage excessif des     de tabac est la plus faible     les adolescents                (1,5 % à 17 ans)
                         jeunes : à 17 ans, 8 % de                                    n Durcissement du noyau        n Crack : une consomma-
                         buveurs réguliers et 19 %                                    d’usagers réguliers, chez      tion quasi-inexistante
                         d’API répétées. Forte                                        les adolescents (7,2 % à
                         montée en charge des                                         17 ans) comme parmi les
    358 749 habitants    comportements d’ivresse                                      adultes (3 % entre 18 et
                         et d’alcoolisation intensive                                 64 ans)
                         n Usages hebdomadaires
                         d’alcool très au-delà de
                         la métropole parmi les
                         jeunes adultes (18-30 ans) :
                         47,7 % vs 32,5 %.
                         n Une des 6 régions les plus
                         concernées par le risque de
                         dépendance (12,6 %)

       Guyane            n Recul des usages d’alcool n Tabagisme le plus faible       n Diffusion importante         n Installation des expé-
                         à l7 ans mais maintien des de France parmi les jeunes        à l’adolescence                rimentations de cocaïne
                         API régulières à un niveau (6 % de fumeurs à 17 ans)         n Recul marqué des usages      parmi les adolescents (2 %
                         élevé (4,7 %)               (hors Mayotte)                   réguliers et quotidiens        à 17 ans en 2017 vs 0,3 %
                         n Usage hebdomadaire                                         de cannabis parmi les          en 2005)
     290 691 habitants
                         plus élevé qu’en métropole                                   adolescents                    n Le département ultrama-
                         parmi les jeunes adultes                                     n Record national de           rin le plus concerné par la
                         (18 à 30 ans) (43,4 % vs                                     prévalence de l’usage          diffusion du crack (0,7 %
                         32,5 %)                                                      régulier parmi les adultes     d’expérimentateurs entre
                         n Mortalité attribuable à                                    (4 % entre 18 et 64 ans),      15 et 64 ans), y compris
                         l’alcool plus importante                                     surtout les hommes (6,7 %      parmi les adolescents
                         qu’en métropole chez                                         vs 4,7 % en métropole).        (0,8 % d’initiés à 17 ans),
                         les hommes (54,6 pour                                                                       même si elle reste
                         100 000 habitants vs 49,2).                                                                 concentrée dans certaines
                         n Forte prévalence du                                                                       populations précarisées
                         syndrome d’alcoolisation                                                                    n Enracinement des
                         fœtale.                                                                                     initiations à l’ecstasy/
                                                                                                                     MDMA (3,3 % à 17 ans)

                         n Essor des usages inten-      n Des niveaux de taba-        n Une très large diffusion :   n Médicaments
    La Réunion           sifs d’alcool à l’adoles-      gisme à la mesure de la       taux d’expérimentation         psychotropes : des mésu-
                         cence : doublement des         moyenne métropolitaine :      à 17 ans le plus élevé de      sages importants
                         API répétées et triplement     26 % de fumeurs à l’âge       France (47 %)                  (en particulier l’Artane®)
                         des API régulières à 17 ans    adulte                        n Hausse significative des     n Le territoire ultramarin
                         (2005-2017)                    n Le département ultrama-     usages récents à 17 ans        le plus concerné
    859 959 habitants    n Forte mortalité routière     rin le plus concerné par le   (un adolescent sur quatre      par l’initiation à la
                         liée à l’usage d’alcool        tabagisme à l’adolescence :   vs moins d’un sur cinq en      MDMA/ecstasy
                         n Près de 5 % des passages     21 % de fumeurs               2005)                          (3,9 % à 17 ans)
                         annuels aux urgences liés à    quotidiens à 17 ans           n Des usages réguliers à       n Cocaïne : hausse
                         l’alcool (vs 1,4% en France    et 4,5 % de fumeurs           la hauteur de la moyenne       significative des initiations
                         entière).                      intensifs (plus de            métropolitaine parmi les       à 17 ans (2 % en 2017 vs
                         n Une des régions les plus     10 cigarettes par jour)       adultes (3 % des 18-64 ans)    0,5 % en 2005)
                         touchées par la mortali-       n Forte accessibilité du      n Forte production locale      n Essor des NPS selon les
                         té attribuable à l’alcool      tabac (1 point de vente       d’herbe (zamal)                professionnels non locaux
                         (de 40 % supérieure à la       pour 450 habitants)                                          (phénomène non chiffré)
                         moyenne métropolitaine
                         chez les hommes :
                         68,3 pour 100 000 vs 49,2)
                         n Une forte prévalence
                         du SAF

                                                                8
Alcool                         Tabac                     Cannabis              Autres drogues illicites

                         n Très faible intérêt         n Tabagisme                  n La substance de loin        n Consommations
      Mayoe             pour l’alcool (24 %           quasi-inexistant             la plus consommée             spécifiques : essor de
                         d’expérimentateurs                                         n Consommation très           la « chimique » et des
                         à 17 ans vs plus de 90 %                                   majoritairement               cannabinoïdes de
                         dans les Outre-mer et                                      masculine (pas d’usage        synthèse (phénomène
                         86 % en métropole)                                         régulier déclaré parmi        non chiffré)
                                                                                    les jeunes filles à 17 ans)   n Faible diffusion des
   279 471 habitants                                                                                              drogues illicites (moins
                                                                                                                  de 1 % d’initiés, hormis
                                                                                                                  les champignons
                                                                                                                  hallucinogènes)

                         n Forte prévalence de         n Un tabagisme beaucoup      n Record national de          n Une faible circulation
Nouvelle-Calédonie       l’usage régulier et quoti-    plus présent qu’en           consommation régulière        des drogues illicites à
                         dien parmi les adoles-        métropole (a fortiori dans   parmi les adolescents : à     l’adolescence, hormis la
                         cents : un adolescent sur     les Outre-mer) : 41 %        17 ans, plus d’un jeune       cocaïne (1,7 % à 17 ans),
                         dix déclare au moins 10       de fumeurs quotidiens à      sur dix fume régulière-       le LSD (1,7 %)
                         épisodes de consomma-         17 ans                       ment du cannabis              et les champignons
                         tion dans le mois                                          n Forte production locale     hallucinogènes (2,6 %)
   326 541 habitants     n Un adolescent sur trois
                         déclare au moins 3 API
                         dans le dernier mois et un
                         sur dix au moins 10 dans
                         le mois

                         Le territoire ultramarin le plus consommateur de tous
Polynésie Française      Des consommations majoritairement féminines

                         n Profils d’usage proches     n Prévalence tabagique       n Forte production locale     n Consommations
                         de la moyenne métropo-        qui reste élevée             (pakalolo)                    spécifiques (kava)
                         litaine mais prévalence       chez les jeunes              n Des consommations
   281 674 habitants     plus élevée des usages        n Précocité croissante       aussi répandues chez les
                         à risque                      d’initiation                 garçons que chez les filles
                         n Sur-représentation          n Sur-représentation         à l’adolescence
                         féminine dès l’adoles-        féminine                     n Sur-représentation
                         cence : à 15-16 ans,          n Forte présence             des usages « problé-
                         l’ivresse est plus souvent    du tabac à rouler            matiques » à 15-16 ans
                         le fait des jeunes filles                                  (3,6 % vs 2 % en
                         (57 % vs 49 %)                                             métropole)
                         n Représentations bana-
                         lisées de l’alcool chez les
                         jeunes (20 à 30 verres par
                         occasion = consomma-
                         tion perçue comme
                         « normale »)

Sources : Insee (RGP) ; ESCAPAD 2017, OFDT ; Baromètre santé DOM 2014 de Santé publique France ; Cépi-Dc, Inserm ; ECAAP
2009 (Inpes devenu Santé publique France) ; observations TREND.
Note : Pas de données disponibles pour Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.
Voir encadré 2 (p. 25) pour la définition des indicateurs d’usage.

                                                              9
INTRODUCTION

Les Outre-mer français1 regroupent une mosaïque de territoires de statuts politico-institutionnels
variés, qui se caractérisent d’abord par des propriétés géophysiques distinctives : dispersion sur
plusieurs continents et trois océans (Atlantique, Indien, Pacifique), éloignement géographique
de la métropole et insularité (hormis la Guyane) (voir carte p. 12). Ils présentent toutefois
certains traits communs qui ne sont pas sans effet sur les contextes de consommation et de
circulation des produits psychoactifs : une « matrice coloniale » (Trépied et Guyon, 2013)
qui a produit des situations linguistiques, sociales, économiques, politiques inégales dans les
Outre-mer ; des clivages socioculturels et générationnels (redoublés par la diversité linguistique
et confessionnelle)2 ; une transition démographique en cours aux Antilles, à La Réunion, en
Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna (qui contraste avec les fortes proportions de jeunes
dans la population de Mayotte et de la Guyane) ; enfin, des difficultés socio-économiques
liées à « la vie chère »3. Ces spécificités ultramarines pèsent également sur les conditions de
réalisation des enquêtes statistiques pour mesurer les niveaux de consommation de drogues.
Elles déterminent aussi le cadre de mise en œuvre des politiques publiques de lutte contre
les addictions, l’intervention de l’État étant, dans les Outre-mer, conduite et adaptée selon
le statut institutionnel et le degré d’autonomie des territoires (voir encadré 1, p. 13). Dans
tous les cas, l’affirmation de la place de l’État dans les politiques locales nécessite un effort
particulier de déploiement et de coordination des réponses publiques, s’agissant de territoires
qui représentent plus de 22 % de la superficie française mais regroupent à peine 4 % de la
population et sont, pour la plupart, éclatés (à l’image des archipels4).

L’objectif de ce Théma est d’offrir un aperçu des situations et des problématiques observées
en 2020 dans les Outre-mer français en matière de drogues et d’addictions, sur la base des
données statistiques les plus récentes et des principales études menées dans ces territoires
(voir annexe 1, p. 70). Il faut souligner, au préalable, la relative rareté des données pour les
Outre-mer, qui ont été saisis plus tardivement que les départements et régions de métropole
par les dispositifs d’observation et les enquêtes en santé publique5 et de façon très progressive.
Les premières enquêtes représentatives ont été mises en place dans les années 2000, d’abord
en population jeune, dans 4 DOM puis dans les COM (enquêtes ESCAPAD de l’OFDT et
ECAAP de l’ex-Institut national de prévention et d’éducation de la santé, devenu Santé
publique France), puis parmi les adultes à partir de 2014 (Baromètre santé DOM de Santé
publique France). Avec la départementalisation de Mayotte en 2011, le dispositif de mesure

1. La désignation privilégiée ici sera celle des « Outre-mer » mais on pourra également se référer aux DROM ou aux DOM s’agissant des 5 territoires
départementalisés offrant les données les plus complètes : Guadeloupe, La Réunion, Martinique, Guyane et Mayotte.
2. Sur la complexité des sociétés ultramarines, voir par exemple sur la Guyane (Benoît, 2018 ; Guyon, 2013), La Réunion (Finch-Boyer, 2014) ou
Mayotte (Hachimi Alaoui, 2016).
3. Pour reprendre le slogan des manifestations qui traversent les Outre-mer depuis au moins dix ans (Guadeloupe, La Réunion, Nouvelle-Calédonie
notamment), nourries par des mouvements de grève générale (Guyane, Martinique, Mayotte).
4. Les Outre-mer comptent quatre archipels ou regroupements d’archipels : la Nouvelle-Calédonie, ensemble d’îles et d’archipels d’Océanie, dont
l’île principale est la Grande Terre ; la Polynésie française, qui compte 118 îles réparties sur une superficie grande comme l’Europe – dont 80 sont
habitées – disséminées sur 5 archipels correspondant aux subdivisions administratives : la Société (avec les îles du Vent et les îles Sous-le-Vent), les
Tuamotu, les Gambier, les Australes et les Marquises ; les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), regroupant l’archipel Crozet, les îles
Kerguelen, les îles Saint-Paul et Amsterdam, la terre Adélie et les îles Éparses ; enfin, Wallis-et-Futuna qui regroupe trois îles principales (Wallis, Futuna
et Alofi).
5. Par exemple, l’Enquête santé européenne EHIS menée par la Drees et l’Insee tous les 6 ans depuis 2008 en France, qui permet de mesurer l’évolution
de l’état de santé de la population, du recours aux soins et des habitudes de vie, a été déclinée pour la première fois dans les DOM en 2019, permettant
de positionner ces territoires en France et en Europe au regard des grands indicateurs de santé.

                                                                        10
statistique s’est étoffé : des enquêtes épidémiologiques spécifiques y ont été lancées dans la
période récente, à l’instar d’ESCAPAD (en 2017) et Unono wa maore (en 2018-2019).

À l’image du recensement de la population6, le recueil de données y est aussi moins régulier
pour des raisons de faisabilité : difficultés des enquêtes représentatives à accéder à certains
espaces (à l’instar des communes isolées de la forêt amazonienne en Guyane) et à certaines
populations, en situation de déscolarisation, de clandestinité (Mayotte, Guyane), d’illettrisme
ou du fait des barrières linguistiques (Marie, 2014) ; faible couverture en technologies de
l’information et de la communication7 invalidant les possibilités d’enquête par téléphone (et
requérant donc des moyens humains pour privilégier l’approche en face-à-face). En dépit
des efforts pour déployer un dispositif d’observation similaire à celui existant en métropole,
il faut donc préciser qu’une partie des phénomènes échappent probablement aux dispositifs
de mesure statistique.

Cet « effet de réverbère » est redoublé par la diversité des situations locales, dont les enquêtes
épidémiologiques ne sauraient rendre compte dès lors qu’il s’agit de segments de population
particuliers. Pour disposer d’une photographie complète des niveaux d’usage par secteur
géographique ou par type de population, il faudrait multiplier les enquêtes au niveau local,
ce qui supposerait des ressources sans commune mesure avec les moyens existants. Au
début des années 2000, l’OFDT a développé ce type d’observation locale qualitative dans
trois DOM, au travers d’un dispositif d’observation qualitatif permanent (TREND8) implanté
en Guyane, en Martinique et à La Réunion. Plus récemment, plusieurs investigations locales
ont permis d’explorer quelques phénomènes spécifiques aux territoires ultramarins. Tous ces
résultats ont été intégrés dans ce travail de synthèse, qui sera actualisé au fil des nouvelles
enquêtes programmées à compter de 20209 – en particulier la deuxième édition du Baromètre
santé DOM de Santé publique France (18-75 ans) et le dispositif EnCLASS10 de l’OFDT (11-
18 ans). Ce document participe donc du renforcement des systèmes d’observation réguliers
centrés sur les Outre-mer11.

Les Outre-mer font l’objet d’une attention publique de plus en plus ciblée12, comme en
témoigne la multiplication des travaux parlementaires, d’expertise et de contrôle13. Pourtant,
la connaissance des enjeux spécifiques à ces territoires reste partielle. Un certain nombre de
données sont néanmoins disponibles et permettent de dresser un état de situation des drogues
et des addictions, même si, du fait de leur intégration plus ancienne dans les enquêtes, celui-
ci est centré sur les anciens DOM (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion), avec
quelques données d’enquêtes ponctuelles sur les COM.

6. Les populations légales de l’année n sont actualisées tous les ans en France métropolitaine, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réu-
nion, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna,
elles sont mises à jour tous les cinq ans et dépendent du millésime de réalisation du recensement propre à chacun de ces territoires.
7. Dans le domaine de la téléphonie fixe, 72 % de la population ultramarine est raccordée, contre près de 100 % en métropole, et 50 % de la popula-
tion ultramarine est raccordée à Internet pour une moyenne nationale de 81 %.
8. Dispositif Tendances récentes nouvelles drogues (TREND) développé par l’OFDT depuis 1999.
9. Avec un report des terrains d’enquête du fait des mesures de confinement imposées par la pandémie de Covid-19.
10. Enquête nationale en collège et en lycée chez les adolescents sur la santé et les substances.
11. Cet engagement se retrouve dans le Plan national de mobilisation contre les addictions (2018-2022), qui inclut un axe stratégique visant à « mo-
biliser dans les Outre-mer », en particulier en mesurant les niveaux et les impacts des consommations. Il figure également parmi les objectifs du fonds
Addictions et, en écho à ces préoccupations, dans le programme de travail 2018-2021 de l’OFDT (« développer l’observation au sein des territoires,
notamment dans les Outre-mer »).
12. Dans cet esprit, le Plan gouvernemental de mobilisation contre les addictions 2018-2022 a prévu des « feuilles de route » pour les territoires
ultramarins. Plan de mobilisation renforcé contre la délinquance avec un volet spécifique pour Mayotte (juin 2016) ; circulaires pénales en Guyane ;
priorité à la lutte contre le trafic de stupéfiants en Guadeloupe ; volet Outre-mer de la Stratégie nationale de santé ; Plan jeunesse Outre-mer (3 sep-
tembre 2015) ; stratégie 2025 pour Mayotte (13 juin 2015) ; Plan pour la Guyane (21 avril 2017) ; Assises de l’Outre-mer (2017-2018) et publication
du Livre bleu Outre-mer (28 juin 2018). Par ailleurs, les plans stratégiques de santé de l’Agence de santé, « le PRS en action », sont déclinés dans
plusieurs départements, dont par exemple le projet régional de santé 2018-2028 La Réunion-Mayotte, structuré autour de trois documents (cadre
d’orientation stratégique, schéma régional de santé et programme régional d’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies,
avec des volets distincts pour La Réunion et Mayotte.
13. Par exemple : Bas et al., 2020 ; Cour des comptes, 2014 ; Julien-Laferrière et Ratenon, 2018 ; Lurel, 2016. Plus récemment, une mission d’information
sénatoriale sur le trafic de stupéfiants en provenance de Guyane a été créée en 2020.

                                                                     11
Carte. Les Outre-mer en France en 2020

                                                                                     Miquelon

                                                                                         Saint-Pierre

                                                                               Saint-Pierre-
                                                                               et-Miquelon

                                                                                                                                                                                    Océan pacifique
                                Saint-             Marigot
                                Barthélemy                                          Océan atlanque

                                                         Saint-Martin
                               Gustavia
                                                                                                        Mamoudzou

12
                                                                        Fort                                                                                                                Nouméa
                                                                        de France                                                   Saint-Denis
                                                                                                                                                                                Nouvelle-
                                                                           Martinique                                                                                           Calédonie
                                          Guadeloupe                                                      Mayotte
                            Clipperton                                                                                                                                                                              Mata-
                                                                                                                                                                                                                    Utu
                                                                                                                                   La Réunion
                                               Pointe
                                                                                                                                                                                                      Wallis-et-Futuna
                                               à Pitre

                                                                                                                                                  Océan indien

                                                                        Cayenne

                                                                    Guyane
                                                                                                                                                                                                             Polynésie
                                                                                                                                                                                                             française

                                                                                                                                                                                                              Papeete
                                                                                                                    Iles Crozet
                                                                                                                                                           Îles Saint-Paul
                                                                                                                                                           et Amsterdam

                                             Terres australes et antarques françaises                                   Iles Kerguelen

                                                                                                                                                                 Terre Adélie
Encadré 1. Statut administratif et politique des Outre-mer français
Les 12 territoires réunis dans la catégorie unifiante des « Outre-mer français » (Beauvallet
et al., 2016) se distinguent par une histoire coloniale plus ou moins ancienne14, souvent
marquée par l’esclavage (Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Guyane), et des statuts
administratifs et politiques qui ont été de plus en plus différenciés au fil du temps et qui
regroupent en 2020 :
n   2 départements et régions d’outre-mer (DROM) : la Guadeloupe et La Réunion ;
n 3 collectivités territoriales uniques (CTU) : la collectivité territoriale de Martinique
(CTM), la collectivité territoriale de Guyane (CTG) et le département de Mayotte ;
n 7 collectivités d’outre-mer (COM) : la Nouvelle-Calédonie ; la Polynésie française ;
Saint-Barthélemy ; Saint-Martin ; Saint-Pierre-et-Miquelon ; les Terres australes et
antarctiques françaises et Wallis-et-Futuna.
Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, les territoires d’outre-mer
bénéficient de « statuts à la carte », étape décisive d’un processus de différenciation
qui s’est étalé sur 70 ans (de 1946 à 2016). La Constitution du 27 octobre 1946 a
d’abord créé deux catégories de territoires ultramarins : les départements d’outre-mer
(DOM), soumis au principe d’assimilation métropolitaine et regroupant la Guadeloupe
(971), la Martinique (972), la Guyane (973) et La Réunion (974), et une vingtaine de
territoires d’outre-mer (TOM), dotés d’un statut particulier. Reprise par la Constitution
de 1958, cette catégorisation a donné lieu à l’appellation « DOM-TOM ». Mais, à partir
des années 1970, cette classification dualiste a été remplacée par une multiplication de
statuts particuliers (Mayotte en 1976, Saint-Pierre-et-Miquelon en 1985, la Nouvelle-
Calédonie en 1985, la Polynésie française en 1996), qui se sont ajoutés à ceux existant
(Terres australes et antarctiques françaises devenues collectivité sui generis en 1955).

La révision constitutionnelle de 2003 a distingué quatre types de statuts inspirant le
régime actuel :
n les départements et régions d’outre-mer (DROM), régis par l’article 73 (Guadeloupe,
Martinique, Guyane et La Réunion depuis 1946, auxquels s’est ajoutée Mayotte en 2011) ;
n les collectivités et pays d’outre-mer (COM ou POM), régis par l’article 74 (Polynésie
française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna) ;
n la Nouvelle-Calédonie, collectivité à statut particulier (sui generis) régie par les
articles 76 et 77 ;
n les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), agrandies en 2007 avec le
rattachement des îles Éparses (Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da
India) et Clipperton (terres non habitées relevant de la loi du 6 août 1955).
Les Outre-mer ont, pour la plupart, connu une succession de statuts spécifiques.
La Nouvelle-Calédonie, colonie française jusqu’en 1946, TOM jusqu’en 1999, est
désormais une collectivité « à statut particulier » d’outre-mer. De même, après avoir
été une collectivité à statut particulier, Mayotte est devenue en 2011 le 5e DOM et le
101e département français. Enfin, la Guyane et la Martinique, ex-DOM puis DROM, sont
devenues en 2016 des CTU, au même titre que la Corse.
D’un point de vue politique, administratif et financier, cette diversité de statuts va de pair
avec des degrés d’autonomie différents. En tant que CTU, la Guyane et la Martinique
ont fusionné leurs conseils régionaux et généraux. Les DROM sont soumis au principe
d’assimilation législative : les lois et règlements français sont applicables de plein droit
même si certains textes peuvent faire l’objet d’adaptations résultant de caractéristiques

14. De 1536 à 1664, la France s’est emparée de la Guadeloupe (1635), la Martinique (1635), la Guyane (1664),
La Réunion (1638), Saint-Martin (1648), Saint-Barthélemy (1648) et Saint-Pierre et Miquelon (1536). Entre 1840 et le
début du XXe siècle, la Polynésie (entre 1842 et 1889), la Nouvelle-Calédonie (1853), Wallis-et-Futuna (1887) sont
devenues progressivement des territoires français.

                                                   13
et de contraintes particulières à ces collectivités. Parmi les COM, certaines jouissent
d’une grande autonomie et de prérogatives dérogatoires au droit commun. Ainsi, la
Polynésie française a son président, son gouvernement, son assemblée élue et ses signes
identitaires propres (drapeau, hymne).
Du point de vue de la prise en charge des addictions, la politique relative à l’organisation
de l’offre de soins est pilotée par une agence régionale de santé (ARS), comme en
métropole, et répond à un schéma régional d’organisation des soins. Outre les ARS
opérant en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte (la dernière-née des ARS,
créée le 1er janvier 2020), une ARS regroupe la Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-
Martin. Au sein des Outre-mer, le système de soins repose sur les mêmes principes
qu’en métropole, dans les modes d’organisation et de couverture par l’Assurance
maladie, mais l’accès à la prise en charge se révèle très disparate sur chaque territoire
(Cour des comptes, 2014).

                                        14
I – LES OUTRE-MER, ESPACES DE CONTRASTES :
DONNÉES DE CADRAGE

Souvent présentés comme des territoires satellites de la métropole, les Outre-mer français
cumulent pourtant une population de 2,75 millions de personnes (soit 4 % de la population
française)15 et couvrent 120 000 km² de surface terrestre (22 % de la superficie de la
métropole). Mais ils concentrent surtout 97 % des 11 millions de km2 d’espace maritime,
ce qui place la France au deuxième rang mondial des zones économiques exclusives (ZEE).
Cette richesse confère aux Outre-mer un rôle singulier en matière de contrôle des flux et de
lutte contre le trafic maritime de stupéfiants.

Si la catégorie administrative et politique des « Outre-mer » (officiellement au pluriel depuis
2011) laisse croire à une homogénéité et, d’un point de vue épidémiologique, appelle une
comparaison avec la métropole, elle renvoie aussi à des entités singulières, souvent peu
comparables entre elles (Lemercier et al., 2014). Les Outre-mer sont en effet marqués par
des disparités de contexte, à l’image de leurs indices de développement humain (IDH)16,
inférieurs à l’indice métropolitain et bien différenciés entre eux (variant de 0,64 à Mayotte
à 0,82 en Guadeloupe, contre 0,90 en métropole). Les Outre-mer partagent en outre, sur
le plan économique et social, une situation de précarité plus marquée qu’en métropole, en
partie du fait de leur histoire et de leur situation géostratégique. L’ensemble des indicateurs
sociodémographiques, économiques et sanitaires décrivant les Outre-mer sont détaillés dans
l’annexe 2, dessinant un environnement plus défavorable qu’en métropole.

Une situation socio-économique et sanitaire dégradée
Des trajectoires démographiques hétérogènes

Les Outre-mer se caractérisent par une forte hétérogénéité par rapport à la métropole (Mazuy
et al., 2011) mais aussi entre eux. Sur le plan démographique, près de 40 % de la population
a moins de 25 ans, soit dix points d’écart en moyenne avec la métropole, ce qui cache des
disparités (voir annexe 2, p. 76).

On peut distinguer, d’une part, les départements jeunes, marqués par une forte croissance de
population, particulièrement Mayotte (dont la population a triplé depuis 1985 et comprend
désormais une majorité de mineurs) et la Guyane (+ 2,2 % par an en moyenne entre 2008
et 2013). Tous deux affichent une fécondité élevée (> 3 enfants par femme) et des flux
migratoires importants en provenance des pays avoisinants. La part de l’immigration représente
respectivement 45 % et 36 % de la population totale pour la Guyane et Mayotte, dont une

15. Insee, données actualisées au 1er janvier 2020....................................................................................................................................................................................
16. L’IDH est un indicateur synthétique de développement calculé chaque année par le Programme des Nations unies pour le développement pour
les pays et territoires indépendants. Il est calculé par la moyenne de trois indices quantifiant respectivement la santé (mesurée par l’espérance de
vie à la naissance), le niveau d’éducation (mesuré par la durée moyenne de scolarisation pour les adultes de plus de 25 ans et la durée attendue de
scolarisation pour les enfants d’âge scolaire) et le niveau de vie (à partir du revenu brut par habitant en parité de pouvoir d’achat).

                                                                                                        15
forte proportion d’étrangers (40 % à Mayotte, la région française où la part d’étrangers est
la plus importante, et 36 % en Guyane), le plus souvent en situation irrégulière et de forte
précarité socio-économique (Marie, 2015).

D’autre part, des départements vieillissants, comme la Martinique et la Guadeloupe, font
partie des rares régions françaises où la population n’a pas augmenté entre 2012 et 2020,
faisant face à une baisse de la fécondité et à un phénomène de migrations croisées : exode
des jeunes vers la métropole (pour poursuivre leurs études ou rechercher un emploi),
retour au pays des seniors au moment de la retraite. Les études prospectives de l’Insee
estiment que la Martinique et la Guadeloupe seront, en 2040, les deux départements de
France les plus âgés en moyenne. Depuis une vingtaine d’années, un processus similaire de
transition démographique affecte La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna,
qui enregistrent une baisse de la fécondité.

Des conditions économiques et sociales plus défavorables qu’en métropole

D’un point de vue socio-économique, les Outre-mer sont à la fois caractérisés par leur écart
avec la métropole et par la diversité de leurs situations économiques et sociales. Ils ont en
moyenne un PIB par habitant inférieur de 50 % par rapport à celui de l’Union européenne
et jusqu’à trois fois inférieur à la moyenne métropolitaine (voir annexe 2, p. 76). En outre,
ils restent marqués par une forte dépendance économique à l’égard de la métropole : 50 à
60 % des échanges se font avec l’Hexagone, avec un déséquilibre commercial du fait des
importations qui explique un coût de la vie bien supérieur (+ 12 % à La Réunion et + 17 %
en Martinique, par exemple) (Lurel, 2016). Cette dépendance se mesure aussi à l’aune de la
faiblesse du secteur industriel et de la forte proportion de l’emploi public (36,3 % en moyenne
dans les Outre-mer, vs 22,7 % en métropole, avec cependant de fortes disparités). La pauvreté
et les inégalités sociales y sont aggravées par rapport à la métropole, avec un seuil de revenu
mensuel des 20 % les plus pauvres à 242 euros à La Réunion et 413 en Martinique, contre
585 euros dans le département métropolitain où le revenu mensuel est le plus bas17.

En termes d’emploi, malgré une évolution favorable au cours des dix dernières années, le
taux de chômage est trois fois plus élevé qu’en métropole. À La Réunion, environ 30 % des
actifs (15-64 ans) sont sans emploi, taux le plus élevé parmi les Outre-mer. Il dépasse 20 %
en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, vs 9,3 % en métropole. Les jeunes sont les
plus exposés : le taux de chômage des 15-24 ans atteint 46 % à La Réunion. Sur le plan
éducatif, la part des jeunes pas ou peu diplômés est deux fois plus élevée qu’en métropole,
la Guyane étant particulièrement concernée (plus de 50 % des jeunes).

La situation sociale des Outre-mer est extrêmement défavorable en termes de pauvreté
et de précarité. Ils se distinguent par un taux d’allocataires de prestations sociales parmi
les plus élevés de France (70 % vs 43 % en métropole), en particulier à La Réunion qui
occupe le premier rang national : 38 % des ménages bénéficient du revenu de solidarité
active (RSA), le taux national étant en deçà de 9 % (Cabannes et Richet-Mastain, 2018).
En additionnant les 10 minima sociaux en vigueur en France (en incluant les conjoints et
les enfants à charge), plus d’une personne sur trois bénéficie de minima sociaux dans les
4 DROM historiques (Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion), contre une sur dix
en métropole18. Les prestations sociales (allocations familiales, aides au logement, minima
sociaux) jouent un rôle d’amortisseur social dans un contexte économique dégradé, assurant
le maintien d’un pouvoir d’achat permettant de subvenir aux besoins primaires.

17. https://www.inegalites.fr/Des-departements-d-outre-mer-marques-par-les-difficultes-sociales-et-les?idmot=109............................................................
18. Cabannes et Richet-Mastain, 2018, p. 18 et 67.

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