MPRA Essay on the financial system: an analysis of credit market in Sub-Saharan Africa
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M PRA Munich Personal RePEc Archive Essay on the financial system: an analysis of credit market in Sub-Saharan Africa Lardia Marcel Thiombiano University Ouaga II 2013 Online at http://mpra.ub.uni-muenchen.de/49011/ MPRA Paper No. 49011, posted 19. August 2013 23:05 UTC
Essai sur le système financier: une analyse du marché du crédit en Afrique Subsaharienne Lardia Marcel THIOMBIANO* 2013 * Doctorant à l’Unité de Formation et de Recherche en Sciences Economiques et de Gestion (UFR- SEG) l’Université Ouaga II (Burkina Faso) ; Laboratoire d’Analyse de Politique Economique (LAPE). Vos commentaires et suggestions sont les bienvenus. Prière m’écrire à l’adresse suivante : lardia.marcel@gmail.com
Résumé Cet article a pour but de caractériser le comportement des agents économiques sur le marché du crédit en Afrique Subsaharienne afin de comprendre l’exclusion financière des ménages pauvres. À travers sa démarche purement théorique, il donne une description du fonctionnement du marché du crédit. Considérant les rapports sociaux subjectifs (le signal social) comme point de départ et cause principale du fait économique, il aboutit à trois résultats majeurs : (i) l’offre de crédit est inversement proportionnelle au taux d’intérêt ; (ii) le besoin de mobilité sociale (la recherche d’un meilleur être) est le principal déterminant de la demande de crédit ; (iii) le marché financier a trois segments formels et un informel. Par ailleurs, il constate que le déséquilibre est la règle sur le marché du crédit et démontre l’inexistence de mobilité sociale pour les pauvres. Mots clés : marché du crédit, pauvreté, mobilité sociale, bien-être Essay on the financial system: an analysis of credit market in Sub- Saharan Africa Summary This paper aims to characterize the behavior of economic agents on Sub-Saharan Africa’s credit market in order to understand the financial exclusion of poor households. Through its theoretical approach, it gives a description of the functioning of the credit market. By considering the social interactions (social signal) as a starting point and the main determinant of the economic fact, it leads to three main results: (i) the credit supply is inversely proportional to interest rate, (ii) the need for social mobility (the pursuit of a better-being) is the main determinant of the credit demand, (iii) the financial market in Sub-Saharan Africa has three formal segments and one informal segment. Moreover, it demonstrates that in the credit market of Sub-Saharan Africa, the imbalance is the rule because only one of the four segment is in balance. Furthermore this paper notes the lack of social mobility for the poor when there is no external intervention. Keywords: credit market, poverty, social mobility, welfare 2
1. Introduction L’inclusion financière, ou l’accroissement des capabilités des populations à travers les services financiers est aujourd’hui perçu comme un outil efficace de réduction de la pauvreté. Par définition, l’inclusion financière est l’accès et l’utilisation réelle de services financiers de qualité (tenant compte du besoin des consommateurs) par la population dans le but d’accroitre leur productivité et leur consommation et donc leur bien-être. L’accessibilité et l’utilisation réelles des services financiers requièrent non seulement la proximité, mais aussi la facilité d’utilisation de ces services. Certes, les produits financiers sont aujourd’hui faciles d’accès et d’utilisation, mais uniquement pour un public instruit à leur utilisation et remplissant certaines conditions, contrairement à la majorité des populations des pays en développement. Certains économistes contemporains soutiennent que jusque-là le système financier s’est montré inefficace à promouvoir la croissance économique dans les économies en développement2, encore moins à réduire la pauvreté3. Dans le même ordre d’idées d’autres auteurs4 pensent que les effets de la microfinance sur la croissance économique sont minimes et son impact sur la pauvreté mitigé5. Cela pourrait s’expliquer par le fait les économies en développement soient très différentes de celles du Nord (développées) et cela, tant en terme de structure macroéconomique qu’en terme de comportement des agents économiques. Les agents économiques ont des mobiles variés, différents des principes de maximisation de profit et parfois très atypiques. Dans un tel contexte, la finance moderne (c’est-à-dire la banque, les institutions de crédit, le marché financier et même à un certain égard la microfinance) n’est pas adaptée aux besoins et aux réalités de la majorité des acteurs économiques. Dans le but de réduire la pauvreté et par là, les inégalités sociales, le système financier devrait se plier aux besoins des pauvres avec une plus grande flexibilité et une aptitude à innover (et non le contraire). Il importe donc de trouver de nouvelles méthodes ou de nouveaux produits afin d’amener la finance formelle vers les pauvres. L’examen de cette problématique et la mise en place de politique adéquate nécessitent une bonne connaissance du comportement d’offre et de demande de crédit et donc de leurs interactions sur le marché. La difficulté réside dans le fait que la littérature économique s’attarde peu sur la description du fonctionnement des marchés financiers africains et encore moins à la caractérisation des besoins des pauvres et de leur comportement de demande de crédit. En effet, la plupart des études considèrent que le marché financier africain fonctionne selon la description classique. Quelques rares études furent menées pour décrire le marché du crédit, mais elles tentent, pour la plupart, d’expliquer l’apparition du secteur de la microfinance. 2Voir Hautcoeur (2008) et Andersen, Thomas Barnebeck. 2010. "What Can Africa Expect from Financial Development?," AERC Plenary Session on Financial Development and Economic Growth in Africa. 3 L’indice volumétrique de la pauvreté au Burkina est resté ces cinq dernières années sur une tendance quasi stationnaire (voir les Indicateurs de Développement dans le Monde de la Banque Mondiale) 4 Entre autres Guérin, Isabelle; Cyril Fouillet; Isabelle Hillenkamp; Olivier Martinez; Solène Morvant- Roux and Marc Roesch. 2007. "Microfinance : Effets Mitigés Sur La Lutte Contre La Pauvreté," Annuaire suisse de politique de développement [En ligne]. Revue.org, 5 Ces auteurs montrent qu’à nos jours, la microfinance n’arrive pas à répondre aux besoins des pauvres. De plus « 80 % environ du montant des crédits de microfinance et bancaires sont utilisés pour des dépenses dites “non productives”, c’est-à-dire ne générant aucun revenu direct » 3
La question centrale qui intéresse cette étude est : comment fonctionne le marché du crédit en Afrique subsaharienne ? De façon spécifique, quelle est la nature des motivations des agents économiques ? Comment se comportent-ils ? Et comment interagissent-ils sur le marché ? Ce papier proposera alors une description du marché du crédit qui rendrait compte de la réalité et permettait de caractériser les comportements des agents économiques. Dans la suite, il sera organisé en trois principales parties. Un bref exposé des récentes avancées théoriques sur le marché financier en Afrique Subsaharienne sera l’objet de la seconde partie. Ensuite, considérant le fait social comme essentiel dans la compréhension du comportement des agents économique, la troisième partie fera l’étalage des interactions entre ce dernier et le fait économique. Enfin, la quatrième partie fera le point sur les interactions entre agents sur le marché du crédit. 2. Marché du crédit en Afrique de l’Ouest Les développements théoriques sur le secteur financier en Afrique peuvent être subdivisés en deux vagues distinctes. Nous faisons ici une brève description de ces deux courants de pensée. 2.1. Marché classique du crédit La première vague distingue initialement trois segments dans le marché financier : le secteur bancaire classique, les systèmes financiers décentralisés et le secteur financier endogène. Au sein de chaque secteur évoluent des acteurs (offreurs et demandeurs) propres à ce secteur. À la limite, chaque type d’offreur détient le monopole dans son secteur. (i) Les banques et les institutions de crédit ont le monopole du secteur bancaire classique et n’interviennent pas dans les autres secteurs. (ii) En Afrique, très peu d’acteurs évoluent dans le système financier décentralisé (embryonnaire). (iii) Les tontines, les usuriers, etc. sont les principaux offreurs de crédit du secteur financier endogène. Du fait des contraintes d’accès à ces segments du marché financier émerge un quatrième segment conjuguant les caractéristiques du secteur bancaire classique à celles du secteur financier endogène : la microfinance. Cette théorie est très efficace dans l’explication de l’émergence de la microfinance, mais pas dans l’explication du comportement des acteurs du marché financier6. 2.2. La demande classique de crédit Dans la théorie classique (basé sur l’individualisme méthodologique), la demande de crédit nait du comportement rationnel de maximisation du profit et est une fonction décroissante du taux d’intérêt réel. Supposons qu’un agent ait à réaliser un investissement I qui lui procurerait des flux de revenu Ft sur une certaine période T. Dans une situation où l’avenir est certain, il ne réaliserait l’investissement que si la somme de ses flux de revenu actualisés était supérieure à son investissement. Soit < ∑ . (1 + ) où rt est le taux de préférence pour le présent. 6Pour un exposé détaillé sur la littérature sur le marché du crédit en Afrique subsaharienne, voir Zerbo, Adama. 2006. "Marché Du Crédit Et Travail Décent Au Burkina Faso," Groupe d'Economie du Développement de l'Université Montesquieu Bordeaux IV, 4
Effectivement, l’agent peut vendre ses flux futurs de revenu pour financer son investissement ou tout simplement les donner en garantie pour l’obtention d’un crédit. Dans ce cas, connaissant son taux de rentabilité interne, = ∑ . (1 + ) son investissement est d’autant plus rentable que l’écart entre le taux de rentabilité interne et le taux d’intérêt réel du marché (r) est élevé. Le montant investit est alors une fonction décroissante du taux d’intérêt réel du marché : = ( − ) La demande de crédit de l’économie étant la somme des demandes de crédit de tous les agents économiques. Si l’avenir est incertain, la relation < ∑ . (1 + ) reste vraie, mais rt représente maintenant le taux de préférence pour le présent entaché d’incertitude7. Le taux d’intérêt réel du marché sera le même augmenté d’une prime de risque (p). La décision d’investissement et la demande de crédit d’investissement seront toujours des fonctions décroissantes du ce taux : = [ − ( + )] Le choix du mode d’investissement dépend quant à lui des capacités de l’agent à financer son investissement sur fonds propre (FP). De ce choix nait la demande de crédit (Dc) qui aussi une fonction décroissante du taux d’intérêt : = − = ( − ) ou = − = [ − ( + )] En somme, la théorie classique stipule que la demande de crédit au sein de l’économie évolue inversement à l’évolution du taux d’intérêt. 2.3. Une approche réaliste du marché du crédit La seconde vague – plus proche de la réalité – est née des essais de modélisation du marché du crédit de Zerbo (2006). Cette approche, plus réaliste, montre qu’en prenant en compte les comportements d’offre et de demande de crédit et les taux d’intérêt débiteurs, le marché financier se segmente en quatre compartiments : (i) Le premier compartiment (ou compartiment à régime de demande) est caractérisé par une offre de crédit supérieure à la demande et un taux d’intérêt moyen inférieur au taux moyen global. Là évoluent les banques et les institutions non bancaires de crédit ; la concurrence y est très intense et la demande émane des secteurs stratégiques de l’économie. (ii) Le deuxième compartiment (ou compartiment à régime d’offre) est caractérisé par une offre inférieure à la demande et un taux d’intérêt moyen supérieur à celui du premier compartiment. Les mêmes offreurs que précédemment ont la majeure part du marché et la part minoritaire revient aux institutions de microfinance. La demande vient principalement des petites et moyennes entreprises. (iii) Le troisième compartiment (ou compartiment des micros et petits crédits). Les offreurs sont les institutions de microfinance, les établissements financiers 7En effet, les flux futurs de revenu sont incertains et l’agent prend en compte dans son analyse le risque que les flux de revenu ne viennent pas comme prévu. 5
spécialisés, et les banques. L’offre est adressée à des demandeurs bien précis ou aux membres de l’institution. (iv) Le quatrième compartiment est le marché endogène du crédit tel que décrit par les théories précédentes. (v) Cette analyse ne tient pas compte du marché décentralisé du fait de son étroitesse. Elle est assez pragmatique et représente le fondement des développements à suivre. 3. Le signal social La notion intuitive sur laquelle nous pouvons nous fonder avec certitude, à priori pour notre connaissance de la société et des relations sociales, est que tout agent économique émet aux autres agents un signal, mixture subtile de ses caractéristiques démographiques, son statut socioprofessionnel, ses caractéristiques économiques et son capital social8. Dans un environnement socio-économique donné, ce signal est apprécié par les autres selon leurs us et habitudes. Il lui confère une certaine crédibilité, une certaine notoriété et surtout un certain pouvoir. Il accroit ses libertés et affecte ses relations socio-économiques avec les autres9. Ce signal, que nous appelons « signal social10 », est donc la perception que la société a de l’individu – de son accomplissement réalisé – qui transforme cet accomplissement en potentialités. En l’absence de chocs exogènes, ce signal a la capacité d’attribuer à l’individu un chemin de mobilité sociale qu’il suivra nécessairement sans pouvoir s’y détacher même s’il le souhaitait. Les principales caractéristiques de ce signal sont sa propriété de perpétuation et l’effet d’illusion qu’elle produit. La perpétuation est la propriété d’auto entretien que possède le signal social11. Les agents ayant un bon signal social verraient leur signal s’améliorer au fil du temps en dehors de tout choc particulier visant à faire varier le signal (et vice versa). Quant aux firmes, leur signal social provient à la fois des caractéristiques de l’entreprise (capital, dynamique des recettes et des bénéfices, origine12, statut juridique, nombre de leurs employés et secteur d’activité), mais aussi (et surtout) du 8 origine, appartenance familiale, sexe, âge, type d’emploi, secteur d’activité, responsabilité professionnelle patrimoine, niveau d’étude, bord politique, réseau social 9 En d’autres termes, il accroit les capabilités de l’agent au sein de son environnement socio- économique. 10Signaux sociaux – réseaux sociaux La dernière décennie à vue l’essor outil du Web 2.0 et avec lui de millier de médias et réseaux sociaux. Ces réseaux ont trouvé un écho favorable auprès tous les peuples du monde ayant accès à l’internet, et ce, pour des raisons propres à chacun d’entre eux. Ils ont inculqué de nouveaux modes de vie dans toutes les civilisations. Ils ont apporté une « richesse et une flexibilité nouvelle dans la manière dont individus et informations s’organisent, s’articulent, interagissent », Duperrin (2010). L’élément central de ce nouveau mode de vie est le signal social qui permet à toute entité membre du réseau d’indiquer la dynamique de ses préférences et de ses activités quotidiennes. Chefs d’entreprise, directeurs marketing, recruteurs voient en ses réseaux l’opportunité de connaitre les personnes avec qui ils interagissent (clients, employés et autres). Les signaux qui sont diffusés dans ces réseaux et médias donnent une connaissance parfaite de l’entité qui la diffuse (ou plutôt ce que cette entité veut prétendre être) à tous ceux de son environnement. Grâce à ce signal, l’intégration à de nouveaux groupes d’intérêt lui est proposée et de potentiels amis lui témoignent de l’intérêt. Le fonctionnement de ces réseaux sociaux mime pratiquement le fonctionnement des sociétés africaines. 11 Nous reviendrons dans la suite sur cette propriété de perpétuation du signal social 12 En Afrique les firmes filiales de multinationale ont un signal plus fort que les autres. 6
signal social de leurs dirigeants13. Le signal social de la firme peut affecter, voire, modeler ses relations avec ses partenaires d’affaires et ses concurrents. 3.1. Signal social et capabilité Nous tentons ici d’appliquer la théorie des capabilités à l’analyse des besoins des ménages. Le fondement de l’approche par les capabilités14 est que l’évaluation du bien-être humain devrait aller au-delà du concept d’utilité, du revenu et toute autre ressource matérielle ou financière. Sen les considère comme insuffisants, voire inadéquats, et propose une approche orientée vers la qualité de vie. Selon Bertin (2008) « l’approche par les capabilités […] offre un cadre d’analyse pertinent à l’analyse des états sociaux en se situant dans la lignée de penseurs comme Aristote ou Adam Smith. ». D’après cette approche, le bien-être d’un individu est d’autant plus élevé que ses possibilités d’accomplissement le sont. La qualité de la vie est jugée selon ce que l’individu peut « être » et « faire », que Sen appel accomplissement. Sen définit donc la capabilité d’un individu par l’ensemble des vecteurs d’accomplissement possibles. Elle est, en d’autres termes la liberté qu’a cet individu de choisir le type de vie qu’il désire. Pour Zerbo (2002) « la capabilité du ménage afin qu’il soit en mesure de rehausser ou de maintenir son niveau de bien-être face à la survenance d’événements opportuns ou adverses dépend (i) de ses dotations en actifs réels et incorporels, (ii) de son environnement socio-économique et (iii) de ses caractéristiques. » Considérons le vecteur de potentialités suivant. ( ) = [ ( ); ( ); ℎ( ); !( )] Où R représente le revenu de l’individu, K son capital matériel, Kh son capital humain et Ks son capital social B(t) est le vecteur défini par Zerbo (2002) comme « le niveau de bien-être du ménage », mais aussi « son potentiel d'augmenter ses capabilités dans le futur ». Il correspond à la fois à l’accomplissement réalisé actuel de l’individu et sa capacité réelle à obtenir de nouvelles opportunités d’accomplissement, et ce, dans un environnement socio-économique donné. La capabilité réelle de cet individu est donc l’ensemble des vecteurs d’accomplissement que pourraient lui offrir ses potentialités réelles. Par ailleurs, le signal social est par définition fonction de ce vecteur de potentialité : 99( ) = 9[ ( )] Par son effet d’illusion, il augmentera (ou baissera selon les cas) les opportunités d’accomplissement, et par là, les capabilités de l’individu. En somme, les capabilités 13 C’est pour cela que les multinationales qui s’installent en Afrique ont tendance à recruter comme DG ou président de conseil d’administration des personnes ayant une forte influence politique et un large et influent réseau social. 14 Approche proposée par Sen, Amartya. 1982. Choice, Welfare and Measurement. Oxford, England: B. Blackwell, Sen, Amartya. 1984. Collective Choice and Social Welfare. Amsterdam ; New York: North- Holland ;, Sen, Amartya. 1985. Commodities and Capabilities. Amsterdam ; New York: North-Holland ;, Sen, Amartya. 1989. "Development as Capability Expansion." Journal of Development Planning / United Nations, Department of Economic and Social Affairs (International), No. 19, 41-58, Sen, Amartya. 1992. Inequality Reexamined. New York: Russell Sage Foundation ;. 7
effectives (ensemble des accomplissements possibles dans des conditions socio- économiques données) d’un individu dépendent du signal social de ce dernier. L’effet d’illusion L’effet d’illusion traduit le caractère illusionniste du signal social. En effet, l’image qu’il donne d’un individu à la société est rarement l’image de cet individu. Un bon signal est signe d’un certain niveau de vie – d’un bien-être social donné – à partir duquel la société estime – toujours en dessous ou au-dessus de la réalité – les capacités de l’individu. A posteriori, dans la société africaine, les potentialités des individus ont tendance à être surestimées ou sous-estimées. Ainsi, le regard que porte la société sur la qualité de la vie d’un individu est tel que l’appréciation qui en résulte soit illusoire et autoréalisatrice des de ses capabilités. Aux individus ayant une très bonne qualité de vie et donc d’énormes potentialités réelles, l’effet d’illusion du signal social leur accorde des capabilités effectives supérieures à leurs capabilités réelles et vice versa. L’effet d’illusion est le fait même de l’asymétrie d’information. L’effet d’illusion est alors la différence entre les capabilités effectives et réelle : : ( ) = ( ) − 99( ) En réalité, dans toute société il existe un niveau de vie pouvant être considéré comme niveau moyen. Toute entité de cette société a une connaissance intuitive et exacte de ce niveau qu’il considère niveau de vie idoine. Ce niveau peut être approché par l’espérance mathématique des accomplissements réalisables dans la société. L’effet d’illusion naît donc de la position de l’individu par rapport à ce niveau moyen intuitif. : ( ) = ( ) − 99( ) = : [ ( ) − :[ ( )]] 3.2. La propriété de perpétuation Il conviendrait ici de s’attarder une fois de plus sur le signal social et surtout sur sa propriété de perpétuation. Cette propriété – caractère intrinsèque – du signal est la conséquence du rôle que ce signal joue dans la société. Le signal social est, en effet un moyen et une fin. Tout accroissement du signal social nécessite un accroissement d’une au moins des composantes du vecteur des potentialités. =99( ) =99( ) =99( ) =99( ) 99;( ) = ; ( ) ∗ + ;( )∗ + ℎ;( ) ∗ + !;( ) ∗ = ( ) = ( ) = ℎ( ) = !( ) Pourtant, la variation de chacune des composantes de ce vecteur dépend du signal social lui-même15. ;( ) )] ( )+: C @D [99( D [ ( )] @ C @ C ;( ) B D [99( )] ( )+: ;( ) = ? =? E B = ?D E [ ( )]B ? B ℎ;( )B ?DF [99( )]B ?DF [ ( )+: ( )]B ? > !;( )A >DG [99( )]A >DG [ ( )+: ( )]A Ainsi, le signal social d’une période donnée (t) affecte son niveau de la période suivante (t +1). La perpétuation réside donc dans le fait que le bon signal (respectivement le mauvais) engendre toujours de bons signaux (respectivement de 15Augmenter son revenu dépend de la force du signal à procurer des opportunités d’emploi mieux rémunérées ou des investissements plus lucratifs. 8
mauvais signaux). Ce caractère des signaux sociaux suppose, à priori, une distinction entre bons et mauvais signaux et l’existence d’une zone frontière entre les mauvais et les bons signaux. Cette zone frontière que nous appelons « zone de transition » est, par définition, caractérisée par des trajectoires incertaines, c’est-à-dire qu’à une période et un niveau de bien-être donnés il est impossible de prédire le niveau de bien- être de la période suivante. Au-dessus de la zone de transition se trouve la zone d’expansion et en dessous se trouve celle de trappe à pauvreté (confère figure 1). L’hypothèse subjacente à cette propriété est que les individus sont en mesure de réaliser de meilleurs accomplissements que celui que leur permettraient les potentialités réelles dont ils disposent, et ce, chaque fois que la société leur donnerait l’opportunité. La zone d’expansion est lieu des ménages ayant des accomplissements – ou des combinaisons de potentialités – donnant à la société un bon signal. C’est celle des ménages non pauvres. Ces ménages ont des opportunités, du fait de leur signal, qui leur permettent de garder au moins la même qualité de vie de période en période. Il y’ a deux types de ménage non pauvre : • Les ménages riches : Leur signal social leur offre toujours, par effet d’illusion, de meilleures opportunités que pourrait offrir les potentialités réelles du ménage : c’est la zone de stricte expansion. ( ) ≪ 99( ) = 9[ ( )] D’où : ( ) > 0 Les individus classés ici sont très nantis, ils interviennent dans les secteurs clés de l’économie à travers leurs entreprises ou sont d’un bord politique très influent. Leurs réseaux sociaux sont aussi très puissants et, le plus souvent, sont des lobbys très influents. Ils ont alors d’énormes opportunités d’améliorer à nouveau leur niveau de vie qui pourtant était déjà de grande qualité. Ils sont dans de bonnes conditions et ont d’énormes potentialités surenchéri par leur signal social. C’est la classe des citoyens privilégiés, de grands entrepreneurs nationaux ou d’origine étrangère. • Non-pauvre : L’accroissement des potentialités dues à l’effet d’illusion est négligeable. ( ) ≈ 99( ) = 9[ ( )] D’où : ( ) ≈ 0 Leur signal les offre des opportunités – pratiquement les mêmes que leur offriraient leurs potentialités réelles – suffisantes à maintenir la qualité de leur vie dans le temps : zone neutre. Ce sont des ménages ayant un revenu stable issu des secteurs formels de l’économie ou des propriétaires de moyennes entreprises ayant réussi à stabiliser leur flux de revenu ou encore des exploitants agricoles membres de groupements d’intérêt. Ils ont suffisamment de capabilités pour vivre en t +1 la qualité de vie qu’ils avaient en t. Ils ne sont pas vulnérables, mais un choc macroéconomique d’une certaine ampleur pourrait les faire basculer dans le statut inférieur c’est-à-dire la zone de transition. La zone de transition : Les ménages de cette zone ont un caractère quelque peu mitigé. Ils sont soit des non-pauvres en transition vers le statut de pauvre ou des pauvres en transition vers le statut de non-pauvre. Du fait de leurs capabilités effectives, leur situation future est incertaine. Ils sont aussi vulnérables que porteurs d’espoir. Ils peuvent en effet évoluer dans un sens ou dans l’autre : un choc positif 9
(respectivement, négatif), aussi infime soit-il, améliorerait (respectivement, détériorerait) significativement la qualité de leur vie. Ce sont des propriétaires de petites entreprises formelles ou informelles ou des exploitants agricoles isolés. Leur signal dépend plus de leur histoire – l’évolution passée du signal et surtout le caractère soutenu de cette évolution – et de la confiance que son réseau social a en lui et en sa capacité à se redresser ou continuer sa progression. ( ) ≡ 99( ) = 9[ ( )] D’où : ( ) = 0 Quant à la zone de trappe à pauvreté, elle est celle des ménages ayant des combinaisons de potentialités donnant à la société un mauvais signal : ménages pauvres. Leurs opportunités leur permettent à peine de maintenir leur qualité de vie constante. Ils sont très vulnérables, car hypersensibles aux chocs négatifs. La caractéristique la plus importante de cette zone est que le ménage qui s’y trouve ne peut pas en sortir sans un choc externe. Il y’ a deux types de ménages pauvres classés en fonction de leur vulnérabilité aux chocs négatifs : • Pauvre : La baisse de potentialités due à effet d’illusion est négligeable. ( ) ≈ 99( ) = 9[ ( )] D’où : ( ) ≈ 0 Ils ne peuvent choisir dans le futur que des qualités de vie au plus égales à leur niveau actuel : c’est la zone de pauvreté. Ce sont des ménages ayant des revenus instables en provenance du secteur informel, entrepreneurs familiaux (entreprise de subsistance) ou agriculteur moyen subissant les aléas climatiques. Ils ont peu de capabilités, mais suffisantes pour leur permettre d’avoir – en fournissant de gros efforts – le même niveau de vie à chaque période. Leur situation est plus stable que dans la zone de transition, mais ils sont sensibles à tous chocs. Un choc positif les ferait passer dans la zone de transition et un choc négatif dans la zone d’appauvrissement continu. • Pauvre vulnérable : par effet d’illusion, le signal social leur offre des capabilités (zone d’appauvrissement continu). ( ) ≫ 99( ) = 9[ ( )] D’où : ( ) < 0 Ses potentialités effectives – mais aussi ses potentialités réelles – lui permettent à la date t+1 des accomplissements inférieurs à celles qu’il avait en t. Il est de la catégorie des individus sans revenu, de petits exploitants agricoles ou de petites entreprises informelles et leurs acteurs. Même sans chocs extérieurs leur situation se détériore de période en période. Ils représentent le groupe le plus vulnérable. 10
Stricte expansion Plus de capabilités B(t)B(t+1) Figure 1 Dynamique de la qualité de vie et chemins de mobilité sociale Source : la présente étude Le signal émis par le ménage est reçu et traité par la société. De ce processus social naissent cinq chemins de mobilité sociale possible pour le ménage : A-B : la société distingue difficilement la qualité du signal émis. Elle basera son estimation sur les accomplissements passés du ménage, mais il nous est impossible de déterminer la nature de l’appréciation qui en résultera. C’est la zone de transition. A-C : le signal émis par le ménage est positivement perçu. Là, la distorsion due à l’effet d’illusion est négligeable. Les capabilités du ménage restent inchangées dans le temps et son accomplissement réalisé sera au plus le même que celui de la période précédente. C’est la zone neutre A-D : ce ménage a une qualité de vie supérieure à celui précédemment décrit. L’effet d’illusion accroit ses capabilités – même si ses potentialités ne variaient – et lui permet de choisir une qualité de vie meilleure à celle de la période précédente. C’est la zone de stricte expansion. A-E : ce ménage est pauvre et son signal est négativement perçu. L’effet d’illusion est négligeable et les potentialités du ménage ne lui offrent que des qualités de vie au plus égale à celle qu’il vit actuellement. C’est la zone de pauvreté 11
A-F : son signal est négatif et souffre de l’effet d’illusion. Il n’est pas à même de s’offrir des accomplissements stables dans le temps. C’est la zone appauvrissement continue. 3.3. Mobilité sociale et inégalités socio- socio-économiques Nous savons, par définition, que le signal social confère à tout individu un chemin de mobilité sociale qu’il suivra nécessairement sans pouvoir s’y se détacher. Tout individu, quelles que soient ses aspirations, est contraint de suivre la trajectoire que lui impose l’environnement socio-économique, et ce, du fait de son signal. De plus, la propriété de perpétuation du signal nous a permis de distinguer cinq catégories socio- économiques. À chacune de ces catégories correspond un trajet que tout individu y appartenant suivra nécessairement en l’absence de choc extérieur : 1. Les ménages riches : ils pourront choisir (à chaque période) parmi des accomplissements meilleurs que ceux de la période précédente. Ils sont sur un chemin d’expansion social, et ce, même s’ils ne fournissent aucun effort. Ici, il y’ a mobilité intragénérationnelle et intergénérationnelle ; 2. Les non-pauvres vivront à chaque période le même niveau bien-être car leurs signaux ne leur permettent que les mêmes accomplissements que la période précédente. Ils sont sur un chemin de maintien de son statut social. Mais, par ses investissements, il pourrait offrir à ses descendants, l’occasion d’avoir de meilleurs niveaux de vie : inertie intragénérationnelle et mobilité intergénérationnelle ; 3. La zone de transition reste la zone où les trajectoires des individus sont confuses. Il est donc impossible de déterminer la situation socio- économique future d’un agent de cette catégorie. 4. Les ménages pauvres sont caractérisés par des chemins de mobilité constants. À chaque période, ils réaliseront le même accomplissement, et ce, avec beaucoup d’effort du fait de l’effet d’illusion du signal social. En plus, ils ne peuvent offrir à leur descendance qu’au plus le même niveau de vie qu’eux même. L’inertie est intergénérationnelle et intragénérationnelle ; 5. Les pauvres vulnérables : ils sont sur un chemin de déclassement social, et ce, quels que soient les efforts qu’ils fourniraient pour sortir de leur cycle de paupérisation. La dérive sociale est tant intragénérationnelle qu’intergénérationnelle. Ainsi peinte, toute chose égale par ailleurs et sans intervention extérieure, dans un environnement socio-économique donné, les inégalités socio-économiques sont de nature à s’accroitre perpétuellement du fait de la perpétuation du signal social des individus. A posteriori, ce résultat se justifie par l’accroissement des écarts socio- économiques dans les sociétés africaines PNUD (2010). En l’absence de politiques favorisant la mobilité sociale, les inégalités continueraient de se creuser. À l’absence de mobilité sociale intragénérationnelle s’ajoute une faible mobilité sociale intergénérationnelle. À défaut de pouvoir améliorer leur propre niveau de vie, les ménages africains mettent, à priori, leurs espoirs de mobilité sociale sur les générations suivantes. Mais, du faite de la peinture de la société, les capabilités de leurs descendants seront fortement dépendantes des leurs. En effet, les ménages riches légueront à leurs descendants leur capital matériel (actions, autres titres et bien immobilier), leur capital social et une bonne instruction leur permettant d’obtenir un bon statut socio-professionnel. Ils resteront alors dans cette zone et dans de meilleures conditions de vie que leurs ascendants. Quant aux les descendants des ménages non- 12
pauvres et pauvres, ils auront les mêmes niveaux de vie que leurs ascendants avec pour les uns une chance de l’améliorer (non-pauvre) et pour les autres un risque de déclassement (pauvre). Quant aux pauvres très vulnérables, en plus de léguer de moindres capabilités, ils ne peuvent pas offrir un bon niveau d’instruction à leurs descendants qui se retrouvent alors dans des conditions de vie pire que la leur. Ainsi en l’absence de toute intervention extérieure, les inégalités sociales se perpétuent à travers les générations16. 4. Marché du crédit La situation économique des pays en développement est nettement différente de celle des pays développés. Elle est en effet caractérisée par une faible utilisation des services financiers. Les déterminants de cette faible bancarisation sont nombreux. Le niveau d’instruction, la méconnaissance des services financiers et l’incapacité à remplir tous les critères d’inclusion sont à priori les raisons les plus en vues. La faible inclusion financière dans les pays en développement peut être perçue sous un autre œil. Les raisons précitées décrivent des carences plus liées aux ménages qu’au système financier. En effet, peuvent être retenus comme déterminants de la faible inclusion financière, la rigidité des institutions financières, l’inadéquation des services octroyés et le manque de proximité et d’ouverture. Les institutions de microfinance (IMF) étaient censées apporter des solutions pour combler ces lacunes, mais aujourd’hui, on constate qu’elles ont échoué. Certes, la microfinance a apporté un horizon nouveau, des espoirs, mais aussi des succès, mais son impact sur la pauvreté reste encore très mitigé. D’après Guérin, et al. (2007), la microfinance est restée aussi rigide que le système bancaire. Aussi, ses délais et ses modalités autour du crédit l’ont rendu inefficace à répondre aux besoins des pauvres. En parlant des services de microfinance, ces auteurs trouvent qu’« Ils sont encore très largement inadaptés à une demande extrêmement complexe et diversifiée, et ceci vaut tant pour la microfinance commerciale que pour celle ayant des objectifs immédiatement sociaux. » De plus, la microfinance aurait contribué à accroitre les inégalités, car « L’offre a souvent tendance à se concentrer dans les territoires les plus riches, avec deux conséquences : un renforcement des inégalités territoriales préexistantes, mais aussi des risques de saturation de l’offre et de surendettement des clients. » Guérin, et al. (2007). Dans le but de comprendre l’exclusion financière, cette partie sera focalisée sur la caractérisation des comportements d’offre et de demande de crédit. Par la suite, elle donnera une description du marché financier en Afrique Subsaharienne. 4.1. Offre de crédit Le postulat classique veut que l’offre de crédit dépende du taux d’intérêt débiteur réel, mais en réalité il n’en est rien. Naturellement la condition minimale de participation au marché du crédit étant que ce taux procure un bénéfice aussi infime soit-il, d’une certaine façon cette dépendance demeure. Aussi des taux d’intérêt plus élevés procureraient plus de bénéfice, donc plus de satisfaction à l’offreur, mais les volumes de crédit offert resterait sensiblement les mêmes quel que soit le niveau du taux 16 Les politiques publiques d’enseignement constituent un choc positif qui tendant à améliorer les conditions de vie des générations futures. Un ménage pauvre ayant pu instruire ses enfants pourrait les voir transiter vers le statut de non pauvre vulnérable par l’obtention d’un emploi dans le secteur formel. 13
d’intérêt débiteur. Le volume de crédit offert n’a donc aucune relation directe avec le taux d’intérêt. L’offre de crédit en Afrique dépend uniquement du signal social. L’établissement de crédit perçoit le signal de ses clients – donc, estime ses capacités – et offre le crédit exclusivement à ceux ayant un bon signal. L’offre de crédit des établissements de crédit tend alors à augmenter avec le signal social de la clientèle. Dans la zone neutre, les établissements de crédit ont une confiance suffisante en leurs clients et satisfont à toutes les demandes de crédit. La zone neutre est donc le lieu des signaux sociaux suffisamment élevés pour donner à ses émetteurs suffisamment de crédibilité et aux récepteurs suffisamment de confiance afin que toute demande soit satisfaite. De plus, ce même postulat nous enseigne que les taux d’intérêt naissent de l’équilibre sur le marché financier : le taux d’intérêt est déterminé par la confrontation de la demande d’emprunt et de l’offre d’épargne des agents non financiers. La théorie keynésienne veut que ce taux soit déterminé sur le marché monétaire par la confrontation de la demande de monnaie et l’offre de monnaie. La théorie des fonds prêtables concilie les deux précédentes théories, car pour elle, le taux d’intérêt est déterminé par la confrontation de l’offre et la demande de fonds prêtables17. Mais a posteriori, nous constatons que les établissements financiers sont seules souveraines en matière de fixation des taux d’intérêt. Elles fixent ce taux de façon unilatérale en tenant compte du signal social du client, des contraintes de rentabilité et des prix de leurs concurrents. Le signal social émis par le client influence négativement le taux d’intérêt débiteur, car plus ce signal est fort, mieux l’établissement financier le considère comme un client ayant (i) du pouvoir, suffisamment de crédibilité et de capacités de rembourser dans les délais ; (ii) le réseau social et la liberté de changer d’établissement de crédit, car il a la large palette d’offreurs internationaux ; (iii) de plus, la capacité de fournir des documents transparents sur ses flux de revenus. Le taux d’intérêt débiteur est alors inversement lié au signal social (plus le signal social est élevé, plus le risque lié au crédit est faible et plus les taux débiteurs sont faibles). Ce taux évolue entre un taux minimum né des contraintes de rentabilité18 et un taux maximal né des contraintes liées à la concurrence19. En somme, un taux d’intérêt proche du minimum vise à amadouer le client ayant un bon signal et un taux d’intérêt élevé décourage le client au mauvais signal. Aucun crédit n’est octroyé à ceux ayant un mauvais signal social. 17 Remarque : ces théories expliquent la formation des taux d’intérêt réels 18 Les coûts de transaction, le taux de refinancement auprès de la banque centrale ou d’une banque partenaire et la rémunération des dépôts sont autant de frais pris en compte par l’établissement dans la fixation de son taux débiteur nominal. 19 Les établissements de crédit évoluent dans un environnement de concurrence monopolistique. Ils fixent les prix, mais tiennent compte des prix fixés par leurs concurrents, car bien qu’ayant une clientèle propre, le volume de cette clientèle pourrait baisser si ses prix pratiqués sont de loin au-dessus de ses concurrents. 14
Graphique 1 Détermination du montant de crédit et du taux d’intérêt débiteur nominal O Offre de crédit fonction croissante du signal social O* SS* SS ZT ZN rmin r* Taux d’intérêt débiteur nominal fonction décroissante du signal social rmax r Source : la présente étude SS désigne le signal social, ZT la zone de transition, ZN la zone neutre, O le volume d’offre de crédit, r le taux d’intérêt débiteur nominal, rmin le taux d’intérêt débiteur nominal minimal et rmax le taux d’intérêt débiteur nominal maximal alors pour un signal social SS* donné, l’établissement décide du montant de crédit (O*) qu’il est prêt à octroyer et du taux d’intérêt débiteur nominal (r*) qu’il appliquerait au client. Le graphique ci-dessus montre le mécanisme de fixation du montant d’offre de crédit et du taux d’intérêt nominal. Tout part du signal social SS* émis par un client (sens des flèches en pointiller). Ce signal permet à la banque de fixer à la fois les prix (taux d’intérêt nominal, r*) et les quantités qu’elle est prête à offrir (montant de crédit, O*), et ce, en dehors de tout mécanisme de marché. Plus le signal est fort, plus le taux d’intérêt est faible et le montant de crédit à offrir est élevé. En deçà ZT aucun crédit n’est offert quel que soit le prix : le ménage se rabat sur le marché financier informel où les taux s’accroissent à l’infini. 4.2. Demande de crédit Pour comprendre le comportement de demande de service financier (en particulier le crédit), il est essentiel de caractériser les motivations de l’ensemble des agents économiques potentiels demandeur de crédit. Dans notre analyse nous mettrons l’accent sur les catégories les plus défavorisées de la population. 15
Les besoins des pauvres Les pauvres (très vulnérables ou non) qui sont à majorité exclue (volontairement ou non) du système financier. Ils sont pour la plupart actifs dans des secteurs précaires. Ils sont soit salariés précaires ou indépendants vulnérables du secteur informel ou agricole. Le secteur informel est caractérisé par des activités à petit capital et à faible chiffre d’affaires20. Quant au secteur agricole, il est très peu modernisé et subit toujours les aléas climatiques. Il emploie la majorité des pauvres en Afrique Subsaharienne21. Partant de la théorie des capabilités de Sen (1992) et surtout, de la lecture offerte par les travaux de Zerbo (2002)22 il ressort que l’objectif ultime de tous les individus est l’accroissement de leur bien-être. A posteriori et dans la même logique, la seule préoccupation des ménages pauvres est de changer de chemin de mobilité sociale, et ce, tant au niveau intragénérationnel (au mieux) qu’au niveau intergénérationnel (au pire). C’est de cette préoccupation que naîtra leur besoin de crédit qui sera fonction de la classe à laquelle appartient l’agent. La demande de fonds prêtables D’une manière générale la demande de fond des individus a trois composantes principales : i) La demande de fonds pour stabilisation de la qualité de vie : elle est en général exprimée par les pauvres très vulnérables (les ménages n’ayant aucune source de revenus ou ayant des revenus instables). Elle nait de la volonté du ménage de mettre un terme à la récession et de créer une source stable de revenus certains. Elle a donc pour motif la survie et la sécurité. La demande de fonds pour stabilisation de la qualité de vie ne dépend pas du taux d’intérêt. Elle est résultat de l’estimation du montant d’actifs réels et 20 33 % et 84 % de ces activités furent démarrées avec un capital respectivement inférieur à 50000 FCFA et 500000 FCFA ; 87 % d’entre eux ont un chiffre d’affaires annuel inférieur à 500000 FCFA ; de plus, ces activités occupent en moyenne 1,5 personne qui n’a pas de salaire fixe (Estimations faites à partir de la base de données de Bayala, Serge; Moise Kaboré and Inoussa Traoré. 2010. "Dynamiques Et Rôle Économique Et Social Du Secteur Informel Des Tic Au Burkina Faso," Y. pukri, TIC Infor. Ouagadougou 21 Par ailleurs, les exigences et la nature de leurs activités leur rendent les services financiers inaccessibles : • Le secteur informel est principalement caractérisé par une grande mobilité de ses acteurs. Il exige en plus une grande flexibilité et une forte réactivité face aux opportunités et aux adversités. La disponibilité immédiate d’actifs liquides serait donc un grand atout. De plus, les flux de revenu provenant du secteur informel sont très aléatoires et un calcul de rentabilité d’investissement basé sur les méthodes classiques découragerait tout investissement financé par le crédit. • Le secteur agricole – toujours dominé par de petites exploitations agricoles – est, du fait de l’éloignement de ses acteurs et des aléas climatiques qu’il subit, exclu du système financier formel. Seuls quelques agriculteurs, du fait de leur appartenance à des groupements, ont accès des microfinancements. Malheureusement, d’après Guérin, Isabelle; Cyril Fouillet; Isabelle Hillenkamp; Olivier Martinez; Solène Morvant-Roux and Marc Roesch. 2007. "Microfinance : Effets Mitigés Sur La Lutte Contre La Pauvreté," Annuaire suisse de politique de développement [En ligne]. Revue.org, « 80 % environ du montant des crédits de microfinance et bancaires est utilisé pour des dépenses dites “non productives”, c’est-à-dire ne générant aucun revenu direct » 22Zerbo, Adama. 2002. "Une Approche Non Probabiliste D'analyse De La Dynamique Multidimensionnelle Du Bien-Être. Pauvreté, Vulnérabilité Et Exclusion," Groupe d'Economie du Développement de l'Université Montesquieu Bordeaux IV, 16
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