ETUDE SUR LES RELATIONS ENTRE TF1 ET METROPOLE TELEVISION ET LA PRODUCTION PHONOGRAPHIQUE - Mai 2003
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ETUDE SUR LES RELATIONS ENTRE TF1 ET METROPOLE TELEVISION ET LA PRODUCTION PHONOGRAPHIQUE Mai 2003
SOMMAIRE CONTEXTE 3 AVANT-PROPOS 4 OBJET DE l’ETUDE 11 METHODOLOGIE 11 PRINCIPALES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS 13 ANALYSE DES RELATIONS ENTRE LA FILIERE MUSICALE ET LES CHAINES DE TELEVISION HERTZIENNES NATIONALES 17 SYNTHESE DES PRINCIPAUX RESULTATS .................................................................17 LES INTERETS CROISES DE DEUX INDUSTRIES CULTURELLES..............................19 ETAT DES LIEUX DU MARCHE DU DISQUE EN 2002 19 ETAT DES LIEUX DU PAYSAGE AUDIOVISUEL HERTZIEN NATIONAL 23 LES INVESTISSEMENTS DES EDITEURS MUSICAUX EN TELEVISION EN 2002 26 LES ACTIVITES DE DIVERSIFICATION DE TF1 ET M6 DANS L’INDUSTRIE DISCOGRAPHIQUE.........................................................................................................29 PRESENTATION DES GROUPES TF1 ET METROPOLE TELEVISION 30 L’ACTIVITE D’EDITION PHONOGRAPHIQUE DES GROUPES TF1 ET M6 34 ANALYSE DE LA PROGRAMMATION 41 SYNTHESE DES PRINCIPAUX RESULTATS .................................................................41 RAPPEL DES OBLIGATIONS MUSICALES DES CHAINES HERTZIENNES PRIVEES..44 PANORAMA DE L’OFFRE MUSICALE SUR TF1 ET M6 .................................................45 TF1 45 M6 51 ANALYSE DE LA DIFFUSION DE VIDEOMUSIQUES .....................................................57 M6 57 ANALYSE DE LA DIFFUSION DES ELEMENTS DE PROGRAMMES MUSICAUX .........81 M6 82 TF1 83 ANALYSE DES DIVERTISSEMENTS MUSICAUX OU A COMPOSANTE MUSICALE (LA POLITIQUE D’INVITATION ET LES SUJETS)...........................................................88 M6 89 TF1 90 Conseil supérieur de l’audiovisuel 2
CONTEXTE Depuis quelques années, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a été alerté à plusieurs reprises sur les conditions de la promotion sur l'antenne des chaînes hertziennes nationales des activités de diversification de leurs groupes. Parmi ces activités de diversification, l’édition phonographique figure en bonne place. Ainsi en 1999, le Conseil est intervenu sur la question des « tubes de l'été », titres musicaux parfois produits ou coproduits par les filiales d'édition phonographique des diffuseurs, afin de rappeler aux chaînes les conditions dans lesquelles ces vidéomusiques pouvaient être diffusées et parrainées1. Plus récemment, lors de la renégociation en 2001 des conventions des chaînes privées TF1, M6 et Canal Plus, le CSA a souhaité encadrer toute promotion en dehors des écrans publicitaires des activités de diversification de titulaires d'une fréquence hertzienne par des dispositions figurant aux articles 25 des conventions de TF1 et M6 et 20 de Canal Plus. Les syndicats d’éditeurs phonographiques (Syndicat National de l’Edition Phonographique et l'Union des Producteurs phonographiques Français Indépendants) ont, quant à eux, exprimé leurs inquiétudes à diverses reprises auprès du Conseil et des pouvoirs publics2 sur les risques que faisait, selon eux, courir à la diversité musicale le développement par les diffuseurs hertziens – qui bénéficient d’une forte audience auprès du public – de filiales dédiées à l’édition phonographique et sur tous les effets pervers résultant d’une confusion croissante des métiers de producteur et de diffuseur. Lors de la première diffusion, en 2001, des émissions Popstars sur M6 et Star Academy sur TF1, diverses voix se sont fait entendre pour dénoncer l’omniprésence sur les deux antennes de Universal Music France et des filiales d’édition phonographique des diffuseurs en fin d’année, période qui correspond à des mois de fortes ventes de disques. Le Ministère de la Culture et de la Communication a, de son côté, souhaité s’intéresser à la question de la diversité musicale en radio en mettant en place en mai 2001 un groupe de travail présidé par Eric Baptiste auquel le Conseil supérieur de l’audiovisuel a participé. Les travaux de ce groupe ont débouché au 1er trimestre 2003 sur l'élaboration d'un accord interprofessionnel garantissant le respect de la diversité musicale en radio signé le 5 mai dernier par le SNEP et l'UPFI, ainsi que par les représentants des radios parties à ce groupe. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, soucieux de la question de la diversité musicale en radio comme en télévision, a souhaité, à l'occasion de la sélection des chaînes candidates à l’édition d’un service de télévision numérique de terre, donner toute sa place à la musique, particulièrement prisée des Français. Il a ainsi retenu deux chaînes musicales, IMCM (Lagardère Thématiques) et M6 Music (M6 Thématique), et une chaîne à composante musicale NRJTV (NRJ Group), considérant que la diversité musicale doit aussi naître de la diversité des acteurs sur le marché. Précédemment, à l’occasion du renouvellement de la convention de Métropole Télévision (M6) en 2001, il a rappelé son attachement au maintien des obligations musicales de la chaîne tant en diffusion qu’en production. Le Conseil a également souhaité entreprendre une étude sur les activités de diversification des chaînes hertziennes nationales au travers de l’exemple de l’édition phonographique, 1 Copie du courrier en annexe 2 Publication du Livre blanc de l’UPFI « Les objectifs prioritaires des producteurs de phonogrammes pour l’année 2002 – Pour une industrie musicale au service de la diversité » (janvier 2002). Publication des « Propositions pour la musique à la télévision – Déclaration du SNEP en faveur d’une chaîne musicale gratuite et d’une diffusion pluraliste de la musique » (février 2002). Conseil supérieur de l’audiovisuel 3
rejoignant en cela les préoccupations exprimées par le Ministre de la Culture et de la Communication dans une lettre adressée au Conseil fin 20023. C'est dans ce contexte qu'intervient le travail d'étude qui suit et qui permettra de répondre aux préoccupations des pouvoirs publics autant qu'à celles de la filière musicale. AVANT-PROPOS Une analyse des relations liant l'industrie phonographique et le média télévisuel confronte deux industries culturelles qui ont chacune leur logique et met en perspective une histoire marquée par l'évolution tant du cadre réglementaire que des stratégies commerciales désormais mondiales. Avant de préciser l'objet de cette étude et les raisons pour lesquelles elle ne porte que sur les chaînes TF1 et M6, il convient de replacer la problématique dans une perspective historique. *** L'histoire des relations entre l'industrie phonographique et le média télévisuel depuis les années 1960 est marquée par différentes périodes qui concourent à une intégration toujours plus grande entre le métier de producteur et celui de diffuseur, dans un contexte marqué par une accélération de la concentration au sein de ces deux industries culturelles : I - Des années 1960 à la deuxième moitié des années 1980 Au cours de cette période, le média télévisuel n'est incarné que dans des chaînes de service public, parties intégrantes de l'ORTF jusqu'en 1974, puis ayant chacune leur identité propre après cette date : TF1, Antenne 2, France Régions 3. Face à ces trois acteurs, l'industrie phonographique se composait dans les années 1960 de maisons de disques de taille très différentes, du petit label à la société indépendante de taille moyenne, tel Barclay, jusqu'à la major, comme EMI ou Polygram ; la diversité caractérisait cette période même si dès les années 1970 un mouvement de concentration commença à s'opérer au profit de ces dernières. Dès cette époque, la télévision, dans le droit fil du rôle tenu par la radio, accompagnant le succès des variétés auprès du grand public, crée déjà des « stars de la chanson » grâce à des émissions de radio-crochet telles que Le Petit Conservatoire, Le Jeu de la chance, qui permettra de découvrir en 1965 Mireille Mathieu, ou bien encore L'Ecole des vedettes dans laquelle Line Renaud parrainera en 1960 le jeune rocker Johnny Hallyday. Le média télévisuel contribue également à asseoir le succès des artistes de variétés par la multiplication des émissions de première partie de soirée, essentiellement produites par Maritie et Gilbert Carpentier (Sacha Show, Top à, Numéro 1). De son côté, l'industrie phonographique crée aussi dès cette époque des groupes "fabriqués". Toutefois, le média télévisuel reste alors dans son rôle de diffuseur et laisse aux maisons de disques le soin de produire et de gérer la carrière des artistes qu'il contribue à faire connaître et à promouvoir. Les maisons de disques, pour leur part, comprirent rapidement tout l'intérêt qu'elles pouvaient retirer d'une exploitation d'un titre en télévision lorsque celui-ci est un produit dérivé d'un programme audiovisuel. Dans ce cas, en effet, le producteur audiovisuel donne en licence la musique de son programme à une maison de disques, touchant en retour un 3 Copie du courrier en annexe. Conseil supérieur de l’audiovisuel 4
pourcentage sur le prix de gros hors taxes. A la fin de cette période, on rappellera pour mémoire le grand succès de la chanson « Goldorak », générique du dessin animé éponyme, lancée en 1979 par la maison de disques de Saban, HS Records (musique originale en l'occurrence car le programme était japonais) et qui fut vendue à 3,5 millions d'exemplaires. Dans la foulée, la maison de disques lança d'autres titres génériques de dessins animés ou de séries (Ulysse 31, Inspecteur Gadget, Starsky et Hutch…). II - La deuxième moitié des années 1980 : premier virage dans les relations entre le média télévisuel et l'édition phonographique En télévision, cette période est marquée par la création d'un pôle privé avec l'arrivée dès 1984 de Canal Plus, mais surtout en 1987, la création de M6 par le groupe Métropole Télévision sur les cendres de TV6, chaîne entièrement musicale qui n’aura vécu que quelques mois4, et la privatisation de TF1. En même temps que les groupes nouvellement détenteurs d'une autorisation d’usage de fréquence hertzienne créent leurs chaînes, ils établissent dans la foulée des filiales de diversification chargées notamment de la gestion des droits musicaux et de la production de produits dérivés liés aux programmes audiovisuels (comme c'est le cas de M6 Interactions à ses débuts en 1987) ou entièrement dévolue à la gestion des droits musicaux liés à l'antenne (comme Une Musique pour TF1, créée en 1988, ou La Bande son pour Canal Plus). Les chaînes privées virent dans ces filiales le moyen de conserver la mainmise sur les produits musicaux dérivés des programmes qu'elles diffusent qu'ils soient achetés ou coproduits5. Elles leur permettaient d'optimiser les retombées d'un programme télévisé en termes de notoriété, de couverture presse mais aussi et surtout en termes économiques. Ces filiales devinrent alors un échelon intermédiaire supplémentaire entre le producteur audiovisuel (si ce n'est pas la chaîne elle-même) et la maison de disques. Ceci marque la première étape d'un processus dont les acteurs commencent à mesurer les effets aujourd’hui. Pour l'industrie phonographique, l'arrivée de ces trois acteurs privés représentait toutefois un réel effet d'aubaine. En effet, M6 était contrainte par la CNCL d'accepter d'être une chaîne à composante musicale (obligations de diffusion et de production) et permettait notamment aux vidéomusiques, nouveaux programmes audiovisuels apparus au début des années 1980, de pouvoir être diffusés auprès du grand public. TF1 demeurait, pour sa part, le vaisseau amiral des émissions de variétés (qui passent ainsi de deux cases régulières de première partie de soirée sur les chaînes hertziennes en 1985 à six cases régulières en 4 Rappelons pour mémoire, que l’ensemble de la filière musicale s’était fortement mobilisée auprès des pouvoirs publics à cette époque afin que soit conservé ce caractère musical par la société nouvellement détentrice de l’usage de la fréquence hertzienne. Le rapport annuel de la CNCL 1986-1987 précisait d’ailleurs les ambitions de l’instance de régulation vis-à-vis de la 6ème chaîne dans une lettre adressée le 16 mars 1987 au sénateur Taittinger : « L’une de nos préoccupations principales a été, en effet, comme vous pouvez l’imaginer, de sauvegarder les intérêts de la musique en général, de la musique à la télévision, et plus particulièrement de la musique pour les jeunes.(…) En portant son choix sur Métropole Télévision, la CNCL a tenu compte de ce qu’en affectant une part significative de ses programmes à la musique (40%) –et la Commission y veillera-, M6 était en mesure, avec un budget d’exploitation et une audience prévue très supérieurs, de recueillir auprès des jeunes une audience beaucoup plus importante.(…) Il reste, que dès maintenant, des chaînes thématiques musicales anglo- saxonnes sont proposées à l’écoute d’un large public européen notamment de jeunes. Mais ces chaînes thématiques sont toutes transmises par satellite de télécommunication et non par voie hertzienne terrestre comme l’est la sixième chaîne française. (…) 5 Rappelons qu'à cette période le souhait des chaînes d'intégrer le métier de producteur se lit également dans le lancement de sociétés de production audiovisuelle comme le fera TF1 (Banco Production, Protecréa) et Canal Plus (Ellipse, rachat de Le Sabre et IMA, Studio Canal), M6 restant en dehors de ce phénomène. Conseil supérieur de l’audiovisuel 5
1990). Quant à Canal Plus, elle offrait de 1984 à 1993 le seul classement des ventes proposé en télévision, le Top 50. Durant cette période, les succès les plus frappants sont à mettre au crédit du groupe AB, qui permet à plusieurs animateurs ou acteurs de programmes destinés à la jeunesse de profiter d'une forte exposition télévisuelle pour sortir des disques et se produire en concert (Dorothée, Hélène, Les Musclés). Néanmoins, cette période est également porteuse d’une autre bonne nouvelle pour l'industrie phonographique, dont les mouvements de concentration s'accélèrent par les rachats de labels indépendants, dans une logique de mondialisation du marché. En effet, l'autorisation de la publicité télévisée pour le disque en 1989, fit d'elle un annonceur à part entière et contribua là aussi à modifier le rapport producteur/diffuseur. Dès lors, si la régie publicitaire du média souhaitait que des maisons de disques achètent un maximum d'espaces, il convenait d'accorder une place à l'antenne aux artistes qui constituent leurs objectifs prioritaires. L'exposition en télévision contribuait ainsi à diminuer notablement les aspects aléatoires de la promotion des artistes et de la vente de disques. Au cours de la période, le rapprochement de ces deux industries culturelles dominées de plus en plus par une logique commerciale fut symbolisé par le succès des « tubes de l'été ». En 1989, le lancement de la « Lambada », estampillé « tube de l'été » par TF1 donna lieu à la diffusion de très courts extraits de la vidéomusique parrainée par Orangina et à des passages dans de nombreuses émissions de la chaîne. Cette première opération de marketing, fruit de la collaboration de Une Musique et de Sony France sous la forme d'une co-exploitation (pourcentage sur les ventes du disque), constitua un énorme succès (5 millions de disques vendus) et ouvrit la voie à la multiplication de telles opérations parrainées sur toutes les chaînes hertziennes privées ou publiques (« La Macarena » sur M6, « Tic Tic Tac » sur France 2, « Alane » sur TF1, « Pata Pata » sur M6...). En outre, ces opérations permettaient aux chaînes, qui voyaient dès lors d'un autre oeil le métier du disque, de remplir les espaces publicitaires de la période estivale, traditionnellement creuse en recettes publicitaires, et à l'industrie phonographique de réaliser des records de ventes de CD 2 titres, qui contribuent à "tirer" l'ensemble du marché. Le média télévisuel devint dès lors une vitrine de plus en plus essentielle pour l'industrie phonographique qui sollicita de façon croissante les diffuseurs afin d’établir des partenariats. Les intérêts communs tendirent ainsi à estomper les frontières entre les métiers de producteur et de diffuseur. III - La deuxième moitié des années 1990 Deux événements contribuèrent à tendre les rapports entre l'industrie phonographique et les diffuseurs privés. Tout d’abord, en 1996, M6 lança sa première émission de variétés récurrente, Graines de star, destinée entre autres à découvrir de jeunes talents de la chanson. C'est avec le lancement de ce programme que la filiale M6 Interactions commença à produire et coproduire des artistes sous son label et ne plus se limiter aux compilations tirées des concerts que la chaîne organise à Bercy depuis 1993 pour amortir en partie le coût de ces opérations (Dance Machine, Métropole Groove, Métropole Techno). M6 Interactions lança ainsi la carrière des Poetic Lovers ou de Sandy Valentino et plus récemment de Cylia ou d'Eve Angeli. Pendant ce temps, forte des succès des « tubes de l'été » qui lui permettent d'afficher un chiffre d'affaires de 166 MF en 1996, Une Musique, filiale de TF1, décida en 1998 de produire seule le nouveau « tube de l'été » qu'elle s'apprêtait à lancer, « Yakalelo » du groupe Nomads ; elle vendit 1,5 million de CD 2 titres, se contentant de déléguer la distribution à Polygram. Ces deux événements, joints au fait que l'autre partenaire majeur du secteur cette fois-ci en radio, NRJ, annonçait dans le même temps son intention de créer sa filiale d'édition phonographique, ont poussé l'industrie musicale à manifester, via ses syndicats, son Conseil supérieur de l’audiovisuel 6
inquiétude face à ce phénomène d'intégration du métier de producteur par les diffuseurs. Ce que dénonçait alors les maisons de disques était le fait d'être reléguées au simple rôle de distributeur, même si en l'occurrence celui-ci est très profitable à la profession lorsqu'il s'agit de distribuer des disques qui bénéficient d'une forte promotion en télévision et donc souvent de fortes ventes. Il convient d'ailleurs de noter que les majors sont les seules partenaires de ce type d'opérations car elles sont les seules à bénéficier d'un réseau de distribution intégré susceptible d'assurer la meilleure diffusion aux produits promus. La profession s'inquiétait également dans le cadre d'accords de co-exploitation de la course aux ventes qui s'était ainsi instaurée puisqu'il fallait que les maisons de disques vendent au moins 300 000 CD 2 titres pour commencer à réaliser des bénéfices, près de la moitié des recettes étant reversée aux chaînes en échange de leurs espaces publicitaires. Les sollicitations multiples de la profession vis-à-vis du média télévisuel ont abouti à la prise de conscience par celui-ci de son impact et de l'intérêt que peuvent avoir pour les groupes audiovisuels la production et l'édition d'artistes dits « maison », qui contribuent alors à améliorer les résultats du groupe. A cette période, les stratégies de TF1 et de M6 étaient semblables : il s'agissait de développer leurs activités d'édition phonographique et devenir des maisons de disques à part entière. TF1 décida même de lancer pour la première fois en 1997 une « chanson de l'hiver », « L'Histoire de la vie », de Jerry MacKay, chanson créée par Elton John et Tim Rice pour le dernier long métrage Disney, Le Roi Lion. Ces ambitions furent néanmoins freinées en 1999 par une décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui décida de fixer à 1min30 la durée minimale de diffusion des vidéomusiques, là où les modules comptabilisaient en moyenne 30 secondes. Cette décision, ajoutée semble-t-il à un phénomène d'usure du public pour les « tubes de l'été » mais aussi à la plus grande difficulté des diffuseurs à intégrer des modules plus longs avec la même récurrence dans la grille, aboutit à une désaffection certaine des chaînes à l'égard de ces opérations. Après l'euphorie de la fin des années 1980 et du milieu des années 1990, marquées également par la constitution d'un paysage audiovisuel de complément (MCM, MTV, M6 Music, Fun TV, RFM TV), les filiales d'édition phonographique des deux diffuseurs TF1 et M6, très dépendantes de ces « coups » marketing, ont connu une phase de reflux par rapport au marché des ventes. TF1 est d'ailleurs revenue sur sa stratégie première d'intégration du métier de producteur, en recourant moins à ses filiales de production pour plutôt se concentrer sur son activité de diffuseur. L'industrie phonographique a vu dans cette évolution des pratiques des diffuseurs une incursion du diffuseur dans le secteur de la production suivie d'un retour à la normale, mais la professionnalisation des moyens développés par les diffuseurs autour de ces opérations des « tubes de l'été », proches des techniques de promotion développées en radio, a durablement marqué leurs relations avec les maisons de disques. IV - 2001 : Le virage des lancements des divertissements musicaux de « télé-réalité » Star Academy et Popstars Déjà partenaires des précédentes opérations de l'été, les majors vont également participer aux projets des deux chaînes qui entendaient toutes deux intégrer une maison de disques dans la conception d'un programme audiovisuel tout entier conçu autour de la découverte de talents et la promotion de leurs titres. Parmi les éditeurs phonographiques, elles étaient d'ailleurs les seules à même de cofinancer un programme de cette ampleur. C’est la major Universal Music France qui fut retenue comme partenaire des deux opérations (après un appel d’offres dans le cas de TF1). Popstars et Star Academy marquent une nouvelle étape dans la logique de rapprochement entre le métier de producteur et celui de diffuseur : la Conseil supérieur de l’audiovisuel 7
maison de disques en étant présente en amont du programme et durant tout son déroulement devient partie prenante de sa diffusion ; de son côté, le diffuseur suit pas à pas toutes les étapes de la production des artistes et de leurs disques. Si ces deux émissions apportent sans doute du sang neuf au genre « variétés » à la télévision et si Star Academy, plus particulièrement, contribue tant à repopulariser la chanson française sur le média télévisuel qu’à faire vivre le répertoire (puisque des artistes confirmés viennent s’y produire), ces deux émissions ont eu plusieurs conséquences : - Popstars et Star Academy ont indéniablement participé, tant par la vente des CD 2 titres et des albums des candidats que par le passage de certaines stars confirmées de la chanson sur le plateau de Star Academy, à la bonne santé du marché du disque en France (cf liste de ventes des disques issus de ces deux émissions éditée par le SNEP). Elles ont permis à Universal Music d'enregistrer des records sur l'ensemble des CD 2 titres issus de ces programmes, car l'intérêt de ce type d'émissions est aussi de capter un public très jeune, les 8-12 ans, qui sont de gros consommateurs de CD 2 titres. - Ces deux programmes s’imposent dans les grilles des deux diffuseurs entre septembre et décembre, mois décisifs pour les ventes de disques, et laissent alors peu de place à d'autres émissions musicales, qui pourraient également permettre de faire connaître de jeunes talents. Elles renforcent par ailleurs par leur succès le poids des majors sur le marché du disque. - Popstars et Star Academy constituent un « goulet d'étranglement » supplémentaire pour l'industrie phonographique, dans la mesure où les diffuseurs « formatent » un ou des artistes pour les besoins de leurs antennes et que ces chanteurs ou groupes doivent donc artistiquement être en phase avec l'image de la chaîne. Il est d’ailleurs remarquable que ces chaînes assurent quasiment toute la promotion de ces artistes singulièrement absents des cent plus fortes programmations en radio. - Ces deux émissions, de par l'ensemble des recettes qu'elles ont générées (achats d'espaces publicitaires, parrainage, SMS, appels téléphoniques surtaxés, édition presse, jeu de société, disques, connexions Internet payantes sur les sites dédiés, abonnements à un canal TV dédié, concerts,...), représentent un nouveau modèle économique qui séduit de plus en plus les diffuseurs confrontés à un marché publicitaire en récession. En outre, le développement de ces produits dérivés ne nécessite pas d'importants capitaux et permet naturellement de remplir les écrans publicitaires de la chaîne. La diversification qui accompagne ce type de programmes leur fournit dès lors un relais de croissance indispensable et s'inscrit dans la logique de convergence des médias depuis longtemps annoncée. Pour autant, si les conséquences sont semblables pour l'industrie phonographique, les stratégies apparaissent différenciées entre les pratiques de TF1 et M6. Fort de la part d'audience de la première chaîne française qui continue à la placer très loin devant ses concurrents, le groupe TF1 semble avoir renoncé à jouer le rôle de producteur phonographique via sa filiale Une Musique, qui possède très peu d'artistes en catalogue et n'est pas associée à la production de Star Academy. Le groupe fait agir un maillage de filiales parmi lesquelles son autre filiale TF1 Entreprises (cf schéma du groupe TF1), qui a passé pour ce divertissement un accord de co-exploitation avec Niouprod (filiale du groupe Endemol) et Universal Music pour une partie des produits dérivés dont la production phonographique, prise en charge par le label Mercury. S'agissant des autres diversifications, TF1 semble vouloir continuer à sous-traiter ses produits dérivés en vendant des licences à des partenaires extérieurs6 et n'intervenant que sous la forme de co-exploitation. 6 Exemple : marque Ushuaïa en licence chez L’Oréal. Conseil supérieur de l’audiovisuel 8
A contrario, ayant longtemps vécu sa composante musicale comme une contrainte du régulateur, M6 a découvert peu à peu tout l'intérêt que pouvait revêtir la musique dès lors qu'elle était adaptée aux besoins de l'antenne. Le groupe a ainsi fait de sa filiale M6 Interactions un acteur à part entière des partenariats noués avec l'industrie phonographique. Ainsi, cette filiale est coproductrice avec Mercury et AZ, deux labels d'Universal Music, des albums et CD 2 titres issus des saisons 1 et 2 de Popstars. Contrairement à TF1, M6 souhaite continuer à avoir une forte maîtrise tant éditoriale que des droits sur les contenus diffusés à l'antenne et les produits dérivés qui en découlent. Popstars n'était d'ailleurs pas un coup d'essai pour le groupe qui avait déjà mis en place un modèle économique similaire pour la première émission de « télé-réalité » sur les chaînes hertziennes françaises, Loft Story. Thomas Valentin, directeur des programmes, déclara d'ailleurs « Nous ne fabriquons pas seulement des programmes de télévision, mais des produits multimédias et multi-supports. C'est pour nous un réel atout ».7 Cette conception du programme audiovisuel comme multi-supports se répand de plus en plus dans la grille de la chaîne avec des programmes événementiels qui donnent toujours lieu en amont à une réflexion sur les produits dérivés (jeux de première partie de soirée Absolument 80 et 70 avec des compilations phonographiques ; Sexualité si on en parlait avec la mise en vente d'une encyclopédie sur la sexualité, etc.). Régis Ravanas, directeur général de M6 Interactions, souligne ainsi dans un entretien que « la clef de [notre] succès, ce sont les synergies, les passerelles entre les différentes activités du groupe. Nous avons réellement inventé un nouveau modèle d'économie de la télévision. Lorsque mes collègues des programmes conçoivent une émission, nous sommes impliqués très en amont pour imaginer des produits dérivés ».8 Ailleurs, il rappelle que « chaque produit crée de la promotion pour les autres, c'est un cercle vertueux. La diversification a deux objectifs, créer des revenus supplémentaires et prolonger la marque sur d'autres supports ».9 Ainsi, le groupe Métropole Télévision entend faire jouer à plein les synergies entre ses filiales et au-delà sans doute, celles de ses actionnaires RTL Group et Bertelsmann, propriétaire d'autres médias de diffusion mais également d'une des cinq majors du disque, BMG. Cette dernière synergie a d’ailleurs commencé puisque le nouveau divertissement musical de M6, A la recherche de la nouvelle star (adaptation du format Pop Idol de Freemantle Media, filiale de RTL Group), qui a débuté fin mars 2003, a comme partenaire musical BMG. Au total, la logique en marche depuis le milieu des années 1980 de rapprochement de ces deux industries culturelles a été poussée à son paroxysme par les deux exemples récents de Star Academy et de Popstars. En même temps que ces deux métiers, de producteur et de diffuseur, se rejoignent, ils s'affrontent de plus en plus. En effet, le diffuseur, même s'il intègre une fonction de producteur, demeure un éditeur de service de télévision avec sa logique propre donnant le primat à l'antenne, recherchant une audience forte et immédiate, toute réflexion dictée par le court terme, et se souciant de mettre en valeur sa marque, en particulier pour les diffuseurs privés. Pour l'industrie phonographique, en dehors des « coups » marketing qu'elle réalise, le développement et la production d'artistes impliquent traditionnellement de leur donner la priorité avec tous les aléas qui sont liés à la création et de s’investir dans la gestion de leurs carrières sur du moyen ou du long terme. 7 Article paru dans le magazine Management du 01/03/03 "M6, la petite chaîne qui a monté un grand bazar". 8 Article paru dans le magazine Management du 01/03/03 "M6, la petite chaîne qui a monté un grand bazar". 9 Article paru dans Le Monde du 29/10/02 "Disques, magazines…les produits dérivés sont une source de revenus majeure pour TF1 et M6". Conseil supérieur de l’audiovisuel 9
Les filiales des diffuseurs, pour leur part, n'ont pas cette vocation à gérer des carrières artistiques sur le long terme alors même que la spécificité du marché français et les raisons de sa bonne santé tiennent sans doute aussi à la longévité de la carrière de certains artistes de renom (Hallyday, Souchon, Cabrel) soutenus par différentes générations de public. *** Conseil supérieur de l’audiovisuel 10
OBJET DE l’ETUDE L'objectif de cette étude est de : - dresser un état des lieux de l’activité des filiales d'édition phonographique de TF1 et de M6 et de leur poids sur le marché du disque ; - analyser au travers de cinq critères retenus (diffusion de vidéomusiques, diffusion d'éléments de programmes, politique d'invitation d'artistes ou sujets dans des divertissements musicaux, diffusion de messages publicitaires de l'édition phonographique et sonorisation des génériques publicitaires) la place accordée aux produits émanant de leurs filiales sur les antennes de TF1 et de M6. Cette étude s'est limitée à l'examen de deux chaînes hertziennes, TF1 et M6, pour plusieurs raisons : - pour garantir une harmonisation dans le recueil de l'information qui n'aurait pu être le cas si cette étude avait été étendue notamment aux chaînes du câble et du satellite pour lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne dispose pas de la même exhaustivité que pour les chaînes hertziennes nationales. La période retenue pour l’analyse de la programmation ne permettait pas non plus de multiplier le nombre de chaînes examinées ; - TF1 et M6 ne sont pas les seules chaînes hertziennes à avoir créé des filiales de diversification exerçant des activités dans le domaine de la musique (c'est ainsi le cas de France Télévision avec France Télévision Distribution), ce sont néanmoins celles qui aujourd'hui concentrent près de 90% des investissements de l'édition phonographique en télévision hertzienne, comme on l'examinera ci-après ; - ces deux chaînes sont également les seules à avoir lancé avec grand succès des divertissements musicaux pour la production desquels elles ont noué des partenariats avec l’industrie du disque et leurs propres filiales d’édition phonographique. METHODOLOGIE La méthodologie mise en œuvre pour chacune des parties est détaillée en annexes. Toutefois, des précautions de lecture doivent être apportées comme préalable à la consultation de ce document. · Analyse économique Les données fournies par le SNEP sont les seules disponibles concernant le marché des ventes de disques en France. Toutefois, il convient de noter que ces données ne reflètent pas la réalité de l’ensemble du marché. En effet, les données fournies sont collectées auprès des adhérents au syndicat. Le SNEP regroupe actuellement 48 membres, parmi lesquels figurent les cinq majors (Universal Music France, EMI Music France, BMG, Sony Music France, Warner Music France). Les membres de ce syndicat réalisent environ 80% du chiffre d’affaires du marché du disque. Concernant les investissements publicitaires, les données Secodip sont éditées par TNS Media Intelligence, société du groupe Taylor Nelson Sofrès. La base de données publicitaires plurimédia, qui permet les analyses du marché, consolide les investissements Conseil supérieur de l’audiovisuel 11
publicitaires bruts des annonceurs dans les médias, c'est-à-dire hors remises, tarifs dégressifs et autres abattements. Cette méthodologie explique les écarts constatés avec les dépenses des annonceurs d'une part et les recettes effectives des médias d'autre part. TNS Média Intelligence effectue la mesure des investissements publicitaires en propre pour la télévision, la radio et la presse et centralise les déclaratifs de recettes pour les sociétés d'affichage et les régies de cinéma. · Analyse de la programmation : La réalisation de cette étude a nécessité le croisement de différentes sources d’information. L’hétérogénéité de ces sources, alliée au manque de transparence des pratiques liant diffuseurs et producteurs, ont induit bien souvent des vérifications d’informations quant aux titres, relevés sur les lieux de distribution. Nonobstant, les constats réalisés dans cette étude ne prétendent pas rendre compte de manière totalement exhaustive des pratiques des diffuseurs et de leurs filiales (pas d’information notamment sur les co-exploitations de M6 Interactions), mais ils représentent un premier travail d’évaluation et d’analyse de la place de ces filiales dans la stratégie des diffuseurs. Conseil supérieur de l’audiovisuel 12
PRINCIPALES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS L’histoire des relations entre l’édition phonographique et les chaînes de télévision est marquée depuis les années soixante par des rapprochements toujours plus nombreux dont le dernier épisode s’est incarné avec la mise à l’antenne des émissions Star Academy et Popstars. L’examen des stratégies déployées par TF1 et Métropole Télévision en matière d’édition phonographique tant du point de vue économique que de la programmation a mis en évidence l’importante segmentation de l’offre musicale engendrée par les émissions Star Academy et Popstars. En effet, ces deux émissions ont introduit en 2001 et 2002 un clivage dans la grille de programmes des deux chaînes entre l’offre musicale des huit premiers mois de l’année et celle du dernier quadrimestre fortement concentrée autour de ces deux émissions et de leurs déclinaisons, en particulier pour TF1 (les premières soirées hebdomadaires de Star Academy représentent 79% de l’offre musicale de TF1 sur les trois mois étudiés). Cette forte présence à l’antenne de ces deux programmes (Star Academy et Popstars) et des artistes qu’ils contribuent à promouvoir sur des mois cruciaux pour les ventes de disques (près du tiers des ventes annuelles d’albums est réalisé sur les deux derniers mois de l’année) est relayée, en outre, par des investissements publicitaires massifs au profit des produits dérivés de ces deux émissions : sur les trois mois étudiés, les messages publicitaires pour les albums et CD deux titres des artistes issus de ces émissions (saisons 1 et 2) concentrent les investissements publicitaires bruts les plus importants (près de 8 millions d’euros pour les messages des 4 albums de la Star Academy ; près d’1,5 million d’euros pour les messages des 2 albums et du CD deux titres des candidats de Popstars). La télévision attire à elle seule 73% des investissements publicitaires bruts du secteur phonographique, TF1 et M6 captant à elles deux près de 90% des montants bruts investis par le secteur en télévision hertzienne. Universal Music France, major leader sur le marché national du disque et partenaire de ces deux programmes, est également le plus gros annonceur du secteur en télévision. Par le biais de ses différents labels, elle représente environ le tiers des investissements du secteur de l’édition phonographique sur TF1 et M6 sur les trois mois étudiés. Elle est même devenue en 2002, tous secteurs confondus, le 3ème annonceur sur l’antenne de TF1 (derrière Nestlé et Danone) et le 2ème sur M6 (derrière M6 Interactions), selon les données fournies par Secodip. Au sein du paysage audiovisuel hertzien, les parts d’audience de TF1 (32,7% en 2002 sur la cible des 4 ans et plus) et de M6 (13,2%) et leur dynamisme auprès des composantes les plus jeunes du public (respectivement première et deuxième chaîne sur le public des 15-24 ans et 15-34 ans) assurent à ce type d’émissions et à leurs produits dérivés discographiques la plus large écoute et un impact réel sur les ventes qui participent beaucoup au succès de la variété nationale, moteur du dynamisme du marché français. Face aux majors du disque, le poids des filiales d’édition phonographique des deux diffuseurs, Une Musique et M6 Interactions, demeure modeste sur les ventes de CD deux titres et d’albums (moins de 3% de part de marché), même s’il convient de souligner les performances de la filiale de M6 sur le marché des CD deux titres (près de 9% de part de marché en 2002). Ce poids n’est cependant pas négligeable par rapport aux parts de marché des autres producteurs indépendants, y compris ceux distribués par les majors, qui partagent avec ces deux filiales environ 20% du marché. Si la place de la filiale de TF1 semble plus en retrait par rapport à celle de M6, le maillage des 3 filiales intervenant dans l’édition phonographique pour ce groupe est cependant à souligner (Baxter, Une Musique et TF1 Musique, nouveau département de TF1 Entreprises). Conseil supérieur de l’audiovisuel 13
Cette étude a permis de mettre en évidence deux points forts, communs aux deux filiales des chaînes TF1 et M6. D’une part, ces filiales présentent un profil particulier au sein des indépendants puisque leur politique d’investissements publicitaires est quasi exclusivement consacrée au média télévisuel et plus particulièrement à la chaîne dont chacune dépend. Il n’apparaît pas, comme pour les autres maisons de disques, de stratégies pluri-médias avec notamment des approches complémentaires entre radios et télévisions. Ainsi, M6 Interactions (pour la totalité de son activité d’édition : presse, publications composites et disques) est devenue le 1er annonceur sur M6 en 2002, tous secteurs confondus, et le 2ème annonceur du secteur de l’édition phonographique derrière Universal Music, selon les données Secodip. D’autre part, il existe une réelle « étanchéité » des investissements publicitaires de la part des filiales d’édition phonographique de TF1 et M6 ; celles-ci investissent très peu, voire pas du tout, sur d’autres chaînes hertziennes que celle de leur groupe. Ainsi, ce système fonctionne en vase clos. Les filiales se comportent comme un annonceur exclusif sur leur chaîne et attirent en tant qu’intermédiaire d’autres annonceurs par les tarifs préférentiels qu’elles sont, semble-t-il, à même de négocier. Une partie non négligeable des montants consacrés à l’activité de diversification irrigue donc les recettes publicitaires de chaque chaîne et se retrouve par là même dans l’assiette servant au calcul des obligations de production audiovisuelle et cinématographique des chaînes hertziennes. Si l’analyse économique a permis de dégager des lignes communes aux filiales des groupes audiovisuels, l’analyse de la programmation au travers des cinq critères étudiés a révélé de nombreuses nuances entre les deux chaînes qui tiennent avant tout à leurs vocations différentes. M6, chaîne où la musique occupe une place privilégiée en raison de ses obligations de diffusion et de production en la matière, reste celle qui diffuse le plus de vidéomusiques de toutes les chaînes hertziennes (plus de 90% de l’offre), programmes qui composent encore l’essentiel de son offre musicale. Sur les trois mois étudiés, seuls 3,8% des artistes dont la vidéomusique est diffusée sur M6 sont produits, coproduits ou en licence chez M6 Interactions, même si le nombre de rotations de leurs vidéomusiques est plus important puisqu’elles représentent 7,2% de l’ensemble des diffusions pour les trois mois. Ce dernier pourcentage est très nettement supérieur à la part de marché de la filiale sur les ventes d’albums, mais inférieur à celle concernant les ventes de CD 2 titres. M6 est également la chaîne qui propose le plus d’éléments de programmes musicaux, qui font l’objet, pour une partie d’entre eux, d’accords de co-exploitation. Ces éléments de programmes représentent un volume horaire faible (6h51 sur les trois mois étudiés), mais leur récurrence, leur emplacement dans la grille et l’écho qu’ils donnent à la promotion d’un artiste parfois promu parallèlement dans les écrans publicitaires pèsent d’un poids non négligeable dans l’analyse. Sur les trois mois étudiés, quel que soit le critère retenu, au moins un tiers de ces éléments de programmes présente des artistes M6 Interactions. Si l’examen de la politique d’invitation de la chaîne n’a pas permis de dégager de conclusions pertinentes en raison de l’abondance de l’offre et du caractère souvent furtif de l’évocation d’un artiste ou d’un album, le dernier trait saillant de la programmation de M6 au regard de cette étude est l’illustration sonore des génériques publicitaires de la chaîne qui est l’une de ses spécificités. Si le nombre de génériques publicitaires faisant appel à un titre commercialisé est faible (14,3% des génériques sur les trois mois), 64% de ces sonals musicaux sont cependant illustrés par des titres produits, coproduits ou en licence chez M6 Interactions, ce qui participe là encore d’une présence à l’antenne auprès du public. Conseil supérieur de l’audiovisuel 14
TF1, chaîne à vocation généraliste leader en termes d’audience, est également héritière d’une grande tradition en matière de divertissements, même si la musique occupe sur son antenne une place modeste et en tout cas bien inférieure à celle de M6 (5,1% de son offre en 2002). Si le volume de vidéomusiques diffusées est très faible au regard de celui de M6 et qu’aucun artiste produit ou coproduit par sa filiale n’a vu sa vidéomusique diffusée au cours des trois mois étudiés, il convient de souligner cependant que 27,3% des artistes dont la vidéomusique est diffusée sur son antenne sont co-exploités par TF1 Entreprises (artistes issus de la Star Academy). En outre, TF1 attire plus que M6 la diffusion de titres émanant des majors, en raison de sa position de leader. S’agissant des éléments de programmes musicaux, leur présence à l’antenne est faible et aucun artiste lié à Une Musique ou TF1 Entreprises n’est présent sur la période étudiée. Comme sur M6, l’examen de la politique d’invitation de la chaîne n’a pas permis de dégager de conclusions évidentes en raison de la prédominance de Star Academy dans une offre musicale qui demeure restreinte, malgré l’apparition du magazine Hits and co (produit par TF1 Entreprises) à compter de novembre 2002. *** Au delà des résultats de cette étude, il convient de souligner que l’organisation et la mobilisation des producteurs de phonogrammes auprès des pouvoirs publics ces dernières années ont permis de considérer la question de la musique en radio et télévision à l’aune de plusieurs enjeux que : la place occupée respectivement par la musique et par les médias dans les loisirs des Français, les conséquences de la concentration des acteurs et de l’intégration verticale, le nécessaire soutien aux jeunes talents de la chanson française et en filigrane la question plus large de la diversité musicale comme enjeu économique et culturel. Les constats réalisés au cours de l’étude ont mis en évidence la nécessité d’une plus grande transparence dans les pratiques liant les éditeurs de phonogrammes aux diffuseurs (accords de co-exploitation et de coproduction), notamment dans le suivi des titres diffusés, afin de porter à la connaissance des pouvoirs publics tous risques de dérives. Pour autant et en l’état actuel de la législation, il ne peut pas revenir à l’instance de régulation audiovisuelle d’assurer une régulation des pratiques qui se déploient dans le champ d’une autre activité concurrentielle. En effet, l’article 1er alinéa 4 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée qui détermine la sphère de compétence du Conseil supérieur de l’audiovisuel circonscrit sa mission de régulation de la libre concurrence à « l’établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services » entendus comme relevant strictement de la communication audiovisuelle, tel que précisé à l’article 2-1 de la présente loi. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel en tant qu’instance de régulation souhaite que soit trouvée une solution négociée entre les producteurs et éditeurs phonographiques et les diffuseurs sur la question du respect de la diversité musicale à la télévision. Il se déclare ainsi favorable à ce qu’une concertation s’engage entre ces différents partenaires, à laquelle il souhaite participer, sous l’égide du Ministère de la Culture et de la Communication, afin de conclure un accord interprofessionnel qui garantisse le respect de la diversité musicale en télévision et s’inspire, pour ce support, des termes de l’accord signé entre les services radiophoniques, les éditeurs et producteurs phonographiques le 5 mai dernier. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel souligne l’importance des engagements que seraient amenés à prendre les diffuseurs dans le cadre de la clause de diversité musicale (I.2) et des Conseil supérieur de l’audiovisuel 15
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