Evaluer le stress du cheval

 
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Evaluer le stress du cheval
Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège

Evaluer le stress du cheval
19/03/12

Même si les chevaux partagent le vie des humains depuis des millénaires, leurs réactions restent mal
comprises. Dans sa thèse de doctorat, Marie Peeters s'est intéressée à l'évaluation du niveau de stress du
cheval domestique, en situation de compétition et d'hospitalisation. Dans le but d'améliorer leur bien-être.
Il devient de plus en plus opportun, en Médecine vétérinaire, de se préoccuper non plus seulement du bien-
être physique d'un animal, mais également de son bien-être psychique et mental. C'est dans ce cadre que
Marie Peeters, chercheuse auprès du service d'Ethologie vétérinaire et bien-être des animaux de la Faculté
de médecine vétérinaire de l'Université de Liège a entamé sa recherche doctorale. La mesure du stress
chez le cheval domestique était déjà le thème choisi pour son travail de fin d'étude de licencie en biologie
animale (2006), véritable prélude à la thèse qu'elle a défendue avec succès en décembre 2011 en faculté des
Sciences (1). Pour cette passionnée des chevaux, plus intéressée par la compréhension des comportements
de l'animal que par les résultats obtenus en compétition, il était primordial de développer des outils pratiques
pour mesurer le niveau de stress et ainsi évaluer le bien-être du cheval domestiqué (Equus caballus), considéré
comme une espèce particulièrement réactive. « Je voulais contribuer à la compréhension des chevaux,
animaux dont les réactions sont encore mal comprises bien que la domestication de l'animal soit très ancienne.
Ces réactions vives, provenant d'un animal au gabarit imposant continuent d'effrayer. Parfois imprévisibles,
les réactions des chevaux peuvent également s'avérer dangereuses pour les personnes qui les manipulent
». Et la chercheuse, vivant entourée de chevaux depuis l'enfance, de noter que si l'équitation s'est largement
démocratisée, cela ne signifie pas que les propriétaires de chevaux ont une meilleure connaissance de leur
animal. « Comprendre la réactivité au stress du cheval domestique, c'est bien entendu contribuer au bien-
être de l'animal. Car un stress intense, provoquant chez l'animal un déplacement des ressources biologiques,
peut empêcher le fonctionnement normal d'autres activités biologiques telles que, par exemple, la croissance.
L'étude du stress permet aussi une meilleure anticipation (et donc une diminution) des risques d'accidents
encourrus par les chevaux mais également par les personnes les manipulant. Le stress a donc, comme on le
devine, un impact économique direct sur le propriétaire, ainsi que sur le cavalier. En effet, suite à une situation
de stress, on peut voir les performances du couple cheval-cavalier décliner, et, de plus, le stress risque de
provoquer des accidents graves ». Prévenir, c'est donc guérir.

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Le cortisol salivaire comme indicateur de stress

Dès 2006, Marie Peeters, encadrée par les professeurs Marc Vandenheede (Faculté de Medecine
Vétérinaire - Ethologie vétérinaire et Bien-être des Animaux) et Pascal Poncin (Faculté des Sciences,
Unité de Biologie du comportement) de l'ULg, se livre à une première « Appréciation comportementale
et physiologique du niveau de stress chez les chevaux domestiques hospitalisés », qui servira de tremplin
à la recherche doctorale. Pendant six mois, la mémorante suit 13 chevaux hospitalisés en clinique équine
dans le contexte d'une intervention chirurgicale bénigne. Le tempérament de l'animal, ainsi que son niveau
de stress, généré par les manipulations et l'environnement de la clinique, sont évalués pendant la durée de
l'hospitalisation. La qualité de l'induction et du réveil, étapes balisant l'anesthésie générale et considérées
comme des moments « particulièrement sensibles », ont également fait l'objet d'un suivi et d'une appréciation
qualitative. A défaut de pouvoir interroger directement l'animal sur ce qu'il ressent, la chercheuse s'est alors
basée sur des indices mesurables dont on sait par ailleurs qu'ils sont associés au stress. En l'occurrence,
des variables physiologiques, comme le dosage d'hormones ou la mesure de la fréquence cardiaque et de
sa variablité, mais aussi des variables comportementales, mesurées au repos et lors de tests de réactivité
face aux humains ou à un objet nouveau. « Tenant compte du fait que les mesures du stress peuvent être
altérées par des facteurs autres que la situation stressante - une maladie ou un effort, par exemple - il n'est pas
conseillé de se baser uniquement sur l'analyse d'une fonction physiologique », explique Marie Peeters. « En
situation de stress, la réaction du cheval est à la fois d'ordre comportemental - modification des comportements
habituels - et physiologique, impulsée par le système nerveux : augmentation de la fréquence cardiaque et
respiratoire, diminution de la digestion, etc. »

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Heureusement - pour les chercheurs…-, une des réponses au stress est neuro-endocrine, impulsée par l'axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA): à la vue de l'élément stressant, cet axe est stimulé. Ceci provoque
une sécrétion accrue de diverses hormones dont le cortisol, largement reconnu comme étant directement
lié au niveau de stress, tant chez l'homme que chez le cheval. Dans le sang, la majorité du cortisol se fixe
à des protéines et une faible portion reste libre. En situation de stress, ce cortisol lié augmente légèrement,
jusqu'à saturation, tandis que le cortisol libre augmente plus fortement.

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les vaisseaux sanguins et se retrouver dans les tissus et dans la salive. « Au-delà du fait que,
méthodologiquement, le prélèvement de salive soit indolore et plus aisément conservable que le prélèvement
de sang, la concentration en cortisol salivaire représente mieux l'importance d'un stress que celle mesurée
dans le sang. Pour un même stress, la concentration en cortisol augmente d'un facteur 10 dans la salive
pour un facteur 1 dans le sang » explique Marie Peeters. « Les objectifs de ce travail de fin d'étude étaient
d'apprécier le niveau de stress d'un cheval hospitalisé - via des mesures comportementales et physiologiques
-, d'évaluer son tempérament et de mettre ces mesures en relation avec la qualité de l'induction et du réveil ».

L'année suivante, en 2007, Marie Peeters entame sa recherche doctorale, qui prolonge directement les travaux
réalisés en fin de deuxième cycle. Elle commence par valider scientifiquement l'utilisation de la salive comme
milieu de dosage du cortisol. Cette méthode apporte un progrès incontestable au niveau du bien-être animal en
recherche appliquée, parce qu'elle permet dorénavant de se baser sur les concentrations de cortisol mesurées
dans la salive pour étudier le stress du cheval (1).
L'objectif de la suite de la thèse est double : il s'agit d'évaluer le niveau de stress du cheval en compétition,
mais aussi en milieu hospitalier. « Deux situations de domestication, deux moments de la vie d'un cheval
 sucesptibles de provoquer un état de stress pour l'animal » estime Marie Peeters. Par ailleurs, la chercheuse

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entend également par ses travaux vérifier l'existence d'un lien entre le tempérament d'un cheval et son niveau
de stress.

Eustress du cheval, distress du cavalier

Le stress provoqué par la compétition peut provenir aussi bien des efforts physiques fournis que du transport
ou du changement d'environnement physique et social et, hypothétiquement, du stress éprouvé par le cavalier
lui-même. Plusieurs questions sont posées: en premier lieu, la compétition génère-t-elle un stress significatif
pour le cheval ? pour le cavalier ? et est-il possible, en pratique, de suivre ce niveau de stress ? Ensuite, existe-
t-il une corrélation entre le stress du cheval et ses performances ? « Cette question peut sembler inutile tant
la réponse paraît aller de soi. Pourtant, cette corrélation, et sa nature, n'avait jamais été démontrée » souligne
la chercheuse. Et enfin, existe-t-il une relation entre le tempérament du cheval et le stress qu'il éprouve en
compétition ?

Le suivi du stress s'est fait via un suivi des taux de cortisol salivaire, prélevés chez les chevaux et les cavaliers,
durant un concours de saut d'obstacles impliquant 20 cavaliers, 23 chevaux, pour un total de 26 passages
en piste. Les prélèvements sont effectués à 9h du matin, au repos, puis au moment de l'entrée en piste, et
enfin à +20 minutes, +40 minutes et +60 minutes. Les conclusions sont sans équivoque: d'abord, si le taux
de cortisol salivaire augmente significativement chez le cheval et le cavalier au moment du passage en piste,
c'est chez l'homme qu'il augmente le plus, à raison de 3,3 fois (contre 2,0 fois chez le cheval).

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Concernant les résultats obtenus en compétition: « Les meilleures performances ont été obtenues chez les
cavaliers dont les augmentations en cortisol salivaire étaient les plus faibles. L'inverse a été observé chez les
chevaux. » Les chevaux, suggère la chercheuse, seraient restés dans un état de stress positif, stimulant, tandis
que la compétition aurait provoqué un stress néfaste, à impact négatif pour les cavaliers. Ces conclusions
ne devraient pas laisser indifférent le milieu équestre, impliqué en compétition avec des enjeux financiers
souvent considérables. « Nous montrons que, à tout le moins dans le cadre de la compétition suivie lors de
notre étude, les chevaux demeurent dans les limites d'un stress positif, qualifié de ''eustress'', tandis que les
cavaliers tendent en revanche à tomber dans le ''distress'', soit une anxiété néfaste à la performance ». Ces

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résultats sont intéressants mais doivent encore être complétés par d'autre études. « L'étude du tempérament
du cheval et de la personnalité du cavalier est également très intéressante et pourrait nous permettre de mieux
comprendre les variations de niveau de stress subi par le couple en compétition, ainsi que son impact sur
les performances réalisées », ajoute Marie Peeters, qui serait partante pour développer de nouveaux projets
dans cette optique.

Au service du bien-être

Une seconde partie de la recherche doctorale consistait en une évaluation du niveau de stress en clinique.
Il s'agissait à ce stade de déterminer quels comportements, chez l'animal, pouvaient être associés au stress
et provoquer des problèmes lors des manipulations vétérinaires. Un objectifs secondaire était, toujours
dans une perspective préventive destinée à faciliter la prise en charge, de savoir dans quelle mesure le
tempérament d'un cheval était évaluable dès l'arrivée de l'animal en clinique. Pendant deux ans, à la clinique
vétérinaire du Sart Tilman, Marie Peeters suit quelque 93 étalons, âgés de 3 à 6 ans, dans le cadre d'une
expertise vétérinaire, étape préliminaires à leur admission comme reproducteurs au « stud-book » (ou registre
d'élevage) des chevaux de sport belges. Ces expertises sont réalisées chaque année par le Pôle équin de
la Clinique Vétérinaire Universitaire de Liège (dirigé par le professeur Didier Serteyn) « Nous avons suivi
leur comportement tout au long du processus de l'expertise: passage sur la balance, prise de sang, examens
locomoteurs, examens radiologiques, endoscopie, electro cardiogramme… autant de manipulations nouvelles
et effrayantes pour le cheval, nombreuses occasions d'observer des comportements associés au stress. Des
questionnaires de tempérament ont également été remplis systématiquement par les propriétaires des étalons,
par les vétérinaires et les techniciens présents. » Une analyse de corrélation fait alors émerger, et permet
de répertorier, un éventail de comportements non désirables qui, en large partie associés au stress, rendent
les manipulations plus périlleuses: mouvements de tête pour se dégager, taper du pied, avancer puis reculer,
etc. « Par ailleurs, ces occasions ont permis de procéder à une évaluation, en clinique, du tempérament du
cheval - est-il plutôt timide, anxieux, sociable, mal éduqué, etc. Evaluations intéressantes dans la mesure où
nous avons démontré qu'elles permettent de prédire des difficultés rencontrées lors des interventions, et donc
anticiper les accidents et d'améliorer la prise en charge globale de l'animal. » Et de conclure: « De manière
générale, on voit bien que l'étude du stress chez le cheval, couplée à l'étude du tempérament, a surtout une
vocation anticipative: on contribue ici à l'amélioration du bien-être du cheval, du propriétaire et du personnel
soignant ».

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(1) Marie Peeters, Evaluation du niveau de stress du cheval en compétition et en milieu hospitalier. Thèse
de doctorat.

(1) Peeters, M., J. Sulon, et al. (2011). "Comparison between blood serum and salivary cortisol concentrations
in horses using an adrenocorticotropic hormone challenge." Equine Veterinary Journal 43(4): 487-493.

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