Exanthème fébrile chez l'enfant au retour d'un voyage tropical - JIRD

 
CONTINUER À LIRE
Exanthème fébrile chez l'enfant au retour d'un voyage tropical - JIRD
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1

   Mises au point interactives – Peau de l’enfant

Exanthème fébrile chez l’enfant
au retour d’un voyage tropical

                                                une papule, se caractérisant par une          demeure la même avec, bien entendu,
                                                diffusion sur une grande surface cuta-        une prévalence des infections variable
                                                née, le plus souvent par une certaine         selon le pays.
                                                confluence des lésions et généralement
                                                par une disparition relativement rapide
                                                (en quelques jours ou même en quelques            L’élimination rapide de certains
                                                heures pour le rash) comme une florai-            diagnostics différentiels
                                                son printanière.                                  est fondamentale en raison
                                                                                                  de leur gravité
                                                L’érythème (ερυθημα) se traduit par
                                                une “rougeur” cutanée. Il résulte d’une       En phase initiale, il faut, par une analyse
                                                vasodilatation artériolo-capillaire et        séméiologique fine, éliminer rapidement
                                                de ce fait disparaît à la vitropression,      les urgences vitales.
A. MORAND 1,2, J.-J. MORAND 3                   contrairement au purpura (qui résulte
1 Service de Pédiatrie,
                                                d’une extravasation d’hématies hors           l Le purpura fulminans, notamment
CHU de la Timone, MARSEILLE.
2 IHU Méditerranée Infection, MARSEILLE.        des vaisseaux dermiques). L’énanthème,        méningococcémique, est parfois peu
3 Service de Dermatologie,                      souvent associé, en est l’équivalent          symptomatique, ne comporte pas tou-
Hôpital d’Instruction des Armées Sainte-Anne,
                                                muqueux, mais la traduction est plus          jours de raideur méningée, s’accom-
TOULON.
                                                polymorphe allant du classique signe de       pagne parfois d’une fièvre modérée ou
                                                Köplik à la glossite, la chéilite, la pha-    même d’une hypothermie. Les pété-
                                                ryngite, l’amygdalite, la conjonctivite       chies peuvent être rares initialement et

L’
         exanthème fébrile est un motif         ou encore la balanite ou la vulvite… Au       sont souvent acrales, donc difficilement
         fréquent de consultation, notam-       stade ultime de diffusion et d’intensité,     visibles. De plus, un rash peut s’obser-
         ment chez le jeune enfant au           on parle d’exanthème généralisé. La plu-      ver durant la septicémie. C’est pour-
retour d’un voyage en pays tropical [1, 2].     part s’accompagnent de fièvre a fortiori      quoi il faut réaliser systématiquement
Il peut révéler une infection à risque létal    lors d’étiologie infectieuse mais il vaut     une épreuve de vitropression sur les
et/ou épidémique. Les arboviroses font          mieux avoir une approche globale car          plaques d’érythème. Mais un purpura
l’actualité, d’où l’intérêt de l’étude de ce    certaines causes infectieuses sont peu        pétéchial peut aussi s’observer, surtout
cadre nosologique.                              fébriles, en tout cas initialement, et cer-   en zone déclive, dans les exanthèmes
                                                taines étiologies inflammatoires peuvent      viraux ou les toxidermies, et peut résul-
                                                l’être d’emblée.                              ter de l’intensité de la vasodilatation
  Une définition artificielle peu                                                             de l’érythème ou être la conséquence
  limitative basée surtout sur le               Sur peau noire, la coloration de l’érup-      d’une vascularite, d’une thrombopénie
  caractère aigu et diffus de                   tion est évidemment moins perceptible         immunologique et/ou d’une coagula-
  l’éruption érythémateuse                      et l’exanthème se traduit plutôt par          tion intravasculaire disséminée venant
                                                un teint grisâtre ou cuivré, des reflets      compliquer le processus. C’est la rapi-
L’exanthème signifie étymologiquement           ardoisés, même si l’on peut parfois           dité d’extension du purpura qui doit
“éruption cutanée” (εξανειν: fleurir en         percevoir un certain érythème, surtout        alerter et imposer la mise immédiate
dehors) : la terminologie ne présume            au niveau du visage et des extrémités.        sous céphalosporine par voie paren-
ni du type de lésion élémentaire ni de          Or, l’enfant migrant voyage de plus en        térale dans la crainte d’une ménin-
l’étiologie. L’usage veut qu’il s’agisse        plus, retournant dans sa famille dans         gococcémie (bien que d’autres germes
en fait d’un érythème (sub) aigu dont la        le pays d’origine durant les vacances         puissent être en cause, notamment le
lésion élémentaire est une macule et/ou         scolaires. La démarche diagnostique           pneumocoque).

   8
Exanthème fébrile chez l'enfant au retour d'un voyage tropical - JIRD
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1

l Un syndrome de Lyell ou de Stevens-                                                                      l Le “toxic shock syndrome” ou syn-
Johnson peut initialement compor-                                                                          drome du choc toxique staphylococ-
ter un exanthème fébrile, plutôt de                                                                        cique (fig. 4) ou streptococcique (fig. 5
coloration violine. La recherche d’un                                                                      et 6), décrit notamment chez des ado-
décollement cutané à la pression (signe
de Nikolsky) (fig. 1), d’une atteinte
muqueuse ou péri-orificielle doit être
systématique ; plus le traitement impu-
table est stoppé rapidement, plus la sur-
vie et l’absence de séquelles (synéchies
oculaires) sont grandes.

                                                                                                           Fig. 4 : Rash toxinique à staphylocoque (coll. J.-J.
                                                                                                           Morand).
                                                   Fig. 2 : Syndrome DRESS (coll. J.-J. Morand).

                                                   quée devant l’apparition de décolle-
                                                   ments cutanés (fig. 3) dans un contexte
                                                   fébrile avec altération de l’état général
                                                   et présence d’une porte d’entrée sta-
                                                   phylococcique cutanée (omphalite,
                                                   impétigo périorificiel, périonyxis)
                                                   ou muqueuse. Initialement, l’érup-
                                                   tion comporte un érythème maculo-
                                                   papuleux, rugueux et douloureux au
Fig. 1 : Signe de Nikolsky lors d’un syndrome de   palper, prédominant aux grands plis et
Lyell (coll. J.-J. Morand).                        en périphérie des orifices.

l Un  syndrome d’hypersensiblité (ou
Drug rash with eosinophilia skin syn-
drome [DRESS]) peut être très poly-
                                                                                                           Fig. 5 : Rash scarlatiniforme streptococcique (coll.
morphe et le long délai (15 jours en                                                                       A. Morand).
moyenne) avec la prise médicamenteuse
(essentiellement anticomitiaux – carba-
mazépine, phénytoïne, phénobarbital –
et antibiotiques – sulfamides, minocy-
cline) peut être particulièrement trom-
peur. Le tableau est volontiers bruyant
avec œdème facial (fig. 2), fièvre, adé-
nopathies, anomalies de la numération
formule sanguine (l’hyperéosinophilie
n’étant pas systématique), cytolyse hépa-
tique (il y a une méconnaissance du risque
élevé de décès par hépatite fulminante).

l Une épidermolyse staphylococ-
cique (ou Staphylococcal scalded                   Fig. 3 : Épidermolyse staphylococcique (SSS syndrome)   Fig. 6 : Notez l’atteinte périnéale avec desquama-
skin syndrome [SSSS]) doit être évo-               (coll. J.-J. Morand).                                   tion, probable porte d’entrée (coll A. Morand).

                                                                                                                                                         9
Exanthème fébrile chez l'enfant au retour d'un voyage tropical - JIRD
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1

    Mises au point interactives – Peau de l’enfant

lescentes utilisant des tampons pério-               crico-aryténoïdienne avec odynophagie          d’un purpura ou de signes hémorra-
diques mais aussi lors d’une simple                  simulant une angine, sur l’hyperferriti-       giques, sur l’importance de la fièvre et
lésion cutanée ou muqueuse notamment                 némie avec effondrement de la fraction         sa tolérance, sur le chiffre de pression
anale, résulte d’une action toxinique. Il            glycosylée (pathognomonique).                  artérielle et les fréquences cardiaque et
se traduit par une éruption à type de rash                                                          respiratoire, sur l’état de conscience et
ou bien scarlatiniforme, avec œdème                  l De même, certaines maladies systé-           la diurèse. Ces critères déterminent la
palmoplantaire et énanthème, et peut                 miques comme le lupus ou la derma-             décision d’hospitalisation.
aboutir à une défaillance multiviscérale.            tomyosite peuvent initialement être
                                                     confondues avec un exanthème d’ori-            Une toxidermie peut mimer toutes les
l Le syndrome de Kaposi-Juliusberg,                  gine infectieuse lorsqu’elles sont aty-        viroses et peut même s’y associer (mono-
qui survient chez l’enfant atopique                  piques et accompagnées de fièvre.              nucléose infectieuse et pénicilline A)
essentiellement (mais aussi dans le                                                                 (fig. 8). C’est la conjonction de plu-
cadre de dermatoses acantholytiques                  l Parfois, bien que la lésion élémentaire      sieurs symptômes, de signes biologiques
chroniques) par dissémination d’une                  finisse par être identifiée, la dermatose      simples (syndrome mononucléosique,
varicelle (fig. 7) ou d’un herpès, néces-            est intégrée à ce cadre car les étiolo-        cytolyse hépatique…) et d’arguments
site la perfusion d’acyclovir sans délai.            gies (infectieuses et médicamenteuses) y       épidémiologiques qui permet d’évo-
                                                     sont communes (pustulose exanthéma-            quer l’étiologie et notamment d’orien-
l D’autres éruptions vésiculeuses et/ou              tique aiguë généralisée, par exemple).         ter la première demande de sérologies
bulleuses et/ou pustuleuses sont classi-             En revanche, certaines dermatoses bien         virales. L’importance de l’investigation
quement décrites de façon distincte bien             individualisées (même si leur étiologie        sérologique est dictée par la sévérité de
que l’aspect initial puisse être trompeur,           reste mystérieuse) sont souvent exclues        la symptomatologie, le potentiel épi-
la lésion élémentaire n’étant pas encore             de la question car d’évolution érythé-         démique (retour d’outre-mer : arbovi-
bien individualisée (érythème poly-                  mato-squameuse et non confluente               roses, fièvres hémorragiques), le risque
morphe, varicelle, fièvre boutonneuse                (pityriasis rosé de Gibert, parapsoriasis      d’infection au virus de l’immunodéfi-
méditerranéenne, miliaire sudorale dans              en gouttes…).                                  cience humaine (rapports non protégés,
un contexte de fièvre, eczéma aigu géné-                                                            toxicomanie, viol ou abus sexuel…), la
ralisé surinfecté…). Certains tableaux               l On utilise le terme d’érythrodermie          probabilité de contamination d’un sujet
urticariformes fébriles peuvent être dif-            lorsque l’évolution est prolongée (la          fragilisé de l’entourage (femme enceinte)
ficiles à différencier : la maladie de Still         composante squameuse y est plus fré-           ou encore la nécessité d’éliminer l’im-
se devine sur l’apparition vespérale                 quente), l’atteinte du tégument quasi          putabilité d’un médicament important
des macules urticariennes localisées                 complète même si initialement le               (antibiotique notamment). Il est tou-
au niveau des articulations notamment                tableau était celui d’un exanthème et si
temporo-mandibulaires, sur la zone                   les étiologies se recoupent, surtout pour
                                                     les toxidermies.

                                                         La démarche diagnostique
                                                         d’un exanthème est avant tout
                                                         probabiliste

                                                     Elle est guidée par le contexte épidé-
                                                     mique (a fortiori en collectivité sco-
                                                     laire…) et l’épidémiologie locale des
                                                     maladies infectieuses éruptives, par le
                                                     lieu du séjour outre-mer, par l’âge du
                                                     malade, par l’analyse des facteurs de
                                                     risque de l’enfant, de son statut vaccinal
                                                     et de son degré d’immunité, par la notion
                                                     de prise médicamenteuse, par le tableau
                                                     clinique et biologique. Il faut, avant toute
                                                     chose, évaluer la gravité de l’exanthème
Fig. 7 : Syndrome de Kaposi-Juliusberg varicelleux   mesurée sur son étendue et sa rapidité         Fig. 8 : Rash après prise de pénicilline lors d’une
chez un atopique (coll. J.-J. Morand).               d’extension, sur la présence éventuelle        mononucléose infectieuse (coll. J.-J. Morand).

    10
Exanthème fébrile chez l'enfant au retour d'un voyage tropical - JIRD
Exanthème fébrile chez l'enfant au retour d'un voyage tropical - JIRD
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1

   Mises au point interactives – Peau de l’enfant

           Érythème roséoliforme             Érythème rubéoliforme         Érythème morbilliforme                    Érythème scarlatiniforme

               Macules rosées                Maculo-papules roses           Maculo-papules rouges               Vastes nappes rouge vif, confluentes,
               moins diffuses             séparées par des intervalles      de petite taille pouvant                sans intervalle de peau saine,
                                          de peau saine, plus rarement        confluer en plaques              parsemées d’un piqueté micropapuleux
                                                  confluentes             à contours irréguliers avec             donnant au toucher une sensation
                                                                          conservation en périphérie         de granité ; éruption très étendue renforcée
                                                                           d’éléments individualisés               aux plis de flexion évoluant vers
                                                                                                            une desquamation généralisée prédominante
                                                                                                                            aux extrémités

            Roséole infantile                      Rubéole                       Rougeole                                    Scarlatine
           (exanthème subit)

                                                                                                 Mégalérythème

                Roséole                  Mononucléose                              Primo-infection VIH
               Syphilis II                infectieuse

               Typhoïde                                                        Entéroviroses                                        Syndrome de
                                                                           (ECHOvirus, coxsackie)                                    Kawasaki
                                                                              Hépatite virale A

                                     Toxoplasmose

                                       Myxovirus                                 Adénoviroses
                                       Rotavirus

                                                                                Arboviroses
                                                                          Dengue, chikungunya, Zika

                                Angine à corynébactéries

                                                                           TOXIDERMIES

Fig.9 : Spectre clinique classique des érythèmes diffus.

jours souhaitable de faire prélever systé-                   niforme (fig. 9) oriente tout de même la         couverture insuffisante de la population
matiquement une sérothèque (tube sec                         démarche étiologique [3].                        avaient favorisé la survenue de véritables
centrifugé puis conservé à -20 °C) quitte                                                                     épidémies, notamment en milieu mili-
à l’exploiter de façon différée en cas d’ag-                                                                  taire, et la résurgence de rubéoles congé-
gravation ou d’épidémie.                                         Chez l’enfant, a fortiori dans un            nitales du fait de la contamination de
                                                                 contexte épidémique, on                      femmes au cours de leur grossesse. La
Les étiologies sont principalement                               évoque d’emblée les maladies                 rougeole est évoquée devant le classique
virales. L’aspect clinique de l’exan-                            éruptives dites “infantiles”                 signe de Köplik muqueux (fig. 10).
thème a globalement une faible valeur
prédictive de l’étiologie à l’exception                      lLa rougeole et la rubéole sont désor-           l Le mégalérythème épidémique est dû
de certains tableaux cliniques assez sté-                    mais plus rares depuis la préconisation          au parvovirus B19 et comporte aussi un
réotypés. L’aspect de l’érythème de type                     d’une double vaccination ; la faible             risque fœtal (surtout chez le sujet por-
roséoliforme, morbilliforme ou scarlati-                     protection vaccinale à l’âge adulte et la        teur d’une pathologie du globule rouge,

  12
Exanthème fébrile chez l'enfant au retour d'un voyage tropical - JIRD
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1

notamment drépanocytaire, créant une                                                                            Le risque majeur est l’atteinte cardiaque,
érythroblastopénie suivie d’anasarque                                                                           qui peut se traduire lors de la première
fœto-placentaire). Sur le plan dermato-                                                                         semaine par des troubles de la conduc-
logique, on note un aspect souffleté du                                                                         tion ou du rythme (myocardite avec
visage, associé à un aspect en guirlande                                                                        risque de mort subite), une péricardite ou
sur les membres (fig. 11).                                                                                      même une endocardite ; on peut observer
                                                                                                                des anévrismes coronariens (1/5) (risque
l La scarlatine connaît actuellement                                                                            d’infarctus, d’insuffisance cardiaque,
une résurgence, en particulier dans les                                                                         d’insuffisance mitrale, d’embolie céré-
populations immigrées. Après une incu-                                                                          brale) régressifs une fois sur deux. Les
bation courte, la maladie se manifeste                                                                          décès sont estimés à 1 %, survenant plu-
subitement par une fièvre élevée et une                                                                         tôt à la phase de convalescence ou à dis-
angine douloureuse suivie 1 à 2 jours                                                                           tance. Le traitement doit être précoce et
après par un érythème débutant aux plis                                                                         comporter de l’acide acétylsalicylique et
de flexion, s’étendant au périnée (“en                                                                          des immunoglobulines intraveineuses.
caleçon”), au visage (sauf le pourtour
de la bouche), aux extrémités (sauf les
                                                          Fig. 12 : Langue framboisée d’une scarlatine (coll.
paumes des mains et les plantes des                       A. Morand).                                             Chez l’adolescent,
pieds) puis diffus, parsemé de micro-                                                                             Il ne faut pas oublier
papules rouges donnant un aspect gra-                     framboisée au bout de quelques jours                    la primo-infection VIH
nité à la palpation. La langue recouverte                 (fig. 12). La desquamation des extrémi-
d’un enduit blanc épais présente ensuite                  tés se fait en “doigts de gants”. Le dia-             La primo-infection VIH doit être évoquée
une dépapillation de la périphérie vers                   gnostic est posé devant la découverte                 en présence d’une éruption maculo-
le centre et prend une couleur rouge                      du streptocoque A bêta-hémolytique                    papuleuse non prurigineuse et en pré-
                                                          au prélèvement de gorge [4].                          sence d’érosions génitales ou buccales.
                                                                                                                Le diagnostic repose sur les sérologies
                                                          l La maladie de Kawasaki a une symp-                  VIH 1-2. Quant à la syphilis, elle reste la
                                                          tomatologie assez proche ; son étiopa-                “grande simulatrice” et la roséole syphi-
                                                          thogénie n’est pas encore élucidée [5].               litique est souvent méconnue. Si elle est
                                                          De caractère épidémique hivernal, avec                devenue rare en France, elle reste endé-
                                                          une prévalence plus forte dans les pays               mique dans les pays en voie de dévelop-
                                                          industrialisés (notamment au Japon                    pement et dans les pays d’Europe de l’Est.
                                                          où elle a été initialement décrite), elle
                                                          concerne surtout les enfants de moins
                                                          de 5 ans. La fièvre est constante, inaugu-              Au retour des tropiques, il faut
                                                          rale et supérieure à 39-40 °C ; elle dure               savoir évoquer une arbovirose
                                                          plus de 5 jours, entraînant une altération
Fig. 10 : Signe de Köplik d’une rougeole (coll. T. Pas-   de l’état général. On peut observer une               La vaccination obligatoire contre la
seron).
                                                          chéilite fissuraire, hémorragique, très               fièvre jaune du voyageur en zone d’en-
                                                          érythémateuse, une conjonctivite bul-                 démie a rendu obsolète l’évocation de la
                                                          baire, une stomatite framboisée, une                  “phase rouge” de la maladie.
                                                          pharyngite érythémateuse, un érythème
                                                          palmoplantaire avec œdème inflam-                     l En revanche, la dengue sévit en Asie,
                                                          matoire et douloureux vers J3-J4, se                  au Moyen-Orient et en Amérique cen-
                                                          généralisant sur le tronc, la région péri-            trale (notamment dans les Antilles).
                                                          néale avec un aspect maculo-papuleux                  Après une incubation d’une semaine
                                                          parfois polymorphe, évoluant durant                   en moyenne, elle se traduit par une
                                                          10 à 15 jours, suivi d’une desquamation               fièvre élevée, des céphalées avec dou-
                                                          fine de l’extrémité des doigts (débutant              leurs rétro-orbitaires, des myalgies et
                                                          à la jonction des pulpes et des ongles)               arthralgies, un exanthème typiquement
                                                          avec parfois une striation transversale               centrifuge et prurigineux (fig. 13) avec
Fig. 11 : Érythème souffleté du visage et aspect réti-
culé des bras dans le cadre d’un mégalérythème            unguéale. Il existe des adénopathies                  volontiers une note purpurique acrale.
(coll. J.-J. Morand).                                     cervicales (3/4).                                     L’évolution est le plus souvent spontané-

                                                                                                                                                     13
Exanthème fébrile chez l'enfant au retour d'un voyage tropical - JIRD
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1

   Mises au point interactives – Peau de l’enfant

                                                      l Cantonné initialement à l’Afrique                        virose [11] d’autant plus que le vecteur
                                                      tropico-équatoriale, le virus Zika a                       Aedes est désormais largement présent
                                                      essaimé en Micronésie puis, en 2013,                       en France, notamment dans le Sud-Est.
                                                      en Polynésie française où le lien avec                     En présence de signes hémorragiques,
                                                      des cas de polyradiculonévrite de                          l’hospitalisation de l’enfant doit se faire
                                                      Guillain-Barré et des observations de                      en urgence dans une structure de patho-
                                                      microcéphalie chez plusieurs enfants                       logie infectieuse et tropicale équipée
                                                      de mères infectées a été évoqué pour la                    de secteurs protégés et d’un laboratoire
                                                      première fois. Le taux de sujets asymp-                    de virologie performant. La prévention
                                                      tomatiques est important. La mala-                         comporte, outre les vêtements protec-
                                                      die est le plus souvent d’expression                       teurs et les moustiquaires, l’application
Fig. 13 : Dengue au retour d’Asie simulant un méga-   modérée et comporte initialement une                       de répulsifs anti-Aedes car ces mous-
lérythème ! (coll. A. Morand).
                                                      fièvre suivie d’un exanthème maculo-                       tiques piquent plus durant la journée.
                                                      papuleux volontiers prurigineux                            La connaissance de cette maladie et des
ment favorable, la durée totale de la mala-           (comme pour la dengue) (fig. 14), une                      mesures préventives individuelles ainsi
die est d’environ 1 semaine, suivie d’une             conjonctivite non purulente bilatérale,                    que la déclaration épidémiologique aux
convalescence longue, avec une asthénie               des arthralgies des petites articulations                  autorités sanitaires permettront de lutter
marquée. Les sujets asymptomatiques                   (mains et chevilles surtout), des cépha-                   contre la propagation de la virose dans
sont nombreux. La forme hémorragique                  lées rétro-orbitaires spontanément réso-                   nos contrées.
(DH) survient entre le 3e et le 5e jour, au           lutives en quelques jours. Sur le plan
moment de la défervescence thermique,                 biologique, les anomalies sont très modé-                  l Il faut signaler enfin l’émergence du
et se caractérise par des hémorragies                 rées (leucopénie, thrombopénie mais                        monkeypox en Afrique car, bien que
cutanées (purpura), muqueuses (épis-                  sans syndrome hémorragique) [9, 10].                       le principal diagnostic différentiel soit
taxis) et surtout digestives. Elle peut être                                                                     constitué par la varicelle qui diffère,
la cause d’un syndrome de choc (DSC)                  Le diagnostic de ces arboviroses se fait                   comme on l’a exprimé précédemment,
qui concerne volontiers l’enfant. La mor-             soit par RT-PCR (Transcriptase polyme-                     de l’exanthème classique, les formes pro-
talité est de 1 à 5 % dans la DH et de 20 %           rase chain reaction) dans le sang jusqu’à                  fuses actuellement rapportées (fig. 15)
dans le DSC [6, 7].                                   J5, soit par sérologie (IgM spécifique)
                                                      au-delà. Il est important, en cas de forte
l Le chikungunya est endémique dans                   suspicion et a fortiori au début de la
toute l’Afrique tropicale, le Moyen-                  maladie, d’isoler le malade sous mousti-
Orient, l’Inde et le Sud-Est asiatique,               quaire afin d’éviter la propagation de la
et a créé en 2005 une forte épidémie à
La Réunion et aux Comores. Désormais,
celle-ci touche les Antilles et l’Amérique
du Sud ainsi que l’Europe. L’incubation
est courte, la fièvre habituellement éle-
vée, les arthromyalgies invalidantes
(chikungunya signifie “celui qui marche
courbé en avant” en langage swahili). Les
céphalées, la photophobie, l’exanthème
congestif maculo-papuleux, parfois pru-
rigineux, les adénopathies cervicales et
la conjonctivite sont des symptômes
inconstants. Il existe de nombreuses
formes cutanées atypiques notamment
bulleuses, muqueuses (lésions aph-
toïdes buccales) avec une évolution
pigmentaire chez le sujet noir. Toute la
problématique est le risque de chronicité
des manifestations rhumatismales avec
d’authentiques inductions de polyar-                                                                             Fig. 15 : Monkeypox en République démocratique du
thrites rhumatoïdes [8].                              Fig. 14 : Zika au retour de Guyane (coll. J.-J. Morand).   Congo (téléexpertise MSF).

  14
Exanthème fébrile chez l'enfant au retour d'un voyage tropical - JIRD
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1

sont particulièrement impression-             Rickettsia mooseri, la fièvre exanthé-            les plus fréquentes, tout retard au diagnos-
nantes et ressemblent de plus en plus à       matique sud-africaine à Rickettsia                tic d’une infection tropicale ou d’une toxi-
la variole. Le dermatologue et le pédiatre    rijperi et la fièvre pourprée des mon-            dermie peut être lourd de conséquences…
constituent des sentinelles des épidé-        tagnes Rocheuses à Rickettsia rickettsii
mies et la connaissance des poxvirus, en      peuvent comporter un exanthème [13].
raison de leur capacité mutationnelle, est                                                      BIBLIOGRAPHIE
fondamentale [12].                            l La fièvre boutonneuse méditerra-
                                              néenne (Rickettsia conorii) se distingue           1. M orand JJ. Dermatologie au retour
                                                                                                    d’un séjour sous les tropiques.
                                              aisément (porte d’entrée escarrotique                 Réalités Thérapeut Dermatol Vénéréol,
  Après élimination des                       unique ou tache noire de Pieri, éruption              2008;178:33-43.
  diagnostics différentiels                   très fébrile maculo-papuleuse puis purpu-          2. K amimura -N ichimura K, R udikoff D,
  graves, on peut envisager                   rique du tronc, des membres et notamment              Purswani M et al. Dermatological con-
  les infections plus rares                   des paumes et des plantes) ; l’éruption est           ditions in international pediatric trav-
                                                                                                    elers: epidemiology, prevention and
                                              beaucoup plus discrète, voire absente, et
                                                                                                    management. Travel Med Infect Dis,
Généralement, elles sont mal étiquetées       les escarres d’inoculation sont multiples             2013;11:350-356.
car leur identification nécessite des labo-   dans la rickettsiose à Rickettsia africae          3. Morand JJ, Lightburn E. Panorama et
ratoires très performants. Leur évolution     observée en Afrique australe.                         actualités des exanthèmes. Conc Méd,
étant le plus souvent assez rapidement                                                              2001;123:1234-1242 et 1453-1458.
favorable, ces explorations ne sont pas       l La toxoplasmose est la seule parasitose          4. A n d r e y DO, P o s fay -B a r b e KM.
réalisées.                                    pouvant favoriser un exanthème si l’on                Re-emergence of scarlet fever: old play-
                                                                                                    ers return? Expert Rev Anti Infect Ther,
                                              fait abstraction des helminthiases impli-             2016;14:687-689.
l La symptomatologie digestive ou respi-      quées dans le déclenchement d’éruption             5. F ukuda S, I to S, F ujiwara M et al.
ratoire est souvent au premier plan dans      urticariforme avec éosinophilie.                      Simultaneous development of Kawasaki
les entéroviroses (coxsackie, échovirus),                                                           disease following acute human adeno-
les infections à Myxovirus parainfluen-       l La trichinose à Trichinella spiralis
                                                                                                    virus infection in monozygotic twins: A
                                                                                                    case report. Pediatr Rheumatol Online J,
zae, à rhinovirus qui ont un caractère sai-   peut également déclencher une érup-                   2017;15:39.
sonnier épidémique.                           tion généralisée exanthématique en                 6. Verhagen LM, de Groot R. Dengue in chil-
                                              plus des classiques manifestations cuta-              dren. J Infect, 2014;69 Suppl 1:S77-86.
l L’adénovirose est plus caractéristique      néomuqueuses que sont l’œdème facial               7. Calvo EP, Coronel-Ruiz C, Velazco S et al.
avec un rash (prédominant à la partie         prédominant aux paupières, l’urticaire,               Dengue and Chikungunya differen-
supérieure du corps et ne durant que          les hémorragies sous-unguéales en flam-               tial diagnosis in pediatric patients.
                                                                                                    Biomedica, 2015;36:35-43.
2 à 3 jours), une atteinte adéno-pharyngo-    mèche et la conjonctivite.
                                                                                                 8. R itz N, H ufnagel M, G érardin P.
conjonctivale, pulmonaire et digestive ;                                                            Chikungunya in Children. Pediatr
elle peut survenir chez l’enfant en col-                                                            Infect Dis J, 2015;34:789-791.
lectivité.                                        Conclusion                                     9. Morin F, de Laval F, Morand JJ. Exanthème
                                                                                                    fébrile en Guyane (zika). Ann Dermatol
l Le Mycoplasma pneumoniae peut               Le spectre étiologique des exanthèmes                 Vénéréol, 2017;144:75-78.
entraîner, outre le classique syndrome de     est vaste et la démarche diagnostique             10. Petersen LR, Jamieson DJ, Powers AM
                                                                                                    et al. Zika Virus. N Engl J Med,
Stevens-Johnson compliquant la pneu-          doit rester hiérarchisée. Avant la décou-
                                                                                                    2016;374:1552-1563.
mopathie, un rash non spécifique.             verte de l’étiologie, il n’y a pas d’attitude     11. Singapore Zika Study Group. Outbreak
                                              thérapeutique univoque. Généralement,                 of Zika virus infection in Singapore: an
l La pharyngite à Arcanobacterium             notamment en cas de virose, le traitement             epidemiological, entomological, viro-
haemolyticum peut comporter un exan-          est symptomatique. Cependant, dans                    logical, and clinical analysis. Lancet
                                                                                                    Infect Dis, 2017;17:813-821.
thème diffus chez l’enfant ; le prélève-      l’attente des résultats biologiques et en
                                                                                                12. M orand A, D elaigue S, M orand JJ.
ment de gorge (avec culture prolongée         l’absence de présomption de toxidermie,
                                                                                                    Panorama des poxvirus: émergence
pour la corynébactérie) doit encore faire     il est parfois licite de prescrire une antibio-       du Monkeypox. Med Sante Trop,
partie des explorations d’un rash avec        thérapie en présence d’une angine, d’une              2017;27:29-39.
amygdalite (comprenant notamment la           anite, de lésions cutanées impétiginisées         13. Parola P, Raoult D. Tropical rickettsi-
recherche de streptocoques).                  ou d’une pneumopathie associées. Au                   oses. Clin Dermatol, 2006;24:191-200.
                                              retour d’un voyage, a fortiori chez l’enfant,
l La typhoïde à Salmonella typhi, le          l’apparition d’un exanthème fébrile n’est
                                                                                                Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de
typhus exanthématique à Rickettsia            jamais anodine et même si les étiologies          conflits d’intérêts concernant les données
prowazekii, le typhus murin à                 virales cosmopolites bénignes sont de loin        publiées dans cet article.

                                                                                                                                        15
Exanthème fébrile chez l'enfant au retour d'un voyage tropical - JIRD Exanthème fébrile chez l'enfant au retour d'un voyage tropical - JIRD
Vous pouvez aussi lire