Exanthème fébrile chez l'enfant au retour d'un voyage tropical - JIRD
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réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1 Mises au point interactives – Peau de l’enfant Exanthème fébrile chez l’enfant au retour d’un voyage tropical une papule, se caractérisant par une demeure la même avec, bien entendu, diffusion sur une grande surface cuta- une prévalence des infections variable née, le plus souvent par une certaine selon le pays. confluence des lésions et généralement par une disparition relativement rapide (en quelques jours ou même en quelques L’élimination rapide de certains heures pour le rash) comme une florai- diagnostics différentiels son printanière. est fondamentale en raison de leur gravité L’érythème (ερυθημα) se traduit par une “rougeur” cutanée. Il résulte d’une En phase initiale, il faut, par une analyse vasodilatation artériolo-capillaire et séméiologique fine, éliminer rapidement de ce fait disparaît à la vitropression, les urgences vitales. A. MORAND 1,2, J.-J. MORAND 3 contrairement au purpura (qui résulte 1 Service de Pédiatrie, d’une extravasation d’hématies hors l Le purpura fulminans, notamment CHU de la Timone, MARSEILLE. 2 IHU Méditerranée Infection, MARSEILLE. des vaisseaux dermiques). L’énanthème, méningococcémique, est parfois peu 3 Service de Dermatologie, souvent associé, en est l’équivalent symptomatique, ne comporte pas tou- Hôpital d’Instruction des Armées Sainte-Anne, muqueux, mais la traduction est plus jours de raideur méningée, s’accom- TOULON. polymorphe allant du classique signe de pagne parfois d’une fièvre modérée ou Köplik à la glossite, la chéilite, la pha- même d’une hypothermie. Les pété- ryngite, l’amygdalite, la conjonctivite chies peuvent être rares initialement et L’ exanthème fébrile est un motif ou encore la balanite ou la vulvite… Au sont souvent acrales, donc difficilement fréquent de consultation, notam- stade ultime de diffusion et d’intensité, visibles. De plus, un rash peut s’obser- ment chez le jeune enfant au on parle d’exanthème généralisé. La plu- ver durant la septicémie. C’est pour- retour d’un voyage en pays tropical [1, 2]. part s’accompagnent de fièvre a fortiori quoi il faut réaliser systématiquement Il peut révéler une infection à risque létal lors d’étiologie infectieuse mais il vaut une épreuve de vitropression sur les et/ou épidémique. Les arboviroses font mieux avoir une approche globale car plaques d’érythème. Mais un purpura l’actualité, d’où l’intérêt de l’étude de ce certaines causes infectieuses sont peu pétéchial peut aussi s’observer, surtout cadre nosologique. fébriles, en tout cas initialement, et cer- en zone déclive, dans les exanthèmes taines étiologies inflammatoires peuvent viraux ou les toxidermies, et peut résul- l’être d’emblée. ter de l’intensité de la vasodilatation Une définition artificielle peu de l’érythème ou être la conséquence limitative basée surtout sur le Sur peau noire, la coloration de l’érup- d’une vascularite, d’une thrombopénie caractère aigu et diffus de tion est évidemment moins perceptible immunologique et/ou d’une coagula- l’éruption érythémateuse et l’exanthème se traduit plutôt par tion intravasculaire disséminée venant un teint grisâtre ou cuivré, des reflets compliquer le processus. C’est la rapi- L’exanthème signifie étymologiquement ardoisés, même si l’on peut parfois dité d’extension du purpura qui doit “éruption cutanée” (εξανειν: fleurir en percevoir un certain érythème, surtout alerter et imposer la mise immédiate dehors) : la terminologie ne présume au niveau du visage et des extrémités. sous céphalosporine par voie paren- ni du type de lésion élémentaire ni de Or, l’enfant migrant voyage de plus en térale dans la crainte d’une ménin- l’étiologie. L’usage veut qu’il s’agisse plus, retournant dans sa famille dans gococcémie (bien que d’autres germes en fait d’un érythème (sub) aigu dont la le pays d’origine durant les vacances puissent être en cause, notamment le lésion élémentaire est une macule et/ou scolaires. La démarche diagnostique pneumocoque). 8
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1 l Un syndrome de Lyell ou de Stevens- l Le “toxic shock syndrome” ou syn- Johnson peut initialement compor- drome du choc toxique staphylococ- ter un exanthème fébrile, plutôt de cique (fig. 4) ou streptococcique (fig. 5 coloration violine. La recherche d’un et 6), décrit notamment chez des ado- décollement cutané à la pression (signe de Nikolsky) (fig. 1), d’une atteinte muqueuse ou péri-orificielle doit être systématique ; plus le traitement impu- table est stoppé rapidement, plus la sur- vie et l’absence de séquelles (synéchies oculaires) sont grandes. Fig. 4 : Rash toxinique à staphylocoque (coll. J.-J. Morand). Fig. 2 : Syndrome DRESS (coll. J.-J. Morand). quée devant l’apparition de décolle- ments cutanés (fig. 3) dans un contexte fébrile avec altération de l’état général et présence d’une porte d’entrée sta- phylococcique cutanée (omphalite, impétigo périorificiel, périonyxis) ou muqueuse. Initialement, l’érup- tion comporte un érythème maculo- papuleux, rugueux et douloureux au Fig. 1 : Signe de Nikolsky lors d’un syndrome de palper, prédominant aux grands plis et Lyell (coll. J.-J. Morand). en périphérie des orifices. l Un syndrome d’hypersensiblité (ou Drug rash with eosinophilia skin syn- drome [DRESS]) peut être très poly- Fig. 5 : Rash scarlatiniforme streptococcique (coll. morphe et le long délai (15 jours en A. Morand). moyenne) avec la prise médicamenteuse (essentiellement anticomitiaux – carba- mazépine, phénytoïne, phénobarbital – et antibiotiques – sulfamides, minocy- cline) peut être particulièrement trom- peur. Le tableau est volontiers bruyant avec œdème facial (fig. 2), fièvre, adé- nopathies, anomalies de la numération formule sanguine (l’hyperéosinophilie n’étant pas systématique), cytolyse hépa- tique (il y a une méconnaissance du risque élevé de décès par hépatite fulminante). l Une épidermolyse staphylococ- cique (ou Staphylococcal scalded Fig. 3 : Épidermolyse staphylococcique (SSS syndrome) Fig. 6 : Notez l’atteinte périnéale avec desquama- skin syndrome [SSSS]) doit être évo- (coll. J.-J. Morand). tion, probable porte d’entrée (coll A. Morand). 9
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1 Mises au point interactives – Peau de l’enfant lescentes utilisant des tampons pério- crico-aryténoïdienne avec odynophagie d’un purpura ou de signes hémorra- diques mais aussi lors d’une simple simulant une angine, sur l’hyperferriti- giques, sur l’importance de la fièvre et lésion cutanée ou muqueuse notamment némie avec effondrement de la fraction sa tolérance, sur le chiffre de pression anale, résulte d’une action toxinique. Il glycosylée (pathognomonique). artérielle et les fréquences cardiaque et se traduit par une éruption à type de rash respiratoire, sur l’état de conscience et ou bien scarlatiniforme, avec œdème l De même, certaines maladies systé- la diurèse. Ces critères déterminent la palmoplantaire et énanthème, et peut miques comme le lupus ou la derma- décision d’hospitalisation. aboutir à une défaillance multiviscérale. tomyosite peuvent initialement être confondues avec un exanthème d’ori- Une toxidermie peut mimer toutes les l Le syndrome de Kaposi-Juliusberg, gine infectieuse lorsqu’elles sont aty- viroses et peut même s’y associer (mono- qui survient chez l’enfant atopique piques et accompagnées de fièvre. nucléose infectieuse et pénicilline A) essentiellement (mais aussi dans le (fig. 8). C’est la conjonction de plu- cadre de dermatoses acantholytiques l Parfois, bien que la lésion élémentaire sieurs symptômes, de signes biologiques chroniques) par dissémination d’une finisse par être identifiée, la dermatose simples (syndrome mononucléosique, varicelle (fig. 7) ou d’un herpès, néces- est intégrée à ce cadre car les étiolo- cytolyse hépatique…) et d’arguments site la perfusion d’acyclovir sans délai. gies (infectieuses et médicamenteuses) y épidémiologiques qui permet d’évo- sont communes (pustulose exanthéma- quer l’étiologie et notamment d’orien- l D’autres éruptions vésiculeuses et/ou tique aiguë généralisée, par exemple). ter la première demande de sérologies bulleuses et/ou pustuleuses sont classi- En revanche, certaines dermatoses bien virales. L’importance de l’investigation quement décrites de façon distincte bien individualisées (même si leur étiologie sérologique est dictée par la sévérité de que l’aspect initial puisse être trompeur, reste mystérieuse) sont souvent exclues la symptomatologie, le potentiel épi- la lésion élémentaire n’étant pas encore de la question car d’évolution érythé- démique (retour d’outre-mer : arbovi- bien individualisée (érythème poly- mato-squameuse et non confluente roses, fièvres hémorragiques), le risque morphe, varicelle, fièvre boutonneuse (pityriasis rosé de Gibert, parapsoriasis d’infection au virus de l’immunodéfi- méditerranéenne, miliaire sudorale dans en gouttes…). cience humaine (rapports non protégés, un contexte de fièvre, eczéma aigu géné- toxicomanie, viol ou abus sexuel…), la ralisé surinfecté…). Certains tableaux l On utilise le terme d’érythrodermie probabilité de contamination d’un sujet urticariformes fébriles peuvent être dif- lorsque l’évolution est prolongée (la fragilisé de l’entourage (femme enceinte) ficiles à différencier : la maladie de Still composante squameuse y est plus fré- ou encore la nécessité d’éliminer l’im- se devine sur l’apparition vespérale quente), l’atteinte du tégument quasi putabilité d’un médicament important des macules urticariennes localisées complète même si initialement le (antibiotique notamment). Il est tou- au niveau des articulations notamment tableau était celui d’un exanthème et si temporo-mandibulaires, sur la zone les étiologies se recoupent, surtout pour les toxidermies. La démarche diagnostique d’un exanthème est avant tout probabiliste Elle est guidée par le contexte épidé- mique (a fortiori en collectivité sco- laire…) et l’épidémiologie locale des maladies infectieuses éruptives, par le lieu du séjour outre-mer, par l’âge du malade, par l’analyse des facteurs de risque de l’enfant, de son statut vaccinal et de son degré d’immunité, par la notion de prise médicamenteuse, par le tableau clinique et biologique. Il faut, avant toute chose, évaluer la gravité de l’exanthème Fig. 7 : Syndrome de Kaposi-Juliusberg varicelleux mesurée sur son étendue et sa rapidité Fig. 8 : Rash après prise de pénicilline lors d’une chez un atopique (coll. J.-J. Morand). d’extension, sur la présence éventuelle mononucléose infectieuse (coll. J.-J. Morand). 10
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1 Mises au point interactives – Peau de l’enfant Érythème roséoliforme Érythème rubéoliforme Érythème morbilliforme Érythème scarlatiniforme Macules rosées Maculo-papules roses Maculo-papules rouges Vastes nappes rouge vif, confluentes, moins diffuses séparées par des intervalles de petite taille pouvant sans intervalle de peau saine, de peau saine, plus rarement confluer en plaques parsemées d’un piqueté micropapuleux confluentes à contours irréguliers avec donnant au toucher une sensation conservation en périphérie de granité ; éruption très étendue renforcée d’éléments individualisés aux plis de flexion évoluant vers une desquamation généralisée prédominante aux extrémités Roséole infantile Rubéole Rougeole Scarlatine (exanthème subit) Mégalérythème Roséole Mononucléose Primo-infection VIH Syphilis II infectieuse Typhoïde Entéroviroses Syndrome de (ECHOvirus, coxsackie) Kawasaki Hépatite virale A Toxoplasmose Myxovirus Adénoviroses Rotavirus Arboviroses Dengue, chikungunya, Zika Angine à corynébactéries TOXIDERMIES Fig.9 : Spectre clinique classique des érythèmes diffus. jours souhaitable de faire prélever systé- niforme (fig. 9) oriente tout de même la couverture insuffisante de la population matiquement une sérothèque (tube sec démarche étiologique [3]. avaient favorisé la survenue de véritables centrifugé puis conservé à -20 °C) quitte épidémies, notamment en milieu mili- à l’exploiter de façon différée en cas d’ag- taire, et la résurgence de rubéoles congé- gravation ou d’épidémie. Chez l’enfant, a fortiori dans un nitales du fait de la contamination de contexte épidémique, on femmes au cours de leur grossesse. La Les étiologies sont principalement évoque d’emblée les maladies rougeole est évoquée devant le classique virales. L’aspect clinique de l’exan- éruptives dites “infantiles” signe de Köplik muqueux (fig. 10). thème a globalement une faible valeur prédictive de l’étiologie à l’exception lLa rougeole et la rubéole sont désor- l Le mégalérythème épidémique est dû de certains tableaux cliniques assez sté- mais plus rares depuis la préconisation au parvovirus B19 et comporte aussi un réotypés. L’aspect de l’érythème de type d’une double vaccination ; la faible risque fœtal (surtout chez le sujet por- roséoliforme, morbilliforme ou scarlati- protection vaccinale à l’âge adulte et la teur d’une pathologie du globule rouge, 12
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1 notamment drépanocytaire, créant une Le risque majeur est l’atteinte cardiaque, érythroblastopénie suivie d’anasarque qui peut se traduire lors de la première fœto-placentaire). Sur le plan dermato- semaine par des troubles de la conduc- logique, on note un aspect souffleté du tion ou du rythme (myocardite avec visage, associé à un aspect en guirlande risque de mort subite), une péricardite ou sur les membres (fig. 11). même une endocardite ; on peut observer des anévrismes coronariens (1/5) (risque l La scarlatine connaît actuellement d’infarctus, d’insuffisance cardiaque, une résurgence, en particulier dans les d’insuffisance mitrale, d’embolie céré- populations immigrées. Après une incu- brale) régressifs une fois sur deux. Les bation courte, la maladie se manifeste décès sont estimés à 1 %, survenant plu- subitement par une fièvre élevée et une tôt à la phase de convalescence ou à dis- angine douloureuse suivie 1 à 2 jours tance. Le traitement doit être précoce et après par un érythème débutant aux plis comporter de l’acide acétylsalicylique et de flexion, s’étendant au périnée (“en des immunoglobulines intraveineuses. caleçon”), au visage (sauf le pourtour de la bouche), aux extrémités (sauf les Fig. 12 : Langue framboisée d’une scarlatine (coll. paumes des mains et les plantes des A. Morand). Chez l’adolescent, pieds) puis diffus, parsemé de micro- Il ne faut pas oublier papules rouges donnant un aspect gra- framboisée au bout de quelques jours la primo-infection VIH nité à la palpation. La langue recouverte (fig. 12). La desquamation des extrémi- d’un enduit blanc épais présente ensuite tés se fait en “doigts de gants”. Le dia- La primo-infection VIH doit être évoquée une dépapillation de la périphérie vers gnostic est posé devant la découverte en présence d’une éruption maculo- le centre et prend une couleur rouge du streptocoque A bêta-hémolytique papuleuse non prurigineuse et en pré- au prélèvement de gorge [4]. sence d’érosions génitales ou buccales. Le diagnostic repose sur les sérologies l La maladie de Kawasaki a une symp- VIH 1-2. Quant à la syphilis, elle reste la tomatologie assez proche ; son étiopa- “grande simulatrice” et la roséole syphi- thogénie n’est pas encore élucidée [5]. litique est souvent méconnue. Si elle est De caractère épidémique hivernal, avec devenue rare en France, elle reste endé- une prévalence plus forte dans les pays mique dans les pays en voie de dévelop- industrialisés (notamment au Japon pement et dans les pays d’Europe de l’Est. où elle a été initialement décrite), elle concerne surtout les enfants de moins de 5 ans. La fièvre est constante, inaugu- Au retour des tropiques, il faut rale et supérieure à 39-40 °C ; elle dure savoir évoquer une arbovirose plus de 5 jours, entraînant une altération Fig. 10 : Signe de Köplik d’une rougeole (coll. T. Pas- de l’état général. On peut observer une La vaccination obligatoire contre la seron). chéilite fissuraire, hémorragique, très fièvre jaune du voyageur en zone d’en- érythémateuse, une conjonctivite bul- démie a rendu obsolète l’évocation de la baire, une stomatite framboisée, une “phase rouge” de la maladie. pharyngite érythémateuse, un érythème palmoplantaire avec œdème inflam- l En revanche, la dengue sévit en Asie, matoire et douloureux vers J3-J4, se au Moyen-Orient et en Amérique cen- généralisant sur le tronc, la région péri- trale (notamment dans les Antilles). néale avec un aspect maculo-papuleux Après une incubation d’une semaine parfois polymorphe, évoluant durant en moyenne, elle se traduit par une 10 à 15 jours, suivi d’une desquamation fièvre élevée, des céphalées avec dou- fine de l’extrémité des doigts (débutant leurs rétro-orbitaires, des myalgies et à la jonction des pulpes et des ongles) arthralgies, un exanthème typiquement avec parfois une striation transversale centrifuge et prurigineux (fig. 13) avec Fig. 11 : Érythème souffleté du visage et aspect réti- culé des bras dans le cadre d’un mégalérythème unguéale. Il existe des adénopathies volontiers une note purpurique acrale. (coll. J.-J. Morand). cervicales (3/4). L’évolution est le plus souvent spontané- 13
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1 Mises au point interactives – Peau de l’enfant l Cantonné initialement à l’Afrique virose [11] d’autant plus que le vecteur tropico-équatoriale, le virus Zika a Aedes est désormais largement présent essaimé en Micronésie puis, en 2013, en France, notamment dans le Sud-Est. en Polynésie française où le lien avec En présence de signes hémorragiques, des cas de polyradiculonévrite de l’hospitalisation de l’enfant doit se faire Guillain-Barré et des observations de en urgence dans une structure de patho- microcéphalie chez plusieurs enfants logie infectieuse et tropicale équipée de mères infectées a été évoqué pour la de secteurs protégés et d’un laboratoire première fois. Le taux de sujets asymp- de virologie performant. La prévention tomatiques est important. La mala- comporte, outre les vêtements protec- die est le plus souvent d’expression teurs et les moustiquaires, l’application Fig. 13 : Dengue au retour d’Asie simulant un méga- modérée et comporte initialement une de répulsifs anti-Aedes car ces mous- lérythème ! (coll. A. Morand). fièvre suivie d’un exanthème maculo- tiques piquent plus durant la journée. papuleux volontiers prurigineux La connaissance de cette maladie et des ment favorable, la durée totale de la mala- (comme pour la dengue) (fig. 14), une mesures préventives individuelles ainsi die est d’environ 1 semaine, suivie d’une conjonctivite non purulente bilatérale, que la déclaration épidémiologique aux convalescence longue, avec une asthénie des arthralgies des petites articulations autorités sanitaires permettront de lutter marquée. Les sujets asymptomatiques (mains et chevilles surtout), des cépha- contre la propagation de la virose dans sont nombreux. La forme hémorragique lées rétro-orbitaires spontanément réso- nos contrées. (DH) survient entre le 3e et le 5e jour, au lutives en quelques jours. Sur le plan moment de la défervescence thermique, biologique, les anomalies sont très modé- l Il faut signaler enfin l’émergence du et se caractérise par des hémorragies rées (leucopénie, thrombopénie mais monkeypox en Afrique car, bien que cutanées (purpura), muqueuses (épis- sans syndrome hémorragique) [9, 10]. le principal diagnostic différentiel soit taxis) et surtout digestives. Elle peut être constitué par la varicelle qui diffère, la cause d’un syndrome de choc (DSC) Le diagnostic de ces arboviroses se fait comme on l’a exprimé précédemment, qui concerne volontiers l’enfant. La mor- soit par RT-PCR (Transcriptase polyme- de l’exanthème classique, les formes pro- talité est de 1 à 5 % dans la DH et de 20 % rase chain reaction) dans le sang jusqu’à fuses actuellement rapportées (fig. 15) dans le DSC [6, 7]. J5, soit par sérologie (IgM spécifique) au-delà. Il est important, en cas de forte l Le chikungunya est endémique dans suspicion et a fortiori au début de la toute l’Afrique tropicale, le Moyen- maladie, d’isoler le malade sous mousti- Orient, l’Inde et le Sud-Est asiatique, quaire afin d’éviter la propagation de la et a créé en 2005 une forte épidémie à La Réunion et aux Comores. Désormais, celle-ci touche les Antilles et l’Amérique du Sud ainsi que l’Europe. L’incubation est courte, la fièvre habituellement éle- vée, les arthromyalgies invalidantes (chikungunya signifie “celui qui marche courbé en avant” en langage swahili). Les céphalées, la photophobie, l’exanthème congestif maculo-papuleux, parfois pru- rigineux, les adénopathies cervicales et la conjonctivite sont des symptômes inconstants. Il existe de nombreuses formes cutanées atypiques notamment bulleuses, muqueuses (lésions aph- toïdes buccales) avec une évolution pigmentaire chez le sujet noir. Toute la problématique est le risque de chronicité des manifestations rhumatismales avec d’authentiques inductions de polyar- Fig. 15 : Monkeypox en République démocratique du thrites rhumatoïdes [8]. Fig. 14 : Zika au retour de Guyane (coll. J.-J. Morand). Congo (téléexpertise MSF). 14
réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie n° 267_Décembre 2017 – Cahier 1 sont particulièrement impression- Rickettsia mooseri, la fièvre exanthé- les plus fréquentes, tout retard au diagnos- nantes et ressemblent de plus en plus à matique sud-africaine à Rickettsia tic d’une infection tropicale ou d’une toxi- la variole. Le dermatologue et le pédiatre rijperi et la fièvre pourprée des mon- dermie peut être lourd de conséquences… constituent des sentinelles des épidé- tagnes Rocheuses à Rickettsia rickettsii mies et la connaissance des poxvirus, en peuvent comporter un exanthème [13]. raison de leur capacité mutationnelle, est BIBLIOGRAPHIE fondamentale [12]. l La fièvre boutonneuse méditerra- néenne (Rickettsia conorii) se distingue 1. M orand JJ. Dermatologie au retour d’un séjour sous les tropiques. aisément (porte d’entrée escarrotique Réalités Thérapeut Dermatol Vénéréol, Après élimination des unique ou tache noire de Pieri, éruption 2008;178:33-43. diagnostics différentiels très fébrile maculo-papuleuse puis purpu- 2. K amimura -N ichimura K, R udikoff D, graves, on peut envisager rique du tronc, des membres et notamment Purswani M et al. Dermatological con- les infections plus rares des paumes et des plantes) ; l’éruption est ditions in international pediatric trav- elers: epidemiology, prevention and beaucoup plus discrète, voire absente, et management. Travel Med Infect Dis, Généralement, elles sont mal étiquetées les escarres d’inoculation sont multiples 2013;11:350-356. car leur identification nécessite des labo- dans la rickettsiose à Rickettsia africae 3. Morand JJ, Lightburn E. Panorama et ratoires très performants. Leur évolution observée en Afrique australe. actualités des exanthèmes. Conc Méd, étant le plus souvent assez rapidement 2001;123:1234-1242 et 1453-1458. favorable, ces explorations ne sont pas l La toxoplasmose est la seule parasitose 4. A n d r e y DO, P o s fay -B a r b e KM. réalisées. pouvant favoriser un exanthème si l’on Re-emergence of scarlet fever: old play- ers return? Expert Rev Anti Infect Ther, fait abstraction des helminthiases impli- 2016;14:687-689. l La symptomatologie digestive ou respi- quées dans le déclenchement d’éruption 5. F ukuda S, I to S, F ujiwara M et al. ratoire est souvent au premier plan dans urticariforme avec éosinophilie. Simultaneous development of Kawasaki les entéroviroses (coxsackie, échovirus), disease following acute human adeno- les infections à Myxovirus parainfluen- l La trichinose à Trichinella spiralis virus infection in monozygotic twins: A case report. Pediatr Rheumatol Online J, zae, à rhinovirus qui ont un caractère sai- peut également déclencher une érup- 2017;15:39. sonnier épidémique. tion généralisée exanthématique en 6. Verhagen LM, de Groot R. Dengue in chil- plus des classiques manifestations cuta- dren. J Infect, 2014;69 Suppl 1:S77-86. l L’adénovirose est plus caractéristique néomuqueuses que sont l’œdème facial 7. Calvo EP, Coronel-Ruiz C, Velazco S et al. avec un rash (prédominant à la partie prédominant aux paupières, l’urticaire, Dengue and Chikungunya differen- supérieure du corps et ne durant que les hémorragies sous-unguéales en flam- tial diagnosis in pediatric patients. Biomedica, 2015;36:35-43. 2 à 3 jours), une atteinte adéno-pharyngo- mèche et la conjonctivite. 8. R itz N, H ufnagel M, G érardin P. conjonctivale, pulmonaire et digestive ; Chikungunya in Children. Pediatr elle peut survenir chez l’enfant en col- Infect Dis J, 2015;34:789-791. lectivité. Conclusion 9. Morin F, de Laval F, Morand JJ. Exanthème fébrile en Guyane (zika). Ann Dermatol l Le Mycoplasma pneumoniae peut Le spectre étiologique des exanthèmes Vénéréol, 2017;144:75-78. entraîner, outre le classique syndrome de est vaste et la démarche diagnostique 10. Petersen LR, Jamieson DJ, Powers AM et al. Zika Virus. N Engl J Med, Stevens-Johnson compliquant la pneu- doit rester hiérarchisée. Avant la décou- 2016;374:1552-1563. mopathie, un rash non spécifique. verte de l’étiologie, il n’y a pas d’attitude 11. Singapore Zika Study Group. Outbreak thérapeutique univoque. Généralement, of Zika virus infection in Singapore: an l La pharyngite à Arcanobacterium notamment en cas de virose, le traitement epidemiological, entomological, viro- haemolyticum peut comporter un exan- est symptomatique. Cependant, dans logical, and clinical analysis. Lancet Infect Dis, 2017;17:813-821. thème diffus chez l’enfant ; le prélève- l’attente des résultats biologiques et en 12. M orand A, D elaigue S, M orand JJ. ment de gorge (avec culture prolongée l’absence de présomption de toxidermie, Panorama des poxvirus: émergence pour la corynébactérie) doit encore faire il est parfois licite de prescrire une antibio- du Monkeypox. Med Sante Trop, partie des explorations d’un rash avec thérapie en présence d’une angine, d’une 2017;27:29-39. amygdalite (comprenant notamment la anite, de lésions cutanées impétiginisées 13. Parola P, Raoult D. Tropical rickettsi- recherche de streptocoques). ou d’une pneumopathie associées. Au oses. Clin Dermatol, 2006;24:191-200. retour d’un voyage, a fortiori chez l’enfant, l La typhoïde à Salmonella typhi, le l’apparition d’un exanthème fébrile n’est Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de typhus exanthématique à Rickettsia jamais anodine et même si les étiologies conflits d’intérêts concernant les données prowazekii, le typhus murin à virales cosmopolites bénignes sont de loin publiées dans cet article. 15
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