FESTIVAL D'AUTOMNE À PARIS - Festival d'Automne à Paris

 
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FESTIVAL D'AUTOMNE À PARIS - Festival d'Automne à Paris
FESTIVAL
D’AUTOMNE
À PARIS                                                             9 septembre – 31 décembre | 44e édition

DOSSIER DE PRESSE
THÉÂTRE
Service de presse : Christine Delterme, Carole Willemot
Assistante : Mélodie Cholmé
Tél : 01 53 45 17 13 | Fax : 01 53 45 17 01
c.delterme@festival-automne.com
c.willemot@festival-automne.com
assistant.presse@festival-automne.com
Festival d’Automne à Paris | 156, rue de Rivoli – 75001 Paris
Renseignements et réservations : 01 53 45 17 17 | www.festival-automne.com
FESTIVAL D'AUTOMNE À PARIS - Festival d'Automne à Paris
DOSSIER DE PRESSE THÉÂTRE – FESTIVAL D’AUTOMNE À PARIS 2015 – PAGE 2
THÉÂTRE
Musique, théâtre, cinéma, danse, arts plastiques, performances. Tous ces arts sont présents au Festival d’Automne.
Son ample ouverture aux artistes du monde a fondé sa singularité. Nous oeuvrons aujourd’hui à développer cet
esprit pionnier. Demeurer épris de différences et fervent d’étrangeté, défier, bousculer les canons : si le Festival
d’Automne reste fidèle à l’esprit de ses fondateurs, il sait aussi s’adapter aux conjonctures actuelles. Il ne s’agit jamais
d’y fuir le monde, plutôt d’éprouver à travers l’art une autre vision, ouverte à des oeuvres ou à des expériences qui
bousculent les normes.
Le Festival réunit un ensemble de partenaires prêt à risquer l’aventure. Quarante lieux de Paris et de sa région sont
associés à cette nouvelle édition, qui développe de nouvelles collaborations, avec le Théâtre Romain Rolland
(Villejuif), le Théâtre Paul Éluard (Choisy-le-Roi), le Tarmac (Paris) ou avec des salles récemment ouvertes (la
Philharmonie de Paris, l’Auditorium de Radio France). Le rôle fédérateur du Festival permet la présence dans toute
l’Île-de-France d’artistes amenés à rencontrer de nouveaux publics.
Un ensemble d’initiatives en direction des publics, qui s’appuie sur l’implication des artistes de toutes disciplines
et origines, fait de notre programme un instrument au service de la transmission et de l’éducation artistique,
favorisant la rencontre avec les oeuvres et la découverte de mondes étrangers ou familiers de la création.

Avec plus de cinquante propositions venues du monde entier, nous nous réjouissons que le Festival réunisse cette
année, aux côtés de nombre d’artistes français, d’autres créateurs venus de pays aussi différents que la Corée du
Sud, le Maroc, les États-Unis, le Danemark, l’Autriche, la Côte d’Ivoire ou l’Égypte, présentant toutes les formes
d’expression scéniques, musicales ou plastiques. Si le Festival d’Automne accompagne depuis toujours les plus
grands artistes (auxquels il consacre des « portraits »), il est de son devoir d’y inviter aussi les nouvelles générations,
de les soutenir et de les faire connaître, car plutôt que d’opposer les anciens aux modernes, nous souhaitons associer
toujours mémoire et temps présent, et tourner avec passion notre regard vers le futur. Dans ce monde où les
adversaires de la liberté voudraient clore les frontières, écraser les expressions libres, et parfois détruire les artistes
et leurs oeuvres, un Festival comme celui d’Automne, avec ses missions et son esprit d’ouverture, est plus que jamais
salutaire.
Le Ministère de la Culture, la Mairie de Paris et le Conseil régional d’Île-de-France subventionnent le Festival
d’Automne à Paris. Il bénéficie du généreux soutien des Amis du Festival d’Automne que préside Pierre Bergé. Sans
eux, rien de cette singulière aventure ne pourrait être mené. Nous les remercions.

                                                                                              Emmanuel Demarcy-Mota
                                                                                                    Directeur général

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SOMMAIRE

Robert Lepage / 887                                         Encyclopédie de la parole / Joris Lacoste / Suite n°2
Théâtre de la Ville – 9 au 17 septembre                     T2G − Théâtre de Gennevilliers – 1er au 11 octobre
- Pages 7-10                                                - Pages 31-34

Daria Deflorian / Antonio Tagliarini                        tg STAN / De KOE / Dood Paard / Maatschappij Discordia
Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni            Onomatopée
La Colline − théâtre national – 18 au 27 septembre          L’apostrophe / Théâtre des Louvrais-Pontoise
                                                            6 au 8 octobre
Reality                                                     La Scène Watteau, scène conventionnée de
La Colline − théâtre national                               Nogent-sur-Marne
30 septembre au 11 octobre                                  14 et 15 octobre
- Pages 11-15                                               Théâtre de la Bastille – 19 octobre au 6 novembre

Julie Deliquet / Collectif In Vitro                         tg STAN / Le Cerisaie d’Anton Tchekhov
Catherine et Christian (fin de partie)                      La Colline − théâtre national – 2 au 19 décembre
Théâtre Gérard Philipe / Saint-Denis                        - Pages 35-39
24 septembre au 16 octobre
Théâtre Romain Rolland / Villejuif
3 au 7 novembre                                             Gisèle Vienne / Dennis Cooper / Puppentheater Halle
La Ferme du Buisson – 21 et 22 novembre                     The Ventriloquists Convention
Théâtre Paul Éluard / Choisy le roi – 27 novembre           Centre Pompidou – 7 au 11 octobre
- Pages 17-19                                               Nanterre-Amandiers – 27 novembre au 4 décembre
                                                            - Pages 41-43
Jonathan Châtel / Andreas
d’après la première partie du Chemin de Damas
d’August Strindberg                                         Federico León / Las Ideas
La Commune Aubervilliers – 25 septembre au 15 octobre       Théâtre de la Bastille – 7 au 16 octobre
- Pages 21-24                                               - Pages 45-47

Vincent Thomasset                                           Lucia Calamaro
Lettres de non-motivation d’après le projet de Julien       L’Origine del mondo. Ritratto di un interno
Prévieux                                                    La Colline − théâtre national – 20 au 24 octobre
Centre Pompidou – 30 septembre au 3 octobre                 - Pages 49-52
Théâtre de la Bastille – 10 au 21 novembre
Pages                                                       Ahmed El Attar / The Last Supper
La Suite (Sus à la Bibliothèque ! / Les Protragronistes /   T2G − Théâtre de Gennevilliers – 9 au 15 novembre
Médail Décor)                                               L’apostrophe / Théâtre des Louvrais-Pontoise
Centre Pompidou – 4 au 8 novembre                           17 novembre
- Pages 25-29                                               - Pages 53-56

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Talents Adami Paroles d’acteurs
Jean-François Sivadier / Portrait de « famille » d’après
Sophocle, Eschyle, Euripide
Atelier de Paris-Carolyn Carlson – 10 au 14 novembre
- Pages 57-60

Angélica Liddell / Primera carta de San Pablo a los
Corintios. Cantata BWV 4, Christ lag in Todesbanden. Oh,
Charles !
Odéon-Théâtre de l’Europe / Paris 6e – 10 au 15 novembre
- Pages 61-64

Rodrigo García / 4
Nanterre-Amandiers – 12 au 22 novembre
- Pages 65-68

Toshiki Okada / Super Premium Soft Double Vanilla Rich
Maison de la culture du Japon à Paris – 18 au 21 novembre
- Pages 69-71

                                                            portrait 2014-15
                                                            ROMEO CASTELLUCCI
                                                            festival d’automne à paris
Nicolas Bouchaud / Éric Didry
Le Méridien d’après Paul Celan                              Le Portrait Romeo Castellucci fait l’objet d’un dossier de presse à part
Théâtre du Rond-Point – 25 novembre au 27 décembre          Romeo Castellucci / Ödipus der Tyrann
- Pages 73-77                                               de Friedrich Hölderlin d’après Sophocle
                                                            Théâtre de la Ville – 20 au 24 novembre

                                                            Romeo Castellucci / Le Metope del Partenone
Annie Dorsen / Yesterday Tomorrow                           Grande Halle de la Villette – 23 au 29 novembre
T2G – Théâtre de Gennevilliers – 6 au 8 décembre
- Pages 79-82                                               Romeo Castellucci / Orestie (une comédie organique ?)
                                                            Odéon-Théâtre de l’Europe / Paris 6e – 2 au 20 décembre
                                                            L’apostrophe / Théâtre des Louvrais-Pontoise – 8 et 9
                                                            janvier

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DOSSIER DE PRESSE THÉÂTRE – FESTIVAL D’AUTOMNE À PARIS 2015 – PAGE 6
Après des mises en scène autrement spectaculaires (La
ROBERT LEPAGE                                                                Trilogie des dragons, Jeux de cartes ou encore des
                                                                             collaborations avec le Cirque du Soleil), Robert Lepage
                                                                             renoue avec le “seul en scène” pour une exploration des
887                                                                          mécanismes de la mémoire. Convoquant des souvenirs
Conception, mise en scène et interprétation, Robert Lepage                   personnels, 887 n’est pas pour autant un conte
                                                                             autobiographique. L’anecdote, toujours, s’emmêle de
                                                                             considérations historiques plus générales. Années 1960.
                                                                             Québec. Montréal, 887 rue Murray. Dans cet immeuble,
Direction de création, Steve Blanchet                                        miroir d’une société à l’aube de bouleversements
Dramaturge, Peder Bjurman                                                    majeurs, le jeune Robert découvre le théâtre au détour
Assistante à la mise en scène, Adèle Saint-Amand                             des jeux inventés avec sa sœur. En sourdine, les
Musique originale et conception sonore, Jean-Sébastien Côté
                                                                             premières bombes du Front de libération du Québec
Conception des éclairages, Laurent Routhier
                                                                             explosent.
Conception des images, Félix Fradet-Faguy
Collaboration à la conception du décor, Sylvain Décarie                      On entre dans ce bâtiment par la fenêtre, à la dérobée,
Collaboration à la conception des accessoires, Ariane Sauvé                  comme on entrerait par effraction dans le cerveau d’un
Collaboration à la conception des costumes, Jeanne Lapierre                  homme. La topographie scénique est autant mentale
                                                                             que géographique, et se métamorphose au rythme de
                                                                             mystérieuses connexions synaptiques. Robert Lepage
                                                                             est un conteur passe-muraille. Il travaille un théâtre de
                                                                             l’ubiquité qui se moque bien des frontières spatiales ou
                                                                             temporelles. Une seule distance à garder, celle du recul
THEATRE DE LA VILLE                                                          tendrement ironique que permettent les années. 887
Mercredi 9 au jeudi 17 septembre, lundi au samedi 20h30                      n’est une pièce intime qu’en ce qu’elle laisse en suspens.
Relâche dimanche
                                                                             Une ode qui s’adresse moins à la mère-patrie et à sa
26€ et 35€ // Abonnement 26€
Durée estimée : 2h
                                                                             devise – “je me souviens” – qu’aux silences du père. Et
                                                                             à ce métier de comédien dont la mémoire est la pierre
                                                                             angulaire.

Production Ex Machina, créée à l’initiative du programme artistique et
culturel des Jeux Pan Am et Parapan AM de TORONTO 2015 // Coproduction
le lieu unique, Nantes ; La Comète – Scène nationale de Châlons-en-
Champagne ; Edinburgh International Festival ; Théâtre de la Ville-Paris
Romaeuropa Festival 2015 ; Bonlieu Scène nationale d’Annecy
CélestinsThéâtre de Lyon ; Le Théâtre français du Centre national des Arts
d’Ottawa ; Le Théâtre du Nouveau Monde, Montréal // Production déléguée
Europe, Japon, Epidemic – Richard Castelli // Producteur pour Ex Machina,
Michel Bernatchez // Coréalisation Théâtre de la Ville-Paris ; Festival
d’Automne à Paris // Avec le concours du Centre culturel canadien à Paris

En partenariat avec France Inter

  Contacts presse :
  Festival d’Automne à Paris
  Christine Delterme, Carole Willemot
  01 53 45 17 13

  Théâtre de la Ville
  Jacqueline Magnier
  01 48 87 84 61

                        DOSSIER DE PRESSE THÉÂTRE – FESTIVAL D’AUTOMNE À PARIS 2015 – PAGE 7
ENTRETIEN
ROBERT LEPAGE

Vous avez toujours lié vos pièces à des chiffres, des dates,      Robert Lepage : Le débat actuel vient en écho à celui des
des éléments numériques. Est-ce que 887 signifie autre            années 1960. Mais à l’époque, il était beaucoup plus axé
chose que votre adresse d’enfance ?                               sur les questions de lutte de classe, de rapports sociaux.
Robert Lepage : Quand on commence un spectacle, on                Aujourd’hui finalement, tout le monde est très bour-
travaille dans le vide. Les idées de départ n’ont pas de          geois au Québec. Les francophones comme les anglo-
structure, alors on cherche un squelette, un échafaudage          phones ont à peu près les mêmes opportunités. Il y a
pour pouvoir les accrocher et souvent l’adoption d’un             cinquante ans ce n’était pas le cas. C’était vraiment la
système mathématique aide. Les chiffres nous permet-              lutte de classes entre une population francophone qui
tent de sortir du chaos. Dans Lipsynch, on travaillait sur        était pauvre et une population anglophone. Les grandes
le chiffre 9, dans Les Sept branches de la rivière Ota, le 7,     luttes du Québec dans les années 1960 ressemblaient
dans La Trilogie des dragons, le 3. 887 est une vraie             plus à ce qui se passait en Europe, où commençait la dé-
adresse et je ne peux pas dire exactement ce que le chif-         colonisation, avec ces pays qui essayaient de s’affranchir
fre signifie, sinon qu’il me fait penser à 8 1/2. Fellini avait   du joug impérialiste. Dans 887, j’essaie de ramener ça,
choisi ce titre pour son neuvième film, parce qu’il s’esti-       mais vu à travers les yeux d’un enfant.
mait à mi-parcours. Ici, le troisième chiffre, le 7, est
presque comme un demi.                                            C’est là que vous en venez au poème de Michèle Lalonde,
                                                                  Speak White, qui condense ces questions.
Comment s’est effectué le tri mémoriel entre ce qui devait        Robert Lepage : Le poème a été écrit en 1968 mais a été
ou pouvait passer à la scène et ce qui ne pouvait pas ?           lu et enregistré en 1970. Il a été la cristallisation du mou-
Robert Lepage : Avec un thème comme la mémoire on                 vement d’insatisfaction des québécois francophones. Il
glisse très rapidement vers des textes scientifiques et ça        fait la synthèse de cette lutte de classes, de ce rapport à
nous amène à de premières recherches médicales. Mais,             la langue et de ce rapport à l’identité. Peu de temps après
très vite, on s’enlise. Aussi intéressants soient-ils, ces pro-   la lecture du poème à cette fameuse nuit de la poésie, il
pos ne tiennent pas le coup si on ne peut pas y accrocher         y a eu la crise d’octobre 70, avec mort d’homme. Les
des éléments profondément personnels. Tout mon récit              forces de l’ordre à Montréal et à Québec se sont mon-
est articulé par un travail de retour en arrière vers les an-     trées féroces. On a vécu une répression qui s’apparentait
nées 1960, celles de mon enfance. J’ai dû faire un tri im-        – en moins grave – à celles du Chili ou d’Argentine et qui
portant dans mes souvenirs de l’âge de deux ans et demi           avait les couleurs du fascisme. Ce poème a été détermi-
jusqu’à douze ans et demi. Plein de choses sont réappa-           nant. Je m’en sers comme colonne vertébrale du specta-
rues en essayant de retrouver la grande histoire autant           cle. Je me joue moi-même lorsque je suis invité à célébrer
que la petite histoire. Car j’ai essayé, comme dans la plu-       le 40ème anniversaire de sa lecture publique et que je
part de mes spectacles de croiser ces deux niveaux et de          me rends compte que j’ai un problème de mémoire. Je
m’interroger sur ce qu’était le Québec dans les années            viens du monde de l’improvisation et les improvisations
1960.                                                             finissent par s’écrire, ce qui est différent de l’apprentis-
                                                                  sage du texte d’un autre. Qu’est-ce que le théâtre si ce
Pourquoi est-ce aussi vital aujourd’hui de faire revivre          n’est un sport de la mémoire ? Et quand on arrive à une
cette période du Québec ?                                         bonne cinquantaine, la mémoire n’est pas au rendez-
Robert Lepage : C’est vraiment un problème de mémoire.            vous. Ca, c’est le prétexte du spectacle. Il m’amène à des
Sur les plaques d’immatriculation des voitures au Qué-            allers-retours dans mon passé pour trouver des éléments
bec il est écrit : “Je me souviens”. Quand vous interrogez        auxquels me raccrocher.
autour de vous sur l’origine de ce slogan, rares sont ceux
qui peuvent répondre. Personne ne se souvient de ce que           Quel est la place de l’autofiction dans votre travail ?
veut dire “Je me souviens”. Or c’est très important. C’est        Robert Lepage : A peu près tout est vrai. Les histoires, les
tiré d’un poème écrit au tournant du siècle qui dit : “Je         personnages, les contextes, les situations sont tous vrais.
me souviens d’être né sous le lys – sous les Français – et        Certes, le conteur ou le poète se doit d’enjoliver les
de croître sous la rose”, donc je me développe et m’épa-          choses. La licence poétique permet de mentir un peu ou
nouis sous le régime anglais. Voilà ce que dit ”Je me sou-        d’exagérer certains liens pour que la pièce soit ce “men-
viens”. C’est quand même très lourd. J’insiste là-dessus          songe qui dit la vérité”, comme disait Cocteau.
parce qu’aujourd’hui quand on débat d’une option sou-
verainiste ou fédéraliste, donc quand on parle politique          Avez-vous dû ajuster certains souvenirs à cause de la mise
– surtout avec les nouveaux arrivants et les jeunes – com-        en scène ?
ment faire si on n’a pas de mémoire vive de ça et de ce           Robert Lepage : Oui, je l’ai fait, et délibérément. Il y a des
qui s’est passé dans les années 1960 ?                            choses dont je n’ai pas voulu parler non par pudeur mais
                                                                  parce que cela risquait d’être trop touffu pour le specta-
Ce n’est donc pas seulement pour vous-même, pour votre            teur. J’occulte certains éléments de mon enfance qui
propre mémoire, que vous revenez sur l’époque, mais               étaient intéressants mais n’auraient pas supporté la
aussi pour la mémoire collective du Québec ?                      scène. Il faut aussi que ça demeure léger, même si le

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thème est grave. Parce qu’on passe d’une révolution              compromis, à la prise en compte des problèmes d’ego, si
“tranquille” à une histoire très mouvementée. Je com-            on veut que le projet aboutisse. Les spectacles solo me
mence sur le ton de la conférence, sans effets, et on            permettent de faire les choses comme je le sens, c’est une
entre peu à peu dans des situations, des décors, des             soupape, ça me permet de jouer et de parler sans com-
images où je me retrouve à jouer moi-même certaines              promis.
scènes et où, lentement, le théâtre s’impose.
                                                                 Qui est-ce qui vous dirige quand vous êtes en scène ?
N’y a-t-il pas une dimension de réconciliation avec votre        Robert Lepage : Je me dirige moi-même. Mes spectacles
propre histoire et avec l’histoire du Québec ?                   solos ne sont jamais vraiment des spectacles solos. Dans
Robert Lepage : C’est exactement ça, c’est le bon terme,         la salle de répétition il y a beaucoup de monde. Des amis
se réconcilier avec son propre passé. Au Québec, il y a          dramaturges viennent m’aider, des concepteurs sont là
des gens qui votent pour des projets du futur et des gens        dès le premier jour, des techniciens de scène donnent
qui votent pour essayer de régler le passé. On ne peut           du feedback, je ne me sens jamais abandonné. Mais une
pas régler le passé. On peut se réconcilier avec le passé,       fois que le spectacle est commencé c’est moi qui défends
on peut le revisiter mais on ne peut pas le changer. Oui,        ma peau seul en scène.
on veut changer le monde, oui, on veut une meilleure
société pour tout le monde, mais il ne faut pas oublier          Au générique, vous êtes crédité de la mise en scène et de
le passé. Il faut le visiter mais on ne peut pas le régler. Il   l’interprétation et Steve Blanchet de la “direction de créa-
faut s’en souvenir pour ce qu’il était.                          tion et idéation”. Qu’est-ce que ces fonctions recouvrent
                                                                 exactement ?
Et la réconciliation avec votre famille, avec votre père ?       Robert Lepage : Steve est celui qui “met la table”. Je lui
Robert Lepage : C’est devenu un spectacle où mon père            dis : j’aimerais qu’on parle de ça ou ça et lui, il revient
occupe une place importante. J’avoue que je ne pensais           avec des options, des choix, des trucs qu’il a trouvés, des
pas du tout que ça tournerait autant autour de mon père,         opinions, des personnes. Il fait un travail dramaturgique
cela m’a étonné. Cet homme était comme tous les                  qui n’est pas uniquement basé sur l’écriture dramatur-
hommes au Québec à l’époque, pas riche, sans instruc-            gique. Il va m’amener des éléments parfois scénogra-
tion, il ne parlait pas. D’un coup il est devenu représen-       phiques, parfois des thèmes ou des sous-thèmes.
tatif du Québécois moyen et il est passé au centre du            Chez-nous on dit “mettre la table”. Il rend possibles mes
spectacle. Je reviens beaucoup sur cette redécouverte de         idées.
mon père.
                                                                 Ce doit être votre dixième pièce présentée au Festival
Il y a un double angle, votre père en tant que père et en        d’Automne. Que représente-t-il pour vous et que repré-
tant que représentant de la classe moyenne québécoise.           sente le fait d’être joué à Paris ?
Robert Lepage : Oui, c’est ça. Il faisait partie de ceux qui     Robert Lepage : Pour moi comme pour beaucoup de
étaient un peu partagés. Il avait été au service de Sa Ma-       Québécois, Paris est un peu le centre du monde. Non
jesté, dans l’armée canadienne, et tout d’un coup on lui         parce que c’est le centre de la francophonie mais parce
disait si tu veux sortir de ton marasme, pense à cette op-       que c’est un carrefour ouvert. Les courants y passent, se
tion de la souveraineté, pense au rapport de classes qui         frôlent parfois, s’évitent, se marient. Le Festival d’Au-
n’est pas juste avec les anglos. Alors, il se posait la ques-    tomne marque le début de la saison à Paris, et tout ce
tion : qu’est-ce qu’il avait défendu pendant la guerre ? Il      qui se fait d’intéressant dans le monde va se côtoyer. Je
y a eu beaucoup de contradictions de ce type entre ceux          me souviens de l’année où on jouait Les Sept branches de
qui s’identifiaient au nouveau mouvement et ceux qui             la rivière Ota à un endroit pendant qu’on donnait un
étaient réticents à cause de notre rapport avec la cou-          grand kabuki dans un autre. Ni Londres, ni New York, qui
ronne d’Angleterre. C’est une chose difficile à expliquer        sont de grands centres, ne peuvent prétendre à ce point
aux Français parce qu’on est francophones et franco-             être le centre du monde. Leurs programmateurs sont fri-
philes, on est très proches de la France dans notre cul-         leux, ils n’ont pas cette dynamique. Paris est casse-
ture, mais on était des citoyens britanniques. Le                gueule, Paris vous oblige à vous mettre en danger. J’aime
spectacle montre cette contradiction, cette difficulté de        ça.
réconcilier les deux dimensions.
                                                                                   Propos recueillis par Jean-Louis Perrier
Les pièces où vous êtes seul en scène, comme Les Aiguilles
et l’opium (1991) - que vous avez repris récemment - ponc-
tuent régulièrement votre théâtrographie. A quoi corres-
pond ce besoin de remonter régulièrement seul en scène ?
Robert Lepage : Je travaille beaucoup en création collec-
tive. Je suis alors comme le capitaine du bateau, c’est moi
qui prends les décisions mais la dynamique conduit aux

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BIOGRAPHIE
ROBERT LEPAGE

Artiste multidisciplinaire, Robert Lepage exerce avec une       Sa renommée lui vaut plusieurs invitations qui lui per-
égale maîtrise les métiers d’auteur dramatique, de met-         mettent d’appliquer sa démarche artistique à d’autres dis-
teur en scène, d’acteur et de réalisateur. Salué par la cri-    ciplines. En 1993, il signe la mise en scène de la tournée
tique internationale, il crée et porte à la scène des           mondiale du spectacle de Peter Gabriel, The Secret World
œuvres originales qui bouleversent les standards en ma-         Tour. En 2000, il participe à l’exposition Métissages au
tière d’écriture scénique, notamment par l’utilisation de       Musée de la civilisation de Québec. En 2002, il fait à nou-
nouvelles technologies. Il puise son inspiration dans           veau équipe avec Peter Gabriel pour le spectacle Growing
l’histoire contemporaine et son œuvre, moderne et in-           Up Tour. Il collabore avec le Cirque du Soleil en assu-
solite, transcende les frontières.                              mant la conception et la mise en scène de KÀ (2005), un
Robert Lepage est né à Québec en 1957. Très tôt, il se dé-      spectacle permanent à Las Vegas, et TOTEM (2010), un
couvre une passion pour la géographie, et attiré par            spectacle sous grand chapiteau qui effectuera une tour-
toutes les formes d’art, il en vient à s’intéresser au théâ-    née mondiale. Dans le cadre des festivités entourant le
tre. A 17 ans, il entre au Conservatoire d’art dramatique       400e anniversaire de la ville de Québec en 2008, Robert
de Québec. Il effectue un stage à Paris en 1978 et à son        Lepage et Ex Machina créent la plus grande projection
retour, il participe à plusieurs créations dans lesquelles      architecturale jamais réalisée : Le Moulin à images. En
il cumule les rôles de comédien, d’auteur et de metteur         2009, Aurora Borealis, un éclairage permanent qui s’ins-
en scène. Deux ans plus tard, il se joint au Théâtre Re-        pire des véritables couleurs des aurores boréales a été
père. En 1984, il crée la pièce Circulations qui sera pré-      créé sur le même site.
sentée partout au Canada et qui recevra le prix de la           Robert Lepage fait une entrée remarquée dans le monde
meilleure production canadienne, lors de la Quinzaine           de l’opéra alors qu’il met en scène avec succès le pro-
internationale de théâtre de Québec. C’est l’année sui-         gramme double Le Château de Barbe-Bleue et Erwartung
vante qu’il crée La Trilogie des dragons, spectacle qui lui     (1993). Sa présence sur la scène lyrique se poursuit avec
vaudra une reconnaissance internationale. Viennent en-          La Damnation de Faust présenté pour la première fois
suite Vinci (1986), Le Polygraphe (1987) et Les Plaques tec-    au Festival Saito Kinen de Matsumoto au Japon (1999),
toniques (1988). En 1988, il fonde sa propre société de         puis à l’Opéra national de Paris et au MET à New York. Il
gestion professionnelle, Robert Lepage inc. (RLI).              compte parmi ses réalisations à l’opéra : 1984 basé sur le
De 1989 à 1993, il occupe le poste de directeur artistique      roman de Georges Orwell et dont Maestro Lorin Maazel
du Théâtre français du Centre national des Arts à Ottawa.       assure la direction musicale (2005), The Rake’s Progress
Parallèlement à cette nouvelle fonction, il poursuit sa         (2007) et Le Rossignol et autres fables présenté à la Cana-
démarche artistique en présentant Les Aiguilles et              dian Opera Company (2009), au Festival d’Aix-en-Pro-
l’opium (1991-1993 et 1994-1996), Coriolan, Macbeth, La Tem-    vence et à l’Opéra de Lyon en 2010. Das Rheingold,
pête (1992-1994) et Le Songe d’une nuit d’été (1992), qui lui   prologue du Ring de Wagner, a été créé en septembre
permet de devenir le premier nord-américain à diriger           2010 au MET (le cycle a été présenté sur les saisons 2010-
une pièce de Shakespeare au Royal National Theatre de           11 et 2011-12).
Londres.                                                        Rappelons que l’œuvre de Robert Lepage est couronnée
L’année 1994 marque une étape importante dans la car-           de nombreux prix. Parmi les plus prestigieux, il reçoit en
rière de Robert Lepage avec la fondation d’une compa-           2000, le Prix de La SORIQ (La Société des relations inter-
gnie de création multidisciplinaire, Ex Machina, dont il        nationales de Québec) pour le rayonnement de ses créa-
assume la direction artistique. Cette nouvelle équipe pré-      tions hors Québec. En 2002, la France lui rend hommage
sentera Les Sept Branches de la Rivière Ota (1994), Le          en lui octroyant la Légion d’honneur. En 2003, il reçoit
Songe d’une nuit d’été (1995) ainsi que le spectacle solo       le prix Denise-Pelletier, la plus haute distinction accor-
Elseneur (1995). Toujours en 1994, il aborde le cinéma en       dée par le gouvernement du Québec dans le domaine des
scénarisant et réalisant le long-métrage Le Confessionnal,      arts de la scène.
présenté l’année suivante à la Quinzaine des Réalisateurs
du Festival de Cannes. Par la suite, il réalise Le Poly-        Robert Lepage au Festival d’Automne à Paris :
graphe (1996), Nô (1997), Possible Worlds (2000) premier        2005    La Trilogie des dragons
long-métrage anglais et enfin, il réalise en 2003 l’adapta-             (Theatre National de Chaillot)
tion de sa pièce La Face cachée de la Lune.                             Le Projet Andersen (Maison des Arts Creteil)
C’est sous son impulsion que le centre de production            1999    Zulu Time (Maison des Arts-Créteil)
pluridisciplinaire la Caserne voit le jour en juin 1997, à      1998    La Géométrie des miracles
Québec. Dans ces nouveaux locaux, Robert Lepage et son                  (Maison des Arts-Créteil)
équipe créent et produisent La Géométrie des Miracles           1996    Les Sept Branches de la rivière Ota
(1998), Zulu Time (1999), La Face cachée de la lune (2000),             (Maison des Arts- Creteil)
La Casa Azul (2001), une nouvelle version de La Trilogie        1992    Macbeth, Coriolan, La Tempête de William Sha-
des dragons avec de nouveaux acteurs (2003), The Bus-                   kespeare, Les Aiguilles et l’opium
ker’s Opera (2004), Le Projet Andersen (2005), Lipsynch                 (Centre Pompidou)
(2007), Le Dragon bleu (2008) et Éonnagata (2009).                      Le Polygraphe de Marie Brassard et Robert
                                                                        Lepage (Théâtre du Rond-Point)

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DARIA DEFLORIAN                                                                   DARIA DEFLORIAN
ANTONIO TAGLIARINI                                                                ANTONIO TAGLIARINI
Ce ne andiamo per non darvi altre Reality
preoccupazioni                         (Réalité)
(Nous partons pour ne plus vous donner
de soucis)

Un spectacle de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, inspiré par                 Un spectacle de et avec Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, à partir
une image du roman de Pétros Márkaris Le Justicier d’Athènes                      du reportage de Mariusz Szczygieł Reality, traduit par Marzena Borejc-
Avec Daria Deflorian, Monica Piseddu, Antonio Tagliarini,                          zuk // Lumière, Gianni Staropoli // Consultants pour la langue polo-
Valentino Villa                                                                   naise, Stefano Deflorian, Marzena Borejczuk, Agnieszka Kurzeya //
Collaboration au projet, Monica Piseddu, Valentino Villa                          Collaboration au projet, Marzena Borejczuk
Lumière, Gianni Staropoli
Décor, Marina Haas

la colline – théâtre national                                                     la colline – théâtre national
Vendredi 18 au dimanche 27 septembre,                                             Mercredi 30 septembre au dimanche 11 octobre,
Mardi 19h, mercredi au samedi 20h,                                                Mercredi au samedi 19h, dimanche 18h30, relâche lundu et mardi
Dim. 16h, sam. 26 septembre 16h et 20h, dim. 27 septembre 16h et                  14€ à 29€ // Abonnement 9€ à 15€
18h, relâche lundi.                                                               Durée : 1h
14€ à 29€ // Abonnement 9€ à 15€
Durée : 1h
                                                                                  Spectacle en italien surtitré en français
Spectacle en italien surtitré en français

                                                                                  –, s

                                                                                  chose d’une morale à saisir, comme dans les fables.
                                                                                  Production A.D ; Festival Inequilibrio/Armunia ; ZTL-Pro
                                                                                  En collaboration avec la Fondation Romaeuropa et Teatro di Roma
Production A.D. // Coproduction Teatro di Roma ; Festival Romaeuropa ; 369        Coréalisation La Colline – théâtre national ; Festival d’Automne à Paris
gradi // Avec la collaboration du Festival Castel dei Mondi // Résidence artis-   Résidences de création, Festival Inequilibrio/Armunia ; Ruota Libera/Centrale
tique Centrale Fies, Olinda, Angelo Mai Altrove Occupato, Percorsi Rialto         Preneste Teatro ; Dom Kultury Podgórze // Avec le soutien de l’Institut Polonais
Teatro, Furio Camillo, Carrozzerie n.o.t // Coréalisation La Colline – théâtre    de Rome, Nottetempo, Kataklisma/Nuovo Critico, l’Institut Culturel italien
national ; Festival d’Automne à Paris // Spectacle créé en novembre 2013 au       de Cracovie, Dom Kultury Podgórze // Spectacle créé en juin 2012 au Festival
Festival Romaeuropa                                                               Inequilibrio/Armunia

                                                                  Contacts presse :
                                                             Festival d’Automne à Paris
                                                        Christine Delterme, Carole Willemot
                                                                    01 53 45 17 13

                                                              La Colline - théâtre national
                                                                   Nathalie Godard
                                                                       01 44 62 52 25

                         DOSSIER DE PRESSE THÉÂTRE – FESTIVAL D’AUTOMNE À PARIS 2015 – PAGE 11
Avec Reality (Réalité) et Ce ne andiamo per non darvi altre
           preoccupazioni (Nous partons pour ne plus vous donner de
           soucis), Daria Deflorian et Antonio Tagliarini composent
           deux séries de variations graves et enjouées sur des vies
           minuscules broyées par des systèmes socio-politiques
           hostiles. Pour les unes, ils ont puisé dans la litanie de faits
           collectés sur des carnets d’écolier durant cinquante ans
           par la Polonaise Janina Turek ; pour les autres, dans la
           lettre d’adieu à la société et au monde de quatre retraitées
           grecques inventées par le romancier Pétros Márkaris. Dans
           leur élan généreux, les metteurs en scène-auteurs-acteurs
           ne donnent à entendre les faits – réels et fictifs – que parce
           qu’ils rétablissent les humbles dans leur dignité. La soi-
           disant grande Histoire – celle de la Pologne communiste
           ou de la Grèce ruinée –, sort éclairée par leur geste, par
           l’écriture de leur propre vie et la signature de leur propre
           mort. Daria Deflorian et Antonio Tagliarini pratiquent
           avec Janina Turek et les quatre retraitées grecques une
           forme de dialogue parlé-dansé sans cesse remis à jour, un
           jeu ouvert où le personnage n’est pas contenu dans un
           seul corps, mais dans les fragments des récits qui le des-
           sinent. Ils offrent ainsi à l’histoire les rebondissements
           physiques et narratifs incessants, propres à éveiller avec
           le plaisir, l’idée qu’il y a là quelque chose d’une morale à
           saisir, comme dans les fables.

DOSSIER DE PRESSE THÉÂTRE – FESTIVAL D’AUTOMNE À PARIS 2015 – PAGE 12
ENTRETIEN
DARIA DEFLORIAN ET ANTONIO TAGLIARINI

Qu’est-ce qui unit vos deux pièces : Reality et Ce ne an-      quotidien, sur scène nous privilégions une certaine sé-
diamo per non darvi altre preoccupazioni ?                     cheresse dans la façon de parler. Nos affinités nous ont
Daria Deflorian et Antoni Tagliarni : Les questions po-        aidées à nous reconnaitre mutuellement sans entamer
sées par les deux pièces ont été très proches. Comment         nos individualités respectives.
être en scène ici et maintenant, avec le spectateur, et en
même temps agir dans l’espace indispensable de l’abs-          Quelle est la part de chacun dans le choix des textes ou
traction, de l’imagination, en somme – ailleurs? Com-          des arguments ? Dans la mise en scène ?
ment être fortement personnels tout en rejetant                Daria Deflorian et Antoni Tagliarni : La tension entre la
l’autobiographie dans le sens strict du terme? Comment         dimension plus abstraite et liée à la danse (Antonio Ta-
satisfaire notre conviction dans les vertus de l’enquête       gliarini) et celle plus littéraire qui émerge de la recherche
et en même temps ambitionner non pas un travail frag-          biographique et auto-biographique (Daria Deflorian) vi-
mentaire, mais une œuvre ? Les deux pièces manifestent         vifie le travail, mais il ne s’agit jamais de domaines sépa-
notre curiosité, voire notre sympathie, envers des figures     rés. Chacun de nous se mesure constamment à la totalité
marginales, vulnérables, mais, pour nous, extraordi-           du projet. De longues discussions précèdent des choix
naires. Quoique profondément différentes, Janina Turek         communs. Et à la fin, si on entreprend quelque chose
dans Reality et les quatre retraitées imaginées par l’écri-    c’est que chacun est convaincu de sa nécessité. Nous uti-
vain grec Petros Markaris dans Ce ne andiamo… repré-           lisons un instrument que nous appelons “restitution” :
sentent une humanité qui échappe à la mémoire                  il s’agit de répéter ce que l’autre a inventé, de l’habiter
collective, à l’Histoire majuscule.                            de sa propre sensibilité tout en respectant la “partition”
                                                               physique et les mots choisis. Cet exercice nous permet
Qu’est-ce qui différencie les deux pièces ?                    d’être moins attachés à ce qui serait “mien” ou “tien”.
Daria Deflorian et Antoni Tagliarni : Avant tout le fait       Pendant les périodes de répétitions, chacun de nous, à
que, pour la première fois, dans Ce ne andiamo…, nous          tour de rôle, sort. C’est le moment où les différences
avons partagé le travail de création avec deux autres per-     s’amenuisent. Le montage du spectacle, habituellement,
formeurs, Monica Piseddu et Valentino Villa. Ca n’a pas        arrive seulement à la fin du parcours. Et il ne s’agit pas
été simple au commencement, car notre façon de travail-        d’assembler les matériaux qu’on a recueillis, mais d’une
ler ne prévoit ni de longs projets ni une écriture qui pré-    invention tout à fait nouvelle, autonome, par laquelle
cède les répétitions. Une symétrie a été rompue et une         commence le véritable travail pour le spectateur. C’est
autre l’a remplacée. Une autre différence entre Reality et     un moment extrêmement délicat où il faut décider soit
Ce andiamo… est de l’ordre du regard envers l’objet. Dans      de changer soit de maintenir ses propres choix. Il nous
le cas de Reality, le théâtre était appelé à respecter un      est arrivé – avec Reality – de tout recommencer peu de
pacte avec la rigueur et le secret des vicissitudes vérita-    jours avant la première.
bles de Janina Turek. Alors que dans Ce ne andiamo… il
s’agissait avant tout de respecter l’image du départ, celle    Y-a-t-il une part “féminine” et une part “masculine” dans
du suicide des quatre retraitées grecques, mais sans           votre dramaturgie ?
adhérer pleinement à leur choix. On devait “croire” à          Daria Deflorian et Antoni Tagliarni : On a envie de re-
cette image, mais sans épouser le suicide en tant que          pondre non. Quand l’un sent plus d’attrait pour la sur-
choix idéologique. Ce qui nous a reporté à Albert Camus        face des faits alors que l’autre veut plonger dans le
et à son interrogation: existe-t-il un suicide altruiste? On   questionnement, nous disons que cela a un rapport avec
a peut-être découvert qu’il y a différentes façons de dire     le masculin et le féminin. Mais il y a une profondeur
“non”.                                                         même dans le regard de surface, et la plongée dans “l’in-
                                                               térieur” n’exclut jamais les plis contradictoires du visible.
Qu’est-ce qui, dans vos parcours individuels précédents,       Certes, dans Reality et dans Ce ne andiamo… les figures
vous a conduits à vous rencontrer pour faire œuvres com-       sont féminines. Mais ça n’a jamais posé de problème
munes ?                                                        d’invention ni d’interprétation.
Daria Deflorian et Antoni Tagliarni : Nous nous sommes
connus en travaillant sur Attemps on her life, de Martin       A quel moment estimez-vous une pièce finie ?
Crimp, mise en scène par Fabrizio Arcuri. Nous alter-          Daria Deflorian et Antoni Tagliarni : Il n’y a pas de règle
nions alors périodes de solitude créative et collaboration     fixée. Nous ne nous arrêtons que quand le matériau est
à des projets réalisés par d’autres. Cela nous a permis de     tout à fait stabilisé, quand on arrive à une image qui ne
nous rencontrer avec l’attention et la patience requises.      peut être modifiée ultérieurement. Cela signifie, à nos
On n’a pas pensé tout de suite à une création commune,         yeux, que cette image est vraie. Le public joue un rôle,
mais au plaisir de travailler ensemble. Le premier senti-      ses “retours” sont importants. Mais notre état intérieur
ment a été l’amitié, la curiosité envers l’autre, l’amuse-     demeure le baromètre le plus sincère. Le consensus ne
ment. Il y avait notre commun amour pour Pina Bausch,          suffit pas, il nous faut la conscience que, même avec ses
à laquelle est dédiée notre première création Rewind.          limites, ses défauts ou ses excès, la “question” a cette
Hommage à Café Muller. Si nous adorons bavarder au             forme-là. C’est alors que la perfection devient, comme

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dit le proverbe, ennemie du bien. Rien à ajouter, on s’ar-       Souhaitez-vous faire naître un sursaut chez les specta-
rête. Il faut avoir le courage de s’arrêter.                     teurs, les aider à dire “non !” avec vous ?
                                                                 Daria Deflorian et Antoni Tagliarni : L’espace scénique
Comment travaillez-vous l’”effet de distanciation” entre         finit avec le dernier rang des fauteuils des spectateurs.
le personnage éventuel et le spectateur bien sûr, mais           C’est à eux et avec eux que nous parlons. Surtout dans
aussi entre vous-mêmes et le personnage?                         Ce ne andiamo... La question de l’excès de positivité dont
Daria Deflorian et Antoni Tagliarni : Nous citerons              parle le philosophe Byung-Chul Han dans sa Société de
l’écrivain Lorenzo Pavolini, qui nous a ainsi décrits, dans      la fatigue est centrale dans le spectacle. Le frémissement
la revue Nuovi Argomenti : “Ce sont deux amis qui pren-          que nous avons éprouvé en nous rendant compte du
nent un fait et le font germer dans une série de perspec-        piège qui consiste à se soumettre au commandement
tives arbitraires (…) la nécessité de se dédoubler dans un       d’être à tout prix positif et d’accepter tout ce qui arrive
dialogue est pareille à la necessité pour une graine de          est, croyons-nous, celui qu’éprouve le public au cours du
fleurir. L’autre est une trappe. Quand l’obession méta-          spectacle. Mais on ne pouvait pas le théoriser. Il nous
physique du singulier amène à établir des relations et à         fallait avant tout le mettre en jeu.
faire pression sur l’autre s’ouvre un gouffre profond.”
C’est sûrement ce qui arrive avec Reality. Janina nous ap-       Quelle est la question de vos références finales aux
parait au-devant et au dedans de nous-mêmes par mo-              danses et théâtres orientaux (la danse à Bali dans Rea-
ments. On passe abruptement d’une description à la               lity, ou les montreurs de Bunraku dans Ce ne andiam…)?
troisième personne à une autre à la première personne.           Daria Deflorian et Antoni Tagliarni : C’est une question
Les deux formes se mélangent sans volonté de progres-            assez surprenante pour nous, car il s’agit d’une compa-
ser dans l’identification. On peut comparer tout cela au         raison à laquelle nous n’avons jamais pensé. Il est vrai
rapport entre deux personnes qui, à force de se fréquen-         que pas mal de connexions, plus ou moins souterraines,
ter assidûment, finissent par se ressembler, reprenant les       nous lient à la culture du théâtre oriental. Des lectures,
mots, les inflexions de l’autre. Dans le cas des retraitées      avant tout, mais aussi des rencontres avec des maîtres
grecques, c’était différent. On n’avait pas leurs données        de la danse butô, la passion pour certains cinéastes. Le
personnelles. Il a fallu les imaginer, les penser, les dessi-    principe de soustraction qui est à la base de notre travail,
ner au dedans et sur nous-mêmes. Même si notre his-              le choix de partir toujours d’un espace vide, représentent
toire n’est pas la leur.                                         d’autres éléments de contact avec l’Orient.

S’agit-il pour vous de contribuer sur le mode théâtre aux        Dans le renouveau de l’écriture dramaturgique en Italie,
témoignages sur la “misère du monde”(pour reprendre              vous reconnaissez-vous dans un courant particulier ou
le titre des enquêtes de Bourdieu)?                              dans une communauté particulière ?
Daria Deflorian et Antoni Tagliarni : Oui, sans doute. Il        Daria Deflorian et Antoni Tagliarni : Nous nous recon-
n’ y aurait aucun sens à s’entêter dans notre travail si on      naissons plus dans une communauté que dans un cou-
n’éspérait pas acquérir un peu de responsabilité face aux        rant. Nous travaillons avec d’autres artistes, nous
histoires qu’on raconte. Mais c’est une autre chose de           partageons des projets collectifs (c’est dans un de ces pro-
savoir s’il ne s’agit là que d’une illusion ou, pire, une pré-   jets, d’ailleurs, qu’est né le noyau de Ce ne andiamo…), et
tention.                                                         nous sommes partie prenante d’un espace de pensée et
                                                                 d’action, dont l’unité s’explique par le fait que pendant
Les comportements individuels hors-normes sont-                  longtemps il a été maintenu dans l’ombre du courant do-
ils les meilleurs révélateurs d’une société ou d’un sys-         minant le théâtre italien.
tème social ?
Daria Deflorian et Antoni Tagliarni : Il y a quelque chose                         Propos recueillis par Jean-Louis Perrier
dans le marginal, dans l’extravagant, dans l’anti-héroïque,
qui parait éclairer de plus vastes questions. Dans Survi-
vance des lucioles, Georges Didi-Huberman soutient que
dans l’intermittence de ces fragiles lumières qui volti-
gent dans le noir se manifeste une question apocalyp-
tique.
Y-a-t-il un monde humain qui risque l’éclipse face aux
puissants spots des stéréotypes sociaux, que Pasolini ap-
pelait “homologation” et Debord “societé du spectacle”?
Hommes-lucioles,paroles-lucioles,images-lucioles,
savoirs-lucioles, sont ils en danger? D’après Didi-Huber-
man, non, ils résistent. Les lucioles n’ont pas disparu.

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BIOGRAPHIES

DARIA DEFLORIAN                                               ANTONIO TAGLIARINI
Daria Deflorian est comédienne, auteur et metteur en          Né en 1965, Antonio Tagliarini est comédien, performeur,
scène de théâtre; ses dernières productions : Manovre         metteur en scène et chorégraphe. Il étudie à l’Emilia Ro-
di volo (2001) de Daniele Del Giudice en collaboration        magna Theatre School de 1996 à 1997 avec comme ensei-
avec Leonardo Filastò, Torpignattara (2004) de Pasolini,      gnants Marco Baliani, Marco Martinelli, Cesare Lievi,
Corpo a Corpo (2007) de Dorothy Porter en collaboration       Giorgio Barbero Corsetti, Renata Molinari, ainsi
avec Alessandra Cristiani, Bianco (2008), texte d’Azzurra     qu’au TEE (Teatro Stabile delle Marche) et au Polverigi
D’Agostino en collaboration avec ArgheTeatro.                 Theatre and Dance School en 1997. Il a également étudié
                                                              le théâtre et la danse avec Danio Manfredini, Thierry Sal-
Parmi ses projets comme actrice, on peut citer ses col-       mon, Raffaella Giordano, Giorgio Rossi, Damiano Da-
laborations avec entre autres Marcello Sambati, Fabrizio      miani. Il a travaillé comme danseur et comédien pour de
Crisafulli, Remondi et Caporossi, Mario Martone, Martha       nombreux metteurs en scène et chorégraphes comme
Clarke (New York), et l’Accademia degli Artefatti. Elle ob-   Miguel Pereira, Raffaella Giordano, Giorgio Rossi, Ales-
tient deux fois le Prix Ubu de la meilleure actrice. Elle a   sandro Certini...
également été assistante à la mise en scène pour Mario
Martone, Pippo Delbono et pour Eimuntas Nekrosius sur         Ses créations : Freezy (2003 /première Rialto sant’Ambro-
la pièce Anna Karenine.                                       gio), Temporary title: Untitled (2005 /première Enzimi
                                   www.dariadeflorian.it      Festival), A viagem (2005), APAP (2007), Show (2007 /pre-
                                                              mière Teatro India of Roma), Sites of Immagination
                                                              (2008), L’ottavo giorno (2008 /première Festival Esterni),
                                                              Point to Point (2009), Royal Dance (2009 /première La
                                                              Fundicion, Bilbao), Antonio e Miguel (2010 /première Cul-
                                                              turgest, Lisbonne) créé avec Miguel Pereira.
                                                                                                       www.theatrede-
                                                              lusine.ch

DARIA DEFLORIAN ET ANTONIO TAGLIARINI

Daria Deflorian et Antonio Tagliarini commencent en 2008 à travailler ensemble sur plusieurs créations dont ils
sont à la fois les auteurs et les interprètes. Provenant du monde de la performance, ils expérimentent d’autres
modes de production de la représentation et explorent des formes alternatives d’alliance entre la scène et le public.
Rewind, homage to Café Müller by Pina Bausch (Festival Short Theatre de Rome, Festival VIE de Modène, Festival
Automne Italien de Berlin), Blackbird, lecture scénique du texte de David Harrower (Festival Trend, Rome), From a
to d and back again librement inspiré de l’ouvrage From a to b d’Andy Warhol, Reality et rzeczy/cose (2012), et enfin
We decided to go because we don’t want to be a burden to you (2014) sont leurs dernières collaborations.

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