GROUPE DE TRAVAIL SUR LA DÉPÉNALISATION UNIVERSELLE DE L'HOMOSEXUALITÉ - ORIENTATION SEXUELLE ET IDENTITÉ DE GENRE À TRAVERS LE MONDE CLAIRE ...

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GROUPE DE TRAVAIL SUR LA DÉPÉNALISATION
                  UNIVERSELLE DE L’HOMOSEXUALITÉ

ORIENTATION SEXUELLE ET IDENTITÉ DE GENRE
          À TRAVERS LE MONDE

                       PAR

  CLAIRE CALLEJON / DOCTEUR EN DROIT, CHERCHEUR

                  novembre 2012
ORIENTATION SEXUELLE ET IDENTITE DE GENRE A TRAVERS LE MONDE / Claire CALLEJON / novembre 2012

ORIENTATION SEXUELLE ET IDENTITE DE GENRE A TRAVERS LE
MONDE

Par Claire CALLEJON / Docteur en droit, chercheur

En 2008, le ministre (français) des Affaires étrangères a demandé à l’ensemble de ses
ambassadeurs de faire le point sur la situation des droits des personnes LGBT dans leurs pays
respectifs. Plus de 111 ambassadeurs français ont répondu par télégramme diplomatique
(ces documents sont réservés à une diffusion restreinte mais nous avons pu les consulter).
Chaque document, qui compte de 1 à 4 pages, offre une vision en temps réel de l’état de la
question LGBT à travers le monde. Au‐delà des données, inégales dans leur valeur, mais
inestimables en tant que compilation d’ensemble, c’est sans doute la première fois dans
l’histoire que la question LGBT fait l’objet d’un état des lieux aussi précis par des diplomates
occidentaux. Des ONG, bien sûr, comme Human Rights Watch ou l’ILGA, avaient déjà
proposé des synthèses basées sur les témoignages de leurs militants, mais il s’agit cette fois
d’un document officiel, émanant d’un gouvernement, établi à partir des données recueillies
sur le terrain par des diplomates professionnels. Une chercheuse, Mme Claire Callejon, a été,
depuis, chargée d’exploiter l’ensemble de ces documents et d’en faire une synthèse. Celle‐ci
est publiée ici pour la première fois, accompagnée de deux tableaux géographique et
thématique. Frédéric Martel

La présente analyse répond à une demande visant à soutenir la démarche de la France
concernant une déclaration relative à l’orientation sexuelle et l’identité de genre lors de la
63ème session de l’Assemblée générale de l’ONU (décembre 2008). Cette initiative s’inscrit
plus largement dans les efforts de la France sur ce thème, annoncé comme étant l’une des
priorités de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (du 1er juillet au 31
décembre 2008). L’étude a pour fondement les télégrammes reçus concernant 111 pays au

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IRIS – Groupe de travail sur la dépénalisation universelle de l’homosexualité
ORIENTATION SEXUELLE ET IDENTITE DE GENRE A TRAVERS LE MONDE / Claire CALLEJON / novembre 2012

total, étant précisé que tous les pays mentionnés dans les télégrammes de référence
envoyés aux missions n’ont pas fait l’objet d’un télégramme en retour. Il convient par
conséquent de souligner et de prendre en compte son caractère non exhaustif. Pour une vue
d’ensemble des informations recueillies, le lecteur est prié de bien vouloir se reporter aux
tableaux joints en annexe1.

Il s’agit par conséquent d’observer comment la problématique de l’orientation sexuelle et de
l’identité de genre est appréhendée à travers le monde, c’est‐à‐dire de présenter les
éléments d’information recensés concernant l’état de la législation, de la jurisprudence et
des pratiques en matière de droits des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et
transgenres (ci‐après dénommées personnes LGBT ou minorités sexuelles).

Les données reçues concernent principalement l’homosexualité. L’identité de genre apparaît
en effet comme une question distincte qui n’est que rarement évoquée.

La présente analyse reprend les deux subdivisions principales des télégrammes reçus, qui
sont également reproduites dans les tableaux joints, c’est‐à‐dire les aspects juridiques d’une
part (I) et les aspects sociaux, culturels, politiques et religieux d’autre part (II). Elle est
conçue comme devant préciser la lecture des tableaux qui, comme tout exercice de
catégorisation, n’autorise que peu de nuances.

1
 Le premier tableau représente les données obtenues d’un point de vue géographique, tandis que le second les présente
sur un plan thématique.

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ORIENTATION SEXUELLE ET IDENTITE DE GENRE A TRAVERS LE MONDE / Claire CALLEJON / novembre 2012

I. ASPECTS JURIDIQUES

La législation des pays concernés (§1) doit être distinguée de la pratique (§2), dans la mesure
où ces deux indicateurs sont susceptibles de recouvrir des contrastes importants dans un
même pays donné.

       §1. Législation

Les informations recueillies concernant la législation font apparaître des avancées
significatives dans certaines régions du monde (A), qui pour autant ne sauraient occulter des
résistances persistantes et des tendances régressives sous d’autres latitudes (B).

       A) Des progrès apparents

La dépénalisation de l’homosexualité et l’affirmation de l’égalité des droits avec les couples
hétérosexuels (1) n’est pas une fin en soi. La protection effective des droits des minorités
sexuelles implique la poursuite d’efforts spécifiques en ce sens (2).

       1. De la dépénalisation à l’égalité des droits

Les premières avancées législatives notables concernent naturellement la dépénalisation de
l’homosexualité. A cet égard, on observe le rôle encourageant joué par les institutions
européennes. Plusieurs pays européens ont ainsi dépénalisé l’homosexualité dans la
perspective de l’intégration aux organisations politiques européennes, qu’il s’agisse de
l’Union européenne ou du Conseil de l’Europe2. Ce rôle d’incitation à des progrès législatifs
se retrouve à un stade ultérieur dans certains pays qui, ayant déjà dépénalisé
l’homosexualité, ont été encouragés à assurer une meilleure garantie des droits par
adaptation aux standards européens3. La Biélorussie a pour sa part repris le code pénal
soviétique qui avait aboli en 1990 le délit d’homosexualité. Au nombre des autres pays ayant

2
    Il s’agit des pays suivants : Albanie (1995), Azerbaïdjan (2000), Roumanie (2002), Russie (1993) et Saint‐Marin (2004).
3
    C’est notamment le cas de la Bulgarie et de la Pologne.

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dépénalisé l’homosexualité figurent l’Australie (1994), la Chine (1997), la Hongrie (1996), le
Liechtenstein (2001) et le Nicaragua (2007).

Au‐delà de la dépénalisation de l’homosexualité, des progrès apparaissent également en
termes de garantie des droits des minorités sexuelles. Plusieurs indicateurs de
reconnaissance légale sont ici pris en compte. Tout d’abord, s’agissant des couples
homosexuels, le droit à un partenariat civil, voire le droit au mariage pour les législations les
plus progressistes. On observe l’adoption récente de législations visant à reconnaître l’union
civile de couples homosexuels4. Plusieurs pays prévoient même un mariage homosexuel
équivalent au mariage des couples hétérosexuels5. Enfin, ultime reconnaissance légale de
l’égalité des couples homosexuels et des couples hétérosexuels, plusieurs pays autorisent
l’adoption conjointe d’enfants par des parents homosexuels, dans les mêmes conditions que
pour les couples hétérosexuels6. L’Irlande pour sa part a établi des mécanismes de soutien
financier et de pension alimentaire après la séparation pour les couples reconnus en
cohabitation effective, même s’ils ne concluent pas de partenariat civil.

Des avancées ont donc lieu sur le plan juridique, visant à reconnaître les couples
homosexuels comme une cellule familiale au même titre que les couples hétérosexuels.
Dans le même sens, de rares pays prévoient même une assistance à la fécondation pour les
couples lesbiens7. S’agissant du droit à la famille, il importe de noter l’écart entre le nombre
de pays qui prévoient l’union civile ou le mariage pour les couples homosexuels (13) et le
faible nombre de pays qui leur reconnaissent le droit à l’adoption (5 seulement).
L’examen en cours de plusieurs projets de loi en matière de partenariat civil8, de mariage9 et
d’adoption10 constitue un autre signe encourageant qui augure de nouvelles avancées
législatives dans ce domaine.

4
   Sont concernés les pays suivants : Andorre, Australie, Danemark, Hongrie, Irlande, Liechtenstein, Mexique (dans deux
Etats fédérés), Royaume‐Uni, Suède, Uruguay.
5
  Israël et Norvège. A noter le cas particulier aux Etats‐Unis de l’Etat de Californie, en attendant toutefois une consultation
référendaire prochaine qui pourrait introduire un amendement à la Constitution de l’Etat pour limiter le mariage à la seule
union entre un homme et une femme.
6
  Andorre, Israël, Norvège, Royaume‐Uni, Suède.
7
  Norvège, Suède.
8
  Autriche, Costa Rica, Grèce.
9
  Portugal (dispositions relatives au mariage contradictoires mais la loi reconnaît les unions de fait de personnes vivant en
couple depuis plus de 2 ans sans distinction), Suède (projet de « mariage neutre »), Venezuela (projet de légalisation du
mariage homosexuel toujours pas adopté depuis 1998).
10
   Uruguay.

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En outre, on observe des progrès vers l’égalité des droits avec les couples hétérosexuels
dans d’autres domaines. Plusieurs pays prévoient ainsi l’égalité entre couples mariés dans
les domaines de la santé, de la fiscalité11, l’interdiction de la discrimination fondée sur
l’orientation sexuelle à l’emploi12, sur le lieu de travail13, mais aussi plus généralement en
matière de biens et services14.

Concernant les personnes transsexuelles ensuite, un indicateur de reconnaissance légale est
le droit au changement de sexe et d’identité. D’après les informations recueillies, cinq pays
seulement autorisent le changement de sexe15.

Outre la dépénalisation, puis la reconnaissance légale des minorités sexuelles, il apparaît
nécessaire de renforcer la protection juridique des droits des personnes LGBT.

     2. Des efforts à poursuivre

La lecture des informations reçues invite à opérer une distinction évidente entre la question
de la légalité des pratiques LGBT et celle de la garantie effective des droits des personnes
concernées. La légalité des pratiques n’est en effet pas une fin en soi et les droits ne sont pas
effectifs si des mécanismes de garantie ne sont pas établis à cet effet.

Il apparaît en effet que dans un nombre significatif de pays (13 au total)16, si l’homosexualité
n’est pas pénalisée, sa légalité résulte non pas d’une législation spécifique mais d’un vide
juridique. En d’autres termes, la légalité de l’homosexualité doit être déduite du silence de la
loi, de l’absence de législation en la matière. Or, si le principe de l’interdiction de toute

11
   Australie.
12
   Géorgie, Israël, Pologne.
13
   Suède.
14
   Royaume‐Uni.
15
   Corée du Sud, Cuba, Iran, Japon (pour les personnes souffrant de troubles de l’identité sexuelle) et Syrie.
16
    Angola, Burundi, Cambodge, Guinée équatoriale, Honduras, Japon, Jordanie, Mali, Maurice, Mongolie, Suriname,
Vanuatu, Vietnam.

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discrimination fondée sur l’orientation sexuelle n’est pas affirmé par la loi et en l’absence de
mécanismes de garantie effectifs, la protection des victimes demeure illusoire.
Les télégrammes reçus montrent que certains Etats ont mis en place de tels mécanismes de
garantie. La Suède a été le premier pays à créer un ombudsman chargé de lutter contre les
discriminations relatives à l’orientation sexuelle. D’autres pays ont depuis établi diverses
institutions17. Ces pays restent toutefois peu nombreux. Au‐delà du vide juridique, et même
si le principe d’interdiction des discriminations est affirmé par la loi, des efforts demeurent à
effectuer en termes de garantie effective des droits des personnes LGBT.

     B) Des obstacles persistants

La protection juridique des droits des minorités sexuelles se heurte à des obstacles
persistants. D’une part, des résistances sont opposées à des avancées juridiques et
l’homosexualité est encore pénalisée dans la majorité des pays étudiés (1). D’autre part, il
est inquiétant d’observer des tendances régressives (2).

     1. Des résistances constantes

     a) La pénalisation de l’homosexualité

Un nombre important de pays continuent de pénaliser l’homosexualité (48, soit près de la
moitié des pays pour lesquels nous disposons d’informations)18, que ce soit de manière
directe ou détournée19. En ce domaine encore, des nuances sont à observer. Les peines
prévues par les différents systèmes juridiques varient fortement d’un Etat à l’autre. En
premier lieu, certains Etats pénalisent directement l’homosexualité. Les peines prévues par

17
   Autriche (création d’un groupe de travail au sein du ministère de la justice pour lutter contre les discriminations envers
les homosexuels), Mexique (CONAPRED compétent pour protéger les personnes de toute forme de distinction ou
d’exclusion basée sur leurs préférences sexuelles), Royaume‐Uni (commission pour la promotion de l’égalité et des droits
de l’homme).
18
   Une précision s’impose concernant le cas particulier du Népal. Alors que la loi pénalise les « actes sexuels contre
nature », le Népal n’est pas considéré comme pénalisant l’homosexualité, même de manière indirecte en raison de
l’évolution jurisprudentielle récente en vertu de laquelle la Cour Suprême a estimé en 2007 que les minorités sexuelles
doivent pouvoir bénéficier de l’intégralité de leurs droits, sans discrimination, et demandé au Gouvernement d’amender les
textes discriminatoires.
19
   Sur la pénalisation de manière indirecte, c’est‐à‐dire sur d’autres fondements que l’homosexualité en tant que telle, voir
infra.

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les codes pénaux sont plus ou moins sévères, allant de quelques mois de prison à la peine
capitale. Dans le cadre de la présente analyse, les peines d’emprisonnement sont qualifiées
de plus ou moins sévères selon qu’elles sont de plus ou de moins de cinq années. Parmi les
pays qui pénalisent l’homosexualité et pour lesquels la durée maximale de la peine est
indiquée20, on observe ainsi que la majorité d’entre eux prévoient des peines sévères21. La
peine de mort est encore prévue dans cinq pays, qui appliquent tous la loi coranique22. Cette
peine est d’ailleurs appliquée de différentes manières (lapidation, décapitation ou
flagellation en Arabie Saoudite). Certains systèmes prévoient des châtiments corporels23 ou
d’autres peines spécifiques en application de la loi coranique24, ou encore l’envoi en camp
de travail25.

La loi coranique est en vigueur dans différents pays26, qu’elle soit la principale source de
droit, comme en Arabie Saoudite où le Coran est la Constitution du royaume, ou qu’elle
coexiste avec d’autres systèmes juridiques (comme le droit romano‐germanique en
Mauritanie).

Par ailleurs, certains Etats traitent l’homosexualité masculine et l’homosexualité féminine
différemment. Dans ces cas, les peines prévues concernant l’homosexualité féminine sont
plus faibles27. D’autres Etats ne mentionnent pas du tout ces pratiques. Ils condamnent
explicitement la sodomie, excluant de facto l’homosexualité féminine de l’interdiction28. A
contrario, le Sri Lanka et le Botswana ont étendu la pénalisation à l’homosexualité féminine
respectivement en 1995 et 1998. La perception de l’homosexualité masculine et féminine

20
   Les peines ne sont pas précisées concernant le Mozambique, la Namibie et le Népal.
21
   A l’exception de la peine capitale (voir infra). Ces pays sont les suivants : Antigua et Barbuda, Bahreïn, Barbade, Birmanie,
Dominique, Grenade, Sainte‐Lucie, Saint‐Christophe‐et‐Niévès, Saint‐Vincent‐et‐les‐Grenadines, Botswana (jusqu’à 7 ans),
Erythrée, Ethiopie, Inde, Irak, Kenya, Liban, Malaisie, Sri Lanka, Tanzanie, Zambie.
Les pays prévoyant des peines qualifiées de moins sévères sont les suivants : Algérie, Cameroun, Comores, Oman, Sénégal,
Singapour, Syrie, Togo, Tunisie.
22
   Afghanistan, Arabie Saoudite, Iran, Mauritanie, Soudan. La peine de morte est également appliquée dans la tribu Kikuyu
au Kenya.
23
   Bangladesh.
24
   Aux Maldives, la peine encourue pour les hommes est le bannissement pour plusieurs mois et des coups de fouet ; pour
les femmes, assignation à résidence pour plusieurs mois.
25
   Guinée‐Bissao.
26
   Afghanistan, Arabie Saoudite, Bangladesh, Irak, Iran, Malaisie, Maldives, Mauritanie, Soudan.
27
   C’est le cas notamment à Antigua et Barbuda, la Dominique, Saint‐Vincent‐et‐les‐Grenadines et en Iran où la peine de
mort est requise pour les femmes « seulement » en cas de deuxième récidive.
28
   Arabie Saoudite, Bahreïn, Bangladesh, Barbade, Palau.

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peut donc être différente selon les pays, ce qui se traduit sur le plan juridique par des peines
plus clémentes, voire une absence d’interdiction.

En second lieu, d’autres Etats (8 au total) pénalisent l’homosexualité de manière indirecte,
c’est‐à‐dire sur d’autres fondements que l’homosexualité en tant que telle. En règle
générale, il s’agit de l’atteinte à la pudeur ou aux bonnes mœurs29. L’homosexualité n’est
alors pas interdite en tant que telle, mais elle est susceptible d’être réprimée dans la mesure
où elle est considérée comme étant attentatoire à la pudeur ou aux bonnes mœurs.

       b) Les obstacles aux avancées

Des avancées législatives se heurtent également à l’opposition de certains groupes
conservateurs. Par exemple, à Maurice, le pouvoir a reculé devant les lobbys religieux dans
des tentatives de dépénaliser la sodomie ou de légiférer contre les discriminations fondées
sur l’orientation sexuelle. En outre, la mention expresse de l’orientation sexuelle a par
exemple été retirée de projets de textes relatifs à la lutte contre les discriminations. Au
Japon, un projet de loi a été soumis au Parlement sans succès en 2002, 2003 et 2005. Au
Timor Leste, la mention expresse a été retirée du projet de Constitution en raison de
l’opposition d’une large majorité de députés qui appréhendait les réactions populaires
(risque de conduite au « chaos social »). De même, des projets de législation relatifs à un
partenariat civil pour les couples homosexuels ont échoué en Italie et en Pologne, sous la
pression de certains groupes, notamment catholiques.

Dans les cas susmentionnés, on observe par conséquent une dichotomie entre les ailes les
plus progressistes des gouvernements qui cherchent à faire avancer la législation dans le
sens d’une reconnaissance légale des couples homosexuels et de la lutte contre les
discriminations et les groupes plus conservateurs, souvent religieux, qui y font obstacle soit
au Gouvernement, soit au Parlement. Les promoteurs de textes progressistes reculent ainsi
devant les conformistes qui se font l’écho d’une partie influente de l’opinion publique.

29
     Burkina Faso, République démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Egypte, Gabon, Jordanie, Malaisie (en pratique), Niger.

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       2. Des tendances régressives

Il est tout aussi alarmant de constater des tendances régressives dans divers pays. Ainsi,
alors que l’homosexualité a été dépénalisée en Russie en 1993, dans la perspective de
l’entrée au Conseil de l’Europe, plusieurs projets de loi relatifs à la repénalisation ont été
déposés ces dernières années. Au Sénégal, un projet de loi visant à durcir la pénalisation doit
être prochainement examiné. Aux Comores, l’instauration récente d’une police des mœurs
laisse craindre une évolution de la pratique dans le sens d’une répression accrue envers les
homosexuels. Un renforcement de la répression envers les homosexuels s’observe d’ores et
déjà depuis plusieurs années en Egypte, alors même que l’homosexualité n’est pas pénalisée
en tant que telle par la loi.

Ces divers exemples évoquent un retour en arrière tout à fait préoccupant. Même si les
projets mentionnés n’aboutissent pas, l’intention de faire reculer la législation et les
pratiques en matière d’homosexualité existe bel et bien.

Les informations relatives à la législation en vigueur dans les différents pays sont à
relativiser. Il convient en effet de prendre en compte la pratique, au‐delà des dispositions
applicables.

       §2. Pratique

D’après les renseignements recueillis, la majorité des pays (26 sur 48 qui pénalisent)
applique la législation de manière libérale, c’est‐à‐dire peu ou pas du tout, ce qui relativise la
portée de la pénalisation de l’homosexualité. C’est par exemple le cas des pays dans lesquels
la législation est héritée du régime précédent (souvent colonial) et n’a tout simplement
jamais été abrogée30. Les destinations touristiques semblent par ailleurs bénéficier d’une
ouverture croissante31. Les poursuites deviennent alors de plus en plus rares. On observe
également que dans les pays dans lesquels la législation est peu appliquée, les poursuites

30
     Guinée‐Bissao, Inde, Mozambique, Namibie.
31
     Antigua et Barbuda, Dominique, Grenade, Saint‐Christophe‐et‐Niévès, Sainte‐Lucie.

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concernent généralement des cas de violence, de mauvais traitements32, ou bien des affaires
qui impliquent un étranger33.

A l’inverse, les homosexuels qui vivent en Egypte subissent l’hypocrisie des autorités qui,
alors que l’homosexualité est légale, pénalisent ces comportements sur d’autres fondements
et ce de manière volontariste. Ce pays connaît en effet une recrudescence de la répression
envers les homosexuels depuis plusieurs années, en l’absence de pénalisation directe34.

Outre ce cas particulier, de manière générale, la majorité des pays qui ont une législation
répressive ne font pas une application stricte de la loi.

Pour autant, le pas vers la dépénalisation n’est pas facile à franchir, principalement en raison
des aspects sociaux, culturels et religieux qu’il importe de prendre en compte.

II. ASPECTS SOCIAUX, CULTURELS, POLITIQUES ET RELIGIEUX

L’approche juridique et notamment les phénomènes, évolutions ou status quo observés sur
ce plan ne peuvent être compris sans l’éclairage apporté par les indicateurs sociaux,
culturels, politiques et religieux. Ils sont en effet intimement liés, comme en témoigne
l’échec de certains projets de loi sous la pression de certains groupes influents.

Les éléments d’appréciation de la situation dans les pays sont divers. Certains attestent
d’une évolution des mœurs dans le sens d’une tolérance accrue des minorités sexuelles (§1).
D’autres en revanche confirment la lenteur de l’évolution des mentalités selon les pays (§2).
Au niveau politique, rares sont les Etats engagés sur ce thème sensible (§3).

32
   Côte d’Ivoire, Inde.
33
   Bahreïn, Tunisie.
34
   Concernant les autres Etats qui pénalisent indirectement, outre le Côte d’Ivoire où la législation n’est que rarement
appliquée, nous ne disposons pas d’informations concernant l’application de la législation en pratique.

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     §1. Les signes encourageants d’une évolution sociale

Nonobstant les réactions hostiles qu’elle provoque (B), des signes indiquent une certaine
évolution sociale par rapport aux minorités sexuelles dans plusieurs pays (A).

     A) L’acceptation progressive des minorités sexuelles

Les indicateurs retenus concernant l’évolution sociale et la tolérance à l’égard des personnes
LGBT, en fonction des renseignements recueillis, sont l’organisation d’une parade des
libertés, communément appelée gay pride et l’existence d’une société civile organisée.

Au cours des dernières années, plusieurs gay prides ont été organisées35, révélant une
évolution des mentalités. Le signe encourageant en la matière réside dans le fait que ces
manifestations ont lieu36 et qu’elles suscitent de moins en moins de réactions hostiles et
violentes, voire aucune37. Elles font donc l’objet d’une acceptation progressive de la part de
la population ou du moins la réprobation n’est plus exprimée avec violence. Dans le même
sens, en Corée du Sud, pour la première fois en 2007 la parade s’est déroulée dans le centre
de la capitale et non sur le campus universitaire.

Quant à la société civile, de plus en plus d’organisations voient le jour de par le monde38.
Elles sont plus ou moins actives et plus ou moins nombreuses selon les pays. Il n’en demeure
pas moins que d’un point de vue social et culturel, la société civile contribue à la prise de
conscience des problèmes auxquels se heurtent les personnes LGBT. Même si certaines
organisations rencontrent des difficultés39, le fait même qu’elles soient créées incline à

35
    Les télégrammes font état de parades organisées dans les pays suivants : Corée du Sud, Hongrie, Inde, Lettonie,
Roumanie, Russie, Serbie.
36
   La capitale indienne a connu sa première gay pride le 28 juin 2008 et cet événement s’est déroulé dans une ambiance
festive.
37
    En Roumanie, la gay pride s’est déroulée sans rixe cette année, à la différence de l’année dernière et en présence de
nombreux policiers. En Lettonie, même si la situation est toujours tendue, on observe quand même une évolution. Cette
année, même si l’événement a duré une demi‐heure seulement et que les contre‐manifestants étaient plus nombreux que
les manifestants, il a eu lieu pour la première fois sans incident.
38
   Botswana, Chine, Corée du Sud, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Géorgie, Hongrie, Israël, Italie, Liban, Liechtenstwin, Lituanie,
Mongolie, Mozambique, Paraguay, Pérou, Russie, Suède, Turquie, Uruguay, Zambie.
39
   Voir infra.

                                                                                                                     11
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ORIENTATION SEXUELLE ET IDENTITE DE GENRE A TRAVERS LE MONDE / Claire CALLEJON / novembre 2012

penser que les mentalités évoluent, surtout dans les grandes villes où l’ouverture d’esprit y
est plus large que dans les provinces40.

Les signes encourageants de l’évolution sociale (organisation de gay pride et existence d’une
société civile) doivent toutefois être nuancés.

     B) Les réactions hostiles à l’évolution sociale

Les gay prides ne se déroulent pas toujours dans le calme et, même si dans certains pays les
réactions sont moins hostiles qu’auparavant, ces évènements cristallisent encore les
tensions sociales en Europe de l’Est. En Serbie, après la tentative de 2001 qui a donné lieu à
de violents affrontements et à de nombreuses attaques de hooligans, aucune parade n’a été
organisée depuis. En Lettonie, même si c’est la première année que la gay pride
n’occasionne pas d’incident, les contre‐manifestants étaient plus nombreux que les
manifestants, lesquels n’ont pu défiler que pendant une demi‐heure. En Russie, la
manifestation, qui est interdite, provoque des incidents chaque année. Elle a en outre été
qualifiée de « propagande du péché » par Alexis II, ce qui est significatif du discours officiel
de l’Eglise orthodoxe à laquelle la majorité de la population accorde un rôle important de
dépositaire de la morale.

La société civile se heurte également à des résistances qui rendent l’exercice de ses activités
ardu, voire périlleux. Dans les pays où l’homosexualité est encore pénalisée, les
organisations non gouvernementales, lorsqu’elles existent, font généralement campagne en
faveur de la dépénalisation41. Nombreuses d’entre elles effectuent également un travail de
sensibilisation au VIH/SIDA. Les difficultés rencontrées par la société civile varient du
harcèlement des militants42 et la dissolution des associations43, au refus des autorités de les
enregistrer officiellement, ce qui ne leur permet alors pas de mener à bien leurs activités

40
   Mauritanie, Mongolie, Philippines, Russie, Vanuatu, Vietnam.
41
   Botswana.
42
   Chine, Turquie.
43
   Mongolie.

                                                                                                                     12
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(recherche de fonds, participation à des évènements publics)44 ou encore aux menaces
d’interdiction par la justice45.

Néanmoins, les réactions aux tests de tolérance sont le signe d’une évolution et de la
revendication croissante par les personnes concernées de leurs droits. En revanche, d’autres
signes montrent que l’intolérance envers les minorités sexuelles perdure dans certains pays.

     §2. Les indicateurs alarmants d’une intolérance persistante

En dépit de l’évolution observée dans le sens d’une tolérance accrue des personnes LGBT,
force est de constater que l’intolérance est toujours de mise et se manifeste encore sous
diverses formes (A). Le poids des conservatismes semble en être la raison principale (B).

     A) Les manifestations de l’intolérance

L’intolérance à l’égard des minorités sexuelles s’exprime encore par l’homophobie
ambiante46, les discriminations dont elles sont victimes47, notamment à l’embauche, voire
par la violence, à la fois physique et psychologique48. Force est de constater que
l’homophobie est ainsi encore largement répandue.

Les perceptions de l’homosexualité dans certains pays témoignent également de la lenteur
de l’évolution des mentalités. L’homosexualité est encore perçue dans certains pays comme
une maladie49 ou un danger venu de l’Occident50, voire les deux51.

44
   Botswana (l’organisme chargé de l’enregistrement a déclaré qu’il ne pouvait enregistrer une association susceptible de
favoriser la perpétration d’actes criminels), Côte d’Ivoire (refus du Ministère de l’Intérieur de délivrer le récépissé), Zambie
(le responsable du registre des associations a déclaré qu’il n’avait pas de temps à perdre à étudier un dossier concernant un
organisme « censé être d’ores et déjà illégal »).
45
   Turquie.
46
    Afghanistan, Cameroun, Erythrée, Géorgie, Guinée équatoriale, Honduras, Kenya, Mexique, Monténégro, Namibie,
Sénégal, Serbie, Venezuela, Zambie.
47
    Botswana, Guinée‐Bissao, Inde, Mongolie, Népal, Paraguay, Pérou, Russie, Sri Lanka, Suisse, Tanzanie, Turquie,
Venezuela.
48
   Albanie, Honduras et Irak (agressions physiques croissantes allant jusqu’à la mort), Lituanie, Mongolie, Népal, Russie,
Sainte‐Lucie, Sénégal, Turquie.
49
   Albanie, Arabie Saoudite, Mongolie, Syrie.
50
   Bahreïn, Biélorussie, Mali.
51
   Cameroun, Namibie.

                                                                                                                       13
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Enfin, autre signe indiquant l’intolérance ambiante dans certaines contrées, l’homosexualité
est parfois instrumentalisée à des fins politiques. Certains hommes politiques en
« accusent » alors d’autres d’être homosexuels afin de les discréditer dans la mesure où cela
est mal perçu par la société52.

     B) Les raisons apparentes

Le poids de la religion et des conservatismes représente à l’évidence le principal obstacle à
l’évolution des mentalités dans le sens d’une plus grande tolérance des minorités sexuelles.
Les autorités religieuses, toutes religions confondues (orthodoxe, catholique, Islam,
judaïsme) sont en effet très influentes dans de nombreux pays53. Le conservatisme et le
conformisme sont également dus à des modèles sociaux, à des traditions, des valeurs ou des
modèles familiaux qui sont perçus comme n’autorisant pas d’autre orientation sexuelle que
le modèle traditionnel54. Ces pratiques y sont perçues comme contraires aux traditions et à
la culture du pays.

Le sujet, probablement parce qu’il touche à la sexualité, est d’ailleurs encore mentionné
comme étant tabou dans de nombreux pays55.

     §3. Une problématique peu mobilisatrice

Sur le plan politique, il ressort des informations reçues que la question de la discrimination
des personnes LGBT en raison de leur orientation sexuelle ne figure pas au nombre des

52
   Albanie, Azerbaïdjan, Cuba.
53
   Algérie, Afghanistan, Antigua et Barbuda, Arabie Saoudite, Bahreïn, Bangladesh, Barbade, Botswana, Burkina Faso,
Erythrée, Ethiopie, Géorgie, Grèce, Grenade, Honduras, Hongrie, Irak, Iran, Israël, Italie, Jordanie, Kenya, Mali, Maurice,
Nicaragua, Oman, Paraguay, Pérou, Pologne, Roumanie, Russie, Saint‐Christophe‐et‐Niévès, Sainte‐Lucie, Sénégal, Soudan,
Timor Leste, Tunisie, Turquie, Venezuela, en Zambie.
54
   Société patriarcale en Albanie, Azerbaïdjan, sociétés marquées par le machisme en Bulgarie, au Honduras, en Italie, au
Monténégro, au Nicaragua, ou tout simplement conservatrices et traditionnelles, en Chine, au Congo, au Costa Rica, en
Côte d’Ivoire, en Guinée‐Bissao, en Lettonie, au Népal, au Niger, en République centrafricaine, au Sénégal, au Sri Lanka, en
Tanzanie, en Thaïlande, au Togo, au Vanuatu, au Vietnam.
55
   Angola, Botswana, Burundi, Côte d’Ivoire, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Géorgie, Iran, Jordanie, Kenya, Laos, Mali,
Mauritanie, Pérou, Sénégal, Syrie, Timor Leste, Tunisie.

                                                                                                                     14
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priorités sur l’agenda de plusieurs pays en matière de droits de l’homme56. Cette donnée est
ainsi à prendre en compte dans la mesure où elle est susceptible de constituer un obstacle à
toute action en la matière auprès des autorités concernées.

Concernant les positions estimées des différents pays, force est de constater que l’initiative
recueille une large majorité d’avis en sa défaveur. D’après les estimations fournies et alors
que la position de 19 Etats est incertaine57, 14 Etats seulement devraient accepter de
signer58, voire de co‐parrainer le texte de la déclaration, alors qu’il est probable que 46 Etats
ne soutiennent pas cette initiative59.

56
   C’est le cas des pays suivants : Azerbaïdjan, Burkina Faso, Chine, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Guinée‐Bissao, Italie,
Mozambique, Pologne.
57
   Albanie, Australie, Autriche, Azerbaïdjan, Chine, Congo, Corée du Sud, Cuba, Irlande, Japon, Maurice, Mozambique,
Paraguay, Pérou, République tchèque, Serbie, Suriname, Thaïlande, Venezuela.
58
   Andorre, Bulgarie, Danemark, Israël, Italie, Mexique, Monténégro, Norvège, Royaume‐Uni, Saint‐Marin, Suède, Suisse,
Ukraine, Uruguay.
59
   Algérie, Afghanistan, Antigua et Barbuda, Arabie Saoudite, Bahreïn, Bangladesh, Biélorussie, Botswana, Burkina Faso,
Cambodge, Cameroun, Comores, Côte d’Ivoire, Djibouti, Dominique, Egypte, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Géorgie, Grèce,
Grenade, Guinée‐Bissao, Honduras, Inde, Iran, Kenya, Lettonie, Lituanie, Madagascar, Maldives, Mali, Mauritanie,
Nicaragua, République centrafricaine, Russie, Saint‐Christophe‐et‐Niévès, Sainte‐Lucie, Sénégal, Singapour, Soudan, Sri
Lanka, Syrie, Tanzanie, Timor Leste, Togo, Turquie, Vanuatu, Zambie.

                                                                                                                     15
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CONCLUSION

La tendance générale qui se dégage est positive dans la mesure où il ressort des
informations recueillies que des avancées législatives et culturelles ont lieu, qu’il s’agisse de
la dépénalisation de l’homosexualité, de la reconnaissance juridique progressive de l’égalité
avec les couples hétérosexuels, de l’organisation de manifestations en faveur des minorités
sexuelles ou de la mobilisation de la société civile sur ces questions. Nonobstant les quelques
cas mentionnés tendant à la régression, l’évolution demeure globalement positive
concernant la façon dont est appréhendée la problématique de l’orientation sexuelle et de
l’identité de genre à travers le monde.

Sur un plan strictement juridique, comme le montre l’histogramme ci‐dessous, le constat qui
s’impose est celui de la diversité entre les Etats qui pénalisent encore l’homosexualité, ceux
qui garantissent effectivement les droits des minorités sexuelles où ceux dont la législation
ne prévoit pas de dispositions particulières. Un signe encourageant peut également être
perçu dans le fait que parmi les 48 Etats qui pénalisent encore l’homosexualité (que ce soit
de manière directe sur le fondement même de l’homosexualité, ou de manière indirecte sur
le fondement de l’atteinte aux mœurs ou à la pudeur notamment), 26 d’entre eux font une

                                                      Aspect s j uridiques

           60

           50

                              8
           40

           30

           20                40

                                                         26                                                27
           10
                                                                                       13

             0
                       Pénalisation           Application libérale de           Silence de la loi   Garantie effective
                                                la loi répressive

                       Pénalisation directe                      Pénalisation indirecte
                                                                                                                         16
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application libérale de la loi.

Pourtant, concernant les peines encourues plus précisément, les Etats qui pénalisent
prévoient en grande majorité des peines d’emprisonnement sévères (supérieures à 5
années) et dans cinq d’entre eux l’homosexualité est même passible de la peine de mort.
Lorsqu’elle est pénalisée, l’homosexualité est ainsi généralement considérée comme un
crime grave.

                                               Pe in e s e n cou r u e s

                                      3

                                                             9
                         5

                                                                                      Peine de prison 5 ans
                                                                                      Peine de Mort
                                                                                      Autres

                                          20

Par ailleurs, force est de constater que des sujets de préoccupation demeurent, notamment
concernant l’opposition à des avancées législatives qui mettent en lumière la dichotomie
entre législateur et société, ou encore les tendances régressives observées dans plusieurs
pays dans le sens d’un renforcement de la répression                                     envers les personnes LGBT
notamment.

Les obstacles à la reconnaissance juridique des minorités sexuelles et l’intolérance envers les
personnes concernées existent toujours. A l’évidence, le poids des conservatismes est
encore très important et représente une donnée essentielle de la problématique. Les

                                                                                                                       17
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dirigeants de certains pays se montrent en effet peu enclins à légiférer ou à prendre des
positions non soutenues par l’opinion publique.

D’une manière générale, il convient de prendre en compte la nature délicate de la
problématique de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre et le fait qu’elle ne
constitue pas une priorité sur l’agenda de plusieurs pays.

                                                                                                                     18
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                                                                   Annexe 1

                             ORIENTATION SEXUELLE ET IDENTITE DE GENRE PAR PAYS

                                 Aspects juridiques                                     Aspects sociaux, culturels et religieux
Albanie              Dépénalisation en 1995.                                   Société patriarcale. Aucune visibilité. Intolérance,
                     Pas de partenariat entre personnes de                     violence physique et psychologique, homosexualité
A priori             même sexe mais évolution possible sous                    considérée comme une maladie.
réticence mais       pression de l’UE (volonté d’intégration).                 Aucune gay pride.
ouverture                                                                      Instrumentalisation à des fins politiques.
possible en                                                                    Ambiguïté : existence relativement tolérée à condition
raison du souci                                                                de ne pas être évoquée, tolérance d’une certaine
de satisfaire aux                                                              forme d’homosexualité sous l’Empire Ottoman ou la
exigences de                                                                   dictature communiste.
l’UE
Progrès législatifs mais évolution sociale beaucoup plus lente que dans les autres pays de la région.
Algérie             Pénalisation, jusqu’à 2 ans de prison         Homosexualité largement répandue. Tolérance ou
                    Aucune poursuite, aucune condamnation hypocrisie.
Non                 ces dernières années.                         Evolution vers un certain conservatisme, religion de
                                                                  plus en plus prégnante.
Evolution actuelle vers conservatisme religieux peu favorable à des avancées.
Afghanistan         Pénalisation, peine de mort. La C° prévoit République islamique.
                    qu’ « aucune loi ne peut s’inscrire en Homophobie répandue, de même que l’homosexualité,
Non                 contradiction avec les principe de la sainte au moins masculine en raison de la ségrégation
                    religion de l’Islam ».                        homme/femmes.
Peine de mort, application de la Charia, homophobie répandue.
Andorre             Union      civile    pour    les    couples
                    homosexuels.
Oui pour signer     Adoption conjointe ouverte aux parents
                    du même sexe.
                    Le nouveau code pénal prévoit la
                    discrimination fondée sur l’OS comme un
                    délit spécifique.
                    Circonstances aggravantes lorsque les
                    LGBT sont victimes de coups et blessures.
Législation avancée, reconnaissance de la discrimination fondée sur l’OS comme un délit spécifique.
Angola              Aucune législation spécifique, ni pour Sujet tabou.
                    réprimer, ni pour protéger.
Vide juridique, sujet tabou.
Antigua et          Pénalisation de l’homosexualité.              Majorité de la population très religieuse et pratiquante.
Barbuda             Homosexualité masculine jusqu’à la prison Poursuites devenues assez rares, tolérance des
                    à vie si commise sur un mineur de ‐ 18 autorités en raison de l’ouverture aux nouvelles
Non                 ans.                                          technologies et du tourisme.
                    Homosexualité féminine jusqu’à 10 ans si Hostilité de la population mais évolution progressive
                    commise sur un mineur de ‐ 16 ans.            avec l’ouverture à l’international.
Droit rigoureux, pragmatisme de facto, évolution avec l’ouverture à l’international.

                                                                                                                            19
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Arabie Saoudite     Le Coran est la C° du royaume. Les Homosexualité associée à des comportements tels que
                    tribunaux appliquent strictement la l’adultère, la toxicomanie et l’alcoolisme dans la presse.
Non                 Chariah, la Sunna et un Code de
                    procédure pénale.
                    Homosexualité considérée comme un
                    crime qui peut être sanctionné par la
                    peine de mort. Rares condamnations.
                    Dernière exécution en janvier 2002.
                    Condamnations à la flagellation en août
                    2006.
Crime passible de la peine de mort, application stricte de la loi coranique.
Australie           Légalité de l’homosexualité depuis 1994. Signature des déclarations devant la Commission des
                    Modification des mesures discriminatoires DH.
Probable            des législations fédérales.                     Evolution politique favorable avec le gouvernement
                    Reconnaissance légale des couples travailliste.
                    homosexuels dans les Etats et territoires,
                    même si les deux principaux partis se
                    déclarent opposés au mariage de plein
                    droit.
Evolution positive importante du fait de l’alternance gouvernementale récente. Accélération des réformes prévisible.
Autriche            Projet de loi visant à légaliser les unions Signature de la déclaration norvégienne (UE).
                    homosexuelles. Création d’un institut Tradition de tolérance.
Incertain           indépendant sur l’union homosexuelle
                    dans lequel sont représentés deux
                    courants tendant à promouvoir l’égalité
                    de droits et devoirs et la reconnaissance
                    des même droits que pour les unions
                    classiques.
UE, projet de loi sur l’union homosexuelle en cours d’examen.
Azerbaïdjan         Dépénalisation       de     l’homosexualité Société conservatrice et conformiste, préjugés.
                    masculine en 2000 (influence Conseil de Discrétion des homosexuels.
A priori            l’Europe). Silence quant à l’homosexualité Image des transsexuels associée à la prostitution.
réticence mais      féminine.                                       Quelques dérives dans les forces de l’ordre.
ouverture           Pas de législation pour protéger ou Quelques cas d’instrumentalisation par le pouvoir pour
possible en         garantir les droits des homosexuels.            discréditer les opposants.
raison du souci                                                     Pas une priorité du gouvernement.
de satisfaire aux
exigences de
l’UE
Progrès législatifs mais société conservatrice et conformiste.
Bahreïn             L° héritée du code indien (ancien Tolérance générale, non‐dit, discrétion tant que
                    protectorat britannique).                       l’homosexualité se cantonne à la sphère privée.
Non                 Code pénal condamne la sodomie En public, homosexualité condamnée au nom de la
                    (exclusion de l’homosexualité féminine de religion en tant que pratique importée de l’étranger.
                    la répression de facto).                        Question abordée lors de l’EPU.
                    En pratique, aucune condamnation contre
                    un national, seulement contre étrangers
                    pour homosexualité à caractère public
                    et/ou commercial.
Tolérance généralisée vis‐à‐vis de pratiques devant rester discrètes. Aucune avancée publique ou législative à attendre.
Bangladesh          Pénalisation        de      l’homosexualité Homosexualité non reconnue.
                    masculine.                                      Pays musulman traditionaliste, culture bengalie.
Non                 Application de la Charia et châtiments Tolérance des transsexuels en vertu des coutumes
                    corporels                                       hindoues et du mysticisme musulman mais non
                                                                    acceptés par la société moderne.
Criminalisation de l’homosexualité masculine, mentalité conservatrice de la population.

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       IRIS – Groupe de travail sur la dépénalisation universelle de l’homosexualité
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