Guide d'introduction pour les ONG - COMPRENDRE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT

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Guide d'introduction pour les ONG - COMPRENDRE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT
COMPRENDRE LA BANQUE AFRICAINE DE
      DÉVELOPPEMENT :
 Guide d’introduction pour les ONG

                              Mai 2007
Guide d'introduction pour les ONG - COMPRENDRE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT
À propos de Comprendre la Banque africaine de développement : Guide
d’introduction pour les ONG
Le présent Guide d’introduction a pour objectif de présenter des notions élémentaires (des
informations de base) sur : 1) le mode de fonctionnement et les priorités de la Banque africaine
de développement (BAD); 2) qui contrôle les activités de la BAD; 3) pourquoi la BAD devrait
retenir l’attention des organismes de la société civile africaine; et 4) ce que peut faire la
population pour en savoir plus et influencer les projets et les politiques de la BAD qui la
concernent. Les termes clés ou complexes sont en caractères gras dans le texte et le lecteur en
trouvera la définition dans le Glossaire à la fin du Guide d’introduction.

Le Guide d’introduction a été rédigé par Shannon Lawrence en janvier 2007 et révisé et conçu
par Nikki Reisch, directrice du programme Afrique du Bank Information Center, avec le
concours de Joshua Klemm, adjoint du programme Afrique. La traduction du Guide en
français a été réalisée par Anne-Marie Lavoie.

À propos du Bank Information Center
Le Bank Information Center (BIC) travaille en partenariat avec la société civile dans les pays en
développement et en transition afin d’influencer la Banque mondiale et d'autres institutions
financières internationales (IFI) en faveur de la justice sociale et économique et de la durabilité
écologique. Le BIC est une organisation non gouvernementale indépendante, sans but lucratif,
qui préconise la protection des droits, la participation, la transparence et la responsabilité dans
la gouvernance et les opérations des IFI.

Le BIC bénéficie de l’appui de fondations et d’organismes privés qui œuvrent dans les domaines
de l'environnement et du développement. Le BIC est situé à Washington, D.C, près des sièges
sociaux de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), mais n’est ni affilié
à, ni financé par, une IFI ou le gouvernement des États-Unis.

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Guide d'introduction pour les ONG - COMPRENDRE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT
COMPRENDRE LA BANQUE AFRICAINE DE
        DÉVELOPPEMENT :
     Guide d’introduction pour les ONG
                                                   Contenu
                                                   ƒ   Introduction
                                                   ƒ   Qu’est-ce que la
                                                       Banque africaine de
                                                       développement ?
                                                   ƒ   Pourquoi se soucier
                                                       de la BAD ?
                                                   ƒ   Pourquoi la BAD a-
                                                       t-elle suscité si peu
                                                       d'attention ?
                                                   ƒ   Qu'est-ce qui a
                                                       changé ?
                                                   ƒ   Comment la BAD
                                                       est-elle structurée ?
Introduction                                       ƒ   Quand la BAD a-t-
                                                       elle été créée?
Chaque année, on dépense des milliards de          ƒ   Qui contrôle la
dollars pour des projets de développement sur          BAD ?
le continent africain. Trop souvent, hélas, ces    ƒ   Quelles sont les
programmes d’aide ne profitent pas à la                principales
population pour laquelle ils ont été conçus. Le        tendances dans les
manque de participation citoyenne et le                opérations de la
                                                       BAD ?
déséquilibre des pouvoirs dans la prise de
                                                   ƒ   Que pouvez-vous
décisions au sujet du développement parfois
                                                       faire pour
aboutissent à des projets et à des politiques          influencer la BAD ?
qui sont néfastes pour les communautés et          ƒ   Conclusion
l'environnement, gaspillent les deniers publics    ƒ   Glossaire
ou servent les intérêts des élites politiques et   ƒ   Annexe I : Fiche
économiques plutôt que ceux des pauvres.               technique sur la
                                                       BAD
                                                   ƒ   Annexe II : Entrer
Après avoir suivi pendant 20 ans le                    en contact avec la
financement du développement, le Bank                  BAD

                                                                               1
Guide d'introduction pour les ONG - COMPRENDRE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT
Information Center (BIC) estime que la surveillance indépendante et la
pression du public jouent un rôle essentiel pour réduire l'écart entre le
discours du développement et la réalité. Nous espérons que l'information
présentée dans Comprendre la Banque africaine de développement : Guide
d’introduction pour les ONG soutiendra les efforts des organismes de la
société civile en Afrique et à l'étranger pour promouvoir et défendre les
droits humains et protéger la planète contre des initiatives de
développement néfastes.

La Banque africaine de développement (BAD) est une importante
institution de développement en Afrique et joue un rôle clé dans l’appui
aux projets d'infrastructure sur le continent. En dépit de sa longue
histoire, la BAD demeure méconnue par la plupart des groupes de la
société civile et organisations non gouvernementales (ONG) africains. Le
BIC a réalisé ce Guide d’introduction afin d’aider les organisations de la
société civile en Afrique et à l'étranger à mieux comprendre ce qu'est la
BAD, comment l’institution peut les toucher et ce qu'elles peuvent faire
pour l'influencer.

De nombreux lecteurs peuvent être familiarisés avec la Banque mondiale
et les enjeux concernant l’incidence sociale, environnementale et
économique des projets et des politiques de la Banque mondiale. 1 La
BAD est de taille beaucoup plus modeste que la Banque mondiale et a
suscité beaucoup moins d'attention jusqu'ici. Mais tout comme la
Banque mondiale, la BAD fournit également de l'argent au gouvernement
– et parfois à l’entreprise privée – en appui à des projets et à des
réformes aux politiques dans les pays en développement. Cependant, la
BAD travaille uniquement en Afrique, alors que la Banque mondiale
travaille dans les pays en développement autour du monde.

La BAD et la Banque mondiale partagent le même mandat officiel : venir
en aide aux pauvres et promouvoir le développement durable. Or, les
deux institutions ont été remises en question tant par les gouvernements
que par les organisations de la société civile, qui se demandent si les
activités de la Banque mondiale et de la BAD contribuent véritablement à
ces objectifs avoués.

1   Pour obtenir plus d'informations sur la Banque mondiale, visitez www.bicusa.org/wb.
2
Guide d'introduction pour les ONG - COMPRENDRE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT
Si la BAD doit remplir son mandat de développement durable, elle doit
mieux respecter ses propres politiques, permettre aux communautés de
participer à l’élaboration de leurs propres programmes de développement
et offrir aux populations qui s’estiment lésées par des activités de la BAD
des mécanismes de recours efficaces.

En collaboration avec des communautés et des particuliers touchés par
des initiatives de développement, des ONG de partout dans le monde ont
tenté de surveiller et d’influencer la Banque mondiale et d'autres
banques de développement. Leurs efforts ont entraîné des changements
au sein de ces institutions, certains véritables et d’autres superficiels.
Des campagnes de la société civile ont également fait avancer les
discussions internationales au sujet des normes environnementales et
sociales, le respect des droits humains, l’annulation de la dette et la
conditionnalité des politiques économiques. Grâce à l'information
contenue dans ce Guide d’introduction, le lecteur sera en mesure de
prendre une décision plus éclairée en ce qui concerne le bien-fondé de la
poursuite d’activités similaires au sujet de la BAD, le meilleur moment et
le meilleur moyen.

Qu’est-ce que la Banque africaine de développement ?
La Banque africaine de développement (BAD) est une banque de
développement publique qui prête de l'argent et accorde des
subventions aux gouvernements africains. Elle offre également des prêts
et d’autres formes d’appui aux entreprises privées qui investissent en
Afrique. La Banque africaine de développement est une banque
« publique » parce qu'elle est détenue et dirigée par ses pays membres.
En outre, la BAD compte sur les contributions financières des
gouvernements membres pour accorder des prêts et des subventions aux
pays africains. Comme dans le cas de la Banque mondiale, les membres
de la BAD se composent à la fois de pays qui lui empruntent de l'argent
(pays emprunteurs) et de pays qui versent une contribution financière
(pays bailleurs de fonds).

Les prêts, les subventions, l'assistance technique, les garanties et les
investissements de la BAD appuient des projets dans le domaine de
l'agriculture, de la santé, de l'éducation, de l'eau, de l’énergie, du
                                                                           3
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transport, des finances et d'autres secteurs. La BAD accorde également
des prêts aux gouvernements pour la mise en œuvre de changements
aux politiques économiques (tels que des révisions des lois ou des
règlements) et l’aide au financement des budgets d’État. En 2006, la BAD
a prêté un total de 3,4 milliards de dollars américains à cette fin.

La Banque africaine de développement est censée financer des activités
qui contribuent à réduire la pauvreté et à promouvoir le développement
durable. Toutefois, les projets qu'elle soutient et les politiques qu’elle met
de l’avant peuvent, dans les faits, avoir l'effet contraire.

Pourquoi se soucier de la BAD ?
Bien que la BAD ne soit pas très bien connue, elle peut jouer un rôle
influent dans votre pays ou avoir le potentiel pour ce faire à l'avenir. De
manière plus générale, comme la BAD est une institution publique
agissant au nom des pauvres, vous trouverez peut-être intéressant de
savoir comment elle procède pour atteindre ses objectifs avoués. Voici
quelques raisons pour lesquelles la BAD peut vous intéresser ou être
source de préoccupation.

1. Les activités de la BAD peuvent avoir des incidences sur vous,
votre communauté ou vos intérêts.
LA BAD peut vous toucher d'une manière évidente, comme en finançant
la construction d'une route, d’un barrage ou d’un projet minier qui vous
oblige à déménager ou à perdre votre terre. Elle peut également avoir une
incidence plus indirecte sur vos intérêts, par l’intermédiaire de prêts en
appui au budget ou aux réformes de politiques. La BAD peut fournir des
fonds à votre gouvernement afin de contribuer au financement du budget
national ou de favoriser des changements précis au système de santé ou
de distribution de l’eau de votre pays, par exemple.

La BAD, souvent en étroite collaboration avec la Banque mondiale,
prodigue des conseils et aide à élaborer les politiques économiques des
gouvernements africains par ses prêts et subventions. Comme la Banque
mondiale, la BAD a favorisé la libéralisation du commerce et des

4
Guide d'introduction pour les ONG - COMPRENDRE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT
investissements et la privatisation des sociétés d’État – des réformes
qui peuvent avoir d’importantes conséquences sociales et
environnementales. La BAD appuie également des entreprises privées
afin de promouvoir l'investissement en Afrique. Les projets financés par
la BAD – notamment dans des secteurs comme la grande infrastructure
et les industries extractives – ont souvent des incidences sur les
communautés locales et l'environnement. Les prêts de la BAD
contribuent également au fardeau de l’endettement des pays africains,
car l'argent emprunté aujourd'hui doit être remboursé par les
générations futures.

2. La BAD pourrait devenir un acteur plus important dans un avenir
rapproché, en particulier dans les secteurs à forte incidence.
La BAD consacre déjà un pourcentage substantiel de son financement
aux projets d'infrastructure, ce qui peut poser des risques pour les
communautés et l'environnement. Bien qu’elle en soit encore à définir
son orientation future, la BAD intensifie son appui aux grands projets
d'infrastructure et à l’extraction des ressources naturelles, comme les
mines. Le lecteur trouvera plus d'information sur ces initiatives dans la
section « Tendances clés ». À l’avenir, la BAD pourrait également avoir
plus d'influence sur les politiques gouvernementales et les décisions
d'investissement, car elle ouvre actuellement 25 nouveaux bureaux
nationaux et consolide sa présence dans certains pays emprunteurs.

3. La BAD est une institution publique, qui a des engagements et des
responsabilités qui lui sont propres.
Comme banque publique, représentée par des responsables publics
(membres du gouvernement), la BAD est censée agir dans l'intérêt du
public et des pauvres. La BAD devrait être accessible à la société civile et
constituer un mécanisme qui permet au public de soulever des questions
et des enjeux au sujet de ses activités et de son rôle dans les discussions
sur le développement. Les représentants du gouvernement qui siègent à
son Conseil d’administration devraient être responsables envers les
divers publics qu'ils représentent. Le caractère public et multilatéral de
la BAD peut également aider à attirer l’attention sur les enjeux qui vous
préoccupent. Le lecteur trouvera plus d'information sur ces questions à
la section « Que pouvez-vous faire pour influencer la BAD ? »

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Guide d'introduction pour les ONG - COMPRENDRE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT
Exemples de projets majeurs approuvés par la BAD depuis juillet 2006

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                                                                         (mns de $            Date
    Pays                            Nom du projet                           U.S.)       d'approbation
Ouganda          Projet hydroélectrique Bujagali (secteur privé)        110                   Mai 2007
   Accorde un prêt à Bujagali Energy Ltd. (BEL) pour financer la construction et l'exploitation d'un
   barrage de 250 MW et d'une centrale sur le Nil Blanc.
Madagascar       Projet de nickel Ambatovy (secteur privé)              150                   Mai 2007
   Fournit un financement à Sherritt Metals pour développer une mine à ciel ouvert, un pipeline de
   220 kilomètres pour transporter la boue de minerai jusqu’à la côte et toute autre infrastructure
   nécessaire au projet de nickel, de cobalt et de sulfate d'ammonium
Tunisie          Ligne de crédit à la Société Tunisienne de
                 Banque (STB) (secteur privé)                           141                  Mars 2007
   Accorde une ligne de crédit à la STB pour des prêts à de petites et moyennes entreprises
Éthiopie         Projet d'électrification rurale II                     131                   Déc. 2006
       Appuie la construction des lignes de transport d'énergie pour étendre le réseau d’électricité
       aux secteurs ruraux
                                                                        118
Éthiopie         Protection des programmes de services de base (subvention)                   Déc. 2006
   Soutient la fourniture de services de base par des subventions fédérales accrues aux régions et
   aux zones
Tanzanie/        Arusha – Namanga – Projet de développement
Kenya            de la route du fleuve Athi                             80                    Déc. 2006
   Appuie la reconstruction et la réadaptation des routes et des études de faisabilité pour de
   nouvelles routes afin d’améliorer les liens de transport entre le Kenya et la Tanzanie
Éthiopie         Projet de réfection de la route Jima-Mizan             98                    Déc. 2006
       Appuie la mise à niveau de la route de 227 kilomètres en Éthiopie du sud-ouest
Nigéria          Ligne de crédit à la Banque Zénith (secteur privé) 100                       Déc. 2006
   Fournit des ressources à la banque Zénith pour permettre le financement de projets
   d'infrastructure, des industries agricoles, de fabrication et des industries extractives.
Guinée/          Réfection de la route Labe-Seriba-Medina
Sénégal          Gounass-Tambacounda                                    85                    Déc. 2006
   Appuie la construction d'une nouvelle route de 385 kilomètres, la réadaptation de la route et la
   réfection des routes rurales
Mozambique       Prêt de soutien à la réduction de la pauvreté          88                    Oct. 2006
   Fournit le financement pour le plan d'action du gouvernement pour la réduction de la pauvreté
   absolue II
Égypte           Fonds social pour le développement : Projet de
                 soutien aux micro- et aux petites entreprises          88                    Oct. 2006
   Offre une ligne de crédit au gouvernement égyptien pour des prêts à de petites et moyennes
   entreprises par le biais du Fonds social de développement
Zambie           Projet de cuivre de Lumwana (secteur privé)            43                   Sept. 2006
   Investissement dans la filiale d’Equinox Minerals en Zambie pour une des plus grandes mines
   de cuivre à ciel ouvert de l'Afrique
Égypte           Programme de réforme du secteur financier              500                Juillet 2006
   Appuis financiers et réformes structurales de 2004 à 2008
Kenya            Projet de mine de titane Kwale (secteur privé)         40                 Juillet 2006
   Fournit du financement à la société d'exploitation canadienne Tiomin pour un projet titanifère
   dans le Kenya côtier

    6
Guide d'introduction pour les ONG - COMPRENDRE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT
Tout comme la Banque mondiale, la BAD s’est dotée de politiques
internes (principes qui régissent son fonctionnement) en matière
d’environnement, de réduction de la pauvreté, de la participation du
public, de la divulgation d'information et d'autres domaines. Mais la BAD
n'a pas réussi à mettre en pratique ses politiques, notamment à cause
des ressources humaines et financières insuffisantes qu'elle consacre à
la mise en œuvre des politiques. Un mécanisme indépendant d’inspection
(IRM) a récemment été mis en place pour recevoir les plaintes des
personnes touchées par les dommages résultant des projets de la BAD en
raison de violations des politiques de la BAD. Les politiques de la BAD et
l'IRM peuvent se révéler des outils utiles pour tenir la BAD responsable et
favoriser le respect plus général des droits environnementaux et sociaux.

4. Il peut être plus facile d’influencer la BAD au moment où elle
détermine son orientation future.
Non sans difficulté, la BAD est en train de définir ses secteurs de prêts
prioritaires et son « avantage comparatif » par rapport à la Banque
mondiale et d'autres bailleurs de fonds. Ce processus pourrait donner
l’occasion aux organismes de la société civile d’influencer l'ordre du jour
de la BAD, de restreindre certaines activités, ou, s’il y a lieu,
d'encourager le soutien de la BAD à des secteurs qui pourraient être
bénéfiques sur le plan du développement et de l’environnement. Par
exemple, les prêts et subventions de la BAD pourraient être réorientés
afin d’appuyer de petits projets d'énergie renouvelable – projets qui ne
pourraient être financés ou gérés efficacement par de plus gros prêteurs.
De même, les organismes de la société civile pourraient essayer de
remettre en question et de réduire la participation de la BAD dans
d'autres domaines. La BAD, tout comme la Banque mondiale, est
sensible à la critique et aux menaces à sa réputation.

5. La BAD affirme être la plus grande institution « africaine » de
développement.
Les pays membres africains sont, techniquement, les principaux
actionnaires de la BAD, et la plupart des employés de la BAD sont
africains. Le prétendu « caractère africain » de la BAD 2 pose des

T2 Il est difficile de définir exactement ce que l’on entend par « caractère africain de la BAD ».
Beaucoup de membres du Conseil et du personnel l'emploient pour décrire un ou plusieurs des
                                                                                                 7
Guide d'introduction pour les ONG - COMPRENDRE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT
questions singulières aux organismes de la société civile. La BAD
pourrait-elle constituer une solution de rechange au modèle de
développement de la Banque mondiale, en grande partie défini par les
puissants gouvernements du Nord ? Ou les membres bailleurs de fonds
non régionaux exercent-ils un plus grand contrôle sur les activités de la
BAD que leur droit de vote ne les y autorise ? La BAD se sert-elle de son
prétendu « caractère africain » comme d’une couverture politique et pour
justifier ses activités au nom de l'Afrique ? Est-ce que l’association étroite
de la BAD et de la Banque mondiale et son approbation des mêmes
politiques économiques néolibérales dénotent une approbation
« africaine » de cet ordre du jour ? Ces questions seront approfondies
dans la section « Qui contrôle la BAD ? »

Pourquoi la BAD a-t-elle suscité si peu d'attention ?
Jusqu'ici, la BAD est passée relativement inaperçue par la société civile
et le grand public pour un certain nombre de raisons :

    •   Petit joueur. La BAD a toujours été une source relativement
        modeste de financement du développement en Afrique. Selon les
        données les plus récentes, la BAD fournit seulement 6 pour cent du
        total de l'aide au développement du continent. 3 Par le biais de son
        Association internationale de développement (AID), la Banque
        mondiale approuve annuellement, en Afrique, des sommes environ
        quatre fois supérieures en prêts à faible taux d’intérêt et
        subventions que la BAD. La BAD n’a pas les ressources humaines
        et financières et la gamme de compétences et d'expérience du
        personnel de la Banque mondiale. Ainsi, à la Banque mondiale,
        quatre fois plus de salariés travaillent sur un projet donné qu’à la
        BAD. 4

éléments suivants : l’emplacement de la BAD, sa mission axée sur l’Afrique, le poids des parts
de vote de pays africains au Conseil d’administration et son personnel en grande partie
africain. Quatre-vingts pour cent du personnel professionnel et cadre de la BAD est africain, de
même que trois sur cinq vice-présidents.
3 Centre pour le développement mondial, « Construire la Banque africaine de développement :

Six recommandations pour la BAD et ses actionnaires », août 2006.
4 Service d’évaluation, Opérations du Groupe de la Banque africaine de développement,

« Stepping Up to the Future: An Independent Evaluation of African Development Fund VII, VIII
and IX, » juillet 2004, P. 33-34. Ces chiffres ont été réitérés lors des réunions avec divers
membres du conseil et du personnel.
8
•   Dans l'ombre de la Banque mondiale. Un certain nombre des
    projets de la BAD, notamment ses prêts à l’appui des réformes,
    sont financés conjointement
    avec la Banque mondiale et
                                     BAD et le cofinancement
    d'autres bailleurs de fonds. De
                                     LA BAD cofinance souvent des projets avec
    plus, la BAD mise largement
                                     la Banque mondiale, l'Union européenne et
    sur la recherche et l'analyse de d'autres bailleurs de fonds bilatéraux ou
    la Banque mondiale. Comme        multilatéraux. En 2005, quelque 25 pour
    institution financière plus      cent des opérations de la BAD (en termes de
                                     valeur) ont été cofinancées. Ce taux était
    importante et fréquent           légèrement inférieur à celui du
    financier principal de projets   cofinancement de la BAD en 2004 et 2003.
    communs, la Banque
    mondiale attire plus l'attention Il faut savoir si la BAD est le seul bailleur de
    que la BAD.                      fonds dans un projet précis, ou non. Si la
                                            contribution financière de la BAD est
                                            modeste par rapport à celle d’autres
•   Secret. Jusqu’à récemment, la           bailleurs de fonds, la BAD risque d’avoir une
                                            influence ou des moyens de négociations
    BAD n’a divulgué que très peu           moindres en ce qui concerne la conception et
    d’information sur ses                   l'exécution du projet. Par conséquent, si
    opérations, que ce soit sur son         vous voulez influencer ou arrêter le projet, il
                                            sera aussi important de cibler les autres
    site Web ou dans les pays               bailleurs de fonds. Mais quelle que soit
    africains. Malgré quelques              l’importance de la contribution de la BAD, le
    améliorations au texte de sa            projet doit quand même être conforme aux
                                            politiques de la BAD.
    politique de divulgation de
    l’information et mises à niveau
    de son site Web, la BAD se classe encore loin derrière d'autres
    institutions pour ce qui est de la disponibilité d'information sur ses
    activités.

•   Caché. La BAD elle-même a été relativement inaccessible.
    Confrontée à une crise financière, la BAD a fermé tous ses bureaux
    locaux en 1995. Jusqu'à son ouverture récente de nouveaux
    bureaux nationaux, la BAD a été peu présente en dehors de son
    siège social en Côte d’Ivoire, ou de son siège social actuel en
    Tunisie.

                                                                                       9
Qu'est-ce qui a changé ?
Les récents développements indiquent que la BAD pourrait mériter plus
d'attention de la part de la société civile. La BAD semble jouer un rôle
plus marqué aujourd'hui dans l’élaboration de l'ordre du jour du
développement africain. Le profil plus visible de l'institution peut être
attribué à divers facteurs :

      •   Envergure croissante. Si les prêts de la BAD n'ont pas augmenté
          sensiblement ces dernières années, les chiffres de 2006 indiquent
          que cela est peut-être en train de changer. Entre 2005 et 2006, les
          activités de prêts de la BAD ont connu une croissance de plus de
          30 pour cent, pour atteindre $3,4 milliards américains. Au cours de
          la même période, les opérations du secteur privé ont doublé de
          valeur. 5

      •   Passage en tête. Le Nouveau partenariat pour le
          développement de l’Afrique (NEPAD) 6 et d’autres                        Voir « Quelles sont
          organismes internationaux ont confié à la BAD des                       les tendances clés
                                                                                  dans les opérations
          mandats bien précis, soit de se hisser au premier                       de la BAD ? »
          rang des institutions financières et de                                 pour obtenir plus
          développement dans des domaines tels que                                d'information sur
                                                                                  son appui à
          l'infrastructure, l'intégration régionale et les
                                                                                  l'infrastructure en
          normes qui régissent les activités bancaires et                         Afrique.
          financières en Afrique. Ces mandats ont également
          rehaussé la visibilité de la BAD dans les médias.

      •   Pleins feux sur l'Afrique. Le surcroît d’attention accordé à l’échelle
          internationale aux besoins en développement de l'Afrique ces
          dernières années (par exemple, autour du Sommet du G8 à
          Gleneagles en 2005), et à l'importance de l'investissement dans les
          infrastructures en Afrique, a accentué le rôle de la BAD.

5   Banque africaine de développement, « BAD Group Operations Hit Record Levels » disponible à :
www.AfDB.org/portal/page?_pageid=293,158705&_dad=portal&_schema=PORTAL&focus_item
=11616245&focus_lang=us
6 Le NEPAD est une initiative intergouvernementale établie par l'Union africaine pour remédier

aux défis que doit relever le continent africain. Voir la page 21 pour plus d’information au sujet
des liens entre le NEPAD et la BAD.
10
•   À un carrefour. Les événements et les initiatives clés indiquent que
        la BAD traverse actuellement une période de transition. En 2005,
        la BAD a élu un nouveau président, M. Donald Kaberuka, ancien
        ministre des Finances du Rwanda. Le plan stratégique 2003-2007
        de la BAD s’achève, et elle met la dernière main à un processus de
        réorganisation. Des efforts soutenus se poursuivent – tant à
        l’interne qu’à l’extérieur de la BAD – afin de cerner « l’avantage
        comparatif » de la BAD et de promouvoir un programme d'activités
        plus focalisé et plus sélectif. En 2007, la BAD a amorcé un autre
        renflouement sur trois ans des contributions des bailleurs de fonds
        pour son guichet de prêts subventionnaires. La BAD envisage
        également la relocalisation de son siège social.

    •   Lutte pour demeurer pertinents. La BAD doit prêter de l'argent
        pour continuer à fonctionner, mais elle fait face à la concurrence
        d'autres bailleurs de fonds et prêteurs tels que la Chine 7 et l'Inde,
        ainsi que des organismes multilatéraux comme la Banque
        européenne d'investissement et la Banque mondiale. De plus,
        certains pays africains privilégiés se tournent de plus en plus vers
        les marchés financiers privés au lieu d'emprunter à la BAD. La
        BAD, à l’instar de la Banque mondiale, tâche de trouver de
        nouveaux moyens de demeurer pertinente et attrayante pour tous
        les pays africains, y compris ceux qui ont accès à d'autres sources
        de financement.

    •   Promouvoir la « propriété » africaine. Les critiques se font
        nombreuses au sujet du contrôle disproportionné et
        antidémocratique qu’exercent les pays bailleurs de fonds sur des
        institutions comme la Banque mondiale. Les pays emprunteurs – et
        les pays africains en particulier – n’ont que peu d’influence sur les
        décisions qui s’y prennent. La BAD, où les actionnaires africains

7 On accorde beaucoup d’attention au rôle bilatéral de la Chine en Afrique et à son intérêt pour
l'extraction de ressources naturelles sur le continent. Par contre, la Chine semble avoir peu
d’influence en tant que membre de la BAD. Selon un certain nombre de membres du conseil et
du personnel de la BAD, l'adhésion de la Chine à la BAD semble être menée principalement par
ses intérêts en approvisionnement (en 2005, les entreprises chinoises ont reçu la plupart des
marchandises de la BAD et des contrats d’approvisionnement en travaux de génie civil). Les
réunions annuelles de la BAD en 2007 se tiendront également à Shanghai, en Chine.

                                                                                             11
jouissent d’une représentation sensiblement plus importante,
       pourrait constituer une solution de rechange plus équilibrée, ou du
       moins la possibilité d'une approche différente pour la prise de
       décisions. Mais la légitimité de l'affirmation « du caractère africain »
       de la BAD et de la redevabilité de la BAD envers les citoyens
       africains doit être évaluée.

Comment la BAD est-elle structurée ?
La Banque africaine de développement se compose de trois « guichets »
de prêt différents : la Banque africaine de développement (BAD), le Fonds
de développement africain (FAD) et le Fonds spécial du Nigéria (NTF).
Ensemble, ces trois guichets forment le Groupe de la Banque africaine de
développement, ou la BAD. En 2005, la BAD a fourni $2,5 milliards
américains pour des opérations de prêt, dont $1,4 milliard américains
provenait du portefeuille de la BAD. Les prêts approuvés par le FAD
constituaient la majeure partie du reste du portefeuille de la BAD. Les
prêts du NTF forment généralement une part infime des affaires de la
BAD, représentant moins de 1 pour cent des opérations annuelles de
l’institution. Aucun prêt ou subvention n'a été approuvé par le guichet
NTF en 2005. 8

La Banque africaine de développement
Le guichet BAD accorde des prêts aux gouvernements de pays africains
plus fortunés, comme l'Afrique du Sud, le Maroc, la Tunisie et le Gabon.
Treize pays africains, sur 53, sont admissibles à l’emprunt au guichet
BAD. Les emprunteurs ont de 5 à 20 ans pour rembourser les prêts, selon
le type de prêt accordé. Le taux d'intérêt sur le prêt est comparable aux
taux d'intérêt pratiqués par les banques privées ou commerciales. Le
BAD accorde également des prêts et d'autres types d'aide financière aux
entreprises privées pour soutenir leurs projets dans tous les pays
africains. En 2005, les opérations du secteur privé du BAD

8Toutes les statistiques et chiffres sur les prêts dans ce document sont tirés du Rapport
annuel de la Banque africaine de développement 2005, sauf indication contraire. Tous les
chiffres des opérations de prêt excluent les approbations d’allégement de la dette (PPTE) qui se
sont montées à quelque $727 millions de dollars américains en 2005 et à $4,7 milliards de
dollars américains cumulativement.
12
représentaient environ $257 millions américains, ou 8 pour cent du total
des prêts approuvés par la BAD.

Le guichet BAD utilise de
l'argent de trois principales     Prets et subventions de la BAD par guichet
sources pour financer ses           (en milliards de dollars americains)
opérations : 1 ) le                              NTF:          NTF:
                                    100%         0md          0.4 md
remboursement des prêts par
                                     80%                      20.5md
les emprunteurs du BAD; 2 )          60%
                                                1.4md                    NTF

l’argent obtenu (emprunté)           40%
                                                                         FAD

par le BAD sur les marchés           20%        1.1md
                                                              29.5md     BAD

financiers privés – entre             0%
autres, les investisseurs                   2005 (US $2,5 Cumulative (US

japonais et américains                           md)         $50,4md)

détiennent une partie
substantielle des obligations du BAD; 9 et 3) les contributions des pays
membres lors des augmentations générales du capital (GCI). Le dernier
GCI date de 1999 et depuis lors aucun nouveau GCI n'a été programmé.

Fonds africain de développement
Le Fonds africain de développement est devenu le plus grand guichet de
prêt de la BAD. Le FAD fournit des subventions et des prêts à 38 pays
africains dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant est inférieur
ou égal à 540 $ américains. Aucun intérêt n'est exigé à l’égard des prêts
du FAD. Les prêts du FAD doivent être remboursés dans un délai de 20
ou de 50 ans, selon le type de prêt. Le FAD accorde également des
subventions non remboursables. Seul le Nigéria est admissible à
l’emprunt de la BAD et du FAD, en fonction de son PIB par habitant.

La quasi-totalité du financement du FAD provient des contributions de
pays membres non régionaux (bailleurs de fonds), plus un petit montant
provenant des remboursements des prêts antérieurs. Les bailleurs de
fonds se rencontrent tous les trois ans pour convenir d'un
« renflouement » du financement pour le FAD. Le dernier renflouement

9Banque africaine de développement, « Investor Presentation, » octobre 2006. Disponible à :
www.BAD.org/pls/portal/docs/PAGE/FAD_ADMIN_PG/DOCUMENTS/FINANCIALINFORMATI
ON/INVESTOR%20PRESENTATION%20OCT%202006.PPT#1838,25,Slide%2025
                                                                                         13
du FAD, FAD-X, couvrait la période de 2005 à 2008. Les bailleurs de
fonds se sont engagés à verser $5,4 milliards américains, soit une hausse
de $2 milliards américains par rapport au niveau du renflouement
précédent.
                                                                 Le renflouement et
                                                                 la gestion des
Le processus de renflouement est l'un des
                                                                 bailleurs de fonds
principaux mécanismes par lesquels les                           du FAD
bailleurs de fonds exercent une influence sur les
                                                                 Le FAD reçoit la quasi-
genres d'activités et les politiques que promeut                 totalité de ses fonds de
la BAD. Bien que quatre représentants des pays                   contributions de pays
emprunteurs assistent aux négociations de                        membres bailleurs de
                                                                 fonds. Les bailleurs de
renflouement du FAD, ils sont censés jouer                       fonds ont généralement
davantage le rôle d’observateurs que de                          recours au processus de
participants actifs à ces réunions. Les                          renflouement du FAD
                                                                 pour imposer un certain
négociations sur le prochain renflouement du
                                                                 nombre de conditions à la
FAD ont commencé en mars 2007. 10                                BAD en ce qui concerne
                                                                 ses politiques et
                                                                 opérations.
Fonds spécial du Nigéria
Le Fonds spécial du Nigéria (NTF) est un guichet spécial de la BAD qui a
été créé grâce à $80 millions américains du gouvernement nigérian en
1976. Le cumul des approbations de prêts et de subventions du NTF se
chiffre à quelque $400 millions américains. Tout comme le FAD, le Fonds
spécial du Nigéria accorde des prêts aux pays africains à faible revenu.
Les prêts du NTF sont remboursables en 25 ans, à un taux d'intérêt de 2
à 4 pour cent. L'accord de création du NTF a pris fin en 2006. Une étude
d'évaluation permettra bientôt de formuler des recommandations qui
seront prises en compte dans les négociations sur la prolongation du
NTF. 11

10 Pour les négociations sur le renflouement du FAD en 2007, quatre gouverneurs de pays

africains non bailleurs de fonds et tous les administrateurs - de pays bailleur de fonds et
emprunteurs - sont invités à assister aux négociations.
11 Quelques membres du conseil d'administration ont noté qu'alors que les ressources du NTF

ne sont pas substantielles, comme fonds africain soutenu par le plus gros actionnaire de la
BAD, le NTF est perçu comme une partie importante de la BAD. On a signalé que le Nigéria
peut envisager d’acquérir à nouveau des ressources du NTF pour créer un fonds
d'investissement pour des projets d'infrastructure en Afrique.
14
Quand la BAD a-t-elle été fondée ?
La Banque africaine de développement a été fondée en 1964, en Côte
d'Ivoire. À cette époque, seuls les pays africains étaient membres de la
BAD. En 1972, le Fonds de développement africain a vu le jour. Après la
flambée des prix du pétrole des années 1970, les gouvernements
africains ont eu de plus en plus de difficulté à verser des contributions à
la BAD. Par conséquent, la charte de la BAD a été modifiée en 1982 et les
pays non africains ont été invités à devenir membres à part entière. Pour
préserver le « caractère africain » de la BAD, il a été décidé que les pays
membres non régionaux seraient autorisés à détenir tout au plus un
tiers du total des droits de vote, 12 que le président de la BAD serait
toujours africain, et que le siège social de la BAD serait toujours situé en
Afrique.13

La Banque africaine de développement regroupe maintenant 77 pays
membres : 53 sont des pays africains et 24 sont européens, nord-
américains, sud-américains et moyen-orientaux.

En 2003, le siège social de la BAD a été temporairement relocalisé à
Tunis, en Tunisie, en raison du conflit en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, la
BAD fonctionne toujours depuis Tunis, alors que son siège social
demeure, techniquement, en Côte d'Ivoire. L’emplacement du siège
permanent de la BAD demeure une question en suspens.

12 English, E. Philip et Mule, Harris M., 1996, La Banque africaine de développement, Lynne
Rienner, Londres, P. 20, cités dans : Service d’évaluation, Opérations du Groupe de la Banque
africaine de développement, « Stepping Up to the Future: An Independent Evaluation of African
Development Fund VII, VIII and IX, » juillet 2004, P. 20.
13 Culpepper, Roy ; op.cit P. 34.

                                                                                           15
Qui contrôle la BAD ?
               Les gouvernements membres sont officiellement représentés
               au sein de la BAD par leur ministre des Finances, de la
               Planification ou de la Coopération qui siège au Conseil des
               gouverneurs de la BAD. Les gouverneurs de la BAD se
               réunissent une fois par an (lors des réunions annuelles de la
               BAD, en mai) pour prendre des décisions clés sur la
               conduite de l'institution, ses orientations stratégiques et ses
               instances dirigeantes. Les gouverneurs désignent
               habituellement un représentant de leur pays, lequel travaille
               au bureau du Conseil d’administration de la BAD.

Les décisions quotidiennes au sujet des prêts et des subventions à
approuver et des politiques qui doivent guider le travail de la BAD sont
prises par le Conseil d’administration. Chacun des pays membres est
représenté au sein du conseil, mais l’importance de leur vote et leur
influence varient en fonction du montant de leur contribution financière
à la BAD.

Comprendre comment les gouvernements agissent au sein du conseil
d'administration et qui représente votre pays peut être utile si vous
voulez connaître ou
influencer les activités de   En savoir plus sur votre gouvernement et la BAD
la BAD. Signaler les
enjeux qui vous               Déterminez si votre ministre des Finances, de la Planification
                              ou de la Coopération siège au Conseil des gouverneurs de la
préoccupent aux               BAD. Essayez de signaler des questions et des enjeux
représentants                 concernant les opérations de la BAD dans votre pays à vos
gouvernementaux qui           responsables gouvernementaux concernés.
siègent au conseil
                              Pour joindre l’administrateur représentant votre pays au
d’administration, ou aux      conseil de la BAD, voir l'annexe de ce Guide d’introduction :
responsables                  Communiquer avec la BAD. Pour en savoir plus sur le type
gouvernementaux dans          d'information qui devrait être disponible au sujet des projets ou
                              politiques qui seront discutés sous peu par le conseil de la
les pays membres, peut
                              BAD, voir la section « Ce que vous pouvez faire pour influencer
être un moyen efficace        la BAD ».
d’influencer les projets et
les politiques.

16
Actions et pouvoirs de vote
Les contributions des membres à la BAD et au FAD déterminent le
nombre des « actions » que détient chaque pays. Le nombre des actions
détermine l’importance relative du vote de chaque pays au Conseil
d’administration de la BAD. Il y a essentiellement deux conseils
d’administration au sein de la BAD – un pour le guichet BAD et un pour
le guichet FAD. On dénombre respectivement 18 et 12 membres des
conseils de la BAD et du FAD. Les six mêmes administrateurs non
régionaux représentant les pays bailleurs de fonds siègent à la fois aux
conseils de la BAD et du FAD. Les 12 sièges restants au conseil de la
BAD sont occupés par des administrateurs africains, dont six sont
nommés au conseil du FAD. Ces positions font l’objet d’une rotation
annuelle.

                        Composition du conseil
         Nº total          Nº d’administrateurs    Nº d’administrateurs non
         d'administrateurs africains (% de vote)   africains (% de vote)
 BAD            18                12 (60 %)                6 (40 %)
 FAD            12                6 (50 %)                 6 (50 %)

Le poids du vote des pays africains se situe à quelque 60 pour cent pour
le guichet de la Banque africaine de développement, et pour les pays non
africains, à 40 pour cent. Le plus gros actionnaire de la Banque africaine
de développement est le Nigéria, qui possède près de 9 pour cent des voix.
Tous les pays membres de la BAD sont représentés au Conseil
d’administration de la BAD.

Au conseil du FAD, le pouvoir de vote des pays membres africains s’élève
à 50 pour cent et celui des pays non africains, à 50 pour cent. Les États-
Unis sont le plus gros actionnaire du FAD, avec quelque 6,5 pour cent du
total des voix, suivis du Japon avec quelque 5,4 pour cent.

                                                                              17
Conseil d’administration 14
Dix-huit administrateurs siègent au conseil de la BAD – 12 pour les pays
membres « régionaux » africains et 6 pour les pays membres (bailleurs de
fonds) « non régionaux ». Chacun des
administrateurs, sauf les États-Unis, représente      Pouvoirs de vote à la
plus d'un pays. Habituellement, les divers pays au    BAD
sein de chaque circonscription d’un
                                                      Le poids du vote des
administrateur assument à tour de rôle la             pays africains s’élève à
responsabilité de remplir les postes de personnel     quelque 60 pour cent
                                                      pour le guichet de la
d’appui, et parfois celui d’administrateur ou de      Banque africaine de
suppléant. Les circonscriptions sont formées en       développement et celui
                                                      des pays non africains,
partie en fonction du poids du vote de chaque
                                                      aux 40 pour cent
pays, l’objectif étant d’assurer un poids             restants. Au sein du
relativement égal à chaque administrateur. À la
                                             15       FAD, le poids du vote
                                                      des bailleurs de fonds
différence de la Banque mondiale, aucun des           (surtout des pays non
administrateurs de la BAD ne possède une part de      africains plus l'Afrique
                                                      du Sud) est de 50 pour
vote assez importante pour bloquer à lui seul les     cent et celui des pays
décisions du conseil du FAD ou de la BAD.   16        emprunteurs, de 50
                                                                      pour cent.

Le Conseil d’administration se réunit habituellement le mercredi pour
prendre des décisions sur des propositions de projets ou de politiques de
la BAD ou du FAD. Chaque administrateur exprime sa position sur la
proposition (ou garde le silence, ce qui revient à une approbation). Les
administrateurs soulèvent parfois des questions ou des préoccupations
concernant la proposition. La direction et le personnel de la BAD
assistent à la réunion et répondent souvent directement aux questions et
aux enjeux soulevés par les membres du conseil. Il arrive que les
membres du conseil revoient leur position à la suite de ces discussions.

14 L'information au sujet du conseil d’administration et de sa dynamique de pouvoir a été
obtenue lors des réunions que Nikki Reisch (BIC) et Shannon Lawrence (conseillère) ont tenues
avec les bureaux des administrateurs en novembre 2006.
15 La rotation des postes au bureau des administrateurs, y compris celui de directeur général,

est déterminée par accord entre les membres de la circonscription et varie en conséquence.
16 Par exemple, les États-Unis sont le plus gros actionnaire de la Banque mondiale avec une

part de vote de quelque 16 pour cent, suivi du Japon avec 8 pour cent. À la BAD, les États-
Unis ont environ un poids de vote de 6,5 pour cent et le Nigéria, le plus gros actionnaire, a
moins de 9 pour cent.
18
Sans procéder au décompte des votes « oui » et « non », on consigne la
position de chacun des administrateurs. Le président de la BAD formule
alors une proposition (approuver la proposition ou la renvoyer à la
direction afin de répondre aux inquiétudes exprimées) selon son
évaluation du consensus ou de l’opinion de la majorité. Comme chaque
administrateur a une part de vote relativement identique, chaque
position est censée recevoir un traitement équitable.

Poids des « régionaux » par rapport aux « non-régionaux »
Les pays membres africains sont les actionnaires de la BAD, mais ils en
sont également les clients. Comme l’a dit un administrateur, « nous
souhaitons que la BAD fonctionne efficacement, mais nous voulons aussi
qu'elle réponde à nos besoins. » Ce double rôle entraîne parfois un conflit
pour les administrateurs et remet en question leur fonction de
surveillance. « Comment oserions-nous dénoncer un prêt en raison de
problèmes dans ce pays ? Ce qui se produit là se produit dans notre
propre pays », fait remarquer un autre administrateur régional.

Néanmoins, il semble que les administrateurs africains soulèvent des
enjeux concernant des propositions auprès du conseil et enregistrent
parfois leur opposition. Les administrateurs africains peuvent aligner
leurs positions sur celles d'autres administrateurs de leur sous-région
(Ouest, Sud, Centrale, Est ou Nord) ou groupe linguistique respectif
(surtout anglophone ou francophone). On a vu des pays membres
africains s’unir contre une proposition soutenue par de puissants
bailleurs de fonds, et parvenir à y faire échec. Ceci serait plus probable
dans le cas de propositions de politiques que de prêts ou de subventions,
toutefois.

Si les bailleurs de fonds non africains n'ont pas la part de vote
majoritaire au sein du Conseil d’administration de la BAD ou du FAD,
leur influence, qui s’exerce notamment par le processus de renflouement
du FAD, n’est pas négligeable. Comme nous l’avons vu, c’est lors du
renflouement du FAD que sont déterminés les priorités opérationnelles,
l’orientation stratégique et les niveaux de financement de la BAD. De
plus, certains ministères africains des Finances et de la Planification
n’ont tout simplement pas la capacité ou les ressources institutionnelles

                                                                         19
nécessaires pour suivre de près le travail de la BAD. Cette dynamique se
reflète au niveau du conseil. Les bailleurs de fonds peuvent disposer de
plus d'information sur un projet dans un pays donné que
l’administrateur qui représente ce pays emprunteur.

Quelles sont les tendances clés dans les opérations de la
BAD ?
La BAD et ses pays membres tentent actuellement de clarifier le rôle de
l'institution et d'articuler sa vision future. Un des principaux éléments
moteurs de ce processus de réflexion, cité à plusieurs reprises par le
Conseil d'administration et la direction de la BAD, est l’opinion selon
laquelle la BAD devrait avoir une approche plus « sélective » et adaptée
aux pays cibles dans ses opérations. Ce que cela signifie exactement
pour la BAD reste à définir, bien que cette approche semble amener
certaines priorités en matière de prêt. Parmi les tendances actuelles et
futures dans les opérations de la BAD – et les questions et les enjeux
qu'elles peuvent soulever pour les organismes de la société civile –, citons
notamment :

Le soutien accru à l'infrastructure et à l'intégration régionale
                                 Le secteur de l'infrastructure, y compris
                                 l'alimentation en énergie, l'eau et
                                 l'assainissement, le transport et les
                                 communications, a traditionnellement
                                 bénéficié de la plupart des prêts de la
                                 BAD. Les membres du Conseil
                                 d'administration de la BAD font valoir
                                 que la BAD dispose d’un personnel
                                 qualifié et expérimenté dans ce domaine.
Cette orientation a été réaffirmée dans le Plan stratégique 2003-2007 de
la BAD, qui a ciblé l'infrastructure comme secteur prioritaire pour les
prêts de la BAD. En 2005, la BAD a approuvé 23 projets d'infrastructure
totalisant quelque $982 millions américains, soit 40 pour cent des prêts
approuvés par la BAD pour cette année-là. Étant donné le surcroît
d’attention accordé au développement de l'infrastructure en Afrique par
les bailleurs de fonds et les emprunteurs, il est probable que les prêts à
l'infrastructure de la BAD connaissent une hausse substantielle au cours
20
des prochaines années. En 2007, on prévoit que les opérations
d'infrastructure représentent 60 pour cent du portefeuille de la BAD. 17

Les projets d'infrastructure d'intégration régionale formeront également
une bonne part des futures affaires de la BAD. Selon le Rapport annuel
de la BAD (2005), les blocs économiques régionaux rendront l'Afrique
« plus concurrentielle sur le marché mondial », alors que les
interconnexions de transport et d’énergie entre de petites économies
africaines favoriseront la création de plus grands marchés sur le
continent. Les États membres de la BAD affirment que la BAD, comme
institution multilatérale, est très bien placée pour appuyer des projets
d'intégration régionale.

La BAD est également                       Répartition des prêts et subventions de la
                                           BAD par secteur en 2005
l’organisme chargé de faciliter les
                                                   Environnement Industrie et mines
initiatives d'infrastructure du                             4,3%    2,0%
                                                Finances                     Infrastructure
NEPAD, qui sont des projets                       12,5%                            39,4%
d’intégration régionale dirigés par       Secteur social

les Communautés économiques                    13,4%

régionales (CER) africaines. De                         Agriculture
                                                           13,3%     Multisecteurs
plus, la BAD accueille le                                             15,2%

Consortium pour les
infrastructures en Afrique (ICA).       Source: Rapport annuel de la BAD, 2005

L'ICA a été créé par des pays du
G8 dans le but de coordonner et de promouvoir le développement
d'infrastructures, régionales surtout, en Afrique. La BAD aide également
à préparer des projets afin qu’ils puissent obtenir du financement
d'autres sources, par le biais d’une initiative appelée les Fonds de
préparation des projets d'infrastructure (IPPF). Ainsi, même si la BAD
n'est pas impliquée directement dans le financement d’un projet
d'infrastructure précis, elle a pu contribuer à rendre ce projet possible.

Les projets énergétiques pourraient représenter une part plus importante
du travail d'infrastructure de la BAD, étant donné le manque d'accès aux

17Selon le programme des opérations de la BAD en 2007, comme l’a expliqué un
administrateur à Nikki Reisch et à Shannon Lawrence.

                                                                                          21
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