Le lien entre la croissance et l'emploi : quelles sont les particularités de l'Afrique ? - African Development Bank
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Accélérer le développement de l’Afrique cinq ans après le début du XXIe siècle Banque africaine de développement – Consortium pour la recherche économique en Afrique Le lien entre la croissance et l’emploi : quelles sont les particularités de l’Afrique ? Bernadette Dia Kamgnia Université de Yaoundé II Email: dkamgnia@yahoo.com
2 Le lien entre la croissance et l’emploi : quelles sont les particularités de l’Afrique ?1 Bernadette Dia Kamgnia 1. Introduction La croissance économique et la performance macroéconomique globale de l’Afrique subsaharienne des deux dernières décennies ont souvent été qualifiées d’assez « remarquables », comme l’ont souligné certains auteurs, dont Easterly et Levine (1995). Ces affirmations sont toutefois malheureusement des exagérations démenties par les faits. En voici quelques exemples. i) Le taux de croissance moyen du PIB réel par habitant de l’Afrique subsaharienne est en baisse, ayant passé de deux pour cent dans les années 1970 à 0,3 pour cent dans les années 1980, pour n’atteindre que 1,3 pour cent dans les années 1990. ii) L’Afrique est la région du monde qui a le plus de difficulté à briser le cycle du sous- développement. iii) L’Afrique et plus particulièrement l’Afrique subsaharienne, connaissent une poussée démographique impressionnante associée à un faible revenu par habitant et comptent par conséquent le plus grand nombre de pays les plus pauvres de la planète : au début des années 1990, 16 des 20 pays les plus pauvres au monde étaient en Afrique subsaharienne. Selon Islam (2004), le pourcentage de personnes vivant avec moins d’un dollar US par jour s’est accru de 47;4 pour cent en 1990 à 49,0 pour cent en 1999, et on prévoit qu’il diminuera à 46 pour cent seulement d’ici 2015. iv) La position de l’Afrique dans l’économie mondiale s’est détériorée à la suite d’un déclin du pourcentage des exportations de produits primaires et du manque d’opportunités de diversification, alors qu’elle ne réussissait pas à attirer les investisseurs étrangers. En fait, la politique économique de la majorité des pays africains, après leur indépendance et jusque dans les années 1970, était résolument centrée sur un interventionnisme massif de l’état. Cette période a été marquée par le financement de grands projets dans le domaine des infrastructures, du bâtiment, des travaux publics, des usines, de l’industrie, etc. Toutes ces dépenses étaient rendues possibles par les tendances favorables des termes de l’échange des produits primaires, dont ces économies étaient de grandes exportatrices. La décennie 1980 ne s’est toutefois pas présentée aussi favorablement. La détérioration des termes de l’échange des principaux produits de base, ainsi qu’un lourd endettement extérieur et des problèmes budgétaires inquiétants, commencèrent à peser sur les pays africains. Une telle situation « catastrophique » devait justifier l’adoption massive de Programmes d'ajustement structurel (PAS). Mais si les PAS permirent de rétablir certains équilibres macroéconomiques importants, du point de vue social, ils eurent des effets dévastateurs ; ceci entraîna leur élargissement à un autre composant, la dimension sociale des PAS, qui devait en théorie atténuer les conséquences sociales de l’exécution de ces programmes. Heureusement, l’environnement macroéconomique s’est amélioré à l’échelle du continent depuis le milieu des années 1990. Les quelques phases d’expansion conjoncturelles qui en ont résulté ont permis à certains pays d’obtenir l’annulation d’une partie, voire de la totalité, de 1 Je suis reconnaissant à Ebecke Christian pour son aide dans le rassemblement des informations et des données nécessaires à la réalisation de cette étude.
3 leurs dettes multilatérales ou bilatérales ; cela a suscité chez la population africaine l’espoir que les choses allaient enfin changer. Cependant, comme l’on souligné les rapports de plusieurs organismes internationaux (Banque mondiale, ONUDI, CNUCED…) la croissance économique observée sur le continent demeure trop faible pour soutenir des stratégies efficaces de réduction de la pauvreté. Au cours de la période post-PAS, les gouvernements ont certainement constitué la principale source de création d’emplois en Afrique. En effet, selon Hugon Ph. (2001), la création d’emplois dans l’administration centrale et les entreprises publiques correspond à la logique distributive des économies axées sur la maximisation de la rente qui prévaut dans les pays africains ; elle constitue le principal instrument de partage des excédents provenant des économies de plantation et/ou basées sur l’exploitation minière. La présence des États sur le marché du travail était si remarquable que, selon Rosanvallon (1995), ces interventions étaient la manifestation de deux rôles majeurs : la fonction de réglementation et celle d’employeur. En effet, les États régissaient les conditions d’embauche et de licenciement de la main- d'oeuvre. En tant qu’employeurs, les États africains ont créé eux-mêmes de nombreux emplois de deux manières principales : les services publiques et les entreprise publiques et parapubliques. À la suite de la mise en œuvre des PAS, plusieurs pays on connu une profonde perturbation de la dynamique de création d’emplois dans le secteur moderne, qui a entraîné des pertes d’emplois massives, particulièrement dans les entreprises publiques et parapubliques mais aussi dans les entreprises privées. Depuis ce temps, malgré quelques phases de reprise économique cyclique, le chômage reste élevé. En effet d’après le rapport ILB (2005), l’offre de meilleurs emplois et revenus aux salariés du monde entier et, plus particulièrement, des pays en développement, n’a jamais constitué une priorité politique. En outre, cette étude indique que si l’expansion économique a permis une solide croissance de l’emploi et une amélioration des conditions de vie dans certaines régions d’Asie, d’autres régions, telles que l’Afrique ou certaines parties de l’Amérique latine, comptent de plus en plus de personnes travaillant dans de mauvaises conditions, surtout dans le secteur agricole. Le rapport KILM (Key Indicators of the labour market) affirme également que pour des millions de salariés de ces pays, les nouveaux emplois offrent souvent un revenu qui leur permet à peine de se hisser au-dessus du seuil de pauvreté et sont très en deçà de ce qu’on pourrait qualifier d’emplois productifs et adéquats. L’importance du lien entre la croissance et l’emploi, et l’insistance sur le fait qu’une croissance forte et soutenue est essentielle pour créer plus d’emplois, n’a jamais été aussi fortement ressentie. En effet, le ILB a conçu des modèles permettant d’évaluer le rythme d’une croissance durable. Selon ces modèles, le taux de croissance annuel du PIB mondial par habitant doit dépasser deux pour cent (c’est-à-dire, plus du double du taux d’un pour cent enregistré dans les années 1990) sur une période de plusieurs années, pour permettre à la dynamique de création d’emplois de s’enclencher et de contribuer ainsi à diminuer de moitié l’incidence de la pauvreté d’ici 2015. (ILB, 2003). Dans le cas de l’Afrique, il faut se rendre à la triste évidence que le lien entre la croissance économique et celle de l’emploi demeure très faible dans plusieurs pays, même lorsque les efforts de croissance sont en voie de devenir durables. Nous avons donc voulu examiner trois questions. 1) Quelles sont les particularités de la croissance économique en Afrique depuis la seconde moitié des années 1990 ? 2) Pourquoi les efforts de croissance n’entraînent-ils pas la création de nouveaux emplois ? 3) Quelles stratégies devrait-on mettre en œuvre afin de créer
4 une croissance qui soit favorable à la croissance de l’emploi et donc, une croissance favorable aux pauvres ? L’étude avait pour objectif général d’analyser les particularités africaines du lien entre la croissance et l’emploi. Plus particulièrement, l’étude a fait l’analyse des facteurs suivants : 1) les caractéristiques des efforts de croissance en Afrique depuis la seconde moitié des années 1990 ; 2) les principales causes du peu d’emplois résultant de la croissance économique ; et 3) les stratégies possibles pour créer une croissance favorable à l’emploi en Afrique. Par conséquent, la section 2 analyse les conditions d’une performance de croissance en amélioration constante en Afrique. La section 3 présente des données ainsi qu’une analyse sur la faiblesse de l’emploi sur le continent. Dans la section 4, une analyse d’un modèle de l’emploi par panel conduit à la recommandation de certaines stratégies en vue de maintenir un lien entre la croissance et l’emploi en Afrique. 2. Une performance de croissance en amélioration constante en Afrique Bien sûr, l’analyse de données économiques pertinentes pour la période 1960-2002 montre que le taux de croissance annuel du PIB réel (par habitant) en Afrique était, la plupart du temps, d’une faiblesse persistante et en ralentissement continu. Une telle faiblesse de la croissance en Afrique, comparé aux autres régions du monde, a suscité de nombreuses études au cours des deux dernières décennies, Globalement, bien que ces études aient surtout eu pour objet de quantifier les performances des économies africaines, elles se sont également interrogées sur les causes de ces performances, inspirés par l’influence de la théorie de la croissance endogène. Plus particulièrement, deux groupes d’études apparurent. Alors que le premier groupe était surtout intéressé aux facteurs déterminants de la croissance économique en Afrique, le deuxième groupe mettait l’accent sur les causes de la faiblesse relative de la croissance des économies africaines, ou sur les facteurs explicatifs de la croissance résiduelle de l’Afrique. En ce qui concerne les facteurs déterminants de la croissance, des auteurs tels que Levine et Renelt (1992), Collier et Gunning (1997), Calamitsis, Basu et Ghura (1999) et Hoeffler (1999) démontrent que l’investissement stimule la croissance économique. Selon Ghura et Hadjimichael (1996), et Calamitsis, Basu et Ghura (1999) la croissance économique est stimulée plutôt par les politiques qui i) réduisent la dette publique et l’inflation, ii) favorisent la compétitivité externe, iii) encouragent les réformes structurelles et le développement des ressources humaines et iv) réduisent le taux de croissance démographique. Selon Rodrik (1994) et Fosu (2001), la contribution des exportations pourrait être confirmée dans un environnement caractérisé par une diminution des restrictions commerciales et par des taux de change réels avantageux. De plus, l’instabilité socio-politique (Nkurunziza et Bates, 2003; Gyimah-Brempong et Traynor, 1999), l’absence d’ouverture des marchés internationaux, l’enclavement et le climat tropical (Sachs et Warner, on 1997) demeurent des sources importantes de la faiblesse de la croissance économique de l’Afrique. Des modèles basés sur des variables nominales et portant sur des continents et des décennies spécifiques ont été conçus pour tenter d’expliquer la croissance résiduelle en Afrique. Barro et Lee (1993) ainsi qu’Easterly et Levine (1997) ont découvert que la variable nominale représentant l’Afrique était significative, ce qui contredisait leur hypothèse de départ et les a obligés à rechercher d’autres explications. Sachs et Warner (1996) ont toutefois éliminé cette variable nominale et lui ont substitué d’autres données fondamentales de la croissance économique. Collier et Gunning (1997) ont observé que la variable nominale africaine peut avoir une incidence significative lorsqu’elle est associée à d’autres variables explicatives, bien
5 que dans d’autres cas, son effet n’est pas significatif. Alors que Sachs et Warner (1997) fondent leur explication sur le degré d’éloignement des pays africains, Easterly et Levine (1997) estiment que la cause première de la faiblesse de la croissance en Afrique est le degré de fragmentation ethnique et l’absence de capital social. Heureusement, depuis le milieu des années 1990, on a pu observer une reprise du processus de croissance dans plusieurs pays africains. Il faut néanmoins expliquer les différences de croissance en Afrique afin de mieux comprendre les efforts de croissance actuellement déployés. Cette section analyse donc la source des récents efforts de croissance en Afrique, examine la performance des divers pays, individuellement et en tant que sous-groupes et, enfin, étudie la question de la « qualité » de la croissance en Afrique, qui pourrait permettre d’atteindre les OMD. 2.1. Données sur la reprise de la croissance en Afrique depuis les années 1990 On peut interpréter la soi-disant reprise de la croissance sur le continent africain dans un contexte mondial autant que d’un point de vue national, en identifiant la quantité de périodes d’accélération de la croissance au cours des années 1980 et 1990. Tendances mondiales. Selon la CNUCED (2006), le taux de croissance annuel moyen du PIB est le plus élevé depuis deux décennies pour les PMA en tant que groupe et pour les PMA africains en particulier. Mais surtout, le taux de croissance du PIB réel des PMA africains a dépassé de 1,5 % ceux de l’Asie, alors que l’amélioration de la performance de croissance demeure évidente sur des périodes de comparaison plus longues. Plus particulièrement, le taux annuel moyen de croissance du PIB réel des PMA africains s’est accru de 2,7 pour cent par an au cours des années 1990 à 5,2 pour cent par an entre 2000 et 2004. En effet, le taux de croissance annuel du PIB réel est passé de 4,5 pour cent en 2003 à 6,5 pour cent en 2004, classant ainsi les PMA africains immédiatement derrière le groupe des autres pays en développement, mais constamment devant les PMA asiatiques et les PMA insulaires sur l’échelle ordinale, comme illustré au Tableau 1. Qui plus est, les pays africains constituaient la majorité (12 sur 15) des PMA qui ont connu un taux de croissance du PIB réel de 6 pour cent et plus en 2004, alors que seuls le Bénin, la Guinée, le Mali, le Liberia, les Comores, l’Érythrée, le Niger et la
6 République centrafricaine comptaient parmi les PMA que la CNUCED (2006) a classifiés comme ayant un taux de PIB réel en deçà de 3 %. Tableau 1 : Taux de croissance du PIB réel des PMA et d’autres pays en développement depuis 1990. Période 1990- 2000- 2002- PMA 2000 2002 2004 2003 2004 PMA 3,9 4,9 5,2 4,6 5,9 dont : Bangladesh 4,8 4,8 5,4 5,3 5,5 Autres PMA 3,5 4,9 5,2 4,4 6,0 PMA africains 2,7 5,2 5,5 4,5 6,5 PMA asiatiques 5,7 4,6 4,9 4,8 5,0 PMA insulaires .. 2,2 4,2 3,4 5,0 Autres pays en développement 4,9 3,0 5,9 5,1 6,7 Source : CNUCED (2006) Globalement, il existait peu de variations régionales dans la croissance observée en Afrique. Évidemment, on estime que les pays exportateurs de pétrole infléchissent ces tendances de croissance. Mais les plus récentes tendances ne sont pas uniquement alimentées par le pétrole. Selon le rapport de la CNUCED (2006), en 2004, parmi les PMA dont le taux de croissance du PIB réel était de 6 pour cent ou plus, quatre seulement étaient des pays exportateurs de pétrole, contre 11 pays non exportateurs. Sur une base strictement régionale, au cours de la décennie 1990-2000, le taux annuel moyen de croissance du PIB réel n’a dépassé celui de la décennie 1980-1990 que dans deux régions sur cinq, à savoir l’Afrique occidentale et l’Afrique australe (Figure 1). L’Afrique centrale a enregistré la plus faible performance, avec un taux de 0,42 pour cent pour la période 1990- 2000 ; la raison pourrait en être l’instabilité politique qui sévit dans une grande partie de la région, comme par exemple, en République démocratique du Congo, en République centrafricaine et en République du Congo. Figure 1 : Croissance du PIB réel par région en Afrique, 1970-2000.
7 1970-1980 1980-1990 1990-2000 8,00 7,00 6,00 5,00 (%) 4,00 3,00 2,00 1,00 0,00 West Africa Central Africa East Africa Southern Africa North Africa Source : élaboré par l’auteur à l’aide de données tirées des Indicateurs de développement de la Banque mondiale (WDI2005). En fait, Pattillo et al. (2005) avaient déjà expliqué ce qu’on croyait alors être un record exceptionnel au cours de la période 1997-2002, qui a été établi à 3,6 pour cent par an, comparé aux 2,1 pour cent par an pour 1990-1996. D’après ces auteurs, la croissance économique s’est fortement améliorée depuis le milieu de la décennie 1990. La croissance moyenne du PIB réel par habitant de l’Afrique subsaharienne a atteint 2,0 pour cent en 1995-99, alors elle n’était que de –1,1 pour cent en 1990-94, une progression partagée par tous les sous-groupes. Le nombre de pays dont le taux de croissance du PIB réel excède 5 pour cent est passé de 4 à 15. Si la croissance s’est ralentie quelque peu en 2000–03, les tendances se sont maintenues grâce aux pays producteurs de pétrole et aux pays dotés d’abondantes ressources, où elle a été amplifiée par une croissance de 21,6 pour cent en Guinée équatoriale ainsi que par celle les pays en conflit, où elle a été stimulée par la reprise post-conflit en Sierra Leone. Mais quels sont les faits à l’échelle nationale ? Les faits à l’échelle nationale : une accélération de la croissance globalement partagée. L’analyse des accélérations de croissance semble fournir un cadre conceptuel adéquat pour la comparaison de la performance des pays sur une base individuelle. L’ouvrage pionnier de Hausmann, Pritchett et Rodrik (2004) en est un exemple. Ces auteurs comparent le taux de croissance du PIB par habitant sur une période de sept
8 ans antérieure et postérieure à une année particulière. Selon ces auteurs, on est en présence d’une l’accélération lorsque le taux de la période postérieure excède celui de la période antérieure d’au moins deux pour cent et qu’il effectue un bond d’au moins 3,5 pour cent, avec la condition supplémentaire que le niveau de PIB post- accélération doit dépasser celui de la période précédant l’accélération (à l’exception des périodes de redressement d’une crise). Pattillo et al. (2005) ont effectué une telle analyse dans leur étude des modèles de la croissance africaine du milieu de la décennie 1990. Contrairement à Hausmann, Pritchett et Rodrik (2004), Patillo C, Gupta S, et Carey (2005) (ci-après PGC) observent une période d’accélération de cinq ans, afin de permettre l’identification des épisodes d’accélération de la croissance jusqu’à 1999. Ils considèrent ainsi que plutôt qu’un seuil de 3,5 pour cent pour le taux de croissance post-accélération, un bond de 2 pour cent est une progression admissible de la croissance par habitant sur une période de 5 ans. PGC maintiennent toutefois le critère exigeant que le niveau de PIB par habitant excède celui de la période antérieure à l’accélération. Dans ce cadre conceptuel modifié visant à identifier les phases d’accélération, PGC a identifié 34 phases d’accélération de la croissance en Afrique subsaharienne, dont davantage ont eu lieu dans les années 1990 que dans les années 1980, y compris plusieurs épisodes actuellement en cours, tel qu’indiqué dans le Tableau 2. En outre, cette méthode modifiée a permis d’identifier 6 pays ayant connu deux accélérations au cours de l’ensemble de la période, ce qui a amené PGC à conclure que les accélérations sont un phénomène étonnamment répandu. Tableau 2 : Épisodes d’accélération de la croissance en Afrique subsaharienne Décennie 1980 Décennie 1990 Croissance Croissance Post- Post- Début Épisode Épisode Début Épisode Épisode date Croissance Croissance date Croissance Croissance Botswana 1986 7.7 1.2 Angola 1993 4.9 2.6 Burkina 1983 3.3 2.9 Bénin 1993 2.2 2.0 Burundi 1983 2.4 -0.1 Botswana 1996 4.7 … Congo 1984 5.2 -2.7 Burkina 1994 4.7 3.2
9 Gabon 1986 2.9 0.5 Cap Vert 1992 4.5 5.1 Ghana 1983 2.9 2.0 Côte d'Ivoire 1993 2.3 -4.2 Kenya 1984 2.5 -1.6 Éthiopie 1992 3.8 1.4 Lesotho 1986 4.2 2.8 Gambie 1995 2.2 … Maurice 1984 7.3 5.6 Guinée 1994 2.3 0.0 Mozambiq 1986 6.0 2.4 Guinée 1994 29.7 18.5 ue équatoriale Ouganda 1986 3.9 4.1 Malawi 1994 4.8 -3.5 Seychelles 1987 5.7 2.6 Mozambiqu 1994 7.1 5.1 e Tanzanie 1085 2.3 -1.6 Rwanda 1996 2.6 … Tchad 1983 3.3 1.4 Sénégal 1994 2.2 1.5 Zimbabwe 1986 2.6 -1.2 Seychelles 1995 7.5 … Sierra 1999 10.9 … Leone Tanzanie 1999 4.0 … Tchad 1999 8.3 … Zambie 1999 2.1 … Source : Patillo C, Gupta S et Carey (PGC). 2005 Commentaires : Les accélérations soutenues correspondent aux cases grisées. Selon PGC, chiffres sur le PIB par habitant en dollars U.S. Les phases d’accélération durent cinq ans. La croissance post-phase correspond au taux de croissance annuel des cinq ans suivant la fin d’une phase. Puisqu’une phase elle-même dure cinq ans, on ne peut calculer l’accélération des taux de croissance post-phase après 1994. Une accélération soutenue (zones grisées) se caractérise par une croissance moyenne par habitant d’au moins 2 pour cent pendant cinq ans après la fin d’une accélération. Tous les taux de croissance sont calculés au moyen d’une régression du revenu par habitant sur une base constante. Les accélérations où la croissance excède le seuil de 3,5 pour cent de Hausman et al. sont marquées d’un astérisque (2004). Pour le Tchad, les dates de ce seuil correspondent à l’accélération jusqu’à 1981 alors que pour le Rwanda, elles commencent en 1994. Si les phases d’accélération sont si répandues, quelles sont alors les sources des récentes tendances et accélérations observées dans le processus de croissance africain ? 2.2. Les sources de la croissance récente en Afrique. Pattillo et al. (2005) ont effectué une analyse bivariée accompagnée d’un modèle probit multivarié pour étudier l’effet d’une grande quantité de variables explicatives, dont la stabilité macroéconomique, le commerce, la dette, les institutions, le capital et la géographie. Bien entendu, ces auteurs insistaient fortement sur le fait que certaines de ces variables ont tendance à déclencher l’accélération, alors que d’autres lui permettent de se poursuivre. Mais ils identifient de façon convaincante
10 trois variables qui seraient des facteurs contributifs à l’accélération : le commerce, la productivité totale des facteurs (PTF) et un bon gouvernement. Nous examinons de nouveau ces facteurs, afin d’en cerner plus précisément les effets. Les particularités des effets du commerce en Afrique Depuis le milieu des années 1990, la croissance semble s’améliorer sur le continent grâce à l’expansion du commerce international. Plus particulièrement, l’amélioration de la croissance semble être liée à une augmentation marquée de la part des exportations du continent dans les exportations mondiales (Figure 2). En fait, d’après la CNUCED (2006), seuls quelques PMA africains n’ont pas participé à l’accroissement des exportations de marchandises en provenance d’Afrique. Entre 2002 et 2003, la valeur des exportations a chuté en termes nominaux en République centrafricaine, en Gambie, en Guinée, en Mauritanie et en Somalie ; et entre 2003 et 2004, le Cap Vert, l’Érythrée, le Liberia et le Malawi ont connu un déclin de leurs exportations. Cependant, des pays tels que l’Angola, la Guinée équatoriale, le Sénégal et le Yémen comptaient parmi les 10 PMA les plus performants au cours des deux périodes au chapitre de la valeur nominale des exportations. Le Sénégal s’est retrouvé au sein des pays dont la bonne performance dans le commerce de marchandises était due aux exportations de produits manufacturés ; pour certains autres pays, elle était due aux exportations de pétrole. Figure 2 : Croissance et commerce en Afrique, 1990-2004. 15 10 5 Real GDP 0 Growth -5 1990-95 1995-00 2000-04 (%) -10 -15 Percentage change in the -20 share of -25 exports -30 -35 periods
11 Source : élaboré par l’auteur à l’aide des données du Secrétariat général de la CNUCED Mais si le processus de croissance des exportations s’est amorcé en 1995 en Afrique du Nord, l’Afrique subsaharienne a dû attendre les années 2000 avant de connaître une évolution favorable dans ce domaine (Figure 3). Figure 3 : Croissance et commerce ,1990-2004. Afrique du Nord Afrique subsaharienne 20 10 10 5 0 0 1990-95 1995-00 2000-04 1990-95 1995-00 2000-04 -5 -10 (%) -10 (%) -20 -15 -30 -20 -40 -25 -50 -30 Real GDP Growth Percentage change in the share of exports Real GDP Growth Percentage change in the share of exports Source : élaboré par l’auteur à l’aide des données du Secrétariat général de la CNUCED Dans l’ensemble, il y a encore beaucoup à faire, vu que le leader est en déclin alors que la part de l’Afrique subsaharienne est toujours de moins de 10 %. Les effets de la productivité totale des facteurs Bien sûr, Tahari, Ghura, Akitoby et Aka (2004) s’accordent avec Boswoth et Collins (2003) pour dire que la stagnation de la PTF de la région a contribué de façon importante à la faiblesse de la croissance de l’Afrique subsaharienne au cours de la période 1960-2002. Mais ils précisent que la reprise économique actuelle (depuis 1997-2002, par rapport à 1990- 96) dont bénéficient certains pays africains depuis 1996 pourrait tout aussi bien être attribuée à la récente poussée de croissance de la PTF. Tel qu’indiqué dans le Tableau 3, en Afrique, la contribution de la PTF à la croissance est devenue positive (0,8 pour cent) en 1997/2002, alors qu’elle était négative (-0,8 pour cent) en 1990-1996. Selon ces auteurs, les résultats observés sont dans une large mesure imputables à l’amélioration de la performance dans les pays où on estimait que les programmes du Fonds connaissaient du succès, aux pays du franc CFA et à l’augmentation de la production de pétrole en Guinée équatoriale.
12 Tableau 3 : Sources de la croissance en Afrique subsaharienne Contribution de (à la croissance du PIB réel par habitant) Afrique subsaharienne Taux de Capital physique Emploi Productivité Période croissance du totale des PIB réel en % facteurs 1990-1996 2.1 1.3 1.6 -0.8 1997-2002 3.6 1.3 1.4 0.8 Source : Tahari, Ghura, Akitoby et Aka (2004). En effet, seuls les sous-groupes classés parmi les pays à revenu moyen, producteurs de pétrole, sans conflit et membres de la zone du franc CFA on connu une croissance positive de la PTF sur la période 1991-2000. Malheureusement l’Afrique en général, et l’Afrique subsaharienne en particulier, sont encore loin derrière les autres régions, surtout l’Asie orientale et l’Amérique latine, en termes de croissance économique réelle. Les données suggèrent qu’un déficit technologique relativement important serait la cause première des écarts de croissance observés. En effet, la part de la technologie dans la valeur ajoutée manufacturière en Afrique demeure la plus faible au cours de la période 1990-2000 (Figure 4). Figure 4 : Croissance et écart de l’effort technologique entre l’Afrique et d’autres pays en développement, 1990-2000. 60 Real GDP gro wth 1990- 50 2000 40 30 Shareo f M edium and 20 High Techno lgy in 10 M anufacture d Value A dded 1990- 0 2000 S ub- S a ha ra n E a s t A s ia So ut h A s ia La t in A m e ric a a nd A f ric a T he C a ribbe a n Source : élaboré par l’auteur à l’aide des données de la CNUCED sur les taux de croissance et des données de l’ONUDI sur la technologie Une « bonne gouvernance » pourrait-elle modifier les tendances ? La réponse est oui, non seulement pour des auteurs comme PGC, mais aussi selon l’enquête du
13 CEA. Il existe une corrélation positive entre la croissance économique du continent au cours des années 1990 et la qualité de la gouvernance des pays. L’effet d’une bonne gouvernance En Afrique, une « bonne gouvernance » va de pair avec la croissance économique. Comme illustré à la Figure 5, les pays les mieux administrés sont ceux qui ont enregistré les taux de croissance les plus élevés depuis 1990 ; cela correspond assez bien à l’idée courante qu’on se fait d’un bon gouvernement. En effet, Pattillo et al (2005) ont observé que les politiques s’améliorent chez les pays en accélération et sont meilleures que dans les pays dont la croissance n’a pas connu d’accélération. De plus, l’Évaluation de la politique et des institutions nationales (EPIN) de la Banque mondiale, une mesure globale des positions politiques, révèle l’existence d’un lien positif avec les phases d’accélération sur les deux décennies. Figure 5 : La distribution de la croissance du PIB réel en Afrique par rapport à l’indice de gouvernance, 1990-2004. 8 6 Real GDP growth 1990-2000 4 2 0 -2,5 -2 -1,5 -1 -0,5 0 0,5 1 -2 -4 -6 -8 Governance Index Source : données élaborées par l’auteur Remarque : L’indice de gouvernance au quel nous faisons référence ici correspond à une mesure de « la qualité de la réglementation ». Il a été choisi parmi les Indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale. Une bonne gouvernance, telle que décrite dans le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), suppose l’existence d’institutions efficaces et responsables sur les plans politique, judiciaire, administratif, économique et corporatif, ainsi que de règles bien établies qui favorisent le développement, protègent les droits de la personne, respectent la
14 primauté du droit et garantissent aux citoyens une libre participation aux décisions qui ont une incidence sur leur vie. Ainsi une bonne gouvernance doit, entre autres, assurer l’utilisation la plus efficace possible des rares ressources disponibles afin de favoriser le développement, augmenter la participation et la responsabilité ainsi que l’obligation de rendre compte, et avoir la capacité de libérer la population de la pauvreté au fur et à mesure que la légitimité de l’état est reconnue et établie. Pour ces motifs, la bonne gouvernance sous tous ses aspects s’est avérée avoir un lien direct avec l’augmentation du taux de croissance, particulièrement grâce à la création d’institutions qui soutiennent les marchés. À cet égard, Easterly et Wetzel (1989)2, ont souligné le fait que les sociétés où les droits de contrat, légaux et de propriété sont solidement établis ont des coûts de transaction plus bas, ce qui leur permet de réaliser des gains commerciaux et d’atteindre un plus haut niveau de croissance. Heureusement, la scène politique de plusieurs pays africains est devenue plus englobante et permet aux citoyens de participer à l’élaboration des politiques nationales et régionales. Ceux- ci participent également à des groupes de discussion sur la gouvernance, à des audiences publiques, à des tables rondes d’actionnaires et à des dialogues communautaires (CEA, 2005). Les améliorations en cours pourraient être encore meilleures lorsque le prix pour les chefs d’état créé par le Dr. Ibrahim prendra effet (Encadré 1). Encadré 1 : Le prix pour les chefs d’état : une idée du patron de Celtel, le Dr. Mo Ibrahim Lors d’interviews accordées au journal kényan Daily Nation, le Dr Ibrahima déclare : Le 27 octobre 2006 …« Rien, absolument rien, n’est plus important pour le développement africain que la bonne gouvernance. Aujourd’hui, je lance une fondation qui vise à changer de manière radicale les choix auxquels font face les chefs d’état africains…Ces derniers ont souvent risqué de perdre les privilèges du pouvoir et la sécurité financière lorsqu’ils quittent leur poste et cette situation pourrait en inciter certains à s’accrocher au pouvoir et à la corruption. Un prix de 5 millions de dollars sera versé sur une période de 10 ans et le gagnant percevra une pension annuelle de 200 000 dollars, et ce, jusqu’à sa mort… Le 30 octobre 06 …« Le premier prix sera décerné l’année prochaine en octobre 2007 »…Le prix est destiné exclusivement aux chefs d’état africains pour récompenser et promouvoir la bonne gouvernance ».... 2.3. Effets mitigés de la reprise de croissance sur la pauvreté Les décideurs doivent se soucier du lien entre la croissance économique et la distribution des revenus en général et, en particulier, de l’impact de la croissance sur les personnes vivant sous le seuil de la pauvreté. En effet, la pauvreté est toujours 2 Ces auteurs font référence à North (1987) et à la Banque mondiale (1987), Chapitre 4.
15 largement répandue dans les pays africains. Si, comme le soutient la CNUCED (2002)3,, l’incidence de la pauvreté n’a pas diminué au cours des années 1990 dans l’ensemble des PED, demeurant à 50 pour cent de la population totale, les taux les plus élevés se trouvent surout dans les pays africains (Tableau 4) 4 Dans l’ensemble, les conditions de croissance favorables aux pauvres supposent, d’une part, une élasticité de la pauvreté très négative et d’autre part, une distribution moins inégale des revenus. Malheureusement, plusieurs études révèlent de façon constante une faible élasticité de la pauvreté en ce qui concerne l’Afrique. Par exemple, Besley et Burgess (2003) ont observé une élasticité de –0,73 à l’échelle mondiale ; l’Afrique a l’élasticité la plus faible, à –0,49, alors que celle des pays en transition est de –1,14. Tableau 4 : Estimations de la pauvreté dans un échantillon de pays africains selon les seuils de pauvreté internationaux : % de la population personnes disposant de moins d’un dollar par jour Plus récente Taux de Année estimation de Période changement Pays la pauvreté par année Burkina Faso 1998 45 1994-1998 -4.5 Burundi 1998 52 1992 -1998 1.7 République centrafricaine 1993 67 Éthiopie 1995 31 1995 - 2000 -1.6 Madagascar 2001 61 1999 – 2001 6.0 Mali 1994 72 Niger 1995 61 1992 - 1995 6.3 Rwanda 2000 52 Ouganda 1999 85 1996 – 1999 -0.3 Zambie 1998 64 1996 – 1998 4.5 Source : CNUCED (2006) 3 Référence au rapport de la CNUCED de 2006. 4 Évidemment, le rapport de la CNUCED (2006) estime qu’il est encore plus difficile de tirer des conclusions à partir de ces données à cause des différences entre les tendances selon qu’on utilise le seuil de pauvreté international et le seuil de pauvreté national. Mais nous pouvons considérer ces chiffres comme indiquant des tendances générales et nous baser sur cette information.
16 Dans l’ensemble, nous reconnaissons que la croissance en Afrique réussit plutôt mal à réduire la pauvreté. En effet, Tahari et al (2004) font remarquer que bien que la récente reprise de la croissance économique s’est montrée encourageante, la région a encore beaucoup de progrès à faire pour regagner le terrain perdu au cours des trois dernières décennies et pour rejoindre les taux de croissance des autres PMA. En particulier, les taux de croissance économique ne sont pas encore suffisamment élevés pour permettre aux pays d’Afrique subsaharienne de vraiment réduire la pauvreté qui y sévit. En fait, les taux de croissance nécessaires à beaucoup de pays africains pour réduire la pauvreté de manière significative d’ici 2015 sont beaucoup plus élevés que ceux des dernières décennies et il faudrait une poussée considérable de la PTF pour les atteindre. Mais si certains pays africains ont connu un redressement de leur croissance économique depuis le milieu des années 1990, la croissance observée ne semble pas entraîner la création de nouveaux emplois en Afrique. Le continent possède encore trop peu d’emplois productifs, qui se sont avérés un des principaux moyens d’échapper à la pauvreté. 3. Le manque d’emplois productifs en Afrique Si en général, les théories sur la croissance et les études empiriques qui s’y rattachent ont tendance à confirmer l’existence d’un lien entre la croissance et l’emploi, nous estimons que l’activité économique, telle qu’elle est menée sur le continent africain, n’est pas, dans l’ensemble, favorable à l’absorption de la main-d'oeuvre, qui est en croissance, ainsi que la dynamique de la pauvreté. Nous examinerons d’abord les déséquilibres entre l’urbanisation et les capacités de production, puis nous analyserons la dynamique du lien croissance-emploi en Afrique. 3.1. Déséquilibres entre l’urbanisation rapide et les capacités de production Alors que la démographie en général et la population urbaine en particulier connaissent une croissance significative, les capacités de production restent fortement limitées. Croissance démographique, migrations rurales-urbaines et surplus de main-d'oeuvre. Comme plusieurs organismes internationaux l’ont souligné, la population des pays africains connaît une croissance rapide; ce qui contribue à leur causer plus de tort que de bien. En effet, une telle croissance de la population, en augmentant la quantité de main-d'œuvre, limite les autres capacités de production. La CNUCED (2006), par exemple, indique que la population des PMA en âge de travailler connaît une croissance très rapide ; elle pourrait augmenter de près de 30 pour cent entre 2000 et 2010. Figure 6 : Taux de croissance économique et démographique en Afrique 1970-1980 1980-1990
17 7,00 7,00 6,00 6,00 5,00 5,00 4,00 4,00 (%) (%) 3,00 3,00 2,00 2,00 1,00 1,00 0,00 0,00 ca ca ca ca ric a fri A fri fri Afri Af a a a a a t A l t A ric ric ric ric ric s tr a s rn t h Af Af Af Af Af e Ea he or t l t n h W en ut N es tra Ea s r or t C en he So W C o ut N gdp growth 1970-1980 S gdp growth 1970-1980 population growth 1970-1980 population growth 1970-1980 1990-2000 gdp growth 1990-2000 population growth 1990- 2000 4,00 3,50 3,00 2,50 (%) 2,00 1,50 1,00 0,50 0,00 West Central East Southern North Africa Africa Africa Africa Africa Source : élaboré par l’auteur à l’aide de données de la Banque mondiale (WDI2005). Dans le cas particulier des pays africains, les années 1970 se sont caractérisées par une activité importante à l’échelle du continent. Plus intéressant encore, le taux de croissance économique a dépassé celui de la population totale, comme l’indique la partie a de la Figure 6. Pendant les années 1980 cependant, l’activité économique a ralenti considérablement à l’échelle de tout le continent, entraînant les effets indésirables des programmes d’ajustement structurel.
18 Figure 7 : Croissance de la population et de la main-d'œuvre a. Afrique occidentale b.Afrique centrale 3,5 3,5 3 3 2,5 2,5 2 2 (%) (%) 1,5 1,5 1 1 0,5 0,5 0 0 1970-1980 1980-1990 1990-2000 1970-1980 1980-1990 1990-2000 Population growth Labor force growth Population growth Labor force growth c.Afrique de l’Est d.Afrique australe 3,5 3,5 3 3 2,5 2,5 2 2 (%) (%) 1,5 1,5 1 1 0,5 0,5 0 0 1970-1980 1980-1990 1990-2000 1970-1980 1980-1990 1990-2000 Population growth Labor force growth Population growth Labor force growth e.Afrique Population growth 3,5 labor force growth 3 2,5 2 (%) 1,5 1 0,5 0 1970-1980 1980-1990 1990-2000 Source : élaboré par l’auteur à l’aide de données de la Banque mondiale (WDI2005).
19 Malheureusement, une telle récession économique va de pair avec une croissance démographique impressionnante : la croissance économique est inférieure au taux de croissance démographique de trois régions sur cinq, c’est-à-dire l’Afrique occidentale, l’Afrique centrale et l’Afrique du Sud. L’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Est enregistrent des taux de croissance moyens du PIB réel qui dépassent le taux de croissance moyen de la population (b de la figure 6). Finalement, bien que les années 1990 aient été marquées par une certaine embellie économique sur le continent, le taux observé ne semble pas résister à une population toujours croissante (e de la figure 6). C’est particulièrement le cas pour l’Afrique centrale où les populations ont augmenté, alors que les conditions économiques se détérioraient. En Afrique du Nord, pourtant, et dans une moindre mesure en Afrique occidentale, la croissance économique reste encore plus élevée que la croissance de la population. Globalement, la population a augmenté parallèlement avec la force de travail (figure 7), ce qui renforce la dynamique d’autosuffisance de la force de travail sur le continent. Bien sûr la main-d’œuvre disponible s’est accrue dans tous les pays. Mais nous devons prendre note qu’une telle croissance n’est rien d’autre que le résultat d’un exode de la force de travail des campagnes vers les zones urbaines. Quelques exceptions toutefois, telles l’Égypte, Maurice, et l’Afrique du Sud où la proportion de la population citadine a plutôt diminué par rapport à la population rurale (tableau A1 Annexes). Si nous acceptons la supposition qu’il existe une importante différence en ressources humaines entre le milieu rural et le milieu urbain, alors il est clair qu’un tel afflux de travailleurs aurait pour résultat de submerger les zones urbaines de travailleurs sous qualifiés. Des capacités de production toujours restreintes. Il est clair qu’il existe une relation entre la croissance économique et les dynamiques de création d’emplois. En de normales circonstances, une forte croissance économique devrait être associée à l’accroissement de l’emploi dans une économie ou une région donnée. Pourtant tout dépend de l’évolution des capacités de production ; ce que nous considérons comme étant les ressources de production, les capacités d’entreprendre et tout ce qui concerne la capacité d’un pays à produire des biens et des services pour assurer sa croissance et son développement.5 Les ressources productives, qui comprennent les ressources naturelles et humaines, les ressources du capital physique et financier ne sont pas suffisantes. Elles ont besoin d’être combinées aux capacités d’entreprendre d’une part et d’autre part aux liens de production - circulation des biens et circulations des informations et de la connaissance, circulation des ressources productives – afin de maintenir la production. 5 Une definition que nous empruntons à la CNUCED (2006)
20 Selon Islam (2004), il est tout à fait possible de décrire clairement les différents enchaînements qui conduisent à la création d’emplois en période de croissance économique. Selon cet auteur, quand de forts taux de croissance économique conduisent à une capacité de production soutenue, des offres d’emploi à productivité accrue sont générées. Ceci à son tour permet une absorption et une intégration graduelles des chômeurs et des sous-employés à des activités économiques en expansion avec un plus haut niveau de productivité. Ainsi les pauvres peuvent parvenir à une meilleure productivité et augmenter les revenus deleur emploi actuel ou se hisser à de meilleurs emplois demandant un niveau supérieur et/ou une meilleure technologie. Le résultat de ce changement ainsi décrit se trouve dans : (i) une meilleure productivité dans des secteurs et métiers divers (ii), une évolution de la structure de l’emploi vers des métiers à haut niveau de productivité, et (iii) une augmentation du salaire réel, des revenus de l’emploi indépendant et des revenus du salariat. Une croissance économique soutenue exige l’expansion et le développement tout autant qu’une totale utilisation des capacités de production. Effectivement, l’intensification des capacités de production est un élément fondamental pour permettre une création d’emplois viable dans l’économie. Plus spécifiquement, une articulation de l’accumulation du capital avec le progrès technique est un facteur essentiel pour développer l’emploi dans une économie de croissance. Les faits, en Afrique, pourtant ne sont pas rassurants. L’accumulation du capital et les progrès techniques ne semblent pas aller de pair. (figure 8). Figure 8 Déséquilibre entre l’accumulation du capital et le progrès technique en Afrique, 1990-2000 Source : données élaborées par l’auteur d’après les informations de la CNUCED Remarque : Le progrès technique, comme indiqué ici, est le taux de croissance annuel moyen de la part des moyennes et nouvelles technologies dans la valeur ajoutée du secteur manufacturier des pays considérés durant la période 1990-2000. L’accumulation du capital est calculée avec le taux de croissance annuelle par rapport à la réserve gagnée par les pays considérés durant la même période. Seuls les pays où les données étaient disponibles ont été pris en compte. Six pays ont eu une expansion concomitante en fonds propres et en effort technologique (Sénégal, Togo, Cameroun, Éthiopie, Zimbabwe, et Malawi) durant la période 1990-2000. Cinq autres présentent une dynamique différente, telle qu’une croissance du capital en fonds propres associée à un affaiblissement de l’effort technologique (Mali, République centrafricaine, Kenya, Madagascar, Zimbabwe). Il est intéressant, pourtant, de noter que tous ces pays, dans notre exemple, ont une accumulation constante du capital. Mais une telle accumulation du capital n’a pas toujours été en corrélation avec l’effort technologique. On peut donc douter de la réelle efficacité de l’accumulation du capital observée. On peut affirmer sans exagération qu’à l’évidence, le continent africain a bénéficié d’une accumulation du capital sur la décade considérée. Mais l’effort technologique supposé l’accompagner n’a pas toujours suivi ; ce qui a nui au développement des capacités et par là-même à création d’emplois. 3.2 La dynamique due lien entre la croissance et l’emploi en Afrique
21 Vue d’ensemble du lien en termes d’arrière-plan théorique et revue de quelques études pertinentes sur la question, suivie d’une évaluation des dynamiqus régionales du lien croissance-emploi en Afrique. La dynamique du lien croissance-emploi : vue d’ensemble La dynamique est d’abord théorique. À ce sujet, deux questions se posent : (i) Est-ce que les auteurs ont toujours considéré la croissance comme un facteur de développement de l’emploi ? (ii) Ou bien l’emploi ne détermine-t-il pas plutôt la croissance ? La réponse à ces questions alimente une abondante littérature, relative à la loi d’Okun (1962) voir encadré 2. Encadré 2 Enquête sur les relations entre la croissance et l’emploi : importance de la loi d’Okun Comme l’ont signalé Harris et Silverstone (2001), la loi d’Okun- la relation entre les changements du chômage et le rendement- est un concept important en macroéconomie à tant d’un point théorique qu’empirique. Théoriquement la loi d’Okun est le lien entre la courbe d’offre globale et la courbe de Phillips. Empiriquement, le coefficient d’Okun est une règle empirique en prévision et en politique. Effectivement, en utilisant des données trimestrielles de l’économie américaine durant la période 1947-1957, Okun réussit à montrer qu’il existe une relation inverse d’à peu près 1 pour 3 entre le taux de chômage et la croissance. En d’autres termes, une réduction de 1 % du taux de chômage provoque une hausse de la production de 3 % vice- versa. Ainsi pour un niveau stable de main-d’œuvre, une augmentation de la production conduit à une augmentation de l’emploi. À ce propos Okun, dans sa communication de 1962, indique que l’élasticité de l’emploi à la croissance varie entre 0,35 et 0,40. Gordon (1984) renforce l’importance de cette loi en montrant qu’elle est devenue populaire en macroéconomie parce qu’entre autres, elle s’est avérée suffisamment stable et fiable durant ces vingt dernières années pour être érigée en tant que loi. Harris et Silverstone (2001) observent cependant que malgré son utilité théorique et empirique, la loi d’Okun présuppose une relation symétrique entre ses éléments. Ce présupposé, en vertu duquel les expansions et les contractions de la production ont le même effet absolu sur le chômage, pourrait ne pas toujours être approprié. Les auteurs observent également qu’étant donné le lien entre la loi d’Okun et la courbe de Phillips, il n’est pas étonnant que le renouveau d’intérêt pour les modèles testant l’asymétrie de la courbe de Phillips se double d’un intérêt similaire pour la loi d’Okun. À cet égard, ils se réfèrent à un certain nombre d’auteurs (Debelle et Laxton, 1997 ; Laxont et al. 1999, Lee 2000 et Virén 2001). Pourtant Harris et Silverstone (2001), Courtney (1991) et Palley (1993) font partie de ceux qui pensent que le coefficient d’Okun peut être différent suivant que l’on est en expansion ou en contraction. Leurs explications concernant l’asymétrie dans la loi d’Okun inclut des changements dans les taux de croissance sectoriels et les taux de participation de la main- d’œuvre. Ainsi que l’ont souligné Lee (2000), Mayes et Viren (2000) et Viren (2001), ils utilisent des techniques économétriques contemporaines pour examiner l’asymétrie dans
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