Huit conditions du développement de l'électromobilité - pour l'inscrire dans la transition écologique et la lutte contre les changements climatiques
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Huit conditions du développement de l’électromobilité pour l'inscrire dans la transition écologique et la lutte contre les changements climatiques
Introduction et contexte P remier contributeur en termes d’émissions de gaz créant notamment un système de récompense pour à effet de serre, le secteur des transports doit se les constructeurs automobiles1. Au niveau national, la passer totalement des énergies fossiles (pétrole et loi de transition énergétique prévoit le déploiement de gaz naturel) dès que possible et au plus tard en 2050 pour sept millions de bornes de recharge électriques d‘ici respecter les engagements de l’accord de Paris de limiter 2030. En juillet 2017, le gouvernement a annoncé la fin la hausse des températures en-deçà de 2°C et 1,5°C autant de la commercialisation des « véhicules thermiques que possible. Il est nécessaire de fixer le cap de fin des qui émettent des gaz à effet de serre » d’ici 2040, avant véhicules thermiques consommant des carburants fossiles de positionner les batteries des véhicules électriques à un horizon de temps cohérent avec ces engagements parmi les priorités de relance de l’industrie française et climatiques. Il s’agit également d’infléchir au plus tôt la européenne. Au niveau des villes, des « zones à basses courbe des émissions de gaz à effet de serre du secteur émissions » ouvertes aux véhicules électriques se mettent pour tendre vers zéro émission de GES pour viser la en place dans le cadre de zones à circulation restreinte et neutralité carbone, inscrite dans le Plan climat français. la ville de Paris vise la fin de la circulation des véhicules essence et diesel d’ici 2030. Le véhicule électrique apparait comme un levier privilégié des responsables politiques et des acteurs À ce jour, le déploiement du véhicule électrique est économiques pour opérer la transition écologique dans encore anecdotique et son développement industriel le secteur des transports. Toutefois, s’il peut réduire les embryonnaire. Pour autant, alors que les politiques et nuisances sonores et la pollution de l’air, les émissions de mesures pour l’encourager s’accélèrent, il est plus que gaz à effet de serre et la consommation de pétrole grâce temps d’en anticiper les impacts. Nos organisations au développement de l’électricité renouvelable, il reste environnementales s’appuient sur les rapports et néanmoins la cause de nombreuses nuisances. Ainsi, études les plus récentes2 pour faire le point sur les des pollutions locales à l’épuisement des ressources en huit conditions qu’il est nécessaire de réunir pour passant par la congestion routière, l’encombrement de véritablement faire de l’électromobilité un atout dans la l’espace public et les conditions de travail indignes dans transition écologique et la lutte contre les changements les mines, les décideurs politiques font encore trop peu climatiques. de cas des impacts environnementaux et sociaux que son développement occasionnera. Dans la perspective de la future loi sur les mobilités, nous formulons des orientations pour guider les politiques La Commission européenne a fait du véhicule publiques vers la prise en compte de ces conditions ainsi électrique un axe central de son paquet Mobilité en qu’un certain nombre de mesures concrètes. Chiffres clés Les impacts des véhicules thermiques et électriques selon l’analyse de cycle de vie réalisée2 Si une voiture électrique a un Impact climat en 2016 Impact acidification potentiel de réchauffement des écosystèmes en 2016 Une citadine électrique émet global environ deux fois 12 tonnes de CO2eq. contre 33 Il est équivalent entre moindre par rapport à son tCO2eq. pour une citadine essence. une citadine électrique et équivalent essence, elle cause des émissions de gaz à effet de Une berline électrique émet 26 une citadine thermique serre aux différentes étapes de tCO2eq. contre 46 tCO2eq. pour (63kgSO2-eq.) sa production. son équivalent diesel. L’impact de la berline électrique En 2030, une citadine électrique est 40% plus important que son variera entre 8 et 14 t CO2 selon équivalent thermique. le mix électrique. 1. Dans sa proposition législative de novembre 2017, la commission européenne établit un objectif de 30% de VE pour chaque constructeur automobile en 2030. Les constructeurs automobiles qui atteignent ce quota verraient leurs objectifs de réduction d’émissions de leurs flottes assouplis. En revanche ils ne sont pas pénalisés en cas d’échec. https://ec.europa.eu/clima/policies/transport/vehicles/proposal_en 2. Quelle contribution des véhicules électriques à la transition énergétique, par FNH / ECF/ Carbone 4 décembre 2017 http://www.fondation-nature-homme.org/magazine/ quelle-contribution-du-vehicule-electrique-la-transition-energetique 4. Les chiffres clés du climat 2018, CGDD. .
Préalable 1 Condition 5 Avant tout, repenser Développer l’électromobilité la place de la voiture en complementarité avec La voiture électrique est présentée comme la pierre la solution gaz renouvelable angulaire d’une politique de mobilité durable, or elle La fin des véhicules essence et diesel qui roulent ne pourra suffire : la baisse du nombre de véhicules actuellement aux énergies fossiles laissera la place en circulation, la baisse des distances parcourues et à un parc routier moins volumineux fonctionnant à le transfert vers d’autres modes de déplacement sont l’électricité et au gaz d’origine renouvelable. indispensables pour atteindre les objectifs de neutralité carbone tout en préservant l’environnement et faire face à la criticité des ressources minérales. Condition 6 Adapter les véhicules Condition 2 (taille, vitesse, puissance) Repenser la voiture comme aux besoins des usagers service plutôt que comme et aux limites de la planete objet privé Pour limiter l’utilisation des ressources naturelles L’intensification de l’usage du véhicule électrique grâce à notamment minérales et la consommation énergétique son partage entre usages privés et professionnels revient des véhicules, il est nécessaire de faire évoluer la à mutualiser les impacts environnementaux liés à sa gamme de voitures vers des modèles sobres, moins fabrication et renforce la tendance à la démotorisation lourds et moins puissants, et d’éviter les véhicules des ménages. surdimensionnés par rapport aux besoins. Condition 3 Condition 7 Accélerer la transition vers Garantir la soutenabilité un mix electrique 100% energie environnementale des filières renouvelable de la conception au recyclage, C’est dans le cadre du développement vers un mix La production de véhicules électriques engendre des électrique 100% renouvelable que l’électromobilité est pollutions et des pressions sur l’environnement et la vertueuse pour lutter contre les changements climatiques santé des populations locales. De plus, elle est confrontée tout en préservant l’environnement. à l’épuisement de ressources minérales. La relocalisation des activités de production des batteries et leur éco- Condition 4 conception en vue d’un recyclage complet doivent guider les politiques industrielles. Maîtriser la consommation d’électricite pour reduire Condition 8 les emissions de gaz à effet Garantir la transparence de serre et le devoir de vigilance Sans diminution forte de la consommation nationale d’électricité et sans maitrise des appels de puissance sur les filierès d’extraction occasionnés par la multiplication des véhicules Avec le développement de l’électromobilité, la électriques sur le réseau, l’atout du véhicule électrique dépendance s’accroit vis-à-vis de ressources minérales pour le climat est compromis. extraites dans des zones fragiles, comme le cobalt et le lithium. Développer des chaines d’approvisionnement transparentes et responsables en appliquant pleinement le devoir de vigilance et la transparence des filières d’extraction est un enjeu vital pour améliorer les droits des populations locales affectées par les activités minières.
Avant tout, repenser la place de la voiture L a voiture individuelle est le premier aujourd’hui centré sur la voiture vers un mode de déplacement utilisé en « écosystème mobilité », qui donne une France, tant en ville qu’en zone véritable place à une diversité de modes de périurbaine ou rurale, sur les courtes déplacements, de la marche aux transports distances et les déplacements longs. Elle est collectifs en passant par le vélo et le train. La baisse du nombre de véhicules en circulation en effet utilisée quotidiennement par les sera soutenue par l’émergence de toutes deux-tiers des Français. D’aucuns imaginent les alternatives, individuelles, collectives le véhicule électrique comme solution de « ou partagées et par une réorientation des remplacement » des véhicules actuels qui pratiques d’aménagement et d’urbanisme carburent aux énergies fossiles, mais une pour une plus grande maîtrise des 70% « simple » conversion du parc automobile déplacements. à volume constant n’est en réalité ni facile sur le plan énergétique, ni souhaitable pour préserver l’environnement et le climat. Pour des raisons environnementales, économiques et sociales, il est impératif LA VOITURE EST CHOISIE DANS 70 % de faire évoluer notre système de transport DES DÉPLACEMENTS QUOTIDIEN VERS LES LIEUX DE TRAVAIL ET D’ ÉTUDES
Les faits Sept raisons de ne pas tout miser sur la voiture électrique pour la lutte contre les changements climatiques : 1 4 7 Les scénarios de transition La congestion routière Enfin, le modèle de la voiture énergétique qui tendent vers et l’encombrement de individuelle n’est plus adapté les objectifs de l’accord de Paris l’espace public resteront à notre époque ! Il se heurte que se sont fixés les Etats pour limiter aussi problématiques si le nombre à la transformation profonde des la hausse des températures à 2°C et de véhicules en circulation reste pratiques, et des attentes des citoyens 1,5°C autant que possible1 misent identique. Chaque véhicule : la voiture particulière, à entretenir sur une réduction des distances parcourt 13 000 km par an, mais et à garer, à assumer financièrement, parcourues, une diversification il est inexploité 95 % du temps n’est plus adaptée à des modes de des modes de déplacement et de et est occupé par seulement 1,3 vie urbains désynchronisés, moins transports en parallèle de l’évolution personne en moyenne : ces « actifs attachés à la possession du véhicule du parc routier vers des véhicules immobilisés » sont consommateurs qu’à son usage serviciel. moins polluants. d’espaces. Pour toutes ces raisons, 2 5 l’électromobilité devra parier sur un La production de Le système actuel laisse de déploiement « démocratique » fondé véhicules électriques est fait de nombreuses personnes sur la concertation où les besoins consommatrice d’énergie et sur le bord de la route pour réels et les usages doivent constituer de ressources naturelles, notamment des raisons de coût et d’isolement. le point de départ des politiques de minérales, qui sont présentes en Remplacer tous les véhicules mobilité. La place de la voiture est quantité limitée sur la planète. par de nouvelles motorisations amenée à évoluer, et le nombre de 3 n’apporte pas de réponse nouvelle voitures en circulation pourra être Le véhicule électrique, à la problématique sociale de réduit en premier lieu dans les villes, qui émet 2 à 3 fois moins vulnérabilité liée à la mobilité. mais également dans les zones peu 6 qu’un diesel ou essence denses. sur l’ensemble du cycle de vie, ne Les véhicules électriques La réduction du parc automobile suffira pas à atteindre les objectifs n’émettent pas de est une évolution qui mérite d’être par simple conversion du parc. La polluants atmosphériques préparée, anticipée, accompagnée, décarbonation totale du secteur à l’échappement. Néanmoins, ils par les acteurs de la filière et industriel notamment automobile est ne résolvent pas le problème des l’Etat, tout comme l’émergence de complexe. particules fines dues à l’abrasion des nouveaux services et de modèles pneus, des freins et du revêtement économiques. routier2. Les politiques et mesures prioritaires Local Local National National Articuler Bâtir Donner Passer urbanisme et transports des villes à basses les moyens financiers aux de la prime à la conversion pour privilégier la mixité émissions où la place de collectivités de développer automobile à la prime à fonctionnelle dans le cadre la voiture est réduite, où les solutions de transports la mobilité adossée aux de « villes et de village la vitesse de circulation adaptées à leurs territoires conditions de revenus, et de courtes distances » et est limitée à 30km/h et le pour réduire l’utilisation différenciée en fonction inscrire la multimodalité stationnement en voirie de la voiture individuelle des territoires, qui prenne dans les outils de est maitrisé. et favoriser le report modal en compte les voitures, les planification. deux-roues motorisées, les vélos, les abonnements de train et service d’autopartage. Pour aller plus loin : Les villes « respire » de demain : repenser la mobilité face à l’urgence climatique et sanitaire https://reseauactionclimat.org/publications/repenser-mobilite-urgence-climatique-sanitaire/ Les solutions de mobilité soutenables dans les territoires peu denses https://reseauactionclimat.org/publications/solutions-mobilite-milieu-rural-periurbain/ 1. Cf. Le scénario ADEME Actualisation des visions 2030-2050, republié en octobre 2017 qui s’inscrit dans l’objectif 2°C: Les kilomètres parcourus en voiture individuelle baisseront de 15% d’ici 2030, de 30% d’ici 2050. Les kilomètres parcourus baissent également dans le scénario Négawatt, seul scénario qui s’inscrit dans une trajectoire de neutralité carbone. 2. Ce type d’émissions représente 41% des particules émises par le trafic routier francilien selon Airparif.
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