Iléite de découverte fortuite : quelle prise en charge ?
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POST’U (2021) Iléite de découverte fortuite : quelle prise en charge ? Catherine REENAERS Service de gastroentérologie, Université de Liège, CHU Sart-Tilman, Avenue de l’Hôpital B35, 4000 Liège, Belgique catherine.reenaers@chuliege.be disponibles (SES-CD, CDEIS) sont Introduction inadaptés à la description d’une iléite isolée et sous-estiment sa gravité. Diverses lésions peuvent être rencon- L’intubation et l’évaluation de l’iléon trées : érythème muqueux (avec ou terminal font actuellement partie de sans signes hémorragiques sous- la routine lors de la réalisation d’une muqueux), œdème, lésions nodulaires, iléo-coloscopie. Des lésions limitées à plaie muqueuse allant de l’érosion l’iléon terminal peuvent également à l’ulcération aphtoïde et à l’ulcé- être mises en évidence de façon ration. Ces dernières peuvent être fortuite suite à l’utilisation de plus superficielles ou creusantes, courtes en plus large de la capsule endosco- ou étendues. Le score de Rutgeerts pique. La maladie de Crohn (MC) est définit précisément l’iléite de Crohn une maladie inflammatoire chronique mais dans la situation spécifique de du tube digestif pouvant toucher de la récidive post-opératoire (1). Il a façon isolée l’iléon terminal dans par ailleurs l’avantage d’être un score 30 % des cas. Au moment de son pronostique sur l’évolution clinique diagnostic, elle se présente sur un future. Par analogie avec cette classifi- mode purement inflammatoire dans cation, on peut considérer qu’une iléite 80 % des cas. Dès lors, la découverte de aphtoïde diffuse avec muqueuse inter- lésions muqueuses limitées à l’iléon au calaire inflammatoire (i3) ou une iléite cours d’une endoscopie peut survenir diffuse avec ulcérations plus larges, sans que l’investigateur ne puisse se nodules et/ou sténose (i4) doit être MICI prononcer sur le caractère spécifique considérée comme sévère et à haut de ces lésions ni sur leur impact sur potentiel évolutif. Le caractère pronos- la prise en charge clinique future. tique des ulcères creusants n’a jamais Dans cette situation particulière, il est été démontré que dans le côlon (2). important pour le clinicien de pouvoir Par extrapolation, le bon sens clinique interpréter la signification d’une iléite doit considérer des ulcères creusants terminale isolée, de pouvoir exclure iléaux comme des lésions sévères d’autres causes d’iléite et de connaître pouvant évoluer vers des lésions tissu- OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES leur évolution afin de proposer l’atti- laires irréversibles (Figure 1). tude clinique la plus pertinente. — Connaître les causes d’iléite — Connaître les arguments permet- tant d’évoquer une maladie de Incidence et diagnostic Crohn et quelles explorations envi- sager ? Sémiologie endoscopique différentiel d’une iléite — Connaître la prise en charge théra- d’une iléite terminale peutique et la surveillance — Connaître le pronostic à long terme L’iléite est une inflammation iléale Une étude espagnole a démontré d’une maladie de Crohn iléale de au sens large quelles que soient son que l’incidence d’une iléite radiolo- découverte fortuite origine et les lésions qui la caracté- gique ou endoscopique aux urgences, risent. La sémiologie endoscopique chez des patients symptomatiques, est pauvre pour décrire les lésions non connus pour une MC, était de LIENS D’INTÉRÊTS iléales rencontrées en endoscopie et 33 pour 100 000 (3). Une cause, le Abbvie, Merck-MSD, Ferring, Takeda, classifier celles-ci en légères à sévères. plus souvent infectieuse, était mise Janssen, Thermo-fisher, Pfizer Par ailleurs, les scores endoscopiques en évidence dans 60 % des cas. Dans 225
Figure 1 : Exemple de lésions iléales de découverte fortuite. Ulcération aphtoïde avec halo inflammatoire, plages érythémateuses avec saignement sous-muqueux Ulcères linéaires courts superficiels Ulcère creusant Erythème diffus une étude américaine, un diagnostic Une des causes les plus fréquentes La tuberculose intestinale est une d’iléite terminale a été posé chez d’iléite aiguë est l’iléite à Yersinia cause fréquente d’iléite infectieuse 40 /1 900 patients bénéficiant d’une enterocolica ou à Yersinia pseudo- (5, 6). Il s’agit de la principale cause coloscopie de routine sur une période tuberculosis (5, 6). Le tableau cli- d’iléite dans les zones endémiques. de 5 ans (4). Moins de la moitié des nique est aigu à subaigu avec fièvre Une tuberculose extra-pulmonaire patients présentaient des plaintes modérée depuis 1 à 3 semaines. est décrite chez 20 % des patients digestives. Radiologiquement, on observe un immuno-compétents et 50 % des épaississement et un rehaussement patients immuno-déprimés. L’atteinte Outre la MC, de nombreuses patho- logies peuvent être responsables des parois de l’iléon terminal. Une pulmonaire est absente dans 70 % d’une iléite terminale (5). Comme adénite mésentérique d’accompa- des cas, ce qui rend le diagnos- pour la plupart des diagnostics diffé- gnement est également possible. En tic différentiel difficile, avec une rentiels, ceux-ci peuvent être classés revanche, on ne note ni sténose(s) ni MC notamment. Une atteinte iléo- en infectieux, néoplasiques, vascu- de fistule(s). Endoscopiquement, des cæcale est décrite dans 90 % des laires, toxiques, infiltratifs et « idiopa- lésions aphtoïdes du cæcum et de cas. La clinique est non spécifique thiques ». Les deux causes infectieuses l’iléon terminal sont décrites. Le dia- mais la fièvre est souvent élevée. Des les plus fréquentes et l’iléite asso- gnostic est posé sur les coprocultures. complications telles des occlusions ciée aux spondylarthtropathies sont Il est également possible de faire un ou des perforations sont décrites. détaillées ci-dessous. Un tableau plus diagnostic rétrospectif sur la base du L’aspect endoscopique est proche de exhaustif est proposé afin de ne pas taux d’anticorps anti-Yersinia 03, 09 et la MC avec présence d’ulcérations, méconnaître les causes plus rares pseudotuberculosis. Un traitement par de pseudopolypes et de sténoses. (Tableau 1). quinolone est efficace en 3 à 5 jours. Les techniques d’imagerie médicale Tableau 1 Principaux diagnostics différentiels d’iléite Infectieux Yersinia spp Salmonella spp Mycobacterium tuberculois/avium Actinomycose Cytomegalovirus Anisakiase Histoplasma Capsulatum Clostridioides difficile Inflammatoires Maladie de Crohn Iléite associée aux spondylarthropathies Médicamenteux AINS, KCl, contraceptifs oraux, ergotamine, digoxine Vasculaires : Lupus, périartérite noueuse, purpura rhumatoïde, Behcet, granulomatose de Wegener, Vascularite artérite de Takayasu Ischémie Tumoraux Adénocarcinome, lymphome, tumeur carcinoïde, métastase, lymphosacrome Maladies infiltratives Entérite à éosinophiles, sarcoïdose, amyloïdose d’après Ph. Seksik, Hépato-Gastro et Oncologie digestive, Volume 26 ; Numéro 8 ;octobre 2019 226
objectivent un épaississement des pose alors la question du diagnostic patients consommant des AINS ont parois iléales mais plus irrégulier différentiel d’une MC débutante ou été exclus de l’analyse. Parmi les que dans la MC. La présence d’adé- de lésions non significatives sans 93 patients suivis durant 30 mois, nopathies nécrotiques peut orienter implication clinique future. Connaître 60 patients ont vu les lésions iléales le diagnostic. L’histologie ne permet l’histoire naturelle d’une iléite termi- cicatriser spontanément. Parmi les pas de poser le diagnostic dans nale, et notamment le risque d’évolu- 31 patients porteurs de lésions per- tous les cas : la coloration de Ziehl- tion vers une MC avérée, est capital sistantes, les lésions sont restées Neelson n’est positive que dans 30 % pour proposer un traitement et un stables chez 22 patients, se sont amé- des cas et la sensibilité de la PCR suivi adéquats afin d’éviter le risque liorées chez 6 patients et ont évolué est faible, variant de 40 à 70 %. La de complications dans le futur. de façon fluctuante chez 2 patients. technique de choix reste la coprocul- Seul un patient a évolué vers une ture mais sa positivation peut mettre Une des causes les plus fréquentes MC. Une autre étude a analysé 3 à 8 semaines. Il convient donc de d’iléite de découverte fortuite est 108 patients porteurs d’une iléite garder ce diagnostic à l’esprit notam- l’iléite induite par les anti-inflam- terminale à l’endoscopie, mais dont ment chez des patients revenant de matoires non-stéroïdiens (AINS) l’indication de coloscopie comprenait zones endémiques ou travaillant (8). Une étude de la Mayo Clinic également des plaintes digestives et dans des milieux à risque. a analysé 108 cas d’iléites isolées, des anomalies à l’imagerie médicale diagnostiquées lors d’une colos- (10). Cinq patients ont évolué vers Des lésions iléales peuvent être mise copie dont les indications étaient une MC durant un suivi de 55 mois. en évidence chez deux tiers des diverses (symptômes digestifs, La présence d’une sténose iléale était patients présentant une spondy- examen morphologique anormal, un facteur de risque d’évolution vers larthropathie (6). Le plus souvent, saignement digestif, dépistage). une MC. Une autre étude a analysé il s’agit de lésions aphtoïdes, Elle était expliquée par une prise séparément les iléites isolées chez les d’érythème et d’érosions. Elles sont d’AINS dans les 6 mois précédents patients symptomatiques et asympto- plus fréquentes en cas de maladie chez 47 % des patients. Dans une matiques (11). Aucun des 14 patients évolutive et peuvent disparaître autre étude américaine, l’iléite de asymptomatiques n’a évolué vers lorsque la pathologie articulaire découverte fortuite était expliquée une MC en 5 ans de suivi tandis que s’améliore. Cependant, les spondy par une prise récente d’AINS chez 2/3 des patients symptomatiques larthtospathies peuvent être asso- 33 patients sur 40. L’aspect endosco- (10/15) ont développé une MC. Le ciées à une maladie inflammatoire pique était similaire à celui observé caractère pronostique du type de chronique intestinale dans 5 à 10 % dans une MC avec présence d’éro- lésion découverte n’a pas été étudié des cas et il convient de ne pas sions, et d’ulcérations aphtoïdes. Les dans les études publiées. méconnaître une MC débutante. Une lésions et les saignements se sont étude gantoise a analysé 354 colos- résolus dans tous les cas à l’arrêt des L’histologie joue un rôle important copies de patients présentant une AINS. Les lésions digestives induites dans le diagnostic différentiel et le spondylarhtropathie (7). Soixante par les AINS peuvent toucher classi- pronostic d’une iléite terminale. Une pour cent des patients présentaient quement l’estomac et le duodénum, étude a analysé la valeur prédictive une iléite microscopique et près de mais également l’iléon terminal. Elles des biopsies iléales chez des patients la moitié d’entre eux avait des signes sont rarement symptomatiques à avec suspicion clinique de maladie d’iléite chronique. Le suivi a montré l’exception de saignements occultes inflammatoire chronique intestinale que 20 % de ces dernières correspon- induisant carence martiale et anémie mais présentant un iléon macrosco- MICI daient à une MC contre 11 % chez les jusque dans 75 % de cas. L’arrêt des piquement normal (12). Quinze pour patients présentant une iléite aiguë. AINS permet généralement une réso- cent des patients présentaient une En cas de lésions mineures chez un lution des lésions. La prise d’AINS est iléite microscopique. Parmi eux, une patient asymptomatique, avec histo- un élément important à rechercher iléite aiguë, chronique légère, chro- logie normale, aucun traitement ni à l’anamnèse lors de la découverte nique modérée à sévère et granulo- suivi n’est nécessaire. En revanche, d’une iléite chez un patient asymp- mateuse a été mise en évidence chez en cas de lésions histologiques parti- tomatique. 61 %, 29 %, 5 % et 5 % respective- culièrement chroniques, un risque ment. La présence d’une iléite chro- d’évolution vers une MC est significa- Peu d’études sont disponibles sur nique microscopique était associée tivement plus important et un suivi l’histoire naturelle de l’iléite de à une évolution vers une MC dans clinique et biologique avec suivi des découverte fortuite une fois que la 40 % des cas sur un suivi de 5 ans. biomarqueurs est recommandé. prise d’AINS a été écartée. Les taux Dans cette étude, 100 % des patients d’évolution vers une maladie inflam- avec iléite microscopique modérée à matoire de l’intestin varient de 1 à sévère et granulomateuse ont évolué 34 % suivant les études. Cette large vers une MC. Les patients porteurs fourchette s’explique par l’inclu- d’une iléite aiguë n’avaient pas de Histoire naturelle sion dans les différentes études de risque plus élevé d’évoluer vers une d’une iléite terminale patients tantôt symptomatiques, MC par rapport aux patients porteurs de découverte fortuite tantôt asymptomatiques, ces der- de biopsies normales. Ces données niers ayant un plus faible risque doivent nous inciter à la réalisation d’évolution vers une MC. Une étude a de biopsies qui permettent d’exclure À côté du diagnostic d’iléite aiguë spécifiquement analysé des patients certains diagnostics différentiels mais chez un patient symptomatique (vide asymptomatiques (9). Les patients aussi de prédire le devenir des patients supra), une iléite isolée peut être porteurs d’ulcérations buccales, chez qui une MC est suspectée clini- découverte de façon fortuite. Il se génitales, ou coliques ainsi que les quement. 227
d’une maladie fonctionnelle avec une Une exploration de l’intestin grêle Quelles explorations sensibilité de 80 à 98 % et une spéci- par imagerie médicale (échographie, complémentaires ficité de 68 à 96 % pour des valeurs entéro-scanner ou entéro-IRM) est seuil de 30 à 100 mg/g de selles. recommandée pour évaluer l’exten- proposer pour confirmer Cependant, en cas d’iléite de Crohn sion des lésions et rechercher une le diagnostic de MC ? isolée, la calprotectine fécale est moins atteinte transmurale iléale suggérant bien corrélée à l’activité endoscopique une MC. qu’en cas de maladie colique ou Les biomarqueurs peuvent aider à iléo-colique. Les valeurs sont moins conforter un diagnostic de MC dans élevées en cas de maladie active, mais certaines situations difficiles (13). Les elles restent néanmoins pathologiques anticorps anti-saccharomyces cere- Quel traitement le plus souvent. Dans l’iléite de Crohn visiae (ASCA) sont positifs dans 50 à isolée, une corrélation a été démontrée et quel suivi proposer ? 80 % des cas de MC avec une spécifi- entre la calprotectine et l’activité histo- cité de 90 %. Ils possèdent une valeur logique. Compte tenu de ces éléments, prédictive positive de 88 % et une En cas de découverte d’une iléite la calprotectine fécale ne doit pas être valeur prédictive négative de 68 %. terminale pouvant correspondre à une négligée pour le diagnostic et le suivi Bien que non utilisés en pratique MC, la décision de débuter un traite- de la MC iléale. Des valeurs >250 mg/g clinique, d’autres anticorps ont été ment doit tenir compte de la clinique. sont hautement suggestives d’une MC. associés à la MC. Leur présence Chez un patient asymptomatique, De plus, une valeur seuil de 100 mg/g pourrait être associée à des formes l’histoire naturelle est rassurante. Très a été associée à la détection de lésions plus compliquées de la maladie. Une rares sont les patients qui évoluent en capsule endoscopique chez des étude a comparé l’expression de vers une MC. Dans ces conditions, patients avec suspicion clinique de divers marqueurs sérologiques (IgA il n’y a pas lieu d’instaurer un trai- MC mais présentant une endoscopie ASCA, IgG ASCA, pANCA, anti-OmpC, tement spécifique ni de prévoir une normale. La calprotectine fécale étant Anti-BIR) et génétique (NOD 2) entre surveillance particulière. La majorité non spécifique, d’autres causes d’iléite patients présentant une MC iléale des ulcérations disparaît d’ailleurs doivent être exclues, notamment une confirmée, une iléite terminale isolée spontanément. L’examen endosco- pathologie infectieuse ou la prise et des contrôles. Les patients porteurs pique doit être répété si le patient d’AINS. d’une iléite isolée présentaient des développait dans le futur des symp- taux de séropositivité similaires aux tômes digestifs compatibles avec une contrôles. En revanche, près d’un La capsule endoscopique est un maladie inflammatoire intestinale. quart des patients était porteur du examen de plus en plus proposé pour La découverte fortuite de lésions variant génétique NOD2. Le dosage le diagnostic et le suivi des MC du sévères iléales n’a pas été rapportée des ACSA permettrait donc d’orienter grêle. Des études ont démontré que dans la littérature chez le patient le diagnostic vers une iléite de Crohn pour le diagnostic de MC iléale isolée, asymptomatique. Elle est donc peu versus une iléite aspécifique sans l’iléo-coloscopie et la capsule endos- probable. Néanmoins, le cas échéant, potentiel évolutif. copique présentaient un rendement le diagnostic de MC doit être évoqué diagnostic similaire avec des taux et un suivi/traitement discutés au cas La calprotectine fécale est utilisée de détection de lésions iléales iden- par cas. régulièrement pour le suivi de patients tiques avec les 2 techniques dans cette présentant une maladie inflammatoire indication (15). Cet examen permet Chez un patient symptomatique chronique intestinale afin d’évaluer la également de mettre en évidence pour lequel les différents diagnostics réponse au traitement mais aussi afin des lésions plus haut situées non différentiels ont été écartés, une MC de prédire une rechute future chez les détectées en entéro-IRM. Il peut débutante est possible. Pour adapter patients en rémission clinique (14). donc être proposé comme examen au mieux les traitements et le suivi, il Elle est également utilisée à des fins complémentaire pour rechercher des convient d’identifier la proportion de diagnostiques pour discriminer une lésions jéjunales et conforter ainsi le ces malades qui n’évolueront pas vers maladie inflammatoire intestinale diagnostic de MC. des complications au fils du temps. En Tableau 2 Facteur prédictif Èvolution de la MC Maladie iléale Complications, chirurgie Maladie colique ou rectale Maladie périanale Tabagisme Rechutes, complications Ulcères coliques creusants Chirurgie Maladie sténosante ou fistulisante au dia Chirurgie, MC sévère Age
étude de population, seules 3 % des MC légères au diagnostic évoluent vers des symptômes sévères au fils du temps (Figure 2) (16). Une étude belge a montré que 50 % des patients gardaient une MC légère après 5 ans d’évolution. Au long cours cepen- dant, quasiment 90 % de ces patients présentaient des lésions tissulaires (sténoses, fistules intra-abdominales ou périanales) imposant une esca- lade thérapeutique (Figure 3) (17). Ces données proviennent de centres tertiaires et en pratique, le risque est probablement moindre. Dès lors, hormis en présence de lésions sévères et de complications, une prise en charge agressive n’est pas néces- saire d’emblée. De plus, le Groupe d’Étude Thérapeutique des Affections Inflammatoires du Tube Digestif (GETAID) a montré que l’introduction précoce des immunomodulateurs ne modifie pas l’histoire naturelle de la Figure 2 : Histoire naturelle de la maladie de Crohn maladie (18). Il convient avant tout Étude de population de réaliser un suivi clinique régulier et un dosage des biomarqueurs 2 à 3 fois par an (calprotectine et CRP) toxicités secondaires. Le budésonide plications transmurales un traitement qui témoigneraient d’une progression est supérieur à la mésalazine pour ciblé doit être débuté dans une philo- de la maladie. Des méta-analyses ont induire la rémission (20) et doit être le sophie « treat-to-target ». En d’autres démontré un bénéfice significatif traitement de choix en cas de lésions termes, la réévaluation de l’atteinte mais mineur de la mésalazine pour iléales peu sévères. Le bénéfice de la des objectifs doit être régulière et induire une réponse clinique et une mésalazine par rapport au placebo conduire à adaptation thérapeutique rémission dans la MC (19). Un traite- est controversé pour la prévention de secondaire si nécessaire. Un algo- ment court par budésonide (3 mois) rechute en cas de rémission induite rithme décisionnel est proposé peut également être proposé pour par corticoïde. Il n’est pas recom- (Figure 4). induire la rémission, mais il ne doit mandé en traitement d’entretien par pas être poursuivi au long cours vu le consensus ECCO (21). En cas de l’absence de bénéfice démontré et les lésions sévères, étendues et de com- Conclusions MICI La découverte fortuite d’une iléite isolée est une situation rencontrée de plus en plus fréquemment en raison d’iléoscopie plus systéma- tique et des hautes performances des techniques d’imagerie médicale et de la capsule endoscopique. Après l’exclusion des différents diagnostics différentiels, une MC débutante reste une étiologie possible. Son potentiel évolutif en MC avérée est faible chez le patient asymptomatique. Aucun suivi, ni aucun traitement ne doit être proposé en première intention. Le risque évolutif est plus impor- tant chez le patient symptomatique, notamment en cas de signe d’iléite chronique histologique, de calprotec- tine fécale élevée et d’atteinte trans- murale. Un suivi clinique régulier doit être proposé et le choix du traitement doit être discuté au cas par cas. Figure 2 : Histoire naturelle d’une maladie de Crohn légère au diagnostic. Survie sans complication et sans recours aux imunosuppresseurs/biologiques 229
9. Chang HS, Lee D, Kim JC, Song HK, Lee HJ, 16. Solberg IC, Vatn MH, Høie O, Stray N, Références Chung EJ, et al. Isolated terminal ileal ulcerations in asymptomatic individuals: Sauar J, Jahnsen J, et al. IBSEN Study Group. Clinical course in Crohn’s disease: natural course and clinical significance. results of a Norwegian population-based 1. Rutgeerts P, Geboes K, Vantrappen G, Gastrointest Endosc 2010;72:1226-32. ten-year follow-up study. Clin Gastroen- et al. Natural history of recurrent terol Hepatol 2007;5:1430-8. 10. Tse CS, Deepak P, Smyrk TC, Raffals LE. Crohn’sdisease at the ileocolonic Isolated acute terminal ileitis without 17. Reenaers C, Pirard C, Vankemseke C, anastomosis after curative surgery Gut, preexisting inflammatory bowel disease Latour P, Belaiche J, Louis E. Long-term 25 (1984), pp. 665-672. rarely progresses to Crohn’s disease. Dig evolution and predictive factors of mild 2. Allez M, Lémann M. Role of endoscopy in Dis Sci 2017;62:3557-62. inflammatory bowel disease. Scand J predicting the disease course in inflam- Gastroenterol 2016;51:712-9. matory bowel disease. World J Gastro- 11. Courville EL, Siegel CA, Vay T, Wilcox AR, Suriawinata AA, Srivastava A. Isolated 18. Cosnes J, Bourrier A, Laharie D, Nahon S, enterol. 2010 Jun 7;16(21):2626-32. Bouhnik Y, Carbonnel F, et al. Groupe asymptomatic ileitis does not progress 3. Pinto Pais T, Fernandes S, Fernandes C, to overt Crohn disease on long-term d’Etude Thérapeutique des Affections Ribeiro I, Carvalho J. Terminal ileitis follow-up despite features of chronicity Inflammatoires du Tube Digestif (GETAID). found upon imaging: is it always Crohn’s in ileal biopsies. Am J Surg Pathol Early administration of azathioprine vs disease? Clin Gastroenterol Hepatol 2003 2009;33:1341-7. conventional management of Crohn’s May;1(3):160-9. Disease: a randomized controlled trial. 12. Abu Baker F, Z’cruz De La Garza JA, Gastroenterology 2013;145:758-65. 4. Lengeling RW, Mitros FA, Brennan JA, Nafrin S, Mari A, Suki M, Ovadia B, et al. Schulze KS. Ulcerative ileitis encountered 19. Ford AC, Kane SV, Khan KJ, Achkar JP, Can microscopic ileitis in patients with at ileo-colonoscopy: likely role of nonste- Talley NJ, Marshall JK, et al. Efficacy of clinically suspected inflammatory bowel roidal agents. Clin Gastroenterol Hepatol 5-aminosalicylates in Crohn’s disease: disease predict the future? BMC Gastro- 2003;1:160-9. systematic review and meta-analysis. Am enterol 2020;20:52. J Gastroenterol 2011;106:617-29. 5. Dilauro S, Crum-Cianflone NF. Ileitis: when 13. Papp M, Norman GL, Altorjay I, it is not Crohn’s disease. Curr Gastroen- 20. Lémann M, Galian A, Rutgeerts P, Lakatos PL. Utility of serological markers Van Heuverzwijn R, Cortot A, Viteau JM, terol Rep 2010. in inflammatory bowel diseases: gadget et al. Comparison of budesonide 6. Seksik 2019;26:761-6. P. Premier épisode or magic? World J Gastroenterol and 5-aminosalicylic acid enemas in d’iléite aiguë. Hépato-Gastro et 2007;13:2028-36. active distal ulcerative colitis. Aliment Oncologie Digestive. Pharmacol Ther 1995;9:557-62. 14. Reenaers C, Bossuyt P, Hindryckx P, 7. M ielants H, Veys EM, Cuvelier C, Vanpoucke H, Cremer A, Baert F. Expert 21. Torres J, et al. ECCO Guidelines on Thera- De Vos M, Goemaere S, De Clercq L, opinion for use of faecal calprotectin peutics in Crohn’s Disease: Medical et al. The evolution of spondyloar- in diagnosis and monitoring of inflam- Treatment. J Crohns Colitis. 2020 Jan thropathies in relation to gut histology. matory bowel disease in daily clinical 1;14(1):4-22. III. Relation between gut and joint. J practice. United European Gastroenterol Rheumatol. 1995 Dec;22(12):2279-84. J 2018;6:1117-25. 8. S male S, T ibble J, Sigthorsson G, 15. Lee HS, Lim YJ, Shim KN, Moon CM, Bjarnason I. Epidemiology and differ- Song HJ, Kim JO, et al. Korean Gut ential diagnosis of NSAID-induced injury Image Study Group. Diagnostic value to the mucosa of the small intestine. of small bowel capsule endoscopy in Best Pract Res Clin Gastroenterol 2001 isolated ileitis: A CAPENTRY Study. Dig Dis Oct;15(5):723-38. Sci 2017;62:180-7. 230
5 Les cinq points forts ● L’iléite fortuite se définit par sa découverte imprévue chez un patient asymptomatique ou avec des symptômes non évocateurs. ● L’iléite toxique secondaire à la prise d’AINS est la cause princi- pale d’iléite de découverte fortuite. Elle se résout généralement à l’arrêt de ceux-ci. ● En cas de découverte fortuite d’une iléite isolée, des ASCA positifs, une calprotectine supérieure à 250 microg/g et des signes histologiques de chronicité sont associés à un risque plus élevé d’évolution vers une maladie de Crohn avérée. ● Une iléite de découverte fortuite chez un patient asymptomatique progresse très rarement vers une maladie de Crohn. En l’absence de lésions sévères et de facteurs pronostics péjoratifs associés, aucune surveillance ni aucun traitement n’est préconisé. ● Une iléite de découverte fortuite endoscopique chez un patient pauci-symptomatique évolue plus fréquemment vers une maladie de Crohn. Un examen morphologique par entéro-IRM/scanner est souhaitable. En l’absence de lésion sévère, un traitement court par budésonide peut être proposé tandis que la présence de lésions sévères (creusantes ou étendues) nécessite une prise en charge plus pro-active, à discuter au cas par cas. MICI 231
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